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LA RESPONSABILITE PENALE LA RESPONSABILITE PENALE LA RESPONSABILITE PENALE LA RESPONSABILITE PENALE AVANT-PROPOS Une citation m’a toujours fait songer à la question de la responsabilité pénale : ... « C’est plus qu’un crime, c’est une faute ! » Belle phrase - un mot d’auteur traditionnellement attribué à Talleyrand. Une phrase jouant avec un paradoxe : plus qu’un crime, une faute... Quoi, une faute serait pire qu’un crime, un crime moindre qu’une faute ? Moins grave ? Je préfère pourtant être accusé d’une faute de goût, de couleur ou de syntaxe, que d’un meurtre ou d’un viol... Une faute peut être vénielle. Un crime, jamais... Le crime reste la plus grave des infractions pénales. Cette phrase s’éclaire cependant d’un tout autre jour si l’on en explicite le contexte : l’exécution du Duc d’Enghien... Un brin d’histoire... Ce Duc d’Enghien, Bourbon par son père et d’Orléans par sa mère, noble de haute lignée – avec rang de prince, je crois -, avait

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LA RESPONSABILITE PENALELA RESPONSABILITE PENALELA RESPONSABILITE PENALELA RESPONSABILITE PENALE

AVANT-PROPOS

Une citation m’a toujours fait songer à la question de la responsabilité

pénale :

... « C’est plus qu’un crime, c’est une faute ! »

Belle phrase - un mot d’auteur traditionnellement attribué à

Talleyrand. Une phrase jouant avec un paradoxe : plus qu’un crime,

une faute... Quoi, une faute serait pire qu’un crime, un crime moindre

qu’une faute ? Moins grave ? Je préfère pourtant être accusé d’une

faute de goût, de couleur ou de syntaxe, que d’un meurtre ou d’un

viol... Une faute peut être vénielle. Un crime, jamais... Le crime reste

la plus grave des infractions pénales.

Cette phrase s’éclaire cependant d’un tout autre jour si l’on en

explicite le contexte : l’exécution du Duc d’Enghien... Un brin

d’histoire... Ce Duc d’Enghien, Bourbon par son père et d’Orléans par

sa mère, noble de haute lignée – avec rang de prince, je crois -, avait

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certes un peu combattu la France révolutionnaire, à son début – en

1791 ou 1793, histoire de défendre son sang, sa famille. Mais il s’était,

depuis, rangé... Retiré sur les bords du Rhin - sur la rive allemande –

où il se livrait exclusivement à ses deux passions : sa femme, qu’il

adorait paraît-il, et la chasse, art dans lequel il excellait. Mais

Napoléon -enfin, Bonaparte, alors premier consul et sous lequel

perçait déjà Napoléon – éprouvait un furieux besoin (politique)

d’occire un Bourbon ; en passer un par les armes lui eût permis

d’impressionner les émigrés, et de leur ficher une peur bleue.

Bonaparte utilisa alors une rumeur courant faussement – selon

laquelle le Duc d’Enghien rejoignait parfois Paris, en catimini – qu’il

conjugua avec une autre rumeur – des conspirateurs vendéens

attendaient le feu vert d’un noble de haut rang pour passer à l’acte

(cette rumeur-ci était peut-être vraie, mais les conjurés n’attendaient

assurément pas le Duc d’Enghien). Fort de cette chimère déguisée en

soupçon, Bonaparte envoya ses troupes interpeller illégalement le Duc,

de l’autre côté de la frontière, sans déclaration de guerre préalable. Les

soldats le capturèrent, perquisitionnèrent son refuge (sans dénicher,

d’ailleurs, aucun indice de culpabilité : pas plus de visites clandestines

à Paris que de traces de participation à un complot), et le traînèrent

devant un tribunal fantoche, composé d’officiers à la solde du premier

consul, qui condamnèrent expéditivement ce pauvre Duc d’Enghien,

exécuté à trois heures du matin dans le bois de Vincennes, dit on...

Triste sort, qui fit passer Bonaparte pour un triste sire.

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Et la phrase de Talleyrand se comprend mieux.

En effet, Bonaparte pouvait se permettre le crime d’exécuter un

innocent après avoir travesti la vérité : il était premier consul, soit

l’autorité suprême d’un régime suprêmement autoritaire... Qui aurait

pu lui reprocher un crime ? Quel tribunal aurait osé ? En revanche,

l’exécution du Duc constituait évidemment une faute, à bien des

égards : une faute devant l’opinion publique, puisqu’une offense faite

à un innocent. Une lourde injustice. Une faute face à ses adversaires,

les nobles émigrés - parce qu’à frapper trop fort ses ennemis, on finit

par leur donner une excellente raison de vous haïr. Une faute devant le

tribunal de l’histoire, enfin... Ce qu’à l’inverse d’un crime, même

Bonaparte ne pouvait se permettre...

Voilà comment une faute devient « plus qu’un crime ».

Eh bien figurez-vous qu’il en va de même dans la locution

« responsabilité pénale » ; où, finalement, le mot important est

« responsabilité » - et non « pénale », simple adjectif.

« Responsabilité » qui vient du latin respondere, « répondre », pris au

sens de « répondre d’une faute »... ( Vous m’en répondrez, Monsieur,

au champ d’honneur, en présence de vos témoins, comme on lance

dans les romans de cape et d’épée...) Voilà le sens de

« responsabilité » tel qu’il dérive du participe passé du verbe

respondere. Le principe de toute responsabilité peut dès lors s’énoncer

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comme suit : le devoir humain de répondre d’une faute devant les

autres humains... Qu’elle soit pénale, à l’instar d’un crime, demeure

secondaire... En droit commun – et à la différence du droit

administratif - c’est bien la faute qui engage la responsabilité, et, pour

paraphraser un célèbre raisonnement sartrien (et hégélien) à propos de

la conscience, l’on pourrait avancer qu’en droit, on est toujours

responsable de quelque chose... Reste à savoir de quoi. Et pourquoi !

... Vrai, au fond, pourquoi diable est-on responsable de ses fautes ?

Lorsque les philosophes du droit s’interrogèrent sur les sources de la

responsabilité pénale, ils en arrivèrent à des conclusions distinctes.

Deux écoles s’affrontèrent : celle dite « utilitariste », et la doctrine dite

« rétributive » ; je confesse tout de suite que la première a ma

préférence. L’école « utilitariste » a pour défenseur Jérémy Bentham,

alors que le représentant le plus éminent de la « rétributive » est

Emmanuel Kant... Mais pourquoi m’avançais-je si vite en faveur de

Jérémy Bentham et des utilitaristes ? D’abord, parce que l’on a le droit

de trouver l’Anglais Bentham plus sympathique que l’Allemand

Kant... Les deux avaient pour point commun de mener des existences

recluses, vouées à l’écriture d’œuvres immenses – ils furent d’ailleurs

très lus... Mais, tandis que Kant constitua un parangon de penseur

austère, sûr de ses systèmes de raisonnement, Jérémy Bentham fut un

juriste (comme vous et moi), très tôt déçu par l’étude du droit – il

jugeait les lois tellement perfectibles... que carrément indignes

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d’intérêt. Il consacra d’ailleurs tout le reste de sa vie à la découverte

de lois meilleures, élaborant et peaufinant sans cesse une sorte de

méthodologie adressée aux législateurs, une méthodologie ayant

vocation à leur permettre d’édicter « la loi parfaite »... Pour lui, le

fondement de la « responsabilité pénale » tenait dans l’utilité de la

menace de la punition. La responsabilité pénale n’était qu’un

mécanisme destiné à empêcher crimes et délits par la force de

dissuasion – « je m’abstiens d’un crime car j’éprouve la crainte d’être

puni »... Cette fameuse « peur du gendarme », début de la sagesse,

affirme-t-on... De la sagesse populaire. Car, en fin lecteur de Beccaria,

Jérémy Bentham était persuadé que les lois devaient tendre à un idéal

ainsi formulé : « le plus grand bonheur du plus grand nombre ». En

cherchant à pondre des lois obéissant à cet axiome (du plus grand

bonheur possible pour le plus grand nombre possible – l’adjectif

possible étant ici évidemment elliptique), seul principe directeur

valable pour un législateur éclairé, selon lui, on obtenait l’édification

de principes tels que « la responsabilité pénale », pragmatiquement

conçue pour assurer le bonheur du grand nombre, en réfrénant

efficacement les pulsions de quelques uns... La punition effective –

lorsqu’elle était prononcée - n’étant que le moyen de maintenir du

crédit à la dissuasion.

L’utilitarisme portait donc un message clair - la responsabilité pénale

pouvait, comme toutes les normes, se résumer à son utilité sociale :

assurer la sûreté, la sécurité publique, par la menace. Simple

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construction intellectuelle, elle s’améliorait si l’on gardait en tête

l’utilité supérieure de toute loi : assurer le plus grand bonheur au plus

grand nombre.

En revanche, les partisans de la doctrine rétributive tenaient « la

responsabilité pénale » en plus haute estime. Ils soutenaient

l’autonomie d’un principe de responsabilité : nul ne se trouve

pénalement responsable parce qu’il est opportun de le contraindre par

la menace puis le sanctionner ; mais plutôt : on est le sujet approprié

d’une sanction parce qu’on a commis un acte illicite. Il existait donc

des lois immanentes dont la violation réclamait sanction, quelles que

fussent les formes et les principes du gouvernement en place, et là

résidait le véritable fondement de l’existence d’une responsabilité

pénale.

Expliquons un brin.

... Exemple concret des joyeusetés de l’esprit de Kant : l’allégorie de

l’île engloutie. En voici le contenu : une île sur laquelle prospère une

civilisation est sur le point d’être avalée par les flots – et sa

civilisation bientôt détruite, comme l’Atlantide. La population, ayant

fait son deuil de ses lieux comme ses modes de vie, de ses us comme

de ses coutumes, s’apprête à fuir, et abandonner l’île. Las, subsiste

dans une geôle un condamné à mort, pour un crime ancien. La

question devient alors : faut-il laisser le malheureux fuir comme les

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autres – et tenter de traverser les océans pour se fondre dans d’autres

civilisations ? Ou faut-il l’exécuter (lors même que la civilisation qui

l’a puni s’éteint) ? Réponse de Kant : l’on doit indubitablement

exécuter le pauvre hère, parce qu’il existe une loi immanente,

transcendantale, intemporelle, qui préexistait et survivra à cette

civilisation, une sorte de loi naturelle - cette doctrine recourt

volontiers à cette notion de « loi naturelle » - s’imposant en dehors des

contingences de civilisation, en bref... Une loi sacrée, du genre : tu ne

tueras point, en l’espèce.

Pour ceux-là, la responsabilité pénale tient donc d’un principe

supérieur, une « loi naturelle » devant s’imposer transversalement à

toutes les contrées, tous les régimes politiques ; à cet égard, il est

significatif que l’on retrouve l’expression « loi naturelle » dans le

préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme et du

citoyen de 1789 (non loin de la mention de « l’être suprême ») : cette

doctrine rétributive procède bien d’une divinisation de l’homme et

donc, d’une sacralisation de la loi... Bentham, pour sa part, écrivit à

propos des lois naturelles qu’elles étaient « des absurdités montées sur

des échasses ». Il écrivit surtout, en utilitariste, que les droits

inaliénables dont parlaient les rédacteurs de la déclaration universelle

(tels que : tous les hommes naissent libres et égaux en droit) existaient

parce qu’il y avait une excellente raison de les proclamer – une utilité

sociale – mais que « la cause n’était pas la loi ».

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Vous aurez compris que le rationalisme des utilitaristes (qui

préfigurent le positivisme, le scientisme) me rassure, en comparaison

de la sacralisation rétributive ; il est néanmoins une famille de pensée

qui réconcilie les deux doctrines, ou plutôt fournit une justification à

la « responsabilité pénale » sans contrarier aucun des deux courants :

la thèse du libre-arbitre. Une thèse voltairienne autant que luthérienne,

une idée séduisante, selon laquelle c’est parce que l’homme dispose

de son libre-arbitre (sa liberté de choix et d’action) qu’existe, en

compensation, une responsabilité pénale, soit la faculté pour le corps

social de sanctionner ses mauvais choix d’individu. Certes. Je ne nie

pas non plus qu’en divinisant l’être humain, les tenants de la doctrine

rétributive ont fait progresser l’humanisme – et sa vision occidentale

du bonheur, de la liberté, etc.

Il n’en reste pas moins que l’utilitarisme conserve à mes yeux une

essentielle vertu : rappeler que toute loi n’est qu’une construction

intellectuelle, artificielle, une trituration de concepts à la poursuite

d’un but, une utilité... Et c’est un peu là que je voulais vous entraîner.

Voilà une vérité fondamentale de juriste ; car, comment penser

autrement ? Le droit est assurément un artifice, et la preuve en est que

quand le professeur de droit expose un principe directeur, fondamental

(une loi naturelle, en somme, justifiant les lois, décrets et règlements

en vigueur), il doit ensuite s’échiner à en expliquer les innombrables

inflexions... Et le chapitre intitulé « les exceptions à ce principe »

s’avère toujours plus long que le précédent, et empli de considérations

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embarrassées, de tripotages conceptuels, de manipulations

sémantiques pour tenter de conserver un soi-disant fil directeur à ce

qui n’est qu’une navigation à vue. Mon cours vérifiera cet axiome.

Et pas plus tard que tout de suite !

1 LE PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA RESPONSABILITE

PENALE

Il a pour nom « le principe de responsabilité personnelle ». Il signifie,

en clair, que l’on ne peut être poursuivi qu’à la stricte condition

d’avoir personnellement participé à la commission d’une infraction. Il

s’accompagne de son frère de lait : la « personnalisation des peines »,

locution signifiant qu’on est punissable qu’à raison de sa participation

personnelle à l’infraction... Et que l’on doit en conséquence subir

personnellement la peine infligée.

1.1 : Quelques mots sur ce principe de « personnalisation des

peines », corolaire du premier.

Originellement, il nous faut l’entendre comme l’obligation de subir

dans sa propre chair (pour une peine afflictive ou infâmante, comme

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dit le code pénal), ou dans son propre portefeuille (pour une amende)

la condamnation prononcée. Il conserve ce sens : aujourd’hui encore,

il n’appartient pas à l’organe de presse, personne morale, de payer

l’amende infligée au journaliste et /ou au directeur de publication,

personnes physiques, pour un délit de diffamation, par exemple.

Ce principe s’est cependant enrichi, au fil du temps, d’un sens

complémentaire, qu’il faut ici développer pour éviter toute confusion...

Dans l’immédiate après-guerre – l’après deuxième guerre mondiale,

dans les années 48 à 54 précisément – le principe de personnalisation

de la peine s’est vu renforcé par l’effet d’un courant de pensée appelé

doctrine de défense sociale nouvelle. La doctrine primitive, dite de

défense sociale, prônait juste que toute politique pénale devait

poursuivre un but de défense de la société (le crime, défini par Emile

Durkheim comme l’acte froissant durablement la conscience

commune, entraînant nécessairement réparation de l’offense collective,

par le châtiment du criminel, et lui seul, en rétribution). La défense

sociale nouvelle, dont l’un des fervents théoriciens – et praticien

d’ailleurs, puisqu’il était magistrat – fut Marc Ancel, ajouta que, pour

défendre valablement le corps social, notamment de la récidive, le

juge devait adapter la peine, à l’instar d’un tailleur, comme un

costume aux mesures du condamné ; il signifiait par là que la peine

devait être curative aussi bien que répressive. Ce courant d’idées,

favorisé par l’émergence, dans l’immédiate après-guerre d’une classe

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politique issu du creuset de la résistance et ayant tâté des geôles de

Vichy – par conséquent ouverte à cette notion que traiter les

prisonniers comme des chiens n’était pas la meilleure voie pour les

réinsérer parmi les hommes – eut d’importantes conséquences

historico-judiciaires : les services d’application des peines, les comités

de probation et d’assistance aux libérés, les sursis avec mise à

l’épreuve, les suivis socio-judiciaires, sont autant de fruits de cet arbre

là ; cette forêt, plutôt : cette batterie de juges spécialisés, d’éducateurs,

de psychologues employant, sous le contrôle de la justice, ce que le

magistrat et sociologue Jean de Maillard nomme toute une technologie

de redressement des déviants...

S’est donc produit, au fil du temps, un enrichissement sémantique de

la locution « personnalisation des peines » ; d’obligation de subir

personnellement la sanction prononcée - ce qui est toujours le cas -

elle désigne, en outre, un effort sociétal pour réinsérer tout condamné,

en un bataillon impressionnant de mesures...

1.2 Revenons au principe fondamental de la responsabilité pénale..

Aujourd’hui proclamé par l’article L 121-1 du code pénal :

« Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait ».

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Il est à noter que cet article, inséré dans le nouveau code pénal entré

en vigueur en 1994, date, dans sa mouture définitive, de 1993.

Toutefois, la jurisprudence l’affirmant initialement, par la voix de la

chambre criminelle de la Cour de Cassation, date du 16 Décembre

1948, sous cette forme :

« La responsabilité pénale ne peut résulter que d’un fait personnel ».

Ou, en 1956 :

« Nul n’est punissable qu’à raison d’un fait personnel ».

Remarquons au passage que ces jurisprudences de 1948 et 1956 sont

contemporaines de la doctrine de défense sociale nouvelle : le livre

phare de Marc Ancel sort en 1954... Notons aussi au passage les

torsions syntaxiques de la Cour de Cassation pour dire et redire ce que,

finalement, l’article L 121-1 inscrira mieux dans les tablettes – sous

une forme plus stendhalienne, plus affûtée : nul n’est pénalement

responsable que de son propre fait, phrase remarquable de concision,

et qui contient quelques pirouettes de construction, une double

négation valant affirmation, notamment, tout en restant aisément

compréhensible, ce qui constitue un bel exploit de rédaction. Dans le

même ordre d’idée, le Conseil Constitutionnel tirera de la lecture

combinée des articles 8 et 9 de la déclaration universelle des droits de

l’homme et du citoyen cette conclusion que :

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« Nul n’est punissable que de son propre fait ».

... Soit une quatrième façon de proclamer ce même credo... Sans oser

insister sur le propos introductif – le droit perçu comme une pure

construction intellectuelle à visée utilitaire -, force est de constater à

quel point les juristes méritent le titre de champions syntaxiques. Mais,

s’ils sentaient l’ironie de cette dernière remarque, nombre de ces

juristes orthodoxes objecteraient que je suis simplement en train de

découvrir une notion bien connue d’eux – puisqu’ils en sont les

inventeurs : le principe général du droit. Pastichons : situé, dans la

hiérarchie des normes (autre pierre angulaire conceptuelle du droit

moderne), entre la constitution et la loi, ces principes généraux ont

souvent pour caractéristique d’être d’abord des constructions

prétoriennes, soient des décisions jurisprudentielles, sources de droit

au même titre que la coutume, par exemple, pour ensuite passer en

force de loi, en l’espèce par le truchement de l’article L 121-1 du

nouveau code pénal. Encore une manière de mettre en mots, un peu

comme on met en musique, un jeu rhétorique maîtrisé à la perfection

au bout de deux cents ans de pratique : traduire en phrases des

concepts utiles. Glissons.

Car ces juristes orthodoxes avanceraient surtout, et à fort juste raison,

que, comme tout principe général du droit qui se respecte, la

responsabilité pénale obligatoirement personnelle s’est imposée, avant

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même d’entrer sous forme d’article dans le code pénal, par une très

ferme jurisprudence : par exemple, si une société ayant commis des

infractions est absorbée par une autre, avant que les poursuites soient

engagées ou aient abouties, il ne saurait y avoir condamnation de la

nouvelle entité puisqu’on serait bien en peine de reprocher une

quelconque faute à celle-ci (Crim, 20 Juin 2000, Bull crim n°237 ;

jurisprudence confirmée ultérieurement : Crim, 14 Octobre 2003, Bull

crim n° 189).

Dans le même ordre d’idée, il a été jugé qu’une décision prise par

l’organe collégial d’une commune ne peut être imputée à ceux des

conseillers municipaux ayant exprimé un vote favorable, car la

décision litigieuse est censée émaner de la commune, personne morale,

et non de ses membres, en vertu de la règle que « nul n’est responsable

que de son propre fait ». (Crim, 19 Novembre 2003, Droit pénal 2004,

comm n°32).

Règle, donc, fortement assenée... Sinon que... Voici déjà que pointent

quelques infléchissements à son application. Etudions-les (2), avant

d’en examiner les exceptions (3)...

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2 LES INFLECHISSEMENTS AU PRINCIPE DE

RESPONSABILITE PENALE PERSONNELLE.

Tout d’abord, ensuite des évènements de 1968 et du développement

en France d’un mouvement nommé « la gauche prolétarienne » dont

les ardeurs à manifester inspirèrent quelques craintes au pouvoir en

place – qui d’ailleurs, a dissous ce mouvement en Avril 1971 – fut

votée, en 1970, à l’initiative du ministre de l’intérieur d’alors, René

Pléven, une « loi anticasseurs » qui choqua les juristes attachés au

principe proclamé par l’article L 121-1 du code pénal. Cette loi, en

effet, proposait le prononcé d’une sanction collective contre tous ceux

convaincus d’avoir participé à une manifestation au cours de laquelle

des exactions (dégradation du bien d’autrui, violences volontaires)

avaient été commises. Cette loi, en prônant plus d’efficacité dans la

répression des actions séditieuses, s’asseyait allègrement sur le

principe de personnalité de la responsabilité pénale, puisque le juge,

pour condamner, n’avait plus besoin de démontrer votre faute – votre

participation active aux méfaits – mais se bornait à constater votre

simple participation, même passive – le simple fait « d’en être »...

Voilà qui rappelle ces « punitions collectives » dont les instituteurs

abusaient et abusent encore... Ah, le sentiment d’injustice d’être puni

pour ce qu’un autre a fait, uniquement « parce qu’il ne se dénonce

pas »... Peu importe : cette loi fut abrogée par Robert Badinter en 1981.

La gauche, enfin aux manettes de l’appareil législatif, ne se cacha

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d’ailleurs pas d’anéantir ce texte au motif pris de sa non-conformité au

principe général de personnalité de la responsabilité pénale. Tout de

même, onze années d’infléchissement du principe, ce n’est pas rien.

Surtout, notre droit admet encore de sérieuses entorses à la mécanique

imposée au juge pénal par l’article 121-1 : rechercher la démonstration

d’une faute commise par (et pesant sur) celui qui est puni. En

instaurant des présomptions de responsabilité, soit des automatismes

de répression, en quelques matières : le code de la route qui, en son

article L 121-2, dispose qu’est « responsable pécuniairement » des

infractions à la règlementation sur le stationnement des véhicules ou à

celle relative à l’acquittement des péages « le titulaire de la carte

grise ». Puis, en son article L 121-3 : est « redevable pécuniairement

de l’amende encourue » « le titulaire de la carte grise » s’agissant de

la violation des règlements sur la vitesse maximale autorisée, les

signalisations imposant l’arrêt (stop), le respect des distances de

sécurité et l’usage des voies réservées (bus et taxis).

Le lobby des automobiles clubs réussit à saisir ou faire saisir les plus

hautes juridictions en contestation de la conformité de ces

« présomptions de responsabilité » à la constitution (saisine du conseil

constitutionnel) ou à la convention européenne des droits de l’homme

(saisine de la cour européenne des droits de l’homme). Ces deux

juridictions ont validé ces « présomptions de responsabilité » en des

formulations telles que « de tels infléchissements au principe de

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responsabilité pénale du fait personnel » sont admises lorsque « sont

préservés les droits de la défense », notamment, et tel est bien le cas :

après tout, avec ces mécanismes, on est présumé coupable (redevable

pécuniairement), mais on peut combattre cet automatisme en

contestant par tout moyen devant les juridictions ad hoc.

Citons enfin, comme infléchissement au principe directeur, le code

des douanes, établissant une présomption de délit de contrebande en

l’absence de documents justificatifs lors d’un passage de

marchandises à la frontière.

Toutefois, la véritable exception au principe de personnalité de la

responsabilité pénale reste à étudier : elle tient au sort fait, en droit

pénal français, au chef d’entreprise.

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3 L’EXCEPTION MAJEURE AU PRINCIPE DE

RESPONSABILITE PENALE PERSONNELLE : LA

RESPONSABILITE PENALE DU CHEF D’ENTREPRISE.

Les juristes, je l’ai dit, sont des champions syntaxiques. Ils ne

parviendront cependant jamais à nous convaincre que la loi, et la

jurisprudence, respectent le principe posé par l’article L 121-1 précité

du code pénal... Souffrez un vécu d’ex. magistrat : lorsque, dans un

dossier de tribunal de police, je tombais sur un extrait de casier

judiciaire lourd de onze, douze condamnations (ou plus), je

pressentais infailliblement la profession du prévenu : patron d’une

entreprise de transport, immanquablement. Et, comme me l’a confié

un jour, en manière de plaisanterie, un chef d’entreprise : un jour,

nous inscrirons nos condamnations pénales sur nos cartes de visite

professionnelles, car ça prouvera notre ancienneté dans les affaires, et

l’étendue de notre expérience !

En effet, tant la loi (3.1) que la jurisprudence (3.2) admettent qu’il

existe bien un mécanisme de responsabilité pénale « du fait d’autrui » :

celle du chef d’entreprise, précisément.

3.1 La « responsabilité pénale du fait d’autrui » prévue par les

textes répressifs :

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Dans de nombreux domaines d’activité, la loi prévoit expressément,

dans les corps du texte même, la responsabilité pénale du chef

d’entreprise, quelle que soit la personne ayant effectivement commis

l’infraction, dans ses éléments légaux, matériels et moraux. Florilège :

... En matière d’hygiène et de sécurité au travail (notamment le délit

d’entrave au fonctionnement du CHSCT) :

Article L263-2 du code du travail

Les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou préposés qui, par leur faute

personnelle, ont enfreint les dispositions des chapitres 1er, II et III du titre III du

présent livre ainsi que les autres personnes qui, par leur faute personnelle, ont

enfreint les dispositions des articles L. 231-6, L. 231-7, L. 231-7-1, L. 232-2,

L. 233-5, L. 233-5-1, II, L. 233-5-3 et L. 233-7 dudit livre et des décrets en

Conseil d'Etat pris pour leur exécution sont punis d'une amende de 3750 euros.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise

concernés par la ou les infractions relevées dans le procès-verbal visé aux

articles L. 611-10 et L. 611-13.

... En matière de sécurité sociale (non paiement des cotisations) :

Article R244-4 du code de la sécurité sociale :

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L'employeur ou le travailleur indépendant qui ne s'est pas conformé aux

prescriptions de la législation de sécurité sociale est passible de l'amende prévue

pour les contraventions de la 3e classe prononcée par le tribunal sans préjudice

de la condamnation par le même jugement et à la requête du ministère public ou

de la partie civile au paiement de la somme représentant les contributions dont le

versement lui incombait, ainsi qu'au paiement des majorations de retard.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de personnes employées dans des

conditions contraires aux prescriptions relatives à l'immatriculation et au

paiement des cotisations de sécurité sociale sans que le total des amendes puisse

dépasser 1 500 euros.

... En matière de publicité mensongère :

Art. L 121-5 du code de la consommation

L'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable, à

titre principal, de l'infraction commise. Si le contrevenant est une personne

morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants. La complicité est punissable

dans les conditions de droit commun.

Le délit est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue ou perçue en

France.

... En matière de construction sans permis :

Article L 480-4 du code de l’urbanisme :

L'exécution de travaux ou l'utilisation du sol en méconnaissance des obligations

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imposées par les titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre, par les règlements

pris pour son application ou par les autorisations délivrées en conformité avec

leurs dispositions, exception faite des infractions relatives à l'affichage des

permis de construire, est punie d'une amende (...)

Les peines prévues à l'alinéa précédent peuvent être prononcées contre les

utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les

entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux.

... En matière de protection de l’environnement (et plus précisément

d’élimination de déchets) :

Article L541-48

L'article L. 541-46 est applicable à tous ceux qui, chargés à un titre quelconque

de la direction, de la gestion ou de l'administration de toute entreprise ou

établissement, ont sciemment laissé méconnaître par toute personne relevant de

leur autorité ou de leur contrôle les dispositions mentionnées audit article.

... En matière d’abus de biens sociaux :

Article L241-3 du code pénal

Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros :

1° Le fait, pour toute personne, de faire attribuer frauduleusement à un apport en

nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ;

2° Le fait, pour les gérants, d'opérer entre les associés la répartition de

dividendes fictifs, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaires

frauduleux ;

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3° Le fait, pour les gérants, même en l'absence de toute distribution de

dividendes, de présenter aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour

chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la

situation financière et du patrimoine à l'expiration de cette période en vue de

dissimuler la véritable situation de la société ;

4° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de

la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins

personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils

sont intéressés directement ou indirectement ;

5° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils

possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent

contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une

autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement

ou indirectement.

La liste n’est pas exhaustive, et tend à s’étendre : avec l’inflation du

droit pénal que nous constatons ces dernières années (pas de nouvelle

législation sur un point donné sans qu’elle ne s’accompagne « d’un

volet de disposition pénale »). Remarquons d’emblée que le

législateur est parfois extrêmement précis en désignant le chef

d’entreprise (annonceur, gérant), parfois moins - « employeur,

dirigeant de droit, de fait, personne en charge de la direction »... En

réalité, le chef d’entreprise s’exposant à voir engagé sa responsabilité

pénale est la personne exerçant effectivement le pouvoir de gestion

et de direction de l’entreprise. Soit, en jurisprudence, au gré des

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situations précises, le « vrai patron », pouvant suivant les cas revêtir

diverses appellations :

le gérant pour une SARL,

le président du conseil d’administration d’une SA,

le président du directoire d’une SA,

les directeurs généraux d’une SA - disposant des mêmes pouvoirs que

le président à l’égard des tiers –

le président d’une association

les dirigeants de fait,

le président du conseil d’administration d’une coopérative agricole,

etc.

Quelquefois, la loi établit une gradation, c’est à dire une responsabilité

pénale en cascade. Observons la loi sur la presse, ou celle sur les sites

diffusant de l’information par voie électronique :

Article 42 de la loi sur la presse de 1881 :

Seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la

répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l'ordre ci-

après, savoir :

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1° Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs

professions ou leurs dénominations, et, dans les cas prévus au deuxième alinéa

de l'article 6, de les codirecteurs de la publication ;

2° A leur défaut, les auteurs ;

3° A défaut des auteurs, les imprimeurs ;

4° A défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.

Dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article 6, la responsabilité

subsidiaire des personnes visées aux paragraphes 2°, 3° et 4° du présent article

joue comme s'il n'y avait pas de directeur de la publication, lorsque,

contrairement aux dispositions de la présente loi, un codirecteur de la

publication n'a pas été désigné.

Dans ce dernier cas (ci-dessus), le principe de « personnalité de la

responsabilité pénale » est sérieusement écorné puisque, en somme,

c’est la loi qui choisit le responsable, et non la question « qui a

commis le délit » ? Même mécanisme en matière de diffusion

électronique de l’information :

Article 93-2 de la loi du 29 Juillet 1982 :

Tout service de communication audiovisuelle est tenu d'avoir un directeur

de la publication.

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Lorsque le directeur de la publication jouit de l'immunité parlementaire dans les

conditions

prévues par l'article 26 de la Constitution et par les articles 9 et 10 du protocole

du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes, il

désigne un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne

bénéficiant pas de l'immunité parlementaire et, lorsque le service de

communication est assuré par une personne morale, parmi les membres de

l'association, du conseil d'administration, du directoire ou les gérants suivant la

forme de ladite personne morale.

Le codirecteur de la publication doit être nommé dans le délai d'un mois à

compter de la date à partir de laquelle le directeur de la publication bénéficie de

l'immunité mentionnée à l'alinéa

précédent. Le directeur et, éventuellement, le codirecteur de la publication

doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils et n'être privés

de leurs droits civiques par aucune condamnation judiciaire.

Toutes les obligations légales imposées au directeur de la publication sont

applicables au codirecteur de la publication.

Lorsque le service est fourni par une personne morale, le directeur de la

publication est le président du directoire ou du conseil d'administration, le

gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale.

Lorsque le service est fourni par une personne physique, le directeur de la

publication est cette personne physique.

Article 93-3 de la loi du 29 Juillet 1982 :

Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29

juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de

communication audiovisuelle, le directeur de la publication ou, dans le cas

prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de

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la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message

incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public.

A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi

comme auteur principal.

Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause,

l'auteur sera poursuivi comme complice. Pourra également être poursuivi

comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera

applicable.

3.2 La « responsabilité pénale du fait d’autrui » des ‘patrons’ selon

la jurisprudence :

3.2.1 Elle fut très tôt affirmée, puis sans cesse confirmée :

dès 1956, par un arrêt de principe – remarquons à cet égard qu’il

s’agit de cette même période de naissance de la « doctrine de défense

sociale nouvelle » et de la nouvelle acception du concept de

« personnalisation des peines » ; et remarquons au passage que si cette

jurisprudence, comme les lois précitées, écorne sérieusement le

principe de personnalité de la responsabilité pénale, il laisse intact son

principe corollaire : la personnalisation des peines, car en revanche

c’est toujours au condamné de payer l’amende, effectuer la peine, bref,

payer le prix... Cet arrêt de principe – Crim 28 Février 1956, JCP 1956

- est ainsi libellé :

« si en principe nul n’est passible de peine qu’à raison de son fait

personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait

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d’autrui dans des cas exceptionnels où certaines obligations légales

imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un

auxiliaire ou d’un subordonné »...

Quelques exemples jurisprudentiels sur les motifs pour lesquels un

chef d’entreprise se trouve condamné :

- Omission de donner des consignes précises aux travailleurs

- Omission de procéder à la désignation d’une personne

compétente

- Omission de prendre des sanctions disciplinaires

- Laisser un ouvrier inexpérimenté manipuler des matériels

dangereux sans l’avoir formé

- Omis de mettre en place un dispositif de protection efficace (son

caractère coûteux étant jugé inopérant par les tribunaux)

- Laisser des travaux délicats à des intérimaires

- Avoir fourni un dispositif de protection non conforme

Devant cette avalanche « d’omission » remplaçant de vrais

manquements, négligences, imprudences, en clair, une vraie « faute

personnelle », force est de constater que :

3.2.2 Ne subsistent que deux véritables motifs d’exemption de

responsabilité pénale pour notre (pauvre de lui) chef d’entreprise :

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Premièrement, la délégation de pouvoir

encore faut-il qu’elle soit explicite – donc écrite, dans le contrat de

travail par exemple – que le délégataire ait la compétence et les

moyens, et que n’apparaisse aucun artifice – exit la délégation écrite le

jour même de l’accident de travail, cela a été jugé...

Deuxièmement, la « faute exclusive » du salarié.

En gros, qu’il arrive ivre, prenne l’initiative d’une manœuvre

dangereuse, et que le chef d’entreprise fût en vacances, etc.

A présent, passons à l’examen d’un cas pratique offrant l’avantage de

combiner toutes ces notions de responsabilité du fait personnel et du

fait d’autrui, en un amusant mélange :

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Cas pratique :

Voici l’information qu’il s’agit de traiter. Vous r épondrez en un paragraphe d’une quinzaine de lignes manuscrites (au moins) à cette question : y a –t-il matière à poursuite et, si oui, qui faut-il poursuivre en l’espèce ? EXTRAIT DU SITE NOUVEL OBS.COM DU 6 FEVRIER 2008 INFO OBS

Le SMS de Sarkozy à Cécilia

NOUVELOBS.COM | 06.02.2008 | 03:48 492 réactions

"Si tu reviens, j'annule tout". Voilà le contenu d'un SMS que le chef de l'Etat aurait envoyé à son ex-épouse huit jours avant son mariage.

QUELLE est la part de vengeance et de provocation vis-à-vis de Cécilia dans l’attitude de Nicolas Sarkozy ces dernières semaines et jusqu’à son mariage, samedi dernier ? La bague identique offerte à ses ancienne et actuelle épouses, le voyage à Petra, en Jordanie, là où Cécilia était pour la première fois partie avec le publicitaire Richard Attias, le choix comme témoin de son mariage avec Carla de Mathilde Agostinelli, directrice de la communication de Prada, longtemps amie intime de Cécilia, étaient autant de signes évidents : qu’elle prenne le visage de l’amour ou de la haine, la véritable obsession de Nicolas Sarkozy a été et reste Cécilia Sarkozy, dont le mariage avec Richard Attias est attendu le mois prochain. On en a maintenant une nouvelle confirmation. Huit jours avant son mariage, le président de la République a adressé un SMS à son ex épouse, en forme d’ultimatum : "Si tu reviens, lui a-t-il écrit, j’annule tout". Il n’a pas eu de réponse. Pendant son mariage, le chef de l’Etat est apparu à plusieurs témoins moins heureux qu’on aurait pu l’imaginer. Il était même particulièrement tendu lorsque Catherine Pégard, à l’issue de la cérémonie, lui a soumis un communiqué. Il l’a renvoyé dans les cordes : "Pas besoin de communiqué, tous ces cons, j’en ai rien à foutre" lui a-t-il lancé. Aujourd’hui, l’entourage de Sarkozy voudrait lui déconseiller d’emmener Carla avec lui en Guyane, là où avaient été médiatisées ses retrouvailles provisoires avec Cécilia, mais personne n’ose le lui dire de front. "Sur ces sujets, il est dans sa bulle, il n’écoute pas, dit un proche. Pire, il ne veut rien entendre". A.R.

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AUTRE EXTRAIT, QUELQUES JOURS PLUS TARD, sous le titre :

Une enquête préliminaire est ouverte contre nouvelobs.com

NOUVELOBS.COM | 13.02.2008 | 14:16 280 réactions

Le président a déposé jeudi une plainte à l'encontre du site du Nouvel Observateur pour avoir fait état d'un SMS adressé à son ex-femme Cécilia.

Le parquet de Paris a annoncé vendredi 8 février l'ouverture d'une enquête préliminaire à la suite de la plainte, déposée la veille, pour "faux" par Nicolas Sarkozy contre le site nouvelobs.com, qui a fait état d'un SMS attribué au chef de l'Etat et adressé à son ex-épouse Cécilia. L'enquête a été confiée à deux services de la police judiciaire parisienne, la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) et la Brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information (Befti), a précisé le parquet. L'avocat du président, Thierry Herzog, a déposé plainte jeudi contre le site internet pour "faux, usage de faux et recel", selon une source judiciaire. La plainte fait suite "à la parution le 6 février 2008 à 12h40 d'un article sous le titre: 'L'obsession de Cécilia'", précise l'avocat dans un communiqué. "Si tu reviens, j'annule tout" Le site internet du Nouvel Observateur affirmait que, huit jours avant son mariage avec Carla Bruni, Nicolas Sarkozy aurait envoyé à son ex-épouse un SMS indiquant: "Si tu reviens, j'annule tout". "A ma connaissance c'est la première fois qu'un président en exercice dépose une plainte contre un organe de presse mais c'est aussi la première fois que l'on traite aussi mal un président en exercice", avait affirmé Me Herzog. Selon l'avocat, "ce message est un faux, une altération de la vérité" passible de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Ce type de plainte permet en outre de faire convoquer le journaliste incriminé devant la justice et éventuellement de lui demander de révéler ses sources. "J'attends avec beaucoup de sérénité et d'impatience (que l'auteur de l'article) fournisse les preuves incontestables de ce SMS", a déclaré Me Herzog. "Charognards" Proche du président, la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme Rama Yade a vitupéré vendredi les "charognards" qui "veulent la peau de Nicolas Sarkozy", et appelé la presse à respecter une "certaine déontologie". "On a l'impression de voir des charognards qui ont humé l'odeur de leur proie, qui fondent sur lui, qui s'acharnent. Je trouve que c'est une véritable chasse à l'homme", a-t-elle estimé. La direction du Nouvel Observateur a pour sa part apporté son soutien à l'auteur de l'article et revendiqué l'exactitude des faits publiés. (AFP)

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TEXTES DU CODE PENAL INCRIMINANT ET REPRIMANT LE FA UX EN

ECRITURE ET SON USAGE :

Article 441-1

- Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie

par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour

objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences

juridiques.

Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.

(...)

Article 441-7

- Indépendamment des cas prévus au présent chapitre, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros

d'amende le fait :

1° D'établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;

2° De falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;

3° De faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié.

Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45000 euros d'amende lorsque l'infraction est

commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui.

Article 441-8

- Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende le fait, par une personne agissant

dans l'exercice de sa profession, de solliciter ou d'agréer, directement ou indirectement, des offres,

promesses, dons, présents ou avantages quelconques pour établir une attestation ou un certificat faisant état

de faits matériellement inexacts.

Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues à l'alinéa précédent ou d'user de voies

de fait ou de menaces ou de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons,

des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne agissant dans l'exercice de sa

profession qu'elle établisse une attestation ou un certificat faisant état de faits inexacts.

La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende lorsque la personne visée aux

deux premiers alinéas exerce une profession médicale ou de santé et que l'attestation faisant état de faits

inexacts dissimule ou certifie faussement l'existence d'une maladie, d'une infirmité ou d'un état de grossesse,

ou fournit des indications mensongères sur l'origine d'une maladie ou d'une infirmité ou sur la cause d'un

décès.

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Article 441-9

- La tentative des délits prévus aux articles 441-1, 441-2 et 441-4 à 441-8 est punie des mêmes peines.

Article 441-10

- Les personnes physiques coupables des crimes et délits prévus au présent chapitre encourent également

les peines suivantes :

1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

2° L'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité de nature professionnelle ou sociale selon

les modalités prévues par l'article 131-27 ;

3° L'exclusion des marchés publics ;

4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est

le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

(...)

Article 441-12

- Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par

l'article 121-2, des infractions définies au présent chapitre.

Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.

L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de

l'exercice de laquelle l'infraction a été commise

VOICI CE QUE DIT LE SITE NOUVELOBS.COM SUR SA PAGE DE PRESENTATION :

Directeur des publications : Denis Olivennes Fondateur, éditorialiste : Jean Daniel

Le Nouvel Observateur 12, Place de la Bourse

75002 Paris Standard : 01 44 88 34 34

Comité éditorial : Jean Daniel (Président), Claude Perdriel (Président), Denis Olivennes, Guillaume

Malaurie, Michel Labro, Serge Lafaurie, Jacqueline Galvez

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VOICI, AU COMPLET, LES CINQ PARAGRAPHES DU CHAPITRE IV DE LA LOI DE 1881 SUR LA PRESSE, ET SES ARTICLES :

Paragraphe 1er : Provocation aux crimes et délits.

Article 23

Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.

Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal.

Article 24

Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur

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appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;

2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Article 24 bis

Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

Le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Paragraphe 2 : Délits contre la chose publique.

Article 26

L'offense au Président de la République par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 est punie d'une amende de 45000 euros.

Les peines prévues à l'alinéa précédent sont applicables à l'offense à la personne qui exerce tout ou partie des prérogatives du Président de la République.

Article 27

La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45000 euros.

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Les mêmes faits seront punis 135000 euros d'amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l'effort de guerre de la Nation.

Paragraphe 3 : Délits contre les personnes.

Article 29

Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation . La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure .

Article 30

La diffamation commise par l'un des moyens énoncés en l'article 23 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d'une amende de 45000 euros.

Article 31

Sera punie de la même peine , la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre , un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'Etat, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.

La diffamation contre les mêmes personnes concernant la vie privée relève de l'article 32 ci-après.

Article 32

La diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés en l'article 23 sera punie d'une amende de 12000 euros.

La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

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1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Article 33

L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12000 euros.

L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12000 euros.

Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Article 34

Les articles 29, 30 et 31 ne seront applicables aux diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts que dans le cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.

Que les auteurs des diffamations ou injures aient eu ou non l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants, ceux-ci pourront user, dans les deux cas, du droit de réponse prévu par l'article 13.

Article 35

La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d'imputations contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l'air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l'article 31.

La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant publiquement appel à l'épargne ou au crédit.

La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :

a) Lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ;

b) Lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;

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c) Lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ;

Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur.

Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.

Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d'une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l'instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.

Article 35 bis

Toute reproduction d'une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire par son auteur .

Article 35 ter

I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15000 euros d'amende.

II. - Est puni de la même peine le fait :

- soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou toute autre consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son encontre ;

- soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations visés à l'alinéa précédent.

Article 35 quater

La diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière, est punie de 15000 euros d'amende.

Paragraphe 4 : Délits contre les chefs d'Etat et agents diplomatiques étrangers.

Article 36

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Abrogé par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 art. 52 (JORF 10 mars 2004).

Article 37

L'outrage commis publiquement envers les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents diplomatiques accrédités près du gouvernement de la République, sera puni d'une amende de 45000 euros.

Paragraphe 5 : immunités de la défense

Article 38

Il est interdit de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique et ce, sous peine d'une amende de 3750 euros.

Sans préjudice des dispositions de l'article 15 du code pénal, il est interdit, sous la même peine, de publier aucune information relative aux travaux et délibérations du conseil supérieur de la magistrature, à l'exception des informations concernant les audiences publiques et les décisions publiques rendues en matière disciplinaire à l'encontre des magistrats. Pourront toutefois être publiées les informations communiquées par le président ou le vice-président dudit conseil.

Article 38 ter

Dès l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l'image utilisés en violation de cette interdiction.

Toutefois, sur demande présentée avant l'audience, le président peut autoriser des prises de vues quand les débats ne sont pas commencés et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent.

Toute infraction aux dispositions du présent article sera punie de 4500 euros d'amende . Le tribunal pourra en outre prononcer la confiscation du matériel ayant servi à commettre l'infraction et du support de la parole ou de l'image utilisé.

Est interdite, sous les mêmes peines, la cession ou la publication, de quelque manière et par quelque moyen que ce soit, de tout enregistrement ou document obtenu en violation des dispositions du présent article.

Article 39

Il est interdit de rendre compte des procès en diffamation dans les cas prévus aux paragraphes a, b et c de l'article 35 de la présente loi. Il est pareillement interdit de rendre compte des débats et de publier des

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pièces de procédures concernant les questions de filiation, actions à fins de subsides, procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, procès en matière d'avortement. Cette interdiction ne s'applique pas au dispositif des décisions, qui peut toujours être publié.

Les dispositions qui précèdent ne s'appliquent pas aux publications techniques à condition que soit respecté l'anonymat des parties.

Dans toutes affaires civiles, les cours et tribunaux pourront interdire le compte rendu du procès.

Il est également interdit de rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurys, soit des cours et tribunaux.

Toute infraction à ces dispositions sera punie d'une amende de 18000 euros.

Article 39 bis

Est puni de 15000 euros d'amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification :

- d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ;

- d'un mineur délaissé dans les conditions mentionnées aux articles 227-1 et 227-2 du code pénal ;

- d'un mineur qui s'est suicidé ;

- d'un mineur victime d'une infraction.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la publication est réalisée à la demande des personnes ayant la garde du mineur ou des autorités administratives ou judiciaires.

Article 39 ter

Abrogé par Loi 2000-516 2000-06-15 art. 99 JORF 16 juin 2000.

Article 39 quater

Il est interdit, moins de trente ans après la mort de l'adopté, de publier par le livre, la presse, la radiodiffusion, le cinématographe ou de quelque manière que ce soit, une information relative à la filiation d'origine d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption plénière.

Les infractions à la disposition qui précède sont punies de 6000 euros d'amende ; en cas de récidive un emprisonnement de deux ans pourra être prononcé.

Article 39 quinquies

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Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable est puni de 15000 euros d'amende.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord écrit.

Article 39 sexies

Le fait de révéler, par quelque moyen d'expression que ce soit, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires de la gendarmerie nationale ou d'agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat, est puni d'une amende de 15000 euros.

Article 40

Il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des

amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et

correctionnelle, sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende, ou de l'une de ces

deux peines seulement.

Article 41

Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans le sein de l'Assemblée nationale ou du

Sénat ainsi que les rapports ou toute autre pièce imprimée par ordre de l'une de ces deux assemblées.

Ne donnera lieu à aucune action le compte rendu des séances publiques des assemblées visées à l'alinéa ci-

dessus fait de bonne foi dans les journaux.

Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne

foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des

discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit

à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les

cas, à l'action civile des tiers.

Article 41-1

Pour l'application des dispositions des paragraphes 4 et 5 du présent chapitre, la communication

audiovisuelle est regardée comme un mode de publication.

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PROPOSITION DE CORRIGE DU CAS PRATIQUE :

Le site www.nouvelobs.com soutient que le président de la République M Sarkosy aurait

envoyé à son ex. femme le message suivant : « reviens et j’annule tout », message écrit par la

voie téléphonique (s.m.s.) En retour, le président de la république, par le biais de son avocat,

fait savoir qu’il dépose plainte contre X du chef de faux en écriture et usage. Il faut dès lors se

demander si des poursuites pénales sont envisageables (1) et, dans l’affirmative, contre qui

elles devront être dirigées (2).

1. Quelles poursuites ?

Il est à noter liminairement que seul le site de l’organe de presse « le nouvel observateur » a

publié cette information, le journal (le magazine « en papier ») ne l’ayant pas reprise dans ses

pages. Cette première considération devrait nous conduire à nous tourner vers la loi de 1982

disposant du régime de responsabilité pénale en matière électronique et audiovisuelle, et

instaurant – à l’image de la loi sur la presse, dont elle constitue une adaptation aux mondes

particuliers de la télévision, la télématique et l’internet - un mécanisme de responsabilité « en

cascade ». Rappelons-en les termes : « Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre

IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de

communication audiovisuelle, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au

deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera

poursuivi comme auteur principal (...) A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le

producteur sera poursuivi comme auteur principal.

Seulement, l’incrimination choisie par l’auteur de la plainte (le faux en écriture de l’article

441-1 du code pénal, et son usage) ne fait pas partie des infractions prévues au chapitre IV de

la loi de 1881 sur la presse. Dès lors, on entrevoit une autre vérité : c’est bien plutôt sur le

terrain du droit pénal « commun », et non du droit pénal « spécial » à la presse ou à la

communication audiovisuelle ou électronique, que le plaignant voulait entraîner les

enquêteurs et le procureur. Nous savons en effet que le procureur, qui n’est nullement tenu de

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suivre la qualification pénale choisie par le plaignant, pourrait préférer, par exemple, de

poursuivre du chef d’offense au chef de l’Etat par voie de presse, ou toute autre qualification

contenue dans la loi de 1881... Dans ce cas-là, du fait des automatismes instaurés par cette loi,

le directeur de publication en répondrait. Mais cette position paraitrait critiquable : en effet, en

réclamant une enquête sur « toute altération de la vérité sur un support écrit », le plaignant

élargit la recherche de la vérité au S.M.S lui-même (peut-être - sous-entend-il - que le

journaliste a été abusé par un faux message, voire : son ex. femme aurait elle-même été

possiblement abusée par un faux message, ce qui génère de nombreuses questions très

pertinentes : qui a fabriqué ce message, à quelles fins, de quel portable a-t-il pu être expédié ?

etc). Autrement dit : l’incrimination pour faux et usage semble la plus intelligente,

puisqu’elle permet d’étendre au maximum le champ des investigations. Le plaignant, en

quelque sorte, souhaite que « toute la lumière soit faite », comme on dit en langage courant, et,

dès lors, sa position (son choix d’incrimination) se tient, et devra en ce cas être préférée, selon

nous, à d’autres qualifications pénales.

2. Qui poursuivre ?

A présent que nous avons opté pour le délit de faux et usage, trancher cette question dépendra

bien entendu des résultats concrets de l’enquête diligentée par la police : l’auteur du faux

s.m.s., une fois identifié, devra être personnellement poursuivi en raison du principe de

personnalité de la responsabilité pénale édictée par l’article L 121-1 du code pénal. En

revanche, s’agissant de l’usage de faux, seul le journaliste auteur de l’article publié sur

internet devra être inquiété : à condition cependant qu’il ait bien eu conscience de répercuter

une fausse information, d’utiliser un faux écrit – car là est bien le principe énoncé par l’article

441-1 du code pénal. Précisons que l’usage du faux serait constitué en droit par le fait de le

reproduire et, surtout, d’en faire un sujet d’article sur l’internet, tout en sachant sa fausseté.

Nous en arrivons donc à cette conclusion que seuls les auteurs malveillants d’un faux message,

et ceux qui en ont fait un usage tout aussi malveillant devront être poursuivis et punis, ce qui

correspond mieux aux principes généraux du droit pénal qu’une responsabilité quelque peu

automatique du type de celles pesant sur le chefs d’entreprise en général, et ceux des

entreprises de presse en particulier. C’est aussi pourquoi, en tout éthique de juriste, nous

favoriserons l’incrimination de « faux et usage » suggérée par le plaignant.

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Notons cependant que ce dernier a finalement retiré sa plainte « dans un souci d’apaisement »,

quelque temps plus tard, ce qui amène à s’interroger sur ses réelles motivations : ne s’agissait-

il pas pour lui, en réalité, d’instiller dans l’opinion publique, par un effet d’annonce, que toute

cette histoire à propos d’un prétendu message était purement inventée ? L’arrêt des

investigations – que le procureur aurait pu préférer poursuivre, mais ce magistrat n’a sans

doute pas voulu se montrer « plus royaliste que le roi » - ne nous permettra jamais de « faire

toute la lumière », et nous resterons, en quelque sorte, dans l’obscurité d’un mensonge

possible...

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3.3 Les récentes modifications de la notion de délit non

intentionnel en droit pénal

... Puisque nous avons pu constater à quel point ces délits étaient très

utilisés en jurisprudence, pour engager la responsabilité des chefs

d’entreprise... Voici les textes issus de la loi de 2004 (modestement

nommée « loi Perben II » car, à l’instar des pharaons, les politiciens

réformateurs aiment bien porter un nombre accolé à leurs noms) :

Article 121-3 code pénal

Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

Il n'y a point de contravention en cas de force majeure.

... Il est à retenir que, historiquement, cette nouvelle rédaction avait

pour but de diminuer le nombre de poursuites d’élus devant les

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tribunaux (jurisprudence dite « du panier de basket », en raison

d’innombrables cas de poursuites pour délit de manquement,

imprudence ou inattention – comme le simple fait, pour M le maire,

de ne pas faire vérifier assez souvent par ses services municipaux si le

panier de basket demeurait bien accroché – dont il était résulté un

dommage – par exemple, un joueur assommé par la chute du poteau

soutenant le panier -). Réformant cette ancienne incrimination, le texte

Ramsès, pardon, Perben II, est venu ajouter l’obligation pesant sur le

juge, en cas de dommage directement causé par une inattention, un

manquement, etc., d’établir que l'auteur des faits n'a pas accompli

les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature

de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que

du pouvoir et des moyens dont il disposait, avant d’entrer en voie de

condamnation. Autrement formulé, le manquement produisant un

dommage s’apprécie en regard des vraies missions et des vraies

responsabilités de celui qui est accusé de l’avoir commis. Surtout, le

texte ajoute, en cas de lien indirect entre le manquement et le

dommage, la nécessité, pour que le fait soit punissable, d’une faute

caractérisée ou d’un violation délibérée d’un règlement, d’une

norme (on se rapproche alors, par l’emploi de ce terme « délibéré »,

de la notion d’acte volontaire). Précisons que si cette nouvelle

rédaction a atteint son but de diminution en nombre des poursuites

d’élus, elle n’a pas eu pour effet de diminuer les cas d’engagement de

responsabilités pénales de chefs d’entreprises.

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Comme pour contrebalancer cette difficulté accrue d’engagement de

responsabilité pénale en cas de faute d’inattention, la même loi a créé

une incrimination nouvelle, dont le contenu vous est rappelé ci-après :

Article 223-1 du code pénal Mise en danger de la personne

Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou blessures de nature à entraîner une mutilation ou un infirmité permanente par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

Article 223-2 du code pénal Mise en danger de la personne, responsabilité personne morale

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 223-1. Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

2° les peines mentionnées au 2°, 3°, 8° et 9° de l'article 131-39.

L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

Article 131-38 du code pénal

Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.

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Là encore, on retrouve la notion de « violation manifestement

délibérée » d’une norme particulière comme source d’engagement de

responsabilité pour faute pénale d’imprudence. Nous voyons, au

passage, que le sort des personnes morales est prévu.

Examinons justement, à présent, cette théorie de la responsabilité

pénale des personnes morales (4).

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4 LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES

MORALES.

« Je n’ai jamais dîné en compagnie d’une personne morale », disait

volontiers mon professeur de droit M Roujou de Boubée – lorsque

j’usais mes fonds de culotte sur les mêmes bancs que vous aujourd’hui

– histoire de souligner que la notion de personne morale étant une

fiction juridique, et qu’il était dès lors hors de question d’envisager

une quelconque « responsabilité pénale des personnes morales ». A

l’époque, il nus eût paru inconcevable qu’un système pénal moderne

puisse poursuivre et condamner autre chose qu’une personne physique,

et même inconvenant, pis même : régressif. Seuls les droits archaïques

instruisent des procès contre des animaux, des esprits (des exemples

de jurisprudence africaine condamnant un homme changé en Léopard

et ayant agressé un chasseur circulaient alors en fac de droit, par

dérision... Et racisme d’alors ? J’ai en tous cas personnellement connu

un vieux magistrat qui se plaisait à raconter comment il fit condamner

à mort un chien ayant mangé un cadavre, pour calmer l’émoi

provoqué par cet incident dans un village d’Afrique)... Etc.

Le monde change cependant. On a peu à peu réalisé que les

entreprises commettaient des infractions (mise sur le marché de

biens dangereux : exemple de menottes vendues par un fabriquant de

jouets – des bracelets de sûreté certes en plastique, mais comportant

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une serrure fermant effectivement et conçues dans un matériau

suffisamment résistant pour entraver des mains juvéniles – ayant servi

à la commission d’un viol sur mineur... Et donc d’une séquestration de

moins de sept jours, infraction dont était bien saisi le juge

d’instruction que j’étais dans le réquisitoire introductif... Nous en

déterminerons la solution, en termes de responsabilité pénale,

ensembles, oralement, en fin de cours). On a également conscientisé

que parfois, les entreprises existaient précisément pour commettre

des infractions, ou pour protéger les personnes physiques les

commettant (exemple de sociétés-écrans, ou d’autres entreprises

mafieuses). Un courant doctrinal est alors né en France, envisageant la

responsabilité pénale des personnes morales, en plaidant qu’après tout,

toutes fictions juridiques qu’elles fussent, ces entités – sujet de droit

par ailleurs : il y a beau temps qu’on admettait l’engagement de leur

responsabilité civile...- étaient dotés d’organes qui prenaient des

décisions collectives susceptibles de tomber sous le coup de la loi

pénale et cependant distinctes de la volonté de telle ou telle

personne physique la composant (cf. exemple déjà cité du conseil

municipal votant à la majorité, soit contre une minorité de conseillers,

une décision discriminatoire). Dès lors, si l’on pouvait évoquer une

volonté propre des entreprises, associations, ou autres, pourquoi le

droit français, à l’instar du canadien, de l’américain, de l’anglais, ne se

serait-il point doté d’une législation permettant d’incriminer leurs

comportements fautifs ?

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Puis, à franchement parler, deux considérations bien plus cyniques –

ou réalistes, c’est selon - encouragèrent en cette voie le législateur

français : d’abord, nous venons de l’étudier, l’inflation de la mise en

cause de la responsabilité pénale du chef d’entreprise qui, conjuguée à

l’inflation du droit pénal dans son ensemble, son volume, conduisirent

à s’interroger ainsi : et si la possibilité de poursuivre et condamner des

entreprises freinait « jurisprudentiellement » l’accroissement du

nombre de ces condamnations ? Précisons tout de suite que cet

objectif, moins avouable que les arguments de pure théorie du droit,

fonctionne aujourd’hui : après plus de treize années d’application de la

loi instaurant une responsabilité pénale des personnes morales, les

statistiques judiciaires démontrent que dans les deux-tiers de procès

aboutissant à une ou plusieurs condamnations de personnes

morales, les dirigeants « personnes physiques » ne sont pas

poursuivis... Deuxième considération, et non des moindres : la

fameuse « recherche de solvabilité » à tout prix – sans mauvais jeu

de mots – dans laquelle nos législateurs modernes semblent lancés :

après tout, les entreprises, sauf exception, restent dans la plupart des

cas plus riches que leurs patrons...

Toutes ces raisons ont conduit à l’instauration effective d’une

responsabilité pénale des personnes morales qui fut d’ailleurs

l’innovation majeure du nouveau code pénal de 1994. Etudions la.

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Elle contient (presque) toute entière dans l’article 121-2 du code

pénal : Les personnes morales, à l’exclusion de L’Etat, sont

pénalement responsables des infractions commises, pour leur compte,

par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont

responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice

d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de

service public. (4.1)

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des

personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous

réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. (4.2)

4.1 Quelles personnes morales peuvent voir leur responsabilité

pénale engagée, et sous quelles conditions ?

4.1.1 Quelles personnes morales ?

Toutes les personnes morales régulièrement constituées en droit, soit

déclarée pour une association, régulièrement inscrite au registre du

commerce et des sociétés, s’agissant d’une entreprise... Sont donc

exclues les associations non déclarées ou non encore déclarées – en

instance d’acceptation de déclaration en préfecture, par exemple

(j’introduis ici l’exemple potache d’une association visant à

« promouvoir le régicide, sous toutes ses formes » dénommée

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APRE, que nous avions créé et dont nous avions déposé les statuts en

préfecture, avec d’autres étudiants, dans un esprit potache, dans le

courant de la décennie 1980. Le premier acte constitutif de

l’association – à visée potache, gaguesque, donc, je le rappelle – avait

consisté à envoyer une lettre de félicitation à la firme automobile

Rover, je crois me souvenir, pour les congratuler de la mort

accidentelle de Grace Kelly, la reine de Monaco, qui, souvenez-vous,

s’était tuée en chutant au long de ces falaises bordées de petites routes

en lacets du sud-est de la France ou de la principauté. Extrait choisi :

Messieurs... la mauvaise tenue de route des voitures que vous

construisez étant directement responsable du décès d’une reine,

l’association de la promotion du régicide que je représente vous

félicite d’autant plus chaleureusement qu’il semble que cette mort,

comme il convient pour les rois et reines, ait été brutale et cruelle, ce

qui nous réjouit profondément... etc. Hé bien je réalise aujourd’hui

qu’en refusant la déclaration de notre association « considérant que

les statuts déposés permettent de juger illicites, et non conforme à

l’ordre et à la moralité publique, en tant que promouvant le meurtre

voire l’assassinat, ou incitatifs à les commettre... » - je cite le préfet

de Toulouse d’alors – l’autorité administrative nous avait rendu ce

service que notre association ne pouvait voir sa responsabilité pénale

engagée, a futurum. Pour le futur : nous étions bien avant la

promulgation du nouveau code pénal, mais quid si notre association

avait perdurée ? Sinon que – et tels sont les deux points que je tenais à

ce que vous mémorisiez par le truchement de cet exemple aussi

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personnel qu’incongru : la règle de non rétroactivité des lois pénales

plus sévères s’opposant en effet à ce que les personnes morales soient

poursuivies pour des faits antérieurs au 1er Janvier 1995, date d’entrée

en vigueur du nouveau code pénal de 1994. Cependant, en agissant

comme celui d’hier, un Préfet d’aujourd’hui – qui refuserait la

déclaration constitutive – exposerait nos personnes physiques à des

poursuites pénales... Nous y reviendrons (au chapitre 4.2).

Il n’existe pas non plus d’engagement possible de responsabilité

pénale pour une société de fait, ni une société en participation.

J’ai, par ailleurs, déjà évoqué le cas de la fusion absorption d’une

entreprise par une autre : il a été jugé, rappelons-le, que l’entreprise

nouvelle née de cette fusion étant une entité distincte de celle ayant

causé l’infraction, le principe de personnalité de la responsabilité

pénale posé par l’article L 121-1 du code pénal s’opposait à sa

condamnation.

Enfin, je l’ai dit, le principe de non rétroactivité signifie que pour les

faits antérieurs à 1995, les poursuites n’étaient pas possibles, en

revanche, dans tous les autres cas de figure, c’est à dire pour toutes

les personnes morales de droit privé ayant une existence juridique et

pour les faits postérieurs au 1er Janvier 1995, la responsabilité pénale

est envisageable. Ce qui signifie : les entreprises privées, évidemment,

mais aussi, un syndicat, un parti politique, une congrégation religieuse,

etc.

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En revanche, pour les personnes morales de droit public, de fines

barrières – pas si fines, au demeurant – ont été posées par la loi pour

entraver l’engagement de leur responsabilité morale, évidemment dans

le même esprit que la « jurisprudence du panier de basket »...

S’agissant des personnes morales de droit public :

Rappelons le texte : Toutefois, les collectivités territoriales et leurs

groupements ne sont responsables pénalement que des infractions

commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de

conventions de délégation de service public

Qu’est-ce que ces collectivités territoriales et leurs groupements ? En

pratique, les trois échelons administratifs que sont – du plus petit au

plus grand – les communes, les départements, les régions, et tout ce

qui émane d’eux, c’est à dire tout ce qui est financé, commandé, dirigé

par eux : lycées, collèges, hôpital, etc.

Que signifie donc cette formulation quelque peu « chinoise » précisant

que ces entités juridiques ne sont responsables pénalement que des

infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire

l'objet de conventions de délégation de service public ? Que la

responsabilité pénale de ces échelons administratifs et leurs

émanations se limite aux seules activités dégageant de l’argent (pour

exemple, un théâtre, un musée, en clair, tout ce qui génère une

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billetterie). En effet, c’est dans l’article L 1411-1 du code général des

collectivités territoriales qu’on trouve la définition des délégations de

services publics :

« Un contrat par lequel une collectivité territoriale confie la gestion

d’un service public dont elle a la charge à une personne morale de

droit privé dont la rémunération est substantiellement liée à

l’exploitation du service »... Il semble clair qu’au travers de cette

formulation, c’est à l’ensemble des activités d’entreprise des

collectivités territoriales que les pouvoirs publics entendent limiter

leur responsabilité pénale. Il a été jugé, a contrario, que l’activité

d’enseignement d’une collectivité territoriale ne saurait ouvrir droit à

poursuite pénale de la personne morale de droit public.

La preuve en est que l’Etat, quand à lui, soit les ministères (tous) et

leurs services déconcentrés – directions régionales, départementales,

de tous leurs services – ne peut jamais voir sa responsabilité pénale

engagée. La jurisprudence n’a jamais eu à le faire, mais il semble

tomber sous le sens que, dès lors, celle des Etats étrangers ne puisse

l’être non plus. La phrase les personnes morales, à l’exclusion de

L’Etat, sont pénalement responsables ne laisse planer guère de doutes

sur ce point.

4.1.2 Sous quelles conditions ?

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Il n’est pas question ici de développer un cours de procédure pénale,

mais de vous amener à réaliser qu’étant donné « qu’on ne dîne

(toujours) pas avec une personne morale », les sanctions prévues sont

particulières : la privation de liberté est exclue – comment

l’emprisonner ? L’extradition, itou... L’amende est donc la reine des

peines, mais également : la fermeture – jusqu’à la définitive. Avec, en

guise de particularités, des mesures possibles prenant l’allure d’un

surcroît de sévérité, par exemple :

Article 131-38 du code pénal

Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.

Retenez également que le champ d’application de la responsabilité

pénale des personnes morales, après avoir été, dans un premier temps,

confiné aux seules infractions qui le prévoyaient expressément, peut

aujourd’hui être étendu à toutes les infractions (tout le code pénal, en

somme).

4.2 L’engagement de responsabilité morale de personnes morales

ne fait jamais obstacle à l’engagement concurrent de celle des

personnes physiques qui les dirigent.

Le principe est ferment établi par la loi, qui rappelle toutefois son

inflexion majeure, par la formule La responsabilité pénale des

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personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs

ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du

quatrième alinéa de l'article 121-3... Rappelons-le :

Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé

directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la

réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont

responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement

délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le

règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une

particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

Autrement dit, on entend circonscrire la responsabilité pénale des

« gens » (personnes physiques) aux violations manifestement

délibérées d’obligation, ou autres fautes caractérisées, en matière

d’imprudence, sans empêcher l’engagement concurrent de celle de

l’entreprise... Voilà qui démontre suffisamment, si besoin était encore,

la validité, la pertinence, de la piste de « la notion de recherche de

solvabilité », comme source de ce droit nouveau...

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5 L’ IRRESPONSABILITE PENALE.

Aujourd’hui, on en dresse la liste complète en énumérant seulement

sept articles du code pénal.

Et, une fois ces causes d’irresponsabilité mémorisées (le trouble

psychiatrique, l’erreur sur le droit, la contrainte, le commandement de

la loi ou de l’autorité légitime, la légitime défense, l’état de nécessité),

une seule donnée suffit à compléter vos connaissances sur cette

question : à savoir, que la jurisprudence française se borne à une

appréciation très restrictive de ces causes d’irresponsabilité ; ce qui

explique cette circonstance – très dénoncée par les syndicats

pénitentiaires – que les prisons, les maisons d’arrêts comme les

centrales, soient saturées de malades mentaux (application ultra

restrictive de l’état d’abolition du à un trouble psychique). Que la

contrainte, revêtue des atours de la force majeure du droit civil

(extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité), soit très rarement

acceptée. Que l’erreur sur le droit ne soit guère reconnue que dans les

cas où les prévenus peuvent exciper d’un écrit prouvant une erreur

d’interprétation de l’administration, etc.

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Des causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité

Article 122-1 N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime.

Article 122-2

N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister.

Article 122-3

N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte.

Article 122-4

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal.

Article 122-5

N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le

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même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.

Article 122-6

Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte : 1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; 2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.

Article 122-7

N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.

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RAPPEL DES DISPOSITIONS CONCERNANT L’EXCUSE DE

MINORITE :

Article 122-8

(Loi nº 2002-1138 du 9 septembre 2002 art. 11 Journal Officiel du 10 septembre 2002)

Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet. Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge.

En clair, la loi n’induit pas du très jeune âge une irresponsabilité

pénale de fait : le juge, quel que soit l’âge, doit se poser la question du

discernement (synonyme : faculté de jugement) de l’enfant. La loi

semble cependant exclure qu’on puisse engager la responsabilité

pénale d’un enfant de moins de dix ans. Elle fixe ensuite des paliers de

répression :

De 10 à 13 ans : mesures éducatives seulement (remise à parent,

admonestation, action éducative en milieu ouvert ou placement).

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De 13 à 18 ans : peines possibles (amende, emprisonnement, réclusion,

etc.) ou mesures éducatives. A l’intérieur de cette fourchette d’âge,

l’excuse de minorité, qui a pour effet de diviser par deux le quantum

de peine encourue (ex : vol, trois ans, avec l’excuse de minorité : 18

mois encourus), joue automatiquement dans la tranche 13-16 ans. Au

delà de seize ans, la question doit être posé au tribunal pour enfant ou

à la Cour d’Assises des mineurs, qui peuvent, en regard des éléments

particuliers du dossier (éléments de personnalité de l’auteur mineur),

retenir ou, à leur gré, écarter cette excuse...