La religiologie : une connaissance interdisciplinaire du religieux

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LA RELIGIOLOGIE : UNE CONNAISSANCE INTERDISCIPLINAIRE DU RELIGIEUX Louis Rousseau Editions Karthala | Histoire, monde et cultures religieuses 2013/2 - n° 26 pages 109 à 120 ISSN 1957-5246 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2013-2-page-109.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Rousseau Louis, « La religiologie : une connaissance interdisciplinaire du religieux », Histoire, monde et cultures religieuses, 2013/2 n° 26, p. 109-120. DOI : 10.3917/hmc.026.0109 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions Karthala. © Editions Karthala. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 27/03/2014 18h38. © Editions Karthala Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 27/03/2014 18h38. © Editions Karthala

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LA RELIGIOLOGIE : UNE CONNAISSANCE INTERDISCIPLINAIRE DURELIGIEUX Louis Rousseau Editions Karthala | Histoire, monde et cultures religieuses 2013/2 - n° 26pages 109 à 120

ISSN 1957-5246

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rousseau Louis, « La religiologie : une connaissance interdisciplinaire du religieux »,

Histoire, monde et cultures religieuses, 2013/2 n° 26, p. 109-120. DOI : 10.3917/hmc.026.0109

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DoSSierHistoire, Monde & Cultures religieuses n°26 Juin 2013

La religiologie :une connaissance interdisciplinairedu religieux

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uqam

Montréal

L e terme de religiologie existe depuis plus de quarante ans etje m’étonne encore des réactions qu’il suscite un peu partout.« Comment voulez-vous qu’on vous nomme » me dit la

recherchiste de la télévision d’État quelques minutes avant l’entrevue.Depuis toutes ces années, j’ai l’habitude. Il faut un chapeau social auspécialiste que l’on présentera, quelque chose à écrire sur le carton quiprécisera son identité au cours de la discussion. À chaque fois, je doischoisir rapidement quelle identité mettre au premier plan. Commebien des gens, je choisis selon les circonstances. Le plus facile est derépondre : professeur. Mais le terme est très vague et demeure enmanque de la valeur spécialité. Je peux suggérer d’ajouter le nom dudépartement où je travaille : professeur au département de sciences desreligions de l’université X. Cela risque de faire un peu trop long. Alors,utilisons la discipline la plus connue : historien. Mais comme le plussouvent je suis invité à commenter l’actualité, le spécialiste du passépeut sembler incongru. Il en va de même si j’ajoutais le déterminanthistorien des religions. De plus, dans ce cas je me sens un peu imposteurpuisque mon érudition porte essentiellement sur le christianisme de lapériode contemporaine. Et si je disais « religiologue » comme d’autrescollègues se disent sans hésitation aucune : sociologue, politicologue,anthropologue, criminologue ou sexologue ? Alors je risque d’entendrele journaliste m’introduire en disant : « Monsieur Rousseau, vous qui

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êtes théologien… ». Pourtant je plonge et je réponds : « Utilisez le motreligiologue ».Au cours des quatre décennies qui précèdent la nôtre, j’ai tenté tous

les choix que je viens d’énumérer et on m’attribue souvent encorele titre de sociologue ! Manifestement, la spécialité savante qui est lamienne attend encore, 140 ans après l’invention du terme de sciencede la religion par Müller1 et Émile-Louis Burnouf2, une raison socialeen français dont le sens puisse être autant compris du grand publicqu’ajusté au type de savoir critique actuel. Je propose ici un mot,religiologie, largement inconnu dans la francophonie sauf au Québecd’où il provient. J’en examine rapidement l’histoire au milieu desusages contemporains dans les institutions savantes et je schématise,pour finir, l’architecture interdisciplinaire que le terme devrait mettreen œuvre aujourd’hui pour convenir à un domaine du savoir critique enconstante redéfinition comme tous les autres.

L’invention d’un nouveau terme

Parfaitement conforme aux règles de l’invention linguistique, leterme de religiologie ne figure pas dans les grands dictionnaires determinologie au moment où Raymond Bourgault, jésuite enseignant auCollège Sainte-Marie de Montréal, l’invente en 1968 et où l’équipe dudépartement de sciences religieuses qui l’entoure élabore le programmeuniversitaire de premier cycle dont l’objet est la religion étudiée dansla perspective des sciences non confessionnelles du religieux (scienceshumaines diverses et histoire3).

Dans la longue histoire de la confessionnalité scolaire (catholiqueet protestante) qui marque alors le Québec depuis plus d’un siècle,l’apparition d’un enseignement qui vise à transmettre l’acquis des diverssavoirs critiques portant sur la religion à des étudiants qui pourrontcommencer une formation générale dans le domaine des sciences de lareligion, marque une rupture à bien des égards. Il s’inscrit dans le cadrede la vaste entreprise d’ingénierie de l’avenir que constitue la Révolutiontranquille et qu’achève la naissance d’un ministère de l’éducationet le pilotage d’une transformation assez radicale des structures etdes programmes scolaires. Le Québec a un retard à rattraper et ilinvente. Inséré parmi les sciences humaines de la première universitéfondée par l’État québécois, ce programme non confessionnel est un

1. Max Müller, Chips from a German Workshop. Vol I Essays on the Science of Religion. ScholarsPress Reprints and Translations, Chico, Calif., Scholars Press, 1985. Le manuscrit original estdaté de 1860.

2. Émile-Louis BurnouF, Science des religions. Paris, Maisonneuve et Cie, Libraires-Éditeurs,1876. Il s’agit de la troisième édition de ce manifeste militant contre la « science catholique ».

3. «Département de religiologie. Objectifs et programme », pro manu scripto, 1er novembre1968.

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symptôme de la brisure de l’unité symbolique des Canadiens françaiscatholique en tant que groupe ethnique dominé par le groupe d’originebritannique. Le cadre englobant se déplace de l’Église vers l’État et lesintellectuels laïcs. Sous la critique anticléricale athée comme croyante,l’Église québécoise se retire des institutions sociales, de la santé et del’enseignement postsecondaire. L’autocritique assumée par les acteursnationaux et internationaux au sein du vaste mouvement d’opinion quientoure le deuxième concile du Vatican (1963-1965) cautionne cetterapide remise en cause des institutions de la transmission. L’implicationcroyante est renvoyée dans le domaine de la liberté individuelle et descommunautés paroissiales4. L’enseignement religieux catéchétiqueentre en crise au moment même où il se renouvelle à fond. Les jeunescitoyens pourraient-ils être ouverts à autre chose5 ?

Devant la révolte de leurs lycéens relativement aux cours de théologiecatholique obligatoires, les jésuites du Collège Sainte-Marie ont inventéune parade dès 1966 en introduisant une séquence de trois coursd’histoire des religions conçus par Bourgault. Vif succès auprès desesprits forts ! C’est ainsi qu’au moment où Normand Ryan consulte lesprincipaux acteurs impliqués dans l’enseignement de la religion au niveaupost secondaire pour trouver une formule permettant de dépasser lacrise de l’enseignement confessionnel, l’équipe majoritairement laïquedu Sainte-Marie a pu roder une formule pédagogique qui va donner lieuà un premier déploiement universitaire lorsque le Sainte-Marie, avectrois Écoles normales et une École des Beaux-Arts est appelé a formerle noyau fondateur de l’Université du Québec à Montréal qui accueilleses premiers étudiants en septembre 1969.

Pourquoi avoir choisi le terme de religiologie pour nommer unregroupement de professeurs universitaires et leur programme ?Outre l’exceptionnelle créativité terminologique du «Père Bourgault »,

4. Pourtant la déconfessionnalisation du système et des programmes d’enseignement desordres primaires et secondaires ne s’est achevée qu’en 2005.

5. En mai 1968, Normand Ryan, chef de la division de l’enseignement catholique duMinistère de l’éducation du Québec, présente deux communications dans le cadre d’unColloque interdisciplinaire de sciences religieuses organisé par l’ephe de Paris. Il y décrit lesimpasses de l’enseignement catéchétique, notamment lié au refus des jeunes enseignants del’assumer, et le projet d’instaurer des options aux niveaux secondaire et collégial entre unecatéchèse confessionnelle et les sciences humaines des religions. Au niveau universitaire ondevrait distinguer nettement les programmes théologiques de ceux de sciences humaines desreligions. Le texte de ces communications, enrichis de précieuses annexes qui décrivent lesimportantes consultations et discussions animées par Ryan au cours des années 1968 et 1969mérite publication dans les Archives des sciences sociales des religions, « Situation actuelle des sciencesreligieuses au Canada français », vol. 27, n° 27, 1969, p. 97-118. Deconchy qui les introduitsignale que du fait qu’il s’agit d’une politique officielle, celle-ci « est un véritable événementsociologique : un événement non seulement en ce qui concerne le Québec et la singularitéde son histoire politico-religieuse, mais aussi un événement pour la réflexion pédagogique.C’est la nouveauté de cette position et l’influence que, généralisée, elle pourrait avoir sur ledéveloppement des sciences des religions qui ont amené la Rédaction des Archives à publier »« Avant-Propos », Archives des sciences sociales des religions, vol. 27, n° 27, 1969, p. 89-96.

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fascinant esprit hégélien et teilhardien dont, par ailleurs, la définitionde la religiologie marquera peu la jeune équipe alors dirigée par YvonDesrosiers, la volonté de disposer d’un marqueur distinctif fort face àla théologie catholique qui disposait d’un Institut supérieur de sciencesreligieuses (théologie pour laïcs) sur le campus de l’Université deMontréal aura joué un rôle majeur. En outre, le département allait êtreinséré dans la « famille des sciences humaines » où se retrouvaient laphilosophie, l’histoire, la sociologie, les sciences politiques, l’économie,le travail social, la sexologie et la linguistique. À peu près personne,parmi ses jeunes universitaires de gauche, ne s’intéressait à l’étude de lareligion. Dans ce contexte idéologique, utiliser l’expression de « scienceshumainesdes religions »était irrecevable.Et l’équipesentait confusémentqu’elle était en train d’inventer quelque chose de nouveau puisqu’elleconcevait son travail comme une œuvre collective de convergenceentre plusieurs disciplines prenant la religion comme objet partiel ouspécialisé. Des réunions méthodologiques et épistémologiques qui setiendront toutes les quinzaines émergera graduellement un modèled’interdisciplinarité dont je reparlerai dans la deuxième partie de cetarticle.

Le terme de religiologie était-il véritablement nouveau en 1968 et,si non, son contenu était-il identique à celui d’un éventuel précurseur ?En consultant la revue Numen de l’Association Internationale pourl’histoire des religions (Iahr/aIhr) qui rassemble toutes les sociétéssavantes nationales spécialisées dans l’étude des religions, nous eûmesla surprise de découvrir un article dont le titre était « Religiology ». Cetarticle était la traduction anglaise du premier chapitre d’un livre rédigépar feu le professeur Hideo Kishimoto (1903-1964) en guise de manueld’introduction générale à l’étude scientifique de la religion. Il proposaitde traduire le terme de shukyogaku par religiology6, jugé équivalent anglaisdu terme allemand Religionswissenchaft et remplaçant souhaitable destermes plus anciens de science de la religion ou encore comparativereligion. Voici donc que notre choix avait la caution d’un illustreprofesseur japonais, directeur du département des Études religieusesde l’université de Tokyo et conseiller fort impliqué dans le complexeprocessus de laïcisation de la Constitution japonaise d’après-guerre.

Les religious studiesdans l’enseignement supérieur public aux États-Unis

La création d’un département montréalais de sciences religieuses quidésignait sa pratique du terme de religiologie doit être située dans le

6. «Religiology is a branch of science and its aim is the scientific study of religion. It seeks to acquire abasic knowledge of religion as a phase of culture, without the bias of a specific belief system. Only the scientificstudy of religion can achieve this aim. » « Religiology »,. Numen, vol. 14, n° 2, 1967, p. 81.

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champ plus vaste de l’Amérique du Nord anglophone et de la placed’une formation humaniste dans le tronc commun du début des étudessupérieures (High school). Dans l’arrêt Schempp (1963) la Cour suprêmeaméricaine déclarait conforme à la Constitution américaine la présenced’un enseignement non confessionnel portant sur les religions dansles institutions publiques dépendant des États7. À côté des langues,de la littérature et de la philosophie, les savoirs savants portant surla religion pouvaient prendre place dans le tronc humaniste de laformation générale. C’est ainsi qu’à côté des approches historiques etphilosophiques portant sur le christianisme se développa le domainedes autres grandes traditions religieuses de l’humanité. Pour alimenterce nouveau domaine pédagogique, il fallait de nouveaux professeurset de nouveaux programmes universitaires pour les former8. Cetteinnovation pédagogique, méthodologique et épistémologique serépercuta au Canada anglais dès la deuxième partie des années soixante.

La création de ce nouveau type de département universitaireproposant une approche multidisciplinaire à l’étude des religionsnaît d’une transformation majeure de l’ancienne fonction sociale detransmission d’un haut savoir religieux chrétien dans les universitésprivées, souvent, mais pas toujours, d’allégeance confessionnelle. C’estla fonction culturelle de cette tradition d’enseignement qui se déplacedans les institutions publiques d’États non régulés par une religionparticulière comme les États-Unis et le Canada. L’absence d’une Églisedominante, ou sa perte de domination dans le cas québécois, rendentpossible cette innovation alors que la place de l’Église catholiquedans la France de l’après 1848 aura forcé l’érudition portant sur lesreligions à se confiner à une fonction de recherche dont les résultats nerejoignaient pas un vaste public étudiant9.

Parmi les membres de l’American Academy of Religion, les termes dereligiology et religiologist ont été proposés dans les discussions portant sur

7. W. R. ClarK, « The Legal Status of Religious Studies Program in Public HigherEducation », F. E. Reynolds, S. L. BurKhalter (Dir.), Beyond the Classics ? Essays in ReligiousStudies and Liberal Education, Atlanta (Geor.), Scholars Press, 1990, p. 109-139 ; J. A. BerlInG,« 1991 Presidential Address : Is Conversation about Religion Possible », Journal of the AmericanAcademy of Religion, vol. 61, n° 1, 1993, p. 1-22.

8. Pendant quelques décennies c’est la Divinity School de l’Université de Chicago qui créale modèle standard de ce nouveau type de professionnel de l’enseignement supérieur avecdes figures comme Mircea Eliade, Joseph M. Kitagawa, Paul Ricœur et Jonathan Z. Smith. Leparadigme éliadien valorisant l’homo religiosus et posant des formes religieuses universelles vamarquer profondément cette première étape. La filiation avec la Religionswissenchaft est visibleet les approches de type sociologique, anthropologique et psychologique auront du mal à ytrouver place.

9. M. Despland, « Les sciences religieuses en France : des sciences que l’on pratique maisque l’on n’enseigne pas », Archives de sciences sociales des religions, 116, 2001, p. 5-25.

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le nouveau champ disciplinaire10. La question se pose, par exemple,lorsque des programmes multidisciplinaires prenant la religion pourobjet produisent des diplômés qui ne peuvent s’identifier purement etsimplement à une des disciplines qui fait partie du complexe de leurscompétences. Nommer les diplômés implique de désigner un savoirqui s’avère nouveau du fait des croisements disciplinaires impliquantsouvent l’histoire et diverses sciences humaines. Malgré l’intérêtfonctionnel assez évident d’une terminologie plus rigoureuse, on enreste généralement aux termes mous de religionist et de religious studies.

La pratique terminologique des sociétés savantes actuelles

Les termes qui servent à désigner les différentes formesinstitutionnelles des disciplines ou des champs d’études dissimulent etmontrent à la fois. Ils dissimulent les débats portant sur la définition d’undomaine pour ses participants. Dans le champ de ce que l’on nommecommunément la religion, la dynamique d’opposition au prototypereligieux chrétien qu’est la théologie donne même lieu à un débat jamaisclos quant à l’existence possible d’un objet universel de connaissancequ’on pourrait nommer la religion11. On peut tirer matière à réflexionen observant les termes qui sont utilisés aujourd’hui par les sociétéssavantes au sein desquelles se regroupent les experts dans l’étude nonthéologique des religions. Que montre le choix des noms ?

Voici une indication de l’état actuel des choses au sein de l’aIhr/Iahr12 dont la vocation est d’intégrer au plan mondial toutes lessociétés savantes nationales et régionales prenant la religion commeobjet de recherche de leurs membres. L’Association internationale pourl’histoire des religions a été fondée en 1950 pour donner une forme

10. Voir R. McDermott, « Religion as an Academic Discipline », Cross Currents, vol. 18,1970, p. 11-33 ; G. BIschoFF, « Public School Religion Studies as a Bridge Discipline: Towarda Pedagogy of Religiology », Public Education Religion Studies, Chico, Calif, Scholars Press, 1981,p. 43-60 ; C. E. VernoFF, «Naming the Game : a Question of the Field. aar Consultationon Theory of and Methods for the Study of Religion », Council on the Study of Religion, vol. 14,n° 4, 1983, p. 109-113.

11. C. Tarot, Le symbolique et le sacré. Théories de la religion, Paris, Éditions de la découverte,Textes à l’appui/Bibliothèque du mauss, 2008.

12. « The Iahr seeks to promote the activities of all scholars, member and affiliateassociations and societies who contribute to the historical, social, and comparative study ofreligion. As such, the Iahr is the preeminent international forum for the critical, analytical andcross-cultural study of religion, past and present. The Iahr is not a forum for confessional,apologetical, or other similar concerns. The International Association for the History ofReligions (Iahr) is a worldwide body of national and regional member and affiliate associationsand societies dedicated to the academic study of religion. The Iahr is a member of the ConseilInternational de la Philosophie et des Sciences Humaines/ The International Council forPhilosophy and Humanistic Studies (cIpsh) under the auspices of unesco. » La Société ErnestRenan représente les spécialistes Français au sein de l’organisation internationale.

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associative plus évoluée et stable aux Congrès internationaux d’histoiredes religions inaugurés dans l’entre-deux-guerres. L’expression « histoiredes religions » renvoyait à l’immense érudition acquise en Occident parla critique et l’interprétation des textes dits religieux des civilisationsanciennes permettant de retracer l’origine des grandes traditionsreligieuses de l’humanité. Très tôt, aux méthodes philologiques se sontjointes diverses stratégies comparatistes permettant, souhaitait-on, dedégager d’abord des lois d’évolution, puis après l’épuisement du modèleévolutionniste, des traits généraux de similitudes et de différences ainsique des rythmes de transformation propres aux traditions analysées.Dans l’après-guerre le terme français d’Histoire des religions pouvaitmême convenir à des travaux de type phénoménologiques comme ceuxde Van der Leeuw ou d’Eliade. Mais, depuis une vingtaine d’années uncourant de plus en plus fort suscite des débats au sein de l’Associationet la pousse à élargir davantage sa désignation pour rendre compte dufait qu’une proportion très importante de la recherche contemporainerelève de méthodes non tributaires de l’histoire comme le sont la majoritéde ce que l’on appelle les sciences humaines. Le titre de remplacementserait l’Association internationale pour l’étude des religions.Cette évolution ne fera que refléter la place dominante de la locution

Study of Religion/Étude de la religion dans le nom que se donnent lesassociations multidisciplinaires nationales, régionales et internationalesqui regroupent leurs membres autour de l’objet religieux, commeen témoigne par exemple le groupe d’admissions sanctionnées aucours de la dernière assemblée générale de l’aIhr/Iahr à Toronto en201013. Cette terminologie semble tracer une distinction bien molleau sein des multiples approches savantes promues dans le mondeuniversitaire mondial. Ce qu’elle révèle, en revanche, c’est un faitsocial incontournable : l’existence d’un champ d’étude des religionset du religieux ayant développé des racines sur tous les continents etauquel acceptent d’appartenir des chercheurs universitaires pratiquantune très large diversité de méthodes. Inutile d’y chercher une théorie

13. Derniers pays admis : Estonie, Portugal, Latvie ; dernières associations régionales :European Society for the Study of Western Esoterism, International Study of Religion in Easternand Central Europe Association, (l’European Association for the Study of Religion existe depuislongtemps) ; associations plus spécialisées : International Association for the Cognitive Science ofReligion, International Society for the Study of Religion, Nature and Culture. La même année était enfinadmise l’American Academy of Religion qui recrute ses membres dans un spectre extrêmementlarge allant de l’exégèse biblique et la théologie jusqu’aux sciences humaines de la religionen passant évidemment par l’histoire. Le poids démographique et financier de cette vieilleassociation aura finalement eu raison d’une association américaine rivale excluant le domainethéologique.

Source: http://www.iahr.dk/newsletter/2011/2011minutes.html [Minutes of theIahr International Committee Meeting, Toronto, Canada, Wednesday, August 18, 2010].Le Canada dispose de deux sociétés savantes: Canadian Society for the Study of Religion/Société canadienne pour l’étude de la religion (1966), et la Société québécoise pour l’étude dela religion (1989).

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unifiée de la religion et même, oserais-je avancer en le regrettant, uneforte sensibilité concernant l’importance des concepts fondamentauxde portée universelle. Divers paradigmes coexistent dans un climatgénéralement tolérant. La multidisciplinarité va de soi et cela déçoitsurtout les praticiens de sciences humaines homothétiques comme lespsychologues, les sociologues et les anthropologues qui disposent déjàde sociétés savantes nationales et internationales organisées autour del’objet religieux.

L’usage restreint du terme de religiologie

Le terme de religiologie inventé à l’uqam en 1968 pour marquersocialement la nature d’une étude savante de la religion distincte de lathéologie par son adoption d’une approche hétéro-interprétative, d’unepart, et distincte des autres sciences humaines en tant qu’elle analysel’objet religieux à titre d’objet formel non réductible, d’autre part, aconnu une bien humble fortune.À l’intérieur de notre université les instances officielles n’ont jamais

accepté que ce terme devienne le nom d’un département ou d’unprogramme14 et le terme plus lisse de « sciences religieuses » aura servi deraison sociale jusqu’aux années 2000 où il a été remplacé par « sciencesdes religions » qui largue l’équivoque du qualificatif et multiplie lesappels à la légitimité savante! Dans l’enseignement lui-même, le projetreligiologique s’est précisé dans plusieurs cours d’introduction à l’étudede la religion et le terme de religiologue a été adopté facilement par lesétudiants spécialisés en tant que marqueur identitaire.

À l’extérieur de l’institution montréalaise, le terme a égalementservi son rôle de différenciateur épistémologique et social au seindes universitaires engagés dans l’étude de la religion. Il a fait l’objetde présentations et de débats à plusieurs reprises au cours des deuxpremières décennies de son existence.

Dans le monde universitaire canadien où se sont multipliés lesdépartements de religious studies à partir des années 1965 l’existence dugroupe de l’uqam et sa désignation disciplinaire ont été connues dèsles années 1970, mais n’ont guère suscité de débats épistémologiques,compte tenu d’une barrière linguistique apparemment impénétrable15.

14. Sauf au cours des années 1980. L’adoption d’un doctorat en sciences des religions(1989) incitera à modifier dans le même sens le titre des programmes de baccalauréat et demaîtrise.

15. La religiologie uquamienne a fait l’objet d’analyses dans les deux états des lieux desreligious studies canadiennes : M. Campbell, « Notes sur la conjoncture des sciences religieusesau Canada français depuis 1967 », C. P. Anderson, Guide to Religious Studies in Canada/Guidedes sciences religieuses au Canada, s.l., Corporation for the Publication of Academic Studiesin Religion in Canada, 1972, p. 21-40 ; L. Rousseau, M. Despland, Les sciences religieuses auQuébec depuis 1972. Sciences religieuses au Canada - The Study of Religion in Canada,

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Au Québec même, la naissance du département de l’uqam suivait dequelques mois la naissance d’un programme de maîtrise en scienceshumaines des religions implanté dans la faculté de théologie del’Université de Sherbrooke grâce à la collaboration personnelle duGroupe de sociologie des religions de Paris16. C’est avec les disciplesquébécois du Groupe que se tiendront les débats les plus vigoureuxportant sur la définition spécifique de l’objet religieux, les religiologuestenant de la nécessité d’une opération conceptuelle de construction, lessociologues tenant de l’évidence sociale de l’objet17. Le rayonnementsans doute le plus important de la démarche uqamienne sera porté parsa revue internationale, Religiologiques (1990), fondée à l’initiative duprofesseur Guy Ménard et première revue numérique francophone ensciences des religions18.

L’entreprise savante que le terme désigne aujourd’hui

L’équipe de l'uqam créait en 1969 un programme de formationuniversitaire d’abord, comme le faisaient les nouveaux départementsde religious studies. Mais il fallait en même temps convoquer plusieursperspectives scientifiques et faire converger leurs méthodes autour d’unnouvel objet à construire, du fait même de ce projet de convergence.La recherche pourrait se déployer par la suite une dizaine d’années plustard.

Waterloo (Ont.), Corporation canadienne des Sciences Religieuses/Canadian Corporation forStudies in Religion, 1988. La première définition de la religiologie par Bourgault avait reçu unecritique sévère qui laissera longtemps des traces dans l’opinion anglophone incapable de suivreles travaux subséquents : R. Pummer, « Religionswissenschaft or Religiology ? », Numen, vol. 19,n° 2/3, 1972, p. 91-127.

16. J. Palard, «Henri Desroches et ses réseaux québécois. Entre théorie de l’utopie etpratiques maïeuticiennes », Sociologie et Sociétés, vol. 37, n°. 2, 2005, p. 32-33.

17. La relative nouveauté du projet religiologique exigera davantage de clarificationsépistémologiques que la pratique déjà légitimée des sciences humaines des religions implantéepar l’équipe de Desroches. En témoignent de nombreux chapitres rédigés par les membresdes deux équipes à l’invitation du Centre de recherches en sociologie religieuse (1960) del’université Laval : P. StrycKman, J.-P. Rouleau, Sciences sociales et Églises. Questions sur l’évolutionreligieuse du Québec. Montréal, Bellarmin, 1980. Lire aussi G. Martel, «Statut épistémologiquede la religiologie et des sciences humaines des religions », C. LIzotte, Y. R. Théroux (dir.),Religion, sciences humaines et théologie: Perspectives pluridisciplinaires. La religion dans la formation aucollégial. Actes du colloque des sciences de la religion, Montréal, Polycopié, 1985, p. 117-150.

18. http://www.religiologiques.uqam.ca. La revue est née en même temps que débutait ledoctorat en sciences des religions. Chaque numéro rassemble des productions savantes autourd’un thème particulier, des articles libres et des recensions. Elle porte une attention particulièreaux productions de jeunes chercheurs à côté d’experts déjà reconnus dans leurs domaines. Elles’inscrit dans une définition interdisciplinaire de l’étude de la religion. Interrompue pour desraisons financières après le numéro 31 (2005), la revue reprendra vie à partir de 2014.

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Le nouveau département apparaissait comme surgi de nulle part auxyeux de l’administration comme des collègues. Rien d’équivalent auQuébec et dans le monde francophone à l’époque. Il fallait lui découvrirdes ancêtres pour le doter d’un imaginaire d’origine et ainsi le pourvoird’une fondation symbolique.

Durant les premières décennies notre département rechercha sesascendants dans un double lignage19, celui des Pays-Bas et de l’Europedu Nord où s’était institutionnalisée depuis longtemps une approchehistorique et phénoménologique à l’étude savante des religions à l’abride facultés de théologie protestantes libérales, et celui de la Francedu Collège de sociologie20, d’Eliade21, de Dumézil, de Mauss et deDurkheim22.

La posture épistémologique de la religiologie effectuait sans douteune « rupture instauratrice » d’autre chose, comme l’écrivait Michelde Certeau dans sa critique de la place de la théologie dans la sociétécontemporaine23, mais sans liquider la spécificité fonctionnelle de cetteautre chose qui se déplace depuis quelques siècles du fondement d’unevision commune du monde, croyante et particulière, vers une fonctioninstauratrice vide opérant le passage entre le chaos et tout ordrepossible dans la recomposition permanente des sociétés humaines.Nous gagions sur le déplacement du sacré dans la déconstruction encours, plutôt que sur sa disparition. Position extrêmement marginale,antimoderne même (postmoderne?) dans les dernières décennies dusiècle ! Cette posture semble avoir gagné en fécondité herméneutiquedepuis lors.

Un nouveau contexte : l’interdisciplinarité

Un dernier élément du contexte de la genèse et du développementdu projet religiologique doit être présenté rapidement pour encomprendre l’architecture. Alors que la réflexion épistémologique del’équipe cherchait à préciser son intuition fondatrice et mieux se situerau sein des savoirs universitaires, commençaient à paraître des travauxqui clarifiaient de nouvelles façons de faire converger les méthodes de

19. Un compendium de textes dans la coulée desquels nous nous sentions portés nous auraaidé : J. WaardenburG, Method and Theory in the Study and Interpretation of Religion. I Introductionand Anthology, The Hague - Paris, Mouton, Religion and Reason 3, 1972.

20. G. Ménard, Petit traité de la vraie religion à l’usage de ceux et celles qui souhaitent comprendre unpeu mieux le vingt et unième siècle. Montréal, Liber, 1999.

21. Jacques PIerre, Mircea Eliade le jour et la nuit : entre la littérature et la science. Brèches,LaSalle, Québec, Hurtubise hmh, 1989.

22. J. A. Prades, Persistance et métamorphose du sacré. Actualiser Durkheim et repenser la modernité,Paris, PUF, Sociologie d’aujourd’hui, 1987.

23. M. de Certeau, « La rupture instauratrice ou le christianisme dans la culturecontemporaine », Esprit, vol. 39, n° 404, 1971, p. 1177-1274.

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plusieurs disciplines dans l’étude d’un même sujet24. L’enseignementet la recherche étaient manifestement en train de rendre poreuses lesfrontières entre les disciplines sous la pression de la complexité dela réalité à comprendre et des limites inhérentes à la spécialisationdisciplinaire. En rapprochant les expertises historiques portant sur lestraditions religieuses des expertises plus homothétiques de la sociologie,de l’anthropologie, de la psychologie et de la didactique nous entrionsdans le territoire de la multidisciplinarité et allions même plus loin. Nousacceptions en principe de transférer des méthodes d’une discipline àl’autre et, ce faisant, étions en train d’engendrer de l’interdisciplinaritéau sein de l’équipe comme dans le profil de formation de nos étudiants.C’est ainsi que s’est précisée l’approche religiologique.Il faut dire que des projets scientifiques analogues étaient nés ou

naissaient dans l’université québécoise contemporaine. Le départementde criminologie de l’Université de Montréal né dans les années soixanteet le département de sexologie apparu à la fondation de l’uqammettaient en œuvre le même type de convergence interdisciplinaireautour des sujets complexes de la criminalité et de la sexualité. Nousn’étions donc pas les seuls à briser les silos disciplinaires.

Un modèle interdisciplinaire religiologique

Peut-être la figure page suivante permettra-t-elle d’imaginerplus rapidement l’espace interdisciplinaire occupé par l’entreprisereligiologique. Elle peut-être interprétée à la fois comme une résultantede ma pratique personnelle et des discussions avec mes collègues au fildes années, et comme une proposition soumise pour discussion à toutescelles et ceux qui œuvrent aujourd’hui dans le domaine très vaste des« études religieuses » et s’intéressent aux clarifications épistémologiques.

Comme toute discipline empirique ayant pour objet une dimensionde la condition humaine, la religiologie intègre plusieurs niveauxméthodologiques. Elle tient sa nature interdisciplinaire particulière del’intégration des niveaux un (techniques) et deux (pluralité des scienceshumaines) par le niveau trois où opèrent les théories et concepts quiconstruisent la spécificité irréductible de l’objet religieux25. L’inclusion

24. Dans le foisonnement des productions portant sur l’interdisciplinarité au cours desannées 1970, le titre suivant produit à l’initiative de l’ocde a eu une influence séminale :L. Apostel et Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement, L’interdisciplinaritéproblèmes d’enseignement et de recherche dans les universités. Paris, Organisation de coopération et dedéveloppement économiques, 1972.

25. Pour sortir des débats stériles autour de l’objection faite au concept occidentalde religion, il faut poser le caractère construit du concept de religion et effectivement leconstruire à titre d’opérateur devant réussir le test de l’universalité. La critique théorique etépistémologique constitue le noyau sine qua non de la religiologie. Lire, entre autres exemples,« Construire l’objet religieux », numéro thématique de Religiologiques, n° 9, 1994.

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d’un quatrième niveau veut rendre compte de la subjectivité duchercheur, de ce qui motive les individus et convoque les groupes sociauxà développer un tel savoir intégrant de multiples regards analytiques surun même objet construit. Cela est particulièrement le cas des projetspédagogiques départementaux, des équipes de recherche, des écoleset des courants qui gravitent autour de mêmes paradigmes. Selon lesquestions de recherche et les terrains empiriques à étudier, chaquedémarche religiologique particulière privilégiera certaines techniques etcertaines sciences humaines plutôt que d’autres.

Niveau axiologique

Niveau des théoriesspécifiques de la religion

Niveau dessciences humaines

Niveau destechniques

ProjetFinalitéValeurs

Théories & conceptsreligiologiques

Anthropologie Psychologie Histoire Sociologie Sémiologie Politologie etc.

etc.Analyse decontenu

Descriptionphénoménologique

ObservationparticipanteStatistiqueEntrevueCritique

textuelle

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