La religion gallo-romaine : Andemantunnum, centre religieux · La religion gallo-romaine :...

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La religion gallo-romaine : Andemantunnum, centre religieux La religion, l’art et la mort sont continuellement mêlés dans la vie spirituelle gallo-romaine. Les divinités sont présentes dans la vie quotidienne à tout moment et partout. Les collections gallo-romaines du Musée d’Art et d’Histoire de Langres fournissent une bonne introduction pour une découverte de cette religion originale dont les maîtres mots sont polythéisme, syncrétisme et tolérance… La religion gallo-romaine est une cause de la conquête romaine. Rome ne fit qu’instaurer les cultes officiels aux peuples vaincus ou soumis, son influence s’exerça de façon beaucoup plus souple et tolérante sur les mentalités religieuses. Les romains traduisirent à leur manière les dieux des gaulois et par un processus identique, les gaulois assimilè- rent aux leurs certaines divinités romaines. Les dieux gréco-romains, figuré selon les canons officiels, sont bien présents dans les collections du musée de Langres; ainsi la tête ci- contre a été déterminée comme étant le chef d’une sculpture monu- mentale en marbre blanc d’importation figurant le dieu Mars, attribution déterminée reposant sur le traitement de l’arrière de la tête, aménagé pour recevoir un casque. Découverte à la sous-préfecture, cette sculp- ture plus grande que nature devait nécessairement prendre place dans un monument public comme un temple par exemple. Les cultes à Mi- nerve, Mercure, Bellone sont également attesté au coeur de la civitas. Ces dieux nous sont bien connus, leur mythologie écrite, leurs vertus connues… Parallèlement, les cultes rendus aux divinités gauloises coexistent, ce pan- théon reste cependant des plus mal connu, tout au plus sait-on que les gaulois adoraient les forces de la nature, les rochers, les arbres, les sources et les fleuves et qu’ils ne représentaient pas leurs dieux. Le peuple gaulois passe pour avoir été très religieux, cependant les seules sources qui y font référen- ce proviennent de textes grecques et latins, rédigés par des historiens aux- quels ces croyances semblaient étranges, voire barbares. Ainsi, les figurations de leurs dieux sont des plus rares pour la période de l’indépendance et ce n’est qu’avec la romanisation que ses représentations se multiplient. Après la conquête romaine se maintiennent des aspects anciens de ces religions celti- ques, perpétuant l'esprit des druides, persistance ou résistance à une religion gréco-romaine parfaitement structurée ? Ainsi l’énigmatique tricéphale cornu découvert au bas de la Tour de Navarre, trois têtes sans cheveux mais au bas des visages couvert d’une barbe abondante alors que l’une des têtes est cou- ronnée de cornes très ramassées : l’une de bélier et l’autre de bouc Enfin un syncrétisme religieux s’opère entre les deux courants, Syncrétis- me dans les figurations des divinités gauloises à la mode romaine à l’image de l’Epona de Chalmessin, déesse protectrice des chevaux et des cava- liers, portant une tenue typiquement hellénistique et la patère; syncrétisme également dans le culte de la divinité ainsi qu’en témoigne la belle inscription en latin, dédicace à Matrona, le fleuve Marne, assi- milé à une déesse-mère nourricière. Si les divinités de l’un ont été adoptées par l’autre parti, elles ont également été adaptées. Une particularité de la religion romaine réside dans le culte impérial pour lequel il existe un collège de prêtres, plu- sieurs inscriptions découvertes à Langres y font références. Quant aux cultes orien- taux, ils apparaissent à partir du IIe siècle de notre ère, importés en Gaule par les soldats et les marchands mais curieuse- ment absents des collections langroises. Tête du dieu Mars d’après un haut relief Divinité tricéphale Déesse Epona, stèle.

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La religion gallo-romaine : Andemantunnum, centre religieux

La religion, l’art et la mort sont continuellement mêlés dans la vie spirituelle gallo-romaine. Les divinités sont présentes dans la vie quotidienne à tout moment et partout. Les collections gallo-romaines du Musée d’Art et d’Histoire de Langres fournissent une bonne introduction pour une découverte de cette religion originale dont les maîtres mots sont polythéisme, syncrétisme et tolérance…

La religion gallo-romaine est une cause de la conquête romaine. Rome ne fit qu’instaurer les cultes officiels aux peuples vaincus ou soumis, son influence s’exerça de façon beaucoup plus souple et tolérante sur les mentalités religieuses. Les romains traduisirent à leur manière les dieux des gaulois et par un processus identique, les gaulois assimilè-rent aux leurs certaines divinités romaines. Les dieux gréco-romains, figuré selon les canons officiels, sont bien présents dans les collections du musée de Langres; ainsi la tête ci-contre a été déterminée comme étant le chef d’une sculpture monu-mentale en marbre blanc d’importation figurant le dieu Mars, attribution déterminée reposant sur le traitement de l’arrière de la tête, aménagé pour recevoir un casque. Découverte à la sous-préfecture, cette sculp-ture plus grande que nature devait nécessairement prendre place dans un monument public comme un temple par exemple. Les cultes à Mi-nerve, Mercure, Bellone sont également attesté au cœur de la civitas. Ces dieux nous sont bien connus, leur mythologie écrite, leurs vertus connues…

Parallèlement, les cultes rendus aux divinités gauloises coexistent, ce pan-théon reste cependant des plus mal connu, tout au plus sait-on que les gaulois adoraient les forces de la nature, les rochers, les arbres, les sources et les fleuves et qu’ils ne représentaient pas leurs dieux. Le peuple gaulois passe pour avoir été très religieux, cependant les seules sources qui y font référen-ce proviennent de textes grecques et latins, rédigés par des historiens aux-quels ces croyances semblaient étranges, voire barbares. Ainsi, les figurations de leurs dieux sont des plus rares pour la période de l’indépendance et ce n’est qu’avec la romanisation que ses représentations se multiplient. Après la conquête romaine se maintiennent des aspects anciens de ces religions celti-ques, perpétuant l'esprit des druides, persistance ou résistance à une religion gréco-romaine parfaitement structurée ? Ainsi l’énigmatique tricéphale cornu découvert au bas de la Tour de Navarre, trois têtes sans cheveux mais au bas des visages couvert d’une barbe abondante alors que l’une des têtes est cou-ronnée de cornes très ramassées : l’une de bélier et l’autre de bouc

Enfin un syncrétisme religieux s’opère entre les deux courants, Syncrétis-me dans les figurations des divinités gauloises à la mode romaine à l’image de l’Epona de Chalmessin, déesse protectrice des chevaux et des cava-liers, portant une tenue typiquement hellénistique et la patère; syncrétisme également dans le culte de la divinité ainsi qu’en témoigne la belle inscription en latin, dédicace à Matrona, le fleuve Marne, assi-milé à une déesse-mère nourricière. Si les divinités de l’un ont été adoptées par l’autre parti, elles ont également été adaptées. Une particularité de la religion romaine réside dans le culte impérial pour lequel il existe un collège de prêtres, plu-sieurs inscriptions découvertes à Langres y font références. Quant aux cultes orien-taux, ils apparaissent à partir du IIe siècle de notre ère, importés en Gaule par les soldats et les marchands mais curieuse-ment absents des collections langroises.

Tête du dieu Mars d’après un haut relief

Divinité tricéphale

Déesse Epona, stèle.

La religion gallo-romaine : le culte

La fusion qui s’est faite entre la religion gréco-romaine et la religion indigène, le syncrétisme qui en résulte, ajouté aux spécificités des cultes domestiques sont à l’origine d’une religion gallo-romaine complexe, compo-site, au sein de laquelle chaque peuple, voire chaque ville, offrait une physionomie religieuse spécifique. La difficulté réside dans le fait qu’il n’y a pas une religion gallo-romaine mais plusieurs.

A l’époque gallo-romaine se généralisent également les laraires, sortes de petites cha-pelles domestiques dans lesquelles sont re-groupées les divinités protectrices de la mai-son et du foyer. Ainsi la foi populaire se ma-nifeste plutôt dans le culte de nombreuses divinités, souvent d’origine locale, indigène, vénérées dans les habitations. C’est probablement de laraires que sont is-sues toutes les statuettes de bronze ou de terre cuite présentées dans la vitrine du mu-sée consacrée aux divinités de même que les deux statuettes de déesses mère en cal-caire très tendre découvertes à la citadelle. Le culte est rendu dans une pièce particuliè-re de la maison, dans laquelle sont placées les images de la divinité ; à langres, Vertault, Alesia ou encore le Châtelet de Gourzon, c’est vraisemblablement dans les caves qu’étaient rendus ces cultes.

A côté des quelques temples de type classi-que, méditerranéen, de plan rectangulaire et entourés d’une colonnade, essentiellement implantés dans les grandes villes, dont l’exemple le plus connu en Gaule est la « Maison carrée » de Nîmes, les gallo-romains effectuent leur devoir de culte dans des sanctuaires comme le complexe fouillé à Langres sur le site de l’usine Freudenberg ou encore celui de Champigny-les-Langres, en-sembles qui sont le plus souvent de tradition celte. Le type de plan le mieux connu est le fanum.

- Au centre la cella abrite la statue de la divinité ; - La cella est entourée d’un déambulatoire, galerie couverte qui permet aux fidèles de faire des processions autour de la représentation de la divinité. Les rituels et célébrations pratiquées par les gallo-romains dans leur sanctuaire n’ont laissé que peu de trace dans le sol. Les instruments de culte sont essentiellement repré-sentés par des vestiges d’autels ainsi que par de la vaissel-le céramique. Les offrandes pouvaient être très variées : les découvertes archéologiques et diverses dédicaces nous apprennent que les dons à la divinité allaient, en fonc-tion des moyens du donateur, de la fondation ou de la res-tauration d’un monument au dépôt de simples objets de la vie quotidienne (monnaies, bijoux, céramiques, outils…), en passant par l’offrande d’un autel, d’une représentation de la divinité (stèle, statue, statuette,…) d’une repré-sentation du fidèle lui-même ou d’objets de types particuliers, tels les rouelles, les clochettes...

Vue aérienne du sanctuaire découvert sur le site de Freudenberg. © Serge Février

Evocation d’un temple indigène de type fanum. ©O.Taffin

Déesse mère Autel aux déesses mères