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11 TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse Pour analyser les effets directs mais aussi indi- rects de la réforme de la PAC de 2003 (voir dans l’encadré les modalités de la réforme), une approche en trois grands points a été mise en place. Après avoir étudié les conséquences prévisibles de la PAC dans les différents secteurs agrico- les (bibliographie), une simulation des effets économiques des nouvelles conditions de sou- tien a été menée sur les exploitations porcines françaises. Ce travail s’est basé sur une typo- logie réalisée par l’IFIP en 2003 et actualisée pour l’occasion (voir Techniporc N° 6-2004 et N°6-2007). Les données économiques utilisées sont celles du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA). Cette première approche plus théorique a été complétée par des enquêtes régionales, auprès d’éleveurs de porcs et d’experts locaux, pour appréhender les potentiels change- ments dans le fonctionnement et l’évolution des exploitations porcines. Finalement, une réflexion a été menée en col- laboration avec des représentants des Offices (ONIGC, Office de l’Élevage), de l’INRA, d’Uni- grains et des Instituts Techniques, pour faire le point sur la situation des différentes filiè- res, les enjeux auxquels elles font face et les déterminants de leur évolution. Ce travail a débouché sur des scénarios prospectifs à l’ho- rizon de 10 ans, soit l’application d’une nou- velle réforme de la PAC. Conséquences sur les revenus des exploitations avec porcs L’étude des résultats économiques des exploi- tations se fait au travers du résultat courant, du montant total des aides (1 er et 2 nd pilier, aides régionales…) ainsi que du montant découplé de celles-ci (paiement unique). La part des soutiens dans le résultat permet d’évaluer la dépendance des structures vis-à- vis de la PAC. L’importance des aides décou- plées dans le total des aides perçues donne une indication du degré de liberté dont dis- pose l’exploitant pour modifier l’orientation de son exploitation, l’obtention des fonds n’étant plus liée à un atelier spécifique. La situation moyenne des différents types d’exploitations porcines avant l’application de la réforme (2000-2005) est comparée à une simulation à l’horizon 2007 ; le traite- La production porcine et la réforme de la PAC Effets sur les systèmes de production en France et les marchés L a réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) de 2003 prend place dans un contexte d’extension de l’Union européenne à de nouveaux États agrico- les, de négociations internationales (OMC), de mondialisation des échanges et de fragilité des marchés. Elle représente un tournant dans la politique agricole par la mise en place d’un découplage des aides à la production et de leur conditionnalité. La réforme de l’Organisation Commune de Marché (OCM) du lait et des produits laitiers ainsi que l’adaptation des aides dans le secteur céréalier ont un impact sur ces domaines. Les agriculteurs auront plus de libertés pour maintenir, arrêter ou développer les dif- férentes productions de leurs systèmes d’exploitation. Cet article estime les effets directs et indirects de la réforme de la PAC sur la production porcine française, au travers : • de l’impact économique de la réforme sur les systèmes d’exploitation avec porcs, • des changements induits par la réforme sur le fonctionnement des exploitations, • des réflexions prospectives sur l’évolution des systèmes de production et des marchés, et les enjeux pour la filière. Résumé Les exploitations porcines spécialisées sont peu concernées par la réforme compte tenu du poids réduit des aides directes dans leurs revenus. Les exploitations avec bovins lait et porcs recevront une aide découplée qui leur ouvre des possibilités d’ajustement des systèmes de production. Le maintien d’un couplage des aides pour les exploitations bovins viande et porcs limitera leurs réorientations. Des enquêtes montrent un certain attentisme des agriculteurs. Dans les systèmes laitiers, un changement pourrait intervenir à la reprise de l’exploitation. Au sein de fermes avec vaches allaitantes, seule une forte diminution des aides permettrait un développement du porc. Trois scénarios d’orientation des politiques agricoles («libéralisation», «consommation locale» et «promotion des biens publics») fournissent un éclairage des prospectives sur le marché des viandes et sur la production porcine. Au-delà de la PAC, l’évolution de la production porcine sera affectée par les questions de démographie et de transmission, de main-d’œuvre et de foncier. Estelle ILARI Hervé MAROUBY Cette étude a bénéficié de finan- cements de l’Office de l’Elevage, d’INAPORC et du Ministère de l’Agriculture (CASDAR).

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RésuméL’arti

11 TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse

Pour analyser les effets directs mais aussi indi-rects de la réforme de la PAC de 2003 (voir dans l’encadré les modalités de la réforme), une approche en trois grands points a été mise en place. Après avoir étudié les conséquences prévisibles de la PAC dans les différents secteurs agrico-les (bibliographie), une simulation des effets

économiques des nouvelles conditions de sou-tien a été menée sur les exploitations porcines françaises. Ce travail s’est basé sur une typo-

logie réalisée par l’IFIP en 2003 et actualisée pour l’occasion (voir Techniporc N° 6-2004 et N°6-2007). Les données économiques utilisées sont celles du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA). Cette première approche plus théorique a été complétée par des enquêtes régionales, auprès d’éleveurs de porcs et d’experts locaux, pour appréhender les potentiels change-

ments dans le fonctionnement et l’évolution

des exploitations porcines.Finalement, une réflexion a été menée en col-laboration avec des représentants des Offices (ONIGC, Office de l’Élevage), de l’INRA, d’Uni-grains et des Instituts Techniques, pour faire

le point sur la situation des différentes filiè-

res, les enjeux auxquels elles font face et les

déterminants de leur évolution. Ce travail a débouché sur des scénarios prospectifs à l’ho-

rizon de 10 ans, soit l’application d’une nou-velle réforme de la PAC.

Conséquences sur les revenus des exploitations avec porcs

L’étude des résultats économiques des exploi-tations se fait au travers du résultat courant, du montant total des aides (1er et 2nd pilier, aides régionales…) ainsi que du montant découplé de celles-ci (paiement unique). La part des soutiens dans le résultat permet d’évaluer la dépendance des structures vis-à-vis de la PAC. L’importance des aides décou-plées dans le total des aides perçues donne une indication du degré de liberté dont dis-

pose l’exploitant pour modifier l’orientation

de son exploitation, l’obtention des fonds n’étant plus liée à un atelier spécifique.

La situation moyenne des différents types d’exploitations porcines avant l’application de la réforme (2000-2005) est comparée à une simulation à l’horizon 2007 ; le traite-

La production porcine et la réforme de la PAC

Effets sur les systèmes de production en France et les marchés

La réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) de 2003 prend place dans un contexte d’extension de l’Union européenne à de nouveaux États agrico-

les, de négociations internationales (OMC), de mondialisation des échanges et de fragilité des marchés. Elle représente un tournant dans la politique agricole par la mise en place d’un découplage des aides à la production et de leur conditionnalité. La réforme de l’Organisation Commune de Marché (OCM) du lait et des produits laitiers ainsi que l’adaptation des aides dans le secteur céréalier ont un impact sur ces domaines. Les agriculteurs auront plus de libertés pour maintenir, arrêter ou développer les dif-férentes productions de leurs systèmes d’exploitation. Cet article estime les effets directs et indirects de la réforme de la PAC sur la production porcine française, au travers :• de l’impact économique de la réforme sur les systèmes d’exploitation avec porcs,• des changements induits par la réforme sur le fonctionnement des exploitations,• des réflexions prospectives sur l’évolution des systèmes de production et des marchés, et les enjeux pour la filière.

RésuméLes exploitations porcines spécialisées sont peu concernées par la réforme compte tenu du poids réduit des aides directes dans leurs revenus. Les exploitations avec bovins lait et porcs recevront une aide découplée qui leur ouvre des possibilités d’ajustement des systèmes de production. Le maintien d’un couplage des aides pour les exploitations bovins viande et porcs limitera leurs réorientations. Des enquêtes montrent un certain attentisme des agriculteurs. Dans les systèmes laitiers, un changement pourrait intervenir à la reprise de l’exploitation. Au sein de fermes avec vaches allaitantes, seule une forte diminution des aides permettrait un développement du porc.Trois scénarios d’orientation des politiques agricoles («libéralisation», «consommation locale» et «promotion des biens publics») fournissent un éclairage des prospectives sur le marché des viandes et sur la production porcine.Au-delà de la PAC, l’évolution de la production porcine sera affectée par les questions de démographie et de transmission, de main-d’œuvre et de foncier.

Estelle ILARI Hervé MAROUBY

Cette étude a bénéficié de finan-cements de l’Office de l’Elevage, d’INAPORC et du Ministère de l’Agriculture (CASDAR).

12 Synthèse TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP

ment a été effectué par le labo-ratoire LERECO de l’INRA (Vincent Chatellier).

Avant l’entrée en application de la réforme, les exploitations avec un atelier porcin naisseur-

engraisseur, spécialisées ou en association avec des bovins lait, sont celles qui dégagent les résultats courants les plus éle-vés en moyenne (Tableau 1). Les exploitations céréales et porcs perçoivent le plus de subventions avec un peu plus de 30 000 €, les exploitations associant bovins et

porcs venant juste derrière avec environ 25 000 € d’aides directes. Les structures les plus sensibles aux aides sont celles des types céréales et porcs et les petites structures avec bovins viande, car l’importance des aides équi-vaut voire dépasse leur résultat courant.En 2007, selon la simulation à structures constantes, le montant des aides évolue peu, hors pré-lèvements liés à la modulation (Tableau 2). Seule exception, les associations bovins lait et porc

bénéficient de l’aide directe lai-

tière (ADL), soit une hausse de 15 à 20 % des soutiens.Le paiement découplé est de 16 300 € en moyenne, soit 60 % du montant total des aides PAC.Les exploitations porcines spéciali-

sées, percevant des aides au titre

des cultures, sont peu concernées par la réforme. En effet, le paiement unique représentant moins de 3 % de la production agricole, les straté-gies de ces exploitations resteront influencées par le prix du porc, le

prix des intrants, la recherche de

performances techniques, l’op-

timisation du coût du travail ou

encore les taux d’intérêts… Ces éléments joueront certes un rôle pour les exploitations des systèmes mixtes mais elles seront aussi économiquement sensibles aux soutiens publics à l’agricul-ture et au mode d’allocation du paiement unique. La réforme de la PAC ne modifie pas l’intérêt de poursuivre ou d’abandonner la production porcine, car celle-ci ne bénéficie pas de paiements directs. Un découplage partiel, tel que choisi par la France, peut

cependant influer sur l’évolution des systèmes d’exploitation. - Les systèmes céréaliers ont une proportion importante de décou-plage (60 % en moyenne, soit 18 100 €) sans effet cependant sur le développement du porc ; une reconversion éventuelle se porte-rait plutôt sur une nouvelle utilisa-tion des sols.- Les systèmes laitiers ont le plus d’opportunités de développer leur atelier porcin, avec l’ADL décou-plée à 100 % à partir de 2006 soit des aides totales d’environ 30 000 €, découplé à plus de 70 %. - A l’inverse, ce ne sera pas le cas dans les exploitations avec vaches allaitantes, en raison du fort taux de recouplage des aides (seules 33 % d’aides découplées).L’hypothèse d’un découplage inté-gral des aides directes laisserait une plus grande liberté à tous les systèmes de se réorienter. Le mon-tant moyen du paiement unique atteindrait 21 800 €, soit 80 % des aides totales. Les petites structures avec bovins viande auraient dans ce cas une marge de manœuvre plus élevée (70 % d’aides décou-

La réforme de la PAC : rappels

La réforme de la PAC applicable de 2005 à 2013 a les objectifs suivants:• Adapter les mesures de soutien pour assurer leur acceptabilité vis-à-vis des règles de l’OMC,• Mieux prendre en compte les attentes du consommateur et de la société, en terme de sécurité sanitaire, d’environnement,• Faciliter l’intégration des nouveaux membres,• Redonner un rôle directeur au marché dans les choix de production des agriculteurs.

La réforme regroupe des aides directes dans un paiement unique alloué de manière indépendante des productions : c’est le découplage. La valeur du paiement unique est déterminée par une référence historique : la moyenne des aides versées au cours de la période 2000-2002.

La France a choisi d’établir la valeur des droits à paiement unique (DPU) en divisant le montant des aides aux grandes cultures et primes animales perçues par chaque exploitation par le nombre d’hectares ayant donné droit à aides.

• La France a maintenu couplée 25 % de l’aide liée aux surfaces de Céréales-Oléagineux-Protéagineux, 100 % de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, 100 % de la prime à l’abattage des veaux et 40 % des primes à l’abattage

de gros bovins.

• La réforme modifie l’OCM du lait et des produits laitiers : baisse des prix institutionnels du beurre et de la poudre com-pensée par le versement d’une aide directe laitière (ADL) et prorogation du régime des quotas laitiers jusqu’à la campagne 2014-2015, avec une augmentation des volumes de 1,5 % dans 11 pays de l’UE sur 3 ans.

• Les modifications sont plus réduites pour l’OCM céréales : baisse de moitié des majorations mensuelles payées à l’interven-tion. Les protéagineux bénéficient d’une aide supplémentaire de 55,57 €/hectare. Le colza, et les autres cultures destinées à la production d’énergie, reçoivent une prime de 45 €/ha.Les dépenses au titre des aides du 1er pilier de la PAC sont limitées par un plafond défini pour la période 2006-2013 par les pers-pectives financières de l’UE. Ce plafond doit couvrir les dépenses liées à l’application de la PAC en Roumanie et en Bulgarie. Les aides directes versées dans chaque Etat de l’UE à 15 sont contingentées dans le cadre d’enveloppes nationales.

13 TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse

plées), mais peut-être insuffisante pour entreprendre des change-ments qui nécessitent souvent des investissements importants.

Pilotage des exploitations avec porcs : conséquences et perspectives

Les premiers effets

de la réforme

Dans cinq régions de France (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie, Auvergne et Midi-Pyrénées), 26 enquêtes ont été menées au sein d’exploitations porcines aux profils variés. Elles ont été complétées par des entretiens avec des experts pour recueillir un

éclairage sur la situation générale de l’agriculture régionale.

Les enquêtes auprès des agricul-teurs ont montré peu d’effets

directs de la réforme, sur les ate-liers animaux comme sur l’assole-ment, dans sa phase de mise en place. Cette situation d’attente, pour beaucoup liée à la proxi-mité du «bilan de santé» prévu pour 2008 et aux modifications majeures annoncées pour 2013, est confirmée par les experts régionaux. Dans certaines régions (Bretagne, Pays de la Loire et Auvergne) les contraintes liées à la condition-nalité, comme la mise aux nor-

mes des bâtiments d’élevage ou les contrôles accrus génèrent

une perception négative de la PAC.Le contingentement de l’offre lai-tière fait également débat, certains éleveurs y voyant un outil de régu-lation nécessaire, d’autres un frein à leur développement.

De plus, la conjoncture récente (prix des céréales, prix du lait, cours bas du porc…) a focalisé les pré-occupations des agriculteurs sur la situation des marchés du lait et

des viandes plus que sur l’impact des réglementations PAC. La haus-se du prix des céréales paraît ainsi renforcer la spécialisation « gran-des cultures » des exploitations où les productions végétales sont for-tement développées par rapport aux ateliers d’élevage. La reprise

Tableau 2 : Montant estimé des aides directes et du paiement unique à l’horizon 2007 (France)

Moyenne par exploitation

(en euros)

Céréales

porcs

Spécialisés

porcs

Petites

structures

spécialisées

porcs

Petites

structures

Bovins

viande

Bovins lait

et porcs

engraisseur

Bovins lait

et porcs

naisseur-

engraisseur

Total

Aides directes totales 2007 31 400 19 000 2 600 24 300 29 100 33 200 26 200

- en % du résultat courant 2007 115 37 31 126 87 55 72

- en % de la production agricole* 2007 19 5 2 17 18 10 11S1 : Découplage partiel (selon les modalités retenues en France)

Paiement unique 18 100 12 600 900 8 100 22 000 23 500 16 300

Paiement unique / Aides directes totales ( %) 58 66 35 33 76 71 62S2 : Découplage total (hypothèse fictive)

Paiement unique 26 200 16 100 1 200 17 300 26 000 28 100 21 800

Paiement unique / Aides directes totales ( %) 83 85 46 71 89 85 83 (*) Production hors aides directes Source : RICA France 2005, avec simulation à l’horizon de 2007 / Traitement INRA SAE2 Nantes – IFIP

Tableau 1 : Caractéristiques économiques des exploitations porcines en France (moyennes de 2001 à 2005)

Moyenne par exploitation

(en euros)

Céréales

porcs

Spécialisés

porcs

Petites

structures

spécialisées

porcs

Petites

structures

bovins viande

Bovins lait

et porcs

engraisseur

Bovins lait

et porcs

naisseur-

engraisseur

Total

Production agricole (hors aides) 175 000 425 800 105 500 145 300 173 400 312 500 234 500

- dont production porcine ( %) 61 91 92 69 20 56 66

Résultat courant 26 700 37 600 15 500 23 700 32 400 46 100 31 700

Aides directes totales 32 100 18 700 1 900 24 700 22 900 26 100 23 600

* Primes PAC animales (%) 18 1 5 50 26 20 23

* Aides PAC pour les COP (%) 65 87 21 25 64 62 61

Aides directes / résultat courant ( %) 120 50 12 104 71 57 74

Aides directes / production agricole ( %) 18 4 2 17 13 8 10

Source : RICA France 2001-2005 (échantillon non constant) / Traitement INRA SAE2 Nantes – IFIP

14 Synthèse TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP

du prix du lait et l’augmentation, voire l’élimination à terme, du régime des quotas sont de nature à redonner une dynamique au sec-teur de la production laitière.

Évolution des systèmes

de production et place

de la production porcine

- Dans les régions à vocation lai-tière comme la Bretagne, les Pays de la Loire et la Basse Normandie, les facteurs déterminants seront le goût pour la production ou la tra-dition, mais aussi la taille des ate-liers. Les plus gros ateliers laitiers s’orienteraient vers la spécialisation dans cette production aux dépens du porc. Une concentration de la production dans les bassins les plus laitiers, favorisée par la com-pétitivité en terme de collecte et

d’outils de transformation accom-pagnerait cette évolution. - Une dégradation des conditions économiques fragilisera la produc-tion laitière en zones de montagne (enclavement géographique, fai-bles quotas), incitant les élevages à arrêter le lait.

Associé dans ces régions à la pro-duction laitière comme atelier complémentaire, le porc peut voir son importance s’accroître dans ces exploitations, en Midi-Pyrénées par exemple ou en Auvergne.- Selon les experts, la réforme confirme le rôle vital de la PAC dans les systèmes allaitants, que le recouplage à 100 % de la PMTVA a conforté dans leur fonctionne-ment. Dans ces exploitations, la possibilité d’un développement du porc existe, comme atelier complé-mentaire (engraissement, approvi-sionné des maternités collectives).

Cependant, dans les régions par-ticulièrement concernées (Midi-Pyrénées, Auvergne), la tradition

d’élevage bovin viande est forte. Il faudrait un facteur déclenchant comme une diminution ou un arrêt des aides bovines pour que les agriculteurs envisagent de développer (voire d’installer) l’ate-lier porcin.- Dans les exploitations mixtes

céréales-porcs, le développement de l’atelier porcin reste une possi-bilité, afin de valoriser les céréales, dans le cadre de fabrication d’ali-ment à la ferme.Cependant, face à la conjoncture de prix élevés des matières pre-mières, les agriculteurs enquêtés déclarent ne pas se sentir incités à accroître leur élevage.

Les autres facteurs

d’évolution de

la production porcine

Parmi les clés de l’évolution de la production porcine, trois points sont revenus fréquemment : trans-

mission, disponibilité de la main-

d’œuvre et environnement. Dans les systèmes mixtes porc-

lait, les experts soulignent que les évolutions des systèmes se feront plus particulièrement sentir lors de la transmission des exploitations. Elle conduira vraisemblablement à une spécialisation de l’atelier dans l’une ou l’autre de ces productions avec abandon de l’autre produc-tion. Le maintien de deux ateliers ne s’envisagerait qu’avec la présen-ce d’une personne supplémentaire (salarié, conjoint, associé…). Les contraintes liées à l’environ-nement constituent un frein au

développement dans certaines régions, les agriculteurs regrettant la multiplication et superposition des réglementations. En Bretagne et dans la région des Pays de la Loire, pour faire face à ces pro-blèmes environnementaux, des

maternités collectives se créent.

Le développement de la fabri-

cation à la ferme est également une orientation des élevages en Bretagne, Pays de la Loire et Normandie, lorsque les matières premières sont disponibles. La recherche d’une autonomie dans

l’approvisionnement alimentaire

et pour l’épandage, par l’extension des surfaces agricoles disponibles, est un axe à privilégier. Cette stra-tégie se heurte parfois aux pro-blèmes liés au foncier (disponi-bilité, coût, concurrence d’autres producteurs), en Normandie par exemple. Différentes actions à portées régionales sont mises en place afin d’inciter les jeunes à se for-

mer en production porcine, voire reprendre les structures existantes (plan de relance en région Pays de la Loire, dynamisme régional en Auvergne).Les effets de la démographie seront toutefois déterminants pour l’évolution des structures. Selon un expert de Midi-Pyrénées, cet effet pourrait être supérieur à celui attendu de la réforme de la PAC, voire des réformes à venir.

Scénarios pour la production et la filière

Un séminaire de réflexion pros-pective a permis de définir trois scénarios d’orientation des poli-tiques agricoles : « libéralisa-tion », « consommation locale », « promotion des biens publics ». Ces scénarios tracent des avenirs possibles avec leurs conséquen-ces potentielles sur le marché des viandes et pour la production porcine (filière et systèmes d’ex-ploitation).

➊ Dans le scénario « libéralisation », une nouvelle réforme «libérale»

de la PAC induit une réduction des soutiens aux productions agrico-les et une concurrence sur les marchés des viandes par la dimi-

Dans les régions à

vocation laitière

comme la Bretagne,

les Pays de la Loire

et la Normandie, les

facteurs déterminants

seront le goût pour

la production ou la

tradition, mais aussi

la taille des ateliers.

15 TechniPorc, Vol. 31, N°5, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse

Contact :[email protected]

Pour en savoir plus : La production porcine et

la réforme de la PAC

Effets sur les systèmes

de production en France

et les marchés

2008 - 168 pages - 45 €

Contact : [email protected]

nution des protections à l’OMC. Le consommateur est attentif au prix des produits. La hausse des coûts de revient et la difficulté du marché des viandes imposent aux exploitations porci-nes des exigences de productivité technique et d’efficacité écono-mique qui soutiennent la spécia-lisation et l’agrandissement des exploitations.La concentration des bassins de production sera confortée.A l’aval, les maillons de la filière seront confrontés à des efforts de réduction des coûts et de ratio-

nalisation. La concentration du secteur de la transformation se renforcera.

➋ Le scénario « consommation

locale » a pour pivot un consen-tement de la part des consom-mateurs à payer pour l’origine et les conditions de production des produits. La PAC évolue avec la baisse limitée des aides à la pro-duction, une augmentation de la modulation et l’accroissement du financement du développement rural.La protection à l’importation limi-te la pression sur les marchés. La bonne tenue des marchés limi-te les besoins d’arbitrage entre productions et freine la tendance à la spécialisation.Les aides du 2nd pilier limitent la disparition des exploitations.Les surcoûts générés par les conditions de production sont rémunérés par le marché. Les maillons de la filière qui s’ap-puient sur une identification loca-

le des produits, sur des bassins et des productions différenciées, pro-fitent d’une valeur ajoutée supé-rieure, ce qui freine le mouvement de restructuration à l’aval.

➌ Dans le scénario « promotion

des biens publics », la PAC est réo-rientée en faveur d’objectifs non marchands dont l’environnement ce qui se traduit par des condi-tions d’éco-éligibilité des aides du 1er pilier et des aides au développe-ment rural. A l’OMC, l’Union euro-péenne met en avant ses normes pour assurer une protection à sa production intérieure (étiquetage, normes à l’importation).La politique agricole tend à limiter les volumes de production céréa-lière européenne et à accentuer la hausse du coût de l’alimentation animale dans un contexte de fer-

meté des cours internationaux. Les réglementations et contraintes renchérissent le coût de produc-tion des viandes ce qui affecte la consommation intérieure et réduit les exportations.Elles rendent difficiles l’agrandis-sement des exploitations et des ateliers animaux, mais renforcent les exigences de technicité et de

spécialisation des élevages.

Conclusion

La modification d’attribution des aides est finalement peu vectrice

de changement dans les exploi-

tations porcines spécialisées alors que les exploitations céréales-

porcs pourraient basculer vers

une autre utilisation des terres.

Les exploitations bovins lait-porcs verront leur dépendance aux aides s’accroître avec la mise en place de l’aide directe laitière. Le découpla-ge de celle-ci devrait cependant laisser aux structures laitières les

marges de manœuvre les plus

importantes pour réorienter leur système d’exploitation.Dans l’hypothèse d’un décou-plage total des aides directes, les

exploitations porcines avec bovins viande seraient plus susceptibles de développer leur atelier porc.Une baisse des aides pourrait même inciter à la mise en place d’un atelier complémentaire dans les exploitations allaitantes.Dans le grand Ouest, la produc-tion laitière serait privilégiée par les exploitations les plus compéti-tives alors que des opportunités de développement d’ateliers porcins se présenteraient pour certaines. Les systèmes bovins viande et

porcs seraient sensibles notam-ment en Auvergne et en Midi-

Pyrénées, à l’évolution des marchés des animaux et de la viande, ainsi qu’aux réformes à venir. Du fait de la conjoncture, les systèmes céréales-porcs ne devraient pas évoluer.Ce travail, réalisé entre 2005 et 2007, présente les effets potentiels de la PAC sur les élevages porcins à un moment donné et dans une situation donnée. La conjoncture, notamment les marchés des matiè-res premières et du lait, a beaucoup évolué depuis, à la hausse comme à la baisse. Par ailleurs, le bilan de

santé de la PAC est en cours et la Commissaire Européenne de l’Agri-culture a récemment annoncé une probable baisse des soutiens à la production à partir de 2013.

Au-delà des effets de la PAC sur le soutien et l’attractivité des pro-ductions hors-sol dans les exploi-tations mixtes, d’autres facteurs influencent le développement de la production porcine.La main-d’œuvre, la transmission des exploitations, les contraintes environnementales et le foncier sont des enjeux et sujets de pré-occupations de demain, sur les-quels les efforts doivent se porter dès maintenant. ■

La hausse des coûts

de revient et la

difficulté du marché

des viandes imposent

aux exploitations

porcines des exigences

de productivité

technique et d’efficacité

économique

qui soutiennent

la spécialisation et

l’agrandissement

des exploitations.