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Projet de Recherche sur la Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique (FICEA) LA PRÉPARATION DES ENSEIGNANTS EN LECTURE ET EN MATHÉMATIQUES ET SON INFLUENCE SUR LA PRATIQUE DANS LES ÉCOLES ELEMENTAIRES DU SÉNÉGAL Rapport Pays

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Projet de Recherche sur la Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique

(FICEA)

LA PRÉPARATION DES ENSEIGNANTS EN LECTURE ET EN MATHÉMATIQUES ET SON

INFLUENCE SUR LA PRATIQUE DANS LES ÉCOLES

ELEMENTAIRES DU SÉNÉGAL

Rapport Pays

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LA PRÉPARATION DES ENSEIGNANTS EN LECTURE ET EN MATHÉMATIQUES ET SON INFLUENCE SUR LA PRATIQUE DANS LES ÉCOLES ELEMENTAIRES DU

SÉNÉGAL

Rapport Pays du Projet de Recherche sur la Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique (FICEA)

Dr. Mbarou Gassama Mbaye Alhousseynou Sy

Momar Sambe

Dr. John Pryor et Dr. Kattie Lussier

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Remerciements

Ce document est le résultat d’un projet de recherche intitule « Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique » FICEA, financé par la Fondation William and Flora Hewlett. Le Centre for International Education, School of Education and Social Work, University of Sussex a mis en place ce projet de recherche pour combler une lacune sur les connaissances sur l’efficacité des programmes de formation initiale et continue à améliorer l’enseignement. La réunion entre Dr. John Pryor et le Secrétaire General du Ministère de l’Education Mr. Touré avant le démarrage du projet a confirmé l’urgence de cette étude dont les résultats vont permettre de mieux informer les politiques en matière de formation initiale et continue. Pour conduire ce travail, l’équipe nationale de chercheurs s’est appuyé sur le Groupe National de Référence pour documenter et analyser l’enseignement et l’apprentissage dans les institutions de formation des enseignants, les écoles primaires et les programmes de développement professionnel continu. Elle a examiné la manière dont les enseignants mettent en pratique les différents éléments des programmes de formation. Une équipé internationale en collaboration avec une équipe nationale a conduit cette recherche. L’équipe de l’Université de Sussex dirigée par Dr Pryor Dr. Kwame Akyeampong et Dr. Jo Westbrook,, comprenait également D, Kattie Lussier. L’équipe du Sénégal était composé des chercheurs dirigés par Dr. Mbarou Gassama Mbaye, et comprenait Mr Alhouseynou Sy et Mr Momar Sambe sous la supervision de la Direction de l’Enseignement Elémentaire, dirigée par Mr Abdou Diaw, de l’INEAD, dirigée par la Directrice Mme Niang et du Groupe National de Référence composé par le Cabinet du Ministre, le Directeur de la Planification et de la Reforme (DPRE), le Directeur de l'Enseignent Elémentaire (DEE), le Secrétariat Permanent du Curriculum (STPC), la Coordination de la Formation Initiale et Continue (CENFIC), la Direction du projet des volontaires, l’Inspection générale de l’Education IGEN, l’INEAD, les Inspecteurs (IA): St Louis, Dakar (2), Thiès, Fatick et IDEN impliquées, Département Education de l’Université, FASTEF, le coordonateurs Directeur du Projet PREMST, le coordonateur du projet SARENA. Nous remercions tous les membres des deux équipes. Nous remercions sincèrement le Ministère de l’Enseignement Préscolaire, de l’Elémentaire, du Moyen Secondaire et des Langues Nationales, particulièrement le Ministre, Professeur Kalidou Diallo, le Secrétaire General du Ministère Mr. Mafakha Touré pour leur soutien constant qui ont permis la réussite du projet. La Direction de l’Enseignement Elémentaire et l’Institut National d’Etude et d’Action pour le Développement de l’Education (INEADE) méritent une reconnaissance particulière en tant institutions d’ancrage du projet. Nous remercions sincèrement les Inspecteurs d’Académie ont été nos principales portes d’entrées dans les différentes régions ainsi que les Inspecteurs départementaux de l’Education qui nous facilité la collecte des données et nous ont introduits auprès des écoles ciblées. Les coordonateurs des projets de formation continue PREMST et SARENA ainsi que les points focaux dans les IDEN sont associés a ces marques de gratitudes Nos remerciements vont aux Directeurs de quatre EFI (Dakar, Fatick, Saint Louis, et Thiès), aux directeurs des Etudes et leur staff qui ont facilité la collecte des données dans les EFI et se sont prêtés aux entretiens, ainsi que les Directeurs de Pôles Régionaux de Formation des trois régions de Thiès, Saint Louis et Fatick. Naturellement, nous ne pouvons pas oublier tous les directeurs d’écoles, tous les enseignants qui ont été observés ainsi que les élèves maitres. Nous associons à notre remerciement Mme Astou Soumare NDiaye, assistante du projet et tout le personnel du Centre d’ Incubation de Dakar pour le soutien logistique. Nous souhaitons que les résultats de cette recherche stimulent le débat sur la façon dont la formation des enseignants peut améliorer la qualité de l'apprentissage dans les écoles, surtout celui des mathématiques et de la lecture.

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Table des matières REMERCIEMENTS .................................................................................................................................................... 4 GLOSSAIRE ............................................................................................................................................................ 7 LISTE D’ACRONYMES ................................................................................................................................................ 8

INTRODUCTION ............................................................................................................................................... 9

CHAPITRE 1: REVUE DE LA LITTÉRATURE ET MÉTHODES DE RECHERCHE ....................................................... 11

1.1 ÉDUCATION POUR TOUS ET QUALITÉ DE L’ÉDUCATION: L’IMPORTANCE DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS ..................... 11 1.2.1 Qu’est-ce que la lecture? .................................................................................................................... 12 1.2 L’enseignement de la lecture ................................................................................................................. 13 1.2.2 Apprendre à lire dans sa langue maternelle ....................................................................................... 13

1.2.3 PÉDAGOGIES POUR ENSEIGNER LA LECTURE ....................................................................................................... 13 1.2.4 Pédagogies pour les classes pléthoriques ........................................................................................... 14

1.3 L’ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES .............................................................................................................. 14 1.4 QUESTIONS DE RECHERCHE ............................................................................................................................... 16 1.5 CONCEPTION ET MÉTHODE DE RECHERCHE .......................................................................................................... 17

1.5.1 Base de Données et Méthodes ........................................................................................................... 17 1.5.2 Résumé des données recueillies ......................................................................................................... 21 1.5.3 Analyse des Données .......................................................................................................................... 23 1.6 Défis et Limites de l’Étude ..................................................................................................................... 23

CHAPITRE 2 : LES PROGRAMMES DE FORMATION DE MAÎTRES ET LES PROGRAMMES SCOLAIRES ............... 25

2.1. LE PROGRAMME DE FORMATION INITIALE ET SES RELATIONS AU CURRICULUM SCOLAIRE ............................................... 26 2.2 LA LECTURE DANS LA FORMATION INITIALE ........................................................................................................... 28 2.3. LA LECTURE DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES ................................................................................................... 29 2.4. LES MATHÉMATIQUES DANS LA FORMATION INITIALE ............................................................................................. 32 2.5 LES MATHÉMATIQUES DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE ........................................................................................... 33 2.6 PRÉSENTATION DES PROGRAMMES DE FORMATION CONTINUE ................................................................................. 34

2.6.1 La formation en Curriculum de l’Education de Base ........................................................................... 34 2.6.2. Stratégie Active pour la Réussite d’une École Novatrice en Afrique (SARENA) ................................. 34 2.6.3 Projet de Renforcement de l‘Enseignement des Mathématiques, des Sciences et de la Technologie (PREMST) ..................................................................................................................................................... 35

CHAPITRE 3 : APPRENDRE À ENSEIGNER LA LECTURE .................................................................................... 36

3.1 LA FORMATION INITIALE ................................................................................................................................... 36 3.1.1 Les formateurs .................................................................................................................................... 36 3.1.2 Connaissances, compréhension, pratiques des élèves-maîtres .......................................................... 39 3.1.3 Conclusions ......................................................................................................................................... 45

3.3 CONNAISSANCES, COMPRÉHENSION, PRATIQUES DES ENSEIGNANTS RÉCEMMENT QUALIFIÉS ......................................... 46 3.3.1 Conclusions ......................................................................................................................................... 52

3.4 LES PROGRAMMES DE FORMATION CONTINUE ...................................................................................................... 52

CHAPITRE 4: APPRENDRE À ENSEIGNER LES MATHÉMATIQUE ...................................................................... 56

4.1 LA FORMATION INITIALE ................................................................................................................................... 56 4.1.1 Les formateurs .................................................................................................................................... 56 4.1.2 Connaissances, compréhension, pratiques des élèves-maîtres .......................................................... 59

4.2 LES ENSEIGNANTS RÉCEMMENT QUALIFIÉS (ERQ) ................................................................................................ 64 4.3 LA FORMATION CONTINUE ............................................................................................................................... 68

CHAPITRE 5 COUTS, RENTABILITE ET EFFICACITE DE LA FORMATION ............................................................ 73

6.1 INTRODUCTION ............................................................................................................................................... 73 6.2 SUPPOSITIONS ................................................................................................................................................ 73 6.3 LES QUESTIONS DE LA RENTABILITÉ ET D’EFFICACITÉ DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS AU SÉNÉGAL ............................ 73

CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS .................................................................................. 76

6.1 CONCLUSIONS ................................................................................................................................................ 76 6.2 CONSTATS ET RECOMMANDATIONS .................................................................................................................... 79

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Écoles de formation des instituteurs ........................................................................................................... 79 Les stages pratiques .................................................................................................................................... 80 Le contenu du programme de formation initiale ......................................................................................... 80 Relations entre formation initiale et continue ............................................................................................. 81 La méthode d’enseignement de la lecture .................................................................................................. 81 La méthode d’enseignement des mathématiques...................................................................................... 81 La mise en cohérence des innovations et l’augmentation du nombre de maîtres formés .......................... 81

RÉFÉRENCES .................................................................................................................................................. 83

ANNEXE 1: MÉTHODE D’ANALYSE DES COUTS ET DE LA RENTABILITÉ ............................................................................... 87

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Glossaire

Compréhension (en lecture) : La compréhension est l’habileté à interagir cognitivement avec un texte

continu, une phrase ou une petite histoire afin d’en faire du sens.

Connaissance disciplinaire : Ensemble des savoirs concernant la matière et les sujets à enseigner

Connaissance pédagogique de contenu : Connaissances spécifiques qui relient les contenus à la

pédagogie comme la connaissance de ce qui est difficile pour les élèves, les représentations les plus utiles pour enseigner une idée ou une procédure, et les façons de développer une idée particulière (Ball, 2000). La CPC incorpore la capacité d’évaluer la pensée des élèves de façon à planifier des opportunités d’apprentissage appropriées ainsi qu’à modifier, combiner et utiliser du matériel d’instruction pour développer la compréhension des concepts (Darling-Hammond et al., 1999).

Curriculum : (Au sens large): l’ensemble des dispositifs (finalités, programmes, emplois du temps, matériels

didactiques, méthodes pédagogiques, modes d’évaluation) qui, dans le système scolaire et universitaire, permet d’assurer la formation des apprenants. (Au sens spécifique au Sénégal) :le Curriculum de l’Enseignement de Base, nouveau programme dans les écoles élémentaires..

Didactique : Discipline qui s’intéresse aux processus d’enseignement et d’apprentissage.

Élève-maître : Étudiant d’un institut de formation des maîtres.

Fluidité : Habileté à lire à haute voix ou silencieusement de façon rapide et juste, avec une expression

adéquate et en contribuant à la compréhension

Graphème : La transcription d’un son ou phonème. Ex : on peut proposer les graphèmes o – au – eau pour le

phonème [o].

Guide : Guide de formation initiale du volontaire de l’éducation

Petites classes : Les petites classes concernent les quatre premières années du primaire. Les chercheurs ont

ainsi défini le domaine de la recherche en se conformant aux deux étapes du nouveau curriculum de l’éducation de base (Etape 1 CI &CP ; Etape 2 CE1 & CE2)

Phonème : Un phonème constitue la plus petite unité sonore du langage oral. Si on observe la lettre, un

phonème correspond au son de celle-ci. Ex : la lettre f correspond au phonème ffff (la manière dont elle chante).

Phonémique : Relations entre les lettres et les sons

Quota sécuritaire : Recrutement à partir du cabinet ministériel. Les élèves-maîtres sont recrutés sur la base

de leur dossier, sans concours

Quota IDEN : Recrutement basé sur les résultats au concours d’entrée

Volontaire de l’éducation : Sortant de l’école de formation des instituteurs

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Liste d’acronymes

ASEI activité, apprenant, expérience, improvisation ASS Afrique sub-saharienne BFEM Brevet de fin d’études moyennes CAP Cellules d’animation pédagogique CEB Curriculum de l’éducation de base CNFIC Coordination Nationale de la Formation Initiale et Continuée CPC Connaissance pédagogique de contenu DEE Direction de l’Enseignement Élémentaire DFC Direction de la Formation et de la Communication DPVE Direction du Projet des Volontaires de l’Éducation EFI École de formation des instituteurs EM Élève-maître EPT Éducation pour tous ERQ Enseignants récemment qualifiés FEEB/APC Formation des enseignants de l'éducation de base en approche par les compétences FICEA Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique IA Inspection d’académie IDEN Inspection départementale de l’éducation nationale INEADE Institut national d’étude et d’action pour le développement de l’éducation IRA Association internationale pour la lecture JICA Agence de coopération internationale du Japon NICCHD National Institute of Child Health & Human Development OA Objectif d’apprentissage OS Objectif spécifique PACEB Projet d'appui au curriculum de l'éducation de base PDEF Programme Décennal de l’Éducation et de la Formation PDRH Projet de développement des ressources humaines PDSI Planifier, mettre en œuvre, évaluer, améliorer PFC Programme de formation continue PRF Pôle régional de formation PREMST Projet de Renforcement de l‘Enseignement des Mathématiques, des Sciences et de la Technologie SACMEQ Consortium africain méridional pour l'évaluation de la qualité de l'éducation SARENA Stratégie active pour la réussite d’une école novatrice en Afrique SEA Situation d’enseignement apprentissage SSI Situation significative d’intégration UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation la science et la culture VE Volontaire de l’éducation

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Introduction

Le Sénégal a connu plusieurs systèmes de formation initiale des enseignants, mais a toujours souffert d’un gros déficit de personnel enseignant. Pour y faire face, depuis 1994 l’état a recruté des « volontaires de l’éducation » qui entraient en service sans diplôme après une courte formation. Depuis 2000, les candidats enseignants subissent un test d’entrée dans les écoles de formation d’instituteurs. L’Etat du Sénégal, comme beaucoup d’états africains a été davantage préoccupé par la mise en place d’infrastructures et le recrutement de maîtres en quantité suffisante pour faire face à la forte demande d’éducation. En outre, des programmes de formation continue en maths et lecture ont été dispensés aux enseignants, mais il n’existe pas d’information sur l’impact réel de ces formations sur la pratique enseignante et l’amélioration des apprentissages des élèves. Le projet de recherche sur la Formation Initiale et Continue des Enseignants en Afrique (FICEA)1, financé par la fondation William et Flora Hewlett, a été mis sur pied afin de combler un manque de connaissances actuelles sur la façon dont la formation initiale et continue influence les pratiques enseignantes par une étude dans six pays africains : le Sénégal, le Ghana, le Mali, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Ce rapport présente la recherche effectuée au Sénégal. Étant donné l’extrême importance de l’acquisition d’aptitudes en lecture et en mathématiques dès les premières années du primaire, ce rapport mettra l’accent sur la formation que reçoivent les maîtres qui enseignent dans les petites classes2 et sur le soutien dont ils bénéficient pour enseigner ces matières par le biais de la formation continue et d’autres initiatives. Une question centrale est de savoir si le processus d’apprentissage de l’enseignement de la lecture et des mathématiques durant les premières années du primaire permet de développer un type de compétences pédagogiques. On sait que ces compétences sont importantes pour le développement des aptitudes en lecture et la compréhension des concepts mathématiques de base chez les élèves des petites classes. Le projet de recherche a développé un portrait détaillé de la formation des maîtres en relation avec la lecture et les mathématiques dans les premières années de l’école primaire. Il a cherché à identifier les facteurs qui contribuent aux pratiques efficaces menant à une amélioration des apprentissages des élèves. Il a aussi cherché à identifier les barrières spécifiques et les contraintes qui sapent les pratiques des enseignants ainsi que la progression des élèves en lecture et en mathématiques de base. Les résultats de la recherche seront utilisés pour suggérer des solutions réalistes pour améliorer la préparation des enseignants au Sénégal. Le présent rapport se présente comme suit : Chapitre 1 : Brève revue de la littérature et présentation des méthodes de recherche. La revue de la littérature met l’accent sur la faiblesse des résultats d’apprentissage malgré les investissements réalisés dans le secteur de l’éducation pour atteindre les objectifs de l’éducation pour tous ainsi que le lien qui existe entre la qualité des apprentissages d’une part et la formation initiale et continue des enseignants de l’autre. Ce chapitre présente les questions et méthodes de recherche et définit le cadre conceptuel ainsi que l’échantillonnage.

1 Dans les pays anglophones, le projet s’appelle TPA – Teacher Preparation in Africa. 2 Les petites classes concernent les quatre premières années du primaire. Les chercheurs ont ainsi défini le domaine de la recherche en se conformant aux deux étapes du nouveau curriculum de l’éducation de base (Etape 1 CI &CP ; Etape 2 CE1 &CE2)

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Chapitre 2 : Programme de formation initiale et programmes scolaires : À la suite de la présentation du système de formation des enseignants, le chapitre analyse le programme de formation des EFI à travers l’analyse du "Guide de formation initiale du volontaire de l’éducation" (guide) en relation avec les deux disciplines concernées par la recherche : les mathématiques et la lecture. Dans ce chapitre sont analysés les liens entre le "Guide" et les manuels scolaires d’une part et les liens implicites ou explicites entre le guide et les différents programmes scolaires (Curriculum de l’Education de Base [CEB], et programmes du décret 79-1165). Chapitre 3 : Apprendre à enseigner la lecture. Ce chapitre analyse l’enseignement de la lecture à trois niveaux : École de Formation des Instituteurs, (formation initiale avec comme cible les formateurs et élèves-maîtres), au niveau des écoles élémentaires, et enfin au niveau de la formation continue en lecture (avec comme cible les enseignants récemment qualifiés). Au niveau des EFI, les profils des formateurs, en relation avec leurs connaissances, compréhension et pratique enseignantes en lecture est présenté ainsi que les connaissances, compréhension et pratiques des élèves-maîtres. Au niveau des écoles élémentaires, ce chapitre présente le niveau de connaissance, compréhension et pratiques de classe en lecture des enseignants récemment qualifiés (ERQ). La troisième partie de ce chapitre présente le programme de formation continue en lecture et son impact sur la pratique enseignante. Le Chapitre 4 : Apprendre à enseigner les mathématiques : Ce chapitre analyse l’enseignement des maths à trois niveaux : École de formation des instituteurs (formation initiale), enseignants récemment qualifiés et formation continue en lecture. Au niveau des EFI, ce chapitre décrit les profils des formateurs en relation avec leurs connaissances, compréhension et pratique enseignante en mathématique. Il présente aussi les connaissances, compréhension et pratiques des élèves-maîtres en mathématiques. Au niveau des écoles, ce chapitre présente le niveau de connaissance, compréhension et pratiques de classe en mathématiques des enseignants récemment qualifiés. La troisième partie de ce chapitre présente le programme de formation continue en mathématiques et son impact sur la pratique enseignante. Le chapitre 5 : Conclusions et recommandations : Résume les points saillants de l’étude et présente les conclusions de la recherche ainsi que les recommandations des chercheurs.

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Chapitre 1: Revue de la littérature et méthodes de recherche

1.1 Éducation pour tous et qualité de l’éducation: L’importance de la formation des enseignants

En février 2000, le Gouvernement du Sénégal a adopté la lettre de politique générale pour le secteur de l'éducation (couvrant la décennie 1999 - 2008), révisée en août 2005 et dont le Programme Décennal de l’Éducation et de la Formation (PDEF) est le cadre d'opérationnalisation. Ce programme s’inscrit dans le cadre de l’objectif d’atteindre l’éducation pour tous d’ici 2015 qui a mobilisé la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne (ASS) depuis 2000 et les a incités à confronter leur taux d’enrôlement scolaire historiquement bas. Les initiatives de ces pays pour attirer beaucoup plus d‘enfants à l’école ont connu un succès remarquable (UNESCO, 2008). Toutefois, remplir les salles de classe n’est pas suffisant. Pour avoir des effets positifs sur le plan social et économique, l’Éducation pour tous doit, au minimum, faire en sorte que les enfants apprennent les compétences de bases en lecture, en écriture et en calcul. Ces compétences sont en effet nécessaires pour que les enfants puissent bénéficier de leur éducation et contribuer au développement de la société dans laquelle ils vivent. Malheureusement, de nombreuses études suggèrent que nombre d’enfants qui fréquentent l’école n’apprennent pas beaucoup. UNESCO (2008 p.2) rapporte des apprentissages relativement bas et inégaux dans les domaines langagiers et en mathématiques dans plusieurs pays, et plus particulièrement en ASS. Ces maigres résultats se retrouvent dans l’ensemble de l’éducation de base, mais il devient de plus en plus clair que les premières années d’école sont particulièrement importantes. En effet, les expériences d’apprentissage dans les petites classes déterminent l’attitude des enfants face à l’éducation. Ainsi, ce qui se passe dans les petites classes détermine le futur de l’éducation des enfants. S’ils ne réalisent pas des progrès important à ce stade, ils sont enclins à cesser de fréquenter l’école, à retomber dans l’analphabétisme ou à devenir des ‘exclus silencieux’ qui ne sont pas capables d’accéder au travail de plus en plus exigeant des classes supérieures (Liddell & Rae 2001; Lewin 2009; UNESCO 2010; Glick & Sahn 2010). Il est alors important que les élèves maitrisent la lecture et les mathématiques dès les premières classes. Pour les élèves qui ne réussissent pas à lire à ce niveau, les leçons des classes suivantes deviennent de plus en plus difficiles à comprendre, car le matériel pédagogique est de plus en plus sous forme imprimée ou écrite et non orale : la lecture est le pilier de l’apprentissage réussi (Pretorius 2000). L’apprentissage des mathématiques est également une compétence clé, nécessaire à la compréhension de beaucoup d’autres matières. Les recherches sur la qualité de l’enseignement confirment la forte corrélation entre la pauvre qualité de l’apprentissage des élèves et la pauvre qualité de l’enseignement dispensé par les maîtres. La réussite et l’apprentissage efficace des élèves sont entravés par les mauvaises pratiques éducatives et les faibles connaissances pédagogiques du contenu des enseignants (Pontefract & Hardman 2005; Akyeampong, et al. 2006, Moon et al. 2005; Byamugisha & Ssenabulya, 2005 et autres rapports pays du SACMEQ). La formation des maîtres a été identifiée comme faisant partie à la fois du problème et de la solution. L’accroissement de l’enrôlement des élèves s’est accompagné d’une forte demande d’enseignants et la priorité a été de trouver les moyens d’accroître le nombre de maîtres affectés dans les écoles soit par l’augmentation du recrutement du nombre d’élèves-maîtres dans les cours existants, soit en créant de nouvelles voies d’accès vers la profession enseignante, soit en combinant les deux stratégies (UNESCO, 2005). Les politiques et les plans assument souvent que la formation initiale et le développement professionnel des enseignants font une différence dans les aptitudes et les connaissances pédagogiques de ces derniers et que cela se traduit par des résultats d’apprentissage accrus (Dembélé & Lefoka, 2007). Toutefois, dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne il y

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a peu de données systématiques sur les contenus et les processus d’acquisition des connaissances et des aptitudes par les étudiants des EFI et les enseignants récemment qualifiés. Il y a encore moins de données établissant un lien entre les apports fournis et les résultats en termes d’améliorations pédagogiques et d’accroissement des résultats d’apprentissage en lecture et en mathématiques. Nous n’en savons pas assez sur la façon dont les enseignants travaillant dans différents environnements et contextes éducationnels adoptent et adaptent les connaissances et les aptitudes acquises lors de la formation formelle pour répondre aux besoins d’apprentissage particuliers des jeunes élèves dans leurs écoles actuelles. Pour améliorer la qualité de l’éducation primaire, certains pays d’Afrique sub-saharienne ont plutôt ciblé l’infrastructure scolaire (salles de classe, équipement, matériel d’apprentissage) et la provision d’un nombre adéquat d’enseignants que la mise en place d’un système de formation initiale et continue pour promouvoir des compétences qui répondent aux besoins des élèves dans de salles de classe (Moon 2007; Bernard, Tiyab, &. Vianou, 2004). Bien qu’il y ait des évidences montrant que la formation initiale et la formation continue des enseignants du primaire jouent un rôle clé dans la façon dont les maîtres apprennent à enseigner (Darling-Hammond, Wise & Klein 1999: Lewin & Stuart 2002), d’autres recherches indiquent que les enseignants en début de carrière sont très peu soutenus et qu’un « effet d’effacement » se produit en conséquence (Lewin and Stuart, 2003). La socialisation dans les pratiques existantes de l’école peut rapidement submerger les effets de la formation. C’est particulièrement le cas dans les systèmes où le statut hiérarchique est fondé sur la séniorité et où l’on encourage les enseignants récemment qualifiés à se conformer aux pratiques établies (Westbrook et al. 2009).

1.2.1 Qu’est-ce que la lecture?

Lire est l’aptitude à décoder des marques sur une page (graphèmes) qui représentent des sons parlés (phonèmes), en mots, phrases et textes continus. Les lecteurs doivent leur donner un sens afin que le processus cognitif impliqué dans le décodage ait une certaine valeur (Meek 1994; Ehri 2002). L’acte de lire fait schématiquement appel à l’interaction de deux composantes essentielles dans le traitement de l’écrit : 1 / une composante de traitement de bas niveau, la reconnaissance des mots écrits, et 2 / une composante de traitement de plus haut niveau, la compréhension (i.e. l’accès au sens avec intégration syntaxique, sémantique et textuelle) (Demont & Gombert 2002 : 246). Décoder et lire pour faire du sens sont par conséquent deux processus psycholinguistiques développés à partir de racines différentes mais entrelacées (Gough and Tunmer 1986; Oakhill, Cain et al. 2003). Cette intégration se produit alors que l’enfant commence à apprendre la lecture auprès d’un enseignant ou d’un parent qui établit des liens entre la langue orale et la conscience phonique. La lecture est un processus enraciné dans le contexte social et culturel dans lequel un enfant apprend à parler (Brice Heath 1983; Stanovich 1986; Street 1999; Barton, Hamilton et al. 2000). Les résultats des grandes revues de la littérature de recherche tels que présentés par l’association internationale pour la lecture (IRA 2007) et le National Reading Panel des Etats-Unis (NICHHD 2000), mettent en évidence le fait que les élèves ont besoin des six compétences suivantes pour une bonne initiation à la lecture:

1. Le langage oral comme base d’apprentissage 2. La conscience phonémique 3. La connaissance phonétique 4. La fluidité 5. La connaissance du vocabulaire 6. Des stratégies de compréhension (NRC 2010 p.81 traduction avec l’addition des

nombres par les auteurs)

Ces aptitudes s’orchestrent simultanément et travaillent ensemble de façon à ce que la croissance d’un domaine supporte les autres (Stanovich 1986). En effet, la conscience phonologique mène à l’indentification des sons et des lettres ce qui conduit aux syllabes et aux mots ou vice versa. La compréhension est l’aptitude à interagir cognitivement avec un texte continu, une phrase ou une petite histoire afin d’en faire du sens. Ceci demande un vocabulaire visuel de 95% des mots sur la page, une certaine fluidité dans la lecture silencieuse ou à haute voix ainsi que des connaissances de la syntaxe apprises de la grammaire du langage oral (Ehri 2002; Malatesha 2005). Cain considère que trois aptitudes de lecture d’ordre supérieur sont nécessaires : l’intégration et la cohérence; le suivi de la compréhension; et la connaissance de la structure du texte (Cain, 2011). Les lecteurs doivent faire des liens entre les idées exprimées dans le texte

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et leurs propres connaissances et expériences tout en questionnant le texte : «qu’est-ce que le texte dit? » « qu’est-ce que cela veut dire? ». Lorsque le texte ne fait pas sens, les lecteurs doivent réagir et adopter des stratégies d’auto correction comme prononcer le mot phonétiquement, identifier des groupes de syllabes, relire, continuer à lire, deviner, chercher des petits mots dans les grands, etc. La connaissance de la structure du texte supporte ce processus.

1.2 L’enseignement de la lecture

Les enfants qui réussissent à lire tôt pendant leur scolarisation ont plus de chances de rester plus longtemps à l’école puisqu’ils bénéficient immédiatement du fruit de leurs efforts alors que ceux qui ne développent pas ces aptitudes et n’en voient pas l’utilité risquent d’abandonner très tôt et de retomber dans l’analphabétisme (Psacharopoulos and Woodhall 1985; Chabbott 2006). Quatre années d’études sont requises afin de devenir un lecteur autonome, mais en Afrique Sub-saharienne la moitié de tous ce qui abandonnent quittent l’école après la première année n’ayant pas réussi à maitriser les aptitudes de base en lecture (UNESCO, 2010).

1.2.2 Apprendre à lire dans sa langue maternelle

Un pré requis pour l’apprentissage de la lecture est la compétence et l’aisance dans la langue utilisée pour enseigner la lecture. Apprendre à lire dans sa langue maternelle supporte le transfert vers une langue seconde alors qu’apprendre à lire dans une langue seconde ou même une troisième langue désavantage les lecteurs qui peuvent ne pas avoir suffisamment de conscience phonologique et de vocabulaire oral pour faire du sens de l’écrit peu importe l’approche de lecture utilisée (Commeyras and Inyega 2005). Sans un enseignement efficace, les enfants de classes multilingues qui parlent une langue différente de la langue d’instruction peuvent tout simplement ne pas apprendre à lire. Maîtres et élèves ‘sauvent la face’ en utilisant des stratégies telles que la mémorisation routinière et la répétition en chorale à travers lesquelles les enfants peuvent facilement se cacher derrière d’autres élèves ou tout simplement répéter ce que le maître dit sans jamais vraiment lire (Mwinsheikhe 2009; Opoku-Amankwa 2009; Pretorius and Currin 2010; Wedin 2010).

1.2.3 Pédagogies pour enseigner la lecture

Les enfants doivent pratiquer la lecture avec une variété de textes dans le but de comprendre le sens et on doit simultanément et systématiquement leur enseigner les sons et la structure des mots à l’oral ainsi que les aptitudes telles que la phonique et comment relier des parties de textes. Mettre l’accent sur une aptitude de lecture au détriment des autres affaibli le développement de la lecture (NICHHD 2000). Certaines de ces aptitudes recouvrent celles de pré-lecture dans la langue d’instruction telles que le développement langagier, le vocabulaire, la grammaire, la connaissance de l’alphabet, la reconnaissance automatique de lettres et d’images. Elles devront être enseignées dans les premières années d’école si plusieurs enfants n’ont pas reçu un enseignement préscolaire (Chabbott 2006; Lonigan and Shanahan 2006). Ces aptitudes développent aussi la mémoire visuelle et auditive dont les enfants ont besoin pour reconnaître le vocabulaire et lire les textes plus longs.

Il existe différentes approches pour enseigner la lecture. Dans une approche syllabique (ou phonique), on apprend aux enfants à découvrir les mots en faisant d’abord prononcer les sons illustrés par les lettres puis en passant aux syllabes jusqu’à ce qu’ils arrivent au mot complet puis à la phrase et au texte. L’approche syllabique est synthétique. Joindre des syllabes ensemble et faire des rimes sont des exemples d’activités utilisées avec cette approche (Ehri 2002; Alcock, Ngorosho et al. 2010). L’approche globale, qui est encouragée au Mali et au Sénégal, est une approche analytique. On commence par lire un texte complet comme une histoire courte ou une phrase et ensuite ce texte est divisé en mots, en syllabes, en combinaisons de voyelles et consonnes et en lettres avant de revenir au texte dans une perspective de construction de sens. Les stratégies comme l’utilisation d’étiquettes mots pour encourager la reconnaissance globale des mots et augmenter le vocabulaire visuel des enfants ainsi que faire comprendre des histoires en reliant des images à du texte sont des exemples d’activités associées à l’approche globale. Chaque approche a ses propres mérites; une approche mixte est sans doute plus efficace. La compréhension en lecture doit être enseignée de façon interactive et par un dialogue à travers lequel des histoires, rimes et textes réels sont lus plusieurs fois à voix haute par le maître ou les élèves afin de

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développer la fluidité et l’aisance (Dombey 2011). Certaines stratégies devraient être enseignées explicitement par le questionnement et la modélisation des maîtres lorsqu’ils racontent des histoires et elles sont apprises plus facilement au tout début de l’apprentissage de la lecture. Celles-ci incluent le résumé, l’utilisation de diagrammes ou de dessins pour représenter le sens du texte, les prédictions et la clarification du texte par les inférences ainsi que les aptitudes pour s’approprier les mots (Cain and Oakhill 1999; NICHHD 2000; Bentolila and Germain 2005; Trudell and Schroeder 2007).

1.2.4 Pédagogies pour les classes pléthoriques

Un tel modèle de connaissances de la lecture et de sa didactique doit être résumé à l’aide de ce que l’on sait de la pédagogie appropriée aux classes d’Afrique Sub-saharienne afin de développer des connaissances pédagogiques du contenu. Une approche constructiviste centrée sur l’enfant n’est pas toujours appropriée dans une classe Africaine s’il n’y a pas de cadre culturel pour la supporter (Vavrus 2008: p.306). Il peut être plus profitable de penser à diversifier les approches plus traditionnelles centrées sur le maître qui fonctionnent avec des groupes de petits enfants très nombreux apprenant dans des classes ayant très peu de ressources (O'Sullivan 2004; Barratt 2007; Nakabugo, Opolot-Ukurut et al. 2007; 2008; Vavrus 2008; Wedin 2010). Nakabugo et al. (2007) ont identifié des stratégies viables pour les classes pléthoriques telles que le travail de groupes, les stratégies basées sur les apprenants et l’utilisation d’équipes d’enseignants et les stratégies non viables qui incluent la prolongation des leçons, l’augmentation des devoirs à faire à la maison, la réduction du temps d’enseignement effectif pour donner des travaux écrits et augmenter le temps de classe. O’Sullivan (2006a) suggère aussi qu’une bonne organisation de classe s’appuyant sur des routines de classe efficaces est utile ainsi que les aptitudes d’enseignement génériques telles que le questionnement habile, l’emploi de méthodes variées (afin d’éviter une dépendance et une application non critique d’une séquence établie d’activités) et un enseignement de grand groupe interactif efficace. Utilisées de façon adéquate, la mémorisation et la répétition peuvent être des stratégies efficaces puisque la répétition de lecture orale guidée permet d’accroître la rapidité et la fluidité de lecture tout en supportant l’enrichissement du vocabulaire (Ehri 2002; Cutting and Scarborough 2006).

1.3 L’enseignement des mathématiques

La qualité de la formation des maîtres est particulièrement importante afin de déterminer l’efficacité de l’enseignement des sujets tels que les mathématiques de base dans les petites classes (Darling-Hammond et al., 1999). La recherche internationale sur la préparation des maîtres à enseigner les mathématiques dans les premières années du primaire suggère que les connaissances pédagogiques des enseignants en mathématiques sont importantes et influencent la manière dont les élèves apprennent les maths. (Fennema & Franke 1998). En plus, le niveau d’exposition des élèves-maîtres et leur compréhension du matériel curriculaire (y compris les manuels) façonnent leur niveau d’efficacité à enseigner les mathématiques à l’école (Ma, 1999). Les élèves-maîtres débutent leur formation avec une certaine idée de ce qu’est apprendre et faire des maths, idée basée sur leur propre expérience à l’école. Plusieurs programmes de formation des maîtres assument qu’une bonne base de connaissances du sujet est essentielle celle de l’enseignement des maths au primaire ou au secondaire (Ball, 1990, 2000). Dans les systèmes de formation initiale des maîtres où ces connaissances de contenu sont considérées faibles, il y a une tendance de remédiation à travers des cours sur les contenus mathématiques ou des renforcements des connaissances en mathématiques. Il n’y a rien de mal à renforcer les connaissances mathématiques des maîtres. Toutefois, la recherche sur la formation démontre que la capacité des enseignants à représenter et à formuler des concepts et procédures mathématiques de façon à faciliter la compréhension des maths chez les apprenants est encore plus importante (Darling-Hammond et al. 1999).

La recherche sur l’enseignement suggère que les connaissances des contenus sont importantes jusqu’à un certain point seulement et que l’augmentation du nombre de cours en mathématiques n’est pas en relation linéaire avec la qualité de l’enseignement des mathématiques des maîtres (Darling-Hammond et al., 1999). Comme Ball (2000) le mentionne, « savoir que la soustraction est une idée particulièrement difficile à maitriser pour les élèves n’est pas quelque chose qui peut provenir de la connaissance des ‘grandes idées’ de la discipline » (traduit de la page 245). Selon Hill et Ball (2004) la manière dont les maîtres se procurent leurs connaissances peut être beaucoup plus importante que la quantité de connaissances qu’ils possèdent. Toutefois, maitriser seulement les connaissances de contenu que les élèves devront apprendre a aussi des

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limites en termes de la capacité à enseigner le sujet de façon significative. Ce qui est important c’est comment les maîtres représentent les connaissances des disciplines scolaires, et des mathématiques en particulier, de façon à aider les élèves à très bien comprendre. Ball (2000) croit que pour atteindre ceci, nous devons commencer avec la pratique, comprendre le travail que les enseignants font ainsi qu’analyser le rôle joué par les connaissances de contenu dans ce travail. L’approche de plusieurs programmes de formation des maîtres en Afrique fait le contraire. Comme le démontre la figure 1.1 ils commencent avec de la connaissance propositionnelle théorique et décontextualisée comme base de connaissances sur l’apprentissage de l’enseignement (Lewin & Stuart 2002; Stuart, Akyeampong & Croft 2009). Il est rare qu’une grande part du curriculum de formation des maîtres intègre des connaissances de l’enseignement tirées de la pratique consistant à aider les élèves à apprendre un sujet de façon significative et considère la démarche des enseignants pour atteindre cet objectif.

Figure 1.1: Modèle unidirectionnel de l’apprentissage de l’enseignement

Formation Initiale des Maîtres (Connaissance propositionnelle de l’enseignement)

Pratique (Connaissance de l’enseignement acquise lors de la formation initiale)

Les pratiques de certains enseignants assument souvent que le contenu mathématique dans les écoles primaires n’est pas difficile et qu’une bonne maîtrise des contenus et une connaissance des méthodes d’enseignement des mathématiques à l’école sont suffisantes pour devenir un bon maître de maths. Souvent, cela mène à la perception que tout ce que les maîtres ont besoin de savoir c’est un ensemble de faits et de règles et que faire des mathématiques est simplement suivre des procédures préétablies pour arriver à une réponse (Ma, 1999). Les recherches de Ball (2000), démontrent les limites de cette hypothèse. En effet, même si un maître est capable de faire des maths, il ou elle peut ne pas avoir le type de compréhension mathématique qui peut aider les élèves à apprendre de façon à faire du sens. La recherche de Ma (1999), qui explorait la connaissance de contenu d’enseignants chinois et américains, a aussi révélé que les premiers avaient une plus grande capacité à expliquer les mathématiques à l’élémentaire parce qu’ils avaient étudié le matériel d’enseignement intensément et comprenaient de façon plus approfondie l’apprentissage du contenu de leurs propres élèves.

La façon dont Shulman (1987) conceptualise la connaissance pédagogique de contenu (CPC) souligne l’importance d’une sorte de connaissances spéciale qui s’intéresse à la manière dont les maîtres peuvent utiliser un ensemble de connaissances sur l’enseignement pour aider les élèves à développer leur compréhension des concepts mathématiques. Ball (2000) décrit la CPC comme :

un amalgame spécial de connaissances qui relient les contenus à la pédagogie comme la connaissance de ce qui est typiquement difficile pour les élèves, les représentations qui sont les plus utiles pour enseigner une idée ou une procédure spécifique, et les façons de développer une idée particulière. (Ball, 2000 traduit de la page 245).

La CPC incorpore la capacité d’évaluer la pensée des élèves de façon à planifier des opportunités d’apprentissage appropriées ainsi qu’à modifier, combiner et utiliser du matériel d’instruction pour développer la compréhension des concepts (Darling-Hammond et al., 1999). Ball suggère qu’identifier les activités principales de l’enseignement telles que faire ressortir ce que les élèves savent, choisir et gérer la représentation des idées, décider différentes alternatives pour la suite des actions, et analyser les connaissances des sujets sont des éléments essentiels à la connaissance des contenus pour enseigner les mathématiques. En même temps, les développeurs de curriculum pour la formation des maîtres n’ont pas accordé suffisamment d’attention à la relation entre la connaissance des contenus et la pédagogie de manière flexible et en tenant compte du

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contexte de la pratique. Ball (2000) souligne que le défi auquel fait face la formation des maîtres est « comment créer des opportunités d’apprentissage des matières qui rendraient les enseignants capables non seulement de savoir mais aussi d’apprendre à utiliser ces savoirs dans les contextes variés de la pratique » (traduit de la page 246).

Le développement de la CPC chez les futurs maîtres de maths a connu des manquements dans plusieurs systèmes de formation des maîtres en Afrique (Akyeampong, 2003). On s’aperçoit que le paradigme behavioriste établi persiste aussi bien dans la conception des programmes que dans les classes et que ce que les futurs enseignants devraient savoir est souvent réduit à un ensemble d’idées, de procédures et d’utilisation de matériel d’instruction prescriptif (Lewin & Stuart, 2002). La recherche sur l’enseignement a démontré que les futurs maîtres doivent être en mesure d’utiliser des compétences multiples et être très sensible au fait que la tâche d’enseignement est très dépendante du contexte au lieu de se fier à des comportements et procédures uniformes dans toutes les circonstances. La façon dont les maîtres enseignent et le contenu enseigné doivent refléter les différences dans la manière dont les élèves comprennent le sujet (Darling-Hammond et al., 1999).

La recherche sur l’enseignement et sur la formation des maîtres suggère que les connaissances mathématiques des maîtres et la formation qu’ils reçoivent jouent un rôle important dans la manière dont ils perçoivent et rationnalisent leur compétence en enseignement (Ball, 1990; Hill & Ball, 2004). Si nous devons comprendre pourquoi plusieurs enfants Africains dans les premières années du primaire ne réussissent pas à s’approprier les connaissances de base en mathématiques, alors il est important de rechercher ce qui se passé dans l’apprentissage de l’enseignement de cette matière, et comment cette apprentissage détermine ce que les futurs enseignants savent et font lorsqu’ils commencent à enseigner. Comprendre ceci est un préalable nécessaire à l’amélioration de l’efficacité des maîtres à enseigner les mathématiques de façon à ce que les élèves comprennent la discipline.

1.4 Questions de Recherche

La recherche a abordé les questions suivantes:

1. Comment les programmes de formation initiale préparent-ils les élèves-maîtres à l’enseignement de la lecture et des mathématiques dans les petites classes du primaire? a. Quelles suppositions sur l’apprentissage de l’enseignement de la lecture et des mathématiques peuvent être déduites de la structure et du contenu des programmes de formation des maîtres du primaire et des manuels utilisés dans les écoles primaires? b. Comment les programmes de formation des enseignants et leurs fondements théoriques implicites et explicites sont-ils reliés au programme d’enseignement des écoles primaires en lecture et en mathématiques?

2. Comment les élèves-maîtres développent-ils leur compréhension de l’enseignement de la

lecture et des mathématiques dans les petites classes du primaire? Quel est le lien entre cette compréhension et les cours de formation et/ou l’expérience de stages pratiques?

3. Comment les enseignants récemment qualifiés enseignent-ils la lecture et les

mathématiques au cours de leurs premières années d'enseignement? a. Quel est le lien entre leurs pratiques et ce qui a été enseigné et appris lors de la formation initiale? b. Sur quels appuis comptent-ils pour améliorer leurs pratiques? c. Quelle différence y a-t-il entre ce que la littérature de recherche nous apprend concernant l’initiation à la lecture et aux mathématiques au primaire et ce que les enseignants débutants font réellement en classe?

4. Quelles sont les caractéristiques des programmes de formation continue (PFC) centrés sur

les mathématiques et / ou la lecture, qui ont été mis en œuvre au cours des trois dernières années?

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Pour quels enseignants ces programmes ont-ils été conçus, et comment ces enseignants ont-ils été sélectionnés?

5. Comment les maîtres qui ont suivi un programme de formation continue enseignent-ils la

lecture ou les mathématiques aux élèves du primaire? a. Quels changements dans les pratiques des enseignants peuvent être liés à leur participation aux programmes de formation continue?

6. Quelles compétences et aptitudes pédagogiques devrait-on intégrer dans les programmes

de formation des enseignants du primaire et lesquelles devraient être le point focal des activités de leur formation continue?

7. Quel est la rentabilité des principaux programmes de formation initiale et continue centrés

sur les mathématiques et la lecture? a. Quelle est la relation entre le coût unitaire par élève-maître et le niveau de compréhension

et d’application des pratiques souhaitées chez ces derniers?

8. Comment peut-on disséminer efficacement les connaissances et les aptitudes professionnelles nécessaires à l’enseignement de la lecture et des mathématiques au sein des principaux programmes de formation et auprès des enseignants débutants?

1.5 Conception et Méthode de Recherche

1.5.1 Base de Données et Méthodes

La recherche s’articule sur l’installation des compétences attendues des enseignants pendant leur préparation et la comparaison avec celles qui sont effectivement démontrées à différent moments de leur formation et de leur carrière. Nous conceptualisons la compétence en termes de connaissance, compréhension et pratique. La pratique est centrale à un enseignement de qualité, mais la pratique aveugle ne suffit pas. La recherche sur l’enseignement est en accord avec ce que disent les bons maîtres: une bonne pratique pédagogique ne peut pas découler de l’application irréfléchie de techniques (Darling-Hammond, Wise & Klein 1999: Lewin & Stuart 2002; Schwille & Dembélé 2007). Enseigner est un processus complexe qui requiert une multitude de connaissances. Enseigner requiert une connaissance disciplinaire, c’est-à-dire les savoirs concernant la matière et les sujets à enseigner; enseigner requiert aussi des connaissances pédagogiques, c’est-à-dire savoir comment interagir avec les apprenants et gérer une salle de classe. Toutefois, comme Shulman (1987) l’a démontré le premier, pour que ces deux types de connaissances informent la pratique enseignante, une troisième catégorie de connaissances est nécessaire. Il s’agit des connaissances pédagogiques du contenu qui impliquent une connaissance de la manière de représenter et formuler la matière à enseigner, et de la manière de la faire comprendre aux élèves, dans le cas qui intéresse l’étude, ce sont les notions de base en mathématique et en lecture. Le projet a par conséquent étudié les différents types de connaissances acquises pendant le processus de la formation des enseignants et comment les maîtres les appliquent pour construire leurs pratiques en salle de classe (Schwille et Dembélé 2007). Les points de comparaison sont résumés dans la Figure 1.2. La méthode mixte a été utilisée pour recueillir les données. Un questionnaire a été préparé par l’Université de Sussex pour collecter les données quantitatives sur les élèves-maîtres (enseignants en formation initiale) et sur les enseignants récemment qualifiés (ERQ). Le questionnaire était pareil dans tous les pays, mais chaque équipe de recherche a adapté le questionnaire au contexte national. Le questionnaire a été testé et validé par les chercheurs locaux. D’autres outils de recherches, des guides d’interview et de focus group et des grilles d’observations ont été développés par l’équipe nationale. L’un des objectifs de l’enquête initiale était d’établir le type de compétences reliées à l’enseignement de la lecture et des mathématiques que le programme de formation initiale des maîtres cherchait à développer chez les élèves-maîtres. Cela a été réalisé grâce à une analyse de la documentation incluant l’analyse des buts et objectifs des programmes, des standards attendus ainsi que par des entretiens avec les organisateurs/responsables (rectangle bleu A, dans la Figure 1.2).

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Le second groupe de données (rectangle vert B dans la Figure 1.2) cherchait à construire une image des connaissances, compréhensions et pratiques des élèves-maîtres à la fin de leur formation. Une combinaison de données quantitatives et qualitatives a été utilisée pour la développer. Les données qualitatives proviennent d’entretiens de groupe et d’entretiens individuels approfondis faisant suite à l’observation de séquences d’enseignement dans les EFI. Il peut s’avérer problématique de faire des inférences directement à partir des observations de leçons. Cela n’est possible qu’à travers des observations fréquentes et réparties sur une longue période de temps, une approche allant bien au-delà des moyens de ce projet de recherche. Par conséquent, FICEA a utilisé les observations de leçons de mathématiques et de lecture en tant que données préliminaires pour organiser des discussions de groupe avec un échantillon d’élèves-maîtres dans chaque EFI, après les leçons de mathématiques et de lecture. L’échantillon a été sélectionné au hasard sur la base du volontariat de façon à inclure, autant que possible les garçons et les filles. L’usage de la vidéo a permis de mieux cerner les séquences qui ont été observées et a servi de base de discussion afin de faire ressortir les connaissances du contenu, les connaissances pédagogiques du contenu et la compréhension de la pratique enseignante. Une approche similaire a été suivie lors des entretiens avec les formateurs dont les sessions furent observées. Les données quantitatives proviennent d’une enquête développée à partir d’un instrument ayant été utilisé avec succès dans une étude antérieure (Akyeampong 2003) auprès d’élèves-maîtres en fin de formation (voir annexe). Il a été administré à un échantillon d’élèves-maîtres provenant de quatre EFI situées en zones urbaines et rurales. L’échantillon a inclus tous les élèves-maîtres des quatre EFI concernées. Au total, 835 questionnaires d’élèves-maîtres ont été analysés soit 457 hommes et 378 femmes (45 %). Le questionnaire comprenait un groupe d’items communs à tous les pays mais il a été traduit et adapté de façon à ce que la forme et la terminologie utilisée conviennent à la réalité sénégalaise.

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Le questionnaire demandait des réponses relativement fermées et simples. Il comprenait une série de scénarios auxquels on peut vraisemblablement faire face lorsque l’on enseigne dans l’une des classes des quatre premières années du primaire. Les répondants devaient alors sélectionner les réponses décrivant le mieux la méthode qu’ils utiliseraient pour enseigner un concept ou une aptitude particulière en lecture ou en mathématiques. Ces réponses nous ont permis d’accéder aux connaissances pédagogiques du contenu des élèves-maîtres ainsi qu’aux pratiques pédagogiques en lecture et en mathématiques qu’ils considèrent les plus utiles. L’âge moyen des élèves-maîtres se situe entre 21 et 30 ans (79% des élèves-maîtres). Les élèves-maîtres peuvent être divisés en deux groupes: celui issu du concours d’admission à l’EFI (38% des effectifs) et ceux qui sont cooptés à partir du ministère de l’éducation (sans passer par le concours) (62% des effectifs), appelés « quota sécuritaire ». Le profil académique dans les deux groupes est très varié. La majorité des élèves-maîtres ont le BFEM (53%), d’autres ont le BAC (32%), 13% ont eu une éducation universitaire et très peu ont des diplômes dans des domaines techniques (2%). Tableau 1.1: Répartition des élèves-maîtres dans les 4 EFI REGIONS Effectif Pourcentage

D Connaissances, compréhensions et pratiques attendues des participants aux PFC (Analyse de documentation et entretiens avec les

responsables de l’éducation)

C Connaissances, compréhensions et pratiques des enseignants récemment

qualifiés (ERQ) (Questionnaire; observation de leçons suivies par

des entretiens avec les ERQ)

B Connaissances, compréhensions et pratiques des élèves-maîtres à la fin de leur

formation (Questionnaire; entretiens de groupe avec les

élèves-maîtres, observation de leçons suivies par des entretiens avec les formateurs)

E Connaissances, compréhensions et pratiques des enseignants qui ont suivi des

PFC (Questionnaire; observation de leçons suivies

par des entretiens)

A Connaissances, compréhensions et pratiques attendues des élèves-maîtres par

les programmes des EFI (Analyse de documentation et entretiens avec le

personnel clé)

PFC: Relation entre attentes et pratiques

EFI: Relation entre attentes et pratiques

Figure 1.2: Comparaisons des attentes et pratiques entre élèves-maîtres et ERQ

20

EFI 1 213 25,51

EFI 2 184 22,04

EFI 3 231 27,66

EFI 4 207 24,79

Total 835 100

Tableau 1:2 Types de recrutements Types de recrutements Effectif Pourcentage Pourcentage cumulé

Concours 316 37,84 37,84

Quota 519 62,16 100

Total 835 100

Le niveau académique des élèves-maîtres issus du concours est plus élevé que celui du quota sécuritaire (plus de 65.06% ont un niveau supérieur au BEFEM alors que pour le quota sécuritaire le taux est d’environ 36%). En général, les élèves-maîtres n’ont pas eu d’expérience en matière d’enseignement avant de venir à l’EFI (94.61%), seuls 5.39% ont un une expérience dans les écoles élémentaires privées, les écoles communautaires de base ou le préscolaire. Pour comprendre la mise en application de la formation initiale, les chercheurs ont collecté des données sur les connaissances, les compréhensions et les pratiques des enseignants récemment qualifiés (ERQ) (rectangle jaune C dans la Figure 1). Un échantillon d’écoles où travaillaient des enseignants dans leurs trois premières années de carrière a été sélectionné. Dans chaque région, le questionnaire ciblait 50 enseignants récemment qualifiés choisis au hasard parmi la cohorte des sortants des EFI durant les quatre dernières années. Dans chaque région, 6 écoles ont été sélectionnées au hasard avec les critères suivants: avoir des ERQ qui enseignaient dans une des 2 premières étapes et ayant suivi des programmes nationaux de formation continue. Dans certaines régions les enseignants ont été observés sans préparation, par contre dans d’autres région, l’inspecteur départemental a demandé à tous les enseignants ciblés de préparer une leçon de maths et de lecture et les chercheurs ont choisi au hasard un enseignant. Au total, 184 ERQ ont répondu à un questionnaire semblable à celui des élèves-maîtres soit 41 hommes (22%) et 143 femmes (78%)3. Des leçons de mathématiques et de lecture données par 24 ERQ ont été observées et capturées sur vidéo. Après avoir observé une leçon les chercheurs ont eu un entretien avec le maître en posant des questions concernant des détails particuliers de ses pratiques, la séquence de la leçon, l’utilisation des ressources, la progression pendant la leçon et vers la leçon suivante, ainsi que sur l’utilisation de la langue d’instruction versus la langue maternelle ou locale. Cette forme d’entretien a été choisie afin de fournir une meilleure compréhension de ce que les enseignants savent et peuvent faire plutôt que d’inférer à partir des observations. Les entretiens ont été également enrichies par des données concernant les acquis des élèves provenant des cahiers d’exercices, des registres d’évaluation et, lorsque cela fut possible, de discussions avec les élèves. En outre, des entretiens ont été aussi conduits avec les directeurs des écoles ciblées sur le thème de l’appui et de la gestion des enseignants récemment qualifiés, plus particulièrement en ce qui concerne la lecture et les mathématiques. La conception de cette recherche implique une approche similaire pour les programmes de formation professionnelle et continue (PFC). Une étude préliminaire de ce qui était disponible au Sénégal a été réalisée (rectangle rose D). Les programmes SARENA (lecture) et PREMST (mathématique) ainsi que le programme de formation du Curriculum de l’Éducation de Base ont été étudiés et seront présentés dans les chapitres ultérieurs. Le choix de ces programmes a été basé sur leur étendue, la clientèle ciblée et les sujets visés c'est-à-dire la lecture et les mathématiques. Cette étude préliminaire a fourni un aperçu de ce que les programmes souhaitaient atteindre. Pour bien mener la comparaison, le projet a examiné les données des ERQ ayant récemment pris part à des programmes de formation professionnelle et continue (rectangle orange E dans la Figure 1). En principe tous les enseignants, même les ERQ, sont obligés de participer à la formation continue

3 La disparité entre l’échantillon des ERQ (78% féminin) et des élèves-maîtres (45% féminin) est frappante et certaines enseignantes ont montré une préférence pour les petites classes parce qu’elles se sentaient plus proches des enfants.

21

sous forme des cellules d’animation pédagogiques, organisées dans tous les départements. En réalité, 21 sur 184 ERQ de l’échantillon ont dit qu’ils n’avaient pas reçu de formation continue. Dans les départements où le PREMST est actif, les cellules sont consacrées au programme PREMST. Dans les autres régions, les cellules n’ont pas de programme commun et pour ces raisons, le projet n’a pas pu analyser leurs effets.

1.5.2 Résumé des données recueillies

Au total, le projet FICEA a recueilli des données à la fois qualitatives et quantitatives tel que présenté dans le tableau 1 pour répondre aux différentes questions de recherche. Tableau 1.3 Résume des données

Questions de recherche Sources des données Types de données

1. Comment les programmes de formation initiale préparent-ils les élèves-maîtres à l’enseignement de la lecture et des mathématiques dans les quatre premières années du primaire?

a. Quelles suppositions sur l’apprentissage de l’enseignement de la lecture et des mathématiques peuvent être déduites de la structure et du contenu des programmes de formation des maîtres du primaire et des manuels utilisés dans les écoles primaires ?

Analyse documentaire Guide de la formation initiale du volontaire Curriculum de l’Éducation d Base Programme 79-11165

b. Comment les programmes de formation des enseignants et leur fondement théorique implicite et explicite sont-ils reliés au programme d’enseignement des écoles primaires en lecture et en mathématiques?

Analyse documentaire Guide de la formation initiale du volontaire Curriculum de l’Éducation d Base Programme 79-11165

2. Comment les élèves-maîtres développent-ils leur compréhension de l’enseignement de la lecture et des mathématiques aux élèves du primaire?

Questionnaires et focus group des élèves-maîtres Observations des formateurs ; interviews formateurs Interviews staff EFI, Inspecteurs d’académie et départementaux

837 questionnaires recueillis – 835 questionnaires retenus 2 focus groups par EFI – soit 8 focus groups 4 observations en mathématiques et 4 en lecture – 8 (2 dans chaque centre de formation) 8 Interviews : entretiens approfondis avec formateurs des 4 EFI en maths et lecture entretiens: 4 interviews de directeur EFI et 4 directeurs des études, 2 interviews de conseillers pédagogiques Itinérants, 8 interviews d’inspecteurs départementaux

3. Comment les enseignants récemment qualifiés enseignent-ils la lecture et les mathématiques dans leurs premières années d'enseignement?

a. Quel est le lien entre leurs pratiques et ce qui a été enseigné et appris lors de la formation initiale?

Questionnaires et focus groups des ERQ Observations et interviews des ERQ ; Focus groups des ERQ

Questionnaires: 170 ERQs et 14 enseignants expérimentés 26 entretiens avec directeurs écoles 24 observations suivies d’interviews : dans les écoles dans 4 régions en maths et lecture soit 48 observations

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ERQ (24 leçons de mathématiques et 24 de lecture) 3 focus group avec les maîtres d’application et maîtres expérimentés

b. Sur quel appui comptent-ils pour améliorer leurs pratiques?

Interviews ERQ Focus group maîtres d’application

48 observations ERQ (24 leçons de mathématiques et 24 de lecture) 3 Focus group avec les maîtres d’application et maîtres expérimentés

c. Quelle différence y-a-t-il entre ce que la littérature de recherche nous apprend concernant l’enseignement de l’initiation à la lecture et aux mathématiques au primaire et ce que les enseignants débutants font réellement en classe?

Revue documentaire Observations Focus groups

48 observations ERQ (24 leçons de mathématiques et 24 de lecture) 3 Focus group avec les maîtres d’application et maîtres expérimentés

4. Quelles sont les caractéristiques des programmes de formation continue, (PFC) centrés sur les mathématiques et / ou la lecture, qui ont été mises en œuvre au cours des trois dernières années?

Revue documentaire Interviews

Documentation INEAD, Ministère de l’éducation 3 Interviews de pôles régionaux de formation (3), coordinateurs PREMST, SARENA

5. Comment les maîtres qui ont suivi un programme de formation continue enseignent-ils la lecture et les mathématiques aux élèves du primaire

Questionnaires ERQ Observations de leçons suivies d’interviews

153 questionnaires administrés 24 Observations et entretiens approfondis 26 Entretiens avec les directeurs et autres collègues 4 Entretiens avec les inspecteurs d’académie 8 Entretiens avec les IDEN 3 Entretiens avec les Pôles Régionaux de Formation

6. Quelles compétences et aptitudes pédagogiques devrait-on intégrer dans les programmes de formation des enseignants du primaire et lesquelles devraient être le point focal des activités de leur formation continue?

Questionnaires Observations et interviews

Questionnaires: 170 ERQs et 14 Enseignants expérimentés Observations suivies d’interviews : 24 écoles dans 4 régions, 48 observations ERQ (24 leçons de mathématiques et 24 de lecture) 2 Focus group avec les maîtres expérimentés 3 Focus groups avec les maîtres d’application

7. Quelle est la rentabilité des principaux programmes de formation initiale et continue centrés sur les mathématiques et la lecture?

Interviews Revue documentaire

Interviews 4 Directeurs EFI, Coordination de la Formation initiale et continuée Documents relatifs aux politiques

8. Comment peut-on disséminer efficacement les connaissances et les aptitudes professionnelles nécessaires à l’enseignement de la lecture et des mathématiques au sein des principaux programmes de formation et auprès des enseignants débutants?

Réunions 2 Réunions du groupe national de référence

23

La collecte de données a eu lieu entre les mois de mars et mai 2010. L'équipe de recherche au Sénégal a choisi 4 régions où il y avait déjà des programmes nationaux de formation continue en lecture et mathématiques. Les chercheurs ont choisi deux parmi les trois régions où le programme national de formation continue en mathématiques était mis en application : Thiès et Fatick. En lecture, le projet a choisi 2 parmi les trois régions où la SARENA (programme national sur la stratégie de lecture) était implanté : Dakar et Fatick. Dans chaque région, le questionnaire a été administré à 50 enseignants nouvellement qualifiés choisis de manière aléatoire parmi les 4 dernières cohortes des volontaires de l'éducation. Le questionnaire contenait des informations sur la formation continue aussi bien que sur la formation initiale. Dans chaque région, 6 écoles ont été choisies de manière aléatoire avec les critères suivants : avoir des enseignants récemment qualifiés qui tiennent des classes dans l’une des 4 premières années de l’élémentaire, et avoir été dans un programme national de formation continue. Par exemple, à Tivaouane, l’inspecteur départemental a demandé tous les enseignants récemment qualifiés, enseignant dans l’une des 4 premières années de l’élémentaire, de préparer une leçon en mathématiques ou en lecture pour la présenter à l'équipe du projet de recherche FICEA. Dans toutes les régions, l’équipe a suivi le même schéma de collecte. Tous les questionnaires ont été structurés et les chercheurs ont suivi un guide d'entretien, sauf pour les entretiens qui ont suivi les observations de salle de classe. Les focus groups ont été conduits autour d’un guide d’entretien préconçu (voir annexe). Pour les élèves-maîtres, ils concernaient environ 10 à 15 personnes, pour les maîtres d’application en moyenne 5 personnes. En moyenne, dans chaque région, 21 entretiens et deux focus groups ont été conduits et transcrits. En raison de la courte durée de la collecte des données dans les quatre régions, les chercheurs ont strictement veillé à la collecte de toutes les données avant la fin de l'année scolaire. Ainsi, les notes analytiques ont été écrites à la fin de la collecte de toutes les données, utilisant un cadre analytique qui a été par la suite utilisé pour le logiciel Nvivo.

1.5.3 Analyse des Données

L’analyse a essayé de regrouper tout ce que les chercheurs ont appris sur le terrain afin de mieux répondre aux questions de recherches. En ce qui concerne les données qualitatives, les entretiens approfondis et les entretiens de groupe ont été transcrits et importés dans le logiciel d’analyse qualitative Nvivo 8 ainsi que d’autres sources de données textuelles telles que les notes d’observation et autres écrits recueillis. Les données furent codées et regroupées à l’aide d’un système de catégorisations hiérarchiques au cœur duquel on retrouvait les connaissances, compréhensions et pratiques. D’autres catégories qui ont émergé ont été codées (encadrement pédagogique, motivation des formateurs, niveau des élèves, et recommandations). Ce système a permis d’identifier des similarités et différences dans les types de comportements et de réponses et a facilité la recherche d’information par requêtes. Des mémos analytiques ont été rédigés et intégrées dans Nvivo Les données quantitatives ont été analysées à l’aide du logiciel STATA. Cela a permis au projet de travailler avec une base de données très vaste et de produire des tableaux et graphiques utiles à l’interprétation des réponses aux questionnaires. L’analyse des différentes bases de données représentées par les rectangles de couleur dans la Figure 1 a permis au projet de répondre aux questions de recherche en construisant une description détaillée des connaissances, compréhensions et pratiques des enseignants au cours des différentes étapes de leur préparation et en utilisant ces dernières comme base de comparaison entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui est attendu des maîtres

1.6 Défis et Limites de l’Étude

Les principaux défis rencontrés sont de deux ordres. D’abord, les difficultés reliées au calendrier scolaire, à la séquence des activités de recherche et aux déplacements. En effet, afin de pouvoir visiter les EFI avant leur fermeture, l’équipe sénégalaise a dû se rendre sur le terrain plus tôt que les équipes des autres pays ce qui a réduit le temps de préparation et de raffinement des outils et des méthodes. Qui plus est, l’étendue du pays, l’état des routes et les difficultés reliées au transport ont empêché l’accès aux écoles situées dans les zones les plus éloignées. Ces difficultés ont aussi limité le temps disponible à chaque école pour recueillir les données.

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Aussi l’échantillon des maîtres qui avaient suivi les programmes de formation continue, surtout la formation SARENA, était plus petit que nous aurions désiré. Un autre défi est que malgré le fait que les chercheurs aient expliqué que la recherche n’avait pas un but de contrôle, certains enseignants n’étaient pas à l’aise. Ils ont présenté leurs leçons comme un examen professionnel. Ils ont essayé de montrer leurs connaissances dans le domaine et ne se sont pas toujours focalisés sur les objectifs d’enseignement de la leçon.

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Chapitre 2 : Les programmes de formation de maîtres et les programmes scolaires

Pour augmenter l’offre d’éducation, le Sénégal a décidé en 1995 d’adopter une politique de recrutement de volontaires de l’éducation après une courte formation de quelques semaines. Depuis 2000, la formation se fait dans les 11 écoles de formation d'instituteurs, dont une dans chaque région. Les EFI sont des centres polyvalents de formation pédagogique théorique et pratique. En principe, les EFI forment en un an des élèves-maîtres avec un niveau académique minimum du brevet de fin d'études moyennes (BFEM correspond à 10 années d’études). L’objectif de la formation initiale est de permettre aux sortants de tenir une classe d’éducation préscolaire ou élémentaire. Le concours d’entrée à l’EFI comporte une série d’épreuves écrites dans les domaines suivants:

- le français – portant sur un sujet d’ordre général visant à évaluer la cohérence de la pensée et l’aptitude à l’expression écrite;

- les mathématiques – destinée à évaluer l’aptitude des candidats à calculer et à raisonner ; - la dictée et les questions pour vérifier le degré de maîtrise de l’orthographe et de la grammaire ; - l’étude du milieu – histoire ou géographie ou sciences naturelles – permettant d’évaluer la

compréhension de l’environnement (Décret 95-227 modifiant le décret 93530 portant sur les conditions de recrutement).

A l’examen de sortie, les stagiaires sont évalués sur les épreuves suivantes: épreuve écrite de pédagogie, soutenance du cahier de stage, questions orales de législation, et la critique de cahiers4. Parallèlement au concours, d’autres élèves-maîtres sont recrutés sur la base de leur dossier, sans concours ; c’est un « Quota sécuritaire » qui vient s’ajouter au quota qui a passé le concours (appelé « Quota IDEN »). Les sortants sont tous appelés volontaires de l’éducation (VE). Il faut noter la décision ministérielle de supprimer le quota sécuritaire à partir de l’année scolaire 2010-11. Les structures de formation initiale relèvent de l’autorité de la Direction de l’Enseignement Élémentaire (DEE) et sont coordonnées techniquement par le service de la Coordination Nationale de la Formation Initiale et Continue (CNFIC)5 qui est rattachée à la DEE. La formation à l’EFI est en principe une formation en alternance entre la théorie et la pratique selon les modalités suivantes: démarrage de la formation en octobre, alternance théorie pratique jusqu’en avril (avec deux stages pratiques dans les écoles d’application), mise en position de stage de responsabilité entière au niveau d’une école de l’IDEN d’attache durant le mois de mai, et organisation de l’évaluation sommative, dans chaque EFI, au mois de juin. Il faut noter que selon nos données, les cours démarrent dans la réalité en janvier pour se terminer en juin-juillet. La formation continue complète le dispositif de la formation initiale. En effet, le guide de formation initiale des volontaires de l’éducation (le Guide) préconise que la formation continue joue un rôle important dans l’acquisition des connaissances des enseignants. Le Guide prévoit l’autoformation et la formation continue comme mécanismes pour compléter le dispositif pour générer des connaissances disciplinaires.

4 http://www.volontaires.sn/index.php?option=com_content&task=view&id=22&Itemid=38 5 La CENFIC a disparu en 2010 et est absorbée par la Direction de la Formation et de la Communication

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Les résultats ainsi obtenus feront de nos élèves-maîtres des agents de développement accomplis faisant montre de professionnalisme, de capacités communicationnelles avec tous les partenaires de l’école et d’aptitude à l’autoformation renforcée par la formation continuée. (Guide p.5).

Le programme de l’EFI envisage l’implication de l'inspection départementale de l'enseignement (IDEN) et du Pôle Régional de Formation (PRF), qui sont également chargés de la formation continue, pour mieux intégrer les préoccupations des enseignants dans la formation initiale. Les leçons apprises à ce niveau enrichiront donc les formations initiales.

Il est aussi prévu un échange d’informations sur les stagiaires en cours de formation et ou en activité ; et l’intégration de l’EFI au plan académique de formation. (Guide p. 5).

Le programme de formation continue est mis en œuvre à travers les programmes nationaux : le curriculum de l’éducation de base, qui est en voie de généralisation, le PREMST en maths et en sciences et la SARENA en lecture. Il faut noter que les programmes nationaux du curriculum de base et du projet PREMST ont été les programmes les plus suivis au cours des deux dernières années. Les cellules d’animation pédagogiques (CAP) complètent le dispositif de la formation continue. En effet, les CAP sont de deux ordres : les cellules internes qui existent au niveau de chaque école et les cellules externes qui sont implantées au niveau des zones pédagogiques. Ainsi, les enseignants, en relation avec les directeurs d’école, peuvent identifier les besoins de formation continue, réfléchir sur les modules, les développer et les mettre en œuvre. L’IDEN appuie les CAP en octroyant des moyens financiers et en envoyant les inspecteurs lors des sessions d’animation pédagogique pour superviser (Interview IDEN Région 4). L’Inspection d’académie (IA) coordonne la formation continue au niveau de la région et centralise les moyens et les octroie en fonction des besoins exprimés. Les IA informent les IDEN sur les moyens disponibles et sur les priorités nationales (Interviews IDEN Région 4). Les IDEN préparent et envoient aux IA les plans d’action qui concernent toutes les écoles. Comme tous les enseignants doivent y participer, les cellules constituent un programme national. Cependant, étant donné que le contenu et la méthodologie des séances d’animation pédagogique sont déterminés au niveau local; le CAP ne peut pas être un « programme » en tant que tel. En outre, selon plusieurs de nos informateurs la fréquentation des cellules n’est pas très régulière. Selon le chef de division de la CNFIC, la plupart des séances des CAP ont porté sur la lecture et les maths, ce qui montre l’ampleur des besoins de formation des enseignants dans ces matières. En outre, les conseillers pédagogiques renforcent cette formation à travers l’appui conseil individuel aux enseignants.

2.1. Le Programme de formation initiale et ses relations au curriculum scolaire

Le programme de formation initiale dans les EFI se base sur le Guide de Formation Initiale des Volontaires de l’Education (« le Guide »). Le document a été a élaboré en Janvier 2008 par la Coordination Nationale de la Formation Initiale et Continuée (CNFIC) en collaboration avec la Direction du Projet des Volontaires de l’Education (DPVE), sous la direction de la DEE. Son objectif principal est de mettre à la disposition des EFI un document uniforme de référence pour les formateurs. En outre, il cherche à renforcer la qualité de la formation des élèves-maîtres à travers un programme pédagogique harmonisé. Il a pour fonctions : d’intégrer les nouveaux formateurs ; de favoriser la communication entre les formateurs d’une même équipe à l’échelle nationale ; et de fournir des supports pour élaborer et mettre en œuvre les plans de cours. Le Guide est cohérent dans la présentation des buts, objectifs et résultats. L’acquisition de compétences de base est perçue comme étant le principal objectif et la finalité de la formation. Les objectifs de formation accordent la priorité à des aptitudes transférables en formation professionnelle comme en formation générale. Ces aptitudes doivent nécessairement être corrélées aux compétences pour permettre la résolution conséquente des problèmes d’éducation. En se basant sur une analyse du contenu du guide, on peut déduire que les connaissances des élèves-maîtres se construisent à partir de celles des inspecteurs dans la mesure où le Guide définit les compétences à acquérir, mais ne donne pas le contenu d’apprentissage des élèves-maîtres. Il est supposé que leurs connaissances, compréhensions et pratiques seront construites à partir des connaissances des formateurs, des ressources

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disponibles (cours théoriques, micro enseignement, travaux pratiques, Internet) et de la pratique dans les écoles d’application (observations des maîtres d’application). Le Guide se focalise sur les six compétences de base et le profil de sortie des élèves-maîtres, et laisse le soin aux formateurs de dérouler leurs plans de cours. Tableau 2.2 : Socle minimal de compétences de base

CB1 : Elaborer une planification pédagogique pour une durée déterminée à partir des programmes en vigueur

CB2 : Construire une séquence d’enseignement – apprentissage

CB3 : Mettre en œuvre une séquence d’enseignement – apprentissage

CB4 : Elaborer un projet d’école

CB5 : Gérer une classe bilingue (langues nationales / français)

CB6 : Gérer la classe et l’école conformément aux textes en vigueur

Source : Guide p.7 La description des compétences reste générale, tant au plan théorique que dans le cadre pratique. Trois des compétences sont liées directement à l’enseignement/apprentissage des disciplines, mais il faut noter que le Guide ne mentionne ni le contenu ni la démarche pour l’enseignement de la lecture et des mathématiques. Ainsi, il est supposé que les compétences pratiques pour enseigner la lecture et les mathématiques seront proposées dans les cours de français et de mathématiques par les formateurs de l’EFI. Il est supposé que les formateurs connaissent et maîtrisent le contenu et seront en mesure de produire des plans de cours. En principe, le contenu doit être à l’image du curriculum de l’éducation de base (CEB); cependant le contenu du CEB n’est pas effectivement articulé à celui du Guide tel que mentionné ci-dessous.

Dans ses finalités comme dans sa conception, le référentiel de compétences est articulé au curriculum de l’éducation de base pour mieux répondre aux exigences et aux attentes du système. Dans cette nouvelle optique, les EFI constituent des structures essentielles de formation, de production, d’expérimentation, de recherche et de pérennisation de tous les programmes. (Guide p. 5)

Le programme du décret de 1979, nommé le « 79-1165 » est le document de référence de l’enseignement élémentaire. Il a permis de rédiger tous les programmes qui lui ont donné un contenu plus détaillé, notamment: Le programme des classes pilotes (1987); le programme « progressions harmonisées » qui a été conçu en1990 et le curriculum de l’éducation de base (CEB) consigné dans des « guides pédagogiques » : Le CEB comporte deux étapes: l’étape 1 (classes de CI et CP) et l’étape 2 (CE1 et CE2). Il est entré en vigueur en 2009-2010 dans les classes de CI et CE 1. Le gouvernement a ajouté les classes CP et CE2 en 2010-2011 et la généralisation totale dans le cycle élémentaire complet est prévue en 2012-13. Depuis 2009, tous les maîtres des classes du CI et CE1 devraient avoir reçu la formation, et celles-ci sont appelées « classes curriculaires ». Cela veut dire que tous les élèves-maîtres en formation pendant 2009-10 devront tenir une classe curriculaire dès qu’ils entreront en service. Tous ces programmes sont utilisés de manière implicite pour la formation initiale des futurs maîtres par les formateurs mais ne figurent pas de manière explicite dans le Guide. L’analyse du guide de formation initiale en relation avec les manuels scolaires a montré que Le Guide n’est pas articulé aux manuels scolaires. Il ne mentionne aucun manuel scolaire, aucun niveau, ni aucun programme scolaire, mais fait référence au nouveau curriculum (CEB). Il constitue un guide de référence pour les formateurs qui ont en charge la création de contenu. Le lien entre le programme des EFI et les manuels scolaires est implicite, car le Guide définit le cadre général et suggère aux formateurs d’utiliser le CEB.

« Dans ses finalités comme dans sa conception, le référentiel de compétences est articulé au curriculum de l’école de base pour mieux répondre aux exigences et aux attentes du système » (Guide p. 4).

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De plus, malgré la volonté du Ministère de l’Education de généraliser le CEB en 2013, il n’est pas inclus dans les principaux modules de formation des EFI.

Le programme enseigné semble éloigné du curriculum de base. On a du mal à dérouler le curriculum de base alors que les élèves-maîtres devraient être préparés. Il faut une intégration effective du curriculum dans la formation initiale pour une généralisation du curriculum. Le 79 1165 est une référence didactique (Interview Directeur EFI 2)

Est-ce que le curriculum est enseigné à l’EFI dans sa partie lecture pour prendre en charge cette exigence pour les futurs maîtres de pouvoir enseigner dans cette perspective ? C’est là où le bât blesse. … On se contente de donner des informations sur le curriculum, mais il n’y a pas de temps, pour ce faire. (Interview formateur EFI 2)

Le Guide prévoit 3 types d’évaluation : une évaluation diagnostique, une évaluation formative et une évaluation sommative.

L’évaluation diagnostique : Elle sert à identifier les besoins de formation en rapport avec les compétences à installer. Elle a une fonction d’orientation de la formation. L’évaluation formative : Elle permet d’établir le degré de maîtrise de compétence en précisant les difficultés rencontrées par l’élève-maître à des fins de remédiation. Elle permet la régulation des enseignements / apprentissages. L’évaluation sommative : Chaque formateur appréciera le résultat de l’élève-maître à partir d’un seuil de performance défini grâce à un encadrement rapproché.

2.2 La Lecture dans la formation initiale

La présentation de la lecture dans le programme de l’EFI à travers le Guide, indique le tableau de construction d’une séquence d’enseignement apprentissage. Dans la colonne des « contenus associés » on retrouve l’étude de la didactique des disciplines à côté de celle des pédagogies de l’intégration et des techniques de pédagogie active. Cette didactique des disciplines est encore présente dans la colonne « Disciplines » du tableau déclinant la mise en œuvre d’une séquence d’enseignement apprentissage. C’est ce qui est exposé, mais la démarche n’est pas indiquée. Tableau 2.5 : Enseignement de la lecture des langues nationales Paliers de compétence Objectifs d’apprentissage Contenus associés Disciplines/Activités

d’accueil

Maîtriser la comparaison d’une langue nationale avec le français

OA 1 : Lire et écrire une langue nationale

Alphabets Règles de lecture et d’écriture des mots

Linguistique et Didactique des langues

- OA 2 : Comparer la phonétique d’une langue nationale avec celle du français

Sons, graphèmes règles de combinaison des sons/phonèmes ; Les interférences ; Notions de - Phonétique articulatoire - Phonétique corrective

OA 3 : Comparer la morphologie d’une langue nationale avec celle du français

La phrase et ses constituants ; syntagme nominal, syntagme verbal

Source : Guide p. 12 Tel que présenté, des relations implicites existent entre le programme de formation initiale et le programme de l’enseignement élémentaire. Le Guide ne décline pas de manière explicite le programme de lecture. Le rédacteur est plus préoccupé par la gestion d’une classe bilingue. C’est dans le cadre de la compétence gestion d’une classe bilingue que le Guide décline le contenu propre à cette classe bilingue. Il faut noter que la classe bilingue est une classe où cohabitent l’apprentissage du français (langue officielle d’enseignement) et celui d’une

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langue nationale parmi les 6 retenues. Ce n’est que de manière subsidiaire qu’on décline la compétence qui n’est pas propre à la lecture. Pour la compétence de base, « Gérer une classe bilingue » on retrouve dans la colonne « contenus associés », pour l’objectif d’apprentissage (OA) 1 : l’étude des alphabets, les règles de lecture et d’écriture des mots ; pour l’OA2, l’étude des sons, graphèmes, règles de combinaison des sons/phonèmes, les interférences, les notions de phonétique articulatoire et de phonétique corrective ; pour l’OA3, l’étude des phrases et ses constituants, du syntagme nominal et du syntagme verbal. Du reste, le Guide indique en nota bene :

« NB : En attendant que la formation des formateurs soit effective, la compétence de base se limitera à l’objectif d’apprentissage lire et écrire une langue nationale. » (Guide p.12).

En sommaire, il existe un écart entre le programme de formation de l’EFI et les programmes scolaires. La non-articulation des deux contenus rompt la cohérence dans l’enseignement de cette discipline. En ne prescrivant que des compétences très générales et en laissant ouverts le contenu et l'approche pédagogique de lecture, le Guide semble tenir ces derniers pour acquis. Par conséquent, l'acquisition de la connaissance pédagogique du contenu qui rassemble à la fois le contenu et la pédagogie est considérée sans problème. Le seul lien explicite se retrouve dans la gestion de la classe bilingue où les contenus sont déclinés.

2.3. La lecture dans les programmes scolaires

Le programme 79-1165, en vigueur avant le CEB, n’aborde pas le contenu de la discipline de lecture pour la première étape (CI-CP -1re et 2me année). Pour la deuxième étape (CE1 et CE2, 3 me et 4me année), des indications de contenus ont été évoquées et elles se résument à ceci : Pour le CE1, tout ce qui est lu doit être compris et exprimé de façon intelligible.

Le but essentiel est l’acquisition d’une lecture vivante, naturelle et rapide. Tous les exercices seront précédés d’une lecture silencieuse personnelle contrôlée par des questions qui devront permettre la compréhension du texte et motiver la lecture à voix haute. Les exercices devront porter sur des textes soigneusement choisis ou composés faciles à comprendre, permettant souvent une lecture dialoguée et se rapportant à l’expérience personnelle et au milieu de l’enfant. (Décret 79 1165 portant organisation de l’enseignement élémentaire, p.19-20)

Le programme de lecture pour le CE2 porte sur les éléments suivants :

Quatre textes écrits dans une langue simple et claire autour de sujets susceptibles de stimuler chez l’enfant la réflexion et le besoin de s’exprimer. Un texte hebdomadaire de lecture récréative emprunté à un bon auteur. Lecture silencieuse suivie de questions d’intelligence. Explication de mots dont la connaissance peut favoriser la compréhension du texte. Lecture dialoguée chaque fois qu’il est possible de le faire. Interprétation de l’image qu’illustre le texte. Lecture à haute voix, courante et naturelle. Lecture par le maître de textes récréatifs. Ces lectures donneront lieu à des comptes rendus, à des résumés de textes, à des rédactions portant sur l’étude des personnages et le dénouement de l’histoire. Une bibliothèque de classe sera constituée en vue de faire naître et de développer chez l’enfant le goût de la lecture. (Décret 79-1165 portant organisation de l’enseignement élémentaire, p.31)

Selon ce programme du Décret 79-1165, à la fin de la quatrième année, l’élève doit pouvoir lire un texte simple, le comprendre, et s’exprimer en français. Le CEB décline de manière explicite les contenus de l’enseignement de la lecture, dans les deux étapes, en partant pour chaque étape des compétences de base déclinées en paliers. Chaque palier articule les différentes activités requises pour installer progressivement la compétence de base, à travers des apprentissages ponctuels. Ceux-ci sont eux-mêmes déclinés en objectifs d’apprentissage (OA), objectifs spécifiques (OS) et en

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contenus. Tout ceci permettant de rendre opérationnel l’enseignement de la lecture, selon une planification maîtrisée. Mais le CEB n’est pas seulement une liste de contenus, ni seulement un référentiel de compétences ; il est aussi un curriculum qui spécifie une approche pédagogique fondée sur le principe de l’entrée par les compétences. Le Guide pédagogique du CEB définie sa « pédagogie de l’intégration »

La pédagogie de l’intégration repose sur la mise en place d’un processus d’apprentissage qui ne se contente pas de cumuler des connaissances et savoir-faire, mais qui apprend à mobiliser dans un contexte social, éthique, moral etc. pour résoudre des situations problèmes qui ont du sens pour l’élève. (Guide pédagogique Etape 1 p. 14)

L’apprentissage est donc basé sur la résolution des problèmes dans des situations spécifiques. L’enseignant doit créer une « situation d’entrée » qui pose le problème et mène à une « situation-problème didactique » ou « situation d’apprentissage » où les élèves font des activités pour résoudre le problème, ce qui requiert des connaissances qui sont l’objet de l’apprentissage ponctuel. Le maître enseigne les connaissances ciblées et guide les enfants dans la résolution du problème. A la fin d’une série d’apprentissages ponctuels, l’enseignant crée une « situation d’intégration » où les élèves peuvent intégrer les connaissances en essayant de résoudre un nouveau problème. La situation d’intégration peut aussi servir comme situation d’évaluation : l’enseignant observe et marque l’existence ou l’absence d’indicateurs des acquis ciblés chez chaque élève. En plus, le CEB donne des informations didactiques sur la discipline, indique des démarches pour la leçon de lecture pour chaque étape et propose des outils d’évaluation des apprentissages et de la compétence de base ciblée. Le CEB définit la compétence comme : « la capacité que manifeste un élève, en situation de classe ou ailleurs, de mobiliser et d’intégrer un ensemble, suffisant à un moment donné, de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être pour résoudre une situation problème nouvelle, familière et significative. » (Guide pédagogique, p.13) En guise d’illustration le tableau 2.3 présente les contenus des deux étapes : A titre d’exemple de déclinaison d’une compétence de base en lecture au CI et de planification des apprentissages, le CEB indique comme compétence de base en lecture au CI-CP ce qui suit :

Intégrer les indices significatifs (syntaxiques, typographiques) et les mécanismes de base (encodage/décodage) dans des situations de lecture de textes narratifs, descriptifs, informatifs et injonctifs. (Guide pédagogique Etape1 p.64)

Tableau 2.3 Contenu de la première étape en lecture

Semaine Lecture CI

2-9 Acquisition globale : bonjour, bonsoir, monsieur, madame ; Comment ça va, papa, maman ; Prénoms et noms des élèves ; J’habite/tu habites, classe, cour, école ; voici/voilà, garçon/fille, frère/sœur, élève ; c’est, livre, ardoise, craie, tableau ; au revoir, à demain, se lève, sort ; merci, sur/sous, devant/derrière, la porte, la table

9 INTEGRATION (2 ou 3 jours)

10- 12 Lire des récits : + son a ; + son o ; + son t

13-15 Lire des contes : + son i ; + son l ; +son n

16-17 Lire des BD : + son e ; + sons p et d

17 INTEGRATION (2 ou 3 jours)

18-20 Lire consignes pour agir : + sons m et b, + sons f et u, + son ou

21-23 Lire des textes pour fabriquer + sons é, è, ê, et = é ; ai = ei = ê ; + sons s et r ; + sons au = eau = o ; on = om

24 INTEGRATION (2 ou 3 jours)

Lecture CP

1 Lire un texte narratif pour illustrer v, w, oi

2 Lire à haute voix un texte narratif + sons ch, é, es, er, ez ;

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3-4 Lire des textes narratifs (récit, conte, BD) pour le raconter c, q, qu, k ; f, ph, / e = eu = oeu

5-6 Lire des textes narratifs (récit, conte, BD) pour répondre à des questions ss=c = ç = s ; s=z ; g, gu, j, g ; Lire à haute voix un texte narratif gn, in, ain, ein

7 Lire une consigne pour exécuter une tâche tr, pr, dr, br, fr, cr, gr

8 Lire à haute voix une consigne pour faire exécuter une tâche +ac, oir, eur

9 Lire un texte pour réaliser quelque chose fl, pl, gl, bl, cl

10 Lire à haute voix un texte pour faire réaliser quelque chose er, el, ec, es

11 INTEGRATION

12 Lire une note pour répondre à une sollicitation ette, erre, esse, elle, enne

13 Lire une affiche pour se rendre à un événement ail, aille, euil, euille

14-15 Lire des cartes d’invitation pour se rendre à une cérémonie eil, eille, ouille, il, ill, i, y h, x

16 Lire à haute voix un texte informatif ier, ié, ied, iez

17 INTEGRATION

18 Donner l’information principale ien, oin, ion

19 Donner les différentes étapes de l’histoire ui, ieu, iau

20 Exécuter la tâche demandée sc, st, sp

21 Donner des renseignements à partir d’un texte lu ay, oy, uy

22 Donner des renseignements à partir d’un texte lu

23 Lire un texte pour donner des informations

24 Lire un texte pour faire exécuter une tâche Lire un texte pour raconter une histoire

25 Tenir sa place dans une lecture dialoguée préparée.

26 INTEGRATION/EVALUATION

Source : Guide pédagogique Etape 1, p.34-37 Ensuite, le CEB propose la planification des apprentissages pour le CI et ensuite pour le CP et celle-ci est présentée palier après palier. A titre d’exemple, le palier 2 indique le niveau intermédiaire de la compétence à installer :

Intégrer les indices significatifs (syntaxiques, typographiques) et les mécanismes de base (encodage/décodage) dans des situations de lecture de textes narratifs (Guide pédagogique Etape 1 p.66).

Après la présentation du palier 2, suit la planification des apprentissages ponctuels : Tableau 2.4 : planification des apprentissages Objectif d’apprentissage (OA) Objectifs spécifiques (OS) Contenus

Lire des récits Lire des récits pour comprendre Etablir les correspondances phonèmes /graphèmes (sons, syllabes, mots) Lire à voix haute un récit - copier les lettres étudiées (graphisme/écriture) – copier un récit (ou court passage)

Petits récits Un son par semaine : a, o, t

Lire des contes Lire des contes pour comprendre Etablir les correspondances phonèmes /graphèmes (sons, syllabes, mots) Lire à voix haute un conte - copier les lettres étudiées (graphisme/écriture) – copier un récit (ou court passage)

Petits contes Un son par semaine : i, l, n

Lire des bandes dessinées (BD)

Lire des BD pour comprendre Etablir les correspondances phonèmes /graphèmes (sons, syllabes, mots) Lire à voix haute une BD - copier les lettres étudiées (graphisme/écriture) – copier un récit (ou court passage)

Bandes dessinées Un son par semaine : e, p, d

Pour l’étape 2, la démarche est identique : les contenus sont planifiés selon le même schéma. Dans la démarche du CEB, il est noté que la compréhension apparaît dans tous les objectifs d’apprentissage et que même si le

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contenu est un son, l’élève doit l’acquérir en situation de lecture globale. Il faut remarquer aussi que les élèves doivent apprendre à lire leurs premiers mots par acquisition globale et ils ne sont initiés à la décomposition / composition qu’après la dixième semaine.

2.4. Les mathématiques dans la formation Initiale

En dehors de la spécification du nombre d’heures de cours, le Guide ne donne pas d’indication sur le programme de mathématiques; le programme n’est pas pris en compte de manière spécifique et a pour objectif de développer les six compétences de base nécessaires pour conduire correctement les différents types de classes. En ce qui concerne les aptitudes ou compétences à développer, le programme de l’EFI vise plutôt la maîtrise de la planification des apprentissages, l’élaboration et la mise en œuvre d’une situation d’enseignement apprentissage (SEA). L’élaboration des séquences d’enseignement apprentissage est explicitement mentionnée, mais la démarche ne figure pas dans le Guide. On peut noter du tableau 2.5, qui compare le programme de l’EFI à ceux des écoles, que les différents programmes sont complémentaires. Le nouveau programme du CEB fournit les détails sur le contenu en mathématiques et sur l’approche pédagogique préconisée. Néanmoins, il n’existe pas de relation explicite entre le programme des EFI et les programmes scolaires. De plus, le Guide ne comporte pas de module sur l’utilisation des manuels scolaires. Le rôle des manuels étant de traduire le programme scolaire, comme il n’existe pas de liens explicites entre le programme scolaire et le Guide, il n’existe pas en conséquence de lien entre les manuels scolaires et le Guide. Comme avec la lecture, le Guide ne prescrit pas le contenu ni l'approche pédagogique des mathématiques. Pour cela, il ouvre la porte au hasard en ce qui concerne la connaissance pédagogique du contenu des mathématiques.

Tableau 2.5 : Comparaison entre programme EFI et Programmes scolaires Programme de formation initiale

des futurs maîtres Programmes scolaires (79- 1165)

Curriculum de l’Education de base

Objectif Développer chez les futurs maîtres les six compétences de base nécessaires pour conduire correctement une classe (Objectif générique – voir référentiel de compétence des EFI).

Développer chez les élèves des aptitudes et des capacités leur permettant de résoudre des situations de vie courante.

Développer chez les élèves des compétences (savoir, savoir-faire et savoir être) que les élèves mobilisent pour résoudre des situations problèmes.

Cibles Futurs maîtres Élèves Élèves

Contenus Purement professionnels : les connaissances disciplinaires ne sont pas élaborées.

Connaissances théoriques et pratiques : spécification générale, par exemple : « Étude des nombres de 1 à 100 ; formation concrète, composition et décomposition des nombres »

Connaissances théoriques et pratiques : Spécification détaillée, par exemple : « nombres pairs, nombres impairs, la moitié, le double d’un nombre » ; « divisibilité par 2 par 5 »

Aptitudes ou compétences développées

Aptitudes génériques : Planifier des activités ; Elaborer une SEA ; Mettre en œuvre une SEA. Pour le curriculum il faut ajouter : la construction et l’exploitation de Situation Significative d’Intégration (SSI); l’évaluation de la compétence et la remédiation.

- la mémoire - l’intelligence - l’attention, - la rigueur, - la capacité d’écoute - la rapidité d’exécution - la recherche, - l’esprit de créativité - le raisonnement, etc.

Activités numériques : raisonnement Activités géométriques : observation, construction de figures Activités de mesure : maniement d’instruments Résolution de problèmes : esprit logique

Elaboration séquence apprentissage

Pas de référence dans le Guide

Fiche traditionnelle

Fiche curriculaire : la construction et l’exploitation d’une situation significative d’intégration (SSI)

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2.5 Les mathématiques dans le programme scolaire

Le Curriculum de l’Education de Base (CEB) opérationnalise l’enseignement des mathématiques, selon une planification maîtrisée. L’approche du CEB à l’enseignement des mathématiques est également celle de l’entrée par compétences et la pédagogie de l’intégration que nous avons déjà décrite ci-dessus. Le curriculum englobe non seulement les objectifs et les contenus des programmes d’études, mais également la méthodologie, les stratégies d'évaluation, les manuels et les supports pédagogiques. A la fin de la deuxième étape (4éme année de scolarisation), « l’élève doit intégrer des outils mathématiques simples (numération décimale de 0 à 100.000, fractions simples et décimales, opérations arithmétiques, solides familiers, et figures planes, concrets ou représentés, mesure de grandeurs et raisonnement) dans des situations familières de résolution de problèmes. » (Guide Pédagogique 2me Etape p. 125). Le contenu du programme de mathématiques du CEB consiste en quatre types d’activité : activités géométriques, activités numériques, activités de mesure et résolution de problèmes. Le Tableau 2.6 offre un résumé d’une partie du contenu de la première étape, c’est-à-dire les apprentissages ponctuels numériques et géométriques. Tableau 2.6 Exemple de l’approche pédagogique en mathématiques du CEB

Étapes de la démarche – activités mathématiques

Proposer aux élèves des situations familières qui les obligent à s’approprier de nouveaux outils.

Faire résoudre le problème individuellement, puis en groupe.

Les difficultés éprouvées par les élèves doivent leur permettre de construire les nouveaux savoirs.

Faire communiquer et analyser les solutions trouvées. Il s’agit des comptes rendus et des échanges sur les stratégies de résolution. Faire retenir les solutions correctes.

Faire analyser les solutions retenues en ayant recours à au moins une autre situation similaire pour dégager les invariants dans les situations présentées

Faire tirer la ou les règles (synthèse, institutionnalisation).

Contrôler les acquis.

Faire réinvestir dans d’autres situations.

(Source : Curriculum de l’Éducation de Base Guide Pédagogique 2me Etape p. 151) Tableau 2.7 Résumé du contenu en numération et géométrie du CEB première étape

Numération : Révision des nombres de 1 à 10, de la dizaine, des nombres de 10 à 20, de 20 à 99. La numération de

100 à 199, de 200 à 999 ; le nombre 1.000 ; et la numération de 1.000 à 10.000. Opérations Sens et pratique de l’addition et de la soustraction – sens et pratique de la multiplication : table de

multiplication – sens et pratique de la division (en se limitant au cas où le diviseur à 2 chiffres). Application des opérations a la résolution de problèmes très simples (gains, dépenses, prix d’achat, valeur d’une part…)

Calcul mental Comptage de 2 en 2, de 4 en 4, de 3 en 3, de 5 en 5. Addition des nombres dont le total est inférieur à 20. Addition et soustraction de deux nombres représentant un nombre exact de dizaines (le total ou le plus grand nombre étant inférieur à 100). Addition et soustraction d’un nombre, d’un chiffre à un nombre de deux chiffres. Table de multiplication : contrôle régulier, en vue d’obtenir une connaissance aussi parfaite que possible

Géométrie Études de figures géométriques simples, par l’observation, le dessin, le pliage, le découpage. Emploi de la règle, du double –décimètre, de l’équerre. Ligne droite, ligne brisée, ligne courbe

Notion d’angle : angle droit, angle aigu, angle obtus, verticale, horizontale, oblique. Présentation du triangle, du carré, du rectangle. Etude concrète de leur périmètre – calcul du côté du carré, d’une dimension du rectangle, d’un côté du triangle, quadrillage d’un rectangle, d’un carré. Notion de surface Observations du cube

Pour l’étape 2, la démarche est identique : les contenus sont présentés de la même manière. Les deux Guides Pédagogiques expliquent aussi les notions clés des différentes activités et fournissent des suggestions spécifiques pour les situations d’intégration, d’évaluation et de remédiation. Ils offrent donc aux enseignants, et aux formateurs, le moyen de planifier tout le programme.

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2.6 Présentation des programmes de formation continue

Actuellement, le Sénégal met en œuvre trois principaux programmes de formation continue pour la lecture et les mathématiques : le Curriculum de l’Education de Base qui couvre toutes les disciplines, la SARENA qui concerne les stratégies de lecture et le PREMST qui concerne les mathématiques, la science et la technologie.

2.6.1 La formation en Curriculum de l’Education de Base

Le Sénégal a opté pour l'approche par compétences pour réformer son curriculum de l'éducation de base et sa formation professionnelle et technique. L’approche est soutenue par Le projet « Formation des enseignants de l'éducation de base en approche par les compétences (FEEB/APC) », financé par la coopération Canadienne. Le projet FEEB/APC est une continuation du « Projet d'appui au curriculum de l'éducation de base » (PACEB) qui a permis d'appuyer la phase pilote. L'objectif du FEEB/APC est d'améliorer la qualité de l'éducation des enseignants de l'éducation de base de toutes les régions du Sénégal à travers la formation sur l'approche par les compétences. Le projet vise à former plus de 35 494 enseignants de l'éducation de base formelle et non formelle, ce qui bénéficiera à 1 895 230 élèves. Les activités incluent: la formation des formateurs et la formation des enseignants de l'éducation de base. La FEEB/APC est le principal programme de formation continue pour les enseignants du primaire: "Cette année, les activités ont surtout porté sur le curriculum de base" (Interview IDEN Région 4). La formation est d’une durée de 10 jours pendant lesquelles les enseignants sont initiés à l’approche par compétences : l’importance des situations significative d’intégration ; comment planifier et gérer les apprentissages et comment évaluer une compétence. La formation englobe tous les quatre domaines du CEB : Langue et communication, Mathématiques, Éducation à la science et à la vie sociale et Éducation physique, sportive et artistique. Après la formation, les enseignants devraient savoir utiliser le nouveau curriculum, gérer une classe curriculaire et mettre en place d'un système d'évaluation des compétences des élèves, selon l'approche par les compétences.

2.6.2. Stratégie Active pour la Réussite d’une École Novatrice en Afrique (SARENA)

La SARENA a été développée par le cabinet-conseil privé canado-sénégalais ARTICHAUT/SARENA, concepteur de la collection « L’île aux Baobabs ». La SARENA a été mise en œuvre dans plus de 900 classes de CI, dans les zones à faible rendement scolaire de la banlieue de Dakar et les académies de Diourbel, Kaolack et Fatick. La formation SARENA a pour but d’amener l’enseignant « à s’engager activement dans un renouvellement de leur pratique enseignante et à trouver le juste milieu entre leur façon de faire et une approche axée sur le développement des compétences en français, comme outil de communication et de développement personnel et social. » La stratégie de lecture est accompagnée de matériel pédagogique permettant de la rendre opérationnelle. Il comprend du matériel collectif pour chaque classe composé d’un méli-mélo, d’un calendrier, d’un alphabet phonologique, de cartons sons, de matériel individuel et un manuel « Moussa » pour chaque élève des classes retenues pour le CI. Pour le CP, il y a un manuel « Aminatou », mais la formation à ce niveau n’est pas encore achevée. La stratégie consiste à former des enseignants dans la phase de pré lecture (maîtrise de l’espace et du temps, l’apprentissage de l’alphabet, installation de la conscience phonologique, vocabulaire et construction d’un capital de mots) et la phase de lecture (poursuite d’activités de langage liées à l’activité de lecture (partir d’un texte pour découvrir le sens et comprendre en mobilisant les capacités acquises dans la phase antérieure). La méthode SARENA met l’accent sur le langage en proposant des « activités réelles de communication au quotidien à l’aide de matériels collectifs pour la classe » et « des apprentissages significatifs dans une approche communicative » (Editions l’Artichaut 2008 p.2) Alors que certains enseignants ont été formés directement durant les séminaires organisés par la SARENA, d’autres ont été formés sur le tas par les enseignants qui ont suivi le séminaire ou les directeurs d’école à travers un coaching. SARENA a formé 1 323 maîtres et directeurs en 2008-2009.

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2.6.3 Projet de Renforcement de l‘Enseignement des Mathématiques, des Sciences et de la Technologie (PREMST)

Le Projet de Renforcement de l‘Enseignement des Mathématiques, des Sciences et de la Technologie (PREMST) est un projet financé par le gouvernement du Sénégal et la coopération japonaise (JICA). Il concerne 3 académies : Louga, Thiès et Fatick. Il cible 12 formateurs nationaux, 50 formateurs régionaux, 345 locaux, 10 351 enseignants et 434 000 élèves. Le coût du projet est de 600 millions sur 3 ans. Il est financé à 52% par l’Etat du Sénégal et 48% par la coopération japonaise (JICA). La première année du projet a été consacrée à l'état des lieux et l’élaboration du référentiel de compétences. Les formations ont démarré la 2e année. La stratégie de la formation en cascade est utilisée, c’est-à-dire que l’équipe nationale de 10 personnes forme les équipes des 3 régions composées de 20 personnes chacune et ces équipes régionales forment à leur tour

les équipes départementales au niveau des IDEN. Tous les inspecteurs départementaux des 3 régions pilotes ainsi que 50% des directeurs d’écoles ont été formés dans le cadre du projet. Les formations se déroulent souvent le samedi ou durant les vacances scolaires. Les modules suivants de mathématiques ont été conçus et appliqués : Math 1 (constructions géométriques, démarches pédagogiques centrées sur l’apprenant, confection et utilisation du matériel didactique), Math 2 (nombres complexes) et Maths 3 (fractions).

La formation PREMST se base sur une approche à l’enseignement des mathématiques et des sciences que la JICA a piloté avec succès ailleurs. Les deux principaux piliers sont résumés par deux acronymes « le mouvement ASEI » et « l’approche PDSI » ASEI ou Activity (Activité), Student (Apprenant), Experiment (Expérience), Improvisation (Improvisation/ contextualisation) décrit les pratiques d’apprentissage de l’apprenant. C’est une pédagogie d’activité centrée sur l’apprenant où la manipulation de matériels de récupération disponibles est suivie par la réflexion, les discussions et les remarques. Ceci a pour but de susciter l’intérêt et la curiosité de l’apprenant et surtout de lier les activités à l’apprentissage des concepts et compétences. La consigne des apprenants est d’improviser des solutions aux problèmes. L’ASEI se gère de façon à permettre à l’enseignant d’être en contact avec les processus d’apprentissage et de réflexion des apprenants et de corriger tous les concepts mal compris. PDSI ou Plan (Planifier), Do (Mettre en œuvre), See (évaluer), Improve (améliorer) décrit les pratiques de l’enseignement. Le PREMST enseigne aux maîtres des moyens de planifier des leçons où l’action est partagée entre les apprenants et l’enseignant qui ne dispense pas les connaissances mais facilite leur acquisition. L’observation des activités des élèves par le maître encourage la rétrospection dans la leçon et une évaluation diagnostique qui permet d’améliorer la leçon présentée.

« L’Amélioration doit être faite en incorporant les informations obtenues lors de la rétrospection pendant et après la leçon. C’est une activité permanente qui assure que les compétences de l’enseignant s’améliorent et que la confiance augmente à mesure que les programmes sont enrichis. » (PREMST 2008 p. 4)

Le PREMST souligne l’importance de la « réflexion permanente sur les moyens, les stratégies et les techniques d’enseignement qui améliorent la pratique pédagogique » (PREMST 2008 p. 6). Il permet aux enseignants d’offrir les meilleures opportunités d’apprentissage aux apprenants. Selon le coordonnateur du programme, il est noté une présence de 83% des enseignants dans les cellules d’animation pédagogique et 97% des directeurs d’écoles. Il y a eu des améliorations significatives des apprentissages. Beaucoup de points positifs ont été notés dans les IDEN et les IA. Durant les 2 ans du projet, (2008-2010) 13.000 enseignants ont été formés. Le PDEF prévoit une ligne de crédit dans le cadre de la formation continuée pour généraliser le modèle.

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CHAPITRE 3 : Apprendre à enseigner la lecture

3.1 La formation Initiale

3.1.1 Les formateurs

Les formateurs en lecture des EFI sont tous des Inspecteurs de l’enseignement élémentaire. Certains ont une autre qualité de professeur de français, d’anglais ou d’instituteur. Il n’existe qu’une seule femme parmi ces formateurs. Les caractéristiques communes des quatre formateurs sont leur longue expérience dans l’enseignement et leur qualité d’inspecteur. Tableau 3.1 : Profil des formateurs en français

Qualification des formateurs en lecture Expérience Genre

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, Professeur d’Anglais, pas de formation spécifique en lecture

9 ans

Homme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, pas de formation spécifique en lecture

10 ans Femme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, pas de formation spécifique en lecture

7 ans Homme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, Professeur de Français, pas de formation spécifique en lecture

6 ans Homme

En tant qu’inspecteurs, ils ont reçu une formation en pédagogie et didactique générale, mais pas de formation spécifique en didactique de la lecture. Du reste, la dénomination de leur matière n’est pas la lecture mais le français. Donc la discipline enseignée est assez large et prend en charge des activités autres que la lecture. Cependant, certains d’entre eux, pour avoir été enseignants de l’élémentaire et pour avoir accompli des tâches de contrôle et d’évaluation des enseignants de l’élémentaire en tant qu’inspecteurs, ont accumulé une somme d’expérience telle qu’ils arrivent effectivement à assurer la formation des élèves-maîtres. Les formateurs ont différentes conceptions de la lecture. Selon le formateur de l’EFI 3, lire c’est « Comprendre, déchiffrer et oraliser ». Le formateur de l’EFI 3 connaît l’acte de lire, les composantes de la lecture ainsi que les démarches. Le formateur de l’EFI 4 sait que le langage est la première étape pour la construction des connaissances en lecture. Le langage permet de créer un réservoir ‘lexical’ à partir duquel sont tirés les mots dont on a besoin pour la lecture. Il connaît l’importance du déchiffrage et de ‘l’oralisation’ en partant d’un texte. Il sait que l’enfant peut utiliser les éléments oraux acquis, et pour passer de l’oral à l’écrit, on peut transcrire ces éléments oraux, puis les afficher dans l’environnement de la classe.

L’enfant vit en permanence avec ces mots-là et finit par s’habituer à ces mots là qu’il pourra utiliser pour la lecture. (Formateur EFI 4)

Pour le formateur EFI 1, l’acte de lire est de comprendre et déchiffrer un message. Il pense que les enfants dans les petites classes ont besoin de déchiffrer une situation concrète de communication avant de la traduire oralement. Il connait les étapes, sait que le langage doit précéder la lecture et que l’écriture est la représentation abstraite :

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Les enfants ont besoin de comprendre que lire c’est déchiffrer un message. Ce message peut être délivré par l’auteur de plusieurs manières : oralement, par dessin, par écrit. Avant d’arriver à ce déchiffrage écrit, l’élève doit pouvoir déchiffrer d’abord une situation concrète de communication et pouvoir traduire cela oralement. Et plus tard, déchiffrer les signes parce qu’il part du concret, il peut aussi déchiffrer des représentations pour aller maintenant au signe qui est abstrait maintenant parce que le signe est abstrait pour lui d’où le besoin d’une longue préparation. D’où la recommandation officielle de passer du langage à la lecture et à l’écriture parce que l’écriture est abstraite. (Formateur EFI 1)

Les sources des connaissances des formateurs en lecture sont variées, elles viennent surtout de la pratique et de courtes formations. Pour le formateur de l’EFI 3, la pratique de classe et de supervision, sa formation à l’école normale, et son expérience dans le pôle régional de formation sont importantes mais son expérience est la principale source de ses connaissances. Aucun des formateurs n’a reçu une formation spécifique en lecture, il répond :

Avez-vous reçu une formation spécifique en lecture ? Pas du tout. J’ai été à l’école normale, là nous avons beaucoup travaillé sur les disciplines au pôle régional de formation également et surtout en lecture parce que les enseignants rencontrent souvent des problèmes par rapport à la lecture, donc j’ai beaucoup travaillé là-dessus (Formateur EFI 3).

Les connaissances du formateur de l’EFI 4 viennent de la formation générale et de ses lectures. Il a une bonne connaissance de la méthode globale, la méthode syllabique et la méthode mixte articulée à la combinatoire.

[Mes connaissances viennent de] la formation globale à l’inspectorat, mais [je n’ai] pas reçu une formation spécifique, sinon les documents que nous rencontrons çà et là et des échanges entre collègues. (Formateur EFI 4).

Les connaissances du formateur de l’EFI 1 viennent de sa formation générale d’instituteur de quatre ans, de la formation continue en lecture, de son expérience pratique et de son implication dans l’élaboration de manuels :

[Mes connaissances viennent,] de la formation globale de l’instituteur que je suis, ensuite l’expérience bien sûr parce qu’en tant qu’inspecteur et même conseiller pédagogique j’ai eu à beaucoup travailler sur la lecture. D’ailleurs j’ai eu la chance aussi de travailler à l’élaboration de manuels pendant le PDRH6 et c’était pendant la 1ère étape, j’ai reçu aussi une formation à l’INEADE dans d’autres matières mais aussi en lecture. (Formateur EFI 1)

Les connaissances en lecture du formateur de l’EFI 2 viennent de ses cours universitaires et d’une formation continue:

C’est lors de ma formation comme inspecteur et mon passage à la fac … à part les formations initiées par le PDRH, séminaire de 3 jours (Formateur EFI 2)

Des observations et des entretiens avec les formateurs, on peut conclure que la méthode mixte à l’approche globale reste la méthode la plus utilisée, mais ils mettent l’accent sur différents aspects de l’enseignement de la lecture.

Nous les formons dans le sens de la méthode mixte à point de départ global. Elle vaut ce qu’elle vaut. Elle est faite de ce que nous avons retenu de la méthode syllabique et de la méthode globale. C’est le point de départ de la méthode syllabique qui nous pose problème. … nous pensons qu’il faut la méthode globale qui nous règle la question. Avant d’arriver au son, passer d’abord par le texte, la phrase. (Formateur EFI 4).

Nous avons observé chez les formateurs des EFI 3 et 4 une bonne compréhension théorique du rapport entre le langage et la lecture et du passage de l’un à l’autre et de ce que l’un aide à entrer dans l’autre et à la conquérir. C’est cette compréhension qui leur fait concevoir la nécessité de créer des outils pour fixer par écrit les

6 PDRH: Projet de Développement des Ressources Humaines, financé par la Banque Mondiale

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acquisitions en langage. Le transfert de cette compréhension au niveau des élèves-maîtres est fondamental pour permettre une bonne articulation des activités de pré-lecture avec celles de la lecture à proprement parler. C’est dire que dans ce domaine précis, la connaissance pédagogique du contenu (voir 1.2.1) est bien installée. Le formateur de l’EFI 4 a une compréhension des outils à utiliser pour assurer le passage de l’oral à l’écrit. L’enfant peut utiliser les éléments oraux acquis. Il a une compréhension des étapes à suivre pour installer la compétence en lecture :

Aussitôt que l’acquisition est faite, on transcrit et on fait figurer ces éléments du langage en l’affichant dans l’environnement de la classe. L’enfant vit en permanence avec ces mots-là et finit par s’habituer à ces mots là qu’il pourra utiliser pour la lecture (Formateur EFI 4).

Pour bien saisir le rapport entre le langage et l’écriture, le formateur de l’EFI 3 préconise la technique de l’affichage ; ainsi, tout ce qui est acquis en langage est affiché sur le tableau et les murs ; il fait l’objet de reprise à chaque fois pour permettre aux élèves de bien les maîtriser. Selon le formateur, la création d’une banque de mots permet de reconstituer l’environnement écrit qui est absent au niveau de l’élève. Le formateur de l’EFI 4 parle aussi de l’utilité des mots, de la nécessité de créer une banque de mots après avoir montré très clairement que les enfants viennent à l’école avec un certain bagage linguistique à exploiter. Cela signifie que la connaissance et la compréhension dans ce domaine sont avérées. Le formateur de l’EFI 4 propose comme première étape le langage avant la lecture, en se basant sur le fait que les activités en langage permettent de construire les capacités en lecture. Il pense qu’il est possible que l’enfant lise sans connaître la combinatoire. Les formateurs des EFI 1 et 2 ne parlent pas de l’apprentissage du vocabulaire dans l’acquisition des connaissances nécessaires pour la compétence en lecture. Cette omission pourrait signifier une incompréhension de la question ou alors une méconnaissance du domaine précis, de la nécessité de celui-ci dans l’installation de la compétence en lecture pour les élèves et donc de la nécessité pour les élèves-maîtres d’acquérir cette connaissance, d’en comprendre la nécessité pour avoir la connaissance pédagogique du contenu à enseigner. Le domaine de la combinatoire, c’est-à-dire- l’apprentissage de la formation des syllabes dans l’apprentissage de la lecture, est bien connu et bien maîtrisé par les formateurs. Le formateur de l’EFI 4 a la connaissance pédagogique du contenu pour l’apprentissage des sons pour l’installation de la compétence phonémique, mais il dit qu’il ne la met pas en pratique « Du point de vue des compétences, il n’y a pas un travail dans ce domaine » Selon un formateur, les élèves-maîtres ont des difficultés à comprendre la différence entre lettre et son :

Au départ y a des confusions. On essaie de les régler en leur faisant comprendre que toute langue compte des sons qui permettent l’expression de la langue. Je donne souvent l’exemple du son « ch » qui peut avoir une forme de représentation graphique. On attire leur attention sur le fait que la lecture ne porte pas sur l’apprentissage des lettres. Que c’est à partir des sons qu’on va vers les lettres. Chaque son peut avoir une correspondance terme à terme avec la représentation graphique ou non qui n’est pas de terme à terme. (Formateur EFI 4)

Cela témoigne d’une connaissance effective de la différence entre la lettre et le son mais est-ce que cette compréhension est une préoccupation centrale dans la formation de l’apprentissage à la lecture, assurant une compréhension du contenu pédagogique ? Les données n’ont pas permis de le démontrer Les formateurs sont conscients de la nécessité de différencier les enseignements parce que les sortants des EFI sont appelés à enseigner dans les différents niveaux de l’élémentaire (cours d’initiation, cours élémentaires, et cours moyens). Cependant, par manque de temps, ils préparent les maîtres de manière générale.

C’est un tout, l’enseignant est formé pour enseigner dans toutes les classes. On les forme de manière globale (Formateur EFI 2)

Il est frappant de noter que les formateurs n’ont pas mentionné le fait d’avoir questionné les élèves-maîtres sur leurs stages pratiques dans les écoles d’application. Il n’y a pas d’évidence que les formateurs utilisent les expériences des élèves-maîtres et les leçons apprises lors des pratiques dans leurs cours.

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Tous les formateurs ont noté le décalage qui existe entre la formation et les supports pédagogiques devant servir aux élèves-maîtres qui seront demain les maîtres.

Il y a un décalage en lecture parce que les manuels actuels ne prennent pas en compte les variations en lecture (poèmes, notices, etc.) Donc il faut une refonte de ces manuels. (Formateur EFI 2)

En général, l’expérience des formateurs, qui sont tous des inspecteurs avec une longue expérience de l’enseignement élémentaire, constitue une force de la formation initiale des enseignants. Cependant cette force est amoindrie par la non-spécialisation des formateurs dans la didactique de la discipline enseignée et l’insuffisance des formateurs. En effet, les EFI recourent aux IDEN, aux interventions extérieures, et aux retraités utilisés à temps partiel pour pallier au manque de formateurs. En outre le matériel pédagogique fait aussi défaut en maths et en lecture. Dans certaine EFI, un manque d’assiduité des formateurs est noté :

En termes d’assiduité des enseignants, les permanents sont assidus. Ils sont affectés à l’EFI. Les vacataires viennent des IDEN des IA et du Pôle Régional de Formation. Nous avons 11 disciplines et 5 permanents. Quand ils ont d’autres activités, ils ne viennent pas assurer les cours. Un autre formateur les prend pour leur assurer un cours dans son domaine. (Directeur EFI région 2)

3.1.2 Connaissances, compréhension, pratiques des élèves-maîtres

Après leur formation initiale, les élèves-maîtres abordent l’enseignement de la lecture avec confiance. Une très large majorité (96%) des élèves-maîtres qui ont répondu au questionnaire se disent confiants ou très confiants à enseigner la lecture et la même proportion décrit son aptitude à enseigner la lecture comme très élevée ou élevée. Ce résultat est très frappant car dans les focus groups les élèves-maîtres ont reconnu que la courte durée de la formation initiale limite beaucoup leur apprentissage pédagogique et suggèrent que la formation devrait être prolongée. Cependant, cette confiance ne semble pas être due aux connaissances qu’ils ont acquises, mais plutôt á la surestimation de leurs prédispositions et qualités personnelles : Par exemple, à l’EFI 4, certains élèves-maîtres se disent prêt à enseigner la lecture pour les raisons suivantes :

j’ai confiance en moi et j’aime enseigner.

j’ai la passion et l’audace.

j’aime relever les défis et je pose des questions.

c’est une fierté de pouvoir enseigner un savoir à des enfants.

j’essaie d’avoir des connaissances autres que celles que je reçois à l’EFI (Focus group élèves-maîtres EFI 4)

La confiance des élèves-maîtres vient aussi de leurs expériences pendant les stages pratiques dans les écoles d’application. Ces stages sont une occasion pour connaître les conditions de travail dans les écoles élémentaires et de pratiquer en tant que maître :

Le stage nous a permis de nous relaxer devant les élèves, beaucoup d’entre nous se sont vite adaptés (Focus group élèves-maîtres EFI 1)

En général, les élèves-maîtres considèrent que la formation répond à leurs besoins« C’est très accéléré, mais bien organisé » (Focus group EFI 1) et ils pensent que la pratique enseignante et les recherches personnelles leur permettront de compléter leurs connaissances.

Les formateurs ne peuvent pas tout nous donner mais ils font de leur mieux. Ils nous donnent l’essentiel, le reste c’est à nous de faire des recherches. (Focus group élèves-maîtres EFI 1).

Quand ils expriment des inquiétudes dues au manque de connaissances, il ne s’agit pas autant de la connaissance pédagogique mais plutôt de la connaissance du contenu.

Je suis prête à enseigner à la première et à la deuxième étape car pour la pratique que j’ai faite en CM2 je me suis rendue compte que j’ai oublié certaines notions et que je devrais me ressourcer avant de prendre ces classes (Focus group élèves-maîtres EFI 3).

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Il est difficile d’enseigner aux enfants des notions que l’on ne comprend pas nous-mêmes. Il faut insister encore plus sur la formation pour mieux outiller les élèves-maîtres (Focus group élèves-maîtres EFI 3).

Fondamentalement, les élèves-maîtres pensent qu’ils ne sont pas prêts à enseigner la lecture en langues nationales parce que leur propre éducation a été faite en français : 95% disent qu’ils sont plus confiants à enseigner en français parce que c’est la langue officielle et qu’ils la maîtrisent mieux. Les langues nationales font partie du programme de l’EFI mais les cours commencent tardivement de telle sorte que les enseignants sortant des EFI ne maîtrisent pas l’enseignement de ces langues. Le choix de la langue nationale pose problème du fait de la courte durée du module sur l’alphabétisation.

On en parle mais on ne l’a pas encore fait… On en discute mais on ne l’a pas encore programmé (Focus group, élèves-maîtres EFI 1).

Néanmoins, certains élèves-maîtres pensent utiliser les langues nationales afin de permettre à leurs élèves de mieux comprendre la discipline enseignée.

On doit enseigner aux enseignants à être bilingue, c’est plus sûr. Tu peux arriver à un niveau où l’explication en français ne suffit pas et pour que les élèves comprennent il faut leur parler leur langue maternelle (Focus group élèves-maîtres EFI1).

Pendant les stages, les élèves-maîtres peuvent acquérir de l’expérience de différentes classes. Mais la courte durée de cette expérience ajoutée à celle de la formation, font que les compétences pratiques qu’ils acquièrent sont plutôt générales que spécifiques. Aussi la gestion des stages n’est pas toujours satisfaisante. Ainsi certains élèves-maîtres n’ont jamais eu l’opportunité d’observer des leçons de lecture durant leurs différents stages pratiques. « Pour moi, là où je suis passé, je n’ai pas eu la chance d’assister à une leçon de lecture » (Focus group élèves-maîtres EFI 2). Dans ce cas, ils n’ont qu’une connaissance théorique de l’enseignement de la lecture. En général, les élèves-maîtres trouvent la pratique insuffisante à cause du nombre élevé de stagiaires par rapport aux classes d’application disponibles (demande supérieure à l’offre). La préparation à l’EFI et la pratique à l’école sont en déphasage : les élèves-maîtres veulent mettre en pratique ce qu’ils viennent d’apprendre à l’EFI mais souvent quand le maître d’application leur demande de préparer une leçon, ils ne réussissent pas à mettre correctement en pratique ce qu’ils ont appris en théorie Les élèves-maîtres font aussi remarquer que dans les écoles d’application, ils sont sous l’autorité des directeurs qui sont plus préoccupés par de la gestion de l’école que leur formation (Focus group, élèves-maîtres EFI 3). Puisque les écoles d’application n’ont pas de liens avec l’EFI pour le suivi pédagogique, il est difficile de concilier les pratiques auxquelles ils sont exposés avec les cours théoriques de l’EFI. En effet beaucoup d’élèves-maîtres sont déçus par les leçons qu’ils observent dans les écoles d’application et trouvent la qualité de certaines prestations assez pauvres en général : « [le niveau] est bas, même dans l’expression. Des fois y a des déficiences » (Focus group élèves-maîtres EFI 2). Selon un des formateurs interrogé, une bonne assise théorique permettrait aux élèves-maîtres de comprendre ce que les maîtres font et de justifier leur pratique de classe parce que toute pratique a pour soubassement la théorie. En réalité, la théorie n’est pas bien comprise de fait du manque de temps. La différence de méthodes utilisées dans les stages pratiques et dans les cours théoriques de l’EFI crée une confusion dans l’esprit de l’élève-maître.

Les fiches qu’on nous donne sur le terrain sont diamétralement opposées à celles enseignées ici. On ne sait plus sur quel pied danser... (Focus group, élèves-maîtres EFI 2)

En général, les élèves-maîtres pensent que la pratique domine la théorie et en cas de confusion ils préfèrent adopter les solutions pratiques :

Ce que tu apprends en théorie doit être pratiqué sur le terrain, mais parfois, la théorie peut être très différente de la pratique. Personnellement je me fie plutôt à la pratique parce que le terrain a ses réalités (Focus group élèves-maîtres EFI 3).

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Quand on demande aux élèves-maîtres de se prononcer sur la méthode d’enseignement de la lecture préconisée, certains parlent de la méthode mixte à l’approche globale (ou à point de départ global) et d’autres parlent de l’approche globale.

La méthode mixte à point de départ global qui respecte les 3 moments de la pensée intellectuelle : partir du global, passer par l’analyse et ensuite arriver à la synthèse. Dans cette méthode, pour faire étudier un son, la leçon se déroule en 8 séances : on part d’une phrase, ensuite le mot clé, le son clé, on vient à la combinatoire et à la formation syllabique en passant par toutes ces étapes (Focus group élèves-maîtres EFI 2)

On nous enseigne la méthode globale, mais actuellement nous en sommes à la phase théorique (Focus group élèves-maîtres EFI 1)

Les données remettent en question l’interprétation de l’approche et la compréhension des élèves-maîtres de la lecture et de son enseignement. Pour presque tous, la méthode est quelque chose de nouveau, et elle n’est pas familière à leur propre éducation élémentaire, leur « apprentissage par observation » (Lortie 1975) .On parle de « la méthode nouvelle [qui] part d’un texte pour respecter le syncrétisme de l’enfant. ». L’idée du syncrétisme est mentionnée plusieurs fois comme justification théorique de la méthode globale.

Pour enseigner la lecture aux petits enfants, on doit partir du global vers le détail à cause du syncrétisme de l’enfant. (Focus group élèves-maîtres EFI 4)

C’est une justification abstraite liée à la nature de l’enfant, mais aucun élève-maître ne semble savoir lier une approche globale à la conception de ce que c’est que lire. Aucun élève-maître n’a parlé de l’importance de la compréhension globale du mot, de la phrase ou du texte. La plupart des élèves-maîtres insistent sur l’importance de toujours partir du concret vers l’abstrait ou du global vers le particulier.

Notre formation est une formation active, on est là que depuis un mois et demi, mais les gens nous ont conseillé de partir des cas pratiques, on part du concret pour aller vers l’abstrait (Focus group élèves-maîtres EFI 1)

Ils comprennent aussi, grâce à leurs cours de l’EFI, que le langage est à la base de l’apprentissage de la lecture:

Les formateurs nous ont dit qu’il faut partir du langage, c’est avec le langage qu’on apprend la lecture. (Focus group élèves-maîtres EFI1)

Les résultats de l’enquête confirment que cette idée est largement répandue parmi les élèves-maîtres. Par exemple, dans un des scénarios où il s’agissait de mettre des activités dans un ordre qui développe le mieux les aptitudes de lecture des enfants dans une leçon ou une série de leçons qui visent à augmenter le vocabulaire en lecture, la première activité choisie par le plus grand nombre d’élèves-maîtres était celle qui offrait plus de possibilités orales que les autres choix qui passent plus directement par l’écrit (tableau 3.2, option c). Tableau 3.2 : Priorisation des activités pour développer des compétences en lecture

Activité 1er 2me 3me 4me

(a) Dessiner une personne, mettre des étiquettes sur les parties du corps et demander aux enfants d’écrire leurs propres phrases

23 29 20 28

(b) Donner des cartes portant des mots tels ‘cou’ ou ‘nez’ aux enfants en groupes de 6 et leur demander de dessiner des parties du corps et d'en former des phrases

10 24 40 25

(c) Montrer du doigt les parties du corps d'un enfant dans la salle de classe et écrire les mots sur le tableau dans une phrase comme "J'ai deux mains"

49 26 18 7

(d) Écrire une liste de mots sur le tableau à côté de dessins et demander aux enfants de lire les mots à haute voix ensemble puis individuellement

17 21 22 40

Les élèves-maîtres priorisent les activités concrètes. Ce résultat est confirmé par un autre item du questionnaire qui demandait aux élèves-maîtres de décider du meilleur moment pour introduire des activités dans l’enseignement de la lecture. Les réponses ont été ordonnées afin de mettre en tête du tableau celles que le plus

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grand nombre d’élèves-maîtres avaient choisies. Encore une fois, il faut noter que la plupart préfère les activités plus concrètes avec des opportunités pour le langage oral. Tableau 3.3 : Identification de moments d’introduction de la lecture Dès le

début Un peu

plus tard Beaucoup plus tard

Jamais, l’activité est inutile

(f) vous enseignez les salutations et les routines de la salle de classe

77 10 7 6

(a) les élèves regardent des images d’objets familiers et en parlent

66 23 7 4

(b) vous attachez une étiquette aux objets dans la salle de classe 48 30 11 12

(e) les élèves récitent les lettres de l'alphabet 47 28 15 10

(d) les élèves récitent les sons des lettres 28 40 20 12

(i) vous lisez aux enfants des contes avec des images 23 35 35 6

(g) vous enseignez des rimes et chants simples 20 34 34 12

(h) vous racontez des récits sur les situations familières que vous illustrez avec des actions

20 35 32 13

(c) les élèves lisent au tableau des mots entiers et les récitent 11 39 35 14

L’interprétation de ces deux tableaux (3.2 et 3.3) confirme que beaucoup d’élèves-maîtres ont bien compris qu’il faut commencer par le concret et qu’ils peuvent appliquer ce principe. Mais il y a un autre résultat intéressant quand il s’agit de passer au-delà du mot, à des passages plus longs. Environ un tiers des élèves-maîtres veut laisser de telles activités pour beaucoup plus tard (voir activités (i), (g) et (h)). Ce résultat est significatif parce qu’il renforce la conclusion sur la compréhension de la lecture qui est ressortie des focus groups – beaucoup d’élèves-maîtres considèrent qu’il faut maitriser la lecture au niveau des sons et des mots avant d’être exposé à des textes plus longs. Il faut donc noter une confusion dans la compréhension du concept de la méthode globale, méthode mixte, et syllabique. Dans l’entendement des élèves-maîtres cités ci-dessous, la compréhension du texte ou de la phrase n’est pas incluse dans leur démarche:

On part d’un texte pour poser les mots connus et à partir des mots connus on étudie le son. La méthode globale permet d’acquérir des mots et de pouvoir lire. (Focus group élèves-maîtres EFI 2)

En général, les élèves-maîtres ne comprennent pas la signification de l’approche globale qui est d’établir le sens du texte avant de passer aux unités plus détaillés que sont les mots, les lettres et les sons. Pour eux l’aspect global ne semble être qu’un prélude au vrai objectif d’une leçon de lecture – l’identification et l’étude d’un son. D’autres ont compris que l’objectif final est de faire acquérir les sons par la répétition.

Les formateurs nous apprennent comment enseigner la lecture, on apprend par le dialogue, on écrit le texte au tableau pour identifier les mots difficiles, les sons surtout, pour les faire répéter aux enfants. (Focus group élèves-maîtres EFI 1)

Un des élèves-maîtres cités ci-dessus a souligné qu’il faut partir du langage «pour prendre un mot, un son pour en tirer le mot ». Seul un des élèves-maîtres que nous avons interrogé a poussé son raisonnement au-delà de l’étude du son pour retourner vers le global en disant que :

À partir du global, si tu arrives à détailler le mot, à partir du moment où l’enfant reconnaît le détail, vous pouvez lui faire reconstituer le global. Ce moment je l’ai jugé important. (Focus group élèves-maîtres EFI 2)

Les difficultés à intégrer l’approche globale est confirmée par un item du questionnaire qui a permis d’informer sur les difficultés à enseigner certains sujets dans les quatre premières années de l’école élémentaire (tableau 3.4).

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Tableau 3.4 : Sujets difficiles à enseigner Difficile 7 Facile 8 Inapproprié

La façon dont une histoire est construite 60 22 18

Comprendre le sens général d’une histoire, d’un poème ou d’un autre texte écrit

50 23 26

Trouver le sens d’un mot placé dans une phrase 55 37 8

Lire à haute voix à une vitesse suffisante pour comprendre le sens de l’écrit

52 39 10

Relier des histoires, des actions et des images avec de l’écrit 49 42 9

Reconnaître différentes parties dans un mot 39 53 8

Enseigner le son des lettres 26 68 6

Mettre la ponctuation et les lettres majuscules 24 73 3

Unir des sons ensemble pour former une syllabe 19 79 2

Les réponses ont été ordonnées par niveau de difficulté afin de mettre en tête du tableau les items que le plus grand nombre d’élèves-maîtres a trouvé difficile à enseigner. Au-dessus de la ligne pointillée sont les aptitudes qu’une majorité considère difficiles. Il faut remarquer que toutes ces aptitudes concernent la compréhension du texte. Une large proportion d’élèves-maîtres trouve difficile la possibilité d’apprendre aux enfants à lire avec compréhension et plus d’un quart des élèves-maîtres trouve que la compréhension d’une histoire est inappropriée pour ce niveau. Par contre, les aptitudes techniques, qui concernent le déchiffrage, sont celles que les élèves-maîtres trouvent plus faciles – par exemple, 4/5 des élèves-maîtres interrogés jugent facile l’enseignement de la composition. Tableau 3.5 Meilleure approche pour enseigner l'initiation à la lecture

Activité %

(a) Écrire des mots entiers au tableau à côté des images et demander aux élèves de les lire à haute voix plusieurs fois après vous

26

(b) Lire de petits contes et demander aux enfants de relire de courtes phrases pour vous 4

(c) Expliquer et donner des exemples des différents sons que les lettres donnent au début, au milieu et à la fin des mots

12

(d) Combiner les lettres pour faire des syllabes qui peuvent former des mots simples 57

Aucune réponse 1

L’importance de la composition pour les élèves-maîtres est aussi évidente (Tableau 3.5), ainsi la majorité des élèves-maîtres (57%) a choisi de combiner les lettres (méthode syllabique. Bien que les formateurs aient expliqué l’importance du départ global pour ’établir le sens du texte du fait que la compréhension est au cœur de la lecture, les élèves-maîtres n’en n’ont pas une bonne compréhension, ce qui se traduit par des pratiques sur le terrain différentes de la théorie enseignée. Ainsi un des formateurs pense que malgré la formation initiale, les enseignants une fois sur le terrain ne démontrent pas une bonne compréhension de l’enseignement de la lecture.

Malheureusement l’activité lecture souvent dans nos classes élémentaires surtout au CI et CP, le processus est parfois tronqué parce que la compréhension que nos enseignants devraient avoir de la lecture n’est pas une compréhension qui est à la hauteur de ce que la lecture devrait pouvoir fournir. (Formateur EFI 4)

Pour le formateur à l’EFI 2, l’expérience des stages, combinée à la préférence de la facilité et à la non-maitrise de compétences apprises à l’EFI expliquent cette conception limitée de la lecture.

7 La catégorie difficile ici est composée des deux options dans l’enquête « très difficile » et « difficile » 8 La catégorie facile ici est composée des deux options dans l’enquête « très facile » et « facile »

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Il faut aussi effacer l’idée que la lecture c’est le déchiffrage et installer chez eux la nouvelle perception. Nous avons un problème, parce que ce que nous leur disons en théorie est balayé par ce qu’ils reçoivent en stage. (Formateur EFI 2)

Les élèves-maîtres utilisent plus les modèles de leçons des maîtres d’application, qui sont plus faciles, car généralement ils ne se sentent pas capables de faire ce qu’on leur apprend à faire. (Formateur EFI 2).

La courte durée de la formation ne donne pas assez de temps aux formateurs pour discuter avec les élèves-maîtres sur les pratiques observées dans les écoles d’application. Ces session de débriefing auraient permis de mieux comprendre comment les stages pratiques s’accordent ou non avec la formation théorique à l’EFI :

Dans une formation initiale qui connaît des limites. Ici y a un minimum que nous installons et pensons qu’il assure un minimum d’acquis pour tenir une classe, à la sortie. (Formateur EFI 4)

Pour l’enseignement de la lecture ce minimum est de connaître les étapes d’une leçon: Il s’agit, selon la méthode mixte enseignée dans tous les EFI du schéma suivant :

Etape 1 : Lecture du texte, phrase clé ; acquisition globale de tous les mots de la phrase ; fixation, mémorisation, photographie des mots

Etape 2 : Mot clé ; acquisition globale du mot clé, pour isoler et sortir la syllabe clé Etape 3 : Syllabe clé à partir du mot clé, sortir la lettre (portant le son) du jour Etape 4 : Lettre : fixation, acquisition auditive, visuelle, comparative de la lettre et du son Etape 5 : Syllabe : formation syllabique à partir des lettres-sons Etape 6 : Mot : Association syllabique pour la construction des mots, appui pour former des phrases Etape 7 : Phrase : Construction de phrases simples et construction de texte au tableau Etape 8 : Lecture du texte

Les élèves-maîtres semblent connaître les étapes, mais ils pensent que la procédure est trop longue par rapport au temps de cours dédiés à la lecture ce qui ne permet pas de rentrer dans le détail pour toutes les étapes. Cette situation ne permet pas d’adopter la démarche citée ci-dessus.

Pour moi c’est le déroulement global. C’est l’articulation des différentes étapes. L’élaboration de la fiche avec les 7 étapes pour toute la semaine. Car les 7 étapes me paraissent relativement longues par rapport à la leçon (Focus group élèves-maîtres EFI 2).

Il faut noter qu’il n’y a que sept étapes ici – la lecture finale étant supprimée. La confusion vient du fait que dans les écoles d’application, les élèves-maîtres observent des maîtres qui, même s’ils commencent la séquence avec la lecture du texte globale, ne se focalisent pas sur le sens du texte et après avoir étudié le son, ne retournent pas au sens du texte. Il y a même des maîtres qui vont directement à la découverte du son clé. Les élèves-maîtres à l’EFI 2 sont confus sur la méthode à appliquer et ont besoin de renforcement de capacités pour l’élaboration de fiches.

Il faut insister sur l’élaboration des fiches. Les fiches qu’on nous donne sur le terrain sont diamétralement opposées à celles enseignées ici. On ne sait plus sur quel pied danser... (Focus group élèves-maîtres EFI 2)

L’introduction du nouveau curriculum a aussi augmenté la difficulté de la formation. Le CEB doit être généralisé dans toutes les classes à partir de 2013, mais il n’est pas pris en compte dans le programme officiel de l’EFI.

Oui, les programmes c’est le décret 79 1165, portant sur l’organisation de l’enseignement élémentaire. On essaie de leur faire comprendre comment lire ces programmes-là. … On se contente de donner des informations sur le [nouveau] curriculum, mais il n’y a pas de temps, pour le faire (Formateur EFI 2).

La connaissance du curriculum de l’éducation de base (CEB) vient en partie de la formation à l’EFI (sensibilisation), mais elle vient surtout des stages pratiques dans les écoles d’application. En outre, les élèves-maîtres font eux-mêmes des recherches afin de parfaire leurs connaissances du contenu pédagogique.

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Avec cette formation on a déjà une approche par rapport au curriculum, la classe où on a fait notre stage d’imprégnation déjà c’est une classe curriculaire. Avant de finir la formation on fera encore un autre stage. Donc on aura des notions qui feront qu’on pourra tenir une classe curriculaire. On fait des échanges de groupe, des échanges de paroles et d’idées. (Focus group, Élèves-maîtres EFI 1)

Il faut noter une inégalité dans l’accès aux ressources et à la connaissance en général entre différentes EFI. Certaines écoles ont accès à l’Internet et ont une bibliothèque alors d’autres n’en n’ont pas. Certains formateurs organisent les élèves-maîtres en groupes et les initient à recherche alors que d’autres ne le font pas.

3.1.3 Conclusions

Malgré les écarts dans la disponibilité des ressources dans les différentes EFI, il est frappant de noter la quasi-similitude de l’éventail de réponses des élèves-maîtres des quatre EFI. Les graphiques produits par la désagrégation des données quantitatives par EFI étaient assez similaires. À titre d’exemple le graphique 3.1 qui correspond au tableau 3.5, indique que la seule différence apparait à l’EFI 1, où le taux d’élèves-maîtres qui ont montré une préférence pour l’utilisation des images à côté des mots était le plus important, mais il faut noter que cette différence n’est pas si grande. Dans tous les focus groups, les élèves-maîtres, malgré la confiance déclarée, avaient des difficultés à discuter de l’enseignement de la lecture d’une manière approfondie. À part les résultats que nous avons déjà analysés, les données quantitatives ne révèlent pas de modèle fixe : par exemple dans le tableau 3.2 où les élèves-maîtres devaient séquencer les activités, les résultats sont assez hétérogènes. Et cette tendance à la divergence des réponses se retrouve dans les autres items. Les résultats ne nous permettent pas de décrire un modèle-type d’enseignant en lecture que la formation a produit. Les connaissances et les pratiques des élèves-maîtres sont assez générales et surtout les connaissances pédagogiques du contenu de la lecture ne sont pas consistantes ou pas bien solides. La compréhension de la lecture et de la démarche de l’enseignement de la lecture est différente de celle des formateurs. Graphique 3.1 Meilleure approche pour initier une classe à la lecture

0

.2

.

.6

Moyenne

EFI DAKAR EFI FATICK EFI SAINT LOUIS EFI THIES

Écrire des mots entiers au tableau à côté des images Lire de petits contes et demander aux enfants de relire Expliquer et donner des exemples des différents sons des lettres Combiner les lettres pour faire des syllabes

.4

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Vignette 1 : Résumé des connaissances, compréhension et pratique des élèves-maîtres

Connaissances : Ils savent que Il faut partir du langage. Il faut partir du global vers le particulier à cause de la nature syncrétique de l’enfant. Une leçon ou une série de leçons en lecture consiste en sept ou huit étapes dont les plus importantes concernent l’étude de la lettre/ son ou du mot. Ils savent enseigner la lecture seulement en français.

Compréhension La lecture est avant tout le déchiffrage du texte où les principales compétences sont la composition et décomposition.

Pratiques En pratique, ils savent qu’ils doivent commencer une leçon par la lecture d’un texte complet et qu’ils doivent commencer par le concret.

3.3 Connaissances, compréhension, pratiques des Enseignants Récemment Qualifiés

L’origine de la compréhension et les connaissances de l’enseignement de la lecture des ERQ est diverse. Les ERQ interrogés dans l’enquête disent qu’ils ont développé leur meilleure compréhension de l’enseignement de la lecture durant la formation initiale (24% des répondants), en travaillant dans les écoles (21% des répondants) en formation continue (21% des répondants), avec leurs collègues (20% des répondants). Pour les 13% qui ont répondu autres, l’IDEN joue un rôle important dans la compréhension de la lecture. Le taux de réponses pour les facteurs est environ le même. Pendant les entrevues, après les observations les ERQ ont mentionné les mêmes sources de connaissances. Pour quelques-uns, ces différentes sources offrent la possibilité d’augmenter leur compréhension et de développer la pratique. Une institutrice qu’on a observée dit qu’elle a acquis sa stratégie de lecture « D’une part à l’EFI, mais c’était un peu différent de ce que je pratique à l’école. J’ai eu à appliquer les mêmes techniques lues dans le rapport du séminaire organisé par l’IDEN et que mes collègues ont eu à suivre » (ERQ Région 1). Mais pour d’autres, les différences entre les différentes approches sont plutôt problématiques : « Je ne sais pas la façon exacte dont le cours de lecture doit se dérouler » (ERQ Région 4). La majorité des enseignants interviewés disent qu’ils ont des difficultés à enseigner la lecture parce que leur connaissance est insuffisante, n’ayant pas reçu de formation adéquate. « J’ai besoin d’une formation en lecture proprement dite » (ERQ, Région 2). « J’ai des problèmes surtout en langage » (ERQ Région 4). Presque tous les élèves-maîtres ont décrit leur aptitude à enseigner la lecture comme élevée ou très élevée, mais une fois dans la classe cette confiance baisse. Ainsi, 44% des ERQ qui ont répondu au questionnaire décrivent leur degré d’aptitude à enseigner la lecture dans les petites classes comme bas ou très bas. Aussi, les observations suggèrent que dans plusieurs cas, la confiance des ERQ n’est pas bien fondée, car dans quelques classes observées le maître se dit content de la leçon quoiqu’un échantillon d’élèves choisi par hasard n’ait pas pu lire les mots clés. La difficulté s’explique d’une part par le fait que les ERQ ont été trop optimistes en surestimant la capacité des élèves à parler ou apprendre le français. Un ERQ dit que ce qui est difficile, c’est :

Surtout le fait de faire sortir les mots, ce qui n’est pas évident dans un milieu où l’élève n’entend personne parler français dans son milieu. Alors arriver à ce qu’il y parvienne c’est difficile (ERQ Région 3).

Dans la plupart des leçons observées, il est évident que le langage au début de beaucoup de leçons observées n’était pas bien compris par une importante proportion de la classe. La stratégie la plus utilisée par les ERQ pour faire face à ce problème était d’utiliser la langue maternelle des élèves lorsqu’il était évident ces derniers ne comprenaient pas le français. Mais cela ne signifie pas que les ERQ, aient tenté d’enseigner la lecture en langue nationale, mais qu’ils ont traduit des mots en langue locale comme stratégie de dépannage quand ils n’arrivaient pas à bien expliquer une leçon ou une partie de la leçon. En effet, une très faible proportion des maîtres interrogés, moins de 7%, disent qu’ils se sentent plus à l’aise à enseigner dans les langues nationales. Plusieurs des maîtres ont aussi parlé de leurs difficultés en enseignant l’association syllabique et des sons du français : «

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[Je me sens moins en confiance] au niveau de la discrimination auditive par exemple, un mot contenant le son « e » et de mettre en relief le son » (ERQ Région 3). Il faut noter que l’idée de partir du langage s’était bien ancrée dans la compréhension des élèves-maîtres amis que ce n’est pas toujours le cas chez les ERQ. Toutefois, certains enseignants créent une situation concrète afin de permettre aux élèves de retenir le son à enseigner:

Pour la lecture, par exemple pour l’imprégnation je fais tout pour que les élèves sortent la phrase d’étude mais je fais tout pour que la phrase soit concrète. Par exemple pour le son « w », j’ai appelé l’élève qui s’appelle Waly. Je lui ai donné un seau et je lui ai dit « vas chercher de l’eau au puits » après j’ai dit « qui va chercher de l’eau au puits, qui ? » Ils me répondent : « Waly va chercher de l’eau au puits ». À chaque fois j’essaie d’amener une situation concrète pour que les élèves puissent fixer correctement le son. (ERQ à la Région 2)

Néanmoins, la majorité des enseignants observés se sont contentés d’écrire une phrase au tableau, de décomposer et recomposer. Cette idée est renforcée par les données quantitatives. Par exemple, dans le questionnaire, il a été demandé aux ERQ de mettre des activités dans un ordre qui permet de mieux développer les aptitudes de lecture des enfants dans une leçon ou une série de leçons afin d’augmenter le vocabulaire en lecture des élèves en choisissant de se concentrer sur les parties du corps humain. . L’option (c), (voir tableau 3.5) qui est le choix le plus populaire pour l’activité initiée au début de la leçon, est une activité plus concrète qui exige le plus de langage. Cependant, il faut noter la diversité de réponses des ERQ. Ce classement est un bon indicateur de la compréhension des ERQ, de la psychologie de l’enfant qui est à la base de cette approche consistant à partir du concret vers l’abstrait : moins de 50%, c’est dire la majorité, n’est pas arrivée à ce niveau de compréhension. Tableau 3.5 : Choix des stratégies pour mieux développer les aptitudes en lecture

Activité 1er 2me 3me 4me

(a) Dessiner une personne, mettre des étiquettes sur les parties du corps et demander aux enfants d’écrire leurs propres phrases

23 27 23 27

(b) Donner des cartes portant des mots tels ‘cou’ ou ‘nez’ aux enfants en groupes de 6 et leur demander de dessiner des parties du corps et d'en former des phrases

9 33 36 22

(c) Montrer du doigt les parties du corps d'un enfant dans la salle de classe et écrire les mots sur le tableau dans une phrase comme "J'ai deux mains"

48 25 18 9

(d) Écrire une liste de mots sur le tableau à côté de dessins et demander aux enfants de lire les mots à haute voix ensemble puis individuellement

21 15 23 42

La démarche de la leçon de lecture est, en général, la même partout, selon l’étape considérée. En effet, à la première étape (CI-CP), la quasi-totalité des ERQ appliquent les étapes essentielles de la leçon de lecture : lecture silencieuse d’un texte ou d’une phrase, lecture magistrale, isolement de la phrase clé ou du mot clé pour arriver à l’isolement du son clé à étudier. À la deuxième étape (CE1-CE2), il s’agit de la lecture silencieuse d’un texte par les élèves suivie de la lecture du maître, questions sur le texte pour la compréhension, analyse du texte, selon une grille pour découvrir les caractéristiques du texte (exploitation du vocabulaire ou de la grammaire).

D’abord les élèves ont fait une lecture silencieuse, la lecture silencieuse, vérification de la lecture, après lecture magistrale, demander le nombre de phrases, poser des questions, expliquer le texte et demander aux élèves de résumer le texte, de quoi parle le texte. (ERQ Région 1)

Dans les classes élémentaires observées, l’enseignant faisait lire les élèves, et les chercheurs n’ont noté aucune motivation pour intéresser l’apprenant. Et aussi dans les entretiens, éveiller l'intérêt chez les élèves n’était pas mentionné comme considération importante. Souvent la démarche commençait par une lecture silencieuse des élèves (ou du moins des moments silencieux), suivie d’une lecture magistrale de l’enseignant, et ensuite la découverte du sens du texte (plus de la phrase que du texte).

J’ai commencé par la révision de la leçon précédente avec ON, aujourd’hui on fait la leçon avec OM après la révision je commence par demander aux élèves de lire la phrase clé écrite au tableau, ils identifient le son qui fait l’objet de la leçon, ils le répètent, je fais ressortir le son en

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effaçant progressivement les syllabes jusqu’à obtenir le son qui fait l’objet de la leçon (ERQ, Région 4).

En effet beaucoup de leçons des ERQ observées étaient pareilles à celles dont les formateurs se plaignaient – la démarche était tronquée. Dans le déroulement de la leçon de lecture, certains enseignants estimaient devoir, selon l’enseignement reçu à l’EFI, s’arrêter à l’isolement du son. Or une telle manière de procéder en rapport avec le son est à même qu’’installer dans l’esprit des maîtres que l’isolement, l’étude du son est un objectif en soi, une finalité. Cela crée même une rupture dans la démarche globale et dans l’esprit de l’élève. Cette pratique confirme encore jusqu’à quel point la compétence de la lecture est mal comprise, installe effectivement dans la « syllabation » et cristallise une telle approche. Dans l’étape 1, (CI et CP), souvent, l’enseignant part d’une phrase, fait l’isolement du son à étudier et ensuite applique la combinatoire. Il est noté que souvent la combinatoire est un objectif central dans la démarche en lecture. Les chercheurs ont rarement observé un enseignant préoccupé par la conquête du sens de la phrase. Cette étape est souvent escamotée et l’enseignant installe un rituel de la combinatoire. Dans les situations observées, l'enseignant fait lire et répéter pour mémoriser. Ce rituel repose sur une compréhension erronée de la lecture : on lit pour reconnaître les sons et les lettres et non pour faire du sens (comprendre le texte ou la phrase).

Il y a acquisition globale, il y a isolement du son, formation et association syllabique [pour isoler le son] Je vais faire séparer « PAPA » en syllabes, on efface le premier « PA » en leur faisant répéter P+A=PA, c’est facile [après], on va faire la leçon sur « P » avec ses différentes écritures, script et capital après on fait formation de syllabes (ERQ, Région 4)

Les différentes observations de séances de lecture ont montré une bonne connaissance du procédé de la combinatoire. Les enseignants savent comment décomposer et recomposer. Ils ont compris que le procédé de la combinatoire aide les élèves à lire. Bien qu’ils en aient cette connaissance, ils en ignorent la compréhension pour une utilisation optimale et justifiée. Ils l’utilisent souvent de manière mécanique. La plupart des maîtres ont dit qu’ils se sentent plus en confiance dans la décomposition et la recomposition des mots (combinatoire). Les maîtres sont plus à l’aise dans cette technique qui ramène à la méthode syllabique qui est plus simple, plus facile pour l’élève et le maître. La majorité des enseignants observés a parlé de cette activité en réponse à une question sur le moment dans la leçon où ils se sentaient le plus à l’aise:

Avec l’élimination pour trouver le son (ERQ, Région 2)

Au moment de la reconstitution et de la reconnaissance des mots, de la phrase d’étude, là-bas, [il n] y a pas de problème (ERQ Région 3)

C’est surtout dans l’acquisition du mot et au niveau de la décomposition (ERQ, Région 2)

La reconstitution, l’élimination des mots, le jeu des ardoises mobiles, après la séparation du nombre de syllabes. (ERQ, Région 3)

En général, les maîtres observés se contentent de composer et décomposer, laissant de côté l’objectif de la compréhension de la phrase et du texte. Comprendre que la combinatoire n’est pas le but, ni le seul procédé, c’est comprendre ce qu’elle représente réellement. C’est une stratégie, une entrée parmi d’autres. Elle doit être comprise comme une entrée graphophonologique (correspondance des graphèmes et phonèmes permettant la décomposition en syllabes et la recomposition en mots).

Dans la pratique, les maîtres observés utilisent presque tous la technique des ardoises mobiles. Ce procédé est souvent employé pour réaliser la procédure d’isolement des mots dans le processus de l’isolement du son à l’étude. Or cette technique des ardoises mobiles bien comprise aurait permis de bien asseoir des règles élémentaires, de manière implicite, de la syntaxe de la phrase française, en faisant comprendre aux élèves la nature, la place et le rôle des différents mots employés. Utilisée de cette façon l'ardoise est également un outil important pour une évaluation diagnostique et formative. Toutefois, il a été remarqué que les ardoises souvent révélaient un grand nombre d'élèves qui n'avaient pas maîtrisé le sujet enseigné et le maître étaient prêt à passer à l’étape suivante sans la compréhension de la majorité.

La combinatoire est un procédé qui permet de déchiffrer et de lire, mais ne permet pas de donner un sens au texte lu. Il doit être utilisé comme procédé de dépannage quand les élèves butent. Quand la combinatoire est utilisée et que les élèves n’arrivent pas à déchiffrer un mot, l’enseignant passe, et ne trouve pas de solution de

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dépannage (Observation ERQ, Région 4). La plupart des enseignants observés ne comprenaient pas le rôle de dépannage de la combinatoire. Or, cette question de la compréhension doit être la finalité à partir de laquelle on doit construire toutes les stratégies et procédures, et mettre en œuvre les outils de lecture d’un texte. Elle est une composante de la compétence de lecture. Mais la plupart des enseignants ne comprennent pas le rôle de la lecture en tant discipline permettant l’installation de la compréhension.

Cette difficulté à enseigner la compréhension de la phrase et du texte est mise en évidence par l’item du questionnaire qui demandait aux répondants de juger de la difficulté à conduire des activités en lecture.. En effet, les réponses des ERQ ne sont pas très différentes de celles des élèves-maîtres. Le tableau 3.6 montre que la plupart des maîtres continuent à trouver les activités techniques, surtout la composition et décomposition, plus faciles que celles qui sont liées à la compréhension. Tableau 3.6 : Aptitudes des ERQ à conduire des activités en lecture Difficile 9 Facile 10 Inapproprié

La façon dont une histoire est construite 62 13 25

Lire à haute voix à une vitesse suffisante pour comprendre le sens de l’écrit 58 22 21

Trouver le sens d’un mot placé dans une phrase 56 27 16

Comprendre le sens général d’une histoire, d’un poème ou d’un autre texte écrit

51 35 14

Relier des histoires, des actions et des images avec de l’écrit 49 40 11

Ponctuation et lettres majuscules 36 48 16

Reconnaître différentes parties dans un mot 27 45 29

Enseigner le son des lettres 18 77 5

Unir des sons ensemble pour former une syllabe 15 80 5

Le tableau 3.7 confirme les difficultés relatives à la compréhension. Les ERQ devaient choisir les deux meilleures stratégies pour apprendre aux enfants à lire une petite histoire avec compréhension. Les réponses des ERQ sont assez divergentes. L’emploi des images et la discussion en groupes peuvent aider les élèves des petites classes à comprendre le sens d’un texte, mais l’option(e) que 38% des ERQ ont choisie exige beaucoup d’un lecteur débutant. Tableau 3.7 : Aptitudes relatives à la compréhension

%

(c) Faire des dessins sous forme de séquence de conte pour montrer ce qui est en train de se passer 45

(d) Demander aux enfants de lire le conte entre eux et de se poser des questions à propos du conte 44

(e) Demander aux enfants de lire le conte pour eux-mêmes et de répondre aux questions écrites au tableau. 38

(a) Expliquer ce qui se passe dans l’histoire pendant que vous enseignez 36

(b) Demander aux enfants de lire tout le conte et demander à un ou deux d'entre eux de vous dire ce qui se passe dans le conte

36

Le tableau confirme que la majorité des ERQ a des difficultés relatives à l’enseignement de la compréhension. Les résultats des enquêtes mettent en évidence que l’association de lecture des contes avec les images n’est pas une priorité dans les activités de lecture. Le tableau 3.8 présente l’item où on doit décider du moment d’introduction des activités dans l’enseignement de la lecture pour faciliter la compréhension. Les différentes réponses renforcent la conclusion que beaucoup des ERQ ne priorisent pas la stratégie qui consiste à regarder les images et à en parler. Il faut aussi noter l’éventail varié de réponses ce qui confirme l’inexistence d’un modèle type de profil de connaissance lié à la formation. La majorité des stratégies proposées sont appropriées pour développer une bonne connaissance des lettres mais également celle du vocabulaire des élèves, cependant les faibles taux montrent que la majeure partie des ERQ n’a pas une bonne compréhension de ces stratégies et techniques. Un tiers des ERQ pense que la lecture des mots entiers est convenable à l’initiation de la lecture, et c’est l’activité la plus populaire pour le début. Les

9 La catégorie difficile ici est composée des deux options dans l’enquête « très difficile » et « difficile » 10 La catégorie facile ici est composée des deux options dans l’enquête « très facile » et « facile »

50

maîtres qui l’ont choisie ont compris l’esprit de l’approche globale ou de la méthode mixte. Mais ce qui est frappant, c’est qu’il y a plus d’enseignants qui pensent que cette activité est inutile: plus de la moitié l’emploierait beaucoup plus tard ou jamais. Cette réponse explique les leçons observées dans lesquelles l’instituteur n’a pas dépassé l’étape de la décomposition. Tableau 3.8 : Priorisation des séquences des activités en lecture Dès le

début Un peu

plus tard Beaucoup plus tard

Jamais, l’activité est inutile

(c) les élèves lisent au tableau des mots entiers et les récitent 33 14 19 34

(h) vous racontez des récits sur les situations familières que vous illustrez avec des actions

31 25 8 37

(e) les élèves récitent les lettres de l'alphabet 30 28 19 23

(i) vous lisez aux enfants des contes avec des images 29 24 5 42

(g) vous enseignez des rimes et chants simples 22 30 6 41

(d) les élèves récitent les sons des lettres 21 14 20 45

(b) vous attachez une étiquette aux objets dans la salle de classe 10 39 6 45

(a) les élèves regardent des images d’objets familiers et en parlent

2 87 1 9

(f) vous enseignez les salutations et les routines de la salle de classe

2 84 9 5

Le taux des ERQ qui considèrent ces différentes stratégies est peut-être le plus significatif par rapport à ces données. Bien que ces stratégies soient utiles à l’enseignement de lecture et qu’elles puissent être introduites dans une approche mixte, elles ne sont pas dans le cadre explicite de la démarche d’une leçon de lecture comme on enseigne à l’EFI. Presque toutes les leçons qu’on a observées étaient similaires, comme on les a décrites ci-dessus. C'est-à-dire qu’ayant appris un moyen d’exécuter la leçon, les ERQ ne comprennent pas la nécessité de varier ce qu’ils font pour rendre la leçon plus intéressante et pour l’adapter aux compétences des élèves. Le résultat des données montrent que la plupart des ERQ interprètent la compréhension de lecture comme un processus de déchiffrage, ce même résultat a été trouvé chez les élèves-maîtres. Pour tester la capacité des ERQ à intégrer des stratégies pour faciliter la fluidité et la compréhension globale, il leur a été demandé de montrer la fréquence d’utilisation des activités mentionnées au tableau 3.9 en cochant la case correspondante. Les résultats montrent qu’ils utilisent peu les stratégies qui peuvent faciliter la fluidité et une compréhension globale. Une importante proportion des ERQ ne se sert pas de ces stratégies ou les juge même inappropriées pour les premières quatre classes. Les stratégies choisies ont été triées dans le tableau afin que celles que la plus grande proportion des ERQ considère inutiles soient en tête. Les recherches en lecture ne s’accordent sur l’utilité relative des différentes méthodes de l’enseigner, mais elles s’entendent sur la fait que la lecture fluide requiert la coordination de différentes entrées au texte (NRC 2010 ; NITL 2005). Bien que les ERQ enseignent l’entrée graphophonologique par la combinatoire, beaucoup sont très réticents à enseigner les autres entrées au texte : l’entrée pragmatique (e), l’entrée sémantique (c) et l’entrée syntaxique (a) et (b). Tableau 3.9 : Fréquence de l’utilisation des stratégies en lecture pour comprendre un texte Presque

chaque jour Parfois Jamais ou non approprié

pour ce niveau

(e) Enseigner la structure d’un texte non fictif – table des matières, lexique, etc.

10 29 60

(a) Montrer aux élèves comment identifier le sens d’un mot par sa racine

23 20 57

(c) Demander aux élèves de prédire le contenu d’une histoire à partir de son titre et de la première ligne

12 39 49

(f) Laisser les élèves choisir un livre ou une histoire pour lire par eux-mêmes

7 50 43

(b) Aider les élèves à trouver le sens d’un nouveau mot par sa position dans une phrase

38 28 35

(g) Demander aux élèves ce qu’ils aiment d’un texte 27 41 31

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(d) Expliquer l’utilisation des signes de ponctuation 39 37 23

Les observations de leçons de lecture confirment une compréhension restrictive des stratégies de conquête du sens du texte. Les maîtres, en général, laissent de côté nombre d’autres stratégies à mobiliser parmi lesquelles l’entrée idéographique (mot en tant qu’image, silhouette, faisant appel à la mémoire auditive et visuelle de l’élève), l’entrée sémantique (connaissance du sens du mot, à partir du contexte). La conséquence de cette pratique c’est que les élèves lisent de manière mécanique en répétant et en lisant par cœur, mais ne comprennent pas ce qu’ils lisent. On dit qu’ils « disent » au lieu de « lire ». La compréhension et la lecture courante ne sont pas acquises. Un autre inconvénient est d’installer les élèves dans la lecture par déchiffrage et association syllabique. Ils peuvent ainsi prendre l’habitude de lire en ânonnant, en syllabant. Cette manière de procéder peut être un obstacle à la lecture fluide. Elle fait perdre beaucoup de temps aux élèves sur un mot. Et focalisés sur cette opération, les élèves en arrivent à oublier ce qui est lu. Ils ne parviennent pas à faire le lien et n’aboutissent pas à une compréhension de ce qu’ils ont lu. Cela nécessite d’installer chez les élèves la capacité de lire rapidement un certain nombre de mots pour réaliser la compréhension du texte lu. Pouezevara et al. (2010) suggère 40 mots par minute. La fluidité ne semble pas être une qualité désirée par les ERQ et un maître qui a suggéré que la tâche d’un bon maître d’initiation à la lecture est « de donner beaucoup d’exercices en lecture et avoir la fluidité et un bon débit pour lire et montrer les techniques qu’il faut adopter pour lire et agrandir le visuel » (ERQ Région 3) est une rare exception. Il est important d’enseigner aux élèves à faire des phrases, à en composer à partir des ardoises, des étiquettes mots, de les dire avant de pouvoir en construire par écrit. Cela installe petit-à petit une capacité utile pour fixer l’ordre des mots et en lire de semblables avant d’en produire eux-mêmes. Dans les classes observées, il a été noté que les maîtres savent qu’ils doivent faire former des mots et faire trouver des mots par les élèves. Mais ils ne comprennent pas toujours tout le bénéfice que ceux-ci peuvent en tirer et l’emploi qu’ils peuvent en faire. C’est pourquoi, il n’y a pas une préoccupation à faire acquérir un maximum de mots par les élèves et à constituer ainsi un capital de mots et à utiliser une banque de mots pour l’enrichissement permanent du vocabulaire en tant qu’objectif dans toute activité de lecture. On dirait que leur enseignement focalise sur la leçon observée et non sur l’apprentissage continuel des élèves. Nous avons déjà remarqué que les leçons de lecture suivent un modèle peu varié ; on dirait que les ERQ avaient l’impression qu’il suffit d’appliquer cette démarche pour que les élèves apprennent à lire automatiquement. Ils pensent avoir réussi une leçon quand ils ont bien suivi le processus. Vignette 2 : Résumé des connaissances, compréhension et pratique des ERQ

Connaissances La connaissance des différentes composantes de la lecture à enseigner aux élèves pour installer la compétence en lecture n’est pas toujours évidente : Faut-il enseigner : - l’alphabet, les sons des lettres, le rapport entre phonèmes et graphèmes, le vocabulaire, la lecture fluide et la compréhension ? - le procédé de la combinatoire ? - la démarche d’une leçon de lecture n’est pas toujours sue de façon exacte (les différentes étapes) ?

Les ERQ en général ne savent pas utiliser plusieurs entrées pour lire.

Compréhension La compréhension de la lecture chez les ERQ est un processus mécanique qui consiste à déchiffrer le texte en liant les sons à des lettres et les combinant pour former les mots.

Ils ont une faible compréhension: - du lien entre langage et lecture. - du lien entre l’acquisition à la fois auditive et visuelle de mots nouveaux et la lecture - de créer une banque de mots pour un espace lettré permanent dans lequel doit baigner l’élève - de la nécessité de la création d’une situation d’apprentissage pour motiver les élèves - et surtout de l’objectif de compréhension du texte

Pratique La démarche de la leçon de lecture est, en général, la même partout selon l’étape considérée. En effet, à la première étape (CI-CP), le maître commence par une lecture silencieuse d’un texte ou d’une phrase, lecture magistrale, isolement de la phrase clé ou du mot clé pour arriver à l’isolement du son clé à étudier. Les étapes de la compréhension du texte sont escamotées. Le travail de décomposition et de recomposition syllabique reste l’activité centrale. Il devient la finalité de l’apprentissage de la lecture.

52

L’évaluation formative et l’évaluation diagnostique sont omises.

Le programme des classes CI et CE1 au moment des observations était déjà celui du nouveau curriculum qui est basé sur l’approche par compétences. Au moment de la rédaction de ce rapport le CEB sera installé dans les autres classes des deux premières étapes. Ceci requiert une différente approche dans la gestion des cours ; où la leçon se fera dans une situation d’apprentissage. Très peu d’ERQ ont utilisé une situation d’apprentissage pour enseigner la lecture : partir de la réalité et faire participer les élèves. Un maître a tenté de faire sortir les élèves, mais n’a pas réussi parce qu’il y avait d’autres personnes dans la cour de l’école. Mais il a réussi à élaborer la phrase clé à partir d’une observation, à l’instar de celui qui a demandé à « Waly » d’aller puiser de l’eau en lui remettant un seau. Par ailleurs un autre enseignant a réussi à créer une situation d’apprentissage, en maths, où les élèves ont joué aux billes. Cela signifie une bonne connaissance de l’importance de créer une situation d’apprentissage, mais les enseignants n’ont pas toujours l’opportunité d’appliquer leur connaissance. Un autre enseignant a tenté de mettre en situation un élève pour exploiter cette situation et faire faire aux élèves une phrase sur laquelle devait reposer la leçon du jour (ERQ, Région 1). Néanmoins, la plupart des enseignants observés ne se préoccupent pas de créer une situation d’apprentissage. Ils demandent directement aux élèves de regarder le texte au tableau ou, d’ouvrir leur livre à telle page et de lire. Sans motivation, on s’engage dans la lecture de manière mécanique comme dans un rituel. L’enseignant n’essaie pas d’embarquer les élèves dans la compréhension du texte et de mobiliser leur attention, mais il est préoccupé par le fait de leur faire décomposer et recomposer.

3.3.1 Conclusions

Les origines des connaissances des ERQ relèvent plus de la pratique dans les écoles, avec l’accompagnement des IDEN, l’assistance des directeurs et collègues que de la formation initiale dans les EFI. Du reste, les ERQ avouent l’insuffisance de leurs connaissances et demandent un renforcement de la formation en lecture. Cela explique pourquoi nombre d’entre eux ont peu de confiance dans leur capacité d’enseigner la lecture. Il s’y ajoute une confusion acceptée dans la démarche d’une leçon de lecture : les différentes étapes à réaliser et l’articulation cohérente entre ces différentes étapes ne sont pas maîtrisées. C’est pourquoi dans la pratique, on note un ensemble d’actes, d’opérations sans liens cohérents pour un objectif précis préalablement conçu et bien identifié. Ainsi, les différents procédés ou techniques, justes en soi, deviennent entre leurs mains une sorte de rituel à accomplir pour assurer un bon enseignement de la lecture. Il faudrait certainement identifier dans ces faiblesses des réalités objectives vécues par les maîtres qui ont reçu une formation insuffisante, tant du point de vue de la durée que de l’adéquation du contenue avec le programme et les compétences attendus pour faire d’eux de bons enseignants en lecture. Cette faible maitrise de l’enseignement de la lecture pourrait être expliquée par le niveau académique relativement faible des élèves-maîtres. Les données quantitatives des EM nous révèlent un taux de 62% qui n’a pas fait le concours, et la prédominance d’élèves-maîtres qui entrent à l’EFI avec le niveau du BEFEM (55.28% de l’échantillon des 4 EFI). Ces données sont indicatrices du niveau des ERQ de l’année académique 2009-2010.

3.4 Les Programmes de formation continue

L’analyse des différents programmes de formation continue en lecture a été difficile à accomplir du fait du nombre d’enseignants de l’échantillon. Malgré le choix des régions en fonction des zones d’intervention du programme SARENA pour la collecte des données sur les ERQ, seulement six enseignants ayant reçu cette formation ont été observés. Avec les données qualitatives cet échantillon nous permet de tirer des conclusions, mais le faible échantillon des données quantitatives ne nous permet pas de faire des analyses statistiques inférentielles. Néanmoins, les chercheurs ont noté les cas où les enseignants avaient suivi le programme SARENA. En outre, l’autre programme qui pouvait influencer l’enseignement de la lecture est la formation en curriculum (CEB). Parmi les enseignants qui ont rempli le questionnaire, on a noté vingt-six maîtres (26) qui avaient suivi la formation SARENA et vingt-et-un (21) qui n’avaient suivi aucune formation continue.

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Tableau 3.10 Enseignants sondés selon la formation continue suivie en lecture Age

Inconnu <21 21-25 26-30 31-35 >35 Total Mâle Femelle

Aucun 0 0 3 7 7 4 21 3 18 Curriculum 0 0 1 10 6 9 26 6 20 SARENA 1 1 0 2 1 1 6 3 3 Total 1 1 4 19 14 14 53 12 41

Nous avons désagrégé les résultats de l’enquête selon les programmes de formation continue que les maîtres ont suivis. La conclusion la plus frappante est que, dans presque tous les cas, le profil des enseignants est pareil. Que les enseignants aient suivi de la formation continue ou non, les réponses ne montrent pas de différences marquées. Par exemple, le tableau 3.11 présente les réponses à un item qui demande aux enseignants à quelle fréquence ils font des activités en lecture. On remarque le même schéma qu’on a déjà noté : une importante proportion des maîtres n’est pas disposé à utiliser, ou ne connaît pas, les activités non syllabiques. Mais dans presque tous les cas les résultats des trois différentes catégories ne divergent pas beaucoup. Pour conclure qu’une différence est due au programme, il faudrait que tous ou presque tous les enseignants qui ont suivi le même programme fassent le même choix et que ce choix soit différent de celui des autres catégories. Tableau 3.11 : Lien entre la fréquence d’utilisation des activités dans le cadre de l’apprentissage de la lecture et la participation aux programmes de formation continue Activités Chaque jour Parfois Jamais11

a) Montrer aux élèves comment identifier le sens d’un mot par sa racine

Aucun programme| 24% 38% 38%

Curriculum| 35% 27% 39%

SARENA| 33% 33% 33%

(b) Aider les élèves à trouver le sens d’un nouveau mot par sa position dans une phrase

Aucun programme| 52% 0% 47%

Curriculum| 46% 0% 53%

SARENA| 50% 0% 50%

(c) Demander aux élèves de prédire le contenu d’une histoire à partir de son titre et de la première ligne

Aucun programme| 24% 0% 76%

Curriculum| 23% 15% 61%

SARENA| 50% 0% 50%

(d) Expliquer l’utilisation des signes de ponctuation

Aucun programme| 10% 38% 53%

Curriculum| 19% 38% 42%

SARENA| 17% 50% 33%

(e) Enseigner la structure d’un texte non fictif – table des matières, lexique, etc.

Aucun programme| 43% 5% 52%

Curriculum| 31% 27% 43%

SARENA| 33% 0% 67%

f) Laisser les élèves choisir un livre ou une histoire pour lire par eux-mêmes

Aucun programme| 5% 29% 67%

Curriculum| 16% 0% 84%

SARENA| 33% 17% 50%

g) Demander aux élèves ce qu’ils aiment d’un texte Aucun programme| 29% 10% 62%

Curriculum| 50% 12% 39%

SARENA| 33% 0% 67%

Les résultats de la recherche montrent (voir tableau 3.11) que les programmes de formation continue ont peu d’influence sur les enseignants. Ce résultat est confirmé par l’item demandant aux répondants d’identifier la situation où ils ont développé leur meilleure compréhension de l’enseignement de la lecture : seul un des maîtres SARENA a choisi la formation continue ; et 38% des enseignants qui ont fait la formation en curriculum l’ont choisie, le même pourcentage qui a sélectionné le contact avec les collègues. Des résultats de l’enquête pris dans l’ensemble, il faut noter les cas où les enseignants SARENA sont unanimes et qui sont plus probablement dus à la participation à cette formation. :

11 Cette catégorie inclut « Non approprié à ce niveau »

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Tous considèrent comme une bonne stratégie le fait de guider les élèves afin qu’ils reconnaissent les mots et les phrases dans les chants, les poèmes et les histoires (81% des enseignants sans FC)

Aucun des maîtres ne trouve ces aptitudes inappropriées pour les classes CI à CE2 : o Trouver le sens d’un mot placé dans une phrase o Unir des sons ensemble pour former une syllabe o Relier des histoires, des actions et des images avec de l’écrit o Ponctuation et lettres majuscules o Lire à haute voix à une vitesse suffisante pour comprendre le sens de l’écrit

Seul un des maîtres trouve difficile de faire comprendre le sens général d’une histoire (52% des enseignants sans FC)

Concernant le meilleur moment pour introduire des activités en lecture, la majorité pense que faire regarder aux élèves des images d’objets familiers et en parler est convenable au début du cours (81% des enseignants sans FC) ; mais aucun ne considère que la lecture au tableau des mots entiers ou la récitation des sons des lettres n’est appropriée pour l’initiation (10% des enseignants sans FC). Aucun des enseignants ne trouve inutile de raconter des récits sur les situations familières que vous illustrez avec des actions (14% des enseignants sans FC).

Du fait que l’échantillon des maîtres formés dans le curriculum est un peu plus large, les tendances dans les données quantitatives sont encore moins prononcées. Les différences notables entre les enseignants qui n’ont pas eu de formation continue et ceux qui ont suivi la formation du curriculum révèlent que ces derniers sont plus susceptibles de faire réciter aux élèves les sons des lettres (31% contre 10%) et les lettres de l’alphabet (41% contre 24%) dès le début. Quant aux données qualitatives, on n’a pas remarqué de différences entre les enseignants qui ont suivi les différents programmes ni pendant les observations ni pendant les interviews. Les connaissances, les compréhensions et les pratiques semblaient à peu près les mêmes que celles décrites chez les ERQ. Il a été noté sur le terrain que tant pour l’utilisation des supports du curriculum de l’éducation de base que celle de la stratégie SARENA, il y a un problème : le manque de support. Le curriculum de base indique une démarche, un contenu, des compétences à installer et met à la disposition des maîtres des supports comme les albums de lecture pour atteindre les objectifs d’apprentissage, mais ce matériel fait souvent défaut, surtout dans les régions autres que celle de la capitale. Souvent, les enseignants essaient de s’adapter en utilisant le matériel disponible, mais les résultats d’apprentissage sont différents de ceux qui étaient initialement visés. La méthode du curriculum n’est pas toujours mise en pratique parce que le matériel pédagogique qui s’y rapporte n’est pas disponible. La question de l’adéquation du matériel pédagogique (support) au programme officiel est importante parce que c’est ce matériel qui concrétise le programme et qui rend opérationnel la méthodologie et la démarche préconisée. C’est pourquoi, on note un décalage entre l’approche globale en lecture et la pratique en cours dans les classes par les ERQ. Il en est de même du rapport entre la méthode SARENA et l’utilisation des manuels traditionnels « Sidi et Rama ». Dans la région 2, par exemple, l’enseignant avait le livre du CEB mais ne disposait pas du matériel. Il utilisait le livre "Sidi et Rama" (qui n’était pas adéquat) et ne disposait pas de l’album de lecture qui met l’accent sur les différents types de textes. Il ne pouvait pas utiliser les consignes du (CEB). Il était retourné à l’ancienne méthode par défaut de matériel. Les maîtres formés à la stratégie SARENA utilisent le livre "Sidi et Rama" à la place du livre “Moussa". Il arrive aussi que plusieurs enseignants qui ont été formés à la stratégie de lecture SARENA l’abandonnent par défaut de matériel, surtout pour le CP où le manuel « Animatou » était absent. On peut aussi conclure que la formation continue sur la SARENA n’a pas eu l’impact escompté à cause du faible nombre d’enseignants touché. Les maîtres qui ont été formés à cette méthode constituent une infime minorité. En effet, dans un département où nous avons conduit le travail de terrain par exemple, sur 220 écoles, seules 21 sont concernées. En outre, il existe un décalage entre la pratique des ERQ visités et la théorie. Il semble bien que nombre d’entre eux bien qu’étant informés de la méthode et connaissant certains procédés et techniques de SARENA, ont du mal à lier correctement les étapes de la démarche préconisée par SARENA. Par ailleurs, certains enseignants reviennent à la méthode mixte, s’ils ne passent pas clairement à celle syllabique. Ainsi, nous avons pu constater une déperdition de la méthode à cause de l’absence d’un suivi de la séance de formation. En effet, le fait que ceux qui avaient été formés au CI n’ont pas pu continuer avec le manuel adapté

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au CP a contribué à les ramener au support traditionnel de « Sidi et Rama ». Il s’y ajoute que le temps de formation très court (2 jours) ne permet pas en réalité une bonne maîtrise d’une démarche en rupture avec celle qui prévalait jusqu’ici. L’évaluation du programme de formation continue SARENA (INEADE 2005) montre un décalage entre la connaissance « déclarée » et la pratique de l’enseignement de la lecture. Il apparaît clairement que tous les maîtres observés durant cette évaluation, à l’exception d’un seul, utilisent toutes les stratégies SARENA, selon leurs déclarations, mais le déroulement de la leçon de lecture présentée aux évaluateurs fait apparaître une grande disparité (INEADE 2005). Il en est de même de la formation sur le curriculum qui n’a duré qu’une semaine pour l’ensemble des disciplines de l’élémentaire. C’est dire que la formation continue reste encore insuffisante pour un accompagnement des ERQ dans le renforcement de leurs capacités à maîtriser l’enseignement de la lecture. En outre la stratégie de lecture SARENA n’a pas touché une masse suffisamment critique pour engendrer des changements dans la pédagogie de la lecture.

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Chapitre 4: Apprendre à enseigner les Mathématiques

4.1 La formation Initiale

4.1.1 Les formateurs

Dans les EFI, les formateurs sont des inspecteurs de l’éducation avec des formations de base variées : psychologie, instituteur, professeur de maths dans l’enseignement moyen et élémentaires. Cependant, le profil académique du formateur en maths ne correspond pas toujours à la discipline du fait du manque de formateur en maths :

J’ai toujours eu à enseigner la psychologie, mais à défaut d’encadrer et compte tenu du nombre de classes pléthoriques dans l’établissement, j’ai ajouté l’enseignement des mathématiques car de plus il manque des formateurs dans ce domaine. (Formateur EFI 4)

Tableau 4.1 : Profil des formateurs en Mathématiques

Qualification des formateurs en mathématique Expérience Genre

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, Professeur de Psychologie, pas de formation spécifique en Mathématique

25 ans comme inspecteur avec 2 ans en charge de la didactique

Homme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, pas de formation spécifique en mathématique

22 ans comme inspecteur avec 4 ans d’expérience comme formateur à l’EFI

Homme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, pas de formation spécifique en mathématique

7 ans d’expérience dans l’enseignement élémentaire et 7 ans comme formateur EFI

Homme

Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire, Professeur de Mathématiques au collège

6 ans dans l’enseignement secondaire et 6 ans comme formateur EFI

Homme

Les connaissances des formateurs viennent de leur formation de base dans les écoles normales, dans les universités, de leur recherche personnelle, de leurs pratiques réflexives tout au long des séries d’observation des enseignants en évaluation réelle de classe, et lors des séminaires.

Dans la formation, nous avons fait un module de didactiques mais je ne me suis pas arrêté là, j’ai continué à faire de l’autoformation en me documentant de façon permanente, en lisant des ouvrages sur la didactique des mathématiques, en consultant régulièrement le net. (Formateur EFI 2)

Les connaissances de formateurs en maths sont variées. Alors que certains maitrisent les approches pédagogiques pour l’enseignement des maths dans les classes d’initiation, d’autres ont des connaissances générales du contenu de la discipline. Une des quatre observations dans une EFI a montré que cette connaissance concernait plutôt l’évolution des mathématiques. Le professeur se focalisait pendant tout le cours sur l’histoire plutôt que sur la didactique des

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mathématiques. Il affirmait que la connaissance de quelques notions de maths, combinée à une aptitude individuelle permettait d’enseigner les maths et que les enseignants devaient faire eux-mêmes des déductions à partir des connaissances apprises à l’EFI.

Pour pouvoir enseigner même au niveau de l’élémentaire cette discipline, il faudrait que le formateur ait quelques notions de base et quelques aptitudes en maths ….Personnellement, dans le souci de l’apprentissage, je privilégie les notions que je voudrais voir réinvesties sur le terrain et la déduction pourrait être faite par les apprenants eux-mêmes (Formateur EFI 3),

En général, les formateurs observés connaissent plusieurs méthodes et savent que, quelle que soit l’approche pédagogique choisie, le point de départ reste le concret. Ils ont une bonne compréhension de la nécessité de passer par différentes phases : phase concrète, schématisation et phase abstraite, et ils ont insisté sur cet aspect de la question, soit en situation d’entretien, soit pendant les leçons observées. Dans les cours de maths observés, ils ont fait comprendre aux élèves-maîtres que dans la phase concrète, l’enfant manipule des objets concrets qui peuvent être « pédagogiques » ou de la vie quotidienne. Le matériel est visuel ou tactile. Dans le cadre de la leçon observée à l’EFI 4, le formateur a mis en évidence sa connaissance de la différence entre système métrique et la mesure. L’objectif principal de son cours était d’amener les élèves-maîtres à bien saisir le glissement conceptuel qui devait s’opérer sur la notion de système métrique. Il cherchait le changement de comportement des enseignants en mathématiques. Il les préparait à inclure la manipulation dans leur stratégie pédagogique.

C’est la notion de mesure qui est à l’honneur. Et sous ce rapport là Il faut changer complètement d’attitude et de comportement pédagogique. L’essentiel ici n’est plus de livrer les élèves à des conversions métriques mais de les livrer à des activités effectives de mesure. Les systèmes métriques ne sont que l’application des activités effectives de mesure. (Formateur EFI 4).

Il sait que le concept d’activités de mesure est plus large que le concept de système métrique. Il décrit les différentes étapes pour arriver à une bonne formation de l’esprit mathématique.

C’est pourquoi quand j’observe des maîtres qui sont dans la démarche pédagogique se livrer à une manipulation purement mathématique, à une schématisation purement mathématique pour déboucher maintenant sur l’abstraction vraiment je dis comme on est en train de former l’esprit mathématique. (Formateur EFI 4)

La bonne connaissance des étapes de la construction de la connaissance en maths des formateurs est renforcée par cet entretien du formateur de l’EFI 1 où il a souligné l’importance du concret en numération pour permettre à l’enfant de fixer définitivement le nombre.

Les méthodes, les stratégies c’est ça, la 1ère des stratégies avec les maths, c’est la concrétisation, si nous sommes au niveau du CI-CP, nous sommes en acquisition des nombres, les nombres c’est très abstrait, les élèves sont trop petits pour l’acquérir comme ça, il faut concrétiser, et ce n’est pas le maître qui concrétise mais c’est le maître avec les élèves (Formateur EFI 1)

Pour le formateur de l’EFI 1, cette phase est absolument nécessaire dans la construction des connaissances en mathématiques. Le formateur de l’EFI 4 a démontré ses connaissances du contenu de la discipline qu’il faut enseigner.

Si nous prenons les activités numériques. Par exemple si nous venons en CI, CP on ne va pas commencer par les nombres dès le début de l’année, on va commencer avec les notions de « peu » « beaucoup » « rien », etc., qui sont des notions qui préparent l’enfant à l’initiation, à l’aspect cardinal du nombre. Ce qui fait que plus tard il pourra comparer, ranger les nombres (Formateur Maths EFI 1).

Selon le formateur de l’EFI 4, la schématisation permet de représenter la situation ou le concept au tableau ou à l’aide du manuel. La schématisation permet de développer une compréhension du concept. Il dit que cette phase, parfois appelée « approche semi-concrète », permet de développer un esprit mathématique. Il affirme que l’utilisation de différentes couleurs constitue une autre dimension importante pour distinguer la représentation de la dizaine de celle de l’unité. Par ailleurs, il déconseille de représenter l’opération 4+1=5 sous la forme d’une écriture qui associe de simples dessins à des symboles purement mathématiques. En lieu et place il préconise l’approche ensembliste (Fiche de préparation leçon Maths EFI 4).

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Dans la phase abstraite, il est demandé aux élèves de recourir aux symboles mathématiques comme les signes des opérations : addition, soustraction, multiplication division (+ ; - ; X ; /). Les formateurs de maths dans les EFI ont compris cette démarche et préparent les élèves-maîtres dans ce sens. Ainsi, le formateur de l’EFI 4 préconise d’articuler les signes conventionnels à la représentation (phase semi- abstraite) pour être conforme au processus de la pensée de l’enfant (Interview EFI 4). Le formateur de l’EFI 2 dit également que ces méthodes centrées sur l’apprenant peuvent améliorer l’efficacité des apprentissages en s’appuyant sur l’organisation de la classe, sur le travail de groupe qui permet d’instaurer une relation horizontale (élèves-élèves). Le formateur de l’EFI 4 a une connaissance de la relation entre la didactique des mathématiques et la psychologie de l’enfant pour bien poser un acte d’éducation

Dans mon cours, c’est surtout les aspects théoriques parce que vous savez que dans chaque didactique, y’a des aspects psychologiques qu’il faut revoir. Parce qu’avant de poser un acte d’éducation qui tend à influer, influencer de façon positive l’enfant, il faut d’abord chercher à connaitre cet enfant comme le disait Jean Jacques Rousseau : « commencer d’abord par connaitre les enfants car très assurément, vous ne les connaissez point (Formateur EFI 4).

Dans leur pratique de classe, les formateurs organisent des cours magistraux et des travaux dirigés. Le formateur de l’EFI 4 donne un travail dirigé pendant la leçon sous forme de travail de groupe, corrige avec les stagiaires et les évalue. En plus, durant les travaux dirigés, les formateurs aident les élèves-maîtres à élaborer la fiche raisonnée en parcourant toutes les rubriques en manipulant devant eux et avec eux le matériel. « J’ai choisi de les initier par la fiche raisonnée, la fiche que je leur ai expliquée va leur permettre de mieux mettre en relation la théorie qu’ils ont apprise et la pratique qu’ils feront plus tard en classe » (Formateur EFI 1,). Les formateurs sont conscients de l’importance de l’acquisition de connaissance du contenu mathématique par les élèves-maîtres. C’est pour cela que deux des quatre formateurs utilisent la langue locale pour mieux toucher tous les élèves-maîtres et s’assurer ainsi que les cours sont bien compris.

Oui, parfois, je dis des mots wolofs, parce que quand je vois que l’explication est un peu difficile ; vous savez que les enseignants qui viennent ici ont un niveau extrêmement bas. Quelquefois, le formateur baisse tellement son tempo que finalement, il ne lui reste plus que son wolof pour faire comprendre, pour faire passer sa leçon. Donc, j’en use mais je n’en abuse pas, et ceci dans le souci de mieux me faire comprendre (Formateur, EFI 4)

Ils savent aussi que pour quelques élèves-maîtres qui ont choisi d’enseigner à l’école élémentaire, les mathématiques ne sont pas toujours la matière où ils se sentent à l’aise. Dans sa pratique, un des formateurs prépare psychologiquement les élèves-maîtres à démystifier les mathématiques et à les prendre comme toutes les autres disciplines.

C’est un préjugé et ce préjugé est lié principalement à la manière dont les mathématiques sont enseignées. On a eu des élèves qui ont rejeté les mathématiques parce qu’ils sont tombés sur un professeur qui faisait mal les mathématiques, donc la manière de transmettre le savoir, de gérer l’élève dans des situations précises le conduit à aimer ou à rejeter la discipline (Formateur EFI 4).

En plus de la formation théorique, les élèves-maîtres sont encadrés par les maîtres d’application qui sont des enseignants de l’élémentaire, sélectionnés pour leurs aptitudes pédagogiques. Bien que les formateurs apprécient la formation de l’EFI, ils pensent que les écoles d’application ne renforcent pas toujours les connaissances théoriques. Le formateur de l’EFI 2 affirme que, malgré les directives données par les EFI pour encadrer les stagiaires, il y a une rupture entre ce que les élèves-maîtres reçoivent théoriquement et l’encadrement qu’ils obtiennent sur le terrain.

Souvent ce sont des directives que l’on donne en général, ce n’est pas régulier. Il n’existe pas d’articulation entre la théorie et la pratique. Quand ils [élèves-maîtres] viennent sur le terrain, ce qu’on leur enseigne n’est pas en adéquation avec la théorie (Focus group maître application EFI 2)

Les chercheurs ont noté, en général, de bonnes connaissances, compréhensions et pratiques pédagogiques chez les formateurs de maths dans les EFI. Cependant, les élèves-maîtres ne maitrisent pas toujours les cours théoriques, ce qui peut créer des difficultés dans la mise en pratique des connaissances

59

Le lien [entre la théorie et la pratique] est naturel, ce qu’ils [élèves-maîtres] apprennent au niveau de la théorie il doivent essayer de le mettre en pratique. Ce n’est pas toujours facile, parce qu’il faudrait comprendre ce qu’on veut réellement dire au niveau de la théorie pour pouvoir mettre en pratique (Interview, Formateur EFI 1)

4.1.2 Connaissances, compréhension, pratiques des élèves-maîtres

A l’EFI, les élèves-maîtres reçoivent une formation sur la planification et la mise en œuvre d’une leçon. Ils sont formés sur le programme du décret 79-1165 en calcul mental, numération, géométrie, mesure et calcul pratique. Les fiches de préparation qu’ils rencontrent et font eux-mêmes sont basées en principe sur ce programme. Les formateurs apprennent aux élèves-maîtres les démarches de la leçon de maths en se focalisant sur le passage du concret vers l’abstrait. Les focus groups organisés après la prestation du formateur de maths ont permis aux élèves-maîtres de donner des explications claires sur ce sujet. « Oui, les programmes c’est le décret 79 1165, portant organisation de l’enseignement élémentaire. On essaie de leur faire comprendre comment lire ces programmes-là » (Interview formateur EFI 3). La confiance des élèves-maîtres qu’on a déjà notée en lecture est présente aussi en maths. La grande majorité décrit son aptitude et sa confiance à enseigner les maths comme très élevée ou élevée (94% pour l’aptitude et 93.% pour la confiance). Ils ont expliqué dans les focus groups que cette confiance vient surtout de l’encadrement des formateurs de l’EFI de faire des élèves-maîtres des enseignants opérationnels à leur sortie. « [Avec le] dévouement des formateurs on pense qu’on arrivera à bien enseigner les maths » (Focus group élèves maître EFI 1). Cette confiance est renforcée par la motivation personnelle des élèves-maîtres et les possibilités de trouver d’autres ressources pédagogiques en dehors des cours théoriques qui leur permettront d’enseigner. « Je suis prêt à enseigner, même si je ne suis pas à la hauteur; je pense qu’avant de prendre une classe il faudrait se préparer en conséquence » (Focus group EFI 3). « Je suis prête parce que j’ai fait la formation pour être enseignante et j’ai l’amour de l’enseignement et je sais que j’ai quelque chose à apporter aux élèves et en faisant des recherches, j’espère être à la hauteur » (Focus group EFI 3). En plus de l’optimisme par rapport à leurs qualités personnelles et leur motivation, cette confiance vient également de la formation pratique qui leur a permis d’acquérir des connaissances sur les stratégies d’enseignement des mathématiques qu’ils ont.

Je peux dire que j’avais des notions dans l’enseignement, mais je n’avais pas de pédagogie, après les deux semaines d’immersion sur le terrain j’ai acquis une certaine technique. Les formateurs nous ont donné une démarche à suivre pour préparer les fiches, car il faut préparer une fiche avant chaque cours. Mais actuellement je suis capable de gérer ça, de faire une fiche de préparation (Focus group EFI 1)

Les formateurs mettent l’accent sur l’importance pour l‘enfant de l‘expérience concrète pour le développement des concepts mathématiques et nos données suggèrent qu’en principe la plupart des élèves-maîtres comprennent bien la nécessité de commencer par des expériences concrètes.

L’activité de mesure n’est plus comme une activité d’antan comme ça se passait comme une conversion, mais une activité d’action, là où les élèves doivent effectivement puiser de leurs mains, de mesurer effectivement les poids et les volumes nouveaux. (Focus group EFI 4)

Ce résultat de recherche est renforcé par l’item du questionnaire qui leur demande de choisir les meilleures activités pour aider les enfants à comprendre les concepts de base en mathématiques. Le tableau 4.1 montre que presque tous les élèves-maîtres savent l’importance de l’utilisation d’exemples concrets et d’exercices pratiques dans les classes d’initiation. Ils comprennent l’importance d’impliquer activement l’apprenant, ce qui permet à l’enfant de participer activement à son apprentissage.

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Tableau 4.1 Meilleures manières d’aider la compréhension des concepts de base d'accord pas

d'accord

(d) utiliser des exemples concrets et pratiques lors des leçons 99 1

(c) exiger qu’ils fassent beaucoup d'exercices 92 8

(b) leur enseigner à se rappeler les étapes importantes dans la résolution des problèmes de maths 74 26

(a) leur montrer beaucoup d’exemples résolus 33 67

Une autre question de l’enquête qui demandait aux répondants d’identifier les caractéristiques d’un bon maître de mathématiques du primaire confirme aussi ce résultat. Encore une fois la majorité des élèves-maîtres a privilégié les méthodes actives. Ils décrivent le bon maître comme celui qui préfère le concret : celui qui utilise du matériel simple. Ils reconnaissent également l’importance de la relation entre le vécu de l’enfant et l’apprentissage des concepts théoriques, ce qui correspond à l’approche par compétences du CEB. Tableau 4.2 Un bon maître qui sait bien enseigner les maths dans les petites classes d'accord pas d'accord

(e) … explique les sujets en utilisant du matériel simple 95 5

(b) … donne beaucoup d’exemples mathématiques de la vie quotidienne 89 11

(a) … est bon lui-même / elle-même en mathématiques 86 14

(c) … peut enseigner aux enfants à se rappeler des faits importants 51 49

(d) … montre aux enfants des exemples résolus 37 63

Même dans les petites classes, la grande majorité des élèves-maîtres pense qu’un enseignant doit avoir une bonne maitrise du contenu mathématique. Les deux tableaux montrent que deux tiers des répondants ne considèrent pas que les exemples résolus peuvent être utiles. C’est peut-être parce qu’ils l’interprètent comme activité passive. Ces résultats montrent une préférence pour les activités actives plutôt que passives. « Nous, notre formation est une formation active, on est là que depuis un mois et demi mais les gens nous ont conseillé de partir des cas pratiques, on part du concret pour aller vers l’abstrait » (Focus group élèves-maîtres EFI, 1). Les élèves-maîtres de l’EFI 2 interrogés connaissent les étapes pour introduire les activités: « C’est la schématisation qui vient avant, après la schématisation il faut symboliser » (Focus group élèves-maîtres, EFI 2). Les élèves-maîtres ont aussi une connaissance théorique des types d’activités : « activité libre » et« activité dirigée » ; « activité symbolisation / schématisation dirigée » qui sont des rubriques de la fiche de préparation ainsi que les étapes à suivre pour dérouler une leçon de maths :

On commence par l’activité libre d’abord pour arriver à l’activité dirigée …« Activité libre » : on va laisser les élèves s’activer librement c’est à dire plus exactement faire leur travail librement sans l`aide du maître » ; « Activité dirigée »: l’activité sera dirigée par le maître qui va donner des consignes et les élèves vont comprendre (Focus group, EFI 2).

Les élèves-maîtres ont bien défini les concepts d’activités libres ou dirigées mais n’ont pas parlé de leur utilité pédagogique. Quelques élèves-maîtres pensent que l’expérience concrète ou les élèves manipulent le matériel doit être une activité libre. Aussi les résultats de la recherche ne permettent pas de savoir si les élèves-maîtres comprennent pourquoi le maître devrait initier des activités dirigées et comment les lier aux activités libres12. Les résultats de la recherche montrent que les élèves-maîtres ont acquis une connaissance générale et une compréhension des certains principes tels l’importance du concret depuis l’EFI, mais les données ne permettent pas de dire que les élèves-maîtres sont capables de traduire les principes dans la pratique. Quant à la schématisation, les élèves-maîtres interrogés en connaissent le contenu qui peut se traduire sous forme de dessin ou de symbolisation d’un ensemble d’objets. Un des enseignants observés a pris l’exemple de bâtonnets et de cahiers et un autre celui d’un cercle et un carré.

12 Il faut noter que la question est beaucoup discutée par les pédagogues en mathématiques. Il s’agit de l’interprétation du

constructivisme et des concepts tels l’échafaudage de la pensée. Voir par exemple Kirschner, et al. (2006).

61

On fait définir comme on a fait la présentation du nombre, on a fait définir un ensemble en comptant 11 et on ajoute une à ces ensemble 11 bâtonnets ou bien 11 cahiers et on ajoute un à ce même ensemble pour que cela nous donne un ensemble de 12. (Élève-maître, EFI 2).

Quand on symbolise on fait un ensemble et on fait des branches et sur ces branches on fait un ensemble et on définit cet ensemble par un cercle plus un carrée qu’on va utiliser seulement c’est ça qu’on nous appris pour la symbolisation. (Focus group élèves-maîtres EFI2)

Pour la majorité des élèves-maîtres l’utilisation de matériel pédagogique concret et simple permet aux enfants de comprendre plus facilement les maths. Ce résultat est confirmé par un item du questionnaire qui demandait aux élèves-maîtres de choisir une stratégie pour planifier une leçon pour aider ses enfants à comprendre ce que c'est qu'un nombre

Tableau 4.3 Stratégies pour comprendre ce que c’est qu’un nombre. Stratégie %

(b) Présenter un nombre égal d'objets, par exemple, quatre oranges avec quatre tasses 58

(d) Organiser les enfants afin qu'ils mettent les objets en deux tas pour voir lequel des deux tas a plus ou moins d’objets. 26

(c) Écrire les nombres de 1 à 10, et demander aux enfants de répéter le comptage de 1 à 10 10

(a) Répéter une suite de nombres (par exemple, 1, 2, 3 etc.) dans le même ordre 6

Total 100

Dans cette situation qui est adapté aux premières semaines de la scolarisation, la majorité des élèves-maîtres a choisi les activités de manipulation. Ces élèves-maîtres comprennent que les enfants apprennent en manipulant et en regardant des ensembles d'articles. Mais les comparaisons à ce stade n'impliquent pas des nombres, mais plutôt les similitudes. Il faut noter que cette assertion peut être modérée par le taux de réponses à l’item (d). Les enfants en bas âge ont besoin d'expériences concrètes, de discuter de ce qu'ils font, et de pratiquer pour saisir les relations et comprendre les idées. Une stratégie serait de distribuer les oranges et voir s'il y a en a assez. Si tous les élèves reçoivent une orange, ils comprendront que le nombre d’élèves du groupe est le même que celui d’oranges. La recherche a permis de mettre en évidence les sujets pour lesquels les enseignants éprouvaient des difficultés à enseigner et ceux qui étaient assez faciles à enseigner.

Tableau 4.4 La difficulté d’enseigner les thèmes de mathématiques.

Thèmes Facile Difficile Non approprié

f) Comprendre les valeurs positionnelles (0 à 100) ex. unités, dizaines, centaines 78 17 4

j) Donner la signification des nombres, compter 67 25 8

a) Additionner des nombres à deux ou trois chiffres avec retenues 60 38 3

e) Multiplier des nombres (2 chiffres et 3 chiffres) 57 36 7

i) Soustraire des nombres à deux ou trois chiffres avec emprunt 47 48 4

g) Reconnaître des fractions 46 33 21

c) Effectuer des divisions 46 51 4

h) Résoudre des problèmes écrits 44 52 5

d) Estimer et mesurer des distances, volumes et poids 26 52 22

b) Comparer des fractions 21 52 28

Les élèves-maîtres trouvent que l’enseignement des thèmes de numération sont les plus faciles, notamment la compréhension des valeurs positionnelles, le comptage des nombres, l’addition à deux ou trois chiffres avec retenues et la multiplication des nombres à deux et trois chiffres. Ces résultats peuvent être interprétés comme une connaissance des notions de base en numération, impliquant des procédures simples. 67% des répondants pensent que le thème (j) – donner la signification des nombres, compter est facile (thèmes qui est la base de toute compréhension numérique) Cependant, une fois que les thèmes de maths deviennent plus complexes, notamment la soustraction avec retenue, la reconnaissance et la comparaison des fractions, les élèves-maîtres éprouvent plus de difficultés. Les difficultés peuvent s’expliquer par le faible niveau de connaissance des concepts des élèves-maîtres lors du concours d’entrée à l’EFI. Dans le tableau 4.4 les thèmes sont mis dans l’ordre par rapport au taux de répondants qui les ont trouvés facile ou difficile. Tous les thèmes, sauf la comparaison des fractions, sont traités par le CEB dans les deux premières étapes et en général, l’ordre dans le tableau suit celui dans lequel les thèmes sont introduits dans les programmes de l’éducation élémentaire. Les exceptions sont les thèmes non numériques.

62

En effet dans le CEB le programme de mathématiques est divisé en quatre parties – les activités géométriques, numériques, celles de mesure et de résolution des problèmes – Les 22% qui trouve le thème de l’estimation de la mesure inapproprié témoignent de la mauvaise connaissance du curriculum de l’élémentaire. Seul 5% ont marqué la résolution de problèmes comme inappropriée mais il faut remarquer que beaucoup la trouvent difficile. Bien que les élèves-maîtres soient conscients du lien entre l’apprentissage et la vie quotidienne des enfants, beaucoup n’ont pas démontré une aptitude à donner un contexte réel aux opérations mathématiques. Tableau 4.5 Apprendre a enseigné les valeurs positionnelles %

(b) Utiliser du matériel comme des paquets de bâtonnets ou des tas de cailloux pour enseigner la valeur numérique et l'idée de dizaines et d'unités.

38

(a) Expliquer que le '3' représente en réalité trois dizaines, ainsi, ce n'est pas la même chose que l'unité '3' : 30

(d) Expliquer que le 3 en 35 est en réalité 30, donc plus que 5 : 22

(c) Échanger les trois dizaines en unités pour montrer que le 3 vaut plus que le 5 10

Total 100

Pour comprendre les stratégies utilisées pour enseigner les valeurs positionnelles, il a été demandé aux répondants de choisir une stratégie pour montrer que le ‘3’ et le '5' dans le nombre ‘35’ ne valent pas la même chose que ‘3’ et ‘5’ séparément. Les résultats ont montré que les élèves-maîtres ont aussi des difficultés à traduire les concepts mathématiques en activités pratiques concernent la numération, si on a noté qu’en principe les élèves-maîtres comprennent bien l’importance de l’activité concrète, on est moins certain qu’ils puissent traduire ce principe en pratique. Ainsi, dans un des items du questionnaire qui s’intéressait à l’enseignement des valeurs positionnelles ; le taux le plus élevé des élèves-maîtres a choisi l’option où le maître aide l’enfant à comprendre le concept en utilisant un matériel concret, mais c’est seulement 38% et plus de la moitié ont préféré une explication orale. Ce résultat traduit la préférence des élèves-maîtres pour les activités concrètes. Tableau 4.6 Stratégies pour enseigner l'addition jusqu'au chiffre 9 Activité Utile Inutile

(d) Apprendre aux élèves à compter de 1 à 9, mettre des calculs au tableau et leur demander de trouver les réponses

80% 20%

(a) Leur enseigner à compter de 1 à 9 et leur montrer au tableau des exemples d'additions de chiffres qui font 9

77% 23%

(c) Grouper des nombres et réunir les groupes pour former un total de 9 74% 26%

(b) Utiliser un conte à problème (problème écrit ou oral) 33% 67%

Pour démontrer les stratégies pour enseigner l’addition jusqu’au chiffre 9, les élèves-maîtres ont recours à des stratégies « classiques » qu’ils ont peut-être appris durant leur propre éducation élémentaire. Pour enseigner l'addition jusqu'au chiffre 9, les plus importants taux de réponses d’élèves-maîtres est basé sur les calculs au tableau, ce qui signifie que la compréhension de la combinaison d’ensemble d’objets est sautée pour aller directement vers l’apprentissage des éléments symboliques de base de l’addition. Au contraire, ceux qui ont choisi l’option de grouper des nombres et réunir les groupes pour former un total de 9 ont compris qu’il faudrait, dans le processus d’apprentissage, que l‘enfant comprenne que l'addition est d’abord un processus de combinaison d’un ensemble d’objets. Cette réponse a été trouvée par 77% des répondants, ce qui traduit une connaissance des étapes du cheminement mathématique. Enfin, dans le tableau 4.7 on voit des stratégies que les élèves-maîtres considèrent utiles pour expliquer la soustraction 52-25. On pourrait dire qu’en général les élèves-maîtres savent que pour aider les enfants à comprendre la soustraction avec retenue, l’explication théorique combinée avec le matériel concret de démonstration sont les meilleures stratégies. Cependant une proportion considérable – à peu près un tiers – juge inutile les stratégies (c) et (e) qui utilisent le matériel.

63

Tableau 4.7 Stratégies pour aider les enfants à soustraire 52 de 25?

Quelques élèves-maîtres ont une connaissance du contexte à travers les stages pratiques et le micro enseignement. Dans les EFI, ceux qui suivent les stages pratiques sont imprégnés des réalités de terrains, mais le stage peut être assez court (surtout pour certains élèves-maîtres qui viennent en retard). Quelques rares élèves-maîtres ont affirmé durant les interviews qu’ils n’avaient pas eu la chance de suivre un stage pratique. Il arrive aussi que les pratiques ne soient pas toujours en relation avec la formation théorique reçue à l’EFI. Certaines EFI, du fait de leurs équipements, exposent mieux les élèves-maîtres au contexte. Une EFI dispose de salles de micro-enseignement et possède un équipement informatique qui permet aux élèves-maîtres d’être plus informés que les stagiaires des autres régions sur les réalités des écoles. C’est la seule école qui a l’infrastructure pour le micro-enseignement. Ainsi, les élèves-maîtres ont différentes expériences du contexte réel de la pratique de classe et de l’école. Il faut noter le décalage et le manque de coordination entre les enseignements théoriques et la pratique de classe. Les maîtres d’application ont un programme officiel à terminer et les élèves-maîtres sont obligés de s’adapter. Il faut noter que l’EFI recommande aux maîtres d’application de mettre l’accent sur les maths et le français lors du passage des stagiaires, mais cette consigne n’est pas toujours facile à respecter. En conclusion, la formation initiale en mathématiques a réussi à donner aux élèves-maîtres des connaissances de base. Presque tous ont une compréhension de l’enseignement des mathématiques basée sur le principe qu’il faut approcher par le concret. La formation leur a donné les moyens de planifier des leçons qui respectent le passage du concret vers la schématisation et ensuite vers l’abstrait. Mais les élèves-maîtres manquent d’expérience pratique et n’ont pas toujours l’opportunité d’y réfléchir, ce qui signifie qu’ils ont ou auront des difficultés à traduire leur compréhension et leur connaissance en pratiques pédagogiques. On peut dire que leur connaissance pédagogique du contenu des mathématiques est encore faible. Cette dernière doit être encore plus importante avec le CEB où la tâche de l’enseignant est de créer des situations d’apprentissage et d’intégration. La compréhension de l’approche par les compétences n’était pas évidente dans nos données. Cependant, l’existence du curriculum de base qui inclut les phases de préparation de la leçon semble rassurer certains formateurs : « Dans l’ensemble ils réussissent les exercices qu’on leur donne hein. Surtout avec le curriculum maintenant y a des leçons qui sont presque prêtes, il suffit juste de les prendre et de les adapter » (Interview, formateur EFI 1). On pourrait se demander s’il s’agit seulement d’adapter ce qui est inscrit dans le curriculum ou de bien de comprendre ses principes en d’en reconnaitre les stratégies et les mettre en pratique. Vignette 3 : Connaissance, compréhension et pratiques des élèves-maîtres en mathématiques

Connaissances Les élèves-maîtres ne connaissent pas bien les programmes en vigueur dans les écoles élémentaires surtout le CEB. Ils ne connaissent pas bien la géométrie Ils trouvent les thèmes non numériques difficiles à enseigner Compréhension Ils comprennent l’importance de l’entrée par le concret et l’importance de la schématisation pour approfondir l’apprentissage. Ils ne comprennent pas l’utilité de montrer les exemples résolus Pratiques Ils peuvent élaborer une fiche pédagogique adaptée pour le programme du décret 79-1165. Ils ne connaissent pas les méthodes leur permettant de traduire l’enseignement des concepts en activités pratiques et ils ont recours à de stratégies moins concrètes

Stratégie Utile Inutile

a) Expliquer qu’il est impossible de soustraire un nombre plus grand d’un nombre plus petit, donc on emprunte une dizaine pour avoir 12 et ainsi on peut en soustraire 5

74% 26%

(c) Utiliser des objets pour leur montrer comment convertir en dizaines et en unités et ensuite leur montrer la soustraction avec retenue

71% 29%

(e) Écrire la soustraction verticalement au tableau et faire la soustraction 68% 32%

(d) Mettre 52 objets en ligne et en enlever 25 63% 37%

(b) Expliquer en utilisant un exemple: Par exemple, 'si on n'en a pas assez pour soustraire, on peut emprunter 10 d’un ami et ainsi on peut faire la soustraction’

48% 52%

64

4.2 Les Enseignants Récemment Qualifiés (ERQ)

Les connaissances des ERQ viennent de la formation initiale, de la formation continue, de la pratique enseignante et surtout des directeurs et collègues.

A l’EFI on nous a appris comment élaborer une fiche de maths, c’est ça qu’on nous a appris à l’EFI. Mais la pratique je l’ai apprise ici. (ERQ région 1)

A l’EFI on nous a donné une démarche pour la leçon de mathématiques. Avec l’aide du Directeur je me suis amélioré un peu. (ERQ Région 3)

Oui j’ai discuté avec les collègues, ils m’ont conseillé de faire comme ça. Au début j’avais des problèmes, compter 1, 2, 3 etc., un collègue m’a dit de prendre les grands bâtonnets pour les dizaines et les petits bâtonnets pour les unités. Pour les coquillages aussi y a les gros et les petits, les cailloux également (ERQ, Région 2)

Les observations des ERQ ont permis d’appréhender le niveau de difficultés des ERQ à bien gérer le temps bien que la planification de la leçon occupe une place importante dans la formation initiale. En effet, certains maîtres ont essayé d’aller au-delà de la leçon du jour – par exemple la découverte de plusieurs nombres ou l’introduction à la découverte d’un nombre au niveau du CP avec toutes les quatre opérations arithmétiques (ERQ Region2). Par contre, dans d’autres leçons observées, l’enseignant n’a pas réussi à introduire les points planifiés. Le manque de temps obligeait souvent les enseignants à passer à l’étape suivante avant que les élèves ne comprennent la leçon en cours. En plus, certains ERQ avaient des difficultés à reconnaître si les élèves avaient compris ou non. Les observations n’ont pas permis de voir que les enseignants utilisaient l’évaluation formative pour diagnostiquer les difficultés des élèves et y remédier La majorité des ERQ pense que la formation initiale ne les prépare pas assez à enseigner les mathématiques. En effet, les élèves-maîtres reçoivent des connaissances dans les démarches à suivre pour conduire une leçon, mais pas assez de connaissances pour la mise en pratique de cette démarche. En plus, certains ont dit qu’ils trouvaient l’enseignement des maths très difficile. Cette situation a été amplifiée par les grèves répétées. « Je ne crois pas que j’ai reçu une formation à l’EFI qui puisse me permettre de faire cela. Je l’ai rencontrée sur le terrain. J’ai essayé de voir quelle était la meilleure manière de faire et je l’ai appliquée » (ERQ, Région 1). « Oui à l’EFI j’ai fait là-bas 6 mois mais on n’a pas appris grand-chose, les maîtres nous sortaient à 10h00. J’ai appris … mais …avec les grèves …. » (ERQ, Région 2).

Pour ma formation personnellement ça restait beaucoup, en mathématiques il y avait beaucoup de choses que je n’ai pas comprises. Quand je venais ici je n’étais pas dans le bain. D’abord comment élaborer une fiche normalement, les différentes étapes d’une leçon de maths, je ne maîtrise pas comme il faut. (ERQ, Région 4)

Quand je venais ici je n’étais pas dans le bain. D’abord comment élaborer une fiche normalement, les différentes étapes d’une leçon de maths, je ne maîtrise pas comme il faut. (ERQ, Région 1).

L’insuffisance des connaissances est due à la courte durée du stage pratique et celle de la formation initiale. La formation initiale en mathématiques ne tient pas toujours compte des besoins d’enseigner dans des classes ou étapes spécifiques. Quelques rares maîtres ont eu la chance de faire les différentes étapes afin d’être bien préparés à enseigner dans toutes les classes de l’élémentaire. La pratique enseignante s’acquiert surtout sur le terrain avec l’appui des directeurs, appelés « doyens ».

Ce n’est pas suffisant quand même : j’ai fait 6 à 7 mois à l’EFI, puis on faisait des pratiques et moi j’ai eu la chance de faire la 1ere étape, donc c’est la 1ere fois que j’ai une classe de 2eme étape. En tout cas ce que j’ai appris à l’EFI, il y a une grande différence. Souvent j’aborde les doyens pour des conseils. (ERQ, Région 3)

Personnellement je n’ai jamais observé une classe de première étape durant ma formation. (Enseignant Région 4)

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La formation initiale ne prépare pas les ERQ à enseigner dans toutes les étapes de l’élémentaire à cause du manque de temps pendant la formation théorique et cette situation est aggravée si l’élève-maître n’a pas eu la chance de faire ses stages dans des classes spécifiques. La plupart des enseignants se sentent à l’aise en général pour enseigner la numération (avec des difficultés à expliquer les retenues). Les observations ont également permis de savoir que les ERQ ont des difficultés à enseigner la géométrie, et la résolution des problèmes et ces difficultés sont accentuées par les barrières linguistiques. En effet les enfants en général ne comprennent pas la langue d’enseignement qui est le français. Les ERQ ont des difficultés à enseigner la résolution de problèmes qui se situent à deux niveaux : la première est due au fait qu’ils n’ont pas reçu de formation spécifique en résolution de problèmes, mais l’enseignement par les pairs leur ont permis de faire face à leurs difficultés. La difficulté s’explique aussi par le non maitrise des textes écrits en français. Les élèves ne comprenaient pas l’énoncé pour résoudre le problème posé. « La résolution me pose problème car je peine à expliquer clairement les solutions des problèmes » (ERQ Région 1).

Je ne l’ai pas appris à l’EFI mais c’est la cohabitation avec des collègues qui m’a aidé. A l’EFI on nous apprend que la présentation et l’écriture additive, on n’a pas appris la résolution de problème. Avant [j’écrivais l’énoncé] du problème au tableau les élèves comprenaient mais avaient du mal à le réécrire dans leur cahier. (ERQ, Région 1)

En maths, les élèves ont des difficultés à développer un raisonnement mathématique. Cette difficulté est accentuée par la difficulté de comprendre le libelle du problème qui est en français (ERQ, Région 4)

Un autre enseignant a résolu ce problème en utilisant des exemples concrets, le jeu, et en encourageant les élèves à utiliser leurs propres phrases pour comprendre l’énoncé du problème et le résoudre

Alors j’ai changé et j’ai commencé [proposer] des problèmes concrets où [les élèves] qui [formulent] l’énoncé, je les fais jouer et j’ai remarqué que de cette façon ils comprennent mieux car c’est leurs propres phrases et la plupart trouve [la réponse]. J’en ai parlé à un collègue et c’est lui qui m’a dit que la pédagogie d’aujourd’hui veut que l’élève participe, ce n’est pas au professeur de tout faire. (ERQ, Région 1)

L’utilisation d’une langue étrangère aux jeunes apprenants est un défi majeur pour l’acquisition de connaissances. Les élèves ont une double difficulté : comprendre l’énoncé du problème en français et comprendre le contenu de l’énoncé du problème ce qui en rend l’enseignement encore plus difficile. Certains enseignants ont compris que la pédagogie active permet de contourner certaines difficultés. Les entretiens et observations ont montré que la majorité des ERQ avaient des difficultés à enseigner la géométrie du fait du manque de matériel pour concrétiser les leçons et de l‘insuffisance de formation initiale spécifique à l’enseignement de la géométrie et de la mesure. Les ERQ n’ont pas une connaissance pédagogique du contenu en géométrie. Ils ne savent pas comment enseigner les concepts théoriques aux jeunes élèves.

En géométrie et en mesure… à l’EFI les cours étaient théoriques, pas de démarche typique pour la fiche. Je n’ai pas appris la démarche pour les petites classes pour ces différentes activités (ERQ, Région 1)

[Quel était votre problème ?]Décrire les figures quand on fait des rectangles ou des triangles, si tu utilises des côtés ou des angles du rectangle ou du carré. Quand vous dîtes tracez un carré, ils tracent un rectangle. (ERQ, Région 1)

[Pour le cercle quel était votre problème ?] Rayon, diamètre tout ça, je ne savais pas si on devait construire le cercle seulement et montrer aux élèves le centre sans pour autant tracer le diamètre etc. J’ai fait la leçon deux fois mais jusqu’à présent je ne la sens pas (ERQ, Région 1)

La plupart des ERQ ont trouvé l’enseignement de la géométrie difficile mais les chercheurs ont aussi observé une minorité qui avait de difficultés encore plus grandes du fait du manque de soutien du directeur. L’observation de classe d’une enseignante a montré une présentation confuse de la leçon et les élèves interrogés n’ont pas compris les points principaux de la leçon. Interviewée à la fin de la leçon, elle a affirmé

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qu’elle n’avait pas le temps d’assister aux séminaires de PREMST. Les difficultés des ERQ à enseigner la géométrie sont dues aussi à la confusion des différents programmes proposés : le décret 79 1165 et le nouveau curriculum (CEB). Les ERQ n’ont pas été assez bien formés pour appliquer le CEB

En géométrie et en mathématique. Si on pouvait nous faire un exemple de fiche sur le curriculum en activités numériques intégralement, on aura moins de problème. Mais franchement si on veut utiliser le curriculum et utiliser la fiche, moi j’ai des problèmes. Parce que tu ne sais même que tu dois enseigner l’ancienne méthode ou la nouvelle méthode (ERQ, Region1).

[Vous appliquez quel programme ?] Le curriculum mais aussi le programme qu’on faisait avant. Mais pour le curriculum on n’a pas assez de bagages pour appliquer le curriculum (ERQ, Region1).

La grande majorité des ERQ semble connaitre la démarche concrétisation-schématisation-symbolisation, mais dans la plupart des leçons observées, ils ont montré des difficultés à appliquer la théorie apprise durant la formation initiale et n’avaient pas des stratégies de remédiation pour mettre à niveau les élèves qui ne comprenaient pas la leçon. Par exemple dans une leçon de numération au CI, il était évident pour le chercheur que beaucoup des élèves n’avaient pas compris le concept de nombre et que l’enseignant ne les avait pas préparés dans les activités de pré- numération, mais selon l’enseignant : « C’est un problème qui peut se gérer au fil de la leçon, les élèves eux même rectifient les erreurs de leurs camarades » (ERQ, Région 1). Aussi la gestion des activités concrètes présente un défi aux ERQ : cela exige une bonne préparation qui était absente dans un nombre significatif des leçons observées. Il faut noter que dans les classes observées, les maîtres ont démontré une bonne connaissance du programme du cours préparatoire en activités numériques, en résolution de problèmes, et valeurs positionnelles :

[Et en mathématiques ?] Ici c’est la numération, normalement au CP on s’arrête au nombre 100. Comme par exemple aujourd’hui je vais faire la composition additive, la décomposition, la composition multiplicative et le partage aussi jusqu’au vendredi (ERQ, Région 4)

Je les présente en dizaine et en unité, les gros bâtonnets c’est les dizaines et les petits les unités. Sinon ça prend du temps pour compter, par exemple le chiffre 91 c’est 9 dizaines et 1 unité. Pour compter 1, 2, 3 jusqu’à 90 ça prend du temps et dès fois même ils [ne] peuvent pas garder tous les bâtonnets dans leur main (ERQ, Région 2)

Le tableau 4.8 ci-dessous résume les thèmes que les enseignants trouvent faciles, difficiles ou inappropriés pour leur niveau d’enseignement. Le choix « inapproprié » est intéressant. Il montre le niveau de connaissance que les ERQ ont sur les programmes en vigueur – le seul thème qu’une majorité des enseignants juge inapproprié est les fractions.

Tableau 4.8 Estimation de difficulté à enseigner des thèmes en mathématiques Facile Difficile Inapproprié

Donner la signification des nombres, compter 75 19 7

Comprendre les valeurs positionnelles (0 à 100) ex. unités, dizaines, centaines 70 15 15

Additionner des nombres à deux ou trois chiffres avec retenues 43 35 22

Soustraire des nombres à deux ou trois chiffres avec emprunt 40 38 22

Multiplier des nombres (2 chiffres et 3 chiffres) 35 32 33

Résoudre des problèmes écrits 31 54 15

Estimer et mesurer des distances, volumes `et poids 30 43 27

Reconnaître des fractions 29 16 54

Effectuer de divisions 25 64 11

Comparer des fractions 11 31 58

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Les ERQ trouvent plus faciles les thèmes de numération comme l’enseignement du comptage et des valeurs positionnelles. Ils ont trouvé plus facile d’enseigner la numération, mais ont des difficultés à expliquer les retenues, certains ont trouvé des solutions grâce à la pratique de terrain

Mes élèves peuvent compter jusqu'à 100, mais ont des difficultés avec les retenues. Ils ont tendance à oublier la retenue de la dizaine (ERQ, Région 4)

Je ne crois pas que j’ai reçu une formation à l’EFI qui puisse me permettre de faire cela. Je l’ai rencontrée sur le terrain. J’ai essayé de voir quelle était la meilleure manière de faire et je l’ai appliquée. Les élèves comptaient 90 bâtonnets, ils enlevaient 40 bâtonnets (ERQ, Région 1)

En ce qui concerne les connaissances sur le thème de la valeur positionnelle, il est noté une bonne connaissance du thème. Certains enseignants ont démontré qu’il faut s’appuyer sur le tableau de numération pour mieux faire ressortir les valeurs positionnelles des chiffres dans un nombre mais ne maîtrisent pas la délimitation de la classe des unités simples de celle des mille. Un autre enseignant observé sur l’apprentissage des valeurs positionnelles fait une confusion entre unité et dizaine dans le nombre 10

Je compte expliquer que la dizaine est un nombre composé de deux chiffres. Si j’ai 1, 2 jusqu’à 9 je vais leur dire que c’est une unité jusqu’à ce que j’arrive à 10 c’est une dizaine. Y a le 1 et le 0. 1 unité et 0 dizaine (ERQ Région 2)

La majorité des ERQ observés ont cité la résolution de problèmes parmi les difficultés. Cependant, un des maîtres observés dans un cours de résolution de problèmes a utilisé le problème comme support. Il a démontré ses connaissances des différentes étapes de résolution de problème : Lecture de l’énoncé par le maître et par quelques élèves, questions orales de compréhension du texte lu, schématisation et résolution. A l’instar des élèves-maîtres, les ERQ éprouvent les mêmes difficultés qui sont liées à l’enseignement des divisions, la résolution des problèmes, l’estimation des mesures et des poids. Comme les élèves-maîtres, les ERQ ont des difficultés quand les problèmes deviennent plus complexes. Certains enseignants expliquent ce faible niveau de connaissances par l’insuffisance de la pratique durant la formation initiale. « La formation qui est là-bas est une formation qui est bien mais qui ne permet pas de tenir tout de suite une classe puisqu’on n’a pas d’expérience. Sur le terrain vraiment y a à faire » (ERQ Région 2). Les chercheurs ont noté une faible connaissance du contenu pédagogique des ERQ, ce qui se traduit par des difficultés à articuler les différentes étapes de la leçon :

Pourquoi avoir vérifié la mémorisation de la table 6 étant donné que vous faites une leçon de géométrie ? « C’est d’une part pour introduire avec le calcul mental et d’autre part pour voir si les élèves l’ont bien mémorisé » ERQ, Région 2)

En général, on a noté une bonne connaissance des étapes pour l’introduction une leçon de maths : calcul mental, révision, et introduction de la leçon du jour. Presque tous (les 23 ERQ observés) savent introduire une leçon, cependant 3 d’entre eux n’ont pas fait le calcul mental. (Ils ont dit qu’ils n’avaient pas le temps). Certains enseignants ne savent pas exactement ce qu’ils doivent faire pour chaque leçon. Certains ignorent le programme de calcul mental alors que dans la réalité le CEB le prévoit. D’autres ne savent pas faire le lien entre les activités préparatoires et l’introduction de la leçon du jour (observations région 4). Un enseignant a présenté une leçon de calcul mental qui n’avait aucun lien avec la leçon du jour, ce qui traduit les difficultés à articuler les différentes parties de la leçon de manière cohérente. La formation à l‘EFI a donné aux ERQ une compréhension de la théorie tant qu’ils peuvent justifier certaines actions pédagogiques. Mais cette compréhension de la théorie n’est pas très profonde et tend à développer chez eux un automatisme. Ainsi, beaucoup des ERQ enseignent de manière mécanique. Ils ont appris une démarche et ils l’appliquent sans compréhension. Par exemple, l’enseignant sait que la leçon doit commencer par le calcul mental, donc on l’applique. C’est ainsi qu’un ERQ a proposé la mémorisation de la table 6 dans une leçon de géométrie, et a justifié sa démarche par le fait de vérifier que les élèves ont bien minorisé le calcul mental sans lien avec le cours du jour portant sur la géométrie. « C’est d’une part pour introduire avec le calcul mental et d’autre part pour voir si les élèves l’ont bien mémorisé » (ERQ Region1). Malgré ces difficultés à mettre en cohérence les étapes de la leçon de manière pratique, on peut noter en général une bonne maîtrise de démarche théorique de la leçon.

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Vignette 5 : Connaissance, compréhension et pratique des ERQ en mathématiques

Connaissances Les ERQ savent utiliser les expériences concrètes pour développer des concepts mathématiques, mais ont des difficultés quand il s’agit de thèmes mathématiques plus complexes comme la division, la résolution des problèmes et les fractions. Ils ne savent pas surmonter les problèmes d’une classe où le niveau de français est bas. Ils sont confus dans la formulation des fiches pédagogiques à cause de la non maitrise des différents programmes. Compréhension Ils comprennent l’importance de l’entrée par le concret et l’importance de la schématisation pour approfondir l’apprentissage, mais l’appliquent d’une manière mécanique Ils n’ont pas une bonne compréhension et une bonne connaissance du contenu pédagogique de la géométrie. Pratiques La majorité des ERQ à des difficultés à gérer le temps : plusieurs ERQ ne réussissent pas à compléter les activités planifiées La majorité des ERQ à des difficultés a bien gérer les activités de manipulation de matériel Ils trouvent les thèmes non numériques difficiles à enseigner surtout la géométrie

4.3 La Formation Continue

Les deux principaux programmes de formation continue en maths sont le curriculum de l’éducation de base (CEB) et le PREMST. La formation au CEB, organisé par le ministère, dure deux semaines et Il inclut les mathématiques et d’autres disciplines. Le PREMST, organisé par le ministère de l’éducation en collaboration avec la coopération Japonaise (JICA), se déroule dans les cellules d’animation pédagogiques (CAP) et a lieu pendant toute l’année scolaire. La formation continue en mathématiques que les enseignants observés et sondés ont suivies est diverse. En principe, tous les enseignants devraient participer aux cellules d’animation pédagogique et chaque circonscription organise ses sessions en fonction des besoins de ses enseignants ce qui contribue à la diversité des cellules d’animation pédagogiques. Mais comme nous avons déjà dit ci-dessus, les CAP ne sont pas un programme. Les mathématiques sont le focus de beaucoup des CAP organisés. Dans l’échantillon des maîtres qui ont répondu au questionnaire, 78 avaient suivi le programme PREMST, 26 la formation au curriculum d’éducation de base et 21 n’avait pas fait de formation continue. Le questionnaire mesure le nombre d’enseignants qui optent pour une réponse particulière. Ainsi, si la grande majorité d’enseignants d’une catégorie fait un choix différent des enseignants des autres catégories, on peut conclure que l’influence du programme est forte et générale. Mais il faut remarquer que ceci est rare dans les données. Très souvent les maîtres qui ont suivi un même programme ont sélectionné des réponses différentes. Surtout avec les « scénarios » où il s’agit de trouver une solution à un problème pédagogique, les résultats de la recherche ont montré une absence de modèle PREMST ou de modèle Curriculum qui se répète dans les données. Il est donc possible d’affirmer que les programmes ont exercé une forte influence sur certains enseignants et pas sur d’autres. Aussi, lorsque les réponses des maîtres s’accordaient, c’était souvent dans toutes les trois catégories. Par exemple dans le tableau 4.9 qui concerne la planification d’une leçon pour aider les enfants à comprendre le concept d’un nombre, les répondants devaient choisir une des stratégies données comme point central du plan. Les résultats montrent que 77% des enseignants qui ont fait la formation du curriculum présenteraient nombre égal d'objets, c’est un pourcentage plus élève que pour les deux autres catégories de maîtres qui suivi le PREMST ou qui n’ont suivi aucune formation. Il faut noter que toutes les trois catégories d’enseignants qui ont suivi des formations différentes ont choisi en majorité cette réponse. Les résultats montrent que c’est le choix le plus populaire.

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Tableau 4.9: Comparaison des stratégies pour planifier une leçon de mathématiques Aucun PREMST Curriculum

(a) Répéter une suite de nombres (par exemple, 1, 2, 3 etc.) dans le même ordre

0 0 8

(b) Présenter un nombre égal d'objets, par exemple, quatre oranges avec quatre tasses

67 65 77

(c) Écrire les nombres de 1 à 10, et demander aux enfants de répéter le comptage de 1 à 10

5 4 0

(d) Organiser les enfants afin qu'ils mettent les objets en deux tas pour voir lequel des deux tas a plus ou moins d'objets

29 31 15

S’il y a un modèle qui se répète, c’est que le taux d’enseignants qui ont fait une formation continue a la tendance d’être différent de celui des maîtres qui ne l’ont pas fait. Par exemple le graphique 4.1 montre le degré de difficulté à enseigner les fractions: il est clair que les enseignants n’ayant pas suivi une formation continue trouvent ces concepts plus faciles. Cependant, la majorité de ceux qui sont formés à la méthode PREMST ou en Curriculum les considèrent non appropriés – en effet la comparaison des fractions n’est abordée dans les programmes qu’après les deux premiers niveaux. Graphique 4.1 Difficulté à enseigner les fractions

Étant donné la petite taille des échantillons, les chercheurs n’ont eu recours aux données de l’enquête que dans les cas où les disparités étaient bien marquées. Ainsi, s’ils avaient sondé un échantillon beaucoup plus important, ils auraient pu appliquer des tests statistiques qui pourraient expliquer la plus petite différence par la fréquentation d’un programme de formation continue ou non. À ce titre, la confiance est un exemple. On a déjà remarqué que l’optimisme des élèves-maîtres baissait après qu’ils aient commencé leur service. Cependant le tableau 4.10 suggère que la perte de confiance n’est pas si forte parmi les maîtres qui ont suivi un programme de formation continue. Trois quarts restent plutôt confiants. On peut noter aussi que la formation continue, surtout en curriculum, semble renforcer la confiance dans les aptitudes à enseigner les mathématiques de la grande majorité. Tableau 4.10 Degré de confiance et niveau d’aptitude.

Degré de confiance Niveau d’aptitude

Elevé Bas Elevé Bas

Aucun 57 43 57 43

PREMST 74 26 68 32

Curriculum 77 23 88 12

La confiance qui provient de la formation continue est perçue aussi dans les données qualitatives. La formation continue est d’un grand apport pour la planification des leçons. On a déjà noté que beaucoup d’ERQ trouvent l'attention accordée à la préparation de fiches dans la formation initiale insuffisante. La formation au curriculum,

67

191418 14

68

38

15

46

0

20

40

60

80

Facile Difficile Non approprié

Reconnaître des fractions

Aucun PREMST Curriculum

29

48

24

6

26

68

15

31

54

0

20

40

60

80

Facile Difficile Non approprié

Comparer les fractions

Aucun PREMST Curriculum

70

accompagnée par les guides du programme d'études, donnent des leçons « toute faites » a l'enseignant, lui facilitant ainsi la tache de la préparation des fiches. Comme nous avons déjà vu, les ERQ trouvent cet appui particulièrement utile. Les participants du PREMST ont aussi fait mention de la planification des leçons. La séquence PDSI (plan - do - see - improve) est un pilier central de PREMST et met l’accent sur la planification. Ces outils permettent aux ERQ d’apprendre à préparer des fiche pédagogiques moins compliquées, et plus facile à utiliser

C’était très dur au début mais maintenant je trouve les nouvelles fiches meilleures, l’ancienne fiche c’était la fiche détaillée … Mais on a vu qu’avec ces nouvelles fiches on ne peut pas tout noter sur une fiche. (ERQ Region2)

Selon certains ERQ, les candidats aux examens professionnels sont plus réguliers pour les cellules d’animation pédagogiques. Ils tiennent les séances un samedi par mois mais beaucoup de maîtres s’absentent. Les cellules internes ont lieu le mardi ou le jeudi, une fois par mois. Dans les endroits où le PREMST se déroule, il prend la place des cellules générales. Ainsi, chaque mois une séance externe se déroule pour les enseignants de plusieurs écoles et une séance interne pour les enseignants d’une même école. Les directeurs d’école et les inspecteurs sont des formateurs et ils ont été formés pour conduire les sessions internes et pour appuyer les maîtres. Dans les écoles où les chercheurs ont observé des CAP, les directeurs exécutent cette fonction d’une manière sérieuse. Les ERQ les plus confiants et les plus efficaces dans les leçons, ainsi que ceux qui prétendent faire du progrès sont ceux qui ont l’appui du directeur de l’école. Ainsi, un maître fait remarquer : « Il [le directeur] nous aide à tout moment, il exigeait que tu fasses ta fiche la veille et que tu lui présentes ça qu’il corrige et rectifie si tu as des problèmes et au besoin il t’explique comment tu dois faire. » (ERQ Region2). La formation des directeurs par le programme PREMST, introduite en 2009-2010, et le rôle qu’ils doivent jouer dans l’école semblent renforcer l’efficacité de l’appui des collègues et surtout du directeur. Si le mode d’organisation du PREMST semble être un avantage pour certains enseignants, les données quantitatives ont montré que la fréquentation est très variable: certains enseignants ont participé à tous les dix modules, tandis que d'autres n’ont suivi qu’un seul module. Cependant nos données renforcent la conclusion de l’évaluation du PREMST13 que le taux de fréquentation est beaucoup plus élevé pour les cellules d’animation pédagogique qui sont associées au PREMST que pour les cellules normales. Il semble que la cohérence de l'organisation, l’efficacité et le suivi à l'école grâce à la participation des directeurs ont encouragé une meilleure participation. Il faut noter que la combinaison de ces facteurs met la pression sur les autres enseignants. Ainsi, le programme comporte des difficultés pour d’autres enseignants. Per exemple, une enseignante a mis en contraste les programmes où les séances sont toutes externes avec le PREMST qui se déroule dans son établissement. Elle pense que le fait que la formation se passe « à l’école même » a un aspect très positif. Cependant, l’insuffisance du temps de formation est la critique la plus importante d’une collègue de la même région. Mais pour d’autres, l’intensité du programme est un élément négatif. « Le PREMST nous prend tout notre temps, je préfère la prestation dans les CAP » (ERQ, région 4).

En plus de la perte de temps qui est un facteur démotivant pour la participation aux séances du PREMST, la réflexivité a été identifiée comme un facteur d’inquiétude pour le maître qui peut se sentir moins confiant à cause des critiques des collègues lors des sessions de réflexion. « Je n’aime pas la critique publique où tu vois une prestation et chacun essaie de voir les failles de la prestation et d’apporter des corrections » (ERQ Région 3). Le PREMST ainsi que la formation au curriculum d’éducation de base visent la transformation de la compréhension pédagogie ; mais en observant les enseignants et les interviewant, il est évident que pour eux, ce sont les pratiques préconisées qui sont les plus importantes. Le travail en groupes demeure un des aspects positifs du PREMST les plus évoqués et observés. Ceux qui ont suivi les formations du PREMST sont très favorables à l’organisation de la classe en groupes de travail et estiment que la relation horizontale permet de faire mieux passer la leçon. Chaque fois que nous avons observé l’utilisation efficace des sous-groupes, le maître a attribué sa connaissance de la pratique au PREMST.

13 Evaluation du Projet pour le renforcement de l’enseignement des mathématiques, des sciences et de la technologie au Sénégal (PREMST), Mars 2010

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Je l’ai apprise au séminaire et je vois qu’avec ce type d’organisation on travaillait en groupes et on choisit les meilleures productions, de plus les élèves comprennent mieux quand ils travaillent en groupes parce que ce qui ont mieux compris peuvent expliquer aux autres (ERQ, Région 4)

Les ERQ ont connu cette forme d’organisation de la classe durant leur formation initiale mais le PREMST leur a montré comment l’intégrer dans la leçon et comment gérer la supervision. Ils ont la notion du travail dirigé par les élèves eux-mêmes mais supervisé par le maître. « C’est la même que je viens d’appliquer en travaillant par étape, par groupe et de faire travailler les élèves, et l’enseignant supervise le travail dirigé par les élèves» (ERQ, Région 4). La formation à l’utilisation des ressources locales dans un environnement d’écoles rurales où les enseignants sont confrontés au manque de matériel, a été jugée comme un aspect positif du PREMST.

Le PREMST a eu des impacts positifs. Avant le PREMST, on utilisait la démarche traditionnelle avec l’équerre et le rapporteur. Maintenant, nous avons juste le compas et la règle. Le PREMST a augmenté nos connaissances et rehaussé le niveau des enseignants en maths, SVT et technologie. (ERQ, Région 4)

La géométrie, que les élèves-maîtres et beaucoup d’ERQ ont trouvée difficile, devient donc plus facile à enseigner. Aussi les séances du PREMST facilitent la collecte de ressources et la fabrication de matériels qui permettent de conduire des activités concrètes plus facile à gérer. « La formation continue joue un rôle important elle permet de mieux faire la pratique de classe. Le PREMST nous aide beaucoup en maths et le matériel est adéquat surtout avec l’utilisation des ressources locales » (ERQ. Région 4). La formation continue a donc permis aux enseignants de faire une distinction entre le concept de mesure, où l’élève doit beaucoup manipuler – point central du PREMST et du CEB – et la notion de système métrique où l’accent est mis sur des conversions d’unités. Dans la région 4, nous avons observé une bonne leçon où un ERQ a fait comprendre à ses élèves que 10 fois le pot de 1 litre donnera 1 décalitre. En outre, elle a vérifié le résultat en manipulant avec les élèves. Aussi bien dans le PREMST que dans le Curriculum, l’évaluation est très importante et se fait d’une manière non traditionnelle. Les deux programmes insistent sur l’évaluation formative, qui se fait pendant que et pour que les élèves travaillent. Ils mettent l’accent aussi sur l’évaluation authentique, qui a lieu dans la situation d’apprentissage ou d’intégration. Mais durant les observations de classe, les chercheurs n’ont pas noté ce genre d’évaluation: Seul un enseignant a mentionné l’amélioration de l’évaluation comme issue du PREMST et aucun de ceux qui ont reçu la formation CEB ne l’a mentionné. La non mise en pratique de cette approche de l’évaluation pourrait être liée au manque de compréhension des principes de base qui sous-tendent la formation. Les résultats de la recherche montrent que les enseignants acquièrent la connaissance du contenu pédagogique de trois sources principales : la formation initiale et le PREMST, le CEB et en travaillant avec les écoles, le contact avec les collègues. Ce résultat est démontré par un item du questionnaire qui demandait dans quelle situation les répondants ont acquis leur meilleure compréhension de l’enseignement des mathématiques. Ceci révèle que pour les participants des deux programmes c’est seulement 19% qui l’ont acquis de la formation continue. En effet, ils semblent développer leur compréhension de l’enseignement des mathématiques à partir d'une variété de situations. L’un des maîtres questionné sur la démarche de la leçon observée a dit il l’a appris pendant la formation initiale « … mais c’est dans les cellules [que] j’ai perfectionné l’enseignement des maths avec le PREMST » (ERQ Region2). Il considère la formation PREMST comme continuation de ce qu’il a appris à l’EFI ; l’emploi du mot « perfectionné » suggère encore une fois que ce sont ses pratiques qui ont changé plutôt que sa compréhension. Tableau 4.11: Source de la compréhension de l’enseignement des mathématiques Formation

Initiale Formation Continue

Contact avec collègues

Travail à l’école Autre

PREMST 35 19 18 26 3

Curriculum 12 19 31 35 4

Dans l'ensemble, il faut se demander dans quelle mesure les enseignants, qui ont fait la formation continue, ont vraiment compris ce qu'on leur a enseigné. Bien que des aspects de ce qui était préconisé par les programmes soient évidents dans les leçons de la plupart des enseignants observés, quand ils ont été interviewés, ils ne

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semblaient pas comprendre les principes qui soutiennent les différentes approches. Les connaissances qu’ils semblent avoir apprises pendant ces cours étaient des procédés utiles plutôt qu’une méthodologie cohérente. En plus, ils ne semblent pas voir les pratiques et les approches des programmes comme très différentes de ce qu'ils avaient déjà apprises dans les EFI ou de ce qu’ils avaient faites eux même à l’école en tant qu’élève. Quand on a demandé à une enseignante qui venait de donner une leçon qu’elle a considéré inspirée par le PREMST, s’il y avait une différence entre cette leçon et celle qu’elle aurait donnée s’il elle n’avait pas de formation continue. Elle a dit :

Traditionnel, PREMST, ce sont les démarches qui changent……Y a beaucoup de changement c’est les mêmes finalités, y a que les démarches qui changent. Thèmes, sous thèmes, justification... à part ça, y a rien de nouveau. Maintenant il faut justifier pourquoi tu apprends ça à l’élève ? (ERQ Region2)

Un autre maître en parlant de la différence après avoir participé au PREMST a dit : [il] y a une différence assez significative, mais pas très grande surtout sur le principe de superviser et laisser les élèves diriger ; la seule différence est dans l’enseignement par groupe. (ERQ, Région 4)

En conclusion, nous n’avons pas pu identifier de modèle PREMST ou de modèle Curriculum qui se répète dans les données. La plupart des enseignants pensent que les deux programmes les aident à enseigner et ils les ont bien accueillis avec un accent particulier pour le PREMST. Ils ont appris des pratiques utiles pour l’enseignement des mathématiques. Mais seul un petit nombre des participants s’est bien approprié les idées fondamentales des programmes. Un enseignant de la région 4 a suggéré que « les enseignants qui ont eu le bac scientifique comprennent plus vite les modules de maths et sciences du PREMST » C’est un avis intéressant qui offre une explication pour l’influence inégale du programme. En sommaire le programme du curriculum semble avoir eu un effet positif mais limité sur l’enseignement des mathématiques. Le PREMST aussi a changé les pratiques de beaucoup de participants mais son efficacité dépend de la motivation des enseignants et leur assiduité à assister aux séances, de la motivation et de l’appui que le directeur leur offre et aussi de leur niveau éducatif qui leur permet de comprendre les concepts mathématiques et pédagogiques.

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Chapitre 5 Coûts, rentabilité et efficacité de la formation

6.1 Introduction

L’analyse des coûts dans le cadre d’une étude sur la préparation des enseignants vise deux objectifs essentiels : l’analyse des ratios formateur-élève maitres en relation avec les coûts par élève maitre d’une part, ainsi que les implications pour l'amélioration de l'efficacité de la formation initiale d’autre part:. Quelle est la taille de la classe qui permettrait d'optimiser la rentabilité de la préparation d'un enseignant du primaire en mathématiques ou en lecture ? L’analyse des effectifs est importante, parce que la présence d’un certain nombre d’élèves maitres dans une classe influe sur les possibilités de les engager dans les activités d’apprentissage pratique dans les EFI et aussi sur les ressources qui lui sont associés. La promotion du travail de groupe et du soutien pédagogique pour améliorer l'expérience professionnelle d'apprentissage des élèves maitres nécessite des effectifs relativement petits et des ressources pédagogiques adéquats. L’analyse des coûts et de la rentabilité examine la relation entre la taille de la classe, le ratio formateur /élève maitre, les heures d'enseignement par semaine et le coût par élève maitre. L’état de la collecte de données ne permet pas de faire des affirmations catégoriques au sujet de la rentabilité – chercheurs devraient collecter des données plus complexes. Néanmoins l'analyse présentée ici soulève des questions qui pourraient permettre de démarrer une discussion entre les décideurs politiques.

6.2 Suppositions14

Cette analyse porte sur les éléments de la formation à l’EFI qui sont spécifiques à la didactique de la lecture et des mathématiques. Cette analyse doit aussi prendre en compte les questions soulevées dans les chapitres précédents sur l'équilibre entre l’enseignement de la didactique et celui du contenu de la discipline. Le coût par élève maitre (Ct) peut être représenté comme une fonction entre le salaire moyen des formateurs et les ratios formateur-élève maitre (TTR). En général, dans le cadre de l’analyse cout efficience, les économistes suggèrent de minimiser le AvTs et de maximiser TTR de manière à maintenir la qualité de la formation. Mais cela dépendra du programme de formation en mathématiques et en lecture délivré aux élèves maitres, qui en retour, dépendra aussi des coûts salariaux par élève maitre et de manière dont ces couts se traduisent en termes d’horaires d’enseignement des formateurs et d’heures supplémentaires. Ainsi, par exemple, un formateur peut enseigner à un groupe de 100 élèves maitres pour maximiser la rentabilité, mais cela se traduirait par des contraintes sur les ressources et une « intensité de l’activité d'apprentissage pratique ». Ce modèle serait réalisé au détriment de l’efficacité, qui exige beaucoup plus de pratiques avec des coûts stables. La question clé sur la rentabilité et l'efficacité est de savoir si il est possible de réduire le coût salariaux des formateurs par élève maitre et d’augmenter les ratios formateur/élève maitre sans diminuer le nombre d’heures d’enseignement des élèves maitres et la qualité, et d'intensifier la pratique. Il est important d’aborder cette problème et d'autres questions connexes à cause des implications pour la restructuration du programme de lecture et de mathématiques, à cause des ressources nécessaires, et du nombre de formateurs qui serait nécessaires pour optimiser l’effectif des classes. Les coûts récurrents de l'enseignement par élève maitre augmenteront avec le salaire moyen des formateurs et diminueront avec un accroissement des ratios formateur / élève maitre. Les principaux éléments de coût peuvent être séparés en coûts récurrents salariaux et non-salariaux, et en coûts fixes et coûts variables. Coûts salariaux récurrents sont dus au personnel enseignant et au personnel de soutien (Lewin, 1999). Dans notre analyse, nous avons supposé que les salaires des non-enseignants dans les EFI sont petits par rapport aux salaires des formateurs. Nous avons également exclu le coût du capital, du matériel des fournitures, et d'autres coûts tels que la maintenance, les réparations etc.

6.3 Les questions de la rentabilité et d’efficacité de la formation des enseignants au Sénégal

Le calcul du coût des salaires des professeurs des EFI au Sénégal est rendu complexe par le fait qu'ils ne sont pas spécifiquement des formateurs. Ils sont plutôt des inspecteurs et conseillers pédagogiques qui ont été

14 Le méthode d’analyse des coûts et de la rentabilité est basé sur celui de Lewin (1999) pour le projet MUSTER (Voir http://www.dfid.gov.uk/r4d/SearchResearchDatabase.asp?OutPutId=174008 )

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détachés pour mener la formation pendant les périodes où les EFI sont en session ; en outre, ils perçoivent une prime pour leurs efforts de formation. Or, ces coûts représentent des coûts d'opportunité - car ils travaillent en tant que formateurs, ils ne peuvent pas s’occuper de leurs autres tâches de supervision en tant qu’inspecteurs. Ils reçoivent leur salaire annuel ( de 5,4 millions CFA). Cependant, si les cours de formation excédent 24 heures en une semaine, ce qui signifie qu'ils enseignent plus de quatre groupes d’élèves maitres, qui est le cas dans tous les EFI, ils ont droit aux heures supplémentaires, payées au taux de 1916 FCFA par heure. Par conséquent, le coût total annuel des heures supplémentaires de chaque formateur, s'élève à environ 900.000 francs CFA, payés à la fin de l'année scolaire. Le coût est encore gonflé par le fait que le travail des formateurs est considéré comme un emploi à plein temps, et ils ne retournent pas à leurs autres tâches au niveau de l’IDEN durant les vacances. Par rapport à leurs collègues qui ne sont pas impliqués dans la formation des enseignants, leur temps de travail est considérablement réduit et en outre ils gagnent de l'argent supplémentaire. Certains inspecteurs interviewés ont convenu que le modèle n'est pas rentable. Pour mieux rentabiliser l’emploi des formateurs, on pourrait reconnaître que les heures supplémentaires où ils travaillent pendant les mois où l’EFI est en session sont plus que compensées par le temps où l’EFI n’est pas en session. Ainsi les paiements des heures supplémentaires ne seraient pas nécessaires. Une autre façon de réduire le paiement des heures supplémentaires serait d'impliquer davantage d'inspecteurs et de conseillers pédagogiques dans le travail de l’EFI mais de s’attendre de ce que tous les formateurs retournent à leurs devoirs à l’IDEN durant les périodes où les EFI ne sont pas en session. Cela permettrait une plus grande complicité entre collègues et un soutien mutuel pour les formateurs, mais il leur donnerait moins d’occasion de se spécialiser et de développer leur expertise dans la formation des enseignants. La charge d'enseignement est une indication de l'effort des formateurs qui tient compte des effectifs des classes et du nombre d'heures enseignées. Du fait de l’existence d’un seul formateur pour chaque matière dans chaque EFI, la charge d’enseignement est égale au nombre de groupes enseignés par le formateur. Le tableau 5.1 montre qu'il y a un écart considérable entre les différents EFI au niveau de la charge d'enseignement des formateurs. Le formateur à l’EFI 4 doit enseigner plus de groupes et la taille des classes est aussi plus élevée. Si on recrutait un autre formateur la charge d’enseignement sera à peu près égale à celle de l’EFI 2 et one pourrait réduire la taille des classes et /ou le nombre de classes. Puisque tous les groupes suivent des cours parallèles, on pourrait augmenter la rentabilité en augmentant les effectifs. Cependant, cette ligne de conduite n'est pas conseillée pour des motifs éducatifs; les effectifs sont déjà assez grands et la pédagogie active est plus difficile à faire dans les classes pléthoriques. A cela s’ajoute des problèmes pratiques concernant la disponibilité des grandes salles dans les EFI en général. Table 5.1: Indicateurs et variables de rentabilité en 4 EFI

EFI Effectif de l’EFI

Nombre de formateurs

Ratio formateur / élève maitre

(TTR) français et mathématiques

Salaire moyen des formateurs (incl. heures supplé-

mentaires)

Taille moyenne

des classes

Heures d’enseignement

pour élèves maîtres par

semaine

Charge d’enseigne-

ment

EFI 1 273 1 273 6.3 m CFA 40 10 7

EFI2 187 1 187 6.3 m CFA) 32 10 6

EFI 3 365 1 365 6.3 m CFA) 45 10 8

EFI 4 650 1 650 6.3 m CFA 54 10 12

Si les ratios formateur-élèves maitres sont réduits, cela permettrait à plus de formateurs d’enseigner la didactique des disciplines, par conséquent, les coûts récurrents d'enseignement par élève maitres augmenteront, en considérant que le salaire moyen des formateurs soit maintenu (Ceci est basé sur le calcul du

coût par élève maitre : CS =

, voir annexe 1). Les avantages d’une réduction des effectifs des classes et

d’une augmentation du nombre des formateurs qui enseignent la didactique de la lecture ou des mathématiques pourrait poser d’autres problèmes. En effet, si l’effectif est réduit sans pour autant que le nombre de formateurs augmente, les charges d'enseignement augmenteront et cela pourrait réduire l'efficacité de l'apprentissage. Mais

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si le nombre de formateurs recrutés augmente, cela pourrait réduire le ratio formateur / élève maitre TTR et augmenter le coût par élève maitre. Il est important de souligner que pour la formation initiale, les ratios élevés doivent être considérés comme inadaptés pour un programme qui exige que les élèves maitres s'engagent dans des activités d'apprentissage comme l'exploration du curriculum ou la réflexion approfondie sur les expériences dans les écoles d’application. De telles activités amélioreront considérablement l'expérience et l’efficacité de la formation. Les observations dans les différentes EFI ont mis en évidence des salles de classes pléthoriques qui rendent difficiles la conduite de certaines activités.. Bien que cette démarche garantisse de faibles coûts par élève maitre, elle est peu susceptible de produire les pratiques pédagogiques riches et diversifiées dont l'apprentissage actif est l'objet. Les systèmes de formation devraient éviter les situations où les coûts sont élevés mais les charges d'enseignement pour les formateurs et les heures d'enseignement pour les élèves faibles. L'analyse montre que certains EFI peuvent fournir des heures enseignement en fonction des tailles de classe, mais il est possible pour d’autre d'y parvenir à moindre coût en raison de charges d'enseignement plus importantes. La taille de la classe et la charge d'enseignement devraient être les facteurs critiques. Pour prendre une décision sur la façon d'améliorer les expériences d'apprentissage dans l’EFI, bien que la réduction des ratios puisse augmenter les coûts par élève maitre, cela doit aussi être évalué en termes de potentiel d'amélioration de la qualité et de l'efficacité de l'apprentissage à enseigner. Cette analyse s'est concentrée sur les coûts de la formation dans l’EFI. Cependant Lewin et Stuart (2002) soutiennent qu’en Afrique en général la partie la plus coûteuse de la formation des enseignants est le stage pratique. Dans tous les pays du projet FICEA sauf le Sénégal, les écoles de formation sont résidentielles, donc pour des raisons de rentabilité – les élèves maitres demeurent à la maison pendant le stage – le stage principal est à la fin de la formation. L’analyse du projet dans les 5 autres pays concernés par le projet a montré que la division de la formation théorique de la formation pratique n'est pas propice à une formation efficace des enseignants. Or, l’alternance des stages et des cours d’EFI est un point fort de la formation au Senegal, mais nos données suggèrent que la formation initiale n’en gagne pas autant en terme d’efficacité, parce que les formateurs ne supervisent pas les stages pratiques et que le ratio école d’application par d’élèves maitres est assez élevé. Pour améliorer le stage il faudrait augmenter le nombre des écoles d’application et demander aux formateurs de maintenir le contact effectif avec les élèves maitres pendant les stages. En tenant compte de l’organisation actuelle du personnel de formation, cela impliquerait une augmentation des fonds pour la formation. Mais une réorganisation des horaires et des tâches des formateurs pourraient assurer une formation de meilleure qualité en minimisant les coûts. Cette réorganisation doit être fait dans une manière à ce que :

la taille de la classe soit appropriée à la pédagogie active qu’exige une formation efficace ;

les charges d'enseignement des formateurs soient optimales ;

les bienfaits de l’alternance des stages et des cours dans l’EFI soient maximisés en laissant du temps aux formateurs de visiter les écoles d’application, de débriefer les stages pratiques et de les inclure dans les travaux pratiques de la formation initiale ;

la charge de travail et le salaire des formateurs soient égaux aux inspecteurs d’IDEN.

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Chapitre 6 : Conclusions et recommandations

6.1 Conclusions

Les principaux résultats de la recherche sur la préparation des enseignants en lecture et en mathématiques et la pratique enseignante montrent que les enseignants ne sont pas assez bien préparés pour enseigner à l’élémentaire. Cette faiblesse de la préparation est due au mode de recrutement et à la courte durée de la formation initiale. En effet, le recrutement des élèves-maîtres par voie de concours et quota sécuritaire (recrutement à partir du cabinet ministériel) a été décrié par les principaux acteurs du système. En outre, la formation initiale déjà de courte durée, est encore plus réduite pour les élèves-maîtres du quota sécuritaire qui n’arrivent pas au début du cours (souvent 1 a 3 mois après le démarrage). La majorité des maîtres en exercice interviewés pensent que la durée de leur formation ne dépassait pas 6 mois. Le décalage du début de la formation constitue une perturbation pour tous les élèves-maîtres et ces difficultés sont aggravées pour les stagiaires qui arrivent tard, car les formateurs continuent leurs cours et certains se rattrapent en recopiant les cours des premiers arrivés. Cette situation crée une incohérence et des écarts dans le niveau de connaissances des élèves-maîtres d’une même promotion. La gestion d’une classe avec un groupe d’élèves-maîtres de différents niveaux académiques rend difficile la formation (niveau variant de la 10e année d’étude à la licence ou maitrise de l’université). Les stages pratiques qui devaient exposer les élèves-maîtres à la pratique enseignante ne répondent pas effectivement au besoin et ne préparent pas assez les élèves-maîtres à enseigner. En effet, les résultats des enquêtes ont montré que ces stages ne répondaient pas toujours aux besoins pratiques tels que la bonne connaissance de toutes les étapes de l’élémentaire. En principe, comme les futurs maîtres sont appelés à enseigner à toutes les étapes de l’élémentaire, ces stages devraient leur fournir une connaissance globale de l’école élémentaire. Le manque de coordination des stages empêche certains élèves-maîtres d’assister et d’observer les classes du niveau pour lequel ils vont enseigner. Les chercheurs ont aussi rencontré des élèves-maîtres dont les stages n’incluaient pas l’observation des leçons de lecture ou de maths. L’alternance de la théorie et de la pratique dans la formation est en principe un point fort parce qu’elle permet aux élèves-maîtres d’être en contact avec les réalités des classes de l’élémentaire dès le premier mois de la formation initiale, mais les avantages de ce modèle ne sont pas pleinement exploitées parce que les parties théoriques et pratiques sont séparées et ne sont pas articulées : les formateurs ne peuvent pas suivre les stagiaires dans les écoles et les élèves-maîtres n’ont pas beaucoup d’opportunités de s’engager dans des sessions de débriefing à l'EFI sur les questions résultant du stage. Aussi la qualité de l'enseignement dans les stages n'est pas toujours celle espérée et l'approche des maîtres d’application est parfois en contradiction avec ce qui se fait dans les EFI. L’analyse des manuels scolaires et les interviews de différents responsables de l’éducation ont montré que le Sénégal a opté pour l’approche par les compétences comme base du CEB. En choisissant cette approche, le gouvernement sénégalais n’a pas choisi une option facile. Cette approche exige beaucoup de la part des enseignants et requiert des professionnels bien formés qui peuvent comprendre les concepts théoriques qui la soutiennent. Étant donné ces exigences, on se demande si le système actuel de formation avec une formation initiale de courte durée, le faible niveau académique de quelques-uns des volontaires recrutés et le manque d’articulation entre la formation initiale et la formation continue permet de combler les lacunes des futurs enseignants.

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Les interviews auprès des formateurs et des élèves-maîtres ont montré que les futurs maîtres ne sont pas encore bien imprégnés du CEB qui en principe sera le nouveau curriculum pour l’ensemble de l’enseignement élémentaire. Lors de la formation initiale, les élèves-maîtres ne sont pas exposés au contenu du curriculum et en outre, ils ne sont pas initiés aux principes de l’approche par compétences. Les principaux résultats de la présente recherche ont montré qu’aussi bien les ERQ que les élèves-maîtres n’en comprennent pas les principes de base ; ils les considèrent comme de bonnes idées qui doivent se greffer sur leur pratique actuelle plutôt qu’une approche intégrée qui exige une planification et des méthodes différentes. Les résultats de la recherche ont clarifié que les formateurs n’ont pas rendu compte de la nécessité d’avoir une approche tout à fait différente pour bien mettre en pratique le CEB. Bien que les Sénégal ait opté pour une politique de promotion des langues nationales tous les supports pédagogiques des élèves-maîtres et des élèves de l’élémentaire sont en français et presque tous les élèves-maîtres s’attendent à enseigner en français. Les observations des leçons ont montré que presque tous les maîtres ont eu recours aux langues nationales, mais il y a une différence entre ceux qui l’utilisent pour passer d’une étape de la leçon à l’autre et ceux qui l’utilisent pour expliquer un concept ou une notion. Les uns enseignent le français comme si les élèves ont déjà acquis la langue française et la connaissent; les autres enseignent le français en tenant compte du fait que c’est une langue étrangère et que le vocabulaire doit être appris. La question de la langue est problématique. La notion de la « Gestion d'une classe bilingue » est importante, mais le guide de formation initiale des volontaires approche cette compétence comme s’il s’agissait de l'enseignement des enfants dans les langues nationales. Pourtant, le CEB, ainsi que l’ancien programme du 79-1165, sont basés sur le français. En outre, le Sénégal a opté pour la politique qui fait du français la langue d’enseignement. Pour gérer une classe bilingue un enseignant a donc besoin d’une appréciation réaliste des stratégies pour enseigner le programme aux élèves dont le niveau de français est négligeable. C’est un problème particulièrement aigu pour l’enseignement de la lecture où on attend que les élèves apprennent à lire des mots et des phrases qu’ils n’ont jamais entendus et dont ils ne connaissent pas le sens. Si la formation mettait l’accent en pratique sur la gestion d’une classe bilingue il est probable que moins d’élèves dans leurs futures écoles se trouveraient parmi ceux qui assistent aux cours sans comprendre le discours oral ou écrit de la classe. Les résultats des épreuves, dont le plus récent est L’EGRA (Pouezevara et al. 2010), suggèrent qu’ils sont nombreux, même majoritaires. La capacité de certains formateurs à anticiper sur la bonne préparation des futurs maîtres est aussi un point fort de la formation initiale. En effet, bien que des écarts existent entre le Guide, les programmes scolaires et les manuels scolaires, certains formateurs arrivent à combler cet écart en intégrant le curriculum de l’éducation de base dans le déroulement des cours à l’EFI et à cadrer leurs cours par rapports aux besoins des manuels scolaires. Le guide de formation initiale des volontaires de l’éducation étant plus un « Guide » qu’un « manuel », il est sous-entendu que les formateurs mettent en pratique les programmes scolaires à travers leurs plans de formation afin de bien préparer les élèves-maîtres à enseigner. Par conséquent, le profil des maîtres sortants dépendra de chaque EFI. En effet bien que le Guide soit unique, chaque EFI aura un programme spécifique qui dépendra de la capacité du formateur. Cependant cette force est limitée par le manque d’assiduité de certains formateurs et l’insuffisance des formateurs Un des points faibles du Guide de formation initiale des volontaires, est qu’il ne met pas l’accent sur le développement de compétences pratiques pour l’enseignement de la lecture et des mathématiques. Il n’y a pas de lien explicite entre le programme de formation de l’EFI et le curriculum. Il n’existe pas de liens explicites entre les manuels scolaires et le programme de l’EFI. Même s’il existe des liens implicites qui se traduisent par la mise en œuvre du curriculum de base dans les leçons de certains formateurs, l’inconvénient dans une telle situation, c’est qu’il n’y a pas de programme harmonisé et partagé pour l’ensemble des formateurs. Dans un système national d’enseignement où les évaluations sont les mêmes pour tous les élèves, il est à craindre que le manque de standards nationaux puisse avoir un impact négatif sur les enseignements. Les interviews, observation et le questionnaire ont montré que les élèves-maîtres n’avaient pas assez de compétence pour enseigner à lire avec compréhension. Au début de ce rapport, nous avons noté les six compétences nécessaires pour une bonne initiation à la lecture : Il est possible en principe d'établir ces compétences chez les élèves de l’école élémentaire en utilisant la méthode mixte à l'entrée globale que la formation initiale préconise. Mais en pratique la présente recherche met

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en évidence le fait que la plupart les élèves-maîtres ainsi que les ERQ ne comprennent pas l’importance de ces compétences à l’exception la conscience phonémique et la conscience phonétique. De toute façon les enseignants n’ont pas accordé beaucoup d’importance aux autres compétences ni dans les interviews ni dans les leçons observées. La méthode mixte à l'entrée globale est apprise comme une procédure à suivre plutôt qu'un moyen d'établir les compétences chez les élèves. Le résultat est que les répondants, enseignants et élèves-maîtres, ont montré une mauvaise compréhension de la façon dont les différentes étapes de la méthode peuvent être combinées pour permettre aux élèves d'acquérir toute la gamme des compétences nécessaires. Ces résultats confirment ceux de N’Namdi (2005 p. 27) qui constate que « le but de l’enseignement de la phonétique, comme d’autres techniques de décodage, est d’offrir des moyens additionnels pour améliorer la capacité de l’apprenant de saisir le sens de ce qu’il lit ». Bien que les formateurs aient insisté sur ce point pendant les interviews, cette compréhension était absente chez presque tous les élèves-maîtres et les ERQ interrogés et observés. Le focus sur la lecture comme déchiffrage des sons sans référence au sens du texte est un cercle vicieux : les élèves n’apprennent pas à associer la lecture au sens mais il leur est possible qu’ils trouvent de bonnes réponses de sorte que le cours continue avec un succès apparent sans qu’ils comprennent effectivement. La position de la lecture comme compétence fondamentale n’est pas reconnue par la formation. Pour les élèves du primaire, apprendre à lire est l’acquis le plus significatif de la scolarisation. Il faut donc accorder à la formation en lecture une place beaucoup plus importante dans les programmes et les emplois du temps des EFI. La formation ne semble pas avoir réussi à sensibiliser les élèves-maîtres à l’évaluation diagnostique et formative. La recherche a montré l’importance de ces types d’évaluation l’une pour savoir si les élèves ont compris pendant le déroulement de la leçon et l’autre pour remédier aux incompréhensions (OCDE/CERI 2008 ; Black and Wiliam 1998; Torrance and Pryor, 1998). Nous avons remarqué que cette évaluation est absente dans les classes des ERQ ; les chercheurs ont noté qu’en général, même quand une grande partie des élèves ne comprenait pas un point important de la leçon, le maître les abandonnait et continuait. Les ERQ observés n’ont pas mis en pratique l’évaluation formative pour corriger ; c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles de prendre la bonne réponse d’un élève qui s’est déjà montré capable de la trouver comme évidence suffisante pour poursuivre la démarche de la leçon planifiée. Comme nous avons déjà fait remarquer, ce type de pratique explique les résultats très faibles aux épreuves et aux études telles que celle d’EGRA (2010). L’intégration de l’évaluation diagnostique et formative dans la praxis pédagogique des enseignants peut interrompre l’application mécanique des procédures fixes qui rend l’enseignement sans sens pour beaucoup d’élèves. L’évaluation doit devenir un focus très important pour la formation en lecture, en mathématiques et aussi dans les autres matières. La recherche internationale sur la formation des enseignants de mathématiques à l’élémentaire suggère que les connaissances en mathématiques des enseignants, leur connaissance des procédures mathématiques et la façon dont les maths sont représentées dans l’enseignement exercent une grande influence sur l’apprentissage des mathématiques (Fennema & Franke, 1992). Il semble aussi que l’efficacité des maîtres débutants à enseigner les mathématiques à l’école varie en fonction de leur degré d’exposition au curriculum et aux manuels scolaires ainsi que de compréhension du matériel lié au curriculum (Ma, 1999). Les élèves-maîtres entament leur formation avec un bagage de connaissances et de compréhension mathématiques acquis lors de leur propre scolarisation. La recherche sur les connaissances des maîtres de mathématiques à l’élémentaire et leur impact sur l’enseignement suggère que « lorsqu’un enseignant possède une compréhension conceptuelle des mathématiques, cela influence l’instruction en salle de classe de façon positive » (Fennema & Franke, 1992 : – traduit de la page 151). Les observations, interviews et focus groups ont permis de comprendre que beaucoup d’ERQ avaient des difficultés dans des thèmes exigeant un niveau de conceptualisation. La formation a insisté sur l’importance de la concrétisation et nous avons vu des ERQ essayer de faire participer et d’impliquer activement les élèves dans leurs apprentissages. Mais ils ont trouvé difficile la gestion des activités pratiques, et les consignes données aux élèves n’étaient pas toujours assez claires pour lier la manipulation à l’apprentissage du concept cible. Nous avons eu l’impression que souvent l’engagement des élèves était superficiel. C’est l’activité pour l’activité – une sorte de magie plutôt qu’un contexte où on peut résoudre les problèmes et qui est lié à une compréhension conceptuelle. Les observations de classe confirment ces résultats. En effet, dans les classes où les ERQ ont présenté des leçons, la construction personnelle de connaissances n’était pas la préoccupation.

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La base théorique de ces activités pratiques est essentiellement l’apprentissage centrée sur l’apprenant, qui met l’accent sur la construction personnelle des connaissances mathématiques par l’apprenant (Kuh & Ball, 1986). C’est un modèle d’enseignement qui s’insère dans une vision de résolution de problème ou constructiviste de l’apprentissage des mathématiques (Thompson, 1992), ou une méthode d’enseignement guidée par le contenu afin de mettre l’accent sur la compréhension des concepts (Kuh & Ball, 1986). En effet c’est la méthode que préconise l’approche par compétences du CEB. On a donné l’exemple d’une leçon observée où l’ERQ a suivi les pratiques prescrites par le guide du CEB et a construit une situation d’apprentissage liée à la vie quotidienne des enfants, mais c’était un rare exemple. Le nouveau curriculum offre la possibilité de confronter les défis de l’enseignement superficiel en mathématiques, mais avec le niveau académique actuel des enseignants, la question qu’on peut se poser est de savoir si la formation permet aux futurs enseignants de comprendre les principes qui le guident.

Nos conclusions sur les des programmes de formation continue sont assez décevantes. Si le FICEA avait eu plus de ressources et surtout plus de temps à consacrer à la recherche sur les différents programmes nous aurions pu faire une description plus complète. Mais les données telles que collectées n’indiquent pas une grande influence sur les connaissances, la compréhension et les pratiques des enseignants qui les ont suivis. Le programme du curriculum semble avoir eu un effet positif mais limité et le PREMST aussi a changé les pratiques de beaucoup de participants. Il faut noter aussi que quelques ERQ ont mentionné que c’était le PREMST qui leur a appris la gestion du travail en groupes, méthode utilisée aussi dans les leçons de lecture. Les chercheurs ont trouvé que son efficacité dépendait de la motivation des enseignants et de leur empressement à assister aux séances, de la motivation et de l’appui que le directeur offre aux enseignants qu’il supervise. Le modèle PREMST qui déroule un programme cohérent qui s’appuie sur les cellules d’animation pédagogiques semble bon. Le démarrage et la généralisation du curriculum est un processus long et compliqué. Il est évident que la formation telle que présentée actuellement ne suffit pas. Une série cohérente de modules qui pouvait servir comme suivi à l’initiation au curriculum pourraient peut-être faciliter le processus. Ils peuvent peut-être influencer les pratiques et les connaissances et, finalement la compréhension des enseignants. Comme le PREMST ces modules pourraient être enseignés dans le cadre des cellules d’animation pédagogique.

6.2 Constats et Recommandations

Les principaux résultats de la recherche et les contraintes qui limitent la bonne préparation des enseignants nous ont conduits à proposer sept catégories de recommandations : les recommandations basées sur les difficultés des EFI, celles basées sur les stages pratiques et leur articulation au programme théorique, celles liées au contenu du programme de formation initiale, les contrainte liées à l’enseignement de la lecture et celui des mathématiques, et celles liées aux innovations dans la formation continue.

Écoles de formation des instituteurs

Les chercheurs ont observé différentes infrastructures d’EFI, allant des écoles construites et équipées par la coopération bilatérale à des écoles où l’administration est distante de 5km du site de l’école qui est sans eau ni électricité. Tous ces facteurs peuvent avoir un impact négatif sur la qualité et le confort dans les études. Le retard dans l’inscription de certains élèves-maîtres ne permet pas d’avoir une cohorte homogène. Ainsi, les IDEN qui reçoivent un groupe de nouveaux maîtres, sortant d’une même formation et ayant des niveaux de connaissances différents, ont demandé la suppression du quota sécuritaire, ce que le Ministre de l’éducation a lui-même accepté. En outre, la durée de la formation a été jugée trop courte aussi bien par les élèves, les formateurs que les IDEN. En plus, le temps réservé au thème de l’évaluation formative et diagnostique dans la formation des enseignants a été jugé trop court. Il est recommandé d’investir dans les équipements et les infrastructures d’accueil des EFI pour mettre les élèves-maîtres et les formateurs dans de bonnes conditions qui facilitent la transmission et l’acquisition du savoir, de fixer un délai dans les inscriptions et d’allonger la dure de la formation à 12 mois au moins. En plus, il

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faut augmenter le temps réservé au thème de l’évaluation formative et diagnostique dans la formation des enseignants. Bien que tous les formateurs soient des inspecteurs ayant de longues expériences du système, aucun n’a reçu une formation spéciale dans les deux disciplines que sont les maths et la lecture. Il est recommandé de former davantage les formateurs en math et lecture ou de recruter des formateurs ayant une spécialité de la discipline enseignée. Une réorganisation du volume horaire et des tâches des formateurs est recommandée , cela permettrait d’assurer une formation de meilleure qualité tout en minimisant les coûts. Cette réorganisation devrait être fait dans une telle manière que :

la taille de la classe soit appropriée à des activités actives qu’exige une formation efficace ;

les charges d'enseignement des formateurs soient optimales ;

les bienfaits de l’alternance des stages et des cours dans l’EFI soient maximisés en laissant du temps aux formateurs de visiter les écoles d’application ;

et la charge de travail et le salaire des formateurs soient égaux aux inspecteurs qui assurent les tâches de supervision dans les IDEN.

Les stages pratiques

La formation pratique a été jugée insuffisante par les élèves-maîtres, la plupart n’ont pas eu la chance d’observer toutes les étapes de l’élémentaire et d’être exposé à toutes les disciplines que le futur maître va enseigner. En plus, les connaissances théoriques reçues à l’EFI ne sont pas articulées aux stages pratiques. Il est suggéré d’augmenter les stages pratiques et trouver les moyens de donner aux élevés-maîtres plus d’occasions d’enseigner (par exemple en envoyant moins d’élèves-maîtres par classe d’application). Pour une meilleure articulation entre la formation théorique et les stages pratiques, il faudrait donner aux stagiaires des devoirs à faire dans les écoles d’application, c'est-à-dire qu’ils doivent rassembler des exemples de bonnes pratiques, répertorier les difficultés ou leurs questions sur l’enseignement qu’ils peuvent discuter avec les formateurs. L’analyse et la critique des pratiques observées dans les écoles d’application pourraient être l’aspect central de la formation à l’EFI qui rendrait et la formation théorique et la formation pratique plus pertinentes. La systématisation des rencontres de coordination entre formateurs EFI et maîtres d’application pourrait faciliter ce processus ainsi quel’organisation de groupe discussions réflexives basées sur des observations de leçons ou des vidéos de salles de classe. Il est recommandé de mieux contrôler la qualité de l’enseignement dans les écoles d’application. Il faut identifier les écoles et les maîtres où l’enseignement n’est pas en adéquation avec la pratique recommandée et les remplacer.

Le contenu du programme de formation initiale

Le Guide, dans sa structure actuelle, n’inclut pas les CEB. Le Guide doit être révisé pour offrir plus d’appui et de ressources aux formateurs et pour l’harmoniser avec le CEB. En outre, le CEB n’est pas pris en compte dans la formation initiale et les élèves-maîtres ne sont pas évalués sur ces modules lors des examens de sortie. Nous recommandons de concevoir un manuel de l’EFI unique et harmonisé qui montre la démarche de la leçon convenant à l’approche par compétences à tous les niveaux et prépare mieux les élèves-maîtres à articuler les différentes étapes de la leçon. Il doit aussi inclure des fiches du formateur. Il est recommandé d'inclure le CEB dans la formation initiale et de lui accorder une place centrale.

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Relations entre formation initiale et continue

La plupart des acteurs de l’éducation interviewés dans les 4 régions ciblées ont reconnu une insuffisance des relations entre formation initiale et continue: Les formations continues ne ciblent pas de manière spécifique les sortants des EFI. Les formations continues ciblent plus les candidats aux examens professionnels que les sortants de la formation initiale qui ont des besoins spécifiques. Les programmes nationaux sont standardisés et ne se déroulent pas en fonction des besoins particuliers des enseignants. En général, les acteurs ont noté une insuffisance de communication entre la formation continue et la formation initiale. La formation continue est assurée par les inspecteurs, il a été noté un manque de temps et une insuffisance du nombre d’inspecteurs qui suivent plus les enseignants candidats aux examens professionnels, ce qui constitue une limite de la formation continue. Il est recommandé de spécialiser certains inspecteurs uniquement pour la formation et de les rendre disponibles en fonction des besoins. En ce qui concerne la formation continue sur le CEB, la plupart des enseignants reçoivent des « informations » plutôt qu’une formation étant donné la courte durée de la formation par rapport au programme et au grand nombre d’enseignants en exercice dans ces sessions de formations. Les IDEN pensent utiliser les CAP et les directeurs comme relais afin de continuer à suivre les enseignants dans leurs classes. Il est alors recommandé de mieux organiser ces sessions de formation sur le CEB vu son importance dans le système éducatif ou de mieux les intégrer comme initialement recommandé dans la formation initiale. Une série cohérente de modules enseignés dans le cadre des cellules pédagogiques pourraient servir comme suivi à l’initiation au curriculum.

La méthode d’enseignement de la lecture

La lecture est le pilier de l’apprentissage mais son importance n’est pas reconnue pas la formation initiale. Ce résultat est confirmé par le faible temps consacré à la lecture en tant que discipline et le manque de formation spécifique en lecture des formateurs. Le temps réservé à la didactique de la lecture dans la formation initiale devrait être renforcé et des spécialistes en lecture formés. L’approche de l’enseignement de la lecture préconisée par le CEB et la SARENA sont en accord avec la recherche internationale. Le but de la lecture est de saisir le sens et pour atteindre cet objectif, l’enseignement de la lecture doit inclure toutes les compétences nécessaires pour une bonne initiation à la lecture. Cependant, aussi bien les élèves-maîtres que les enseignants observés ne maitrisent pas cette compétence. Il est recommandé de renforcer ces programmes de formation continue afin de former une masse critique d’enseignants pour un changement de pratique. Pour la formation initiale il est recommandé que tout élève-maître reçoive des exemplaires du guide pédagogique du CEB et que les cours en didactique de la lecture incluent l’étude des leçons préconisées par le guide. L’importance de toutes les stratégies de lecture et surtout celles qui concerne la compréhension doit être soulignée et renforcée.

La méthode d’enseignement des mathématiques

Il faut souligner la bonne compréhension de la concrétisation en mathématiques pour la résolution de problèmes et les mesures pour les enseignants et les élèves-maîtres. Cependant, il faut noter les difficultés à mettre en pratique la concrétisation. Les programmes de formation continue en maths (CEB et PREMST) mettent l’accent sur ces concepts. Une meilleure articulation entre la formation théorique et les stages pratiques ainsi que l’étude intensive du curriculum permettraient une bonne application du concept.

La mise en cohérence des innovations et l’augmentation du nombre de maîtres formés

Le système éducatif intègre une multiplicité d’innovations qui ne sont pas généralisées. Très souvent les enseignants en exercice s’en plaignent. En plus, ces innovations ne touchent pas tous les enseignants ou le taux d’enseignants formés est tellement faible que ces formations continues ne contribuent pas à changer les pratiques enseignantes (à l’image de la stratégie de lecture SARENA qui est jugée bonne mais n’a pas touché

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une masse suffisamment critique pour engendrer un changement de pratique en lecture). Il est recommandé une meilleure coordination et plus de cohérence de toutes ces innovations.

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Annexe 1: Méthode d’analyse des couts et de la rentabilité 15

Ratio formateur / élève maitre = TTR = =

Nt = effectif des élève maitres dans l’EFI et NT = nombre de formateurs Donc NT = TTR x Nt Le coût salarial par élève maitre pour le personnel enseignant (Cs) est représenté par

Coût par élève maitre = Cs = =

= la somme de tous les salaires des formateurs qui enseignent le français ou les mathématiques

Donc Cs =

Si est approximativement égale à la moyenne de tous les formateurs enseignants en français (lecture) ou en mathématiques (AvTs) x NT

Cs =

=

Note:

TTR is calculated when we know the number of tutors teaching the subject and the number of trainees he/she is teaching

Recurrent teaching costs per trainee will rise with average tutors’ salaries and fall as the TTR increases

If is minimized and TTR maximized in ways consistent with maintaining quality, the economic concern with cost efficiency would be satisfied. However, this will depend on what is delivered to trainees in the TTC mathematics or English (reading) curriculum which will not only depend on salary costs per trainee, but would need to be translated into tutors contact hours with trainees (teaching reading or mathematics), and the work which surrounds these contact hours

What is delivered in terms of taught time (taught hours per week or periods per week) for a particular cost, is a function of the number of trainees per tutor (TTR), the amount of teaching associated with the teaching posts and the average teaching group size.

The formula for teaching load is

• TTR est calculé quand on sait le nombre de formateurs qui enseigne la matière et le nombre de élève maitres, qu’ils enseignent. • Les coûts récurrents d'enseignement par élève maitre augmenteront à mesure des salaires moyens des formateurs réduiront à mesure que le TTR augmente • La somme d’heures d'enseignement par semaine pour un coût particulier sont une fonction du nombre d’élèves maitres par formateur (TTR), l’horaire attendu de chaque formateur et la taille moyenne de la classe. • La formule de la charge d'enseignement est

15 Source: Lewin K (1999) Counting the Cost of Teacher Education: Cost and Quality Issues – MUSTER Discussion Paper, University of Sussex, Brighton.

Nombre de formateurs x TTR Taille moyenne de la classe

La somme des salaries des formateurs x TTR Nt