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- 207 No 5447. - LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES SOCIETES DANS LE MARCHE COMMUN PRELIMINAIRES J.. Le probleme de la reconnaissance mutuelle des societes sera env .age ici dans la perspective de l' article 220 du Traite qui dispose que les etats membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des negociations en vue d'assurer en faveur de leurs ressortissants, la reconnaissance mutuelle des societes au sens de !'article 58, al. 2, c'est-a-dire, des personnes morales a but economique (1). 2. L'examen de la question passera par les etapes suivantes : vue rapide de l'etat actuel du droit dans le Marche Commun, analyse de la convention sur la reconnaissance mutuelle des societes et personnes morales, etablie en execution de !'article 220, par un groupe d'experts preside par le professeur GOLDMAN (2). (1) On sait que cette disposition definit tres largement la notion de « societe ». (2) La question de la reconnaissance des societes en general, et plus speciale- ment de la reconnaissance mutuelle des personnes morales economiques a deja fait l'objet d'une abondante litterature. Pour nous en tenir aux etudes qui replacent le probleme dans le cadre de la C.E.E., nous citerons specialement : B. GOLDMAN. Le projet de convention entre les etats membres de la com- munaute economique europeenne sur la reconnaissance mutuelle des societes et personnes morales, Rabels Zeitschrift, 1967, p. 201 ; la reconnaissance mutuelle des societes dans la Communaute economique europeenne, Etudes offertes a L. JULLIOT de la MORANDIERE, 1964, pp. 175 et suiv.; BEITZKE, Zur anerkennung van Handelsgesellschaften im EWG-Bereich, Aussenwirtschafts- dienst des Betriebs-Beraters, mars 1968, pp. 91 et s. ; VAN DER GRINTEN, Erkenning van Vennootschappen en rechtspersonen in de E.E.G., Soc. Ee. Wet- geving, 1966, pp. 201 et s. ; VAN HECKE, Erkenning, Zetelverplaatsing en Fusie, Post. doct. Leergangen, Het Vennootschapsrecht in de E.E.G., Louvain; CAPOTORTI, Il problema del reciproco riconoscimento della societa nella C.E.E. Riv. della Societa, 1966, 5, pp. 969 et s. ; CEREXHE, La reconnais- sance mutuelle des societes et personnes morales dans la C.E.E., Rev. M. C., 1968, 110; HOUIN, Le regime juridique des societes dans la C.E.E., Rev. trim. dt. eur., 1965, pp. 20 et s.; DROBNIG, Kritische bemerkungen zum vorentwurf eines E.E.G.-Ubereinkommens uber die anerkennung, Zeitsch. fur das H.-recht und K.-recht, vol. 129, pp. 93 et s. 5447 14

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No 5447. - LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES SOCIETES DANS LE MARCHE COMMUN

PRELIMINAIRES

J.. Le probleme de la reconnaissance mutuelle des societes sera env ~ . age ici dans la perspective de l' article 220 du Traite qui dispose que les etats membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des negociations en vue d'assurer en faveur de leurs ressortissants, la reconnaissance mutuelle des societes au sens de !'article 58, al. 2, c'est-a-dire, des personnes morales a but economique (1).

2. L'examen de la question passera par les etapes suivantes : vue rapide de l'etat actuel du droit dans le Marche Commun, analyse de la convention sur la reconnaissance mutuelle des societes et personnes morales, etablie en execution de !'article 220, par un groupe d'experts preside par le professeur GOLDMAN (2).

(1) On sait que cette disposition definit tres largement la notion de « societe ».

(2) La question de la reconnaissance des societes en general, et plus speciale­ment de la reconnaissance mutuelle des personnes morales economiques a deja fait l'objet d'une abondante litterature. Pour nous en tenir aux etudes qui replacent le probleme dans le cadre de la C.E.E., nous citerons specialement : B. GOLDMAN. Le projet de convention entre les etats membres de la com­munaute economique europeenne sur la reconnaissance mutuelle des societes et personnes morales, Rabels Zeitschrift, 1967, p. 201 ; la reconnaissance mutuelle des societes dans la Communaute economique europeenne, Etudes offertes a L. JULLIOT de la MORANDIERE, 1964, pp. 175 et suiv.; BEITZKE, Zur anerkennung van Handelsgesellschaften im EWG-Bereich, Aussenwirtschafts­dienst des Betriebs-Beraters, mars 1968, pp. 91 et s. ; VAN DER GRINTEN, Erkenning van Vennootschappen en rechtspersonen in de E.E.G., Soc. Ee. Wet­geving, 1966, pp. 201 et s. ; VAN HECKE, Erkenning, Zetelverplaatsing en Fusie, Post. doct. Leergangen, Het Vennootschapsrecht in de E.E.G., Louvain; CAPOTORTI, Il problema del reciproco riconoscimento della societa nella C.E.E. Riv. della Societa, 1966, n° 5, pp. 969 et s. ; CEREXHE, La reconnais­sance mutuelle des societes et personnes morales dans la C.E.E., Rev. M. C., 1968, n° 110; HOUIN, Le regime juridique des societes dans la C.E.E., Rev. trim. dt. eur., 1965, pp. 20 et s.; DROBNIG, Kritische bemerkungen zum vorentwurf eines E.E.G.-Ubereinkommens uber die anerkennung, Zeitsch. fur das H.-recht und K.-recht, vol. 129, pp. 93 et s.

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CHAPITRE I

LA RECONNAISSANCE DES SOCIETES DANS LE DROIT ACTUEL DU MARCHE COMMUN

3. Le probleme de la reconnaissance des ~ocietes dans le droit actuel du Marche Commun doit etre examine d' abord par reference aux droits nationaux des etats membres. Nousl rappellerons aussi ce qu'il y a a dire de la Convention de La Haye sur la matiere et de certains traites bilateraux d'etablissement. Nous concentrerons specialement notre attention sur le sort fait aux societes proprement dites (3).

4. En pratique, le principe de la reconnaissance des societes com­merciales etrangeres est largement admis par le droit positif des six etats membres de la C.E.E., en vertu de regles legales, de solutions jurisprudentielles et coutumieres ou de conventions bilaterales (4).

La situation semble moins nette en ce qui concerne les personnes morales de droit prive autres que les societes et les personnes morales de droit public poursuivant un but lucratif, mentionnees a l' article 5 8, al. 2 du Traite de Rome, encore que leur reconnaissance paraisse · assu­ree dans une assez large mesure (5).

(3) On consultera sur la question, VAN BOXSOM, Rechtsvergelijkende studie over de nationaliteit der vennootschappen, C. Int. D. C., Bruylant, 1964.

(4) En Belgique, la solution decoule de !'article 196 des lois coordonnees sur les societes qui n'exige point la reciprocite (POULLET, Manuel de droit inter­national prive, 3° ed., 1947, n° 210; VAN RYN, t. II, rr0 1130). Certaines conventions bilaterales reglent egalement la question soit directement, soit par le biais de l'etablissement. On citera notamment pour l'Italie le traite du 11 decembre 1882, art. 4, pour la France le traite du 6 octobre 1927, art. 8 ; pour les Pays-Bas, la convention du 20 fevrier 1933, art. 10; pour les U.S.A. le traite du 21 fevrier 1961. En droit luxembourgeois, !'article 158 de la loi du 15 aout 1915, fonde le principe. Pour l'Italie on se refera a l'art. 16 des dispositions introductives du code civil. En droit allemand, et neerlandais, la solution est doctrinale et jurisprudentielle (P ALANDT, Kommentar zum B.G.B., ed. 1958, art. 10, ann. 2 a et b; VAN DER HEYDEN - VAN DER GRINTEN, n° 82). En France, les societes autres que les societes de capitaux sont traditionnellement reconnues de plein droit, il en va autrement des societes de capitaux (loi du 30 mai 1857) mais cette difficulte a ete aplanie, specialement dans les relations entre les pays europeens, soit par des conventions bilaterales, soit par des traites collectifs. Pour les societes belges, I' article 1 er de la loi de 1857 resout la question (Voy. BATTIFOL, op. cit., n° 2'01). On trouvera une liste des conventions relatives a la reconnaissance et a l'etablissement des societes dans les relations entre les etats actuellement membres du Marche Commun, dans· GOLDMAN, La reconnaissance, p. 176 ; BEITZKE, Zeitschrift fur Handelsrecht, 1964, pp. 1 et s.; VAN BOXSOM, op. cit. sp. pp. 55 s, 69, 97s, 136, 166s, 176.

(5) On consultera sur la question, GOLDMAN, La reconnaissance p. 180; BATTIFOL, Traite elementaire, 3° ed., n° 190; et tout specialement la consul­tation donnee a la C.E.E. par le professeur BEITZKE, publiee en extraits dans le Zeitschrift fur Handelsrecht, 1964, pp. 1 a 47.

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5. Si, d'une maniere generale, le . principe de la reconnaissance des societes etrangeres fait ainsi partie du droit positif des etats membres des Communautes europeennes, diverses difficultes subsistent ~cepen­dant qu'il nous faut brievement rappeler.

6. Un premier obstacle a la reconnaissance des societes etrangeres peut proceder de la diversite des « systemes de rattachement ». On sait en quoi consiste le probleme. II est generalement . admis qu'une societe ne peut etre sujet de droit qu'a raison du lien particulier qui existe entre elle et une legislation determinee, en conformite de laquelle elle doit etre constituee si elle veut etre dotee d'existence comme personne juridique distincte.

En decider ainsi, ce n'est point prendre parti pour la theorie de la « fictivite » des personnes morales. Que la constitution d'un groupe­ment fasse naitre une volonte collective et un centre d'interets dis­tinct n'implique point que ce groupement puisse pretendre a la qualite de sujet de droit sans que l'on doive au prealable verifier si .la loi competente pour le regir lui attribue ou lui reconnait ce statut (6). Ceci pose un probleme dans les relations internationales car les legisla­tions ne determinent point selon des criteres identiques la legislation de « rattachement » et cette diversite apparait meme entre les etats membres du Marche Commun.

En droit allemand, le rattachement d'une societe se determine, en principe, par le lieu du siege reel, c'est-a-dire selon fopinion qui parait dominante l'endroit d'ou la societe est dirigee, du moins, si celui-ci est fixe en Allemagne. La solution est cependant differente si le siege reel est fixe sur le territoire d'un etat dont la legislation renvoie au droit de constitution (7). Devrait egalement etre tenue pour allemande, semble-t-il, la societe fondee selon le· droit allemand, ayant en Allemagne son siege statutaire, mais qui. serait, en fait, dirigee de l'etranger (8). II faut noter, enfin, qu'une partie importante de la doctrine tend a faire adopter la theorie dite du siege statutaire (9).

En droit frangais, la nationalite de la societe se determine egalement par le lieu du siege reel, c'est-a-dire ici aussi, par reference a l'endroit d'ou la societe est effectivement dirigee. Certains arrets ont cependant

(6) Voy. sur ce point, GOLDMAN, Le projet de convention, p. 205. (7) Voy. l'affaire Eskimo-pie R.G.Z., 177, 215, cite par VAN BOXSOM,

p. 144. (8) Voy. un arret du R.G., 1934, J.W., 1934, 2969, voy. aussi WURDINGER,

Aktien und Konzern-Recht, p. 19. (9) Voy. sur la question BEITZKE, Z.H.R., 1964, p. 13 et les references.

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pris en consideration le centre principal d'exploitation (10) ou, exceptionnellement, la nationalite des personnes exen;ant le controle effectif de la societe ( 11).

En droit belge, les societes commerciales sont regies par la loi du pays ou se trouve leur principal etablissement. L'article 197 en dispose ainsi pour les societes dont le principal etablissement est en Belgique et la meme solution est consacree implicitement par l'art. 196 pour les societes dont le siege est a l'etranger. Le principal etablisse­ment est l'endroit ou se trouve la direction effective de la societe (12).

La solution italienne est plus complexe. Aux termes de I' article 2509 du Code civil, les societes « constituees » sr le territoire italien sont soumises aux dispositions de la loi italienne meme si l'objet de leur activite est a l' etranger et sur ce point, lb droit italien parait bien admettre le critere de !'incorporation car il n'exige point que la societe ait son siege reel en Italie (13). Mais, !'article 2505 dispose que les societes constituees a l' etranger sont soumises a toutes les dispositions de la loi italienne meme pour les conditions de validite de l'acte constitutif, si elles ont en Italie le siege de leur administration ou l'objet principal de leur entreprise (14).

7. L'article 159 de la loi luxembourgeoise de 1915 prescrit qu'une societe dont le principal etablissement est au Grand-Duche est soumise a la loi luxembourgeoise, meme si I' acte de constitution a ete regu a l'etranger. Le rattachement est done fonde sur le siege reel (15). Mais on considere qu'aucun texte ne prevoyant la perte de nationalite, la societe creee au Grand-Duche restera luxembou[geoise jusqu'a sa disparition, meme si le siege de son administration et de sa direction a ete transfere a I' etranger ( 16).

Aux Pays-Bas, la loi du 25 juillet 1959 a integre au droit interne la solution etablie par la Convention signee a La Haye le 1 er juin 1956. 11 s'ensuit que la reconnaissance de la personnalite morale d'une SOCiete, association OU fondation etrangere ne peut etre refusee aUX Pays-Bas uniquement pour le motif que le siege reel ne · se trouve

(10) Voy. sur le principe et les nuances de la jurisprudence, BATTIFOL, Traite elementaire de droit international prive, 1959, n° 8 194 et s.

(11) BATTIFOL, op, cit., n° 197, LOUSSOUARN, J. Cl. de dr. int., p. 64, n° 8 100 et s.

(12) VAN RYN, Principes de droit commercial, t. II, n° 8 1125 et 1126. (13) Voy. GRECO, La societa, Turin, p. 499; ASCARELLI, Diritto commer-

ciale, pp. 207 et s. (14) Voy. GRECO, op. cit., n° 8 115 et suiv. (15) Cour sup. Luxembourg, 8 oct. 1947, Pas. Lux., 14, p. 346. (16) DELVAUX, Jura Europae, Grand-Duche de Luxembourg, 50.80; nos 4

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pas dans le pays de constitution mais se trouverait aux Pays-Bas ou dans un pays qui tiendrait compte du siege social reel.

L'adoption de ce principe permet de dire que le droit neerlandais determine la nationalite des societes sur base du siege statutaire, meme s'il ne correspond point au lieu ou se situe la direction effective de la societe ( 17).

8. Nous nous sommes referes, jusqu'a present aux solutions natio­nales. La pratique conventionnelle merite d'etre examinee, elle aussi. La plupart des traites bilateraux subordonnent la reconnaissance des societes a la double condition qu'elles soient constituees conformement a. la legislation des etats contractants et que leur siege soit fixe sur le territoire de ceux-ci, ce qui revient, en pratique, a consacrer la theorie du siege reel (18).

II arrive parfois que la question soit passee sous silence ou ne soit point expressement tranchee lorsque l'un des etats contractants se rattache au systeme de !'incorporation (19).

9. Les divergences de rattachement que nous venons de rappeler peuvent avoir pour consequence qu'une societe regulierement consti­tuee selon une legislation nationale determinee et satisfaisant aux conditions de localisation exigees par cette legislation, sera cependant consideree par les tribunaux et les autorites administratives d'un autre etat, soit comme devant etre constituee selon la loi nationale de cet etat, soit meme comme rentrant dans la sphere d'application d'une legislation tierce. II s'ensuivra dans certaines legislations que la societe sera consideree comme inexistante pour ne pas avoir ete regulierement constituee selon le droit seul competent d'apres les criteres du ·for pour lui attribuer !'existence. II s'agira done en ce cas d'un refus de reconnaissance, ou d'une decision de nullite et telle est semble-t-il la solution retenue en France et en Allemagne (20).

(17) VAN BOXSOM, n° 99 ; VAN DER GRINTEN, Handboek voor de naamloze vennootschap, n° 81.

(18) Traites de commerce, Belgique-Iran, 9 mai 1929, art. 9; Belgique-Pays­Bas, 20 fevrier 1933, art. 10; Belgique-Siam, 5 novembre 1937, art. 9; Belgique-Turquie, 30 juillet 1931, art. 8 ; Convention d'Etablissement, Belgique­France, 6 octobre 1927, art. 8, regle implicite, voy. pour les pratiques fran­~aise, allemande, italienne, neerlandaise, luxembourgeoise, VAN BOXSOM, pp. 136, 166, 176 97 69.

(19) Convention d'Etablissement. Belgique-U.S.A, 21 fevrier 1961, voy. aussi !'article 58 du Traite Benelux.

(20) Voy. GOLDMAN, La reconnaissance mutuelle, p. 193; BEITZKE, Z.H.R., 1964, pp. 1-47.

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Pour d'autres legislations, la societe devra se conformer a la loi a laquelle la rattachent les criteres. du for, sous peine des sanctions portees par cette legislation (20bis).

10. La reconnaissance d'une societe etrangere peut egalement se heurter a !'obstacle de l'ordre public du for. II en sera ainsi lorsque les principes constitutifs de la societe etrangere consideree seront contraires a des normes nationales tenues pour essentielles par le droit du for. Un exemple classique est fourni par le conflit qui existe entre les conceptions belge, fran9aise et luxembourgeoise qui n'admet­tent point qu'une societe puisse compter un · seul actionnaire et les conceptions allemande, neerlandaise et italienne qui l'admettent, du moins pour certaines societes et selon certaines modalites. Si la regle nationale est tenue par les juridictions du for comme principe fonda­mental, ayant valeur absolue, ceci s'opposera a ce que la societe etrangere, constituee sur une base differente, puisse etre reconnue comme societe par la loi du for (21).

II peut arriver aussi qu'un refus de reconnaissance sanctionne le fait que la societe etrangere aurait un objet ou une activite contraires a l'ordre public du for (22). La· pratique recente des conventions d'etablissement et de reconnaissance s'inspire largement de ce principe. L'exception d'ordre public risque de creer une insecurite d'autant plus grande qu'en principe chaque etat se reserve le droit d'apprecier, selon ses propres criteres, ce qui est conforme ou non a son ordre public, tel qu'il le congoit. En outre, la liberte de chaque etat est, en general,-sauvegardee--pour l'avenir, en ce sens que chacun conserve le droit de determiner, ce qui rentrera dans le champ de cette notion selon !'evolution de sa legislation. On a pu citer a cet egard le texte tres caracteristique du Protocole ajoute a la Convention franco-alle­mande du 27 octobre 1956, par. 1'0 r et par. 3 a (23).

On a d'ailleurs deja fait remarquer que «la negation d'une realite »

ne pouvait etre « une bonne methode juridique ni meme simplement intellectuelle », et que «la negation d'une personnalite qui est l'ex-

(ZObis) Art. 197, loi belge soc; ; art. 159, loi grand ducale ; art. 2505, code civil italien.

(21) Voy. pour la Belgique, Cass., 5 janvier 1911, Pas. 1911, I., p. 68, comp. pour la France, Cass., 17 juin 1958, R. Cr., Drt. Int. prive, 1958, 704.

(22) Voy. GOLDMAN, La reconnaissance, p, 179. (23) Voy. entre autres BEITZKE, Juris, personen, 1938, p. 1091; BAITIFOL,

Traite eleme'ntaire, 3° ed., n° 200; LOUSSOUARN, La condition des personnes morales en drt. int. pr. Recueil Cours Acad., 1959, I, p. 536.

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pression juridique d'une activite reelle conduit necessairement a des impasses »(24).

Celles-ci apparaitront notamment lorsque la personnalite niee aura cause quelque dommage, force sera bien de la reconnaitre pour !'assigner et la faire condamner (25).

11. L'application du principe de la reconnaissance peut se heurter a des difficultes particulieres lorsque l'homologrte de la societe etran­gere dans la legislation du for n'est point consideree par celle-ci comme une personne morale ou n'a qu'une capacite moins etendue que celle reconnue a la societe etrangere par sa propre legislation. Sans doute, la capacite de la societe est-elle normalement determinee par la loi qui la regit (26), mais la legislation du for peut refuser de reconnaitre aux societes etrangeres d'un type determine une exis­tence autonome dont les societes nationales du meme type seraient depourvues, de leur reconnaitre un degre d'existence auquel n'acce­deraient point les societes nationales correspondantes (27), ou encore de leur reconnaitre la jouissance de droits que les societes nationales ne pourraient faire valoir.

12. Ces diverses difficultes ont amene les gouvemements et les juristes de divers etats reuvrant dans le cadre de la Conference de droit international prive de La Haye, a elaborer une convention sur la reconnaissance des personnes morales (1 er juin 1956). Jusqu'a present, cependant, ce texte n'a point ete ratifie par un nombre suffi­sant d'etats, de telle sorte qu'il n'est point encore devenu droit positif (28).

13. Les diverses conventions d'etablissement signees entre les pays membres du Marche Commun avant !'adoption du Traite C.E.E. resolvent-elles d'une maniere acceptable les problemes que nous venons de relever ? Pour repondre a cette question d'une maniere precise une analyse detaillee de ces conventions devrait etre faite, tache qui

(24) BATTIFOL, Traite elementaire, 3e ed., n° 200. (25) Voy. sur ce point, BATTIFOL, op. cit., n° 200. (26) Voy. sur ce point, GOLDMAN, La reconnaissance, p. 195; BATTIFOL,

op. cit., n° 202 ; VAN BOXSOM, op. cit., n° 278. ' (27) Voy. sur ces points, ad. gen. GOLDMAN, La reconnaissance, n° 195;

RIGAUX, Les personnes morales en droit international prive, ri0 10; VAN BOXSOM, op. cit., n° 278 ; !'article 5 de la convention de La Haye ; et pour les difficultes qui peuvent resulter du fait qu'un type de societe n'a la personna­lite juridique que dans certaines legislations, VAN BOXSOM, n° 274.

(28) Au 15 fevrier 1964, le projet n'avait recueilli que trois ratifications (Belgique, France, Pays-Bas) alors que, selon !'article 11, la Convention ne doit entrer en vigueur qu'apres le depot du cinquieme instrument de ratification, et le 60e jour a partir de celui-ci.

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depasserait le cadre de cette etude. Nous nous bornerons done a relever qu'une opinion tres largement repandue considere que les avantages incontestables qu'elles presentent ne peuvent faire oublier les difficultes considerables qui subsistent. On signalera notamment qu'elles sont generalement de duree limitee sauf tacite reconduction, ou assorties de clauses de denonciation unilaterale apres un bref pre­avis, qu'elles ne concernent habituellement. que les societes commer­ciales proprement dites et non point les personnes morales de droit public a but economique, enfin que !'unite de leur interpretation n'est .point assuree et qu'elles Iaissent sans reglement satisfaisant les pro­blemes lies a !'exception d'ordre public (29).

14. L'adoption et la ratification de la convention de La Haye par les etats membres du Marche Commun auraient-elles fourni une solution aux problemes que pose la reconnaissance mutuelle des societes dans le cadre de la communaute ?

La doctrine. opine generalement pour la negative. On fait remarquer que la convention ne regle point le probleme de la reconnaissance des personnes morales de droit public a but economique; par ailleurs, elle implique reconnaissance des associations a but desinteresse ce qui n'est point necessaire aux fins du Traite et peut faire Msiter certains etaits, elle autorise les etats parties a la convention a refuser la reconnaissance, sous certaines modalites, en cas de discordance entre !'indication du siege statutaire et !'implantation du siege reel, enfin, elle reserve inconditionnellement !'exception de l'ordre public. Ces diverses solutions sur lesquelles nous reviendrons dans le chapitre suivant pour les comparer avec celles du projet de convention sur la reconnaissance, sont generalement considerees comme incompa­tibles avec les exigences du Traite de Rome.

15. Ainsi, ni le droit commun, ni les conventions existantes ne reglent d'une maniere adequate les divers aspects du probleme de la reconnaissance (30).

II se con~oit done que les travaux prevus par !'article 220 aient dft etre entames. Ils ont conduit a !'adoption de la «convention sur la reconnaissance mutuelle des societes et personnes morales», conven­tion qui doit encore etre ratifiee.

Le chapitre suivant sera consacre a !'analyse de celle-ci.

(29) Voy. sur ce dernier point ci-dessus et ,ad. gen., GOLDMAN, La recon­naissance, p. 179.

(30) Voy. sur ce point, les avis concordants de BEITZKE, Z.H.R~, 1964, pp. 1 a 47; GOLDMANN, La reconnaissance mutuelle, pp. 176 a 185.

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CHAPITRE II

LA CONVENTION SUR LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES SOCIETES

DANS LE MARCHE COMMUN

16. La convention sur la reconnaissance mutuelle des societes et des personnes morales a ete preparee par un groupe d'experts reunis sous la direction du professeur GOLDMAN. Ses travaux avaient ete precedes par une consultation du professeur BEITZKE (31). La con­vention a ete signee le 29 fevrier 1968 par les ministres des affaires etrangeres des etats membres reunis au sein du conseil.

Jr.e SECTION

Domaine et conditions de la reconnaissanK:e.

17. Les cinq premiers articles de la convention determinent son domaine d'application et indiquent les conditions de la reconnaissance. Celles-ci comportent d'une part, des conditions auxquelles les personnes morales beneficiaires de la convention doivent satisfaire absolument (art. 1 et 2) et, d'autre part, des conditions qu'il appartient aux etats d'imposer, chacun pour ce qui les concerne, sous forme de « declara­tions » (art. 3, 4 et 5) qui doivent intervenir dans un delai determine (art. 15).

18. Les articles 1 et 2 designent comme categories pouvant beneficier de la reconnaissance, les societes de droit civil et commercial (art. 1) et les personnes morales de ·droit public ou de droit prive, autres que les societes mentionnees a I' article 1, qui, a titre principal, OU

accessoire, ont pour objet une activite economique exercee normale­ment, contre remuneration OU qui, . sans contrevenir a. la loi en confor­mite de laquelle elles ont ete constituees, se livrent en fait de maniere

. continue a une telle activite (art. 2).

19. Le rapport du professeur GOLDMAN precise que les societes visees a !'article 1 beneficient de la reconnaissance sans qu'il puisse leur etre oppose qu'elles ne poursuivraient point une activite e~ono­mique au sens de !'article 2. Le rapport dit a cet egard qu'en vue de prevenir les difficultes liees a !'appreciation de l'activite de l'etre moral, il a ete prevu « qu'en tout cas, la Convention s'appliquerait

(31) Cette ·consultation a ete publiee sous forme abregee dans le « Zeitschrift fur das gesamte Handelsrecht », 1964, pp. 1 a 47.

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aux societes de droit civil et de droit commercial, ainsi qu'aux societes cooperatives ». Le rapport ajoute « pratiquement, en effet, les entre­prises constituees sous cette forme ont toutes un objet et une activite a la fois economique et interessee ... ; c'est dans cette perspective que l'article 1 porte ... reconnaissance des societes de droit civil ou de droit commercial, y compris les societes cooperatives, sans mentionner la nature de leur activite. La forme est ici determinante et dispense de la recherche de l'objet, de droit ou de fait » (32).

Selan une formule du professeur Hou1N, leur caractere de personne morale a but economique est ainsi «suppose)} par la convention sans qu'elles aient a en justifier. Cette solution va, pensons-nous, au defa de ce qui est prevu par l'article 58, al. 2 du Traite de Rome (33). Elle concorde cependant avec les prescriptions legales actuelles de la plupart des pays du Marche Commun et se recommande par sa simplicite. Une difficulte peut naltre, ~ependant, du fait qu'en droit allemand, la forme de l' Aktiengesellschift et celle de la GmbH peuvent, du mains en theorie, etre utilisees a toute fin quelconque. Il faut ajouter aussi qu'en principe, rien n'interdit aux etats contrac­tants d'utiliser la forme de societe civile OU commerciale a des fins autres que l'exercice remunere d'une activite economique (34). Mais, le risque d'abus ne parait guere serieux, ne fut-ce qu'a raison du fait que la reconnaissance n'implique point l'autorisation d'exercer une activite continue sur le territoire, ceci relevant de l'etablissement et de. la prestation des services.

La convention reprenant d'ailleurs sur ce point, le texte de l'art.58, al. 2 du Traite de Rome rattache expressement a la categorie des societes, les societes cooperatives.

(32) Rapport, nos 11 et 12. (33) Voy. en ce sens BEITZKE, Auss. Betr. her., 1968, p. 92. (34) Selon · 1e Professeur GOLDMAN, Le projet de convention, R.Z.,

1967, p. 215, le rejet de la preuve contraire fait de la presomption une regle de fond. Mais il ajoute que «on peut se demander si !'exception d'ordre public (qui permet d'ecarter !'application de la convention lorsque la societe ou personne morale qui l'invoque contrevient par son objet, par son but ou par l'activite effectivement exercee a des principes OU a des regles que ledit Etat considere comme d'ordre public au sens du droit international prive, art. 9, al. 1) ne pourrait pas etre opposee a la reconnaissance d'un organisme etranger sans caractere economique... qui aurait pris la forme d'une societe a seule fin d'agir plus librement loin des frontieres de son pays» (id. p. 216). En realite, la question, envisagee sous cet angle, est de savoir si chacun des etats contrac­tants peut circonscrire, au nom de l'ordre public, la notion qu'il se fait de la « societe » civile ou commerciale. 11 se pose ici un probleme general d'inter­pretation de la convention. 11 semble, · en tout cas, que le probleme ne pourrait se poser que pour les « societes » dont l'activite ne repondrait point aux exigences de l'art. 2 (voy. au texte, n° 6 21 et s.) ce qui reduit considerablement !'impor­tance de la difficulte.

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Cette solution ne fera guere de difficulte dans la plupart des cas. La redaction des articles 1 et 2 de la convention montre que celle-ci s'attache mains a l'idee d'un but lucratif sensu stricto qu'a celui de but economique (voy. ci-dessous). Or, la plupart des societes coo­peratives ont pareil objet. 11 faut cependant noter qu'elles peuvent compter parmi les objets en vue desquelles elles sont fondees des activites sociales et philanthropiques, au sens large du terme. Mais la « reconnaissance », il faut le rappeler, n'implique point, de soi, licence de poursuivre toute activite quelconque.

2.0. Les personnes inorales de droit public ou prive, autres que les societes mentionnees a l'article 1, ne peuvent beneficier de la convention que si elles ont pour objet, a titre principal ou accessoire, une activite economique exercee normalement contre remuneration, ou si elles se livrent en fait de maniere continue a une telle activite sans contrevenir a la loi en conformite de laquelle elles ont ete consti­tuees (art. 2).

Les auteurs du Traite se. sont trouves ici devant un probleme complexe. La convention sur la reconnaissance · aurait depasse le cadre dessine par le Traite de Rome, auquel elle se rattache (art. 220) si elle avait comporte une regle de reconnaissance generalisee au profit de toute personne morale quelconque. Les fins dans lesquelles elk s'inscrit commandaient au contraire de limiter sa portee aux personnes morales exen;ant une activite economique, mais en revanche, le souci d'eviter toute discrimination imposait de ne point s'arreter a la forme ou au statut des personnes morales considerees.

11 est done normal que, suivant d'ailleurs, en cela aussi, les prescrip­tions du Traite de Rome qui definissent la notion de « societe » (35), la convention ait voulu couvrir la categorie des personnes morales a but economique, autres que les societes sensu stricto, et ce, sans distinction entre les personnes morales de · droit public et celles de droit prive (36), mais sans inclure dans son champ d'application les personnes morales dont l'activite ne releveraient point du domaine de reconomie.

La solution est differente, nous l'avons deja signale, de celle qu'adop­te l'article 1 de la convention de La Haye, qui designe pour beneficiaire de ses dispositions, toute « societe, association ou fondation » sans distinction selon son objet, mais sans reference aux personnes morales de droit public.

(35) Voy. l'art. 58, al. 2 et la reference a cette disposition dans l'art. 220. (36) Voy. sur ce dernier point, l'article 58, al. 2.

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21. La distinction faite par la convention entre les personnes morales « a but economique )} et les autres etait difficile a formuler. Il ne pouvait etre question de se referer ici a la notion etroite du but « lucratif » car c'eut ete exclure du benefice I de la reconnaissance le plus grand nombre des « personnes morales He droit public ou prive

l · / / · N I . d' autres que ·es soc1etes », smon toutes. e retemr autre part que le caractere economique de leur objet pouvait ouvrir la voie de la reconnaissance a toute association philanthropique dont l'activite se traduirait en prestation de biens ou de services (37).

Une solution moyenne a ete trouvee, inspiree d'ailleurs de la definition des « services » telle qu'elle figure a !'article 60 du Traite de Rome. Pour beneficier de la reconnaissance, il ne suffira pas que la personne morale ait pour objet une activite · « economique », il faudra de plus qu'elle preste, normalement, ses services contre remu­neration. Les developpements figurant dans le rapport du Professeur GOLDMAN font apparaitre que !'expression « activite economique exercee normalement contre remuneration» doit s'entendre par reference a la personne morale consideree (38).

L'article 2 precise que l'activite ainsi definie entrainera reconnais­sance meme si elle ne rentre qu'a titre accessoire dans l'objet de la personne morale.

La derniere disposition de !'article 2 etend le benefice de la recon­naissance a la personne morale qui, sans contrevenir a la loi en confor­mite de laquelle elle a ete constituee, se livre, en f ait, de maniere continue, a une telle activite.

22. Pour apprecier la portee de ces dispositions, il faut se rappeler tout d'abord qu'elles ne concernent pas les societes de droit civil et commercial en ce compris les societes cooperatives. Pour elles, leur seule qualite de « societe », semble devoir leur garantir le benefice de la reconnaissance (39).

Le probleme semble done circonscrit aux personnes morales qui , ne sont ni societes civiles ou commerciales, ni societes cooperatives.

Ceci attenuera certainement l'ampleur des difficultes qui pourraient surgir. Sous cette reserve, on doit constater que la portee effective de la convention dependra de !'interpretation qui sera donnee au mot « remuneration ». L'idee generale semble bien etre que la recon­naissance ne peut beneficier qu'aux personnes morales ayant pour

(37) Voy. a cet egard le rapport du professeur GOLDMAN, n° 10, litt. b. (38) Rapport, n° 11. (39) Voy. ci-dessus, n°s 19 et s.

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objet une activite. qui s'integre effectivement dans le circuit economi­que. Ceci implique qu'une retribution qui serait intentionnellement et habituellement fixee en dehors de tout calcul de rentabilite ne serait point une «remuneration» au sens de !'article 2. On peut se demander egalement si la derniere disposition de !'article 2 est heureuse. Faire dependre la reconnaissance d'un critere aussi fuyant et malaise a verifier que l'exercice en fait, et «de maniere continue», d'une activite economique contre remuneration risque 'de conduire a de serieuses difficultes ( 40).

23. La convention ne limite pas le benefice de la reconnaissance aux · societes que le droit sous l'empire duquel elles ont ete constituees traite comme des « personnes morales » au sens precis du terme.

Ceci decoule d'abord de la formule tres ample utilisee par l'article premier : « sont reconnues de plein droit les societes. . . constituees en conformite de la loi d'un etat contractant qui leur accorde la capacite d'etre titulaires de droits et obligations ». Le point est confirme par l'article 8 qui dispose que « la capacite, les droits et facultes d'une societe reconnue en vertu de la presente convention ne peuvent etre refusees ou limitees ' pour la seule raison que la loi en conformite de laquelle elle a ete constituee ne lui accorde pas la personnalite morale» (41).

Cette solution vise a resoudre le probleme classique que posent certains types de societes, tels la societe ·en nom collectif (O.H.G.) ou en commandite du droit allemand, la vennootschap onder firma du droit neerlandais, la societa semplice du droit italien qui ne sont point « personnes juridiques » au sens fort du terme, mais peuvent cepen­dant agir comme « groupements » sous une denomination particuliere, sont titulaires de droits et d'obligations, se voient ouvrir l'acces du pretoire et forment ce que l' on pourrait appeler _ des « patrimoines d'affectation » (42). 11 n'y a guere de raison pour leur refuser l'exercice a l' etranger des droits et capacites qui leur sont reconnus dans leur pays d'origine. Une certaine jurisprudence s'etait deja formee en ce sens (43) et ces groupements sont egalement vises par la Convention de La Haye qui leur accorde un traitement particulier (art. 6 de la

(40) 11 eut certes ete preferable d'assurer la reconnaissance de toutes les personnes morales, sans distinction, voy. a ce sujet, VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 206.

(41) Voy. sur ce point, le rapport du Professeur GOLDMAN, n° 25. (42') Voy. sur la question, VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 205;

BEITZKE, Auss. Betr. her., 1968, p. 93. (43) Voy. BATTIFOL, op. cit., n° 201.

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convention). Par contre, la « societe civile » de droit belge et la societe civile du B.G.B. ne pourraient beneficier de la convention (44).

24. Mais qu'en est-il des « pernonnes morales de droit public ou prive » visees a !'article 2_ de la Convention. L'expression meme qui est utilisee pour les designer ne postule-t-elle point qu'elles aient la personnalite morale un sens strict du terme ? ( 45).

La question est delicate. Comme nous venons de le signaler, il est caracteristique que la Convention utilise pour les designer le terme « personne morale» dont le sens est precis (46). D'autre part, !'article 8, dont nous venons de parler, ne se refere, in terminis, qu'aux « societes » alors que toutes les dispositions de la con­vention ayant une portee generale mentionnent distinctement les « societes et personnes morales » ._ Mais, en revanche, on notera que le droit public .et le droit administratif utilisent des techniques tres diverses lorsqu'il s'agit pour eux de dormer a des services publics economiques l'autonomie et des moyens d'action propres. Tout parait indiquer que ces techniques se diversifieront encore dans l'avenir. On peut des lors se demander s'il s'indiquerait d'etablir ici une fron­tiere infranchissable entre le service dote de personnalilf:!e morale et celui qui, sans etre erige en sujet de droit distinct, n'en a pas moins des moyens d'action propres, la capacite d'acquerir des droits et obligations et d'agir en justice (47). On relevera aussi que l'art. 2 qui vise les « personnes morales d~ droit public ou prive », renvoie a !'article 1 er en ce qui conceme Ie's conditions de la reconnaissance. Or, selon le rapport du professeur GOLDMAN (48), ce renvoi concerne egalement la condition generale d'avoir « 1a capacite d'etre titulaire de droits et d'obligations », condition moins rigoureuse que celle d'avoir la personnalite morale, stricto sensu. « On a entendu, dit a cet egard le rapport, etendre ainsi le benefice de la reconnaissance a des societes ou personnes morales auxquelles la loi de constitution ne confererait qu'une capacite partielle ». Il est· vrai, cependant que les termes du rapport confirment que !'article 8 de la convention

(44) Voy. pour la Burg. Ges., BEITZKE,. etude cit., p. 93, pour la « societa semplice» et la « vennootschap onder firma », la declaration commune n° 1.

(45) Voy. en ce sens CEREXHE, Rev. M. Comm., 1968, n° 19. (46) Voy. !'utilisation de cette expression aux articles 2, 6 et 7. (47) La consequence du refus de reconnaissance serait-elle, en ce cas, que

l'etat ou la collectivite publique personnalisee dont dependrait l'entreprise publique consideree, pourrait, elle-meme invoquer le benefice de la convention au titre de l'activite economique ainsi poursuivie? Voy. sur ce point, BEITZKE, Auss. Betr. her., 1968, p. 93, qui repond affirmativemeni.

(48) Rapport, n° 21.

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a ete adopte en ayant specialement en vue le cas de certaines societes. La question peut done dormer matiere a hesitation. Personnellement, nous inclinerions en faveur d'une interpretation large de la convention pour le motif qui nous parait determinant, que la convention sur la reconnaissance s'insere dans le contexte economique du Traite de Rome au regard duquel la distinction droit public - droit prive ne revet point une importance essentielle (49).

25. L'article premier definit les conditions de rattachement aux­quelles doivent satisfaire les societes qui veulent beneficier de la reconnaissance. L'article 2 renvoie aces conditions en ce qui concerne les personnes morales autres que les societes. Les articles 3 ~t 4 don­nent aux etats la possibilite de restreindre davantage le domaine de la reconnaissance par la voie de declarations complementaires.

26. Les conditions generales de rattachement definies a l'article 1 sont simples. La societe ou la personne morale doit avoir ete consti­tuee en conformite de la loi d'un etat contractant et doit avoir son siege statutaire dans les territoires auxquels s'applique la Convention. Ces territoires sont definis par l'article 12.

On voit que la convention, suivant en cela l'exemple de la Conven­tion de La Haye (article 1) met a la base de son systeme le critere de l'incorporation. Cette solution correspond egalement a ce qui est prevu dans l' article 5 8, al. 2 du Traite sous cette reserve que la Convention exige comme condition sine qua non, que le siege statutaire soit fixe dans les territoires couverts par elle, alors que l'article 58 laisse une alternative entre le siege statutaire, l'administration centrale OU le principal etablissement. Le rapport etabli par le professeur GOLDMAN precise. que les explications fournies au cours des travaux preparatoires du projet ont permis de s'assurer que les societes consti­tuees en conformite de la loi de l'un quelconque des etats contractants doivent fixer ou en tout cas fixent pratiquement toujours, leur siege statutaire sur le territoire de cet etat (50). Un doute pourrait peut­etre surgir en ce qui concerne le droit italien qui ne s'oppose point, nous parait-il, a ce qu'une societe anonyme constituee selon son empire transporte son siege statutaire en dehors du territoire de la Republique Italienne (51). Si cette societe fixait son siege en dehors

(49) Voy. en ce sens, GOLDMAN, Le projet de convention, Rab. Zschr., 1967, p. 218.

(50) N° 16. (51) Art. 2509 du Code civil, GRECO, Le societa, p. 500.

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des territoires couverts par la convention, elle ne pourrait plus bene­ficier de la reconnaissance alors cependant qu'elle serait toujours regie par la loi italienne, du moins si elle conservait en Italie l'objet principal de son entreprise (52).

11 va de soi que la convention ne porte pas atteinte aux regles de droit interne des etats contractants g_ui sont relatives a la localisation des societes, en tant que ces regles s'appliquent aux societes natio­nales (53). Ceci decoule a suffisance du fait que pour etre reconnue, la societe doit avoir ete constituee conformement a la loi sous l'empire de laquelle elle s'est constituee.

27. L'article 3 de la convention transpose, sous des modalites qui devront retenir notre attention, une reserve que fait le Traite de Rome en matiere d'etablissement secondaire et de prestations de services.

L' article 3 dispose, en effet, que tout Etat cbntractant peut declarer qu'il n'appliquera pas la presente Convention-l~ux societes ou person­nes morales mentionnees aux articles 1 et 2 dont le siege reel se trouverait hors des territoires auxquels s'applique la presente Con­vention, si ces societes ou personnes morales n'ont pas de lien serieux avec l'economie de l'un de ces territoires.

La notion de siege reel est precisee par !'article 5, il s'agit du lieu ou la personne morale a etabli son administration centrale.

Dans son principe, la solution ainsi adoptee par !'article 3 peut se defendre. La convention sur la reconnaissance s'inscrit etroitement dans le cadre de la Communaute. 11 ne se concevrait guere que des societes qUi n'auraient aucun lien effectif avec l"economie communautaire puissent revendiquer les avantages que comporte la convention (53bis). La perspective est sans doute differente de celle qu'adopte la Conven­tion de La Haye (54), mais autres aussi sont les elements du probleme. On ajoutera que les auteurs de la Convention ont adopte une redaction prudente qui semble bien devoir ecarter tout risque de conflit entre les deux textes, la version definitive de !'article 3 « Tout etat contrac­tant peut declarer qu'il n'appliquera pas la presente convention ... »

(52) CAPOTORTI, Faro Italiano, 1958, IV, p. 209. (53) Comp. a cet egard, semble-t-il, VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966,

p. 207. (53bis) Voy. en ce sens, BElTZKE, Auss. Betr. her., 1968, p. 94; comp. VAN

DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 208 et CEREXHE, R. M. Comm., 1968, n° 28.

(54) La convention de La Haye ne prevoit en effet pareille reserve qu'au profit des etats qui adoptent le systeme du siege reel, art. 2.

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laisse en effet intactes les obligations qui decouleraient pour un etat contractant du fait qu'il aurait egalement adhere a la Convention de La Haye.

28. Des difficultes peuvent surgir, cependant, du fait que la reserve de !'article 3 ne coincide pas exactement avec ce que prevoit le Traite en matiere de droit d'etablissement. La condition d'etablissement prealable exigee par !'article 52, al. 1 pour l'etablissement secondaire et . par !'article 59 pour les services est-elle identique au «lien serieux avec 1' economie de l'un de ces territoires » dont il est question a !'article 3 de la convention sur la reconnaissance? Peut-on dire que ce « lien serieux » soit equivalent au « lien permanent et continu » qui selon les Programmes generaux caracteriserait la condi­tion d' etablissement ?

Ce lien resultera-t-il a suffisance de !'existence d'un etablissement secondaire dans la comm.unaute economique ou de relations d'affaires suivies avec des clients ou des fournisseurs du Marche Commun? (55).

Il nous paraitrait raisonnable de considerer que seul peut constituer un « lien serieux » s'imposant comme tel aux Etats un ensemble de facteurs associant reellement la societe a l'economie du Marche Commun et faisant de cette societe un facteur stable de la prosperite communautaire. II est en effet d'un interet evident d'aligner !'interpre­tation de !'article 3 sur celle de !'article 52, al. 1 du Traite de Rome.

Mais on obs·ervera que la condition d'etablissement prealable n'est exigee par le Traite de Rome que pour 1' etablissement par voie de succursale ou de filiale (art. 52, al. 2) ou pour la prestation de services (art. 59). Or, ces deux hypotheses ne couvrent point toutes celles ou le probleme de la reconnaissance pourrait se poser (56). Il y a la, certes une difficulte, mais dont on ne pourrait s'exagerer l'ampleur.

29. L'article 4 laisse a chaque etat contractant la faculte de declarer qu'il appliquera les dispositions de sa propre loi aux societes ou per­sonnes morales dont le siege reel se trouve sur son territoire, bien qu'elles aient ete constituees selon la loi d'un autre etat contractant. La technique utilisee se situe au niveau de la determination du droit applicable et c'est pourquoi nous consacrerons a la question un para­graphe distinct.

(55) Voy. en ce sens, CEREXHE, Rev. M. Comm., 1968, n° 28. (56) L'exigence d'un etablissement prealable n'est point formulee, notamment,

pour la constitution d'une societe, si celle-ci n'est point une « filiale '» art. 52, al. 2 du Traite.

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2·e SECTION

Portee et effets de la reconnaissance.

30. La convention ne definit pas formellement la portee de· 1a recon­naissance.

Les articles_ 1 et 2 posent simplement le principe selon lequel « sont -reconnues de plein droit les societes de droit civil ou commercial. .. » (art. 1) et « les personnes morales de droit public ou de droit prive ... »

(art. 2). La formule est moins precise que celle qu'utilise !'article 1 de la

Convention de La Haye : « La personnalite juridique acquise par une societe ... en vertu de la loi de l'Etat contractant sera reconnue de plein droit. . . ».

L'imprecision relative de !'article 1 de la Convention se comprend car il fallait faire beneficier de la reconnaissance les societes que leur legislation nationale n' erige point en personne morale, tout en leur reconnaissant cependant une certaine capacite juridique (57). Mais cette imprecision a !'inconvenient d'obscurcir, en une certaine mesure, les contours exacts de la notion de reconnaissance a raison meme de !'extension qui lui est ainsi donnee (58).

31. Les articles 6, 7 et 8 qui concernent les effets de la reconnaissance permettent de preciser davantage la portee de la convention.

L'article 6 de la convention decide que « les societes ou personnes morales reconnues en vertu de la presente convention ont la capacite qui leur est reconnue par la loi en vertu de laquelle elles ont ete constituees ».

L'article 8 doit etre rapproche de l'article 6. Il dispose que la capacite, les droits et facultes d'une societe reconnue en vertu de la convention, ne peuvent etre refuses ou limites pour la seule raison que la loi en conformite de laquelle elle a ete constituee ne lui accorde pas la personnalite morale. Ceci correspond a la circonstance que la reconnaissance ne beneficie pas seulement aux societes dotees de la personnalite morale, mais a toute societe ayant, selon son statut, «la capacite d'etre titulaire de droits et d'obligations » (art. 1) (59).

(57) Voy. sur ce point, ci-dessus, n°8 2'3 et 24 et aussi, infra, n° 31. (58) Comp. a cet egard la solution de la convention de La Haye qui cpnsacre

deux articles distincts a la question, l'art. 1 qui est relatif a la reconnaissance des societes, associations et fondations personnifiees et l'art. 6 qui viSe "spedale­ment le cas des societes, associations et fondations auxquelles la personnalite morale n'est pas accordee, mais qui jouissent, selon leur loi de constitution, d'une certaine capacite.

(59) La question a deja ete examinee ci-dessus, ntos 23 et 24.

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32. A l'egard des societes visees a !'article 1 de la convention (societes civiles et commerciales y compris les societes cooperatives), la recon­naissance est done, essentiellement, la reconnaissance d'une « capacite » d'etre titulaire de droits et d'obligations.

Selon !'article 6, cette « capacite » est celle que la loi de constitu­tion attribue aux groupements consideres sous reserve de !'application eventuelle de !'article 4 (60).

33. Cette solution est classique en droit international prive (61). II faut remarquer qu'elle est dans une certaine mesure, renforcee

par rapport a la pratique actuelle, par la maniere dont est redigee la disposition de !'article 7.

Confirmant une pratique constante (62), !'article 7 admet, que l'etat dans lequel la reconnaissance est invoquee peut refuser a ces societes ... les droits ou facultes determines qu'il n'accorde pas aux societes ou personnes morales de type. correspondant, regles par · sa propre loi. Mais !'introduction dans ce texte du mot « determines » lui donne une allure plus restrictive que celle du texte correspondant de la convention de La Haye : « Toutefois les droits que la loi de l'etat de reconnaissance n'~ccorde pas aux societes ... de type correspondant pourront etre refuses». En outre, !'article 7 ajoute que l'exercice · par les etats de cette faculte « ne peut avoir pour effet de retirer a ces societes ou personnes morales leur capacite d'etre titulaires de droits et d'obligations, de passer des contrats ou d'accomplir d'autres actes juridiques et d'ester en justice ». lei aussi, le texte est plus favorable aux societes visees que la disposition correspondante de la convention de La Haye : « La personnalite emportera en tout cas, la capacite d'ester en justice, soit en qualite de demandeur, soit en qualite de defendeur, en conformite des lo is du territoire ».

34. La portee effective de !'article 7 dependra de !'interpretation qui lui sera donnee. La cle de celle-ci pourrait etre ~rouvee dans une distinction que le rapport du professeur GOLDMAN met en evi­dence entre « la capacite generale consistant en des aptitudes abstrai­tes de participer a la vie juridique }) et « les droits et facultes deter-

(60) Societe constituee sous l'empire d'une legislation etrangere, mais ayant son siege reel sur le territoire du pays du for et. soumise a ce titre a la legislation de celui-ci. Vay. sur ce point, le paragraphe suivant.

(61) Voy. notamment, !'article 5, al. 1er de la Convention de La Haye et l'article 6 du projet de l'Institut de droit international, Session de Varsovie, septembre 1965.

(62) Voy. l'art. 6 de la convention de La Haye, cite au texte et !'article 6, al. 1 er de la resolution de Varsovie.

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mines qui forment le contenu concret de la capacite generale » (63). L'une et les autres sont d'abord definies par la loi de constitution (sauf I' application eventuelle de I' article 4, loi du siege reel), . mais la difference entre elles est que seul le contenu concre~ de la capacite peut etre restreint par reference a la loi de l'etat OU la reconnaissance est in"'.oquee.

34.1. Cette distinction donne sans doute une_ orientation precieuse. Elle confirme ce qui ressort deja de la finale de 1' article 7, que la « capacite d'etre titulaire de dmits et d'obligations » dont une societe etrangere serait dotee selon sa loi de constitution s'impose, en principe, a l'etat contractant meme si sa propre legislation refuse toute capacite de ce genre· a ses societes de type correspondant. Ce n'est certes pas forcer le sens du texte que de souligner les mots « leur capacite »,

ce qui revient a dire que la capacite de la societe doit etre reconnue, en principe, selon les modalites qu'elle presente dans la legislation conformement a laquelle elle a ete constituee. II s'ensuit done qu'un etat ne pourrait invoquer le fait que sa legislation ne reconnaitrait a certains types de societe qu'une capacite · « attenuee » pour refuser de reconnaitre comme « personnes juridiques » les societes de type correspondant constituees sous l'empire d'une legislation qui leur accorderait pareil statut ( 64).

34.2 Mais la distinction entre l' « aptitude abstraite » de partici­per a la vie juridique et «le contenu concret » de··la capacite generale est difficile a cerner. Dans sa remarquable etude publiee par le Rabels Zeitschrift (65), le Professeur GOLDMAN explique que « pratiquement, la disposition pourra jouer en liaison avec la liberation de l'etablisse­ment ». Les directives arretees en ce domaine, ajoute-t-il, designent en effet comme beneficiaires les societes detinies a !'article 58, sans faire de distinction entre les divers « types », mais si, par exemple, (en supposant adoptee la directive sur les professions bancaires), une societe a responsabilite limitee ne peut pas se livrer dans un Etat membre, au commerce de banque, elle ne pourra pas s'etablir a cet effet sur le territoire de cet etat, meme si la loi d' origine ignore· cette restriction a sa capacite » (66). On peut, cependant, se demander si le resultat envisage requerait une disposition speciale de la convention,

(63) Rapport, n° 24, litt. a. (64) En ce sens, BEITZKE, Aussen. Betr. ber., 1968, p. 94. (65) 1967, sp. p. 227. (66) Se referent a des exemples semblables, BEITZ.KE, Aussen. Betriebs. Ber.,

1968, p. 95 ; VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 209.

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alors que ·la liberte d'etablissement se reduit a l'egalite de traitement avec les nationaux. Inversement, on peut se demander si la Convention pourtait etre utilisee pour tenir en echec une faculte que les societes etrangeres se seraient vu reconnaitre par le Traite de Rome. Il semble done que la portee de la reserve figurant a l'art. 7 doive s'etendre egalement a d'autres .domaines. On pourrait songer notamment a }'aptitude reconnue a tel OU tel type de societe OU de personne morale d'acquerir des immeubles ou de recevoir des liberalites ou d'exercer telle ou telle fonction comme « organe » d'une autre societe. On pourrait aussi songer a !'interdiction faite a telle OU telle categorie de societe d' emettre des obligations, de faire appel public a l'epargne, etc ...

35. Dans bien des cas, d'ailleurs, il s'agit mains d'une incapacite proprement dite que d'une interdiction inspiree par un souci d'interet general. Ceci explique que !'article 7 dispose, in fine, que « les societes ou personnes morales mentionnees aux articles 1 et 2 ne peuvent pas invoquer les limitations a leurs droits et facultes prevus au present article ». Le rapport du professeur GOLDMAN dit a cet egard : « On ne saurait admettre qu'ayant outrepasse le contenu concret de sa capacite, tel qu'il resulterait d'une reference aux societes ou personnes morales autochtones cle type correspondant, la societe ou personne morale etrangere s'abrite ensuite derriere les limitations qu'elle aura ainsi meconnues pour echapper a ses engagements. Ces limitations lui sont opposables par les tiers ou par ses cocontractants, mais elle n'est pas autorisee a s'en prevaloir ». L'idee est certainement juste, dans son principe. Peut-etre eut-il ete preferable de ne pas introduire ainsi dans la convention une regle qui est, manifestement, de droit materiel et de laisser la question a la discretion de l'etat compe­tent (67).

36. Le texte de !'article 7 parl~ de « l'Etat dans lequel la recon­naissance est invoquee ... ». La formule presente peut etre quel­que equivoque. Le rapport deja cite du professeur GOLDMAN utilise !'expression «pays d'accueil ». Cette formule se concilie fort bien avec les ~onsiderations que le savant auteur consacre dans son etude deja citee aux relations qui pomTaient s'etablir entre !'article 7 et la liberte d' etablissement. Nous ne sommes cependant pas certains que cette

(67) Voy. DROBNIG, Z.H.R., 129, p. 115; BEITZKE, Aussen. Betr. her., 1968, p. 95; VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 209.

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interpretation supprime toute difficulte. Elle souligne neanmoins · et ceci est conforme a la logique du texte - que la reserve concerne le juge de l' etat dans la sphere juridique duquel la faculte OU le droit auront ete exerces.

3 7. L' article 7 fait reference aux « societes ou personnes morales de type correspondant ». Cette expression qui figure egalement dans la convention de La Haye (article 5, al. 1) souleve la question de savoir comment apprecier, d'une legislation a l'autre, la « correspon­dance}) des types. Le rapport du professeur GOLDMAN revele (68) que la question s'est posee durant les travaux preparatoires « s'il etait possible et souhaitable d'etablir, pour les besoins de !'application de cette regle un « tableau de correspondances » entre les types de societes existant dans les etats contractants ». « Le groupe a estime, poursuit le rapport, qu'il convenait de laisser au juge competent; le soin d'etablir, dans chaque cas, les correspondances. » La difficulte pourrait surgir, surtout, a propos des societes dites « mixtes » (societes de personnes a respoilsabilite limitee). II pourrait aussi surgir a propos de certaines personnes morales economiques autres que les societes.

La circonstance que le systeme de !'article 7 est de comparer des societes de type correspondant n'exclut point que « l'etat dans lequel la reconnaissance est invoquee » puisse refuser aux societes et personnes morales etrangeres, les droits et facultes determines qu'il refuserait a toute personne morale OU a toute societe nationale. La solution nous parait evidente, elle est incluse, en quelque sorte, dans le principe dont s'inspire I' article 7.

Une difficulte particuliere surgira lorsque n'existera pas dans «le pays d'accueil » le type de societe ou de personne morale correspon­dant a celui de la societe ou personne morale etrangere qui requiert reconnaissance. Le rapport du professeur GOLDMAN signale qu'il n'a pas ete juge necessaire de prevoir cette hypothese par un texte particulier de la Convention mais que les delegations, a !'exception de celle de l'Italie, ont exprime le souhait que le rapport mentionnat qu'en pareil cas, seules les regles generales ... relatives aux droits et facultes determines des societes ou personnes morales du pays d'accueil pourraient etre appliquees a la societe OU personne morale etrangere. La delegation italienne a toutefois estime, precise le rapport, que ce probleme .... devrait etre laisse a !'interpretation des juges (69). Cette

(68) Par. 23, litt. b. (69) Rapport, n° 24.

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demiere position nous semble la plus sage. Une regle generale ne nous parait pas pouvoir etre exprimee car tout dependra du contexte legislatif dans lequel se posera le probleme. Seul apparalt nettement le principe general qui est « l' alignement » des societes et personnes· morales etrangeres sur 1es · autochtones quant au « contenu concret »

de leur capacite.

3 8. On a deja fa it remarquer que les articles de la Convention relatifs aux effets de la reconnaissance ne resolvent point certaines difficultes qui risquent de surgir lorsque la societe etrangere a uile capacite moindre que celle de la societe nationale de type correspondant (70). En principe, !'article 6 de la convention commande d'appliquer la loi nationale de la societe. Mais si cette loi nationale prevoit, en outre, que la societe consideree peut opposer aux tiers. les limitations qui la regissent, pour echapper a ses 0 bligations, la securite du public et plus particulierement de ceux qui auront traite avec la societe dans !'ignorance de ces limitations risque d'etre mise en peril.

Avant que la matiere ne soit reglee par le biais de la coordination des garanties (art 54. 3 g) ou de !'harmonisation des legislations, un- laps de temps considerable s'ecoulera sans doute (71). Faudrait-il en conclure que les etats . qui ont veille a assurer aux tiers la plus grande securite possible devraient admettre que l'insecurite se deve­loppe dans la sphere juridique qu'ils regissent, du fait de l'activite de societes etrangeres? Il est peu probable que telle ait ete !'intention des auteurs de la Convention. Nous croyons done qu'il s'impose de considerer que cette question d'opposabilite aux tiers est restee en dahors des previsions de l' article 6 et do it etre resolue selon les regies nationales de chaque etat. Une autte solution consisterait a voir dans la « faculte » reconnue a la societe etrangere d'invoquer, dans les termes · de sa· propre legislation, les limitations qui la regiraient, une de ces « facultes determinees » que la loi de l'Etat ·de reconnaissance n'accorderait pas a ses propres societes et qu'il pourrait done refilser, sur pied de l' article 7, aux societes et personnes morales etrangeres de type correspondant. Cette solution aurait l'avantage d'assurer, concurremment avec l'alinea 2 de l'article 7, la plus grande securite possible dans les relations intemationales intra-communautaires.

(70) Voy. not. BEITZKE, Aussen. Beratersbetr., 1968, p. 95. (71) Un debut de reglementation figure dans !'article 9 de la premiere direc­

tive en matiere de societes.

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Designation de la loi applicable a la societe.

39. Les articles 6, 7 et 8 qui forment le chapitre II de la convention consacre aux effets de la reconnaissance, se referent, en principe et sous les reserves que nous venons d'indiquer, a la loi en confonnite de laquelle la societe ou la personne morale a ete constituee.

Mais il importe de souligner que ces articles ne reglent, expressis verbis, que la question de savoir quelle capacite sera reconnue aux societes et personnes , morales beneficiaires de la Convention (art. 6 et 7) et, d'autre part que !'article 4 auquel renvoie !'article 6 (72), apporte a ce principe une importante restrictj.on. Comme la redaction de !'article 4 peut avoir une certaine incidence sur !'interpretation de la convention, dans son ensemble, il contient d'examiner d'abord ce texte et, ensuite seulement de s'interroger sur le point de savoir a quelles fins la convention designe la loi applicable a la societe.

40. L'article 4 dispose, tout d'abord, que tout etat contractant pourra declarer qu'il appliquera les dispositions de sa propre loi qu'il considere comme imperatives, aux societes ou personnes morales mentionnees aux articles 1 et 2 dont le siege reel se trouve sur son territoire, bien qu'elles aient ete constituees selon la loi d'un autre etat contractant (al. 1).

II regle ensuite les consequences de cette declaration en ce qui conceme !'application a la societe des dispositions suppletives de la loi du siege (73).

L'article 5, reprenant sur ce point particulier, la solution de la con­vention de La Haye (74), dispose qu'au sens de la presente convention, on entend par siege reel le lieu oil est etablie !'administration centrale.

41. Cet article a pour raison d'etre, de concilier le systeme du ratta­chement a la loi du siege statutaire et celui du rattachement a la loi du siege reel.

(72) Sans prejudice de l'application de l'article 4, les societes ... reconnues en vertu de la presente convention. ont la capacite qui leur est accordee par la loi en conformite de laquelle elles ont ete constituees.

(73) Ces dispositions ne s'appliquent que si les statuts n'y derogent pas par une reference globale et expresse a la loi en conformite de laquelle la societe ou personne morale s'est constituee ou si a defaut de telle declaration, la societe ne demontre pas qu'elle a exerce effectivement son activite pendant un temps raisonnable dans l'Etat contractant en conformite de la loi duquel elle s'est constituee.

(7 4) Article 2, al. 2.

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Il repond ainsi au meme besoin que !'article 2 de la Convention de La Haye, mais il consacre un systeme different.

L'article 2 de la convention de La Haye permet en effet a chaque etat contractant dont la loi prend en consideration le siege reel, de ne pas reconnaltre la personnalite d'une societe constituee sous l'empire de la loi d'un autre etat contractant, si le siege reel de 'cette societe est considere dans l'etat du for comme se trouvant sur son territoire ou sur le territoire d'un autre etat prenant, lui aussi, en consideration le siege reel.

La solution de La Haye est evidemment radicale, en ce sens qu'elle resout le probleme au niveau de la reconnaissance.

A juste titre, les auteurs de la Convention europeenne ont considere que le texte de !'article 58 du Traite qui admet a l'etablissement les societes constituees en conformite de la legislation d'un etat membre et ayant leur siege statutaire, leur administration centrale ou leur principal etablissement a l'interieur de la Communaute, ne se conci­lierait guere avec un refus de reconnaissance (7 5).

Ils ont cependant voulu tenir compte de la prise en consideration par la plupart des etats contractants du siege reel (7 6), et ceci a conduit a la solution assez complexe, il faut le reconnaitre, que consacre !'article 4 de la convention.

42. La complexite meme de la solution adoptee exige qu'avant toute chose, la portee des termes qu'utilise l'article~4 soit clairement apergue.

L'eventualite qu'elle envisage est celle ou une societe constituee selon la legislation d'un etat contractant a fixe son siege reel, c'est-a­dire, aux termes de !'article 5 de la convention, le lieu de son adminis­tration centrale, sur le territoire d'un autre etat contractant.

Si cette situation est Conforme a la loi sous l'empire de laquelle la societe s'est constituee (article 1 et 2 de la convention), l'etat sur le territoire duquel la societe a fixe son siege reel ne peut refuser de la reconnaitre, les articles 1 et 2 ne prevoyant point a !'obligation de reconnaissance, de derogation prenant en consideration la situation ainsi evoquee (77). Il pourra cependant, s'il a fait la declaration requise,

(75) Voy. cep. la consultation du professeur BEITZKE, spec. pp. 61 et s. (76) Voy. sur ce point, le rapport du professeur GOLDMAN, par. 17, litt. c. (77) L'article 3 qui permet aux etats contractants d'ecarter !'application de

la convention aux societes ou personnes morales dont le siege reel se trouve hors des territoires auxquels s'applique la convention, si elles n'ont point de lien serieux avec l'economie de l'un de ces territoires ne concerne point, en effet, l'eventualite visee au texte.

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par l'article 4 appliquer sa propre legislation a la societe consideree (meme dispo~tion).

43. Seul, l' etat sur le territoire duquel la societe a fixe son siege reel, peut faire usage del'article 4. A cet egard, la disposition est plus restrictive que celle de la Convention de· La Haye. dont l'article 2 admet le refus de reconnaissance meme si le siege reel de la societe ne se trouve point sur le territoire de l'Etat au regard de qui le probleme se pose (78). La comparaison des textes de La Haye et de la convention europeenne fait done apparaltre, pensons-nous, que cette derniere cherche, avant tout, a eviter qu'une societe ne puisse echapper par une domiciliation purement formelle, aux regles imperatives du milieu juridique ou elle s'est effectivement implantee (79). Au contraire, le souci de la Convention de La Haye etait aussi de tenir la balance egale entre deux conceptions juridiques differentes, celle du rattache­ment au siege reel et celle du rattachement au droit de constitution.

44. La convention europeenne ne restreint pas le recours a l'art. 4 aux seuls etats qui se sont rallies au systeme du siege reel. Tout etat peut en effet deposer la declaration prevue a cet article. Sur ce point, la solution de La Haye est differente. Le rapport du professeur GoLD­MAN dit a cet egard : « On ne voit pas tres bien la portee pratique d'une telle restriction, car si un pays use· de la faculte qui lui est laissee, c'est precisement qu'il s'attache a la conception du siege reel, et son attachement, fut-il meme recent, on ne saurait l'empecher .d'en deduire les consequences» (80). Ce passage du rapport nous parait ajou­ter au texte de la convention qui n'exige point que le dep& de la declaration prevue a l'article 4 s'accoinpagne de !'adoption par l'etat interesse du systeme du siege reel. On peut concevoir d'ailleurs qu'un etat rattache. a sa legislation a la fois les societes qonstituees sous l'em­pire de celle-ci quelle que soit l'implantatio~ de leut siege reel et les societes constituees sous l'empire d'une lekislation etrangere, mais ayant sur son territoire leur siege reel (81).

45. Pour apprecier la portee exacte du systeme adopte par l'art. 4, il convient de souligner que celui-ci autorise, sans aucune distinction ni reserve, !'application a la societe, des dispositions legislatives de

(78) I1 suffit, selon le texte de La Haye que le siege de la societe consideree se trouve dans un etat. dont la loi prend en consideration le siege reel.

(79) Voy, en ce sens, le rapport du Professeur GOLDMAN, par. 17. (80) Rapport, n° 18. (81) Voy. a cet egard, les exemples cites aux n°8 6 et s.

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l'etat interesse que celui-ci considere comme imperatives et, sous certai­nes conditions, qui visent a assurer le respect de la volonte des fonda­teurs, des dispositions suppletives.

On en a deduit que l'etat du lieu pourra appliquer a la societe toutes les dispositions imperatives auxquelles serait soumise une societe natio­nale de type correspondant, en ce· compris les dispositions relatives a sa constitution et aux causes de dissolution qui peuvent !'affecter (82).

On a egalement dit que cette disposition «suppose la combinaison en une seule personne juridique de deux statuts differents » (83),

On a aussi fait etat d'une « dualite de statuts » et d'une « naturali­sation ... qui conduit pratiquement a une double nationalite » (84).

46. Sans etre exagerement pessimiste on peut considerer qu'une inter­pretation aussi rigide conduirait frequemment a des situations inextri­cables (85), et l'idee d'une dualite de statut, voire meme d'une double nationalite, a pu etre qualifiee de « monstrueuse » (86).

On a pu faire remarquer aussi qu'appliquer indistinctement et radi­calement a la societe les regles imperatives de l'etat du for, speciale­ment celles qui concernent la constitution, pourrait avoir pour conse­quence de !'exposer au risque d'une nullite ce qui ne ferait « pas pra­tiquement une grande difference avec un refus de reconnaissance» (87). II en serait de meme si la sanction prevue par le droit national etait la dissolution OU une nullite suivie d'une liquidation reguliere selon le prescrit des articles 11 et 12 de la premiere directive.

II se con~oit des lors, que dans son article deja cite dans Rabels Zeitschrif t, le professeur GOLDMAN ait preconise une application « souple » de !'article 4 (88).

4 7. L'interpretation du mecanisme adopte par la convention est certes difficile, comme l'ont reconnu tous les auteurs qui ont examine le

(82) Voy. sur ce point, GOLDMAN, Le projet de convention, Rab. Zschr., 1967, p. 226; comp. BEITZKE, Aussen. Betr. Ber., 1968, p. 94.

(83) Voy. le rapport, deja cite, du Professeur GOLDMAN, n° 17. · (84) Voy. CEREXHE, Rev. M. Comm., 1968, n11 31, et HOUIN, Rev trim.

drt. eur., 1965, p. 23. (85) Voy. VAN DER GRINTEN, S.E.W., 1966, p. 208, qui parle d'« on­

mogelijke situatie » ; GOLDMAN, Rab. Zschr., 1967, p. 236, « serieuses diffi­cultes »; CEREXHE, Rev. M. Comm., 1968, n° 31, « delicats problemes d'appli­cation »,

(86) Voy. VAN DER GRINTEN, op. cit., p. 208. (87) HOUIN, Rev. trim. drt. eur., 1965, p. 23 ; VAN HECKE, Erkenning,

p. 157. (88) Voy. pp. 226 et s. ; voy. aussi BEITZKE, Aussen Betr. Ber., 1968, p. 94,

qui considere, semble-t-il, que les dispositions nationales relatives a la constitution ne sont point visees par l'art. 4.

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probleme. On en dira autant des articles 197 des lois coordonnees belges sur les societes, 159 de la loi luxembourgeoise et 2505 du Code civil italien qui sont a l'origine ·du texte de la convention (89). Nous croyons, cependant, qu'il est possible de degager de l'esprit meme de la Convention certaines orientations relatives a son utilisa­tion par les Etats.

48. L'idee fondamentale nous parait etre que cette utilisation a ete . prevue comme une solution de conciliation, ou, pour repr~ndre les termes du rapport du professeur Go LOMAN, comme une solution. « reellement communautaire » (n° 15) ecartant la non.-reconnaissance jugee inconciliable avec !'article 58 du Traite (90). Il nous parait done que l' article 4 doit etre compris comme ne pouvant porter substantiellement atteinte a l'essentiel du principe de reconnaissance contenu dans les articles 1 et 2 de la convention (91).

48.1 La premiere consequence doit etre, pynsons-nous, que !'appli­cation de la loi nationale ne peut prejudicier au fait que la societe consideree reste fondamentalement de droit etranger en vertu du prin­cipe de la primaute du droit de constitution consacre par les articles 1 et 2 de la convention et deja admis par l'airti.cle 58 du Traite de Rome. Il ne peut done etre question de « double statut ». ni a fortiori de « double nationalite ». La societe reste societe etrangere, mais elle devra se conformer aux dispositions imperatives, voire suppletives de la loi du siege reel. Telle est, semble-t-il, l'interpretartion adoptee par notre Cour de Cassation en ce qui conceme !'article 197 des lois belges sur les societes. L'arret <lit en effet « qu'il ne ressort d'aucune disposi­tion de la loi belge que du seul fait du transfert de son principal etablis­sement ... pareille societe aurait cesse au regard de la loi belge d'etre une personne juridique (alors qu'elle avait conserve la personnalite juridique, malgre ce transfert, au regard de la loi anglaise) ... qu'en effet rien ne s'oppose a ce que cette societe subsiste, des lors qu'en raison de ses statuts originaires, eventuellement adaptes aux exigences

(89) Voy. sur l'art. 197 : VAN RYN, op. cit., t, II, n° 1128; Rep. prat. drt. beige, V 0 Societes anonymes, n°s 3051 a 3055, !'application de cet article par la Cour de Cassation de Belgique, arret du 12 novembre 1965, en cause Lamot, Rev. prat. soc., 1966, p. 139 avec les conclusions de M. l'avocat general Dumon:, Pas. belge, 1966, I, p. 336; Rev. crit. jur., 1966, p. 392', note critique VAN RYN. Sur l'article 2505 du Code civ. italien, cons. GRECO, Le societa, pp. 498 et s. ; de GREGORIO, Corso di diritto commerciale, n° 281, p. 378.

(90) Meme rapport, n° 14. (91) Voy. pour une ligne de raisonnement semblable, GOLDMAN, Rab.

Zschr., 1967, pp. 226 et s.

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du droit belge, sans toutefois que ses caracteres essentiels s'en trouvent modifies, elle remplit les conditions pour pouvoir, au titre de societe reconnue par le droit belge, jouir de la capacite juridique resultant de sa personnalite juridique ». Tres exactement, on a fait remarquer que la restriction « sans toutefois que ses caracteres essentiels s'en trouvent modifies » semblait sans objet s'il fallait considerer que !'application du droit belge sur pied de !'article 196 des lois coordonnees, modifiait la nationalite de la societe, cet element etant bien certainement essen~ tiel, tout au moins dans notre droit positif actuel (92). Mais preci­sement il nous semble que la portee de l'arret est d'avoir admis que le jeu de l'article 197 n'a pas necessairement pour effet de « denationa­liser » la societe, et tout specialement, que cet effet ne se produit pas, lorsque pour reprendre les termes de l'arret, la societe n'a pas cesse d'etre « une personne juridique » selon sa loi de constitution. Ainsi s'explique que l'arret ait pu parler d'une simple adaptation des statuts, permettant a la societe de jouir, au r_egard du droit belge de la capacite juridique, comme societe reconnue par le droit belge mais desormais soumise a celui-ci, en tant que societe commerciale jouissant de la person~

nalite juridique (93), a raison du transfert de son principal etablissement en Belgique.

L'importance de la distinction consiste en ceci, pensons-nous, que . !'application du droit national a une societe constituee sous l'empire de la legislation d'un etat partie a la convention qui ne considere pas !'implantation du siege reel a l'etranger comme portant atteinte a !'exis­tence de la societe ou comme rompant son allegeance initiale, se fait a une societe deja existante comme societe etrangere et reconnue comme telle par la loi du for. Cette legislation s'applique done a la societe, de l' exterfour, comme ensemble normatif que celle-ci doit respecter, mais cette application ne modifie son allegeance initiale ni au regard de sa loi constitutive ni au regard des autres etats, parties a la convention, puisqu'a leur egard, la loi de constitution s'impose en vertu des articles un et deux du traite.

Des lors, et ceci est fondamental, !'incidence de la loi du for sur !'existence de la societe ne pourra jamais avoir que des effets relatifs a l' ordre juridique du for, la loi de constitution restant, en principe, seule competente pour determiner d'une maniere « absolue », le destin

(92) VAN RYN, Rev. crit. jur., 1966, note citee, sp. pp. 402 et s. (93) Cette derniere precision fait reference, pensons-nous, a la regle selon

laquelle !'article 197 ne s'appliquerait pas aux societes n'ayant point la person­nalite juridique. Voy. sur ce point VAN RYN, t. II, n° 112'5.

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de la societe (94). Ainsi une nullite ou une dissolution prononcee par le juge du siege reel sur pied de sa legislation ne pourrait avoir qu'un effet strictement limite aux actes. accomplis par la societe dans la sphere juridique de l' etat du. for. Ceci correspond d' ailleurs a la ratio legis de !'article 4 puisqu'il s'agit, nous l'avons vu, d'une disposition pro­tectrice de la securite juridique au sein de l' etat OU le siege reel est implante.

48.2. Mais nous pensons que l'equilibre general de la convention sur la reconnaissance commande d'aller un peu au dela de ces premieres reflexions. n semble logique, en effet, que si le systeme de !'article 4 a ete adopte comme une solution « communautaire » restant en dega de la non-reconnaissance, son application doit etre mesuree en telle sorte qu'elle n'entraine point des consequences identiques a celle qu'en­trainerait une non-reconnaissance. Les consequences de la mise en reuvre de ce principe devraient etre appreciees par reference aux dis­positions legales de chacun des etats contractants et c'est la un travail qui depasserait les bomes de cette etude. L'idee generale nous parait etre celle qu'a deja exprimee le professeur GOLDMAN (95), selon laquelle « l'issue la plus normale devrait etre I' adaptation de la societe aux exigences imperatives de la loi du siege reel, et le renouvellement dans le pays d'accueil, des formalites d'enregistrement et de publicite ... !'esprit et l'objectif de la convention devant interdire de considerer la societe comme nulle ». Nous reconnaissons bien volontiers que la primaute du principe de la reconnaissance est attenuee par la circon­stance que !'article 6 qui determine les effets de celle-ci, reserve expres­sement !'application de !'article 4, de telle sorte que - dans l'eventua­lite ou cette disposition s'applique - la capacite de l'etre moral peut etre appreciee par le juge du siege reel a l'aune de sa propre legislation. A la limite, cependant, la reconnaissan·ce d'une societe etrangere comme existante, precede logiquement la determination de sa capacite, de telle sorte que la reserve de !'article 4 ne porte pas atteinte a la reconnaissance de la societe, etant bien entendu qu'au regard du juge du siege reel la capacite de la societe sera determinee par la legislation locale. II semble done que le fait de !'existence de la societe s'impose

. meme au juge du siege reel comme une donnee prealable a !'applica­tion de son droit. On pourrait ainsi concevoir par exemple, que la non­observation par la societe consideree des formalites de constitution

(94) Voy. sur cet effet absolu VAN RYN,, t, II, n° 1130, petit texte. (95) R. Zschr., 1967, pp. 226 et s.

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ou de publicite exigees du type particulier de societe auquel elle appar­tient ait pour consequence qu'elle ne pourrait invoquer devant le juge du siege reel, les avantages lies a ce statut, mais ne l'empecherait pas d' agir ou d' avoir valablement acquis des droits comme societe de droit commun pour peu qu'elle ait accompli, ce qui parait etre un minimum, les formalites generalement simples requises d'une telle societe.

49. Pour terminer ce point, sans d'ailleurs vouloir conclure, nous dirons que, bien certainement !'utilisation par les etats contractants de la faculte prevue a !'article 4 de la convention constituera frequem­ment un serieux obstacle a !'implantation sur leur territoire du siege reel d'une societe constituee sous !'empire d'une legislation etrangere. 11 en sera ainsi, tout particulierement lorsque les dispositions impera­tives de la loi de constitution et celles de l'etat du siege seraient mate­riellement inconciliables. La solution a-t-on dit serait alors d'admettre que la societe put rompre completement son rattachement d'origine et y substituer celui du pays d'accueil sans pour autant perdre sa person­nalite morale (96). Mais cette solution semble impraticable dans l'etat actuel du droit du moins dans la plupart des cas, puisqu'elle entraine­rait disparition de la personnalite originaire de la societe.

11 n'en :reste pas moins que la substitution du mecanisme de !'appli­cation de la loi nationale a la sanction radicale de la non-reconnais­sance ouvre d'interessantes perspectives. 11 incombera, pensons-nous, aux juristes des etats de la communaute d'explorer celles-ci dans un esprit « communautaire » et de trouver les solutions techniques capa­bles de faire progresser le droit inter-europeen des societes vers des solutions positivement « communautaires ».

On remarquera,. en passant, que la regle de !'article 4 favorise, indirectement, les societes constituees sous !'empire d'une legislation « soup le )} ' cette souplesse meme facilitant leur adaptation a une legis­lation nationale etrangere. Ainsi, pour reprendre l'exemple cite par le professeur GOLDMAN (97), il ne parait pas a priori impossible CJ.u'une societe neerlandaise puisse amenager le pouvoir de ses diri­geants, de maniere a satisfaire aux prescriptions de la loi allemande lsur !'organisation du Vorstand et de l'Aufsichtrat. On observera aussi que la difficulte s'attenuera au fur et a mesure du rapprochement des legislations.

(96) GOLDMAN; Rab. Zschr., 1967, p. 228. (97) Rab. Zschr., 1967, p. 228.

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50. L'insertion dans la convention, des dispositions de l'article 4 et la circonstance que les articles 6 et 7 qui determinent les effets de la reconnaissance ne concernent que la « capacite » de la societe ou de la personne morale suscitent une difficulte d'interpretation quant a la portee meme de la convention.

Ales prendre au pied de la lettre, les articles 6 et 7 obligent unique­ment les 6tats contractants a reconnaitre a la societe OU a la personne morale, la capacite que lui attribue la legislation sous !'empire de laquelle elle a ete constituee, ceci sous reserve de !'application de I' article 4 et des dispositions particulieres de I' article 7.

II semble done que la Convention ne regle que le probleme de la reconnaissance « a l'etat pur}} sans vouloir resoudre la question de la legislation applicable a !'organisation interne de la societe.

On a pu en deduire « que tout ce qui a trait a !'organisation et au fonctionnement interne des societes et personnes morales reste soumis au droit des conflits de lois de chaque etat}} (98).

51. L'observation a cependant deja ete faite que si l'on peut distin­guer, en theorie, la reconnaissance de la societe et la determination de la loi competente pour regir fondamentalement son statut personnel et definir sa structure (99), cette distinction n'est pensable dans le cours ordinaire des choses qu'a condition de designer selon des criteres identiques la loi competente pour decider de l'e:xistence de la societe et celle qui aura competence pour definir sa structure du moins dans les traits essentiels de celle-ci (100).

Cette observation se renforce de la constatation qu'en pratique, les legislations se referent generalement aux memes criteres pour resou­dre l'un et l'autre probleme (101), reserve faite de !'application de la loi locale pour regler les responsabilites des dirigeants vis-a-vis des tiers ou pour definir les publicites,. voire meme les controles auxquels la societe devra satisfaire a raison de certaines initiatives prises par elle dans le pays du for (implantation de suocursales, ou d'agences, appel public a l'epargne, etc ... ), reserve faite aussi de !'exception d' ordre public.

(98) CEREXHE, Rev. M. Comm., 1968, n° 110, par. 33. (99) VAN HECKE, Erkenning, p. 154; GOLDMAN, R. Zschr., 1967, p. 207 ;

BATTIFOL, op. cit., n° 199. (100) VAN HECKE, Erkenning, p. 154; DROBNIG, Z. G. H., 1966, pp. 93

et s. I

(101) BAITIFOL, op. cit., n° 203 ; VAN HECKE, loc. cit. ; DROBNIG, loc. cit.; GOLDMAN, R. Zschr., 1%7, passim, voy. n4,t. p. 207; Institut de droit international - session de Varsovie. 1965, art. 7 et 8 de la resolution; Voy. !'analyse de VAN BOXSOM, op. cit., pp. 211 et s.

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52. 11 nous parait, des lors, que la convention europeenne doit etre comprise comme s'inserant dans cette pratique et la circonstance meme que !'article 4 prevoit expressement la possibilite d'adopter une autre solution dans l'eventualite particuliere qu'il vise, nous semble renforcer cette interpretation. L'article 4 eut ete inutile du moins dans la redac­tion tres large qui lui a ete donnee (102), si I' adhesion des etats a la convention pouvait se concilier avec !'adoption de criteres differents pour la designation de la loi appelee a regir substantiellement !'organi­sation interne et la structure de l'etre moral. Comme le dit fort exac­tement le professeur GOLDMAN, dans son article deja cite du Rabels Zeitschrift, « que l'on ait du, sur ce point (!'article 4), quitter le domaine de la reconnaissance pour entrer dans celui de la loi applicable au fonctionnement de la societe, cela n'est pas douteux. Mais l'on y a ete contraint en raison de la coincidence, generalement admise et precedemment signalee, entre la loi etrangere dont la reconnaissance de la societe revient a admettre l'efficacite creatrice de droits et celle qui en gouvemera l'exercice. Si l'on entendait, dans certains cas, permettre que fut ecartee cette coincidence, il fallait le dire expresse­ment, saris qu'il soit necessaire pour autant, de poser une regle gene­rale de conflit quant au fonctionnement de la societe, ni d'en deter­miner le_ domaine » (103). Cette maniere d'envisager les choses est encore renforcee par le fait que la faculte octroyee aux etats contrac­tants par l'article 4 est entouree de certaines restrictions et que sa mise en reuvre est subordonnee au depot, par ·eux, d'une « declaration »

qui doit etre faite dans un delai de rigueur (article 15, al. 1) et dont le retrait eventuel est definitif (art. 15, al. 2).

53. Une interpretation raisonnable de la convention conduit done a dire, pensons-nous, qu'elle suppose le respect par les etats contrac­tants de la solution generalement admise, selon laquelle la loi compe­tente pour determiner !'existence de la societe est aussi competente, en principe, pour definir l'essentiel. de sa structure et les regles fonda­mentales de son fonctionnement. Sans doute, est-il exact que la con­vention ne pose point formellement ce principe. II reste done en une certaine mesure, « exterieur a la convention» (104), et l'on peut admet­tre qu'il eut peut-etre ete difficile de le formuler exactement compte

(102) On pourrait soutenir, en effet, que la redaction de !'article 6 imposait, en tout cas, de reserver le droit du siege reel quant a la determination de la capacite de la societe.

(103) Article cite p. 207. (104) GOLDMAN, Rab. Zschr., 1967, p. 224.

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tenu des exceptions qui peuvent et doivent lui etre apportees (105). Nous croyons cependant que l'e~prit, sinon le t~xte de la. convention, impose son respect.

54. L'importance de la question consiste en ceci que jes articles 1, 2. ·et 6 de la convention mettent I' accent sur la legislation de constitution. Cette tendance qui rejoint celle que manifeste !'article 58 du Traite de Rome, souligne !'importance que revet desormais cette . solution clans les relations communautaires. Son importance serait encore accrue si, dans le sillage de la reconnaissance proprement dite, la question de la legislation competente pour regir !'organisation interne de la societe devait desbrmais etre logiquement resolue selon le meme principe.

55. L'article 5 de la convention dispose qu'« au sens de la presente convention on entend par siege reel des societes ou personnes morales le lieu OU est etablie leur administration centrale ». Ceci presente une importance particuliere en ce sens que desormais, la notion est, ainsi unifiee, dans les differents droits des etats membres. La c~nsequence pourrait etre que, desormais, seul le lieu de l'administra!ion centrale pourrait etre pris en consideration pour l'applicationc d'une loi autre que celle de la constitution, du moins dans le domaine propre de la convention (106).

4e SECTION

L'exception d'ordre public.

5 6. Le chapitre III de la. convention traite d'un probleme classique· en la matiere, le recouts a I' ordre public du for pour restreindre la portee de la reconnaissance OU ecarter la loi etrangere tenue pour normalement applicable.

La Convention de La Haye consacrait le principe sans nuances ni limites (art. 8J.

Pour des motifs trop evidents qu' enumere. le rapport. du professeur GOLDMAN, cette solution radicale n'etait point de mise, ni d'ailleurs necessaire, s'agissant d'une convention conclue entre les etats membres de la communaute europeenne. Leurs legislations s'inspirent en _effet de principes fondamentaux, souvent communs, ou largement- sembla-

(105) Voy. pour un essai de formulation le projet de I'lnstitut de droit inter­national, session de Varsovie, art. 7 a 13.

(106) Comp. a cet egard, la solution, deja evoquee, des articles 2505 et s. du Code civil italien.

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bles, et . elles, sont destinees a se rapprocher progressivement les unes des autres.; d'autre part, Ieurs relations dans le cadre des Coinmunautes implique une confiance reciproque accrue, difficilement compatible avec la suspicion que traduit !'exception d'ordre public (107).

La convention s'est done efforcee de circonscrir~ le domaine d'appli­cation de l' exception, dans son domaine aussi bien que -dans son contenu.

57. L'article 9 dispose en son alinea 1, que dans chaque Etat con­tractant, !'application de la_ presente Convention ne peut etfe ecartee que lorsque l,a societe ou personne moral~ qui l'invoque contrevient par son objet, par son· but OU par [' activite effectivement exercee, a des principes OU a des regles que ledit Etat considere comme d'ordre public­au sens du droit international prive.

Les mots « objet », « but », « ac~ivite » sont clairs, le rapport du professeur GOLDMAN confirme d'ailleurs leur signification en se referant expressement aux opinions enoncees au cours des fravaux par. les diverses delegations : Z' objet de la societe ou de la personne morale, c'est l'activite. a laquelle il est declare, dans ses statuts ou son acte constitutif, qu'elle entend se consacrer, son but, c'est le . .resultat qu'elle se propose d'atteindre, l' activite effectivement exercee est enfin celle a. faquelle la societe ou la· personne morale se Iivre en fait, alors meme qu'ene ne serait pas mentionnee· dans ses statuts ou son ·acte constitutif. (Rapport, n° 30).

On remarquera que l'article 9 ne se r6fere aucunement aux regles d' organisation de la societe. Le rapport du professeur GOLDMAN revele que cette omission a eu un caractere intentionnel. Comparant l'article 9 avec l'article 6 de la convention d'etablissement franco-alleinande du 27 octobre 1956 qui vise a la fois la « constitution» et « l'objet » des societes, il souligne que le texte de la convention europeenne restreint davantage encore le domaine de l'ordre public. L'article 9 a pour objet et doit avoir pour consequence, d'empecher que l'ordre public d'un etat contractant tie soit oppose a la reconnaissance d'une societe OU personne morale. au motif que les regles de l' etat OU elle a ete constituee, relatives a sa formation OU a son fonctionnement, y seraient contraires (rapport, n° 28). .

On voit des lors comment do it etre comprise la disposition de l' al. 2 de' I' article 9. Celui-ci precise que si la loi en conformite de laquelle une societe s'est constituee admet que celle-ci existe juridiquement

(107) Rapport, n° 26, al. 3.

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si elle n'a qu'un seul associe, ladite societe ne peut pour ce seul motif etre consideree par un Etat contractant comme contraire a son ordre public au sens du droit international prive. II s'agit la, en realite, d'un probleme de constitution. Le rapport du professeur GOLDMAN

souligne que ce texte n'est qu'une « applicrtion » de la regle implici­tement contenue dans !'article 9, premie~ alinea, et. selon laquelle, !'application de la convention ne peut etrle ecartee pour contrariete entre une regle constituti-ve de la societe etrangere et l'ordre public du for (108).

58. L'article 9 precise que l'ordre public, en question est l'ordre international public. La reference a cette notion specifique etait indis­pensable, s'agissant de non-reconnaissance. Selon une definition clas­sique, l'ordre international public est en effet cette partie de l'ordre public dont !'importance est telle qu'elle peut s'opposer a !'applica­tion d'une loi etrangere normalement competente, mais inconci­liable (109). Mais ceci n'exclut' evidemment point que la validite ou la liceite des actes accomplis par la societe dans la sphere juridique du for continuent a etre regies par les lois locales imperatives.

L'article 10 definit negativement l'ordre public en disposant que ne peuvent etre considerees comme etant d'ordre public, au sens de !'article 9, des principes OU des regles contraires aux dispositions du traite instituant la Communaute economique europeenne.

4e SECTION

Questions diverses

59. L'article 11 dispose que dans les relations entre Etats contractants, la presente Convention est applicable nonobstant toutes dispositions contraires relatives a la reconnaissance des societes ou personnes morales, contenues dans d'autres conventions, auxquelles des Etats contractants sont ou seront parties.

Toutefois, ajoute-t-il, la presente Convention ne porte atteinte ni aux regles de droit interne, ni aux dispositions des conventions internationales, qui sont ou entreront en vigueur, et qui prevoient une reconnaissance dans d'atitres cas ou avec des effets plus etendus, a condition que cette reconnaissance ou ces effets soient compatibles avec le traite instituant la Communaute economique europeenne. Le

(108) Voy. aussi l'etude du Professeur GOLDMAN, Rab. Zschr., 1967, pp. 210 et s.

(109) Voy. BATTIFOL, Traite elementaire, n° 366.

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rapport du professeur GOLDMAN precise quant a ce dernier point qu'en particulier « elles ne pourraient pas aboutir a une discrimination entre les societes ou personnes morales relevant des etats membres de la Communaute economique » (110).

60. Dans toute la mesure ou elle n'en dispose pas autrement, la convention se situe en dehors de l'ordre juridique communautaire. La matiere de l' etablissement et des pre stations de service reste regie par les dispositions du Traite de Rome en ce sens que ·1a reconnais­sance decoulant de la convention, n'implique point droit d'etablisse­ment ni de prestation de services, en ce sens aussi qu~ dans toute la mesure ou le Traite de Rome aurait pour les societes des conse­quences plus favorables que la convention,. ces consequences reste­raient en vigueur.

61. La convention ne prevoit rien quant a son interpretation. La declaration commune n° 3 declare cependant qu'au moment de signer la Convention, les Gouvernements, desirant assurer une application aussi efficace que possible de ses dispositions, soucieux d'eviter que des divergences d'interpretation ne nuisent au caractere unitaire de la Convention, se declarent prets a etudier les moyens de parvenir a ces fins, notamment par l'examen de la possibilite d'attribuer certai­nes- competences a la Cour de Justice des Communautes europeennes, et a negocier' le cas echeant, un accord a cet effet.

Conclusions

62. Faut-il porter, des a present, un jugement sur le texte que nous venons d'analyser. II convient d'abord de rendre hommage au talent des auteurs de la Convention qui ont reussi a concilier avec art, en un domaine ou foisonnent les problemes delicats, des solutions natio­nales divergentes. Qu'ils n'aient point reussi a supprimer toute diffi­culte, nul ne s'en etonnera. Mais ils ont eu le merite de jeter, a tout le moins, les bases de solutions conformes a !'esprit qui doit animer les etats membres de la communaute. On exprimera ici l'espoir que la mise en reuvre de la Convention reponda au meme souci et se fasse dans le meme esprit.

(110) Rapport, n° 33. Jean G. RENAULD

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N° ,544~. -· Cour d'appel de Bruxelles (8e eh.). - 12 fevrier 1965.

Sieg. : MM. Huyghebaert, pres.; Colson, Scheyvaerst, cons.; Convent, av. gen. Piaid. : MMes Fluche, de Tavernier, Loge, avoc.

(Pierot Marcel cl S.A. Anciens Etablissements Odilon Coppieters et S.A. Anciens Etablissement Odilon Coppieters c/ Bertouille Leandre).

I. Reunion de toutes les actions en une main. - Dissolution. - . Charge du passif. - Actionnaire unique non tenu sauf intention contraire. - iI. Acquisition gratuite de !'ensemble des actions d'une societe par une autre. - Non augmentation du capital. - Mainrltise isur le patriin:oine. - Constitue plus une cession de fonds de commerce qu'une fusion· de societes. - Ill.

· Societe succedant a unei autre. - Heriti~r. .,....- Absence d'.assimilation complete.

I. La reunion de toutes les actions d'une societe dans les mains d'un tiers n'a pas pour effet de charger ce tiers du passif social. Get effet peut cependant resulter de la mainmise par le tiers sur le patrimoine social entier sans compen­sation pour la soeiete dissoute - Cl! qui cloture la liquidation _:_· et· de ['intention man if estee :par lui en· toute occasion .de prendre a sa charge le pa$if de la societe;

II. Lorsqu'il a ete fait hat d'~ne cession gratuite des titres d'une sodete a une autre et que. la societe acquereuse n'a pas cru· devoir proceder a une augmentation de son capital, un transf ert ·de patrimoine ou une mainmise sur le patrimoine d'une societe par une autre, apres dissolution .de la premiere par la reunion de toutes les actions dans les mains de la seconde, est unel operation plus proche d'une cession ou reprise· de fonds de commerce que d'une fusion de societes dont les conditions ne sont pas reunies en pareil cas.

Ill JI n'y a pas d'assimilation complete possible entre une societe succedant a une autre> et l'heritier ou la succession continuateur de la personne du defunt. JI ne '?'e peut agir que d'une succession aux biens d'une universalite. ·

ARR~T

(Le debut est sans interet pour le droit des societes).

II. - Quant a !'absorption de la Societe Ellenbee et aux consequences de cette operation :

Attendu · qu'il resulte des documents produits aux debats·

a) que la · societe Ellenbee prenommee a ete · constituee le 1 T novembre -1947 au capital de 1.000.000 francs represente par 1.000 actions de 1.000 francs; - dont 995 furent attribuees aux sieurs .Bertouille Leandre-Adolphe (per.e) et Bertouille Leandre-Firmin (fils) a raison de 665 au fils et 330 au pere en remuneration de l'apport du fonds de commerce qu'ils avaiell.t exploit6 en commun,

t

b) que le 25 fevrier 1959 le sieur Bertouille fils, agissant en qualite de mandataire de la societe Ellenbee et en nom personnel, son pere etant decede le 10 novembre 1958. donnait .et s'engageait a faire donner par les autres actionnaires procuration a la Societe Coppieters, l'intimee, representee par

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son -adrriiD.istrateur~delegue re- sieur- Ociilori. Coppieters, a l'effet de constater l'absorption de la Soeiete Ellenbee par la Societe Coppieters (dossier de l'infimee en la cause 44.296, farde Im.

c) que le surlendemain 28 fevrier ledit administrateur-delegue de l'intimee comparaissait devant le notaire Cool Robert. de residence a Zele ou l'intimee avait son siege social, lui exposait notamment que les mille actions de la Societe Ellenbee, qu'il exhibait, etaient devenues la propriete de la Societe Coppieters par achat eff ectue dans les formes legales, que cette reunion de toutes les actions de ladite societe en une seule main entrainait la dissolution de la societe Ellenbee et la mainmise par la societe Coppieters sur tout le patrimoine de la Societe Ellenbee, ledit Coppieters Odilon s'engageant a detruire les titres et a conserver ies livres et documents de la societe dissoute. pendant cinq ans ;

d) que le 2 mars suivant le meme administrateur-delegue, s'adressant au personnel de la societe dissoute, l'avisait que la societe Coppieters etait devenue proprietaire unique de la societe Ellenbee, que celle-ci avait cesse d'exister comme entite juridique, et que « tous ses biens et toutes ses obligations » avaient ete transferes a la societe Coppieters, que l'ancienne societe dissoute devenait un departement de la societe Coppieters, gere par lui ;

e) effectivement les papiers et documents se rapportant a l'activite qui avait ete celle de la societe dissoute portent depuis lors «The Ellenbee Company. _ Division des Anciens -Etablissements 0. Coppieters S.A. » et sont signes par l'administrateur-delegue de l'intimee sous la mention «The Ellenbee Company», l'administratetir-delegue - l'intimee s'appropriant par consequent jusqu'au nom de la soCiete dissoute ;

f) le 7 decembre 1959 l'intim6e sous la signature de son administrateur-delegue ecrit au conseil de l'appelante : «Notre societe a absorbe la S.A. The Ellenbee »Company en date du 2'8 fevrier 1959. A cette date aucun compte n'etait ouvert » daris -les ecritrires de la societe absorbee au nom de Mademoiselle Suzanne » Pierot... quoique -- en -pratique les comptes liquides avant l'absorption ne nous ~> regardent pas, etc ... »

g) le 3 mars 1960 elle ecrit dans le meme sens au conseil d'une autre personne se presentant comme_ creancie!e ;

h) le 16 mars 1960 au cours de sa deposition devant un officier de police judiciaire l'administrateur-delegue de l'intimee, en qualite de plaignant declare : « Des que ma societe avait repris le patrimoine de la societe The Ellenbee » Company, j'ai pris toutes les mesures pour desinteresser les creanciers privi­» legies ... j'etais d'accord pour reprendre l'actif et le passij"tels qu'ils ressortaient )) des ecritures ... · c·etait pour tenter· de recuperer les capitaux investis en » reprenant le fonds commercial de la susdite societe (dossier de !'instruction » a charge. des sieurs Bertouille sur plainte de l'intimee dans le dossier de l'intime )) en la -cause 44.296) » ;

Attendu qu'il resulte sans aucun doute possible de ces elements que, d'une fagon generale et non seulement a i'egard du personnel de la Societe Ellenbee, _contrairement a !'opinion du premier juge, la societe intimee s'est chargee du passif de . la· societe Ellenbee ;

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Que sans doute ce n'est pas Ja l'effet de la constatation de la reunion de toutes les actions de la societe Ellenbee dans les mains de l'intimee, mais que c'est celui de la mainmise par l'intimee sur le patrimoine entier de la societe Ellenbee sans compensation pour la societe dissoute, ce qui en fait cloturait la liquidation, et de !'intention manifestee en toute occasion par l'intimee de prendre a sa charge le passif de cette societe (cfr. Cass. 22 mars 1962, Rev. Grit. Jur. B., 1963, 42) ; '

Attendu qu'en demandant au notaire Cool d'acter « dat de naamloze vennoot­» schap Anciens Ets. Odilon Coppieters het gehele 1vermogen van de naamloze » vennootschap The Ellenbee Company in handen he~ft » l'administrateur-delegue de l'intimee n'a done pas demande d'acter que celle.fci disposait de «tout l'avoir de la societe dissoute » mais, comme. cet administrateur-delegue l'a lui-meme declare, de tout le « patrimoine » « . . . l'actif et le passif » de cette societe ;

Attendu que cette interpretation combien autorisee de l'administrateur-delegue de l'intimee, administrateur qui se confond pratiquement avec l'intimee, et opinion d'ailleurs Conforme a celle du sieur Bertouille, ancien administrateur­delegue de la societe dissoute (cfr. son assignation, farde VII du dossier de l'intimee en la cause 44.296) rentre parfaitement dans la signification des mots,

... Qu'ainsi au dictionnaire explicatif «Van Dale's Groot Woordenboek der Nederlandsche Taal» 6° edition 1924, on trouve au mot « vermogen »

notamment « 5) het geheel van iemands rechten en plichten, de activa en passiva, al hetgeen iemand heeft, ine. zijn activa, hetgeen hij rijk is na aftrek der passiva » et au mot « boedel » : « het geheel van iemands vermogen, van alle daartoe behorende rechten en plichten, het gezamenlijk actief en passief » ;

Que de meme au « Nieuw Nederlands Frans Woordenboek »_de Gallas, 2° edition, 1955, on trouve au mot « vermogen » : « 4) patrimoine » ;

Attendu que si l'intimee avait voulu limiter !'absorption a l'actif de la Societe Ellenbee, elle eut sans doute utilise un autre mot et que dans ce cas son administrateur-delegue n'eut pas pu faire d'une « cession gratuite » des titres de la societe Ellenbee a l'intimee (declaration susvisee meme page) car une compensation eilt du etre et eut ete demandee pour la societe dissoute, n'eut-ce ete que dans l'interet des creanciers et pour couvrir la responsabilite du OU des cedants a leur egard,

Attendu qu'il y a cependant lieu d'examiner si la creance de l'appelante etait le cas echeant incluse dans cette reprise du passif de la societe Ellenbee par l'intimee et a cet effet de determiner dans quelle · mesure l'intimee est tenue de ce passif,

Attendu qu'a cet egard i1 y a lieu de relever que dans sa declaration susvisee du 16 mars 1960 en qualite de plaignant, l'administrateur-delegue de l'intimee a declare : i1 faut tenir note qu'au moment de la reprise, notre societe ne s'est pas engagee au dela de la difference entre l'actif et le passif connus. Toutefois i1 s'est revele par la suite que cette difference etait de loin plus importante que celle apparaissant dans la comptabilite ;

Attendu qu'il resulte de ta. si l'on devait encore en douter apres ce qui precede, que l'intimee admettait etre tenue meme (( ultra vires )) ce qui est normal en cas d' « absorption » mais non au dela de ce que permettaient de supposer les ecritures et documents comptables, ce qui est aussi normal, et

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d'autant plus normal que, comme l'a souligne le premier juge, ii" ne s'agit pas en l'espece d'un absorption proprement dite, mais d'un transfert du patri­moine ou d'uile mainmise sur le patrimoine de la societe absorbee, apres disso­lution de celle-ci par la reunion de toutes ses actions dans les mains de l'intimee;

Qu'une telle operation est en effet phis proche de la cession ou reprise de fonds de commerce que d'une fusion de societes, dont les conditions ne sont pas en pareil cal.5 reunies (J. VAN RYN, Precis de Droit Commercial beige, T, 1, n°s 802, 852 et s.) - qu'aussi bien l'intimee n'a-t-elle pas cru devoir a cet effet proceder a une augmentation de son capital social ;

Attendu qu'il n'y a au surplus pas d'assimilation complete possible entre une societe succedant a une autre. et l'heritier ou la succession continuateur de la personne du defunt,

Qu'il ne se peut agir que d'une succession aux biens, d'une universalite ;

Attendu qu'il faut encore constater, a la suite du jugement dont appel d'ailleurs, que la demande de l'appelante n'a pas ete intentee centre l'intimee en sa qualite de liquidateur de la societe Ellenbee dont l'intimee affectait, on l'a montre plus haut, de perpetuer l'exMence mais a titre personnel,

' Qu'il n'y a done pas lieu d'avoir egard aux droits plus etendus que l'appelante pourrait avoir eventuellement centre la Societe Ellenbee.

II. Quant a la realite de la creance de l'appelante (Sans interet pour le droit des societes).

En la cause 44.296 :

Attendu qu'en cette cause l'appelante, intimee en la premiere cause, interjette appel du predit jugement en ce que celui-ci l'a deboutee de l'appel en garantie qu'elle avait dirige contre le sieur Bertouille pour le cas ou elle serait l'objet d'une condamnation en la premiere cause,

Attendu que le premier juge ayant decide que la demande originaire n'etait pas fondee, a logiquement decide que l'appel en garantie etait :sans objet,

Attendu qu'il eut toutefois pu le declarer irrecevable,

Attendu en effet aue l'intime faisait et fait observer avec raison dans ce sens que l'appelante qui dans son appel en garantie n'invoquait d'autre motif que la qualite d'administrateur-delegue de la· societe Ellenbee de l'intime a une epoque non indiquee, est reste en defaut de preciser dans cet acte ou ulterieure­ment le motif de droit qui rendrait l'intime personnellement debiteur des dette:s de la societe Ellenbee,

Qu'elle n'invoque actuellement que des « responsabilites » de l'intime · qui sortent du cadre du litige tel qu'intente,

Par ces motifs,

La Cour, (designation d'un expert comptable en cause 44.295).

En la cause n° 44.296.

Declare l'appel non fonde, en deboute l'appelante, la condamne aux depens d'appel.

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Observations. - Un jugement ulterieur rendu par -la meJne cour entre une des parties et un tiers a deja ete publie; cfr. Appel BruxeHes 28 avril 1965, Revue, 1968~ p. 29,- n° 5403. JI y est etablique l'acqui~ siHort de l'enseliible .des actions d'une societe p1irune autre -n'entra!ne pas de confusion des patrimoines; On consultera aussi sur les effets du transfert de l'avoir social a l'actionnaire unique, Cass., 17 juin 1965, Pas., 1965, I, p. 1134.

Dans cette matiere delicate de la fusion des societes, l'arret commente tranche deux points, en confirmant la doctrine et la jurisprudence communement admises.

L La cloture de la_ liquidation ne resulte pas de la constatation de la reunion de totites les actions d'une societe en une seule main ; en fait cet evenement entraine seulement et necessairement dissolution de la societe. Cfr. Cass, 5 janvier 1911, Pas., 1911, I, 74 et avis du proc. gen. Terlinden; Cass., 31 mai 1951, Pas., 1951, I, 665 et Revue, 1952, p. 80, n° 4251, note DEMEUR; Cass., 5 dee. 1958, Pas., 1959, I, 342. Une societe dissoute survit pour les besoins de la liquidation meme lorsque la dissolution est la consequence de la reunion de totites les parts dans une seule main. Cfr. Comm. Brux., 17 roars 1961, Revue, 1964, p. 105, n° 5198, confirme par Appel l3rnx, 4 avril_ 1962, Revue, 1964, p. 104, nn 5197; Cass., 16 janvier 1968, Revue, 1968, p. 82.

La cloture · de la liquidation resulte .. seulement de l'extinction des dettes sociales, la societe devant etre reputee exister tant qu'il reste des ·dettes a payer au inoyen de-ractif; s'il est exact que la liquidation pour. efre tetininee ne doit pas necessairement aboutir au' desiriteresse..:. ment-~mplet de'tOUS .fos cn~anciers,· elle comporte par·nattire affecta­tion-~ de l'actif au reglement du passif. 'Cette doctrine deja -~non?rea rarret. de cassatioQ du,_ 7 octobre 1958, Revue, 1959, p. 18, n"' 4784, et enseignee par P. DEMEUR, « La survie de la societe anonyme apres dissolution», Revue, 1959, p. 169, n° 4829, est confirrriee par !'impor­tant arret de cassation du 22 roars 1962 publie a la Pas., 1962, I, 808 avec l'avis de l'av. gen. Ganshof van der Meersch. Cet arret est publie aussi a la Revue, 1963, n" 5077 ainsi qu'a·Ia Rev. crit. jur. belge, 1963, p. 42, avec une note tres fouillee de M. Renauld. L'arret de la cour de Bruxelles ici commente s'y referf expressement. Cet arret de cassation confirme · aussi la theorie de la survie passive de la societe pendant le delai de prescription quinquennale prevu a l'art. 194, al. 4 des lois coordonnees sur les societes commerciales. Il rejette de ce fait !'explication faisant survivre temporairement l'organe a l'etre

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moral disparu. (HEENEN, Rev. crit. jur. belge, 1953, p. 299). La theorie de la survie passive a ete appliquee par la cour d'appel de Bruxelles, (27 octobre 1964, Journ. prat. dr. fisc. et fin., 1964, p . .345) : « c'est a bon droit qu'une cotisation due par une societe absorbee est enrolee pendant le delai de prescription quinquennale a charge de celle-ci representee par la societe absorbante · chargee de son passif. »

II.· Pour determiner les conditions. qui permettent de qualifier un acte de fusion de societe, l'arret commente se refere aux Principes de 'droit commercial de M. VAN RYN, t, I, n°8 852 et suivants. S'il n'est pas indique expressement en cet endroit que la societe absorbante doit augmenter son capital, c'est neanmoins une condition indispensable, puisqu'il faut integrer au capital de la societe absorbante la valeur des actifs de la societe absorbee. Si -les actifs sont entierement engloutis par le passif lors de la liquidation, on ne peut alors parler que de cession de fonds de commerce. RESTEAU, Societes anonymes, t 2, n° 306, le R.P. D. B., V", Societes anonymes, n° 1504 et les Novelles, Droit commercial, t. 3, n° 4725, considerent egaiement que !'augmentation du capital de la societe absorbante est une condition necessaire pour qualifier une operation ·de fusion de societes. Sur le meme sujet, v.

· encore J. RENAULD, Pusions et scissions de societes en droit belge, ·Revue de droit international et de droit compare, 1954, n° special, pp. 179 a i93 ; J. RENAULD, Etude comparative de la reglementation des fusions de societes en droit belge et dans certaines legislations etrangeres, Revue, 1955, pp. 1 a 18; J. RENAULD, Rapport sur les fusions de societes en droit belge au Colloq~e international de droit europeen organise par !'Association beige pour le droit. eutopeen, Bruxelles,' 12-14 octobre 1961, Bruylant, 1962, (pp. 45, a 70) .

.La fu~ion juridique n'est pas sans analogie avec la fusion comptable; celle~ci a ete etudiee d'assez pres par !'analyse financiere. Cfr. R. LARCIER et R. DE VuYsT, L' analyse financiere en Europe, Paris, Bruxelles, 1967, p. 282 sur la fusion-absorption envisagee sous l'angle des resultats; Afiti de deceler les avantages (ou les inconvenients) de fa fusio!l, ori pre~ente des resultats globaux « pro-forma)) qui cumulent pour les resultats anterieurs a la fusion, les donnees des deu:x: societes.

En dehors meme de toute perspective de fusion, !'analyse financiere a etabll la' technique de la consolidation des bilans. Celle-ci s'applique a des group.es de societes exer~ant la meme activite et a pour but de mesurer !'importance reelle .de ceux-ci dans l'economie d'un pays. Cfr. R. LARCIER et R. DE VUYST, L' analyse financiere en Europe, Paris, Bruxelles, 1967, pp. 131 a 136 et p. 248 sur la consolidation, ses

No 5448.

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avantages (dans bon nombre de cas les filiales de societes industrielles sont des divisions deveimes autonomes pour des raisons fiscales, administratives ou, economiques) et ses techniques. Dans le cas ou la societe-mere detient la totalite des actions representant le capital de ses filiales, la consolidation consiste a produire un bilan global, repre­nant tous les elements d'actif et de passif des societes du groupe, apres annulation ·des ecritures reciproques. Dans le cas ou la societe-mere detient moins de 100 % des actions representant le capital de ses filiales, on tient compte de ce pourcentage pour consolider pro-rata chacun des postes de la filiale. Si la consolidation des bilans est generalisee dans les pays anglo-saxons (aux U.S.A. on consolide les seules filiales controlees a 100 % et en Grande-Bretagne toutes les filiales dont la societe-mere possede plus de 50 % du capital), elle est encore peu pratiquee en Europe. En Allemagne la loi oblige a publier sous une forme consolidee les bilans posterieurs au 31 decembre 1966; en France et en Belgique, rien n'est prescrit a ce propos. On signalera qu'en Belgique, une entreprise industrielle (Petrofina) ainsi qu'une societe financiere (Compagnie Lambert) publient des bilans consolides.

Voir aussi sur les fusions d'entreprises U. VAES et M. GOBLET, La technique du financement des entreprises et specialement des societes de capitaux, Paris, Louvain, 1965 et L. RETAIL, Etude financiere des fusions de societes, Sirey, Paris, 1956, et id., Les titres de societes et leur e-valuation, Sirey, Paris, 1961. Ces deux derniers ouvrages etudient les conditions d'application des formules

1 + r et 1 + r

+c 2 2 2

Voir aussi sur le meme sujet, RETAIL, Journal des Societes, 1960, p. 85.

Le probleme des groupes de societes a retenu particulierement !'attention des juristes reunis e~ 1963 aux Journees de Rio de Janeiro; cfr. dans T. XV des travaux de !'association Henri Capitant, Dalloz, Paris, 1967, les rapports consacres a !'evolution des societes com­merciales.

N° 5448

Jean TULKENS Avocat

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N<i 5449. - Tribunal civil de Bruxelles. - 14 fevrier 1968. Sieg. : MM. Pire, vice-pres.; Thiry, juge; Abbers, juge suppL

Plaid. : MMes Gilon, Mauquoy, Laurent loco_ de Suray et Van Beers (Delhove c/ Arend et cts.)

Societe en voie d,e formation. - Engagement conclu par un fondateur eventuel. - Non constitution de la societe. - Absence d'~ngagement de celle-ci et· de son representant.

Le tiers contractant avec la personne qui declare agir au nom d'une societe en voie de formation et non a titre personnel n'a d'action ni co~tre la soci~te qui n'est pas constituee ni contre la personne qui n'a pas pris la qualite de porte-f ort.

ARRET

Attendu que !'action tend. a faire condamner solidairement les defendeurs au paiement de :

1) F 42.500,- a titre d'appointements promerites ;

2) F 2.500,- a titre de remboursement d'un abonnement aux chemins de fer;

3) F 90.000,- a titre d'indemnite de rupture;

Attendu que le demandeur fait valoir en son assignation,

- que, par confrat du 5 janvier 1960, i1 a ete engage au service de la societe SOGECI, en qualite de directeur technique, aux appointements de 15.000 F par mois et qu'il fut prevu, en outre, une indemnite pour frais de deplacement ;

- que par lettre recommandee du 22 avril 1960, ladite societe SOGECI le licenciait, retroactivement a la date du 5 avril 1960, pour pretendus motifs graves, en realite, inexistants ; ~ que la societe SOGECI « n'a jamais eu de constitution, ni statuts, ni

publication au Moniteur » ,·

- que le contrat du 5 janvier 1960 a ete signe par le deuxieme defendeur; - que le premier defendeur s'est presente « comme l'associe » du deuxieme

defendeur; - que, des lors, les deux defendeurs « sont tenus solidairement des engage­

ments qui ont ete contractes par une societe SOGECI, qui n'a jamais existe, sous le couvert de laquelle ils ont traite avec lui ;

Attendu que le litige fut deja soumis au tribunal de commerce de Bruxelles, lequel, par jugement du 19 juillet 1966, a decide que les defendeurs n'avaient pas qualite de commer~ants, et s'est des lors declare incompetent ratione materire,·

Que, par voie de consequence,· le tribunal civil est competent pour connaitre de la cause qui lui est presentement soumise ;

Attendu qu'au cours des relations .entre parties, les defendeurs n'ont pas agi a titre personnel, mais comme fondateurs eventuels de la societe anonyme SOGECI;

Que le contrat d'emploi du 5 janvier 1960, qui est le titre sur lequel se fonde le demandeur. a d'ailleurs ete conclu entre «la societe anonyme en voie

No 5449

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4e for:mation SOGECI, representee par son administrateur~delegue, M. Jacques Isaac», c'est-a-dire le deuxicme defendeur, et le. demandeur;

Attendu qu'il est constant que cette societe n'a pas ete constituee ; Attendu que le demandeur ne pouvait ignorer qu'il prenait te risque de la

non-realisation de la constitution; ·. Que l'echec de la formation de la societe ne peut rejaillir sur le patrimoine

personnel des defendeurs, lesquels n'ont meme pas pris la qualite de. porte-fort (Escarra et Rault. Socihes commerciales, t. II, n° '540; - Dalloz, v0 Societes anonymes, 102) ;

Par ces motifs : Le Tribunal, Se declare competent pour connaitre de la cause, ratione materite ,· Dit l'action non fondee.

Observations. - La Revue a deja publie une decision relative aux engagements souscrits au notn d'une societe en formation : comm. Bruxelles 30 octobre 1959, Revue, 1960, p. 1,185, n° 4904. Dans ce

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cas, comme dans celui d'espece, le formateur avait clairement indique qu'il agissait au nom d'une personne future, precisant son intention de ne pas s'obliger lui-meme. La decision du juge, severe sans doute dans ses consequen~es, doit done etre approuvee en droit (cfr. dans le meme sens Nancy 8-4-1938, Sirey 1939, 2.75).

La prudence s'impose done aux cocontractantS de societes en for­mation. Ils ne pourront, semble-t-il, pas invoquer les regles de Ja stip_ulation pour autrui, puisque le fondateur, loin de stipuler lui-meme au profit de la societe, agit expressement au nom de celle-ci (cfr. note sous Nancy precitee). II appartient au tiers d'exiger, par exemple, !'engagement personnel du fondateur, joint a la faculte pour lui de transferer les droits a la societe constituee. II sera cependant generale­plus aise de demander que le fondateur se porte fort de la ratification par la societe a constituer (cfr. Repertoire Dalloz V0 S.A. rr0 102). Voy. aussi J. RENAULD, Annales de droit et de sciences politiques, T. IX, 1954, p. 375.

Dans l'hypothese, cependant, ou les prestations du cocontractant auront beneficie a quelque personne, generalement un fondateur, le tiers trouvera un recours, partiel au moins, dans la theorie de l'enrichis­sement sans cause (Escarra et Rault, II, 540) ..

Enfin, certains elements de fait permettront parfois au juge de decouvrir !'engagement non explicite du fondateur de rapporter la ratification par la societe constituee.

Jacques 'T KINT

Avocat pres la Cour d'appel de Bru{Celles

No 5449

N° 5450. - Tribunal civil de Bmxelles (Referes). 16 mars 1967. Sieg. : ·M.-· Vullers, president.

Plaid: MMes : Wolters, J.- Flagey et Vah Beirs. (Societl « S ... » c/ C. J. et cts.).

Societe-ettangere .. - Succursale. - Notion. - C1·iteres .

. La notion de succursale d'une societe etrangere a ete definie en ses deux elements constitutifs : le local considere comme le siege permanent de son activite <;t la presence en ce lieu d'un representant ayant pouvoir de l'engager vis-a-vis des tier,s.

·A~T

Revu l'ordonnance rendue en la cause le 25 fevrier 1967 qui a dit que la procedure serait poursuivie en langue fran~aise ;

Vu -!'assignation signifiee le l€r fevrier 1967 par exploits enregistres de Me J .Cleopater, huissier de justice a Ixelles, et de Me M. Vandenhende, huissier de justice a Anvers ;

Vu le;s conclusions· de la demanderesse~ les conclusions principales et addiiion­nelles du premier defendeur et les conclusions des defenderesses S ... , B ... , C ... et G ... ;

Entendu en leurs plaidoires MMes Wolters, Flagey et Van Beirs; Entendu Me Libouton, avoue, qui declare oralement que le; defendeurs

c ... et 0 ... se referent a justice et demandent a ·passer :sans frais;

· · Attendu - que la defen:deresse societe anonyme G... bien que regulierenient assignee, ne comparalt pas ni personne pour elle ;

· Attendu que par ordonnance du 14 janvier 1967, ·le premier defendeur a ete autOFise· a pratiquer saisie.:.arret a charge de la. demanderesse et en mains des defendeur.s sub 2 a 7 pour la contrevaleur en francs belges de la somrrie de 63.352 dollars americains. et de celle de 10.000 francs pour les frais; que la demanderesse poursuit la retractation de cette ordonnance ;

Attendu qli'aux termes· de !'articles 4, alinea 1€r, des lois relatives au registre du commerce, coordonnees le 20 juillet 1964, toute personne physique ou nlOrale, beige OU etrangere, qui Se propose d'exercer, par !'exploitation ;soit d'un etablissement principal soit d'un succursale ou d'une agence, une · activite commerciale quelconque dans le ressort d'un tribunal de commerce... ou elle n'explOite pas encore d'etablissement commercial doit, au prealable, demander son immatriculation au registre tenu au greffe de ce tribunal ; que la sanction de cette obligation est· 1a, declaration d'office de la non-recevabilite de !'action principale, reconventionnelle ou en intervention qui trouve . sa cause dans une action. commerciale pour laquelle le requerant n'etait pas immatri~ule lors de l'intentement de !'action (art. 41 et 42); ·

·• Attendu que la demanderesse est une societe de· droit americain dont l'etablis­sement principal est a New-York; qu'elle exerce depuis plus de huit ans des activites commerciales a Bruxelles et n'est pa:s immatriculee au registre du commerce tenu au greffe ·du . tribunal de commerce de · ce siege ; que le premier defendeur pretend qu'elle avait a satisfaire a cette obligation au motif qu'elle

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exploite a Bruxelles une succursale ; qu'il conclut, ensuite du defaut d'immatri­culation, a l'irrecevabilite du recours en retractation de notre ordonnance ;

Attendu qu'en jurisprudence, la notion de succursale d'uile societe etrangere a ete definie en ses deux elements constitutifs : le local considere comme le siege permanent de son activite et la presence en ce lieu d'un representant ayant pouvoir de l'engager vis-a-vis des tiers (cass., 18 decembre 1941, PASIC., 1941, I, 467 ; 24 mars 1930, ibid., 1930, I, 170) ;

Attendu que par contrat du 1 er novembre 1964, la demanderesse a pris a bail pour une dun~e de trois, six, neuf annee;s les locaux qu'elle occupe actuelle­ment; qu'elle a appose a l'entree une plaque indiquant sa raison sociale; que ses enveloppes portent la mention « S... C0

- • • • avenue ... - Bruxelles -Belgium» ; que son adresse telegraphique est « S ... - Brussels - Belgium» ; qu'elle est mentionnee en caracteres publicitaires a l'annuaire des telephones sous la denomination « S ... C0

, ••• avenue ... » ; qu'elle a contracte aupres de la compagnie d'assurances Le Lloyd Belge,. a Bruxelles, une police en qualite d'importateur-representant de differentes marques d'alcool; qu'enfin ses locaux de l'avenue ...• n" . . .• ou sont occupes divers employes, apparaissent aux tiers, en particulier a la clientele belge, comme le centre meme de ses activites commerciales en Belgique ;

Attendu qu'aux termes de son contrat d'emploi du 11 mai 1959, le premier defendeur est engage comme representant etranger (foreign representative) principalement en Europe et dans les iles et territoires limitrophes (art. 1 er) ;

que !'article 8 de ce contrat precise que rien dans le contrat ne le peut constituer comme mandataire de la societe (nothing . . . shall constitute you as agent of the company);

Attendu que la disposition de !'article 8 reflete la preoccupation essentielle et constante de la demanderesse de ne point faire apparaitre le caractere juridique reel de son etablissement commercial en Belgique ; qu'en sa lettre du 2'8 avril 1965, elle fit au premier defendeur la recommandation generale d'eviter de donner a !'occasion de ses negociations avec les tiers, !'impression qu'elle possede une succursale en Belgique (Generally speaking ... it is most important that in your dealings with banks, authorities, customers, etc., anything be avoided wich should give the impression that we have a branch in Belgium in order not to get involved tax-wise) ;

Que cette preoccupation se reflete encore dans le mode d'engagement par le premier defendeur d'un assistant (voy. lettre du 28 avril 1965 : «This is simply your office with an assistant but not a branch of the company ») comme dans la determination du locataire des locaux occupes par la demanderesse (voy. lettre du 15. decembre 1964 : «that lease should be between you and the landlord. This is preferable for a number of reasons one of wich is tax liability ») ;

Attendu qu'il ne nous appartient pas dans un litige d'ordre civil d'apprecier le but poursuivi par la demanderesse en de pareilles instructions ; qu'il nous suffit de constater qu'elles faussent certain~s donnees du litige et nous inclinent a la circonspection ; que cette prudence est imperieuse eu egard a certaines pratiques denoncees au cours des travaux preparatoires de la loi du 3 juillet

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1956 et qui causerent !'aggravation de la sanction du defaut d'immatriculation (Pasin., 1956,. pp. 518 et suiv.) ;

Attendu que dans !'execution du contrat d'emploi, la recommandation generale du 28 avril 1965 n'a pas ete suivie on n'a pu l'etre et que la demanderesse s'est inclinee devant les difficultes de son observation ; que dans la realite de sa mission, le premier defendeur apparalt, au-dela de sa qualite de prepose, comme le mandataire de la demanderesse. comme son representant ayant le.s pouvoirs de l'engager envers les tiers; qu'il exer9a ces pouvoirs dans une suite constante et reguliere d'operations' s'elevant parfois a des Ii1ontants fort eleves;

Attendu qu'il resulte du dossier notamment :

a) que le premier defendeur contracta l~ bail du 1 er noveinbre 1964 agissant pour compte de la demanderesse ;

b) qu'il re9ut mandat de vendre avec faculte pour lui d'accorder une reduction de prix (bargaining privilege) si elle etait absolument necessaire (voy. lettre du 17 mars 1965) ; -

c) qu'il contracta au nom de la· demartderesse. et a sa demande avec divers fournisseurs (voy. lettre du 13 juillet 1966) ;

Attendu que le premier defendeur exer9a ce mandat a Bruxelles ou i1 re9ut instruction de .s'etablir (voy. lettre du 23 avril 1962), et dans les locaux de la demanderesse ;

Attendu que les elements constitutifs de la succursale etant reunis, la question est· de · savoir si le recours en retractation de notre ordonnance d'autorisation de saisir-arreter est une action (articles 41 et 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnees le 20 juillet 1964) OU Ull acte de defense (cass., 6 septembre 1962, PASIC .• 1963, I, 29, et 31 janvier 1963, ibid., 1963, I, 624);

. . . (la suite est sans interet pour le droit des societes).

Observations. - Les elements de fait retenus par le President du Tribunal sont a · rapprocher de ceux degages de la jurisprudence par M. Raymond Abrahams, dans la note qu'il a donnee a la Re'Vue, sous Bruxelles, 8-12-1955, Revue, 1958, n° 4762, p. 220.

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N° 5451. - BIBLIOGRAPHIE.

Recueil annuel de jurisprudence beige, contenant les sommaires de toute la jurisprudence et de tous les articles de doctrine parus en Belgique, fonde par Charles VAN REEPINGHEN (t), ancien batonnier de l'ordre des avocats a la Cour d'appel ,de Bruxelles, avec le concours de Messieurs Robert PIRSON, professeur a l'Universite de Bruxelles, Cyr CAMBIER, avocat pres la Cour d'appel de Bruxelles, professeur a l'Universite de Louvain, Robert HENRION, professeur a l'Universite de Bruxelles, Jacques LEPAFFE et Christian VAN­DERVEEREN,. avocats pres la Cour d'appel de Bruxelles; Jurisprudence de l'annee 1967. 1 volume in 4°. edition 1968, 515 pages, 1.780 F (Bruxelles, Maison F. Larcier).

Mettre a la disposition ·du praticien les sommaires des decisions judiciaires et 1e texte des etudes de doctrine publies au cours de l'annee ecoulee, telle est la tache ardue que les auteurs poursuivent inlassablement depuis pres de 20 ans. Tout juriste leur en sait particulierement gre.

Les matieres qui interessent le droit des societes civiles et . commerciales apparaisent utilement non seulement sous les mots «Association sans but lucra­tif » et « Societes ». mais aussi a une subdivision du V0 « Impots » ou encore au V0 « Referes ».

J. T.K.

N° 5451

SOMMAIRE N°s 9 - 10

N° 5447. - La reconnaissance mutuelle des societes dans le Marche Commun .

N° 5448, - Cour d'appel de Bruxelles (Se eh.). - 12 fevrier 1965. - I. Reunion de toutes les actions en une main. - Dissolution. - Charge du Passif. - Actionnaire unique non tenu sauf intention contraire. - II. Acquisition gratuite de !'ensemble des actions d'une societe par une autre. - Non augmentation du capital. - Mainmise sur le patrimoine. - Constitue plus une cession de fonds de commerce qu'une fusion de societes. - Ill. Societe succedant a

p. 207

une autre. - Heriter. - Absence d'assimilation complete. p. 244

N° 5449. - Tribunal civil de Bruxelles. - 14 fevrier 1968. - Societe en voie de formation. - Engagement conclu par un fondateur eventuel. - Non constitution de la societe. - Absence d'engagement de celle-ci et de son representant. p. 251

No 5450. - Tribunal civil de Bruxelles (Referes). - 16 mars 1967. - Societe etrangere. - Succursale. - Notion. - Criteres. p. 253

BIBLIOGRAPHIE

N° 5451 p. 256 -