La production de connaissances a l'ère des pôles de compétitivité

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LA PRODUCTION DE CONNAISSANCES A L'ÈRE DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ Joëlle Forest De Boeck Supérieur | Innovations 2010/2 - n° 32 pages 129 à 146 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2010-2-page-129.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Forest Joëlle, « La production de connaissances a l'ère des pôles de compétitivité », Innovations, 2010/2 n° 32, p. 129-146. DOI : 10.3917/inno.032.0129 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 14/11/2013 00h03. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 14/11/2013 00h03. © De Boeck Supérieur

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LA PRODUCTION DE CONNAISSANCES A L'ÈRE DES PÔLES DECOMPÉTITIVITÉ Joëlle Forest De Boeck Supérieur | Innovations 2010/2 - n° 32pages 129 à 146

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2010-2-page-129.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Forest Joëlle, « La production de connaissances a l'ère des pôles de compétitivité »,

Innovations, 2010/2 n° 32, p. 129-146. DOI : 10.3917/inno.032.0129

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LA PRODUCTIONDE CONNAISSANCES A L’ÈRE

DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉJoëlle FOREST

Université de Lyon, INSA Lyon, EVS-ITUS UMR [email protected]

Les pôles de compétitivité visent à stimuler, face à l’intensification de lacompétition internationale, la compétitivité de l’industrie française. Pour cefaire, les objectifs de la politique d’innovation et de la politique industrielleont été maillés à une nouvelle conception de la politique d’aménagement duterritoire (Rousseau, Mirabaud, 2008). Les pôles de compétitivité rassemblentainsi, sur un espace géographique donné, une multiplicité d’acteurs (labora-toires de recherche, grandes entreprises et PME tant industrielles que de ser-vices, etc.) au système relationnel complexe sur une même thématiqueproductive. L’idée est de faire appel au patrimoine cognitif construit locale-ment et d’institutionnaliser des relations souvent informelles dans le but defaire émerger une dynamique collective, jusque-là encore insuffisante.

Dans les idées qu’ils mobilisent, les pôles de compétitivité apparaissent lepoint de rencontre de deux thèses largement présentes dans la littératureacadémique à savoir que :

- La connaissance joue un rôle central dans le phénomène innovatif etl’économie (Hayek, 1945 ; Solow, 1957 ; Penrose, 1959 ; Drucker, 1968 ;Abramowitz, David, 1996 ; Foray, 2000) ; thèse qui, rappelons-le, a conduitP. Drucker à affirmer que c’est aujourd’hui la connaissance, et non le capitalou le travail, qui est le facteur de production premier (Drucker, 1998).

- Les réseaux jouent le rôle de vecteur clé de la capacité à innover d’unterritoire donné (Aydalot, 1986 ; OECD, 1999 ; Morisson, 2004 ; OwenSmith, Powell, 2004) ce qui revient à relativiser le rôle attribué « au terri-toire » « Tandis que le concept d’espace géographique insiste sur l’idée que le ter-ritoire (la localisation) détermine la capacité d’apprentissage et d’innovation (êtreau bon endroit est ce qui importe), le concept d’espace relationnel met au contrairel’accent sur le rôle du réseau dans le transfert et la diffusion des connaissances(soulignant par là même qu’être dans le bon réseau est de la plus hauteimportance) » (Boschma, Ter Wal, 2007, traduit par l’auteur).

DOI: 10.3917/inno.032.0129

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Précisément, les pôles de compétitivité matérialisent l’idée selon laquellela mise en relation des acteurs de l’innovation permet de stimuler la diffusiondes connaissances (Maskell, 2001), entendons par là l’accessibilité et l’appro-priation de connaissances réparties, nécessaires à l’innovation ; idée que l’onretrouve clairement exprimée dans les propos du Comité Interministérield’Aménagement et de Développement du Territoire « Le rapprochement desacteurs industriels, scientifiques et de la formation d’un même territoire (…) cons-titue en effet une source d’innovation (la proximité stimule la circulation de l’infor-mation et des compétences et facilite ainsi la naissance de projets plus innovants) »(CIADT, 2007).

C’est cette idée que nous souhaitons discuter dans le présent article. Nousmontrerons, en effet, que la diffusion des connaissances, si elle est une con-dition nécessaire pour l’innovation, n’est cependant pas suffisante. L’analysede l’innovation à partir de son processus central, à savoir la conception (Par-tie 1), permet effectivement de constater que l’innovation résulte d’uneforme de pensée spécifique à savoir, la rationalité créative (Partie 2). Or,l’étude de cette forme de pensée conduit à mettre l’accent sur la productionde connaissances sans laquelle l’innovation ne peut émerger. Le corollairepratique de ce constat est que la réussite de l’action publique en matièred’innovation, à l’instar de la politique des pôles de compétitivité, nécessitede prendre à bras-le-corps la question de la production de connaissances pourgarantir le développement, à l’échelle d’un territoire donné, d’une capacitéeffective à innover. Comment faire pour stimuler la production de connais-sances au sein des pôles de compétitivité ? C’est précisément à cette questionque nous souhaitons apporter quelques éléments de réponse dans la dernièrepartie de la présente contribution (Partie 3).

POURQUOI ENTRER DANS LA QUESTION DE L’INNOVATION À PARTIR DE LA CONCEPTION ?

La façon de modéliser l’innovation n’est pas neutre. Elle explique les objec-tifs et contenus des politiques publiques de l’innovation. Depuis la fin desannées cinquante, le modèle linéaire et hiérarchique, où modèle de la bigscience (Hamdouch, 2007) fait figure de modèle dominant. Dans ce modèle,l’innovation résulte de l’application de la science d’où l’accent mis sur lerelèvement de la propension à faire de la recherche et le transfert de sesrésultats dans la société (section 1).

La confrontation de ce modèle à des études de cas et des études statistiquesa néanmoins conduit les théoriciens à relativiser l’importance accordée à la

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recherche et considérer le processus de conception comme un facteur clé du pro-cessus d’innovation (section 2). La définition du processus de conception nousconduira alors à mettre en exergue la nature créative de ce dernier (section 3).

L’innovation, une simple affaire de recherche ?

La question de l’innovation est à l’origine d’une abondante littérature acadé-mique traduisant des points de vue variés, complémentaires, voire contradic-toires, portés sur cet objet complexe. Au sein de cette littérature, il esttoutefois possible de discerner deux points de vue, selon que l’innovation estenvisagée comme un produit ou, au contraire, comme un processus par lequelune idée ou une information se réalise en un bien ou en un service reconnucomme nouveau.

Dans le premier cas, l’innovation est appréhendée comme un produitdont on cherche à mesurer les effets sur un système économique donné. Laquestion de sa création apparaît alors comme secondaire. Ces travaux vontde pair avec l’approche de l’innovation des analyses « standard » et schum-péterienne sous forme de boîte noire. Dans le second cas, ce n’est pas tant lerésultat qui importe, que la façon dont l’innovation est produite. L’analyseéconomique s’est en effet affranchie de la vision simpliste du progrès techni-que exogène pour en faire une variable endogène, autrement dit une variableà la fois expliquée par la logique économique, et explicative en soi de ladynamique économique.

La recherche et développement (R&D) fut ainsi introduite dans le modèlelinéaire et hiérarchique qui aida dès le début des années cinquante à définirles orientations des premières politiques de la recherche et de l’innovation(Le Bas, 1991) dont l’objectif principal était le relèvement de la propensionà rechercher (OST, 1998) et s’illustre aujourd’hui encore dans l’objectifnational et communautaire d’atteindre 3 % du PIB en dépenses de Recher-che & Développement à l’horizon 2010.

La confrontation de ce modèle à de multiples cas d’innovation a conduitnombre de théoriciens à relativiser l’importance et la place accordée à larecherche dans l’innovation soulignant :

• qu’il n’existe pas de relation causale simple entre le nombre de cher-cheurs, ou les montants investis en R&D, et le taux d’innovation(Bonnaure, Barré 1, 1995),

1. Reprenant les conclusions du rapport de l’OCDE de 1994, P. Bonnaure et R. Barré notent que« la recherche reste certes un facteur important, mais qu’elle n’est que l’un des multiples éléments quientrent en ligne de compte » (Bonnaure, Barré, 1995) rejoignant par là même les conclusionsd’enquêtes menées en France au début des années quatre-vingt (Clerc, 1982).

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• qu’investir dans la recherche est capital pour soutenir durablementla croissance économique sous réserve d’être capable de transformer lesinventions en produits nouveaux 2 (Dertouzos, Lester, Solow, 1990).• que les innovations d’amélioration ou de reconfiguration tellesqu’elles peuvent naître de démarches d’analyse de la valeur n’impli-quent pas un recours systématique à la recherche (Forest, 1999).• que l’appel à la science est parfois réalisé en cours de processus surun problème qui n’avait pas été envisagé au départ (Kline, Rosenberg,1986 ; Perrin, 2001).

C’est précisément ce constat qui a conduit S. Kline et N. Rosenberg àproposer un modèle alternatif, the chain-linked model, qui met au cœur du pro-cessus d’innovation un processus longtemps ignoré par les économistes, àsavoir la conception (« design ») (Kline, Rosenberg, 1986).

La conception au cœur du processus d’innovation

La particularité du modèle de S. Kline et N. Rosenberg tient à ce qu’il meten exergue l’idée que le processus d’innovation ne doit pas être appréhendéet représenté à partir d’un chemin unique (comme le fait le modèle « linéaireet hiérarchique »), mais à partir de cinq sentiers particuliers. Le premier che-min, l’axe central, place le processus de conception au cœur du modèle. Surce premier axe se juxtapose un deuxième chemin qui représente l’ensembledes rétroactions. Le troisième chemin figure les relations entretenues avec larecherche et le stock de connaissances disponibles. Le quatrième cheminillustre les innovations radicales qui émanent directement du développe-ment de sciences nouvelles, le dernier chemin représentant les rétroactionsqui peuvent émaner de l’innovation en tant que résultat sur la dynamiquescientifique.

Leur modèle fait ainsi du processus de conception l’épine dorsale dumodèle rejetant par là même la vision largement répandue de la toute puis-sance de la science dans le phénomène innovatif « le processus central de l’inno-

2. R. Boschma dans son rapport de 2008 pour le compte de la Dutch Scientific Council forGovernment Policy parvient au même constat « les politiques de la science et de la technologie enEurope sont focalisées sur le développement de la R&D adossée sur la croyance selon laquelle la politiquede R&D sera profitable à nombre de régions. En réalité, (...) la plupart des connaissances nouvellescréées ne sont pas exploitées économiquement en Europe mais le sont dans des pays tels que les EtatsUnis. Cela signifie que la politique de R&D européenne nourrit l’exploitation des connaissances ailleurs »(Boschma, 2008, traduit par l’auteur).

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vation n’est pas la recherche mais la conception » 3 (Kline, Rosenberg, 1986,p. 286, traduit par l’auteur).

Le point de vue de S. Kline et N. Rosenberg n’est pas un point de vueisolé. Il a été confirmé par des théoriciens d’envergure tels que H. Simon(1969, 1995) ou C. Argyris (1995) ainsi que par des études récentes qui ontrévélé que les entreprises qui accordent une attention particulière à la con-ception ont cinq fois plus de chance d’innover que les autres (EuropeanCommission, 2009) et développent des innovations plus « novatrices »(Irish Center for Design Innovation, 2007 ; Tether, 2009).

La reconnaissance du rôle joué par la conception dans le phénomèneinnovatif s’est traduite, en Europe, par l’élaboration et la mise en œuvre depolitiques publiques visant la recherche de l’excellence en conception àl’instar des politiques design de la Finlande, de l’Irlande, de l’Espagne, duDanemark et du Royaume Uni (Hollanders, Cruysen, 2009). Afin de préci-ser comment la conception participe de l’innovation, une définition plusprécise du processus de conception s’impose.

Le processus de conception : un processus créatif

Définir la conception à partir de son résultat présente peu d’intérêt car lesobjets conçus, qu’il s’agisse d’un produit, service ou environnement, possè-dent des caractéristiques variées. Ils peuvent être :

• uniques (un ouvrage d’art) ou multiples (un bien de consommationcourant) ;• surprenants ou banals ;• tangibles ou non (logiciel, service) ;• nano (nanoparticules thérapeutiques) ou macro-scopiques (envi-ronnement urbain, Internet) ;• passifs (stylo, timbre poste) ou actifs (commandes d’un avion, stabi-lisateur optique) ;• positifs (traitement médical) ou négatifs (mine anti-personnel), etc.(Micaëlli, Forest, 2003, p. 55).

S’il n’existe pas une définition unique de la conception (Design Council,1995 ; Love, 2002), ces définitions convergent néanmoins pour définir la

3. Que l’on ne se méprenne pas sur le sens des propos de S. Kline et N. Rosenberg. Il ne s’agit paspour eux d’affirmer que la recherche est inutile mais plus modestement de souligner que toutes lesinnovations ne résultent pas forcément de l’application de connaissances issues d’une activité derecherche, ce qui explique qu’ils ont choisi de la faire figurer la recherche de façon parallèle à l’axecentral.

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conception comme un processus (European commission, 2009) qui possèdeles propriétés suivantes. Il est :

• initié dès qu’un besoin ressenti ne peut être satisfait immédia-tement, par prélèvement dans la nature, achat sur un marché ouapplication en l’état de routines traditionnelles (Micaelli, Forest,2003).• multi-étapes. La réflexion préliminaire vise à comprendre et expli-citer le besoin et définir l’environnement de la conception, l’étude defaisabilité met en œuvre une démarche d’analyse fonctionnelle appli-quée à l’artefact à concevoir, la recherche de solution globale vise àconcrétiser et à dimensionner l’objet de la conception, l’étape de con-ception finale consiste quant à elle en une description complète duproduit contenant toutes les informations requises de sa fabrication àson utilisation (Blessing, 1994)4.• intégrateur. Il prend en compte simultanément les attentes fonc-tionnelles, les considérations esthétiques, de sécurité, de fabrication,environnementales, etc., et intègre des composants à la fois très nom-breux (10 000 pièces pour une automobile ou un hélicoptère) et hété-rogènes (matériaux, organes, réseaux). De ce fait, il ne peut être le faitd’un acteur isolé et omniscient mais implique au contraire un grandnombre d’acteurs possédants des expertises variées.• contraint d’un point de vue temporel.• créatif (Archer, 1984 ; Roy, Wield, 1986 ; Heap, 1989 ; Gurteen,1998 ; McAdam, McClelland, 2002 ; Liu, 2000 ; Kryssanov, Tamaki,Kitamura, 2001 ; Visser, 2004 ; UK Department of Trade and Indus-try, 2005 ; ICSID, 2009), entendons par là qu’il aboutit à un résultat etsuit un processus à la fois original et impensable a priori (Zreik, 1995).

Cette dernière propriété, loin de remettre en cause la relation entre créa-tivité et innovation fait du processus de conception l’espace d’expression dela créativité 5. Il convient par ailleurs de souligner que l’idée de processuscréatif conduit à s’inscrire dans une tradition de pensée qui rompt avec lemythe, hérité de la Grèce antique, d’une création qui résulterait d’une inspi-

4. Ce processus multi-étapes est convergent (Forest, 1999) et obéit au principe du « satisficing »(Simon, 1995).5. A noter que, considérer la nature créative du processus de conception conduit à rejeter lemodèle interactif proposé par P. Swann et D. Birke (2005). Leur modèle considère la conceptioncomme le processus qui permet d’assurer le passage de la créativité (qui produit de nouvellesidées) à l’innovation (c’est à dire l’exploitation des nouvelles idées). De ce fait, la créativité est,selon leur modèle, étrangère à la conception.

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ration divine (Albert, Runco, 2005) 6. Penser la créativité en termes de pro-cessus permet de s’affranchir de l’idée d’une action qui part de rien etconduit à substituer la créativité à la création tout comme le rationnel àl’inexplicable (Faucheux, Forest, 2008). Le glissement opéré, s’il est paradig-matique, permet, pour ce qui nous intéresse dans la présente contribution, deconsidérer une forme de pensée qui a longtemps été rejetée hors du périmè-tre de la science7 à savoir, la rationalité créative.

RATIONALITÉ CRÉATIVE ET PRODUCTION DE CONNAISSANCES

La rationalité créative s’apparente à ce que les Grecs désignaient sous le nomde mètis, et G. Vico sous le terme Ingenium. Après avoir précisé la relation decette forme de pensée à l’innovation (section 1), nous montrerons commentl’accent mis sur la combinaison de connaissances conduit à faire de la pro-duction de connaissances la condition de l’innovation, relativisant ainsi lerôle attribué, dans la littérature académique, à la diffusion des connaissances(section 2).

L’Ingenium : de quoi parle-t-on ?

Dès le début du 18e siècle, dans son ouvrage De Studiorum Ratione, G. Vicoconteste le primat accordé à l’analyse dans l’invention au profit de l’Inge-nium, en italien l’ingegno. Selon lui, la rationalité analytique n’est pas à l’ori-gine de l’invention : « Aucune des grandes inventions techniques qui ont changéle visage du monde moderne ne sont, selon le De ratione, le produit de la méthodeanalytique préconisée par Descartes, et d’ailleurs, pour la plupart, elles sont anté-rieures au développement de la physique mathématique, qu’il s’agisse du canon, dunavire à voiles seules, de l’horloge, de la coupole de Brunelleschi (S.N., § 1246) »(Pons, 2003). A contrario nous dit-il, l’Ingenium est une pensée inventive« inventer est la qualité distinctive de l’ingenium et de lui seul » (Vico, 1981).

6. « Plato argued that a poet is able to create only that which the Muse dictates (…), Rudyard Kipling(1937-1985) referred to the Daemon that lives in the writer’s pen (…). Many people seem to believe,as they do about love (…) that creativity is something that just doesn’t lend itself to scientific study,because it s a spiritual process » (Sternberg, Lubart, 2005, p. 5).7. Comme le soulignent M. Detienne et J.P. Vernant, le savoir scientifique occidental s’est fondésur une forme de rationalité abstraite qui a refoulé cette rationalité ingénieuse soucieuse des’adapter à la profusion des situations du réel « La sophia devient la sagesse contemplative.(…) Tousces savoir-faire, le philosophe de la République les condamne et les rejette, rassemblant dans le mêmegeste d’exclusion l’artisan qui n’a que la pratique manuelle et celui qui connaît les règles de son art,l’homme que l’ancienne médecine, appelait « le Technite » (Detienne, Vernant, 1993, p. 304).

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La vertu inventive de l’Ingenium vient de ce « qu’elle permet de trouver lemedium, le moyen terme grâce auquel des idées qui ne peuvent se déduire analyti-quement les unes des autres sont rapprochées et se fécondent mutuellement »(Pons, 2003). À suivre G. Vico, l’Ingenium est la faculté de discerner les rela-tions entre les choses, d’établir des corrélations entre des phénomènes éloi-gnés les uns des autres, de trouver du lien là où il n’en existait pas. C’est unepensée qui oblige à traverser les frontières 8. Cette traversée-là est de l’ordred’une aventure 9 qui bouscule l’ordre traditionnel des savoirs, du connu àl’origine même de l’innovation « cette faculté de croiser les savoirs, d’allerpêcher à droite à gauche des idées qui relèvent d’autres domaines que le sien, cons-titue la règle numéro un de l’innovation (…) » (Jacomy, 1994, pp.46-47). Ellene saurait, de fait, être ramenée à l’exercice d’une rationalité instrumentale(Brechet, Schieb-Bienfait, Desreumaux, 2009).

Il convient par ailleurs de souligner que cette pensée créative n’est pas leprivilège de quelques élus 10 ou spécialistes (Maslow, 1972). En effet, l’exper-tise peut rapidement apparaître un frein au déploiement de cette forme derationalité car elle dessine les frontières de ce qui est possible et de ce quisemble impossible 11. Pour autant, elle ne peut être assimilée à du bricolageou une démarche chaotique : « La mètis est bien une forme d’intelligence et depensée, un mode du connaître, elle implique un ensemble complexe, mais très cohé-rent d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combinent le flair, lasagacité, la prévision, la souplesse d’esprit, la feinte, la débrouillardise, l’attentionvigilante, le sens de l’opportunité, des habiletés diverses, une expérience longuementacquise. » (Detienne, Vernant, 1993, p. 10).

Rationalité créative, production de connaissances et innovation

Si on accepte l’idée selon laquelle c’est cette rationalité ingénieuse et créa-tive qui produit la nouveauté reste à comprendre comment. Notre projet

8. On retrouve ici l’idée avancée par N. Alter selon laquelle l’innovation suppose de transgresserles normes en vigueur, la déviance étant selon lui le vecteur de l’innovation (Alter, 2000).9. L’ingenium théorisée par G. Vico est héritière de la mètis grecque telle qu’elle apparaît dansl’Odyssée à travers la figure emblématique d’Ulysse qui sait saisir la diversité concrète du réel etaffronter l’imprévu.10. Comme l’a indiqué J.-P. Guildford « seul le profane pense qu’une personne créative a un don par-ticulier que le commun des mortels n’a pas » (Guilford, 1973).11. C. Carrier indique que « lorsque le spécialiste est placé devant une idée qui vient bouleverser sesméthodes et les théories sur lesquels il s’est toujours appuyé, il lui faut beaucoup de courage et de déter-mination pour accepter de lui donner assez d’importance pour en poursuivre l’exploration. Il a beaucoupà perdre et il devra probablement abandonner pour ce faire des idées qui l’ont toujours soutenu et guidé »(Carrier, 1997, pp. 17-20).

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n’est pas de mettre au jour, à l’instar de H. Joas, la dimension créative de toutagir humain 12 (Joas, 1999). Il s’agit, plus modestement, de nous intéresser àla façon dont opère effectivement cette forme de pensée.

Une tentative intéressante est celle proposée par A. Hatchuel et B. Weildans leur formulation de la théorie C-K (Hatchuel, Weil, 2002). Ils théori-sent la rationalité créative à partir d’une théorie du raisonnement en con-ception, articulée sur la distinction entre deux types d’espace : l’espace C quireprésente l’espace des concepts 13 et l’espace K qui représente l’espace desconnaissances. Ils indiquent que, partant d’un problème posé, le raisonne-ment de conception débute par une disjonction K-C qui fait naître un con-cept et s’achève par une conjonction C-K qui transforme un concept enconnaissance 14. Le rôle des connaissances dans l’innovation est, ce faisant,réaffirmé. Sans connaissance la combinaison ingénieuse ne peut avoir lieupuisque c’est à partir des connaissances composant l’espace C qu’opère le rai-sonnement de conception. La théorie C-K met par ailleurs l’accent sur laproduction de connaissances à l’origine même de l’innovation 15. Cette pro-duction de connaissances ne doit cependant pas être confondue avec la pro-duction de connaissances scientifiques qui, comme nous l’avons rappelédans la partie précédente, implique des efforts à accomplir après la phase derecherche pour donner lieu à une innovation.

La production de connaissances dont nous parlons renvoie à une combinai-son inédite de connaissances, à laquelle font notamment référence I. Nonaka 16

12. Dans son ouvrage La créativité de l’agir, H. Joas montre qu’il est nécessaire de prendre en comptele caractère créateur de l’agir humain. Il propose de « transformer radicalement les fondements de la théo-rie courante de l’action » (Joas, 1999, p. 155). Il interroge pour ce faire les postulats implicites quevéhiculent les théories de l’action fondées sur l’acte rationnel à savoir « le caractère intentionnel de l’agirhumain, la corporéité spécifique et la socialité première de la faculté humaine d’agir » (Joas, 1999, p. 158).13. C’est à dire n’ayant pas de statut logique. Ce n’est donc pas une connaissance.14. La théorie C-K postule ainsi que sans connaissance il n’y a pas d’expansion de concepts pos-sible et que sans concepts nous sommes condamnés à explorer indéfiniment des objets dont ladéfinition ne change jamais.15. La rationalité créative doit cependant être théorisée par delà le raisonnement utilisé en con-textualisant cette rationalité dans sa dimension sociale, historique, culturelle et anthropologique(Forest, 2009).16. Le modèle de Nonaka est certainement le plus cité dans le champ du management des connais-sances car il offre aux organisations des pistes pour une exploitation efficiente des connaissancesrendue possible par l’existence d’un espace partagé (le ba). En même temps le modèle de I. Nonakaétant un modèle de conversion de connaissances, il n’est pas à proprement parler un modèle de laproduction de connaissances. En effet, son modèle met l’accent sur les modes de transformation desconnaissances dans les organisations qui, dans le cadre de ce qu’il nomme socialisation, extériori-sation et intériorisation, renvoie respectivement à des processus de diffusion, codification et appro-priation de connaissances déjà là (elle n’est pas une théorie de comment on produit de laconnaissance mais comment on l’acquiert). Seule la combinaison de connaissances telle qu’il l’adéfinie permet, à notre sens, une production de connaissances au sens où nous l’entendons.

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(1994), P. Maskell (2001), R. Florida (2002), mais aussi B. Nooteboom(Nooteboom et al., 2007). Elle détermine à la fois la possibilité, la forme etla spécificité de l’innovation considérée (Hatchuel, Weil, 2002). Cette pro-duction de connaissances n’est pas une simple vue de l’esprit. Une étude con-duite à partir de deux études de cas approfondies menées au sein desentreprises Vuillet Véga et Somfy, respectivement fabricant de lunettes hautde gamme dans la ville de Morez dans le Jura et spécialiste du « homemotion » 17 à Cluses en Haute-Savoie, l’a empiriquement vérifiée (Forest,Serrate, 2009).

Reconnaître le rôle de la production de connaissances dans l’innovationcomme nous y invite l’étude de la rationalité créative conduit à relativiserl’importance accordée à la diffusion des connaissances dans le phénomèneinnovatif. La diffusion des connaissances apparaît une condition nécessairemais non suffisante de l’innovation. Le corollaire pratique de ce constat estque la réussite de l’action publique en matière d’innovation, à l’instar de lapolitique des pôles de compétitivité, nécessite de prendre à bras-le-corps laquestion de la production de connaissances pour garantir le développement,à l’échelle d’un territoire donné, d’une capacité effective à innover. Le bilandressé des pôles de compétitivité (BCG, CM International, 2008) qui révèleque l’impact en termes d’innovation n’est pas avéré ne tient-il pas d’ailleursà une hyperfocalisation sur la question de diffusion de connaissances laissantdans l’ombre celle de la production 18 ? Comment faire pour intégrer la ques-tion de la production de connaissances dans le cadre des pôles de compéti-tivité ? C’est précisément à cette question que nous souhaitons apporterquelques éléments de réponse dans la partie qui suit.

Manager la production de connaissances dans le cadre des pôles de compétitivité

Accepter de reconnaître le rôle de la production de connaissances dans le phé-nomène innovatif nous invite à réfléchir à la façon dont les pôles de compéti-tivité peuvent se saisir de cette question. Comment, pour le dire autrement, lespôles de compétitivité peuvent-ils contribuer à supporter cette production deconnaissances ? Sans prétention à l’exhaustivité, cette dernière partie suggère

17. C’est-à-dire la coordination des techniques de gestion des ouvertures de la maison et dubâtiment : moteurs, commandes et automatismes.18. Tout se passe en effet comme si l’accessibilité et l’appropriation des connaissances condui-saient de façon automatique à une production de connaissance et d’innovations. Cette croyancelargement répandue est largement imputable au modèle de la diffusion des connaissances surlequel se fonde, comme nous l’avons indiqué en introduction, la politique française des pôles decompétitivité (Forest, 2009).

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trois voies possibles. La première met l’accent sur la question du maintien dela variété, la seconde sur la capacité des pôles de compétitivité à faire émergerdes projets, la troisième concerne quant à elle les organismes de formation.

Garantir la variété

La première piste vise à concevoir les pôles de compétitivité comme desespaces facilitant l’accès à des connaissances variées. Comme nous l’avonsindiqué précédemment, sans connaissance l’élaboration d’une combinaisoningénieuse ne peut avoir lieu. Pour autant, il ne suffit pas d’avoir accès à desconnaissances encore faut-il qu’elles soient variées. On rejoint sur ce pointla position de B. Nooteboom et al. (2007), R. Boschma (2008) et P. Maskell.Ce dernier indique qu’en créant une spécialisation appropriée, une commu-nauté d’individus peut produire des connaissances qui auraient été hors deportée de ses membres pris isolément et l’auteur de préciser que peu de pro-grès peuvent être réalisés dans un « monde de clones » (Maskell, 2001).

Les clusters n’échappent pas à la règle. Un pôle de compétitivité, peuteffectivement devenir « contre-productif » par une tendance à l’homogénéi-sation des bases de connaissances, des façons de penser, voire la productionde normes. Plus encore, et comme l’ont souligné R. Boschma et A. Ter Wal(2007) à force de se centrer sur les connaissances locales, les firmes d’uncluster tendent à affaiblir leur capacité à innover et peuvent s’avérer incapa-bles de faire face à l’émergence de connaissances nouvelles. Les pôles doi-vent donc permettre de maintenir une tension constante entre « d’une part,la nécessité de développer des liens forts, cohésifs entre les acteurs locaux de l’inno-vation (ce qui permet d’asseoir la confiance et de promouvoir les apprentissagescroisés) et, d’autre part, le besoin de préserver une relative perméabilité vis-à-visde « l’extérieur » (y compris en entretenant des relations avec des acteurs parfoiséloignés géographiquement) afin de bénéficier d’apports complémentaires en ter-mes de nouvelles connaissances ou compétences et de financements additionnels »(Hamdouch et al., 2009).

Stimuler l’émergence de projets

Si la variété est une condition nécessaire elle est cependant non suffisante.La variété offre des potentialités et opportunités qui ne se réalisent que dansl’action. La prise en compte de la rationalité créative montre en effet que,pour que le raisonnement de conception débute, encore faut-il qu’un pro-blème soit posé 19. Si l’on admet que l’identification d’un problème est le fac-

19. La production de connaissances apparaît ainsi le fruit d’une pratique (l’activité de concep-tion) dont nous pensons qu’elle n’est pas indépendante du cadre dans lequel elle se réalise (ellessont générées par des interactions entre des humains) pas plus quelle ne l’est du moment.

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teur déclenchant alors, la question même de cette émergence mérite, dans lecadre d’une politique territoriale de l’innovation, d’être prise à bras-le-corps.Il convient de souligner que le rapport d’évaluation, couvrant à la fois le dis-positif national et l’évaluation détaillée de chacun des 71 pôles, a indiquéque c’est l’un des points d’achoppement de la politique actuelle des pôles decompétitivité.

Partant du constat selon lequel la phase de rédaction des dossiers de can-didature a donné lieu à l’identification d’une série de projets collaboratifs engestation au sein des équipes industrielles et recherche du pôle, ce rapporténonce clairement comme axe d’amélioration le besoin d’outils permettantl’émergence de projets pour rebondir à partir de ce stock initial de projets(BCG, CM International, 2008, p. 31).

C’est la thèse que développent dans leur ouvrage Innovation : the missingdimension, R. Lester et M. Piore (2004). Cherchant à comprendre les fonde-ments micro-économiques de l’innovation à partir d’études de cas portantsur des entreprises appartenant à des secteurs d’activité différents (le télé-phone cellulaire, les blues jeans, l’automobile et les appareils médicaux enl’occurrence), R. Lester et M. Piore indiquent que l’innovation est le résultatde deux processus à la fois complémentaires et en grande partie antinomi-ques, à savoir : un processus analytique qui relève de la résolution de pro-blème et un processus interprétatif qui relève de la créativité. Selon eux leprocessus interprétatif est un processus qui engage des conversations, créedes espaces d’interprétation à même de faire émerger des possibles. C’est pré-cisément sur la base de ce constat qu’ils en viennent à souligner les risquespour une entreprise, mais aussi pour une nation, qu’il y a à se focaliser sur leseul processus analytique et parviennent à la conclusion qu’il est nécessairequ’existent des politiques publiques qui protègent les espaces interprétatifs.Les pôles de compétitivité, ne peuvent donc se contenter de concevoir desdispositifs qui stimulent les échanges (la diffusion) de connaissances 20 maisdoivent travailler à l’élaboration de dispositifs qui favorisent l’émergence deproblème.

Adapter l’offre de compétences et la demande

Comme nous l’avons indiqué en introduction, les pôles de compétitivité ontété conçus comme un dispositif organisationnel visant à rendre effective la

20. Que l’on ne se méprenne cependant pas sur le sens de notre propos. Il ne s’agit nullement icide nier le rôle de la diffusion des connaissances dans l’innovation mais plus modestement de sou-ligner que la diffusion, contrairement à ce que tend à indiquer le modèle de la diffusion de con-naissances, est une condition nécessaire mais non suffisante.

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coopération avec les organismes de formation. La formation est en effetreconnue comme un outil stratégique de la compétitivité économique, unedimension de l’écosystème d’innovation et de croissance des pôles. Cepen-dant, les premières évaluations des pôles de compétitivité et les travaux del’observatoire de l’École des Mines soulignent une certaine difficulté denotre système éducatif et de formation à accompagner les dynamiquesd’innovation.

Deux raisons sont principalement avancées. La première tient à ce queles grandes écoles et organismes de formation sont plutôt marqués par deslogiques de spécialisation, de segmentation des savoirs. La seconde, commel’a souligné J.-L. Lemoigne, reprenant les conclusions de H. Simon (1969) etdu National Research Council (1991) tient à ce que les écoles d’ingénieursont privilégié le modèle de la raison platonicienne, analytique, académique,à celui de la raison ingénieuse « le mot ‘sciences de l’ingénierie’ s’entend commeune science d’analyse ancillaire, et ne définit pas spontanément dans le langagecourant, une science d’ingenium ou de conception (Lemoigne, 2001). Noussommes en effet les héritiers du découpage disciplinaire de Descartes et d’unrapport au savoir cloisonné peu favorable à la traversée des savoirs querequiert la mise en œuvre de la rationalité créative 21.

Nous pouvons nous prévaloir, après C. Allègre, de la certitude qu’il fau-drait consacrer la défaite de Platon dans les écoles d’ingénieurs, car l’ingénierieest bien une illustration de cette science variée, ouverte dont il annonce lavenue : « A la science déductive, austère, rigide, automatique (…) doit se substi-tuer une science variée, imprévue, souple, embrassante. Une science sans arché-type, d’où personne n’est exclu. Une science qui tourne le dos à Platon, Descartes,Auguste Comte, ces « prêtres » d’une fausse religion, ces constructeurs de mondesfinis » (Allègre, 1997, p. 25). Si les organismes de formation ont un rôle àjouer au sein des pôles de compétitivité ce n’est pas uniquement en fournis-sant aux industriels des ingénieurs capables d’appliquer des connaissancesc’est également en fournissant au monde industriel des ingénieurs ingénieuxc’est-à-dire dotés d’une rationalité créative (Le Méhauté, Storck, 2009).

ÉLÉMENTS DE CONCLUSION

Dans la présente contribution nous avons choisi d’entrer dans la question del’innovation à partir de l’entrée offerte par la conception, ce qui est, commenous l’avons indiqué, peu courant en Économie. L’intérêt de la démarche

21. On peut d’ailleurs présumer que c’est une des raisons qui explique que la France est relative-ment douée pour inventer et laisse trop souvent à d’autres le soin de les exploiter. L’exemple duMinitel est connu, on pourrait citer aussi celui du radar.

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proposée réside dans le fait qu’en mettant en avant la nature créative du pro-cessus de conception on est conduit à considérer que la conception engage uneforme de rationalité spécifique, à savoir la rationalité créative. Or, l’étude decette rationalité créative invite à un double constat :

• la diffusion de connaissances est une condition nécessaire mais nonsuffisante de l’innovation,• sans production de connaissances, l’innovation ne peut émerger.

Est ainsi posée la question de l’intégration de la problématique de la pro-duction de connaissances dans les politiques publiques en faveur de l’inno-vation à l’instar de la politique française des pôles de compétitivité. En effet,si cette dernière accorde une attention forte à la question de la diffusion desconnaissances celle de la production est minorée, un peu comme si elle allaitde soi.

Si nous avons proposé quelques pistes pour stimuler la production de con-naissances au sein des pôles de compétitivité, il n’en demeure pas moins qu’ilfaut certes pousser plus avant les recherches sur la rationalité créative maisaussi développer au sein des sciences régionales un modèle de la productiondes connaissances 22 qui, loin de nier le rôle de la diffusion des connaissancesdans l’innovation, souligne que diffusion et production des connaissancessont les deux faces d’un même phénomène ou, pour le dire autrement, lesdéterminants principaux d’une action territoriale réussie.

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22. Il apparaît en effet que si la question de la production de connaissances n’est pas absente ausein des sciences régionales, pour autant, elle est discutée de biais. Précisément, la question decomprendre comment l’accès à des connaissances conduit effectivement à en produire de nou-velles reste ouverte. Le processus qui rend possible cette production, que l’on retrouve générale-ment qualifié de processus de combinaison, reste pour le moins obscur. Tout se passe comme sila tendance à ‘essentialiser’ la production de connaissances à des concepts empêchait finalementde la penser (Forest, 2009).

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