La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

91
Emmanuel VAILLE EFAP IV Année scolaire 2009 - 2010 MEMOIRE LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE D’OPINION DANS LES STRATEGIES D’INFLUENCES SUR INTERNET Sous la direction de Madame Daniele CAILLAU, Consultante en communication Parrainé par Madame Christelle CHAMPION, Directrice associée COHESENS

description

 

Transcript of La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

Page 1: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

Emmanuel VAILLE

EFAP IV

Année scolaire 2009 - 2010

MEMOIRE

LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE D’OPINION

DANS LES STRATEGIES D’INFLUENCES SUR

INTERNET

Sous la direction de Madame Daniele CAILLAU, Consultante en communication

Parrainé par Madame Christelle CHAMPION, Directrice associée COHESENS

Page 2: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 2

AVANT PROPOS

J’ai choisi de m’intéresser { la prise en compte du risque d’opinion dans la mise en œuvre de stratégies d’influence sur internet pour plusieurs raisons. Il me semble que c’est une véritable tendance de communication qui se dessine.

Cela fait seulement quelques années (depuis 2003 pour les plus précoces) que les agences proposent des prestations en matière de marketing digital. Or, ce secteur d’activité est en plein essor car dans un contexte de crise économique les entreprises sont de plus en plus demandeuses en matière de retour sur investissement dans leurs campagnes de communication. Et les stratégies digitales répondent précisément à cette attente. Il est en effet très simple de mesurer l’impact des campagnes par rapport au coût sur internet grâce { de très nombreux indicateurs. D’autre part, ces nouvelles formes de communication sont un moyen efficace pour toucher des cibles de manière personnalisée (c’est le one to one) et pour réagir immédiatement sur n’importe quelle actualité qui touche de près ou de loin { la marque. En somme, ce sont des stratégies très intéressantes à mettre en place et à appréhender.

Les stratégies d’influence sont également une facette de la communication que l’on a parfois tendance à négliger dans les plans de communication. Néanmoins, ce sont des techniques de communication très efficaces qui permettent de rentrer directement en contact avec des individus qui sont les garants du succès d’une opération. A travers ce mémoire, je souhaite délivrer une vision de ces nouvelles stratégies au travers d’exemples d’entreprises qui ont mis en œuvre ces stratégies. Je souhaite démontrer que le principal enjeu de la communication aujourd’hui est de parvenir { mettre en place une véritable communication de relation.

J’ai pu aussi remarquer que la prise en compte du risque d’opinion était un facteur croissant dans la mise en œuvre des stratégies d’entreprise. A l’heure où les médias s’emparent de tout ce qui fait l’actualité de l’entreprise (et souvent ce qui peut lui porter préjudice), il est important d’anticiper et de bien avoir en tête les mécanismes de l’opinion. Cette dimension de la communication m’intéresse particulièrement, car elle sort du cadre traditionnel de la stratégie. Dans ce cas, il s’agit d’écouter pour ensuite produire un discours. Mais il s’agit d’écouter une opinion spontanée (c’est la veille d’opinion). Je suis directement sensibilisé par cet aspect de la communication étant donné que je suis amené à m’y approcher par le biais de mon stage. Et c’est aussi grâce { cela que j’ai été particulièrement sensibilisé { ce sujet. D’autre part, les rencontres avec des professionnels du secteur (cf annexes Interviews) m’ont permis d’affiner ma réflexion.

Page 3: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 3

REMERCIEMENTS

Pour l’écriture de ce mémoire, je tenais { remercier Madame Christelle Champion, qui grâce à ses conseils de professionnelle a su m’apporter les éléments de réflexion nécessaires à la conduite de ma problématique. Son expérience dans le métier de la communication sensible, ses conseils de lecture ont constitué un réel atout pour l’écriture des exemples et pour les recommandations que j’ai pu établir { la fin du mémoire. Son expertise sur la communication de crise m’a permis de réellement cerner la notion de risque d’opinion.

Je tenais également { remercier Madame Danièle Caillau qui a m’a permis d’acquérir une méthodologie rigoureuse durant toute la durée de mon travail. Ses conseils et ses éclaircissement m’ont permis d’enrichir ma réflexion et d’affiner l’angle que je souhaitais donner à mon travail.

Je souhaitais remercier Monsieur Ludovic Bajard de l’agence Human To Human, Monsieur Aurélien Miklas du cabinet Tendances Institut et Monsieur Dimitri Granger de l’agence Publicis Net Intelligenz pour leurs précieux témoignages sur la veille d’opinion et les stratégies d’influence en ligne. Leurs connaissances du métier et leurs nombreux exemples ont permis de me donner une vision d’ensemble des enjeux liés au risque d’opinion.

Page 4: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 4

SOMMAIRE

INTRODUCTION……………………………………………………………………………………………………………..6

I) L’EVOLUTION DU RISQUE D’OPINION ET LA NECESSITE POUR L’ENTREPRISE DE S’ADAPTER………………………………………………………………………………………………………………..9

a. Rappel des principes de la communication de crise……………………………………………..10

I) Typologie des risques et des différents types de crise…………………………………………………………….10

1. Les différents risques facteurs de crise…………………………………………………………………………………………10

2. La crise, une opportunité si elle est bien gérée……………………………………………………………………………...11

3. Exemples de l’importance de la gestion de crise…………………………………………………………………………...12

II) D’une gestion de crise { posteriori { une anticipation de la crise…………………………………………….13

III) Le principe de précaution limite l’impact de la crise : l’exemple de la grippe H1N1………………….14

1. La naissance du principe de précaution………………………………………………………………………………………..14

2. Le cas de la gestion de la grippe H1N1…………………………………………………………………………………………14

b. Une opinion qui s’exprime………………………………………………………………………………….....16

I) De l’importance des contre-pouvoirs et de l’interventionnisme dans les médias………………………16

II) Définition du risque d’opinion……………………………………………………………………………………………….17

III) Savoir parler { l’opinion, c’est savoir l’écouter………………………………………………………………………..19

c. L’opinion évolue principalement sur Internet aujourd’hui…………………………………...21

I) La naissance du web 2.0………………………………………………………………………………………………………...21

II) Typologie des réseaux sociaux et autres sites participatifs………………………………………………………22

III) De l’usage et de la connaissance nécessaires de ces supports pour l’entreprise………………………..23

II) INTERAGIR SUR INTERNET GRACE A LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE D’OPINION…..25

a. La veille d’opinion………………………………………………………………………………………………….26

I) Objectifs et principes de la veille d’opinion…………………………………………………………………………….26

II) Les outils de veille quantitatifs………………………………………………………………………………………………28

III) Les outils de veille qualitatifs…………………………………………………………………………………………………30

b. Les stratégies d’influence sur internet pour bâtir son e-réputation………………………32

I) Distinction entre influence et e-influence………………………………………………………………………………32

1. De l’influence………………………………………………………………………………………………………………………..32

Page 5: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 5

2. … { l’e-influence…………………………………………………………………………………………………………………...33

II) De l’intelligence économique { la stratégie digitale………………………………………………………………...34

1. L’intelligence économique : une dimension clé dans la stratégie d’entreprise………………………….34

2. L’influence sur internet, ou l’intelligence économique { l’échelle de la communication……………35

III) Influence sur internet et construction de l’e-réputation………………………………………………………….36

1. La réflexion stratégique, ou la détermination de « l’e-positionnement » de l’entreprise………………..36

2. Les mécanismes de l’e-influence…………………………………………………………………………………………………...37

3. Le déploiement des outils…………………………………………………………………………………………………………….38

4. Le ROI…………………………………………………………………………………………………………………………………………42

c. Les stratégies d’influence sur internet offensives en cas de crise………………………….43

I) Définition de la cybercrise……………………………………………………………………………………………………..43

II) Réagir aux alertes………………………………………………………………………………………………………………….45

III) L’activation du processus de gestion de la cybercrise : rumeur contre information………………….46

1. Répondre aux propos négatifs par une information fiable…………………………………………………………….46

2. Une stratégie de référencement dédiée…………………………………………………………………………………………47

3. L’activation des blogs fantômes……………………………………………………………………………………………………48

4. Construire un discours cohérent et homogène………………………………………………………………………………49

III) PRECONISATIONS EN STRATEGIE D’INFLUENCE APPLIQUEE A DES CAS D’ENTREPRISE…………………………………………………………………………………………………………51

a. Total : les 10 ans de l’Erika……………………………………………………………………………….......52

I) Ce qu’il s’est passé………………………………………………………………………………………………………………....52

II) Notre préconisation……………………………………………………………………………………………………………....55

b. France Télécom : la crise des suicides……………………………………………………………….......62

I) Ce qu’il s’est passé………………………………………………………………………………………………………………….62

II) Notre préconisation……………………………………………………………………………………………………………….65

c. Schéma de la prise en compte du risque d’opinion……………………………..…………………72

CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………………………73

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………………………………75

ANNEXES…………………………………………………………………………………………………………………………76

Page 6: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 6

INTRODUCTION

L’omniprésence des crises dans la société

Le mot crise résonne aujourd’hui dans le monde entier. La grande récession mondiale, d’ordre économique et financière, qui a touché l’ensemble de la société en 2009 semble tout juste s’atténuer. Elle a favorisé la création d’une forme de traumatisme dans l’opinion publique. Il s’agit d’une crise économique sans précédent dont chacun se souviendra longtemps, tant les conséquences ont été lourdes. Cette omniprésence de la crise est renforcée par la récurrence du sujet sur le plan médiatique (et nous avons pu le constater dernièrement avec la pandémie de grippe A qui a entraîné une panique généralisée, due à une société plus anxieuse que jamais). Durant toute la période de crise économique, l’ensemble des médias a relayé au quotidien le sort des entreprises, l’évolution du chômage, la chute du pouvoir d’achat…

Cette crise mondiale illustre un phénomène très important dans l’évolution des crises. Selon Thierry Libaert, spécialiste de la communication sensible, les crises ont « changé de nature, sont en recomposition permanente et sont souvent impossibles à prévoir pour les dirigeants ». A l’heure actuelle les crises sont de nature très diverse car elles sont liées à des risques très différents. Elles concernent à la fois de risque de santé (lié à un produit, aux conditions de travail…), le risque industriel (accidents, incendies, explosions…) le risque social (négociations, grèves, plans sociaux…), le risque judiciaire (procès) ou le risque environnemental (pollution, contamination de sol…), ou bien encore la rumeur. Tout cela s’explique par l’évolution de la perception du risque dans notre société contemporaine. Ulrich Beck1, sociologue émérite, parle à juste titre de « société du risque ». Avant, l’opinion associait le risque au courage par exemple, au côté aventureux de ceux qui justement prenaient des risques. Aujourd’hui le risque est davantage associé au phénomène de destruction (liée aux progrès technologiques parfois défaillant) d’après Ulrich Beck. L’entreprise doit donc prendre en compte ces facteurs dans la gestion d’image ; et la communication de crise est plus que jamais sur le devant de la scène dans les processus de gestion de crise dans les entreprises. Car les crises sont plus nombreuses et plus inattendues.

L’opinion publique exige de plus en plus de réponses de la part des entreprises

Les crises sont de plusieurs ordres, mais dès lors qu’il y a un risque (social, environnemental, judiciaire…), la peur, panique ou encore la frustration peuvent se généraliser dans l’opinion. Il s’agit de sentiments éprouvés { l’égard de ceux qui tiennent les rênes de la société (dirigeants d’entreprise, hommes politiques notamment). Or, il est humain de vouloir trouver un responsable aux maux potentiels de la société (cela s’est d’ailleurs fait de tout temps ). C’est ce qui s’est passé pour la crise économique de 2008-2009. Les entreprises qui licenciaient ont été mises sur le devant de la scène. C’est le cas également des banques que l’opinion a jugées parfois exagérément en ce qui concerne la bourse et le monde de la finance. Elles ont été stigmatisées et jugées responsables de la crise du capitalisme mondial. Ainsi, l’ensemble des désordres économiques et sociaux est imputé au monde de l’entreprise et plus systématiquement aux dirigeants. Globalement, l’opinion se tourne vers ceux qui détiennent le pouvoir dès qu’il existe un problème de société , légitimement puisque le dirigeant est automatiquement imputé de responsabilités de part son statut.

1 Ulrich BECK – La société du risque, sur la voie d’une autre modernité - Flammarion 2003

Page 7: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 7

Aujourd’hui, l’opinion exige de plus en plus des justifications pour tous les faits et gestes de l’entreprise. La démocratisation de l’information par la multiplication des médias et des ouvrages, la participation des citoyens croissante dans la société, ont favorisé l’intérêt des individus pour toutes les grandes décisions. L’opinion s’informe de plus en plus des activités de l’entreprise et de ses projets, aussi bien en tant que salarié, consommateur ou encore actionnaire. Et lorsque l’opinion devient hostile { l’entreprise, l’image de celle-ci est altérée, et cela peut devenir dangereux. Dans le cas où l’entreprise reste dans le collimateur de l’opinion, c’est un cercle vicieux qui se met en route et tout cela peut aller jusqu’{ faire fluctuer { la baisse le cours des actions de l’entreprise. L’opinion émet des jugements, et ce sont ces jugements qui peuvent fragiliser l’image de l’entreprise si ils sont généralisés. Car l’opinion juge sévèrement l’entreprise et son dirigeant. Comme le démontre Jean Pierre Beaudoin (directeur de la société I&E), étant donné le niveau de responsabilité et le statut du dirigeant, l’opinion a des attentes importantes. Ces jugements reposent sur des normes sociales et non sur des valeurs. Ce ne sont donc pas systématiquement des jugements raisonnés, mais ils constituent bien un danger pour l’entreprise. Et il est parfois difficile de les anticiper tant l’opinion est imprévisible.

Surveiller l’opinion pour se prémunir de la crise

Les jugements et la perception de l’entreprise par l’opinion publique sont donc véritablement constitutifs de l’image de l’entreprise. Et lorsque ces perceptions et ces jugements s’avèrent négatifs c’est { ce moment l{ que l’on peut parler de risque d’opinion. Le risque d’opinion constitue donc une variable primordiale dans la gestion de l’image des entreprises. Si l’opinion est maîtrisée, il n’y a pas de danger véritable pour l’image de l’organisation. C’est { dire que si le discours de la marque et les valeurs véhiculées sont acceptés, le risque d’opinion sera potentiellement maîtrisé. Par contre, cela est valable uniquement lorsque l’entreprise est en bonne santé économique, car l’opinion publique est aujourd’hui capable d’appréhender la situation de celle-ci (grâce aux informations diffusées par les médias). Pour bénéficier d’une opinion favorable, l’entreprise se doit de diffuser une bonne image de marque reposant sur des valeurs solides et entretenant un bon capital sympathie avec les différents publics. La maîtrise du risque d’opinion passe également par une veille de celle-ci. Il est important de savoir ce qui est dit sur les marques par les différents publics pour pouvoir adapter son discours et anticiper la propagation d’une image négative. Le but est d’écouter, pour cibler les attentes et proposer des réponses adaptées.

Seulement, il n’est pas possible de maîtriser totalement l’opinion tant les champs de son expression sont complexes et variés. En effet, il existe une multitude de supports d’expression qui sont { la disposition de l’individu. Il existe aussi un phénomène social qui s’est généralisé, celui du communautarisme. Les individus se regroupent par centre d’intérêts et de préoccupations, et s’expriment au sein de ces groupes. Or, il est également difficile d’appréhender l’ensemble de ces groupes et de les écouter. Car tous peuvent, à un moment donné, échanger et s’exprimer au sujet de la marque de manière plus ou moins directe. Par exemple, la marque France Telecom ne penserait pas à surveiller ce qui se dit du côté des associations de protection des abeilles, tant leurs domaines d’intervention sont éloignés. Pourtant il s’avère que l’installation d’antennes relai perturbe les abeilles et conduit à leur disparition. Ces associations sont donc amenées { parler de la marque en mal, alors qu’elles en étaient à priori très éloignées. Cet exemple anecdotique montre bien la nécessité pour l’entreprise (et surtout la difficulté) de veiller sur l’ensemble de l’opinion publique. Dès lors il convient de se demander comment surveiller l’opinion et comment les différentes communautés perçoivent l’image de l’entreprise. Il s’agit également de comprendre comment cette opinion publique évolue dans la sphère sociale { l’heure où les créneaux d’expressions et d’échanges se multiplient.

Page 8: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 8

L’opinion évolue principalement sur le web

L’arrivée du web 2.0 (et bientôt du web 3.0) dès le début des années 2000 a permis l’interactivité et l’immédiateté des échanges entre tous les internautes. Ce nouveau système repose sur des sites participatifs. Les internautes peuvent publier des contenus et réagir sur ceux publiés par les autres. Ces avancées technologiques font d’Internet le vecteur principal de l’expression de l’opinion. Près de 65%1 de la population française est connecté à Internet et chacun va y trouver des réponses { ses questions. L’arrivée des forums sur le web a favorisé les discussions entre internautes. Les échanges de bons conseils, d’astuces, ou de recommandations sont monnaie courante sur les forums de la toile (par exemple Doctissimo). D’autre part, les blogueurs deviennent par leur statut les nouveaux leaders d’opinion auprès de leurs communautés. Ce sont aujourd’hui ces communautés qui sont les véritables ambassadeurs de la marque. D’autre part la généralisation des réseaux sociaux augmente encore plus le champ d’expression des internautes et le communautarisme. Les réseaux sont de véritables leviers de diffusion et de partage d’information. Aujourd’hui les internautes consultent des articles ou des vidéos qu’ils vont pouvoir faire partager { leur réseau communautaire.

Le bouche { oreille est la pierre angulaire du partage d’informations sur la sphère du web. Les internautes sont actifs et ne se contentent plus de réceptionner un message. Il veulent s’exprimer, apporter un jugement et commenter. Tout cela fait qu’actuellement, les rumeurs s’étendent de plus en plus vite et le bouche { oreille s’alimente très rapidement. Il suffit de constater à quel point certaines actualités sont reprises sur le web et deviennent de véritables sujets de discussion (la candidature de Jean Sarkozy { l’EPAD en 2009, les propos racistes de Brice Hortefeux { la fin de l’année 2009…). Indéniablement, l’opinion publique évolue fortement sur le web actuellement, et cela de plus en plus. Il est alors fondamental pour une entreprise de surveiller son réputation sur Internet pour limiter le risque d’opinion et éviter l’étendue progressive d’une mauvaise image de l’entreprise.

Ce phénomène peut néanmoins constituer une opportunité de communication pour l’entreprise qui en maîtrise les subtilités. Savoir parler { l’opinion, c’est parvenir { s’intégrer dans les réseaux, à créer des tendances, à générer du bouche à oreille positif, à construire une image et une réputation en mettant en place un discours pertinent. C’est tout l’enjeu des stratégies de communication de demain : parvenir { anticiper les mouvements de l’opinion, comprendre ses mécanismes pour pouvoir interagir avec elle pour contrôler au mieux son image de marque. C’est tout ce processus que nous allons tenter d’éclaircir : de la perception de l’opinion { la construction d’une réputation sur internet en passant par la mise en place d’une bonne stratégie d’influence.

Pour cela nous tenterons de répondre à ces questions :

Comment anticiper les mouvements de l’opinion sur internet ?

Comment se construire une réputation favorable sur internet, en anticipant le risque d’opinion ?

Comment faire du risque d’opinion un levier de communication ?

1 Source : France Population d’internautes - http://www.journaldunet.com

Page 9: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 9

I) L’évolution du risque d’opinion et la nécessité pour l’entreprise de s’adapter

« Il n'y a rien de véritable, l'opinion de tous fait l'opinion de chacun. »

Démocrite

Avoir conscience du risque d’opinion dans le monde de l’entreprise et de la communication qui l’entoure, c’est avant tout prendre conscience des niveaux d’exposition de l’entreprise dû { son environnement. L’entreprise est fragile, car les risques sont importants et peuvent générer des crises. Dans cette partie nous nous attacherons donc à comprendre comment sont constitués ces risques qui entourent le monde de l’entreprise, et { quel moment ils peuvent générer des crises. Nous verrons alors quels sont les moyens de gérer ces crises et de les anticiper pour éviter justement que le système tout entier de l’entreprise soit fragilisé. Après avoir dressé un premier panorama des risques, nous verrons ce qui caractérise le risque d’opinion, qui constitue « le risque des risques », selon le spécialiste de la communication sensible Thierry Libaert. Pour cela, il convient de bien comprendre les mécanismes qui structurent l’opinion, comment celle-ci évolue dans la sphère sociale et comment se construisent ses jugements vis { vis de l’entreprise. Suite à cela, nous verrons quels mécanismes prévalent dans l’opinion aujourd’hui { l’heure des avancées importantes en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication. Nous verrons quelles sont les corrélations entre l’évolution d’internet, et la structuration de l’opinion. Cela nous amènera à notre champ de réflexion principal qui concerne l’étude de la perception de l’entreprise par l’opinion sur la sphère du web.

Page 10: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 10

a. Rappel des principes de la communication de crise

Avoir conscience du risque d’opinion, c’est aussi et surtout avoir conscience de l’ensemble des risques qui entourent l’entreprise et qui sont liés { son environnement. Car, il est important d’avoir { l’esprit que le risque d’opinion est souvent corrélé au développement d’autres risques. Connaître ces risques permet de bien préparer une gestion de crise et le cas échéant d’anticiper au mieux les relations avec l’ensemble des publics de l’entreprise (qu’il s’agisse de l’opinion publique constituée du grand public ou de l’ensemble des parties prenantes). D’autre part, gérer les risques et anticiper la crise, est le moyen le plus efficace de pallier le risque d’opinion quel qu’il soit, car cela permet de conserver une bonne image de l’entreprise. C’est pour cela qu’il paraissait opportun de revenir sur une typologie des risques et de fait, sur les différents moyens de gérer une crise.

I) Typologie des risques et des différents types de crise

1. Les différents risques facteurs de crise

La crise est un évènement inattendu qui met en péril l’existence ou l’image d’une entreprise et de tout type d’organisation (associations, collectivités, instance politique…). Elle comprend trois phases caractéristiques : la phase d’émotion qui a lieu au début de la crise dans sa phase la plus « chaude », la phase de la polémique durant laquelle ont lieu les débats autour du degré de responsabilité de l’entreprise et la phase rationnelle qui intervient « à froid » lorsque la crise n’est plus au cœur de l’actualité et que les jugements sont plus neutres. Le déclenchement d’une crise est dû à la manifestation d’un risque qui n’avait pas été anticipé par l’organisation. Le risque est en effet par définition une menace qui pèse sur le bon déroulement d’une organisation. Il apparaît alors nécessaire de répertorier ces risques pour en avoir une connaissance exhaustive et pouvoir les anticiper. Ainsi il existe différents types de risques qui sont { prendre en compte pour préserver le fonctionnement et la réputation d’une entreprise. Carine Cepi, journaliste au journal des entreprise en a proposé une classification1 :

On distingue d’une part les risques propres au fonctionnement et aux choix de l’entreprise et de ses dirigeants. Ce sont les risques endogènes :

- Les risques stratégiques qui découlent d’un mauvais choix stratégique - Les risques opérationnels qui touchent le modèle économique de l’entreprise (fonctionnement, vente, production…) - Les risques humains relatifs { l’interne de l’entreprise (démotivation, perte de savoir-faire…) - Les risques financiers - Les risques de gouvernance, liés au comportement du dirigeant. - Les risques juridiques qui concernent la législation relative { l’entreprise - Les risques d’image

On distingue ensuite les risques qui dépendent de l’environnement de l’entreprise. On parle des risques exogènes :

-Les risques sociaux (plans sociaux, grèves…) - Les risques environnementaux (pollution, contamination de sols…) - Les risques santé (lié { un produit, aux conditions de travail…)

1 Carine CEPI - Comment évaluer les risques de l’entreprise - http://www.netpme.fr/

Page 11: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 11

- Les risques industriels (accidents, incendies, explosions…) - Les rumeurs qui peuvent affecter l’image d’une entreprise.

Pour répertorier l’ensemble de ces risques, et pour en avoir une vue d’ensemble, l’entreprise met en place un système de cartographie des risques sous forme SIG (système d’information géographique). Ce système permet de représenter sous forme de carte les risques par zone géographique et d’en faire apparaître la nature par des zones de couleurs. Selon des critères choisis, l’entreprise peut également faire apparaître son niveau d’exposition par rapport aux différents risques. Christelle Champion, directrice de l’agence Cohésens rappelle que la cartographie des risques est un moyen essentiel pour anticiper les crises.

2. La crise : une opportunité si elle est bien gérée

Les risques constituent des alertes pour l’entreprise lorsqu’ils prennent une importance inhabituelle. Autrement dit, c’est lorsqu’il y a une rupture du système habituel de fonctionnement de l’entreprise que le mécanisme d’alerte se met en place. Par exemple, dans une centrale nucléaire, lorsqu’un technicien perçoit une anomalie sur un réacteur, il activera une alerte qui permettra de prendre en compte le risque en amont. Ainsi, c’est en tenant compte de ces alertes que l’on peut préparer l’entreprise { la crise et optimiser la gestion de celle-ci.

Dans tous les cas, la crise constitue une rupture dans le processus habituel de gestion de l’entreprise. Patrick Lagadec, spécialiste des questions liées aux crises montre que la rupture est avant tout vécue sur un mode défensif1. Selon lui, « on mesure d’abord ce que la rupture représente de perte […] et pourtant il est possible de l’inscrire dans un registre résolument positif ». C’est la théorie de la rupture créatrice. Pour Patrick Lagadec, le risque le plus fort, « ce n’est pas l’inconnu, c’est le refus de changer ».

Pour parler ici de la gestion de crise, nous éviterons de nous plier aux postulats généraux disant que la crise est une défaite du système organisationnel de l’entreprise. Une crise bien menée peut être en fait une véritable opportunité pour l’entreprise comme nous venons de le mentionner avec la théorie de la rupture créatrice. C’est le moment où elle peut redynamiser son image, changer de mode de fonctionnement, et aborder de nouveaux territoires de communication. Pour Christelle Champion, directrice de la société Cohésens, spécialiste du management de crise, l’entreprise doit voir la crise comme un changement nécessaire à son évolution. Autrement dit, la crise peut être un élément positif.

Or, une crise bien gérée est garantie par la mise en place d’une bonne communication de crise. Et celle-ci repose sur des éléments essentiels qui garantissent sa réussite.

A ce titre, nous avons pu constater dans l’histoire que les entreprises ont développé de plus en plus la communication de crise, car elles se sont aperçues qu’il s’agissait du seul moyen de préserver leur image, leur réputation et plus globalement leur existence. Les crises se sont développées, c'est-à-dire ont été plus médiatisées et commentées depuis les années 1980, ce qui a obligé les entreprises { réagir. Pour Eric Giuly, président de l’agence CLAI : « Vécue hier comme un incident de parcours, la crise symbolise désormais une vraie rupture de sens : une rupture de cohérence entre ce qui est révélé et ce que croit ou attend l’opinion publique ».

1 Patrick LAGADEC – La rupture créatrice – Education & Management – Juillet 2002

Page 12: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 12

3. Exemples de l’importance de la gestion de crise

En 2004 nous assistons à la sortie du film « Super Size Me » qui devient un véritable fléau pour l’entreprise de restauration rapide Mac Donalds. Le film démontre effectivement que manger à Mac Donalds régulièrement est dangereux pour la santé. L’entreprise a très bien réagi grâce { des interventions médiatiques, dans lesquels les dirigeants ont montré les

approximations de la démarche scientifique du film. Ils ont démontré que la démarche du film qui se voulait scientifique, était très approximative. Pour faire oublier l’incident, la marque a développé un discours de communication davantage orienté vers la santé, l’hygiène pour changer son image. D’autre part, les restaurants produisent actuellement des nouveaux produits sur la carte qui ont une image plus favorable en termes de santé et de nutrition. Mc Donald’s a su faire de la crise un atout de développement et de dynamisme pour renouveler son image, grâce à sa faculté d’anticipation et de réaction. Ce changement de positionnement, cette réaction positive à la crise se sont particulièrement incarnés par le changement de logo de la marque au cours de l’année 2009.

Total en revanche, a été victime d’une crise qui a été mal gérée. En 2004, l’Erika provoque une marée noire très importante. La marque a toujours refusé d’être tenue responsable de l’accident. D’ailleurs, elle a fait appel après sa condamnation pour crime contre l’environnement (il s’agissait de la première condamnation en justice de ce type). Il n’y a donc pas eu de véritable communication de crise, durant laquelle la marque aurait pu

jouer la carte de la transparence, et de la responsabilité. D’ailleurs, selon un sondage publié par l’IFOP le mercredi 8 octobre 2009, Total est passé de 49 % d'opinions favorables auprès du grand public en 2006 à 38 % en 2009. Nous reviendrons sur le cas Total ultérieurement. Mais le cas démontre bien qu’une crise mal gérée met l’entreprise dans une situation de malaise par rapport { l’opinion et peut enrayer sa stratégie de développement.

Page 13: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 13

II) D’une gestion de crise à posteriori à une anticipation de la crise

Les exemples de crise qui se sont succédés dans l’histoire ont obligé les entreprises { modifier leurs modes de comportement vis-à-vis des crises. On est en effet passé d’une communication de crise à posteriori à une anticipation de la crise.

La gestion de crise peu ou mal anticipée :

Jusqu’{ présent quand une crise éclatait au sein d’une entreprise, celle-ci réagissait en mettant en place des actions qui découlaient du déclenchement de la crise. Les dirigeants et leurs communicants préparaient des discours sur le tas, dans la précipitation pour répondre aux médias et se justifier auprès de l’opinion. Des cellules de crise étaient mises en place conjointement mais souvent dans la précipitation. Cela induisait deux phénomènes :

D’une part l’entreprise n’avait pas une maîtrise totale de son discours et d’autre part, elle pouvait laisser échapper des éléments du fait d’un certain manque de contrôle qui pouvaient nuire { son image. En effet, l’opinion qui suit attentivement les réponses d’une entreprise dans les médias face à une crise identifiait clairement les éléments incontrôlés issus des discours des porte-paroles et reliait directement les causes de la crise à une faute des dirigeants, ou à une faute directement liée { l’entreprise.

Exemple : La perte de 5 milliards d’euros { la Société Générale suite aux agissements de Jérôme Kerviel. Cette grave erreur a généré un scandale dans l’opinion qui voyait dans le monde du trading une liberté exagérée. Les individus se sont mis instinctivement à penser que leur argent n’était plus sécurisé. L’affaire a pris une ampleur très importante dans les médias. La Société Générale

est donc passée à travers une grave situation de crise, qui a conduit à la démission de Daniel Bouton, le PDG. Si l’entreprise avait pris en compte les risques et avait su anticiper la crise, l’affaire n’aurait pas été aussi loin, et n’aurait pas nui autant { l’image de la Société Générale.

Une anticipation de la crise :

Ainsi, depuis quelques années, les entreprises ont mis en place des outils d’anticipation pour gérer les crises au mieux, en ayant le moins possible recours à la précipitation. Les entreprises sont passées d’une stratégie réactive à une stratégie proactive. La crise est gérée en amont. En effet, les départements de gestion de crise sont désormais des services permanents au sein des entreprises. Les cellules de crise sont construites bien avant qu’une crise ne se déclare. L’entreprise connaît déjà ses porte-parole en cas de crise, les discours de communication sont déjà préparés et les rôles de chacun des membres de la cellule de crise sont déjà définis. Rien n’est laissé au hasard. L’objectif est de pouvoir gérer la crise en laissant le moins de place possible au hasard.

Page 14: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 14

III) Le principe de précaution limite l’impact de la crise

1. La naissance du principe de précaution

Toute organisation (entreprise ou institution par exemple) est exposée aux risques. Comme nous l’avons vu précédemment ces risques sont de plusieurs ordres. Dans l’optique de prévenir ces risques, de les anticiper pour éviter qu’ils se manifestent concrètement, il était nécessaire de développer un outil spécifique qui puisse { la fois donner une méthode générique d’anticipation des risques, mais également limiter la responsabilité de l’organisation en cas de crise.

Le principe de précaution a été ébauché dès le début des années 1970 quant à la nécessité de préserver l’environnement. Il a été spécifié par la suite que pour invoquer le principe de précaution, l’organisation devait déceler un risque suffisamment important, et ne pas être en mesure d’en prévoir les effets. Ce principe est entré dans le Constitution le 28 février 2005.

Le principe de précaution connaît une résonnance particulière dans l’opinion. Dès qu’il est instauré, il est avéré qu’il existe un risque important et c’est { ce moment que la peur peut se généraliser dans l’opinion. Sa mise en œuvre impose donc une mécanique subtile. Il doit être mis en place au bon moment, pour ne pas être accusé d’être alarmiste ou « catastrophiste ». Cependant, il ne doit pas être mis en place trop tard, sans quoi l’organisation est accusée d’être responsable de la manifestation concrète du risque. La première utilisation française et constitutionnelle du principe de précaution a concerné la gestion de la grippe aviaire.

2. Le cas de la gestion de la grippe H1N1

Contexte

Dans le cas de la grippe A, la mise en place complexe du principe de précaution est parfaitement illustrée. Le gouvernement a voulu avertir des dangers potentiels du virus de la grippe 6 mois avant son arrivée. Des vaccins ont été commandés, et durant tout l’été précédent l’hiver 2009, une campagne de prévention a été lancée. L’ensemble de la population a été avertie de l’impact potentiel de la grippe. Grâce à la campagne de communication de prévention,

l’opinion publique a pu avoir une perception rassurante de l’arrivée de la grippe A, mais a également étés invitée à la responsabilisation.

En témoigne un sondage BVA réalisé pour le Figaro paru le 18 juillet, « l’opinion mondiale face { la grippe A ». Le sondage révèle que 63% des français ont confiance en l’Etat, dans sa manière de gérer la grippe A. Le gouvernement a donc bien réagi en médiatisant la prévention. Cependant, cette campagne a favorisé l’inquiétude dans l’opinion face { la potentielle dangerosité de la grippe A. Néanmoins, l’image du gouvernement est préservée, et sa responsabilité est identifiée.

Une communication nécessaire

Il faut savoir que le principe de précaution appliqué à la campagne de prévention de la grippe A ne prévoyait pas l’influence de facteurs externes. A partir du 12 novembre 2009, le plan de la campagne de vaccination a commencé, appuyé par une nouvelle compagne de communication visant à amener les français à se faire vacciner. Une nouvelle fois, le principe était de prévenir des risques sans alarmer l’opinion publique. Or, les mois de d’octobre et de novembre 2009 ont été des mois chauds en terme de température et ont limité le nombre de contaminations par la grippe. Un désintérêt est alors apparu de la part de la population, et la communication du Ministère de la Santé est parue décrédibilisée et inadaptée. Cela illustre bien la difficulté de ce

Page 15: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 15

principe. L’auteur John Barry par exemple revient sur la vague pandémique de septembre 1918 aux Etats-Unis. Il démontre que si la communication n’avait pas été maîtrisée, si la diffusion de l’information s’était faîte sans réflexion, la peur se serait alors emparée de la population. Et selon, lui dans le cas présent la peur aurait été plus meurtrière que la pandémie. Ainsi, utiliser le principe de précaution en cas de risque sanitaire est une véritable nécessité qui limite l’impact de la crise et l’altération de l’image du gouvernement.

Une veille stratégique importante

Le second élément relatif au principe de précaution relève de la surveillance de l’opinion. Grâce au SIG (Service d’Information du Gouvernement), la communication a pu être adaptée en fonction des inquiétudes majoritaires de la population. Les sondages menés, la veille mise en place par les cellules du gouvernement étaient nécessaires pour capter les tendances, appréhender les mouvements de l’opinion, et surtout diffuser les messages les plus adaptés.

En somme, la communication a été maîtrisée même si des facteurs externes ont pu la mettre en péril. C’est grâce { une information régulière du gouvernement, { la volonté de prendre le risque sanitaire très en amont, que la responsabilité de l’Etat a pu être écartée lors de l’apparition de cas graves. C’est grâce { la veille stratégique que l’image des services de l’Etat a été sauvegardée.

Le principe de précaution permet alors de limiter l’impact de la crise, puisqu’il permet à l’organisation de se prémunir des effets des risques, et de bien définir les champs de sa responsabilité lors de l’impact de la crise.

Rappel sur le plan média pour le second plan de communication du gouvernement pour inciter à la vaccination (du 9 novembre au 6 décembre 2009)

Un spot TV de 50 secondes, diffusé sur les chaînes nationales (hertziennes, câbles, TNT). Un spot radio, décliné du spot TV diffusé aux mêmes dates sur les antennes du groupe Radio France et sur RFO. Une annonce presse diffusée du 9 au 10 novembre dans la presse quotidienne nationale et régionale et dans la presse gratuite.

Source : http://www.pandemie-grippale.gouv.fr

Page 16: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 16

b. Une opinion avertie qui s’exprime

Aujourd’hui l’entreprise et plus particulièrement la communication évoluent dans un « contexte incertain » pour reprendre les mots de Thierry Libaert1. Autrement dit, l’entreprise est de plus en plus sujette au risque comme nous avons pu le constater. Or l’un des risques le plus important, mais à la fois le plus difficile { déceler est le risque d’opinion. Parler du risque d’opinion, c’est avant tout constater le contexte social dans lequel évolue l’opinion pour pouvoir mieux le définir. Avoir conscience du risque d’opinion, c’est aussi avoir conscience que les publics de l’entreprise ne sont pas les simples récepteurs d’un message. Les publics de l’entreprise sont actifs, ils constituent de véritables parties prenantes qui souhaitent s’exprimer sur les orientations stratégiques de l’entreprise, et qui souhaitent surtout exprimer leur désaccord en cas de différent. On parle à juste titre de « procumer » pour désigner l’individu d’aujourd’hui. C’est { la fois un consommateur et un producteur de jugement.

I) De l’importance des contre-pouvoirs et de l’interventionnisme dans les médias

Les principes démocratiques qui régissent nos sociétés garantissent un principe très important pour tout citoyen : la liberté d’expression. Grâce { la liberté d’expression, chacun peut s’exprimer, proposer un jugement et émettre une opposition. Ainsi, la force démocratique d’un état réside dans la multiplicité des contre-pouvoirs et dans la capacité de chacun des citoyens à faire connaître son opinion.

Cette liberté d’expression permet { des contre-pouvoirs (constitués souvent par des associations, des groupements d’individus, des fédérations) de défendre leurs intérêts sur un sujet. C’est le cas dans tous les domaines de la société. Il suffit de constater la mobilisation des acteurs sur toute modification d’un système et d’un ensemble géographique donné. Par exemple, lorsqu’une usine de traitement de déchets est sur le point de s’implanter dans une commune, il existe systématiquement une levée de boucliers de plusieurs ordres. En l’occurrence, les associations écologistes, les associations de riverains mènent avec virulence les phases de débat public et de concertation pour tenter de donner au projet les orientations qu’ils veulent voir se mettre en place.

Pour l’entreprise, il est donc nécessaire de prendre en compte l’importance des contre-pouvoirs que nous nommerons ici les parties prenantes. Chacune doit être écoutée pour être intégrée au mieux dans le projet de l’entreprise. C’est ce que les anglo-saxons ont nommé les stake holders.

L’opinion publique est multiforme. Elle constitue { un moment donné le pouls de l’opinion, c’est { dire l’avis de la majorité des individus sur un sujet donné. Ce pouls de l’opinion se mesure tous les jours dans les médias et dans les tribunes accordées { l’expression des citoyens. Depuis plusieurs années, les médias font la part belle { l’expression des citoyens sur différents sujets. Par exemple, Arlette Chabot sur France 2 propose régulièrement à des personnalité de venir se confronter à un public de citoyens français par rapport à un ensemble de questions. Dans cette émission, il n’y a plus seulement le journaliste présent pour mener un dialogue avec l’invité mais

1Thierry LIBAERT – Communiquer dans un monde incertain – Pearson, 2008

Page 17: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 17

un ensemble d’individus, raisonnés, venus pour se faire une opinion et poser des questions. Dans le même ordre d’idée, les années 1990 ont vu apparaître les radios libres, émissions durant lesquelles les auditeurs sont invités { s’exprimer et { parler librement de sujets d’actualité.

Tout cela nous démontre qu’aujourd’hui l’opinion s’exprime de manière visible. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’avoir du pouvoir pour diffuser un message, ou acquérir une sphère d’influence. Aujourd’hui tout individu est un leader d’opinion potentiel. La possibilité donnée { chacun de s’exprimer peut donner lieu { une sphère de diffusion importante relayée par les médias notamment dans le cas où le message est crédible et porteur.

L’exemple du cas France Télécom :

Durant les mois d’octobre et de novembre 2009, les médias ont beaucoup parlé des 26 suicides qui se sont déroulés dans l’entreprise au cours de l’année. Plusieurs documentaires (exemple : « La mise à mort du travail » diffusé sur France 3 les 26 et 28 octobre 2009) ont ainsi donné la parole à des ex-salariés ou à des victimes du management jugé autoritaire de France

Télécom. Ainsi, l’expression de ces individus a contribué à faire chuter le capital sympathie de l’entreprise. Elle a ainsi perdu 20 places dans le classement des entreprises préférées des français en novembre 2009 (source : www.lemonde.fr)

Le cas France Télécom nous démontre donc bien l’importance accordée { l’expression des individus représentatifs de l’opinion publique et le crédit accordé { leur discours. C’est alors { ce moment l{ que l’on peut commencer { parler de risque d’opinion, puisque comme nous venons de le voir, la perception de l’opinion peut évoluer en fonction des discours ambiants, de la sphère d’influence des contre pouvoirs et du relai des médias.

II) Définition du risque d’opinion

Jean Pierre Beaudoin a été le premier { définir le risque d’opinion en tant que risque pour l’entreprise et son dirigeant. Le risque d’opinion désigne le moment où l’image d’une entreprise ou d’une institution se dégrade dans l’opinion. La source du risque se constitue de l’ensemble des publics de l’entreprise. Il s’agit bien entendu des consommateurs ou clients de la structure, mais également des syndicats, des actionnaires, ou encore d’associations écologistes pour une entreprise évoluant dans le secteur industriel par exemple.

Le risque d’opinion est souvent difficile { appréhender pour une entreprise comme nous le démontre Jean Pierre Beaudoin. Il faut savoir que les entreprises et leurs publics évoluent dans des sphères différentes. L’entreprise évolue dans une logique de marché avec ses tenants et ses aboutissants, et base ses concepts et son jugement sur une stratégie de rentabilité. D’un autre côté, l’opinion évolue dans une logique de société, c’est { dire qu’elle fonde ses jugements en fonction des évolutions de la société. Ainsi, lorsque l’activité d’une entreprise a des impacts sur la société (implantation d’usines, délocalisations, licenciements, fusion…), l’opinion aura un jugement directement lié { ces mécanismes. L’opinion répond en effet au principe popularisé par les anglo saxons : le NIMBY (not in my back yard), c’est { dire tout sauf { côté de chez moi. Autrement dit l’opinion comprend et est en faveur de la logique de marché (puisqu’elle répond { l’intérêt général dans sa finalité) jusqu’au moment où les impacts liés { la mise en œuvre de cette

Page 18: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 18

logique sont visibles directement dans la sphère d’évolution de l’individu producteur de jugement.

Pallier le risque d’opinion c’est donc parvenir { faire passer la notion d’intérêt général aux publics de l’entreprise. C’est parvenir { démontrer que l’intérêt général rend nécessaire, ou du moins contingente, les retombées et impacts occasionnés par les activités de l’entreprise dues à la mise en œuvre de sa logique de marché. L’objectif est de faire en sorte de préserver du mieux que possible l’image et la réputation de l’entreprise. Ainsi, lorsque l’entreprise ne réussit pas à faire passer les bons messages, ou lorsque les impacts sont trop importants, elle voit systématiquement son image se dégrader dans la sphère de l’opinion. Cette dégradation de l’image peut entraîner une hostilité importante de la part de la population, qui elle même peut engendrer une méfiance vis { vis de la structure. Lorsque l’image négative se propage, c’est la santé financière de l’entreprise qui se trouve elle même menacée (baisse de vente, chute du cours des actions, indignation des salariés…).

Le risque d’opinion est également relatif { la rumeur, ce que l’on qualifierait aujourd’hui d’anti buzz avec l’essor d’internet. La rumeur par définition désigne un phénomène de transmission par tout moyen de communication d’une histoire à prétention de vérité ou de révélation. Cette dimension de prétention de vérité et de révélation est au cœur du risque d’opinion. En effet, il est certain que toutes les informations diffusées ne sont pas qu’empreintes de pure vérité. Or, lorsqu’une rumeur infondée circule au sujet de la marque, il est très difficile de la stopper, tant ses mécanismes de diffusion sont rapides et incontrôlables. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui, dû fait de l’essor de la sphère internet. D’autre part, Thierry Libaert et Marie Hélène Westphalen, dans le Communicator1 expliquent que « les rumeurs traduisent en général un malaise ». Elles portent donc souvent sur des sujets sensibles qui peuvent susciter la controverse. Elles affectionnent les crises et deviennent dangereuses pour l’image d’une entreprise tant elles sont incontrôlables. Ainsi, il est aisé de se rendre compte à quel point une rumeur peut entacher voire briser définitivement l’image d’une marque. Pour autant, maîtriser le risque d’opinion, c’est savoir maîtriser la rumeur et réagir au bon moment.

Le risque d’opinion constitue donc un moment de fragilité pour l’entreprise. De fait, si le risque d’opinion n’est pas pris en compte, c’est tout le système de l’entreprise qui est menacé.

Exemple de Michel Edouard Leclerc :

En 2005, certains steaks ont été vendus dans plusieurs magasins Leclerc, alors qu’ils contenaient une molécule néfaste pour la santé. Ils ont dû alors être retirés de la vente pour éviter que des problèmes sanitaires apparaissent chez les consommateur. Lorsque l’information a été rendue publique, la plupart des

consommateurs se sont dans un premier temps indignés. Si Michel Edouard Leclerc n’avait pas réagi immédiatement, l’image de la marque aurait continué de se dégrader. Mais en ayant { l’esprit le potentiel risque d’opinion (induit ici par un risque sanitaire), il a su parler aux consommateurs via son blog, pour expliquer la gestion mise en place et avouer l’erreur de Leclerc. Grâce à ces clarifications, les consommateurs ont pu être rassurés et l’image de la marque a pu être préservée (cf. annexe 1).

1 Le communicator: toute la communication d’entreprise – Dunod - 5ème édition, Thierry LIBEART et Marie Hélène WESTPHALEN - 2010

Page 19: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 19

III) Savoir parler à l’opinion, c’est savoir l’écouter

Ecouter les publics pour cerner les attentes

L’exemple vu précédemment avec Michel Edouard Leclerc dans la gestion de la crise de 2005 montre qu’il est important de dialoguer avec l’opinion pour pallier le risque qu’elle peut constituer. Or il est avéré que pour construire un discours pertinent et adapté à un public donné, il est nécessaire de bien écouter et de bien cerner les attentes de ce public. Jean Pierre Beaudoin dit bien que « parler { l’opinion, c’est avant tout savoir l’écouter ». Ainsi, l’entreprise a tout intérêt à veiller sur ce qui se dit à son sujet dans la presse, mais surtout sur internet (dans les forums de discussion par exemple). C’est comme cela que l’entreprise va pouvoir cerner les principales préoccupations. Mais nous reviendrons à ce mode de fonctionnement dans la seconde partie de la réflexion.

Connaître les valeurs des parties prenantes pour construire son discours

Il semble certain que divulguer des messages pour vanter l’image de l’entreprise, la déresponsabiliser d’un incident ou accident ne suffit pas { susciter l’adhésion du public concerné. Il faut cerner les valeurs du public, ses modèles d’identification, pour pouvoir parler avec les mêmes symboles, dans le même champ sémantique. C’est grâce { cette cohérence dans le discours que celui-ci va pouvoir être compris par le public. Le discours de l’entreprise doit être le reflet des interrogations des parties prenantes. Plus précisément, chaque action, chaque discours de l’entreprise sera interprété par les différentes parties prenantes en fonction de leurs valeurs de référence. Les actionnaires raisonnent en terme de marchés, les syndicats raisonnent en terme de politique sociale, le consommateur raisonne en terme de pouvoir d’achat. Ces valeurs sortent parfois de ce cadre pour prendre une ampleur plus généraliste. L’entreprise doit donc avoir en tête l’ensemble de ces valeurs pour pouvoir communiquer et surtout adapter ses messages en fonction des publics.

Parler à ses publics c’est pouvoir les influencer

La nécessité de se référer aux valeurs et aux champs de référence des publics de l’entreprise est le moyen de faire passer un message et de se faire comprendre au sein de la société. La communication, la diffusion de messages doivent se construire à mesure que la relation avec les publics évolue. Aujourd’hui pour faire passer un message, il ne suffit plus de convaincre, mais bien de savoir influencer. Les individus (identifiés par l’opinion), et plus généralement les publics de l’entreprise n’ont plus une confiance absolue en elle comme cela pouvait être le cas il y a encore une vingtaine d’années. Les scandales de dirigeants révélés depuis plusieurs années dans la sphère publique ont décrédibilisé la légitimité du discours des entreprises. La communication passe donc par la capacité pour une entreprise de construire un discours pertinent dans la société qui trouve sa justification dans les attentes qu’expriment les parties prenantes. Il est important de noter que communiquer envers l’opinion est une démarche complexe, subtile qui nécessite de bien connaître son public. L’enjeu du discours d’image envers l’opinion passe donc par une démarche d’influence. Il s’agit en somme de démontrer à ses publics en quoi l’entreprise est utile au sein de la société. Influencer c’est justifier de la légitimité de l’entreprise dans son environnement.

Identifier les relais d’opinion qui sont les leviers de la communication d’influence.

Pour pouvoir mettre en place une stratégie d’influence pertinente en direction de l’opinion, il est important d’identifier ses relais. Ce sont les relais d’opinion qui sont les véritables ambassadeurs

Page 20: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 20

du discours de l’entreprise. Si l’on s’en réfère { la théorie du « two step flow » de Paul Lazarsfeld1, il s’avère que l’individu est influençable beaucoup plus facilement par ses proches que par les médias ou que par l’entreprise elle-même. C’est souvent l’entourage qui exerce l’influence la plus directe sur un individu. Autrement dit, l’entreprise devra identifier les bons relais d’opinion pour qu’ils incarnent le discours de l’entreprise et deviennent des ambassadeurs au sein de leur sphère d’influence. C’est en ayant en tête ce mécanisme que l’entreprise rendra son discours et sa communication efficaces dans la sphère de l’opinion.

Stéphane Billiet, auteur de l’ouvrage les Relations Publiques2 nous donne les clés d’identification des relais d’opinion :

« Quelque soit sa position dans la société et son périmètre d’influence, le relais d’opinion se distingue par quelques traits caractéristiques : L’autorité (liée à son statut social ou hiérarchique, { son prestige ou { son charisme. Elle s’impose sans discussion, ni contrainte, par consentement), l’expertise (ses connaissances et ses compétences sont reconnues. Il a des sources fiables d’informations et se montre proactif dans la recherche d’informations) et la confiance (on sollicite son avis par la passion pour son sujet et l’envie d’être utile aux autres.) »

Ainsi, pour surveiller la réputation de l’entreprise et lui garantir une bonne image, il est nécessaire de passer par ces leviers, qui constituent des cibles relais dans la communication, car ils seront les ambassadeurs du discours de l’entreprise auprès de l’opinion publique. Et c’est grâce { cela que la communication de l’entreprise se trouvera de nouveau légitimée auprès de l’opinion.

Exemple : l’accident du vol Rio Paris d’Air France survenu en juin 2009 a été géré dans cette optique là en matière de communication. Dès que les dirigeants ont appris la catastrophe (c’est { dire quelques minutes après le crash), une conférence de presse a été mise en place3. Connaissant leurs parties prenantes, et la perception de la marque par les consommateurs, les dirigeants ont su trouver les bons mots pour ne

pas voir leur image se détériorer dans l’opinion. Air France a mis en cause sa responsabilité, a exprimé sa tristesse pour les familles mais sans rentrer dans le « pathos » . C’est cette méthodologie dans le discours, et ce choix précis des mots et des messages qui a permis de gérer la crise de la meilleure manière. Hors, cela n’a pu être possible que grâce { une connaissance pointue des attentes du public acquise au fil des années.

1 La théorie nommée « Two step flow theory » a été développée par Paul Lazarsfeld (avec Bernard Berelson et Hazel Gaudet) après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, dans son livre The People's Choice (1944).

2 Stéphane BILLIET, Les relations Publiques : refonder la confiance entre l’entreprise, les marques et leurs publics – DUNOD, 2009

3Sources: Hédi HICHRI, Communication de crise d’Air France, Magazine de la communication sensible, Août 2009

Page 21: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 21

c. L’opinion évolue principalement sur Internet aujourd’hui

I) La naissance du web 2.0

Le web 2.0 est la qualification que l’on a attribuée aux nouvelles modalités d’Internet dès le début des années 2000. Avant, le web possédait une dimension unilatérale. C’est { dire qu’il existait des sites (vitrines) dans lesquels les marques, les institutions, les artistes diffusaient de l’information { sens unique ou faisaient la promotion de ce qu’ils souhaitaient mettre en valeur. Depuis le début de la décennie, Internet a pris la dimension de l’interactif et du participatif. Jusqu’{ présent, l’internaute lambda ne pouvait faire que consulter des sites et faire des recherches par mots clés.

Désormais tous les internautes peuvent eux-mêmes produire des contenus et non plus seulement les consulter. Les années 2000 ont vu l’essor des blogs, des réseaux sociaux, des sites de partage de contenu dans lesquels chacun apporte des informations et commente celles des autres. Le web 2.0 entraîne au del{ d’une révolution technologique, une véritable révolution sociétale. Les rapports hiérarchiques de la société en termes d’influence et de pouvoir d’expression sont bouleversés. Etant donné que chacun peut prendre la parole, chaque prise de position peut être source d’un véritable mouvement de fond. Par exemple, les journalistes n’ont plus le monopole de l’information. Les blogueurs, et même les internautes lambda parasitent la diffusion de l’information. Etant donné que toute l’information est accessible (flux RSS, accès aux sites du monde entier, sites de partage d’information), les internautes peuvent à tout moment publier et diffuser une information.

L’apparition du web 2.0 redonne de l’actualité { la « théorie du two step flow » abordée précédemment. Dans une optique de gestion du risque d’opinion, il est nécessaire d’appréhender l’évolution des leaders d’opinion (qui sont les influenceurs de l’opinion) dans ce nouvel espace interactif. La notion de buzz qui est apparue il y a une dizaine d’année et qui traduit l’idée selon laquelle Internet accélère le bouche { oreille grâce { la rapidité de circulation de l’information est au cœur de cette évolution. En effet grâce aux moyens mis { disposition par les réseaux sociaux et espaces participatifs (dont nous trouvons une classification au point suivant), les leaders d’opinion d’aujourd’hui ont des sphères d’influence élargies et immédiatement réactives. Ce que Stéphane Billiet nomme les « e-fluencers » traduit bien le phénomène d’influence de l’opinion publique { l’heure du web 2.0. Internet est effectivement devenu une source d’information pour tous les domaines de la vie quotidienne et pour l’actualité. Les internautes sont aujourd’hui sensibles aux discours des leaders d’opinion qui fleurissent sur la toile (blogueurs, profils twitter influents…). Paul Lazarsfeld était donc un visionnaire, puisqu’{ l’heure actuelle, l’influence de l’opinion est plus que jamais relayée par les proches incarnés par ces nouveaux leaders d’opinion (cf. annexe 4).

Page 22: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 22

II) Typologie des réseaux sociaux et autres sites participatifs

La majeure partie des sites web permettent aujourd’hui { l’internaute de produire du contenu. C’est la forme de ce contenu qui permet de classifier les différents types de sites web qui définissent le web 2.0

Les réseaux sociaux : Il s’agit de sites sur lesquels l’internaute s’inscrit et crée un profil. Suite { cela, il peut constituer son réseau en « ajoutant » d’autres profils. Ces sites sont apparus au début des années 2000 et connaissent aujourd’hui un essor considérable. Exemples : Myspace, Facebook, Habbo. Ces réseaux sociaux sont aussi d’ordre professionnel (exemples : Viadeo, LikedIn). Ils constituent la nouvelle forme d’organisation des relations sur internet, puisque de plus en plus de sites, de partis politiques, et d’entreprises lancent eux-mêmes leurs réseaux sociaux (Opinion Way, Le Figaro, l’UMP..)

Les sites de partage de contenus : Orientés sur les supports comme l’image et plus souvent la vidéo, ils permettent aux internautes de poster leurs vidéos, de les commenter, et de les partager. C’est grâce { ces sites que les phénomènes de buzz sont apparus et sont aujourd’hui omniprésents dans la société. Exemples : Youtube, Dailymotion, Flickr…

Les sites de blogging : Le début des années 2000 a également été la période d’accroissement des blogs. Que ce soit les adolescents, les leaders politiques, les artistes, chacun peut aujourd’hui avoir son blog pour y écrire ce que bon lui semble. Plusieurs plateformes d’hébergement se partagent le marché (exemples : Skyrock, Overblog, Paperblog…). C’est sur ces plateformes que les leaders d’opinion exercent majoritairement leur influence sur leur réseau de lecteurs.

Les sites de microblogging : ils constituent l’avenir du web 2.0, car ils représentent la nouvelle forme d’expression des internautes. Ils permettent de faire partager { son réseau l’activité que l’on est en train d’exercer. Il est possible de commenter un événement en direct. Il s’agit de la communication de l’instantané qui peut répandre des buzz { une vitesse incontrôlable. (exemples : Twitter, Google Wave…).

Page 23: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 23

Dans cette classification, nous omettons une partie des sites qui constituent le web 2.0. Pour autant, la classification présentée donne un aperçu de toutes les plateformes d’expression que l’entreprise doit surveiller pour contrôler son e-réputation et anticiper l’évolution de son image. La vitesse de transmission de l’information est { l’image de l’évolution des réseaux sociaux : toujours plus rapide.

Autrement dit, il est nécessaire pour l’entreprise de bien connaître ces réseaux pour en maîtriser les tenants et les aboutissants, et ainsi réagir en cas de risque d’opinion sur internet.

III) De l’usage et de la connaissance nécessaire de ces supports pour l’entreprise

Le principal élément nouveau et structurant pour les années à venir du monde de fonctionnement d’Internet est l’apparition des réseaux sociaux. Ces sites, dans lesquels tout internaute peut s’inscrire visent { lui permettre de se créer un réseau virtuel grâce { l’ajout de contacts et { la possibilité d’échanger en temps réel avec eux. Ces réseaux sociaux sont le reflet de l’évolution de l’opinion sur internet. Ils sont également la manifestation concrète de la montée du communautarisme virtuel. Les internautes se regroupent par centres d’intérêts. Les réseaux sociaux constituent ainsi un nouvel enjeu de taille pour l’entreprise. Ils brisent la classification traditionnelle des publics (par âge, par sexe, par revenu, par zone géographique) et donnent naissance { des typologies par groupes d’intérêts. C’est pour cela que nous avons assisté ces dernières à la transition durant laquelle nous sommes passés du marketing « one to many » au marketing « one to one ». La marque est désormais obligée de communiquer en fonction des goûts de ses cibles, et non plus en fonction de cibles définies par des critères intangibles.

La transmission des messages et la circulation de l’information ont pris une dimension nouvelle. Aujourd’hui, chaque information, chaque contenu peut être diffusé sur l’ensemble des réseaux sociaux. La fonction de « partage » mise { disposition par les sites web permet { l’internaute de faire circuler une information { l’ensemble de ses contacts sur les réseaux en l’agrémentant d’un commentaire exprimant son jugement personnel. Il existe donc un vrai phénomène de transmission et de dénaturation de l’information. Cela prouve que l’entreprise est exposée au risque en temps réel sur la sphère du web.

L’essor des réseaux sociaux est donc désormais une variable qui doit être au cœur de la stratégie de l’entreprise. Les individus regroupés centres d’intérêt, et possédant des vecteurs d’expression inédits à forte résonance sur la sphère du web deviennent des acteurs influents potentiels. Chacun peut devenir un leader d’opinion si il utilise ces nouveaux créneaux comme leviers de communication. Ainsi, le risque d’opinion est donc plus présent que jamais. En effet, si un internaute décide de parler en négatif d’une marque, et que son discours est repris, suivi, commenté, un public très large peut être touché très rapidement. Il est donc nécessaire pour l’entreprise de surveiller les évolutions de l’opinion sur le web pour se prémunir de la crise liée au risque d’opinion sur le web.

Page 24: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 24

L’exemple de Domino’s Pizza : Deux employés de la marque se sont filmés avant de livrer une pizza. Durant cette vidéo on assiste à la préparation de la pizza, dans laquelle ils rajoutaient quelques substances physiologiques (nasales notamment). L’objectif était de faire rire les internautes en les « dégoutant » de la pizza. Pour la marque, cette vidéo a été la source d’une véritable crise d’image. La vidéo a été vue plusieurs millions de fois, reprise dans des blogs et partagée sur

plusieurs réseaux communautaires (Facebook, Twitter). La marque a été obligée de réagir pour éviter que la crise se propage et noie définitivement l’image de l’entreprise.

La surveillance des réseaux sociaux est donc une condition nécessaire au maintient de l’image d’une entreprise. Plus particulièrement, nous pouvons dire que l’usage des réseaux sociaux doit être systématisé pour toutes les entreprises dont l’image est exposée au risque d’opinion sur internet. Il s’avère d’ailleurs aujourd’hui que chaque structure est concernée { un moment donné. Mais nous y reviendrons ultérieurement.

Page 25: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 25

II) Interagir sur internet grâce à la prise en compte du risque d’opinion

« Celui qui sait parler sait aussi quand il faut parler » Archidamos

Nous avons vu précédemment, après avoir mis en exergue les principaux mécanismes qui structurent l’opinion et les moyens d’expression qui facilitent son expression, que l’opinion évoluait principalement sur internet aujourd’hui. Or, Internet, dans la possibilité que l’outil offre pour la diffusion d’informations, constitue un danger pour l’entreprise et son image. Etant donné que chacun { accès { tout, l’entreprise peut { tout moment se retrouver dans une position de faiblesse en termes de réputation et d’image, lorsqu’elle n’aura pas su anticiper le jugement de l’opinion.

Pour pallier le risque d’opinion, nous allons voir dans un premier temps, comment il est possible de veiller { l’image de l’entreprise régulièrement en analysant les discours et les perceptions de l’opinion. De la veille va dépendre la réactivité de l’entreprise.

Suite à cela nous nous intéresserons aux mécanismes de l’influence, car c’est lorsqu’elle est influencée que l’opinion construit son jugement. C’est tout l’enjeu pour l’entreprise que de parvenir à saisir les moyens de mettre en place une stratégie d’influence pour optimiser la construction de sa réputation. De fait, nous rappellerons les grands principes de l’influence, et ceux qui prévalent aujourd’hui en matière de communication.

Enfin, nous verrons comment l’influence se traduit dans la stratégie de communication de l’entreprise. D’une part dans une phase « à froid » proactive, dans laquelle l’entreprise réagit dès qu’il y a risque d’opinion. D’autre part, dans une phase « à chaud » réactive, dans laquelle l’entreprise doit gérer une crise liée { l’opinion.

Page 26: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 26

a. La veille d’opinion

La veille d’opinion est un concept à la fois nouveau et très ancien. En effet, la surveillance du peuple par les organes de pouvoir a toujours existé. Dès le Moyen Age, les seigneurs envoyaient des espions dans les rassemblements populaires pour prendre le pouls de l’opinion. Le but était d’écouter ce qu’il se disait pour pouvoir préparer des réponses et anticiper une éventuelle révolte.

Aujourd’hui le phénomène est le même, mais les outils ont changé, et surtout la démocratie est venue équilibrer les rapports entre les instances de pouvoir et le peuple. Pour autant la force de l’opinion est une variable essentielle dans la prise en compte des différents risques pour l’entreprise comme nous avons pu le constater dans la première partie.

Ainsi la veille d’opinion caractérise le mécanisme par lequel une entreprise ou une institution est { l’écoute du grand public via un certain nombre d’outils mis { disposition sur internet. La veille d’opinion vise { recueillir une opinion spontanée, non biaisée par des critères définis au préalable. C’est la différence entre la veille d’opinion et l’étude de marché. A ce titre, la veille d’opinion mesure le pouls de l’opinion de manière objective, sans parasite externe.

I) Objectifs et principes de la veille d’opinion

Nous avons pu observé dans la première partie que le risque d’opinion est aujourd’hui un des risques majeurs de crise pour une entreprise. En ce qui concerne la communication, l’entreprise ne peut plus se permettre de communiquer, sans surveiller ce qui est dit en parallèle, dans le dialogue entre les différents publics. Le développement d’Internet permet { tout individu de donner son opinion sur un sujet et de le partager immédiatement avec l’ensemble des internautes. Le principal objectif de la veille d’opinion consiste donc { surveiller ce qui se dit sur le web pour pouvoir mesurer l’évolution de l’image d’une entreprise.

Grâce { cette surveillance, il est possible de constater en temps réel ce qui se dit d’une marque sur Internet. De fait, la marque en question va pouvoir adapter sa stratégie et son discours pour répondre aux attentes des internautes. Par exemple, lorsque sur des forums, des participants émettent des souhaits vis { vis d’une marque (nouveaux produits, nouveaux services), ou lorsque d’autres s’insurgent contre une actualité liée { la marque, l’entreprise devra proposer un discours cohérent et personnalisé pour répondre à ces préoccupations émises par les internautes.

Le second objectif de la veille d’opinion consiste { obtenir une vue d’ensemble des sujets de préoccupation émis sur le web. Il s’agit aussi bien de sujets directement liés à la marque comme nous venons de le constater mais également de sujets qui lui sont indirectement liés. Autrement dit, des thèmes de discussion relatifs à des problématiques de société peuvent très bien impacter une entreprise, si les échanges des internautes évoluent vers le secteur d’activité de l’entreprise ; et l’entreprise, qui n’était pas concernée par la problématique développée, va s’y trouver associée à son insu. Grâce à la veille d’opinion, il est possible d’anticiper ces dérives. Si la veille révèle que ce qui est dit sur le web s’oriente vers le domaine d’activités de l’entreprise, il est prévisible que l’entreprise soit potentiellement touchée, en termes d’image. Il est alors possible

Page 27: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 27

de réagir très en amont, en adoptant une posture communicationnelle qui fasse en sorte que l’entreprise ne soit à aucun moment préjudiciable.

Exemple fictif:

Prenons un forum généraliste sur internet (type « Le grand forum du net ») et prenons une discussion liée { l’actualité sur les bonus des banquiers. Il est clair que ce sujet est aujourd’hui au cœur du préoccupations { l’heure où le

chômage est dans tous les esprits. Prenons ensuite la banque LCL (ancien Crédit Lyonnais) qui a déjà connu un scandale financier dans les années 1990. Si LCL met en place une veille d’opinion sur internet qui couvre un champ sémantique plus large que les simples discussions qui tournent autour de la banque en elle même, elle recevra des alertes sur cette discussion liée aux bonus. Or, si nous imaginons que la discussion a été lancée seulement depuis une semaine, les commentaires générés n’auront pas été nécessairement nombreux. Donc LCL peut envisager de communiquer sur internet, en expliquant que sa politique d’attribution des bonus est fortement encadrée. Dans ce cas, si la discussion dérive vers les mauvaises pratiques des banques, LCL sera { l’abri du risque d’opinion, puisque la banque aura su adopter le positionnement adéquat au bon moment.

Les mécanismes de fonctionnement de la veille d’opinion sont souvent les mêmes. Il est important d’en retenir trois grandes étapes :

- La définition du champ sémantique de veille

- Le tracking (ou recueil des alertes)

- L’analyse qualitative et quantitative

Si les mécanismes de la veille sont similaires, il faut noter qu’il existe différents types de veille1. Selon la stratégie de communication de l’entreprise, selon ses objectifs et selon ses cibles, elle devra adapter la veille à ses attentes.

- La veille de buzz : Etude de la propagation d’une information sur le web (notamment liée à une actualité de la marque)

- La veille d’e-réputation : Etude de l’évolution de l’image de l’entreprise sur la sphère du web 2.0

- La veille de mobilisation : Etude de la mobilisation des internautes autour d’une cause commune. Dans le cas de l’entreprise il s’agit d’identifier la fédération des parties prenantes autour d’un projet nouveau de l’entreprise (souvent sensible) ayant des retombées sur la société

- La veille des consommateurs : Etude de la perception des produits et services de la marque par les consommateurs, et de l’évolution de leur perception lors de l’apparition de nouveaux produits et de nouveaux services

1 Source : www.veilledopinion.fr

Page 28: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 28

- La veille de crise : Capter les signaux forts susceptibles de déclencher des mouvements au sein de la toile. C’est ce type de veille qui concerne directement le risque d’opinion.

Cette typologie des différentes formes de veille est non exhaustive et dépend comme nous l’avons vu des problématiques de l’entreprise. Cependant la veille de crise concerne toutes les entreprise quelles que soient leurs problématiques. En effet, nous avons vu que le risque d’opinion pouvait se déclencher pour plusieurs raisons qui ne sont pas nécessairement liées { l’activité de la marque. Or, c’est grâce { cette veille que l’entreprise pourra anticiper les risques et réagir en amont pour éviter un engouement négatif de l’opinion contre la marque.

II) Les outils de veille quantitatifs

Pour mesurer le volume des conversations générées sur internet relatives { l’entreprise, il existe plusieurs outils proposant un grand nombre de services. Les outils de veille quantitatifs permettent { l’entreprise de constater l’ampleur des conversations qui ont lieu sur le web. En d’autres termes ils permettent de recueillir des données numériques répertoriant le volume de l’activité des internautes sur le web. Parmi les outils de mesure, on distingue notamment (cf annexe 2 pour une typologie plus complète des outils) :

- L’analyse quantitative des blogs : nombre de commentaires postés, nombre de lectures d’un billet, nombre de pages indexées du blog sur les autres blogs, nombre de blogs parlant de l’entreprise, nombre de visites sur ces blogs

- L’analyse quantitative des réseaux sociaux : nombre de groupes Facebook et de Fanpage créés autour de la marque, nombre de membres { l’intérieur de ces groupes, nombre de commentaires postés sur ces pages.

- L’analyse quantitative des wikis et autres sites de partage de contenu (Youtube, Flickr…) : nombre de contenus publiés sur la marque (vidéos, articles), nombre de commentaires issus du partage de ces contenus, nombre de vues

Pour mesurer automatiquement certaines de ces données, plusieurs logiciels sont à la disposition des entreprises. Parfois gratuits, parfois payants, ils ne proposent pas tous la même qualité de service. Selon l’importance de l’entreprise (taille, sensibilité du secteur d’activité, notoriété), il convient de bien choisir les outils en fonction de la stratégie adoptée.

Exemples représentatifs d’outils de veille :

- Google Alerts : le moteur de recherches Google permet de définir un champ sémantique pour lequel on souhaite recevoir des alertes, dès que ce champ sémantique est repris dans un contenu sur le web. Autrement dit, il suffit de choisir des mots clés concernant l’entreprise. A chaque fois que ces mots clés apparaissent dans un blog, ou dans un article, l’utilisateur reçoit une alerte avec le lien renvoyant vers le contenu de la part de Google. L’avantage est que l’outil est gratuit et facile d’utilisation. L’inconvénient est qu’il ne surveille en aucun cas le web social.

- La Pagerank et le Netlinking : ces outils que l’on peut retrouver également gratuitement sur le web, permettent d’evaluer la fréquentation d’un blog ou d’un site et leur classement dans les moteurs de recherche. Plus ils ont un pagerank élevé, plus ils sont consultés, et plus ils ont un netlinking important plus leur contenu est repris et

Page 29: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 29

partagé sur d’autres sites. L’avantage est que cet outil permet d’avoir une vision rapide de la sphère d’influence d’un blog (et donc de son potentiel de nuisance ou d’apport pour la marque). L’inconvénient est que c’est un outil fastidieux, car il faut rentrer les données { la main et cela prend un temps important si l’on veut analyser un nombre important de sites.

Pour aller plus loin, certaines sociétés ont développé des logiciels plus complets qui permettent d’évaluer et de mesurer l’opinion plus précisément. Exemples :

- AMI Opinion Tracker : il s’agit d’une suite de logiciels conçus pour mesurer l’e-reputation d’une entreprise (terme sur lequel nous reviendrons), et le retour sur un investissement (ROI) de certaines actions de communication menées sur le web. Ces logiciels permettent de surveiller la blogosphère et l’ensemble des réseaux sociaux sur des critères prédéfinis et d’évaluer le niveau d’audience d’une source (blogueur par exemple),

- Mediaspotter : Il s’agit d’une plateforme de veille , de mesure de buzz, de cartographie des discours et de l’opinion sur Internet. Elle met en avant les informations et les contenus qui ressortent sur le web et les sources générateurs de buzz. Grâce à la création d’alertes, de tableau de suivi de l’opinion et de benchmark, Mediaposter permet d’identifier l’ensemble des sites sur lesquels la marque est citée. Grâce { un dispositif d’alertes défini, la veille est assurée { 360°. L’avantage du logiciel est qu’il permet d’avoir une vue d’ensemble du volume d’informations générées sur le web vis à vis de la marque. L’inconvénient est que c’est un outil qui peut être difficile { maîtriser.

- Sind up : Il s’agit également d’une plateforme de veille qui répertorie l’ensemble des contenus et des conversations sur le web par rapport à un thème ou à certains mots clés. Cette plateforme permet d’avoir une vue d’ensemble des éléments d’actualité qui sont majoritairement repris par les internautes, et le cas échéant des contenus relatifs à la marque. L’avantage est que l’outil permet de disposer d’une vision large de la production de contenus. L’inconvénient est que l’outil ne procède pas { l’analyse de ton et de posture de ces contenus. C’est pour cela qu’il s’agit bien d’un outil quantitatif et non qualitatif.

L’exemple fictif de veille d’opinion basée sur des critères quantitatifs :

Nous imaginons que nous procédons à une veille pour Renault et la sortie de sa nouvelle Mégane. Pour avoir une idée de la perception du nouveau produit par l’opinion, et de l’ampleur de conversations que l’outil va générer, nous décidons de mettre en place une veille d’opinion basée sur des critères quantitatifs. Celle-ci nous permettra de savoir qui parle de la marque et quels publics sont les plus touchés. Pour optimiser cette veille et créer une véritable

méthodologie, nous décidons d’utiliser Google Alerts et le logiciel Sind Up qui semblent les plus destinés à répondre aux objectifs de mesure. La mise en place de la veille passe alors par différentes étapes :

- Définition des mots clés et du champ sémantique de surveillance : dans le cas présent nous choisirons les mots clés suivants qui englobent tout ce que l’on veut étudier sans être pour autant trop généraliste (« Renault », « nouvelle berline », « Megane », « nouvelles tendances automobiles »…)

Page 30: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 30

- Tri des alertes : Une fois que les agrégateurs de contenu reçoivent les alertes et effectuent un premier tri, nous devrons préciser ce tri pour faire ressortir les contenus dont les sujets sont directement liés à la nouvelle Mégane de Renault

- Définition des critères cartographiques : Durant cette étape, il s’agit de définir les critères d’évaluation que nous souhaitons mettre en valeur en fonction des objectifs de veille. En l’occurrence, nous souhaitons voir quels supports parlent de la marque, et quels sont les types de publics les plus réceptifs (âge, passionnés, CSP). Nous obtiendrons ces critères grâce aux publics traditionnels des supports relevés

- Cartographie de l’opinion : Une fois l’analyse des contenus terminée, nous mettrons en place { l’aide du logiciel Sind Up une cartographie de l’opinion qui représentera par zones les critères que nous avons identifiés. Nous pourrons alors voir apparaître clairement quels sont les contenus qui relaient le plus la communication de la marque, et quels sont les internautes qui sont les plus réceptifs.

Conclusion : La veille d’opinion n’est pas un réflexe marketing pour les constructeurs. Pourtant dans le cas présent, elle aura permis d’évaluer les retombées de la communication et les perceptions de l’opinion, grâce à une analyse quantitative. En fonction des volumes de contenus liés à la nouvelle Mégane, il sera possible d’ajuster les messages, c’est { dire les orienter de façon { ce qu’ils mettent davantage en valeur ce qui est repris sur le web pour créer un cercle vertueux. D’autre part, selon les publics et les supports les plus concernés que nous avons pu identifier, il sera possible d’ajuster les cibles de la stratégie de communication de la marque.

III) Les outils de veille qualitatifs

La quantité de contenus relayés sur le web ayant un rapport avec la marque ne suffit pas à anticiper le risque d’opinion et { prendre le pouls de l’opinion sur le web par rapport { la marque et { l’ensemble des sujets qui lui sont liés plus ou moins directement. D’autre part, mesurer la quantité de conversations liées à la marque ne dit en rien si celles-ci sont des leviers de communication pour la marque (si le bruit de fond est positif, si la marque est bien perçue) ou au contraire représentent un risque pour l’entreprise (fausses rumeurs, attaque contre un produit ou un service). Pour optimiser la veille, et avoir une réelle idée de la portée des contenus (en termes d’audience et de crédibilité), il convient de compléter la veille quantitative par une veille qualitative. La plupart des logiciels vus précédemment possèdent des fonctions qui permettent d’affiner la veille d’opinion (cf. annexe 2 pour une typologie plus complète des outils)

Exemples :

- AMI Opinion Tracker : Au delà de mesurer les audiences, les logiciels permettent de qualifier le ton d’un discours ou d’un article (si le contenu va dans le sens du positionnement de la marque ou non) et d’analyser la sémantique des discours. AMI Opinion Tracker est à ce titre non seulement un outil de veille quantitatif, mais également un outil de veille qualitatif. Il permet donc de veiller directement au risque d’opinion, notamment lorsque la marque évolue dans un secteur sensible.

- Synthesio : Il s’agit d’un véritable logiciel de veille d’opinion qui répertorie l’ensemble du web social pour créer une analyse des conversations et surveiller l’é-réputation de la marque. Grâce à la mise à disposition de tableaux de bords, il est possible de suivre

Page 31: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 31

l’évolution des conversations, d’identifier les tendances et les influenceurs qu’ils soient détracteurs ou partisans de la marque.

- Google Suggest1 : Mis en place en 2008 par Google, cet outil propose à chaque utilisateur une fonctionnalité d’aide { la recherche, qui suggère dix termes ou expression liées { la recherche. Cet outil est basé sur un algorithme élaboré par Google qui suggère les termes en fonction des recherches les plus courantes effectuées par les internautes. Concrètement, pour l’entreprise c’est un moyen d’avoir une vision de sa réputation sur Internet en fonction des suggestions de Google représentatives de la perception de l’opinion. C’est donc un moyen pour mesurer de manière qualitative l’état de la perception de l’opinion.

Exemple fictif de veille d’opinion basée sur des critères qualitatifs :

Nous imaginons que nous sommes chargés de veiller à la réputation de la marque Areva sur internet. Evoluant dans le secteur très sensible du nucléaire, il est en effet nécessaire pour la marque d’analyser la position des leaders d’opinion. Nous sommes en janvier 2010, et EDF reproche à Areva de ne plus vouloir assurer le transport du plutonium à la sortie des centrales, ce qui est

dangereux. Suite à cet élément d’actualité qui représente une menace pour l’image d’Areva, nous décidons de procéder { l’analyse des conversations sur le web, grâce au logiciel Synthesio. Grâce { la mise en place du tableau de bord basé sur des critères d’analyse préalables (veille sur le sujet que nous venons d’évoquer), nous avons { disposition un vrai panorama des conversations et des postures adoptées par les internautes. Nous pouvons également identifier immédiatement les leaders d’opinion. A partir de ces éléments, Areva va pouvoir mettre en place une stratégie d’influence sur internet visant notamment { canaliser les oppositions et les messages qui peuvent nuire { la marque. Nous reviendrons d’ailleurs ultérieurement sur la mise en place des stratégies d’influence sur le web. Néanmoins, cet exemple démontre bien la nécessité de pratiquer une veille d’opinion sur le web de manière qualitative de façon { percevoir les jugements de l’opinion, notamment lorsque l’entreprise est dans une phase sensible.

1 D’après Marie JOURDAIN – Google Suggest : le début d’une nouvelle saga judiciaire Google - http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/40829/google-suggest---le-debut-d-une-nouvelle-saga-judiciaire-google.shtml

Page 32: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 32

b. Les stratégies d’influence sur internet pour bâtir son e-réputation

Nous avons pu constater que pour mener une stratégie de communication dirigée vers l’opinion pour être proactif dans la prise en compte du risque d’opinion, il était nécessaire de bâtir de véritables stratégies d’influence. D’autre part nous avons vu que l’opinion évoluait aujourd’hui principalement sur internet grâce aux possibilités offertes par le web 2.0. De manière corollaire, nous pouvons donc dire que pour optimiser la prise en compte du risque d’opinion, il est nécessaire d’axer le cœur des stratégies d’influence sur internet.

I) Distinction entre influence et e-influence

1. De l’influence…

Avant de nous attacher { définir une stratégie d’influence sur internet, il convient de nous arrêter sur les origines des stratégies d’influence, en mettant en perspective les mécanismes de l’influence. Par définition, on désigne influence, le processus par lequel une personne fait adopter son point de vue par une autre. Autrement dit, la personne influencée se dirige dans le sens que veut lui faire prendre la personne par laquelle elle est influencée. Traditionnellement, on dit que l’influence confère un rôle de « leader » pour celui qui la manie. Ainsi, en ethnologie, on constate que dans une tribu, le chef est celui qui va avoir de l’influence sur le reste du groupe. Néanmoins, il faut bien noter que l’influence est aujourd’hui un mécanisme qui s’applique dans un grand nombre de domaines : géopolitique (stratégies diplomatiques), politique (stratégie de pouvoir et de contre-pouvoirs), sociologique (groupes de pairs, bandes), intelligence économique (surveillance des états, secret défense, lobbying) et bien entendu l’e-influence à laquelle nous nous attacherons.

De l’influence, sont donc nées les stratégies d’influence, visant à se servir des mécanismes de l’influence pour répondre { des objectifs précis. Selon Natacha Romma et Eric Boutin, chercheurs au laboratoire I3M { l’université du Sud Toulon1, la stratégie d’influence peut être définie comme « la combinaison d’un ensemble de modes d’actions, exercés de manière directe ou indirecte, ouverte ou couverte, vis-à-vis de personnes, de collectivités, d’organisations et/ou d’Etats, en vue d’acquérir un meilleur crédit, de prendre de l’ascendant et finalement d’orienter les décisions dans le sens souhaité. »

A ce titre, les deux chercheurs distinguent deux types d’actions d’influence :

- l’influence spontanée qui « consiste déclencher des comportements ou créer des jugements chez l’acteur influencé en exploitant certains raccourcis du cerveau ». Ce sont les techniques souvent utilisées en marketing.

- l’influence rationnelle qui a généralement pour objet « d’amener l’acteur influencé { intégrer dans son processus de décision des informations qui sont déposées sur son chemin par l’acteur influenceur. Les procédés de ce type d’action d’influence sont

1 Natacha ROMMA et Eric BOUTIN – Journée sur les systèmes d’information élaborés – 2005

Page 33: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 33

multiples : argumentation, suggestion, déception, désinformation, contre-information, stabilisation etc. » On retrouve par exemple ces procédés dans les stratégies de lobbying.

Didier Heiderich rajoute une dimension sur les actions d’influence qui concerne la méthode d’influence bipolaire qui agit sur les perceptions, l’émotion et l’information pour provoquer une modification rapide des normes (c’est un processus émotionnel et rationnel).

Toujours selon Natacha Bottin et Eric Boutin, il existe des interactions qui déterminent les différentes formes de stratégies d’influence et qui démontrent leur champ d’application. Ainsi, l’influence interpersonnelle a lieu entre deux personnes, les outils marketing vont d’une entreprise vers un groupe de personnes, l’intelligence stratégique prend forme d’une entreprise vers une autre entreprise, le social learning est une technique qui va de l’entreprise ou l’administration vers un groupe social, le lobbying d’une entreprise vers une administration et la géostratégie d’un pays vers un autre pays.

Les stratégies d’influence et la dimension rationnelle de l’influence amènent { la question de la façon dont les êtres humains prennent leur décision. Dans cette optique il convient de rappeler la théorie de la rationalité limitée de Herbert Simon. Selon lui, la rationalité limitée s ‘oppose { la rationalité parfaite. Cette dernière théorie stipule que l’individu est libre de ses choix, et choisit l’action la plus efficace compte tenu des contraintes en ressource et des objectifs de l’action. Herbert Simon démontre que ce n’est pas le cas dans la réalité.

Didier Heiderich a mis en exergue les mécanismes qui prévalent dans les stratégies d’influence. Selon lui, l’influence vise { partir d’un champ normatif, c’est { dire des normes sociales qui dominent chez la plupart des individus ou des organisations (autrement dit, ceux qui sont destinés à être influencés), pour aller vers la requalification d’un sujet ou la création d’un sujet nouveau. Ce sujet nouveau sera construit par celui qui veut influencer. Selon Didier Heiderich, l’influence passe donc par trois processus distincts : l’élargissement du champ perceptif, la création de nouvelles perceptions et la disqualification d’une perception préexistante.

2. … à l’e-influence

L’e-influence désigne la mise en place d’un mécanisme d’influence uniquement sur internet. C’est ce qui distingue influence et e-influence, même si les deux termes sont bien évidemment liés du point de vue de leur fonctionnement. L’e-influence reprend les mêmes interactions (de personne { personne, d’entreprise { entreprise, d’entreprise { personne), mais elle s’exerce sur internet. L’e-influence incarne en fait la nouvelle forme de l’influence. C’est d’ailleurs cette évolution qui a donné naissance { l’intelligence économique. Néanmoins, Didier Heiderich met en exergue une véritable différence entre influence et e-influence1. Selon lui, la complexité d’internet (qui semble s’apparenter « à un organisme vivant hétéroclite ») résulte d’une part de la multitude des acteurs qui l’investissent et du catalogue de moyens mis { disposition. Ainsi, { la différence de l’influence « traditionnelle », l’e-influence s’exerce dans la multitude. A ce titre, Didier Heiderich parle de « microfluence » pour désigner les spécificités de l’e-influence.

Nous constatons, grâce { la mise en perspective des moyens pour mettre en œuvre une stratégie d’influence, que celle-ci peut dépasser largement le cadre de l’influence stratégique à vocation géopolitique ou diplomatique pour couvrir le champ de la communication d’entreprise. Autrement dit, l’entreprise a aujourd’hui tout intérêt { acquérir les préceptes des stratégies d’influence pour instaurer une relation avec ses différentes parties prenantes. Nous sommes bel et bien passés de l’intelligence économique { la stratégie digitale.

1 Didier HEIDERICH - Influence sur Internet – Magazine de la communication sensible – 2009

Page 34: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 34

II) De l’intelligence économique à la stratégie digitale

Pour mieux comprendre comment sont apparus les mécanismes d’influence dans les stratégies de communication, il convient de revenir aux sources des stratégies d’influence. Celles-ci se sont formalisées avec l’apparition de l’intelligence économique. Ce concept a servi de base aux stratégies d’influence que l’on connaît notamment sur internet.

1. L’intelligence économique : une dimension clé dans la stratégie d’entreprise

Pour tenter de définir globalement le concept d’intelligence économique, revenons { l’historique qu’en donne le Cahier Industries qui y est consacré1. Ce document nous rappelle que c’est l’effet de la mondialisation et l’accroissement des techniques d’informations (Internet) qui ont conduit { ce que les entreprises se retrouvent devant une masse d’information abondante. Elles ont donc intégré au fur et { mesure une dimension d’intelligence économique pour bâtir leur stratégie. Harold Wilensky donnait la définition suivante de l’intelligence économique dès 1967 : « activité de production de connaissances servant les buts économiques, et stratégiques d’une organisation, recueillie et produite dans un contexte légal et à partir de sources ouvertes ». C’est Henri Martre qui a popularisé ce concept dès 1994. Il démontre que pour exister dans leur marché, les entreprises ont besoin d’informations fiables. Or la surinformation amenée par l’essor d’Internet nécessite de faire un tri pour ne conserver que ce qui importe à l’entreprise. Tout devient accessible pour l’entreprise { condition de ne pas se noyer sous une multitude d’éléments. C’est la raison d’être de l’intelligence économique. L’intelligence économique possède également une dimension de sécurité nationale et de sécurité des réseaux.

Les premières entreprises qui se sont dotées de services dédiés { l’intelligence économique sont des entreprises qui évoluent dans les secteurs sensibles comme Total, Rhône Poulenc, ou Giat Industries. On comprend d’ailleurs aisément que ce soit les premières { s’être intéressées { cette activité inconnue il y a encore une vingtaine d’années, car leur évolution stratégique nécessitait de mettre en place des processus de ce type. L’intelligence économique consiste { collecter de l’information stratégique pour l’entreprise ou l’institution qui choisit de la mettre en place. Elle consiste également { protéger son patrimoine informationnel, c’est { dire { ne pas diffuser ses secrets. Dans le cas des entreprises, il s’agit d’éviter { la concurrence d’avoir accès { des informations stratégiques. En revanche, la veille d’informations est un moyen de tenter d’avoir des informations sur les concurrents. L’intelligence économique recouvre également une dimension d’influence, et c’est celle qui nous intéresse le plus. C’est { dire qu’elle permet de propager une information favorisant sa stratégie. L’influence en intelligence économique consiste à faire passer des normes ou des lois via des actions de lobbying ou d’affaires publiques.

Si l’on résume la mise en place d’opérations d’intelligence économique, nous retiendrons trois étapes clés :

- La veille qui consiste { recueillir de l’information et { l’analyser en vue d’obtenir des axes de développement stratégiques pour l’entreprise

1 Cahier Industries – L’intelligence économique – 2001, Laurence ALARY GRALL, Laurence ESTIVAL et Janine TOFFIN PAYNE

Page 35: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 35

- La formulation des raisonnements stratégiques : identification des sphères d’influence, anticipation des risques et définition de la stratégie d’influence pour l’animation du réseau identifié pour faciliter la mise en place de la stratégie d’entreprise

- La mise en œuvre d’une stratégie d’influence spécifique en direction du réseau pour mettre en valeur les intérêts de l’entreprise en rapport avec l’intérêt général. Ces actions sont ensuite analysées pour être optimisées.

L’intelligence économique a étendu sa sphère d’intervention. Autrefois liée { la stratégie d’entreprise, elle a donné lieu au développement de stratégies d’influence opérationnelles directement liées aux stratégies de communication des entreprises. L’intelligence économique a en effet laissé des marques dans les moyens de gérer l’image et la réputation de l’entreprise.

2. L’influence sur internet, ou l’intelligence économique à l’échelle de la communication

Nous avons abordé précédemment une pratique qui se développe de plus en plus dans la communication d’entreprise concernant la gestion du risque d’opinion : la veille d’opinion. Comme nous l’avons développé, la veille d’opinion caractérise le moyen par lequel une entreprise va surveiller sa réputation et la perception qu’ont les publics de sa marque et / ou de son image. Naturellement, il semble qu’il existe des liens évidents entre l’intelligence économique et la prise en compte du risque d’opinion dans les stratégies de communication des entreprises.

De manière pragmatique, nous pouvons dire que la veille d’opinion et les stratégies d’influence qui en découlent s’inspirent directement des préceptes de l’intelligence économique. En effet, la veille d’opinion répond aux mêmes problématiques que la veille stratégique développée dans l’intelligence économique. En outre cette fois, il ne s’agit plus de connaître les évolutions économiques et stratégiques d’un marché, mais d’appréhender l’évolution de l’environnement de l’entreprise (concurrents, parties prenantes…) et la perception de l’image par les publics de l’entreprise. Mais comme en intelligence économique, la veille d’opinion vise { identifier les risques et { les maîtriser si besoin. L’autre similitude entre la veille d’opinion et l’intelligence économique concerne la construction d’une stratégie d’influence. Dans le cas de la stratégie digitale, la veille vise { construire un discours, { l’adapter aux attentes, pour mieux influencer les publics. Les stratégies digitales se sont d’ailleurs développées avec l’essor d’internet et du web 2.0 grâce aux outils qu’ils offraient en la matière. C’est de l’intelligence économique que sont naturellement apparus les critères de filtrage et d’analyse d’un ensemble d’informations. D’ailleurs la stratégie digitale a pour objectif immuable de servir la stratégie globale de l’entreprise en vue de son développement.

Page 36: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 36

III) Influence sur internet et construction de l’e-réputation

Les stratégies digitales (dont les stratégies d’influence sont une partie intégrante) ont vu le jour comme nous venons de l’indiquer au début des années 2000 avec l’essor du web 2.0. Stratégies { part entière, elles nécessitent une large réflexion préalable pour être efficace. En effet, il faut savoir que malgré l’engouement récent des entreprises pour ces nouvelles formes de communication dans lesquelles les outils sont encore à construire, les stratégies ne sont pas toujours bien mises en place, et mettent souvent en avant une multitude d’actions plutôt que des actions stratégiques ciblées. Plus simplement, nous pouvons dire qu’une stratégie digitale se construit exactement de la même façon qu’une stratégie de communication « classique ».

Avant de développer la construction d’une stratégie d’influence, il convient de nous arrêter sur la notion d’e-réputation. Tout d’abord, il est important de noter que selon le Larousse 2009, la réputation est la « manière dont quelqu’un, quelque chose est connu, considéré dans un public » et « l’opinion favorable ou défavorable du public pour quelqu’un quelque chose ». Il y a donc une dimension d’évaluation dans la réputation, c’est { dire la perception qu’{ l’opinion de la marque. Il y a également une dimension de processus, par lequel l’entreprise va tenter de se faire considérer par un public. A ce titre, en termes de communication, nous pouvons dire comme le souligne très bien Camille Alloing, du blog Cadde Réputation1 que la réputation est « l’écart entre l’image perçue d’une entreprise par l’opinion et l’image voulue (image de marque) par l’entreprise ». Nous pouvons donc en partant de ce postulat dire que l’e-réputation constitue le processus élaboré par l’entreprise pour tenter de véhiculer ses valeurs et son identité afin de faciliter une perception la plus favorable possible de l’entreprise par l’opinion publique.

1. La réflexion stratégique, ou la détermination de « l’e-positionnement » de l’entreprise

Le premier élément constitutif d’une bonne stratégie d’influence est l’analyse du contexte de l’entreprise sur internet. Si l’on veut communiquer et mettre en place une stratégie d’influence online efficace, il convient de mettre en exergue la fiche d’identité de l’entreprise sur internet : de quels outils dispose-t-elle actuellement, comment est-elle perçue, quid de son référencement qu’il soit qualitatif ou quantitatif… Une fois ces éléments cernés, il est nécessaire de définir une problématique si jamais il en existe une (manque de notoriété de la marque sur internet, image trop négative de l’entreprise véhiculée par les internautes…). La problématique entraîne alors la revue des objectifs de communication qui seront les leitmotiv de la stratégie. Ces objectifs sont de deux ordres :

- Objectifs marketing : Améliorer les ventes sur internet, augmenter la notoriété et la visibilité de la marque sur internet, favoriser le développement d’un bon capital sympathie de la marque (c’est le marketing digital)

- Objectifs conatifs : faire aimer la marque, corriger sa perception par les internautes, instaurer une relation avec ses différents publics. C’est l’objectif qui nous intéresse dans le cadre de la prise en compte du risque d’opinion, car c’est dans cette optique qu’il faut bâtir une véritable stratégie d’e-réputation en se basant sur les mécanismes d’influence des cibles.

1 Camille ALLOING - Réputation, image de marque, notoriété, quelles significations ? – caddereputation.over-blog.com – Octobre 2009

Page 37: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 37

Lorsque la première phase d’audit nécessaire { la compréhension de l’environnement de l’entreprise ainsi que la revue des objectifs est effectuée, il convient de réfléchir à des axes stratégiques sui permettront de répondre aux objectifs, grâce à une méthode prédéfinie.

2. Les mécanismes de l’e-influence

Pour définir les axes d’une stratégie d’influence en ligne il convient de bien appréhender les méthodes d’influence propres { internet, qui s’inspirent des mécanismes de l’influence traditionnelle tout en les renouvelant. Pour cela, nous reprendrons les grandes orientations développées par Didier Heiderich dans un article dédié { l’influence sur internet1. Selon lui, pour être influent sur Internet, il s’agit « d’agir sur la perception, d’imposer la représentation spécifique d’un thème auprès d’un large public, grâce { la maîtrise des comportements individuels et collectifs des internautes ». Autrement dit, c’est grâce { l’analyse du comportement des internautes (l’usage des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, les champs de référence propres aux internautes), que l’entreprise va pouvoir immiscer son discours dans le parcours de l’internaute. C’est en intégrant ce discours et ces messages dans l’environnement habituel de l’internaute (sur les sites qu’il consulte, relayé par les blogueurs qu’il affectionne) que l’entreprise sera légitimée et que l’internaute sera vraisemblablement influencé. Plus l’internaute observera la même information sur différents micro-médias relative { l’entreprise, plus il l’intègrera et la trouvera crédible.

Constats spécifiques à l’e-influence et stratégie à mettre en œuvre pour optimiser la volonté d’influencer les internautes :

Le constat : Selon une étude de Pew Internet & American Life Project2, 58% des personnes interrogées utilisent Internet pour résoudre leurs problèmes. Internet incarne donc le culte de l’urgence, et de la réponse aux besoins immédiats. Le moyen : L’influence sur internet passe donc par l’interaction dispensée par l’entreprise entre le discours { valoriser et les préoccupations urgentes des internautes.

Le constat : l’agenda relatif { l’actualité est créé par les médias traditionnels. Ce sont les journalistes de TV, radio et presse qui déterminent ce qui fait l’actualité. C’est la théorie de l’agenda développée par Mc Combs et Donald Shaw, chercheurs nord-américains en 1968, selon laquelle les médias ne nous disent pas ce qu’il faut penser mais ce { quoi il faut penser. Or on constate une corrélation évidente entre l’actualité développée par les médias traditionnels, et les requêtes et les sujets abordés sur le web. Le moyen : Pour optimiser l’influence sur internet, il convient de maîtriser ces contraintes d’agenda, en anticipant ce qui va faire parler sur le web pour s’intégrer { l’agenda d’internet suivi par l’ensemble des internautes.

Le constat : Dans leur pratique d’internet, les internautes sont en quête de ce que l’on nomme communément l’identité numérique. Ils ont un ego important et veulent être valorisés auprès de leur communauté. Le moyen : pour l’entreprise, dans sa recherche d’influence, il convient de faire de la valorisation de l’internaute un levier de communication. C’est le principe que l’on retrouve dans le marketing viral. L’internaute producteur de contenu est valorisé parce qu’il diffuse une information dont l’objet le valorise.

Le constat : Internet et notamment le web 2.0 permettent d’échanger et de partager du contenu simple (copier coller d’articles, partage d’une vidéo ou de photos). La diffusion de l’information ne se fait plus par des grands discours et par un effet de spectacle propre aux médias

1 Didier HEIDERICH - Influence sur Internet – Magazine de la communication sensible – 2009

2 Informations searches that solves problems – 2007 http://www.pewinternet.org/PPF/r/231/report_displ

Page 38: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 38

traditionnels, mais par des éléments d’actualité liés { l’anecdote. Le moyen : pour faciliter l’influence sur internet, il est important de communiquer sur des aspects du quotidien, des éléments qui peuvent être partagés facilement. Pour l’entreprise, il s’agit de trouver des messages qui vont faciliter la diffusion de l’information d’un internaute vers d’autres internautes.

3. Le déploiement des outils

Pour mettre en place une stratégie d’influence sur internet, il existe plusieurs outils. Ces outils permettent { la fois de construire une image sur internet, d’anticiper les risques et notamment le risque d’opinion et de construire une e-réputation { l’entreprise. Ainsi, le déploiement des outils dans le cadre de stratégies digitales répond à deux axes stratégiques que nous allons mettre en exergue :

- La construction d’une e-réputation par la valorisation de l’image d’une entreprise

- L’ajustement de la réputation de l’entreprise sur internet en prenant en compte la veille d’opinion.

L’entreprise a aujourd’hui et plus que jamais besoin d’exister sur la sphère du web. A l’heure où l’opinion émet des jugements de plus en plus sévères sur les entreprises (qui sont directement mises en cause dans les problèmes de société, et dont les produits et services sont finement analysés), il est nécessaire pour l’entreprise de prendre la parole en amont pour construire une relation avec ses publics, grâce { la mise en place d’une stratégie d’influence dédiée { la construction de la réputation de l’entreprise sur le web.

Plusieurs outils existent pour répondre à cette nécessité. Le premier auquel nous pouvons penser est le site internet. Néanmoins, cet outil est plus un outil de promotion et de communication institutionnelle plutôt qu’un véritable outil d’influence. Voyons donc la typologie des différents outils d’influence sur internet visant { la construction d’une réputation :

Les blogs spécifiques à la stratégie d’influence :

le blog est un outil de communication qui se distingue du site internet dans la relation de proximité qu’il instaure entre l’auteur et ses lecteurs.

Les blogs d’image et de relations avec les parties prenantes : Ces blogs permettent à l’entreprise de se positionner librement sur internet en capitalisant sur ses traits de personnalité (histoire, valeurs fortes, culture…). Ils sont un moyen d’influencer les publics car ils n’assurent pas la promotion directe de l’entreprise mais participent { la création d’une relation de confiance entre la marque et ses publics.

Il existe par exemple les blogs de dirigeants qui créent un véritable dialogue entre le dirigeant d’une entreprise et ses publics (l’exemple le plus représentatif étant le blog de Michel Edouard Leclerc www.michel-edouard-leclerc.com).

Il existe également les blogs de référence. Ces blogs servent à se démarquer de la concurrence en mettant en valeur les métiers et les valeurs de l’entreprise. Ils sont un véritable vecteur d’image pour l’entreprise et sortent du cadre de la communication traditionnelle.

Enfin, il existe le blog collaboratif. Il permet de faciliter la communication entre les acteurs d’un même projet, en mettant { jour les avancées du travail de chacun et les évolutions du projet. C’est un moyen de jouer la carte de la transparence pour

Page 39: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 39

l’entreprise, car les parties prenantes peuvent consulter ce blog et constater également les orientations du projet. C’est également un gage de la construction d’une relation de confiance entre l’entreprise et ses publics (ces blogs concernent surtout les leaders d’opinion). Grâce { la maîtrise du discours, ils permettent de véhiculer une bonne image du projet et de favoriser la bonne réputation de l’entreprise sur le web.

Les blogs de veille de l’opinion : pour ajuster le positionnement de l’entreprise sur internet et pour améliorer le travail de construction de l’e-réputation, il est nécessaire de recueillir les perceptions de l’opinion et des parties prenantes au sujet de la marque. Pour cela, on trouve plusieurs blogs qui permettent de recueillir les contributions des internautes. D’une part, c’est le moyen de les valoriser en démontrant que l’entreprise est { l’écoute de ses publics ; d’autre part c’est le moyen d’analyser ces contributions pour ajuster le discours de l’entreprise, et répondre plus facilement aux attentes des publics (ce qui constitue un bon moyen d’influence).

Le premier outil est le blog de veille qui s’adresse { une communauté de spécialistes du secteur d’activités de la marque. Sous la forme d’un blog d’actualités, les internautes peuvent s’exprimer sur les dernières nouveautés du secteur. Plus généralement, ce blog permet d’échanger avec les internautes sur des sujets qui concernent la marque pour capter les tendances du marché, et plus précisément les tendances de consommation, et de fait la perception des internautes de l’entreprise par rapport à ses concurrents.

Il existe également le blog d’écoute qui sert { recueillir l’opinion des clients et des prospects au sujet de la marque. Il permet directement de s’adapter { la demande et de faire évoluer le discours de l’entreprise.

Les plateformes conversationnelles :

La nécessité d’instaurer une relation entre l’entreprise et ses publics passe également par la mise en place d’un dialogue direct entre les deux entités. Plus qu’un blog d’écoute, le site collaboratif est le moyen de regrouper l’ensemble des conversations liées { la marque dans un cadre privilégié pour en apporter des réponses adaptées. La plateforme conversationnelle ou collaborative est un véritable moyen de prendre en compte le risque d’opinion en valorisant une image de proximité de l’entreprise via le dialogue direct entre les internautes et les dirigeants. C’est un moyen d’appréhender les nœuds d’incompréhension issus des préoccupations des internautes et d’y répondre précisément. C’est le moyen d’anticiper les éventuelles plaintes. Et c’est par dessus tout le moyen de canaliser les sources d’opposition, en construisant des réponses en amont de la diffusion de la sphère d’opposition. Il s’agit de faire en sorte que le discours de l’entreprise prévale sur le discours des détracteurs de la marque.

Exemple de la SNCF : La SNCF qui est le plus gros transporteur de voyageurs par le mode du train en France possédait jusqu’en 2008 uniquement un site de e-commerce (voyagessncf.com) et un site institutionnel (sncf.com). D’autre part la marque a mis en place dès 2005 un système de veille d’opinion destiné { recueillir l’opinion

des internautes (et potentiellement des usagers du train) sur la marque. La SNCF s’est rendue compte en analysant les retombées sémantiques de la marque sur le web qu’un nombre important de commentaires et de billets sur les blogs donnait une image négative de l’entreprise. Les internautes relataient les retards des trains, les problèmes de grève et d’information, et toutes les complications auxquelles ils étaient sujets. Des blogueurs et des usagers de Twitter s’étaient même spécialisés dans le récit de leurs mésaventures à chaque fois qu’ils voyageaient en train.

Page 40: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 40

Face à ce constat, la SNCF a décidé de réagir. En 2008, elle confie { l’agence Publicis Consultants, spécialiste de la veille d’opinion et des stratégies relationnelles en ligne, la mission de redorer la réputation de l’entreprise sur internet. L’agence est donc partie du constat qu’il y avait beaucoup de discussions et de commentaires sur la marque sur les forums et les blogs mais pas assez de conversation avec la marque elle-même. L’agence a donc lancé une plateforme collaborative pour le compte de la SNCF intitulée « opinions et débats » (cf. annexe 3). Une fois les internautes enregistrés, ils ont la possibilité de poser leurs questions { l’un des dirigeants de la marque. Les internautes votent ensuite pour la pertinence des questions qui sont classées en suivant et obtiennent à ce titre plus ou moins de visibilité. De cette façon, l’entreprise cerne les principaux thèmes de préoccupation et peut s’atteler { construire des réponses adaptées et personnalisées. C’est le moyen de catalyser les rumeurs, en cernant les zones de conflit potentiel. Dans le même temps la SNCF a pu rebâtir une réputation qui se traduit par une image de proximité, d’écoute et de professionnalisme.

L’intervention sur les forums :

Il s’agit d’un outil efficace utile autant { la construction d’une réputation qu’{ son ajustement. Les forums sont depuis la création des sites internet et des plateformes participatives, l’outil de dialogue par excellence des internautes. En plus de cela, les forums constituent une référence importante pour les internautes en matière de recherche d’informations. Parfois, l’opinion des autres internautes comptent plus que les conseils de la marque. Les internautes souhaitent trouver du vécu, des expériences relatives { la marque. C’est donc dans ces espaces que se forme l’opinion et que se construit l’image des marques. C’est aussi par ce biais que peuvent naître des rumeurs qui portent préjudice { la marque. Pour optimiser ces lieux d’échange entre les internautes, il convient d’une part de les surveiller (c’est ce que nous avons vu avec la veille d’opinion) et d’autre part d’intervenir en cas de risque d’opinion. Concrètement, cette intervention consiste à prendre la parole au nom de la marque sur ces forums pour redonner du sens à une discussion autour de la marque et la réajuster lorsque le débat devient trop négatif vis { vis de l’entreprise. Pour que cela fonctionne, l’entreprise doit jouer le rôle de la transparence, et s’exprimer clairement, pour tenter de véhiculer ses valeurs, en montrant qu’elle se préoccupe de ses publics. L’objectif est de redorer la réputation de l’entreprise.

Le Community Management :

Cet outil en plein essor dans tous les domaines de communication est avant tout le moyen de construire sa réputation et son image sur internet. Souvent utilisé dans des techniques de marketing promotionnel, le community management peut également constituer un très bon outil d’influence. Cette technique se base sur la théorie du « two step flow » que nous avons évoquée plus haut concernant le rôle des leaders d’opinion, en tant qu’influenceurs auprès de leur communauté. L’influenceur est en fait celui qui peut imposer des normes { un groupe de personnes grâce à sa réputation et à sa légitimité. Il est reconnu comme un précurseur de tendances ou un expert. A ce titre, le community management vise à instaurer une relation directe entre les blogueurs influents et l’entreprise. En pratique, il s’agit pour l’entreprise de créer un dialogue avec le blogueur en le valorisant dans son rôle (créer de l’exclusivité { son égard) afin qu’il relaie du contenu { l’attention de ses lecteurs. Si le blog a un avis favorable sur la marque et qu’il en diffuse une bonne image, il véhiculera cette position et convaincra l’ensemble de sa sphère d’influence. Justement, le choix des blogueurs dans une stratégie de community management se fait en fonction de leur sphère d’influence (déterminée par le page rank et les liens entrants) et de la qualité du support qu’ils entretiennent.

Page 41: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 41

Le community management peut également être un outil au service de l’ajustement d’une réputation sur internet en cas de risque d’opinion. Si dans le cadre d’une veille sémantique, l’entreprise est en danger en termes d’image et de réputation, elle pourra instaurer une relation et des actions envers certains blogueurs ciblés pour pallier le risque d’opinion. Ces techniques ont largement fait leurs preuves aujourd’hui car elles sont utilisées dans la majorité des entreprises.

Exemple fictif d’intervention sur les forums et de community management pour l’ajustement d’une réputation : La marque Sodebo est spécialiste de la fabrication de sandwichs et de pâtes vendus en grande surface pour des repas de restauration rapide. La marque est parfois décriée pour proposer des produits qui ne sont pas suffisamment bon ni goûteux par rapport à des produits

frais achetés directement dans une boulangerie par exemple. Sur certains forums, les consommateurs jugent que ces sandwichs ne sont pas de très bonne qualité par rapport au prix qu’ils coûtent.

Nous imaginons une intervention de communication d’influence pour la marque, afin que celle-ci retrouve une meilleure image, notamment par rapport à ses sandwichs. D’une part, il faudra procéder { une veille d’opinion grâce { des outils spécifiques (ici Google Alerts ou Opinion Tracker par exemple). Suite à cela, il sera nécessaire d’identifier les forums sur lesquels la marque est la plus mal jugée. Ensuite, le community manager en charge de l’opération, interviendra sur ces forums au nom de la marque pour répondre aux commentaires les désobligeant pour la marque. Si c’est la qualité du produit qui est mal perçue, la réponse insistera sur le savoir-faire de la marque, et sur les méthodes de fabrication des sandwichs. La réponse apportera également la preuve que les ingrédients utilisés sont bons pour la santé et que les recettes sont finement élaborées. L’intervention sur les forums prouve la sincérité de la marque et sa volonté de proximité avec ses clients. Au fil des discussion, la marque va se donner meilleure image et va pouvoir ajuster sa réputation.

Pour compléter le dispositif, il faut penser l’organisation d’un événement avec les blogueurs, dans lequel les plus influents d’entre eux dans les domaines qui concernent la marque (gastronomie, restauration rapide, bons plans) seront invités. Ils seront par exemple conviés à une visite de l’usine Sodebo. A cette occasion, ils pourront rencontrer ceux qui préparent les recettes, et ceux qui élaborent les nouveaux produits. L’occasion est donnée de les plonger dans l’univers de la marque, de manière concrète pour leur divulguer une bonne image. Les blogueurs relaieront ensuite leur expérience (exclusive) et véhiculeront un jugement positif qui donnera une meilleure réputation des sandwichs Sodebo.

Les réseaux sociaux :

Nous avons vu dans la première partie les différents types de réseaux sociaux qui s’étaient développés avec l’apparition du web 2.0. Nous avons constaté qu’ils permettaient aux internautes d’adhérer { des communautés et d’accéder { un réseau d’inscrits très important. Nous avons enfin observé que ces réseaux sociaux favorisaient l’échange et le partage d’informations, donc qu’ils constituaient la plateforme privilégiée des buzz relatifs { l’actualité et

Page 42: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 42

aux marques. Pour l’entreprise, il est aujourd’hui nécessaire de communiquer sur ces réseaux sociaux pour pouvoir exister. D’une part car c’est un outil privilégié pour créer une relation de proximité avec les publics de la marque. C’est le moyen de se constituer un bon capital sympathie sur le web. D’autre part, parce que c’est aussi le moyen de se prémunir du risque d’opinion en dialoguant directement avec des communautés. Pour construire ou optimiser son e-réputation, la marque se doit d’avoir un profil Facebook et de construire une page de fans, mais également d’ouvrir un compte Twitter au sein duquel elle pourra relater son actualité. En cas de buzz négatif sur la marque, engendré par une rumeur par exemple (nous avons vu que le web était caractérisé par une instantanéité de l’information et une réactivité très importante des internautes), la marque pourra réagir directement et ajuster son discours.

4. Le ROI

Le ROI (Return On Investments), ou retour sur investissements est un ratio qui permet à l’entreprise de vérifier la rentabilité d’une campagne de communication. Par exemple, pour un euro investi en publicité, la marque cherche à savoir combien celui-ci lui aura rapporté d’euros. La dimension ROIste dans les campagnes de communication est de plus en plus importante. La crise économique qui a touché le monde entier, oblige les entreprises à rationnaliser leurs dépenses. Toutes les actions de communication sont donc aujourd’hui scrutées { la loupe afin de déterminer leur rentabilité pour l’entreprise.

Le cas des stratégies d’influence et de construction de la réputation est particulier. Il est en effet très difficile de vérifier que l’investissement consacré { des actions dédiées { la construction de la réputation de la marque sur internet profite réellement { l’entreprise. Comme ces stratégies possèdent une dimension purement qualitative, le calcul de leur rentabilité est délicat. Néanmoins, le ROI doit être pris en compte, car les entreprises souhaitent avoir des retours à ce niveau là. Alors, il est effectivement aisé d’apporter un certain nombre de chiffres en se servant des outils de veille quantitatifs que nous avons étudié plus haut. Ils permettent d’avoir un aperçu du volume de retombées liées à la marque sur Internet. En revanche, ces outils ne permettent en aucun cas de mesurer la réputation de la marque, et ils ne disent en rien si cette réputation s’est améliorée avant et après la campagne. Comme le souligne Camille Alloing1, « les critères quantitatifs sont avant tout des critères de visibilité ».

Dans ce cas, des simples outils de mesure ne suffisent pas { déterminer le ROI d’une stratégie d’influence sur internet pour évaluer son efficacité et sa rentabilité. Camille Alloing démontre donc que mesurer le ROI dans ce cas là passe par un vrai processus d’identification des sources, c’est { dire parvenir { dresser tous les producteurs de contenu qui parlent de la marque (blogueur, internautes via Twitter ou Facebook, sites web…) pour constater l’évolution de leur perception. Comme pour la veille d’opinion, il s’agit de constater l’évolution de la réputation de la marque sur internet. Mais à la différence de la veille d’opinion ce travail d’analyse s’exerce sur des sources identifiées au préalable. Ainsi, lorsqu’une action d’influence est mise en œuvre (community management, blog, intervention sur les forums…), il est nécessaire de constater les effets qu’auront ces actions sur la perception de la marque par les sources. C’est grâce { cela que le ROI relatif aux stratégies d’influence pourra être mesuré.

1 Camille ALLOING – Le Roi est mort, vive le Roi ? – février 2010 –caddereputation.over-blog.com

Page 43: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 43

c. Les stratégies d’influence sur internet offensives en cas de crise

I) Définition de la cybercrise

On dit souvent que la crise ne prévient pas. C’est bien le propre de la crise : survenir à un moment inattendu, rompant toutes les formes d’organisation traditionnelle. La crise est un événement qui remet tout en question entre menace d’extinction du système et opportunité de renouvellement. Or une crise peut survenir suite { un risque d’opinion. Lorsque l’opinion entre dans une spirale négative de perception envers la marque, l’entreprise est plus que jamais fragilisée. Et, nous le savons, l’opinion est le poumon qui fait exister une entreprise dans la société. Nous avons démontré lors de la partie précédente qu’il est possible de se prémunir du risque d’opinion, lorsqu’une surveillance accrue de celle-ci est exercée. En revanche, la veille d’opinion ne fait pas que prévenir du risque d’opinion ; elle peut aussi être le premier moyen d’alerte lorsqu’une crise survient sur internet.

Pour définir la cybercrise, il convient de noter au préalable qu’une cybercrise naît d’une rumeur, d’une fausse vérité, ou de toute autre information qui est préjudiciable à l’image de l’entreprise. Ces éléments qui peuvent naître isolément, sont ensuite diffusés très rapidement grâce à internet, et il devient très difficile de contrôler les champs d’expression de ceux qui la diffusent. La réputation d’une entreprise peut donc très rapidement basculer dans la mesure où internet et les internautes colportent des informations qui lui sont nuisibles. Pour comprendre les mécanismes de la cybercrise, il convient de se pencher sur le contexte d’émergence de la cybercrise. Didier Heiderich propose une définition très pertinente de la cybercrise1. Tout d’abord la cybercrise naît selon lui dans un contexte très particulier de multiplication des sources d’information, et de démultiplication de l’espace médiatique :

« Avec Internet et les médias mobiles, ce sont plus d’un milliard d’individus qui sont aujourd’hui en capacité de diffuser des informations écrites, sonores et visuelles dans un cyberespace en inflation constante et en fusion avec l’espace réel. La communication de masse était un des socles du pouvoir des organisations dominantes. Ce socle s’effrite pour laisser place à une nouvelle construction médiatique du monde, déstructurée, instable, organique, constituée d’une myriade de micro objets médiatiques et effroyablement plus difficile à consolider en situation de crise ».

La cybercrise se distingue des formes traditionnelles de crise, puisqu’elle évolue dans un espace en mouvement permanent. Cette particularité de la cybercrise traduit également un mouvement de fond de la société. En effet avec l’arrivée d’Internet « le monde est passé de l’état solide, visant la stabilité, { l’état liquide, visant la fluidité », selon Jean Pierre Beaudoin2. Autrement dit, la crise a pris de nouvelles formes et s’appuie sur de nouveaux leviers de diffusion. D’autre part, cette mutation conjoncturelle recompose les domaines d’intervention dans la gestion de crise. Les

1 Didier HEIDERICH - Cybercrises 2.0 et communication de contour – Magazine de la communication sensible – Avril 2007 – Didier HEIDERICH

2 Jean Pierre BEAUDOIN – Le dirigeant à l’épreuve de l’opinion – janvier 2008 – Editions Pearson

Page 44: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 44

codes ont changé, et il est désormais nécessaire de s’adapter { ces évolutions pour gérer au mieux la crise.

Ainsi, la cybercrise définit une crise qui naît et se répand sur internet pour finir par atteindre la sphère réelle. La particularité de la cybercrise est qu’elle est difficilement identifiable tant les épicentres de sa construction peuvent être variés et disparates. Concrètement, elle se construit grâce { la multiplication de plusieurs micro crises qui font qu’une rumeur, une fausse vérité par exemple, se retrouve diffusée à une échelle très importante en un temps très court. A ce titre Didier Heiderich rappelle qu’Internet est bien l’outil qui a fait naître ce mécanisme, car « c’est dans la myriade de micro objets médiatiques que peuvent surgir des micro crises inattendues ». Mais ce n’est pas tout, car Didier Heiderich ajoute qu’internet est également le moyen de réagir rapidement { ces crises, pour éviter qu’elles ne se propagent trop rapidement.

La cybercrise se constitue en fait d’informations reliées les unes aux autres par des outils de partage d’information. Les réseaux sociaux que nous avons détaillés préalablement et toutes les plateformes participatives nées du web 2.0 constituent des caisses de résonnance de la rumeur à la source de la crise. Pour Didier Heiderich, il faut apprendre les liens qui sont tissés entre toutes les sources d’informations. Selon lui, ce sont les « micro médias » qui doivent être appréhendés pour gérer une micro crise, plutôt que d’avoir { gérer une crise de plus grande ampleur. C’est cette interaction entre les micro médias qui fonde la complexité de la cybercrise. Car il faut pouvoir identifier les nœuds qui font le lien entre la diffusion et le partage de l’information.

Page 45: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 45

II) Réagir aux alertes

Pour réagir au mieux à la crise, il convient de réagir au mieux aux alertes. Les alertes sont définies par la stratégie de l’entreprise, et donnent une estimation de la gravité de la crise. Concrètement elles sont constituées grâce aux systèmes de veille mis en place dans l’entreprise. En ce qui concerne le risque d’opinion et les crises qu’il peut engendrer, c’est la veille d’opinion qui permet de mettre en place des alertes. Ces alertes sont notamment constituées par un certain nombre de critères. Tout d’abord ce sont des mots, qui lorsqu’ils apparaîtront associés { la marque dans du contenu web, laisseront présager d’une crise. Par exemple pour une entreprise spécialisée dans la distribution de viande bovine ces mots seront « intoxication alimentaire », « viande contaminée », « produits périmés »… Ces mots seront relevés dans le cadre de la veille d’opinion et de la veille médiatique, et sans analyse du contenu, ils permettront de donner une alerte. Mais ce n’est pas suffisant. Pour que l’entreprise soit en situation d’alerte par rapport à une crise, il est nécessaire de procéder à une analyse de la veille d’opinion. C’est le ton des contenus identifiés (défavorables { la marque) qui seront le déclencheur de l’alerte, et de fait, de la crise.

Réagir aux alertes, c’est d’ores et déj{ procéder { un dispositif de gestion de crise, pour ne pas se laisser gagner par le temps. La spécificité de la crise et plus particulièrement de la cybercrise, c’est le rapport au temps. Avec internet, l’immédiateté de l’information est le maître mot. Autrement dit, lors d’une cybercrise, la rumeur va s’étendre, et être accessible à tous les internautes de plus en plus largement. Les internautes vont commenter les contenus, amplifier la rumeur ou les fausses vérités et préjudicier d’autant plus l’entreprise. Pour ne pas se laisser déborder par un flux d’opinions défavorables, l’entreprise doit préparer son discours et des messages clés à diffuser dès que la crise prend effet. Ce positionnement de communication doit être élaboré en fonction de la crise. C’est l’analyse des rumeurs qui ont été diffusées, des arguments mis en valeur, qui vont déterminer le ton stratégique de discours que l’entreprise va devoir adopter.

Concrètement, pour mettre en place des alertes et surveiller sa réputation sur internet, l’entreprise confie { des agences le soin de procéder { ce travail. Ces agences qui ont fait de la veille d’opinion et de la stratégie d’influence sur internet le cœur de leur métier, ont la compétence pour décréter à quel moment il y a non seulement risque d’opinion, mais également crise sur internet, du fait de la manifestation concrète de ce risque d’opinion. Dû fait de l’accroissement des besoins de l’entreprise dans ces domaines nouveaux de la communication, les agences du secteur sont de plus en plus nombreuses (cf. annexe 2)

Page 46: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 46

III) L’activation du processus de gestion de la cybercrise : Rumeur contre information

La première chose { faire lorsque l’entreprise est face { une crise sur internet est d’en limiter l’étendue au maximum. Comme nous l’avons expliqué par avant, plus les internautes ont accès à l’information, plus la crise aura des effets sur l’entreprise. Si par exemple, c’est une vidéo qui parodie l’entreprise, la tourne en dérision, et que cette vidéo est mise en ligne sur des sites de partage (Youtube, Dailymotion…), les chances pour qu’elle soit vue par des milliers voir des dizaines de milliers d’internautes est forte. Or si cette vidéo se répand sur le web, crée le buzz et institue la rumeur, on comprend facilement que l’entreprise soit en danger. Dans ce cas, l’entreprise est bien face { une crise sur internet. Quel que soit la nature du contenu négatif diffusé sur internet et quel que soit son niveau de dangerosité pour l’image de la marque, il est indispensable de réagir. Si les propos tenus ne relèvent pas de la diffamation, une attaque en justice ne sera pas possible. Il faut alors user de moyens d’influence moins conventionnels pour tenter de gérer la crise de la réputation de l’entreprise sur internet au mieux.

1. Répondre aux propos négatifs par une information fiable

Pour continuer sur l’exemple de la vidéo, un des moyens les plus rapides et les plus efficaces pour stopper l’étendue d’un buzz négatif pour la marque, est de répondre { la vidéo par une autre vidéo. Selon Pascal Froissart1, enseignant chercheur, c’est une pratique qui se systématise dans la pratique d’internet. Concrètement, la marque a la possibilité de mettre en ligne une vidéo qui réponde aux propos négatifs { l’origine de la rumeur, en recadrant les éléments qui ont été détournés, en redonnant de vraies informations sur la marque. C’est le moyen de décrédibiliser la vidéo originelle , et de limiter son extension sur le web. Grâce à la réponse par vidéo, les internautes qui verront la vidéo initiale { l’origine du buzz négatif, auront directement le lien vers le commentaire vidéo en réponse. Pour la marque c’est le moyen d’engager une réponse publique, sincère qui marque la volonté de celle-ci de rétablir la vérité, en s’adressant directement à ses publics.

L’exemple de Domino’s Pizza : Nous avons vu dans la première partie que deux jeunes employés s’étaient filmés en train de dénaturer une pizza. Cela a engendré une véritable crise pour la marque, puisque les commentaires et les réactions des internautes sur la marque dénotaient un manque de confiance naissant par rapport à la marque. Beaucoup n’étaient plus sûrs de rester clients, si les pizzas contenaient des éléments sales. C’est toute la politique hygiénique

de la marque qui a été décrédibilisée. Pour tenter de limiter les effets de cette cybercrise dû à ce buzz négatif, le président de la marque Patrick Doyle, a lui-même enregistré une vidéo en réponse à ce mauvais gag des employés2. Dans cette vidéo, il explique que la direction a découvert ce canular et a immédiatement licencier les deux employés. D’autre part, le président s’excuse auprès de ses clients. Le patron ne nie pas sa responsabilité mais tient à remettre dans un contexte véridique, les éléments tels qu’ils se sont déroulés.

1 Pascal FROISSART, Buzz, bouffées d’audience et rumeur sur Internet, 2007 - pascalfroissart.online.fr

2 Réponse vidéo de Patrick Doyle : http://www.youtube.com/watch?v=dem6eA7-A2I

Page 47: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 47

Ce système de réponse immédiate au nom de l’entreprise peut être étendu sur d’autres supports. Par exemple, lorsque c’est un blogueur qui publie un article totalement défavorable { la marque, et qu’il s’agit d’un blogueur crédible et très lu, le buzz négatif peut rapidement être déclenché. D’autres blogueurs peuvent reprendre les propos, se les approprier et diffuser eux-mêmes du contenu défavorable à la marque sur leur blog. Dans un second temps, ce sont les internautes qui vont avoir une mauvaise perception de la marque, ayant lu les blogs, et accordant leur confiance aux auteurs.

Dans ce cas, la marque doit agir rapidement et exercer son droit de réponse de deux manières. Tout d’abord, il faut envisager une réponse adressée aux principaux blogueurs concernés (les plus influents) pour tenter de faire évoluer leur jugement. Cette réponse de l’entreprise doit être très cordiale, et ne pas attaquer directement les blogueurs. L’entreprise doit rester maître de son discours. Ainsi, ce message informel vise { instaurer un contact cordial entre l’entreprise et les auteurs de contenu défavorable. Dans ce message, elle devra relever les propos qui sont les plus dangereux en terme d’image. Elle devra les réfuter en mettant en valeur des arguments qui vont dans le sens d’une bonne réputation de l’entreprise. Pour aller plus loin, l’entreprise peut proposer une rencontre informelle avec ces blogueurs pour échanger autour de la marque, de ses pratiques et des principaux points de désaccord. C’est le moyen de valoriser le blogueur dans son rôle de porteur d’informations, tout en lui proposant un discours bien construit qui puisse lui faire changer son point de vue. Si cette procédure est menée habilement, la marque pourra recadrer sa réputation et convaincre le blogueur de remanier le contenu de son billet.

Parallèlement, et c’est ce qui constitue le second moyen de réponse, la marque doit répondre visiblement sur les blogs pour réagir aux propos nocifs qui ont été tenus. Cela pour deux raisons : d’une part, la construction de la relation avec les blogueurs qui ont une mauvaise opinion de la marque et qui le revendiquent peut prendre du temps, notamment si leurs positions sont clairement marquées ; d’autre part, il est possible que la tentative d’influence de ces blogueurs n’aboutisse pas, et dans ce cas, ceux-ci ne seront pas d’accord pour retirer leur article. Or, le plus important pour la marque est de limiter l’impact de ces contenus sur l’opinion qui est clairement influencée comme nous avons pu le démontrer par les leaders d’opinion que constituent les blogueurs. Dans ce cas, il faut s’exprimer directement sur les blogs en question, pour que le discours de la marque soit visible, permette de toucher l’opinion le plus largement possible, et de contrer l’influence exercée par les blogueurs. Pour cela, la marque doit rédiger un commentaire de réponse, en son nom, aux différents billets qui menacent l’image de l’entreprise. Ces commentaires doivent adopter un ton cordial et neutre, pour augmenter la force du message et son impact potentiel sur les lecteurs. Comme pour la réponse aux blogueurs, ce commentaire doit relever les principaux points qui posent problème et apporter une réponse adaptée pour chacun d’entre eux.

2. Une stratégie de référencement dédiée

Lorsque l’entreprise traverse une crise liée { sa réputation sur Internet, il est nécessaire d’observer comment la marque se positionne sur les moteurs de recherche, pour pouvoir agir en conséquence. La cybercrise a effectivement des effets sur le classement de l’entreprise et les résultats de recherche qui lui sont liés notamment sur Google (qui reste la principale référence). Tout le contenu négatif lié à la marque, peut rapidement se retrouver dans les premiers résultats de Google, notamment si ce contenu est lié à des médias ou des micro médias qui sont beaucoup consultés. Dans ces cas l{, le site de l’entreprise peut disparaître des premiers résultats, pour laisser place à des vidéos, ou encore à des articles défavorables à la marque. Et lorsque les internautes saisiront le nom de la marque dans Google, les premiers résultats visibles seront ceux qui ont causé la crise de la réputation de la marque. C’est alors un cercle vicieux qui se met en place, puisque les contenus négatifs prennent l’ensemble de la visibilité sur les moteurs de

Page 48: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 48

recherche, et ce sont nécessairement ceux que les internautes vont vouloir consulter en premier. La perception de l’opinion relative { la marque risque alors de se dégrader encore plus et la réputation de celle-ci se trouvera encore plus fragilisée. Et plus la réputation de la marque est fragilisée, car décrédibilisée, plus il est difficile de la reconstruire, car les critères de jugement négatifs de la marque se seront systématisés dans la perception que peut avoir l’opinion de l’entreprise.

Il existe néanmoins certaines techniques qui permettent de maintenir son site, et le contenu positif lié à la marque dans les premiers résultats de Google. Laurent Magloire, chargé de veille et d’influence web en délivre quelques clés1, { travers l’exemple du Crédit Foncier, accusé d’avoir trompé des consommateurs sur la vente de prêts à taux variables, et dont les résultats dans Google ont été parasités par des liens pointant vers des forums dénonciateurs. Comme nous l’avons évoqué, en temps de crise de réputation, il faut pouvoir agir vite, pour ne pas laisser une mauvaise image s’installer dans la perception qu’a l’opinion publique de l’entreprise. Pour cela, Laurent Magloire donne deux techniques pour évincer les articles et avis négatifs :

- L’utilisation de sous-domaines dans la construction de l’arborescence du site de la marque. Grâce à cette méthode de construction du site, les chances de voir apparaître plusieurs pages du site officiel dans les premiers résultats augmentent. Laurent Magloire donne l’exemples du journal Les Echos (bourse.lesechos.fr, elections.lesechos.fr, emploi.lesechos.fr)

- Mobiliser des sites amis ou partenaires, pour qu’ils produisent du lien vers le site officiel. Plus les sites partenaires auront un Pagerank élevé, plus ces liens seront efficaces, car les sites possèderont un bon référencement au préalable. Le texte du lien devra par ailleurs être choisi grâce à des mots clés stratégiques pour optimiser ce référencement.

Dans cette même logique, l’entreprise peut également produire du contenu sur des sites gratuits et fortement consultés qui sont déjà bien référencés, en ayant à l’esprit de bien choisir les mots { utiliser pour faciliter le référencement. C’est ce que l’on appelle la technique SEO (Search Engine Optimization), ou optimisation pour les moteurs de recherche. Il s’agit de proposer du contenu (ici des mots) qui facilitent la recherche des moteurs, et permettent d’apparaître bien positionné sur les pages de recherche. La production de contenu sur des sites gratuits concerne principalement les wikis. Si nous nous référons { la définition de l’URFIST de Paris2, un wiki « est un site dynamique qui permet { un utilisateur d’ajouter, de modifier du contenu et de créer de nouvelles pages. ». Aussi, ces outils, permettent de réagir rapidement à une crise en postant un contenu positif et valorisant pour la marque. L’exemple le plus représentatif est Wikipédia. Le site fait en effet autorité en matière de recherche d’information et il est très bien référencé sur Google (dans les trois premiers résultats en moyenne).

3. L’activation des blogs fantômes

Lorsque l’entreprise est face { une cybercrise, il est urgent qu’elle prenne la parole de façon { éviter le déploiement des rumeurs négatives et des propos qui mettent directement en cause la marque. Or le moyen le plus rapide pour s’exprimer de manière visible consiste { créer un blog de crise. Cependant, nous avons vu qu’en temps de crise, il est difficile de construire un discours tant les minutes sont comptées (cela est d’autant plus vrai sur internet). Aussi, pour éviter de céder { une forme de panique due { la précipitation, l’entreprise doit anticiper au maximum son

1 Laurent MAGLOIRE, Référencement de crise, Avril 2008 – www.opinion-watch.com

2 URFIST : Union Régionale de Formation { l’Information Scientifique et Technique

Page 49: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 49

discours de gestion de crise. Et c’est { ce moment l{ qu’intervient le blog fantôme. Cette appellation doit son nom à son mode de fonctionnement. Le blog fantôme est en effet construit avant la crise (le nom de domaine peut être acheté, l’ergonomie peut déj{ être préparée, certains messages corporate peuvent déj{ être rédigés…). L’objectif de la préparation de cette plateforme d’expression est de permettre de faire gagner du temps { l’entreprise en période de crise. A partir du moment où ce blog est construit, l’entreprise a juste { rédiger les messages les plus importants qui visent à enrayer la crise sur internet et à rétablir son image, en répondant de manière précise et transparente aux principales accusations. Le blog fantôme est donc invisible en temps normal, il est simplement activé en cas de crise pour sauver la réputation de l’entreprise.

Exemple de Lesieur : En 2005, l’entreprise de fabrication d’huile a importé des huiles frelatées d’Ukraine. Cela a engendré une crise sanitaire au sein du groupe. L’opinion a été informée de cet accident, et a aussitôt accusé Lesieur d’irresponsabilité. Lesieur qui avait anticipé une crise (il est assez occasionnel de voir des produits alimentaires importés victimes de problèmes sanitaires), et qui avait prévu un plan

de gestion en amont, a eu à le mettre en place à cette occasion. Ainsi, le blog fantôme de l’entreprise a été activé1. Sur celui-ci, le dirigeant de l’entreprise s’exprimait directement { l’attention des consommateurs, pour s’excuser et faire part des premières mesures de sécurité pour éviter que la crise ne prenne une ampleur trop importante. Le blog a permis à la marque de se doter d’une image transparente, et de proximité. Ainsi, les commentaires et les questions postées par les internautes étaient publiés sur le site, Romain Nouffert répondait personnellement à chaque préoccupation (par le biais des community manager bien entendu). Cette volonté de rassurer, d’assumer ses responsabilités a été bien jugé par l’opinion publique. Le blog a été le moyen de sauver la réputation de l’entreprise, avant que l’image de celle-ci ne se dégrade trop au sein de l’opinion publique. Le blog a permis de réagir immédiatement, sans laisser place à la précipitation puisque tout avait été prévu en amont.

4. Construire un discours cohérent et homogène

Nous venons de constater dans les actions envisagées pour gérer une cybercrise que le ton du discours est fondamental. C’est dans la capacité qu’a la marque { proposer des messages cohérents que la crise pourra être gérée au mieux. Dans les 10 principes que Jean Pierre Beaudoin2 adresse au dirigeant pour exister au sein de l’opinion, résident notamment la transparence et la loyauté. Il explique que ces deux principes sont essentiels pour la crédibilité des entreprises au sein de la société. Nous retiendrons ces deux principes qui sont à prendre en compte dans la construction du discours de l’entreprise en temps de gestion de crise. Ce temps de la construction du discours prend du temps, il intervient donc après avoir mené les premières actions de gestion de crise, c’est { dire l’ensemble des mesures visant { limiter l’étendue de la rumeur. Pour pérenniser ces actions, et pour définitivement enterrer une rumeur, l’entreprise devra proposer un discours adapté, qui soit une réponse adaptée à ce dont il est question au moment de la crise. Et c’est sur Internet que ce discours va se matérialiser dans un premier temps. Jean Pierre Beaudoin indique { ce titre qu’il est nécessaire « de choisir sa transparence »,

1 www.lesieur-info.fr

2 Jean Pierre BEAUDOIN, Le dirigeant à l’épreuve de l’opinion – 2008, Editions Pearson

Page 50: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 50

c’est { dire la façon dont l’entreprise choisit d’être perçue en fonction des messages qu’elle veut faire passer. En temps de crise, ces messages doivent se recentrer sur les valeurs fortes de l’entreprise, sur son engagement et sa responsabilité envers ses publics. C’est d’ailleurs un autre principe que Jean Pierre Beaudoin met en exergue dans son ouvrage : celui de l’humilité. Le discours du dirigeant devra être teinté d’humilité pour être accepté. Et faire accepter son discours par l’opinion est le meilleur moyen de gérer une crise, c’est { dire de faire oublier tous les propos préjudiciables qui ont pu être tenus sur la marque.

Faire accepter son discours passe également par l’intranet de l’entreprise. En effet les salariés sont les premiers ambassadeurs de la marque et en cas de crise ce sont les premiers publics concernés. Ils doivent donc être bénéficiaires d’informations fiables de l’entreprise. En effet, il est prévisible qu’en cas de crise sur internet, les salariés puissent tomber sur les contenus qui défavorisent l’entreprise en matière d’image. Il est donc nécessaire que l’entreprise adapte sa communication { l’internet en passant par le support le plus réactif, pour ne pas perdre de temps et répondre au bon moment. En l’occurrence, l’intranet est l’outil le plus adapté. Dans le cas présent, l’entreprise devra rassurer tout en décrédibilisant les producteurs de la rumeur et des fausses vérités qui ont entraîne la crise réputationnelle. Cette communication spécifique peut également servir de levier pour diffuser le discours de l’entreprise vers un public plus large. A ce moment l{ les salariés constituent des relais d’opinion auprès de leur proches concernant l’entreprise. Il est donc nécessaire de leur apporter des messages adaptés qui puissent « casser » la rumeur et redonner du crédit { l’entreprise.

Page 51: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 51

III) Préconisations en stratégie d’influence appliquée à des cas d’entreprise

« être, c’est être perçu »

Berkeley

Pour mettre en œuvre les principes que nous avons énoncés plus haut, il paraissait nécessaire de nous arrêter sur deux cas concrets qui ont marqué l’actualité. Il était également intéressant de s’attacher aux cas de grandes entreprises qui malgré leur puissance financière, et leurs lourds investissements en matière de communication et de marketing ne sont pas { l’abri des crises.

Nous allons donc nous intéresser { deux évènements qui ont profondément marqué l’opinion publique et qui ont mis en cause directement la responsabilité de l’entreprise. Il s’agit de l’affaire de l’Erika qui a lourdement pesé sur l’image de Total et sur le cas des suicides de France Télécom qui ont prévalu { l’entreprise de perdre 20 places dans le baromètre des entreprises préférées des français en 2009.

Dans les deux cas, il ne s’agit pas de remettre en cause la gestion de crise telle qu’elle a été gérée par les services de communication des deux entreprises qui sont parfaitement au fait des enjeux de la gestion de crise, mais plutôt d’apporter une vision différente, par rapport { la problématique et aux mécanismes des stratégies que nous avons démontrés précédemment. Il est évident que les préconisations qui vont suivre n’auraient en aucun cas permis d’enrayer complètement la crise. Elles auraient peut être simplement permis de limiter l’impact en terme d’image et de réputation pour les deux entreprises que nous avons choisies.

Page 52: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 52

a. Total, les 10 ans de l’Erika

I) Ce qu’il s’est passé

L’entreprise

Total est une entreprise pétrolière française qui fait partie des six plus grosses multinationales du secteur (avec Shell, Exxon, Chevron, BP et ConocoPhilipps). Ses activités couvrent l’ensemble de la chaîne de production, de l’extraction du pétrole brut et du gaz naturel { la création d’énergie, la raffinerie et l’exploitation commerciale. Il s’agit de la plus grande entreprise française en termes de chiffre d’affaires. L’entreprise compte près de 15 000 employés à travers le monde.

Contexte

Le 12 décembre 1999, l’Erika a fait naufrage au large de la Bretagne. Le pétrolier transportait 37 000 tonnes de fuel lourd en provenance de Dunkerque. Le début du procès a lieu le 12 février 2007 visant à identifier les responsabilités et le jugement a été rendu le 16 janvier 2008. Le groupe Total a été condamné à verser 375 000 € d’amende et 192 millions d’euros de dommages et intérêts aux territoires victimes de la marée noire (les trois autres coupables sont le gestionnaire Antonio Pollara, l’armateur Giuseppe Savarese et la société de classification Rina). Total a à ce titre été reconnu coupable de pollution maritime et de préjudice écologique. Selon les avocats de la partie civile, Total qui avait affrété le bateau n’avait pas tenu compte de son « âge » de 25 ans. Pour la première fois dans l’histoire de la justice, un préjudice résultant d’un naufrage était reconnu. Total a interjeté appel de la décision, se défendant du fait que le naufrage n’avait pas pu être anticipé, et qu’il n’en allait pas de la responsabilité ni de l’équipage, ni de l’entreprise. La cour d’appel de Paris rendra donc sa décision le 30 mars prochain, sur la part de responsabilité de Total dans le naufrage de l’Erika. Dès le 16 janvier 2008, lorsque la cour a rendu sa décision, les médias se sont fait l’écho des grandes étapes du procès, et Total a dans la plupart des cas été mis en porte à faux. Cela a bien entendu été le cas, à la télévision, à la radio mais également sur internet.

Internet s’est { ce titre fait l’écho non seulement de l’opinion des journalistes, mais le plus souvent des internautes, dont beaucoup sont aujourd’hui encore scandalisés par le fait que Total ait pu faire appel . L’ensemble des sites en ligne des journaux a relayé l’information. La majorité des réactions des internautes a été dans le sens du parquet. Reflet véritable de la perception de l’opinion publique, ces commentaires en chaîne des internautes en réaction aux articles dénonçaient clairement Total comme un pollueur maritime, responsable de la marée noire. De nombreux blogs ont repris l’affaire en la caricaturant via des articles ou bien des photomontages. (maester.over-blog.com, galsungen.free.fr, pythacli.chez-alice.fr…). De manière beaucoup plus direct, les blogs des associations condamnant Total ont fleuri sur Internet pour dévoiler les étapes du procès et pour relayer les différents arguments mettant directement en cause la responsabilité de Total. (affaire-erika.org, coordmareenoire.net, erika.benevoles.free.fr…). Pour contrer ces caricatures, Total a tenté de faire jouer le droit à l’image, mais vainement.

Page 53: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 53

La réaction de l’entreprise en matière de communication

Le naufrage de l’Erika a donc bel et bien engendré une crise très grave au sein de l’entreprise notamment par rapport au contexte sociétal ambiant et { l’opinion. De fait, selon un sondage effectué en octobre 2009, 58% des sondés ont une bonne opinion de la marque en août 2009, alors qu’ils étaient 73% en septembre 20061. Autrement dit, l’Erika a laissé des traces dans le jugement de l’opinion. L’entreprise se devait de réagir et a adopté une communication de crise basée sur deux éléments : déni de responsabilité (Total a joué la carte de l’expertise et n’a { aucun moment émis le doute sur une éventuelle responsabilité de sa part) et modernisation de l’image de marque pour couper court aux dérisions et aux caricatures

- Le déni de responsabilité :

Ayant réagi tardivement à la mise en cause de sa responsabilité, Total a perdu toute crédibilité lors de ses interventions médiatiques. Les relations presse de crise qui ont été menées ne sont pas parvenues { rétablir l’image de Total et sa non responsabilité (du moins partielle) dans la perception de l’opinion. Selon Thierry Libaert, spécialiste de la communication sensible, toutes les prises de parole de Total ont été jugées comme provocatrices. Christophe de Margerie, PDG pourtant charismatique de la marque a bien essayé de prouver que son entreprise n’était pas

1 Sondage IFOP (1er au 5 octobre 2009) auprès d’un échantillon de 2000 personnes, complété par les données d’études auprès d’actionnaires individuels de l’entreprise.

Page 54: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 54

juridiquement responsable. Pourtant, rien n’y a fait, la responsabilité Total de l’entreprise est restée dans le collimateur de l’opinion. Les tentatives de faire évoluer le ton de la communication vers la compassion ont été jugées d’autant plus provocantes, par exemple, lorsque Christophe de Margerie expliquait qu’il était « prêt à donner une journée de son salaire à titre d’indemnités ».

- La modernisation de l’image de marque :

Suite au naufrage de l’Erika et { l’émergence du web 2.0 { l’aube des années 2000 Total a souffert de la réaction d’un grand nombre d’internautes qui ont détourné le logo et le slogan de Total en les mettant en parallèle avec la catastrophe du naufrage du pétrolier et de la marée noire qui a suivi.

Pour tenter de briser l’amalgame qui prévalait aux yeux de l’opinion entre la marque et le naufrage de l’Erika, l’entreprise a dû moderniser sa communication : passer de l’image d’une entreprise pollueuse, attirée uniquement par le profit { l’image d’une entreprise vertueuse, proche de ses consommateurs. Ainsi, selon Cyrille Chaudoit, auteur du blog veille2Com, l’entreprise s’est réellement repositionnée, pour donner un souffle nouveau à son image1. Il nous explique ainsi que la marque a procédé { deux principaux changements. D’abord elle a modernisé son logo, puis elle { changé sa signature. Nous sommes effectivement passés d’un logo rectiligne, symbolisant la puissance industrielle et chimique, uniforme à un logo beaucoup plus arrondi, beaucoup plus ancré dans l’air du temps : plus rassurant.

Avant 2003 Après 2003

1 Cyrille CHAUDOIT, Total coupable dans le naufrage de l’Erika – janvier 2008 - http://cyrille-chaudoit.blogspot.com

Page 55: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 55

La signature quant { elle a été modifiée dès 2005. L’ancienne (« vous ne viendrez plus chez nous par hasard ») prêtait { la controverse. Elle a beaucoup été tournée en dérision, et l’allusion { l’Erika était une nouvelle fois systématique. L’entreprise a dû revoir son positionnement également de ce point de vue là pour être en cohérence avec son nouveau logo. Elle a donc opté pour la signature suivante dès 2005 : « Pour vous notre énergie est inépuisable ». Une signature plus légère, moins autocentrée sur la marque qui joue la proximité et le lien avec le public. Une signature également beaucoup plus dans l’air du temps. On note effectivement que depuis quelques années les grandes entreprises françaises incluent le nous et le vous dans leur signature pour se rapprocher de leurs publics.

Le constat

La réaction de Total en matière de communication de crise a été tardive. Selon Thierry Libeart1, « un danger majeur pour les entreprises est de ne pouvoir détecter l’entrée en crise ». Nous avons effectivement constaté dans la première partie que la meilleure façon de gérer une crise, était de l’anticiper au maximum. Or, ce n’est pas ce qu’{ fait Total. Thierry Libaert, spécialiste de la communication sensible, poursuit en expliquant que l’année 1999 a été pour Total une véritable année de réussite sur le plan financier. La catastrophe de l’Erika a donc été minimisée en terme d’impact sur l’image de l’entreprise. Selon lui, « la perception de la puissance a trop réduit la vigilance ».

Au cours de l’affaire et toujours selon l’analyse de Thierry Libaert, Total a constitué un parfait bouc émissaire. La responsabilité a été immédiatement reportée sur l’entreprise française. Son image et sa réputation, son secteur d’activité, collaient parfaitement { la perception qu’a eu l’entreprise du naufrage de l’Erika et aux conséquences qu’elle a voulu faire porter { Total. D’autre part l’association entre Total et les marées noires risque de devenir systématique, car l’entreprise n’a pas réellement communiqué pour briser cette amalgame là. Thierry Libaert rappelle tout de même pour resituer les éléments dans leur contexte que la marque n’a pas perdu ne serait-ce qu’un dixième de points durant l’affaire de l’Erika. Preuve que les dirigeants n’ont pas jugé foncièrement nécessaire une communication de crise très importante. Pourtant, en attestent les sondages d’opinion (cf. page 53), l’entreprise jouit d’une mauvaise image dans l’opinion publique et dans la sphère sociale. Il aurait donc été pertinent, malgré les bons résultats économiques de se soucier davantage du grand public pour ne pas choquer et conserver une bonne image de marque.

II) Notre préconisation

L’analyse contextuelle précédente a bien mis en valeur le paradoxe entre la crise importante qu’a engendrée le naufrage de l’Erika pour la réputation de Total et sa très bonne santé financière qui n’a pas pâti un seul instant de cette catastrophe écologique. Cette dualité entre la logique d’entreprise et le raisonnement de l’opinion publique, rappelle les préceptes de Jean Pierre Beaudoin concernant la formation du jugement de cette opinion publique que nous avons évoquée lors de la définition du risque d’opinion dans la première partie. Il s’agit d’une parfaite illustration entre logique de marché pour l’entreprise et logique de société pour l’entreprise. Malgré tout, Jean Pierre Beaudoin insiste sur le fait que l’entreprise a tout intérêt { prendre en compte ces deux dimensions dans la construction de ses valeurs et de sa réputation. Dans le cas

1 Thierry LIBAERT – Erika, les leçons d’une crise – tlibaert.info

Page 56: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 56

présent, cela n’a pas été effectif, puisque la communication de crise de Total a consisté simplement en un renouvellement de positionnement et le déni de responsabilité.

Or, même si Total possède une des directions de la communication parfaitement adaptée à ses fonctions et très performante (toutes les entreprises du CAC 40 ont naturellement des stratégies de communication exemplaires), il aurait été possible d’avoir une autre vision de la gestion de la crise de l’Erika. Sans avoir conscience des enjeux boursiers mais en ayant uniquement { l’esprit le souci de réputation de Total dans la sphère de l’opinion publique, un certain nombre d’éléments aurait pu être mis en œuvre pour limiter l’impact de la crise sur Internet.

L’analyse de l’e-réputation de Total 10 ans après le naufrage de l’Erika

Les caricatures de l’entreprise et les détournements de logo sont toujours présents dans les premiers résultats de Google Image, et sur la première page de Google, lorsque l’on saisit « Total Erika », hors mis les trois premiers résultats, l’ensemble des liens pointe vers des articles sur la catastrophe. D’autre part, les blogs d’associations de victimes ou d’écologistes pointant du doigt la responsabilité de Total sont toujours bien référencés. Parallèlement, plusieurs forums laissant la parole aux internautes révèlent de nombreux commentaires négatifs au sujet de la marque. Il en est de même avec les articles relatifs à la catastrophe sur la version en ligne des journaux. Les commentaires sont souvent très défavorables, parfois même agressifs envers Total.

Exemple : extraits de réactions d’internautes suite à un article du 5 octobre 2009, paru sur Liberation.fr sur la suite du procès total1. Les internautes sont en l’occurrence sans appel sur la responsabilité de Total dans le procès.

Cet exemple reflète véritablement l’état de la perception de la marque par l’opinion sur le web. Plusieurs actions d’influence online auraient donc pu être imaginées pour limiter cette dégradation de l’e-réputation de Total.

Mise en place d’une stratégie d’influence d’e-réputation pour Total

Pour faciliter la démarche et la démonstration de ce qui aurait pu être mis en place, nous nous resituons au 16 janvier 2008, date à laquelle le procès a été rendu. Ce moment important dans l’histoire du procès aurait nécessité le début d’une véritable procédure de communication et de gestion de réputation. D’autre part, pour mettre en valeur les bien-fondés d’une stratégie d’influence en ligne dans le cas présent, nous fonctionnerons de la même manière que pour la

1 Total de nouveau devant la justice – Octobre 2009 - http://www.liberation.fr/terre/0101595161-naufrage-de-l-erika-total-de-nouveau-devant-la-justice

Page 57: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 57

réalisation d’une stratégie de communication plus traditionnelle, c’est { dire une réflexion stratégique, et une stratégie des moyens. Pour ce qui concerne l’analyse contextuelle nous nous référons à ce que nous venons de mentionner concernant le cas Total. Ainsi, la situation de Total, son manque de réactivité dans la gestion de crise avant que le verdict du procès soit rendu, nous pouvons définir des objectifs précis en matière d’influence en ligne.

Objectifs de la stratégie d’influence en ligne :

o Démontrer que Total n’est pas complètement responsable de la marée noire

o Mettre en avant les valeurs de la marque vis à vis de ses publics (transparence, responsabilité, ouverture)

o Démontrer que Total est un véritable acteur de l’énergie, et n’est pas une entreprise qui raisonne uniquement en termes de profit

o Capitaliser sur la politique environnementale de Total en matière de Développement durable

Ces objectifs seront déclinés en fonction des cibles que nous espérons toucher dans la mise en place de cette stratégie. Chaque cible doit être clairement identifiée pour instaurer une véritable relation de proximité avec elle.

Cibles de la stratégie :

Cœur de cible : les internautes dans leur ensemble qui constituent l’opinion publique sur le web. Ce sont eux qui vont être le public privilégié, et que l’on va chercher { convaincre des engagements de Total et de son expertise. Il s’agira de démontrer que Total n’a pas manqué de vigilance concernant l’Erika.

Cibles principale : les internautes principalement opposés à la marque et au mode de gouvernance de l’entreprise. Il s’agit { la fois de victimes de la catastrophe, d’écologistes, mais également d’altermondialistes… Ce sont tous les individus qui ont une mauvaise perception de la marque, qui le revendiquent et qui sont actifs pour diffuser une image très défavorable de la marque. Il s’agit d’initier un dialogue avec eux, en mettant en valeur le fait que Total n’agit pas et ne conduit pas sa stratégie sans prendre en compte ses parties prenantes et son environnement.

Cibles relais : les blogueurs et les « sites amis » ou « sites partenaires ». Il s’agit de tous les producteurs réguliers de contenu sur Internet qui possèdent une légitimité auprès de leur lectorat et plus largement. Ces internautes sont de vrais relais d’opinion auprès de l’ensemble de leurs lecteurs. Il s’agira donc d’associer l’image de Total { leur image (pour ce qui concerne les sites amis) et de diffuser un discours qui puisse être relayé positivement (auprès des blogueurs).

Les axes de la communication d’influence en ligne

Pour tenter de repositionner l’image de Total sur Internet et pour bâtir une meilleure réputation à la marque, il convient de développer plusieurs axes stratégiques qui permettent de diffuser les valeurs essentielles de la marque. Véhiculer ces valeurs devra être le moyen de changer la perception des internautes. Cela passe par deux éléments essentiels : d’une part il s’agit de faire oublier les différentes caricatures dont la marque est l’objet et de faire passer ces tentatives de dérision voire d’insulte et de dénigrement au second plan dans l’esprit de l’opinion publique. D’autre part, il s’agira pour concourir { l’évolution des jugements de diffuser un discours positif et valorisant sur la marque qui recentre l’opinion sur le cœur d’activité de l’entreprise et ses bénéfices pour la société.

Page 58: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 58

C’est en démontrant l’utilité de l’entreprise pour la société dans son ensemble que l’image d’une entreprise « nuisible » pour l’environnement et « avide » de profit pourra être enrayée. Nous nous rappelons à ce titre les recommandations de Jean Pierre Beaudoin dans les dix principes de communication qu’il confère au dirigeant pour se mesurer { l’opinion.1Il s’agit en l’occurrence de faire rimer logique de marché et logique de société. Autrement dit, il s’agit de démontrer que la stratégie de développement de Total est en parfait accord avec les besoins de la société notamment sur le plan environnemental. Ainsi, ce sera l’occasion de démontrer par exemple que dans une période où les énergies douces sont une nécessité (par rapport aux objectifs du Grenelle de l’environnement), Total développe son activité vers le secteur de l’éolien, pour anticiper les évolutions de demain, et apporter une réponse aux grands enjeux de la planète.

Concrètement, il s’agit donc de bâtir un discours homogène, évocateur, qui puisse faire comprendre { l’opinion la volonté de Total de répondre { ses attentes. Par dessus tout, il s’agit d’enrayer l’association qui est faite systématiquement entre Total et la notion de « préjudice écologique » par rapport { l’Erika.

La stratégie des moyens

Une stratégie de référencement :

Le premier élément manifeste de gestion de cybercrise, visant à modifier la perception des internautes est de bâtir une véritable stratégie de référencement. Nous avons constaté lors de notre analyse du contexte que le naufrage de l’Erika avait entraîné la rédaction de nombreux articles sur les journaux en ligne, de nombreux billets sur les blogs et de nombreux commentaires des internautes sur les forums et les différents sites. Or, tous ces contenus apparaissent dans les premières pages des moteurs de recherche lorsque le mot « Total » ou le mot « Erika » sont saisis ; ou pire encore, lorsque les deux sont associés. Cela est d’autant plus visible dans Google Images comme nous l’avons évoqué précédemment où les caricatures de la marque, les logo busting (détournement de logos) les plus frappants apparaissent dans les premiers résultats.

1 Jean Pierre BEAUDOIN – Le dirigeant à l’épreuve de l’opinion – 2008 – Editions Pearson

Page 59: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 59

Ainsi, pour contrer ces éléments, et pour qu’ils soient placés dans des pages plus lointaines des moteurs de recherche, le référencement est l’outil le plus approprié. Comme nous l’avons évoqué dans la seconde partie, le référencement doit faire l’objet d’une démarche habile et d’une réflexion approfondie. Dans le cas qui nous concerne, l’élément le plus important serait d’optimiser l’arborescence et les contenus du site de Total pour les adapter au contexte de l’Erika et faire en sorte que le contenu du site occupe les premiers liens des résultats Google. Actuellement, lorsque l’on tape « Total Erika », le site du groupe n’occupe que les trois premiers liens de la première page Google. Nous préconisons deux modifications majeures du site web.

Optimisation de l’arborescence du site web

Premièrement, dans la partie Actualités du site qui met en ligne des communiqués de presse et des éléments d’actualité sur la marque, il serait pertinent de publier une revue de presse consacrée { Total, spécifiquement dirigée vers le secteur de l’environnement. Dans la page de présentation, les articles seraient proposés en lien, mais un bref résumé de chacun serait mis en ligne. Les articles seraient bien entendu choisis en cohérence avec l’image que l’on veut donner de la marque. Le résumé mis en ligne devra reprendre les termes récurrents « d’environnement », « engagement responsable », « politique de transparence de Total », « appel dans le procès de l’Erika ». Dans tous les cas, ces éléments renverraient l’internaute vers des articles neutres ou favorables à Total mais qui mettent systématiquement en valeur l’image responsable de l’entreprise, aux antipodes de ce qui est dénoncé par l’opinion publique. C’est le moyen de créer du contenu positif sur Total, et les mots clés saisis, et intégrés au code HTML de la page permettraient de référencer ces éléments d’actualité dans des placements privilégiés au sein des moteurs de recherche. L’objectif est { ce titre de favoriser le contenu favorable { Total en tête des moteurs de recherche pour « noyer » les éléments les plus négatifs et agir sur l’opinion des internautes. Car si ces derniers trouvent davantage d’éléments positifs, ils pourront avoir une vision différente et de ce fait, modifier leur jugement et leur perception par rapport à l’entreprise.

Page 60: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 60

Deuxièmement, la seconde préconisation d’optimisation du site web concerne la rubrique « Environnement et Société ». Celle-ci, qui est au cœur du sujet de l’Erika et des reproches qui sont fait { Total, mériterait d’être mise plus en valeur, d’abord pour permettre aux internautes de mieux saisir les engagements de Total en matière de Développement durable, mais également de favoriser un meilleur référencement pour l’entreprise. De fait, nous préconisons la création d’un sous domaine pour cette rubrique, qui serait le moyen de créer une URL spécifique { celle-ci, du type : environnement.societe.total.com. Cela permettrait de rendre plus systématique l’association des mots clés « environnement » et « Total » ce qui renouvellerait le positionnement de Total et lui offrirait un meilleur référencement dans les moteurs de recherche.

La mise en place d’un blog d’entreprise

Gérer la cybercrise de Total passe par la mise en place d’un discours cohérent qui puisse enrayer l’ensemble des propos négatifs tenus sur internet { propos de la marque. Comme nous l’avons expliqué dans la stratégie d’influence, il s’agit de véhiculer des messages forts qui soient représentatifs des valeurs fondatrices de la marque. La création de ce blog constitue le second axe stratégique de la stratégie de gestion qui fait suite à la stratégie de référencement que nous venons d’exposer. Ce blog d’entreprise ne peut pas être un blog fantôme qui serait activer immédiatement, puisqu’il n’a pas été préparé en amont. De fait, c’est pour cela qu’il apparaît dans un second temps. Son but est de bâtir une véritable réputation en ligne de la marque qui puisse modifier durablement la perception de l’opinion publique, et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’association systématique entre Total et le naufrage de l’Erika.

Ce blog d’entreprise serait axé sur le développement durable. Il sera donc en lien avec l’activité de Total et notamment ses axes de développement (éolien). Il sera un écho de l’actualité liée { l’environnement et aux énergies renouvelables. Néanmoins, il ne parlera pas de la marque directement, celle-ci n’apparaîtra pas clairement sur les pages du blog. Ce n’est qu’implicitement et indirectement que l’internaute pourra comprendre qu’il s’agit de Total. A l’image du blog Giiks.com géré par Bouygues Télécom1, cette technique d’influence permet d’attirer des internautes directement concernés par un sujet pour les sensibiliser et faire apparaître la marque sur un second plan. D’autre part, et dans le cas de la crise vécue par Total c’est un élément important ; la création d’un blog d’entreprise dédié { un secteur d’activité permet de constater l’évolution des préoccupations sur le sujet et d’adapter son discours en conséquence. Ainsi, sur le blog de Total, les internautes pourront échanger librement sur le développement durable et les énergies renouvelables, parler des dernières tendances, des entreprises qu’ils plébiscitent, et au contraire celles qu’ils jugent plus médiocrement. Ils pourront faire cela, sans avoir le sentiment d’être sous le joug de Total, c’est { dire sur une plate forme d’expression contrôlée. En favorisant ces échanges, en créant une véritable communauté d’experts autour de la question de l’environnement et des énergies, Total peut faire évoluer son positionnement sur internet pour l’adapter aux préoccupations et sortir définitivement de l’image de pollueur qui lui est associée presque systématiquement.

Concrètement, ce blog ne devra pas porter le nom de la marque, il devra mentionner ce à quoi il est dédié. De façon générale, la page d’accueil sera réservée { l’actualité du développement durable et des énergies renouvelables. Une rubrique permettra aux internautes de s’inscrire pour faire partie de la communauté. Une plateforme d’échanges sera mise { la disposition des membres. La présence de Total sera intégrée dans une rubrique du site secondaire, intitulée « A propos ». Située sous les autres onglets du blog, la page si elle est affichée, expliquera brièvement que Total est l’auteur et le gérant du blog. Elle expliquera que ce blog répond aux

1 www.giiks.com (blog d’entreprise de Bouygues Télécom dédié aux nouvelles tendances du mobile)

Page 61: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 61

valeurs de la marque et que Total manifeste son engagement en partie grâce à ce blog en permettant l’expression du plus grand nombre sur le sujet. Un lien hypertexte renverra l’internaute sur le site de Total s’il le souhaite. Cette démarche volontariste de Total serait originale, car il ne s’agirait en aucun cas d’une technique de communication institutionnelle. Les internautes percevraient cette initiative comme un service de la part de l’entreprise, et non pas comme une intrusion marchande sur la sphère du web ou comme une technique de greenwashing (reproche fait aux entreprises qui communiquent uniquement sur l’environnement pour « laver » leur image d’entreprise polluante ou émétrice de CO2).

Cette action d’influence, plus que de communication pourra s’appuyer sur le relai des sites « amis » ou des sites « partenaires ». Il s’agit de tous les sites internet (associations, ONG…) qui accepteraient de publier le lien du blog sur leur site pour permettre à leurs lecteurs de pouvoir s’y rendre. Pour eux, le blog doit s’ancrer dans le même positionnement et dans les mêmes valeurs que ce qu’ils défendent. Pour Total, c’est un moyen de bénéficier de la légitimité des sites partenaires qui confèreraient au blog une crédibilité supplémentaire.

Conclusion

Grâce { une politique de référencement et { la construction d’un discours homogène véhiculé par le blog, la marque limite les impacts de la crise sur son e-réputation. Nous jugeons que ces actions sont les plus pertinentes compte tenu du contexte que nous avons exposé. Par exemple, il aurait semblé inopportun de mettre un place une intervention sur les forums ou une démarche de community management face { la gravité du naufrage de l’Erika et aux nombreuses victimes dues { l’accident. Aussi, les actions que nous avons proposées conformément à des objectifs précis, permettent de véhiculer une bonne image de Total, mais cela de manière non offensive et non intrusive. Les internautes ne devaient en aucun cas avoir l’impression que Total tentait de repositionner son discours uniquement pour se déresponsabiliser de la catastrophe de l’Erika. La gestion de la cybercrise dans le cas présent se fait par une gestion « à distance » de l’image de Total, qui ne soit pas directement visible par les internautes. C’est toute la subtilité de la stratégie d’influence qui s’illustre ici : parvenir { modifier la perception de l’internaute vis { vis de la marque en lui démontrant les valeurs fortes de celle-ci, son utilité pour la société dans son ensemble, et sa volonté d’être un véritable acteur de l’environnement, au service de l’intérêt général.

Page 62: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 62

b. France Télécom : la crise des suicides

I) Ce qu’il s’est passé

L’entreprise

France Télécom est la principale entreprise française de télécommunications, elle emploie près de 187 000 personnes. Sa marque Orange (qui est la marque commerciale du groupe) a vocation à devenir le nom du groupe dans son ensemble. L’Etat est actionnaire de l’entreprise { hauteur de 26,7%

Contexte

La fusion de France Télécom et d’Orange il y a quelques années a conduit { une profonde restructuration de l’entreprise notamment en termes de management. L’entreprise est passée d’un service public à une véritable firme guidée par la rentabilité et la productivité. Ce changement brutal qui n’a pas toujours été mené de la meilleure façon a conduit { un profond malaise social. Le suicide de 25 salariés de l’entreprise a secoué l’opinion publique durant tout le dernier trimestre de l’année 2009. Entre septembre 2009 et novembre 2009, l’ensemble des médias s’est tourné vers France Télécom que l’on a accusée de mauvaises pratiques managériales. L’image de l’entreprise s’est alors très fortement dégradée au sein de l’opinion publique. En effet, la majeure partie des suicides étaient apparemment dus au stress qu’infligeait l’entreprise { la grande majorité de ses collaborateurs. La restructuration effective, la mobilité forcée, ont été autant de causes du malaise social qui régnait (et qui semble difficile à évincer) au sein de France Télécom. De nombreux reportages ont été diffusés à la télévision sur le stress au travail, ce qui a contribué à donner une mauvaise image à France Télécom, par rapport au contexte dans lequel se trouvait l’entreprise.

Didier Lombard, ancien PDG de la société (désormais président non exécutif) a attendu 24 suicides avant de réagir dans les médias et { l’interne en matière de communication. Cette réaction beaucoup trop tardive a suscité l’indignation de l’opinion publique et l’incompréhension des salariés, ainsi qu’un sentiment important d’abandon. Stéphane Richard le nouveau numéro un de l’entreprise a pris ses fonctions au début de l’année 2010 pour donner un souffle nouveau { la direction de l’entreprise et tenter de lui conférer une nouvelle image, plus moderne et davantage adaptée aux besoins des collaborateurs.

Cette crise d’image qui a résulté d’un risque d’opinion qui n’a pas su être appréhendé est particulièrement visible sur Internet. Les détournements de publicité d’Orange se sont multipliés dénonçant une marque qui continuait de faire la promotion de ses produits et services alors que 25 de ses employés avaient mis fin { leur jour. Et cela n’est pas terminé puisque le 12 février, deux nouveaux suicides ont été constatés au sein de l’entreprise. D’autre part, les forums et les blogs ont recueilli l’expression d’internautes très en colère contre l’entreprise, indignés du comportement de la direction (hyposblog.info, cyril-lazaro.over-blog.com, jeanmarcelbouguereau.blogs.nouvelobs.com…)

Page 63: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 63

La réaction de l’entreprise en matière de communication

Le principal problème de la crise (et c’est ce qui a conduit { son aggravation) est que la direction ne s’est pas sentie directement concernée par le risque d’image lié aux suicides. La direction se concentrait sur les orientations stratégiques de la marque, et non sur les problématiques de communication. Dans un article des Echos du 15 octobre 20091, nous apprenons que des psychiatres ont recommandé { l’entreprise de ne pas médiatiser les suicides pour ne pas créer un effet de contagion auprès des autres salariés en souffrance. De fait, la communication forcée de se plier aux exigences de la direction n’a pas mis en place de communication de crise réactive (aucune prise de parole et pas de mise en place d’une cellule de crise). Cela a entraîné deux erreurs majeures en termes de communication :

- Une réaction tardive et maladroite2

Comme nous venons de l’évoquer, la réaction de l’entreprise en matière de communication a été trop tardive. Didier Lombard s’est exprimé seulement après le 23ème suicide. A titre de comparaison, lorsque des salariés s’étaient suicidés au sein de l’entreprise Renault, Carlos Gohsn, le PDG, était intervenu dans l’entreprise et dans les médias dès le 3ème suicide. Il s’était rendu sur les lieux, avait fait preuve de compassion, avait fait part des erreurs de la direction et 1 Véronique RICHEBOIS – Quand France Télécom s’efforce de renouer le fil – Les Echos – Octobre 2009

2 Téa DE PESLOUAN – France Télécom, « des salariés qui se sont sentis abandonnés » - www.delitsdopinion.com – Octobre 2009

Page 64: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 64

promettait d’œuvrer { de meilleures conditions de travail dans l’entreprise. C’est ce que Didier Lombard aurait dû faire. Malheureusement sa réaction tardive a été accompagnée de maladresses. En effet, on se souvient que le 14 septembre, invité par le ministre du Travail Xavier Darcos pour s’expliquer sur la situation, il disait vouloir « mettre un terme à la mode des suicides ». Bien évidemment cette phrase a suscité la polémique. Le PDG de France Télécom a eu beau s’excuser le lendemain sur RTL, ses propos restent ancrés dans l’esprit de l’opinion, car les médias les ont également repris. Le manque de capacité managériale de Didier Lombard peut expliquer ses maladresses. Celui-ci, fin technicien, n’était en aucun cas un communiquant. Il n’a bénéficié d’aucune formation ; c’est pourquoi ses prises de paroles étaient fortement risquées.

- Une négligence à l’interne

La direction de France Télécom a mis beaucoup de temps { communiquer vers l’interne. Ce n’est qu’{ partir du moment où le gouvernement a choisi d’intervenir dans ce drame qui devenait omniprésent dans la société que l’entreprise a véritablement commencé { lever les tabous. Cette absence de communication en amont envers les salariés a fait naître un sentiment d’abandon. Les syndicats se sont alors exprimés dans les médias pour expliquer leur indignation à ce sujet. De même les salariés, qui se sont exprimés (souvent le visage flouté) dans les différents journaux télévisés ont relayé leur incompréhension et le profond malaise qui régnait dans l’entreprise. Etant par nature de vrais relais d’opinion, ils ont véhiculé une image des plus négatives de France Télécom. Cette négligence { l’interne de la part de la direction a profondément choqué l’opinion. Un cercle vicieux s’est alors mis en place, car plus l’opinion s’ancrait dans l’indignation, plus les médias parlaient du cas France Télécom, conscients d’aller au plus près des préoccupation de leur public à ce moment là. Dans une interview au Figaro datant du 1er octobre 2009, Pierre Yves Freloux, spécialiste de la gestion de crise chez TBWA / Corporate explique que l’entreprise n’a entendu « ni les signaux faibles, ni les signaux forts » permettant d’anticiper l’apparition d’une crise. Il démontre également que l’opinion publique et l’interne attendaient « une prise de parole plus rapide avec une tonalité différente ».

Suite { cette première phase ratée de gestion de crise, l’entreprise a essayé de prendre un souffle nouveau et de rebondir pour mieux repartir. Avec l’arrivée de Stéphane Richard à la direction exécutive du groupe, l’entreprise a voulu faire peau neuve. France Télécom se réveille à ce moment l{. Une cellule de crise est créée, avec le soutien de l’agence conseil en communication du groupe, EURO RSCG C&O. Stéphane Fouks, le PDG de l’agence, homme de réseaux par excellence concocte un plan médias important pour sortir l’entreprise de cette spirale infernale. Stéphane Richard accorde ses premiers entretiens dans la presse dès le début du mois d’octobre 2009 pour exprimer le mea culpa du groupe. Il multiplie également à partir de ce moment là des interventions en région dans les directions régionales, pour renouer une forme de proximité entre la direction nationale, c’est { dire le siège de l’entreprise et les différentes directions opérationnelles.

Le constat

Si France Télécom est parvenu tant bien que mal à donner un souffle nouveau à la direction et à son image, ce n’est pas sans conséquences. Le manque de réaction et le manque d’anticipation de la direction au moment des suicides ont profondément marqué l’opinion. Les temps de silence répétés durant tout le début de la période de médiatisation des suicides a permis aux salariés, aux syndicats et aux journalistes de dresser un très mauvais portrait de l’entreprise. Ainsi, France Télécom n’a pas su réagir au bon moment, l’entreprise n’a pas su capter les signaux prédisant un risque d’opinion. L’indignation de l’opinion due { la surenchère des médias s’est particulièrement multipliée sur internet. Par exemple, le groupe Facebook « en finir avec le suicide chez France Télécom » compte 177 membres plus de quatre mois après que l’on ait fortement parlé du phénomène.

Page 65: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 65

De fait, l’entreprise a non seulement réagi trop tardivement, mais elle n’a pas su construire un discours cohérent, homogène et rassurant. Comme nous l’avons vu l’ancien dirigeant a utilisé des mots souvent inappropriés, qui n’ont fait qu’aggraver la crise de confiance envers l’opérateur. La communication n’a donc pas été suffisamment appréhendée en amont, et la gestion de la réputation n’était qu’une donnée secondaire dans la stratégie globale de France Télécom. Au vu des réactions dans les médias et de la perception de l’opinion, il est évident qu’une stratégie de communication dédiée aurait du être mise en place. Dans le cas présent, il s’avère également que cette stratégie aurait pu prendre la forme d’une stratégie relationnelle basée sur les mécanismes de l’influence. Nous allons nous concentrer sur le volet internet qui aurait constitué une véritable clé d’entrée dans la gestion de l’image de l’entreprise et de la crise résultant du risque d’opinion.

II) Notre préconisation

Le contexte très particulier de la crise des suicides chez France Télécom aurait nécessité la mise en place d’une stratégie de communication dédiée { la gestion de l’image. Le premier élément qui ressort de cette analyse concerne l’interne. Les salariés ont eu un sentiment d’abandon et d’incompréhension face { la direction. Ils se sont sentis comme des victimes prises au piège du système de l’entreprise. Aucune politique d’information n’a été mise en place envers eux dès le début. Les salariés ont donc eu l’occasion de se forger leur propre jugement de l’entreprise, basé sur leur ressenti et leur méfiance vis à vis de France Télécom. Le premier axe stratégique de notre communication, si l’on se replace au début de la crise, aurait été d’informer les salariés, avant de s’exprimer dans les médias, de faire parler la direction, en montrant la volonté d’écoute, et de proximité du siège de l’entreprise. Ce dialogue initié dès le début, aurait permis d’entendre les premières revendications, de proposer un discours cohérent pour rassurer, et fédérer l’ensemble des salariés même dans ces conditions très particulières. Le second élément de ce premier axe de communication aurait été de former les porte-paroles de l’entreprise (des salariés choisis) qui soient de véritables relais d’opinion de l’entreprise, et qui véhiculent l{ encore un discours cohérent, pour éviter qu’une mauvaise image de l’entreprise ne soit divulguée par les salariés.

Le deuxième élément qui ressort de l’analyse du contexte concerne le jugement de l’opinion au sujet de l’entreprise. Le rôle prépondérant des médias dans la diffusion d’informations relatives aux suicides dans l’entreprise et porteuses d’une mauvaise image de la marque a conduit l’opinion publique a voir d’un très mauvais œil non seulement les dirigeants de l’entreprise, mais également l’ensemble du système managérial en place depuis que France Télécom a fusionné avec Orange. Ainsi, notre deuxième axe stratégique dans notre préconisation en stratégie d’influence aurait consisté, toujours si l’on se replace au début de la crise { prendre en compte l’évolution des perceptions de l’opinion pour adapter le discours de l’entreprise. Il aurait également fallu s’exprimer plus tôt, ne pas laisser les médias créer un discours et véhiculer une image de l’entreprise { la place des dirigeants. De fait, il aurait fallu mettre en avant le rôle du dirigeant, symboliquement responsable de la crise, pour véhiculer un discours qui relativise les informations transmises par les journalistes et qui mette en avant le dispositif mis en place par l’entreprise pour enrayer le malaise social qui règne en interne.

La stratégie que nous proposons comporte donc deux volets distincts mais complémentaires : une action vers l’interne passant par l’intranet, et une action vers l’externe passant par internet.

Page 66: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 66

Pour traduire au mieux ces enjeux en terme de stratégie d’influence et pour optimiser la stratégie des moyens qui en découle, il convient de dresser les objectifs de cette stratégie.

Objectifs de la stratégie d’influence en ligne :

o Rassurer les salariés en interne pour apaiser le malaise social

o Fédérer les salariés pour limiter la fragilisation du sentiment d’appartenance

o Mobiliser des relais d’opinion de façon { ce qu’ils soient les ambassadeurs de la marque France Télécom

o Instaurer une relation de proximité avec le grand public pour valoriser le rôle de la direction dans la crise

o Pérenniser la démarche d’engagement et de proximité de la marque

Ces objectifs seront déclinés en fonction des cibles que nous allons déterminer.

Cibles de la stratégie d’influence en ligne :

o Les salariés de l’entreprise

o Les relais d’opinion (blogueurs influents, salariés de l’entreprise choisis, journalistes)

o Le grand public (internautes, individus intéressés par l’actualité qui s’informent régulièrement)

Les messages de la stratégie d’influence

Etant donné que nous sommes face à deux axes de communication, nous devrons mettre en place deux messages distincts. Pour l’interne et les salariés, il s’agira de communiquer sur la responsabilité de la direction, en mettant en avant le fait que les dirigeants sont très affectés par les suicides qui se déroulent dans l’entreprise, et qu’ils comptent mettre tout en œuvre pour enrayer ce malaise. Le ton employé doit être compatissant. L’entreprise doit montrer sa responsabilité, et le dirigeant doit faire valoir ses erreurs. A cette occasion, le dirigeant doit également mobiliser, montrer que la période que l’entreprise traverse est une épreuve qu’il convient d’affronter ensemble pour en sortir renforcé. Il s’agit d’impliquer les salariés, de se montrer { l’écoute pour générer un dialogue transversal, qui brise les codes hiérarchiques habituels. Les salariés doivent sentir que en situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont prises.

A l’externe, l’entreprise doit également montrer ses erreurs. Le dirigeant doit reconnaître qu’il n’a pas géré l’entreprise de la meilleure façon et que la politique managériale n’était pas la plus adaptée. La communication doit être transparente, elle doit mettre à découvert les actions de la direction et montrer l’humanité des dirigeants. C’est en acceptant ses faiblesses que l’entreprise pourra obtenir un gage de compréhension de la part de l’opinion. Le dirigeant doit engager une véritable démarche de mea culpa, s’expliquer auprès de l’opinion publique tel un accusé devant un juge d’instruction.

Page 67: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 67

La stratégie des moyens

o A l’interne

C’est l’intranet qui va jouer un rôle essentiel dans la stratégie d’influence menée { l’interne. Les salariés sont en effet les cibles privilégiées de la communication. C’est ceux { qui l’entreprise doit s’adresser en premier. Concrètement, il s’agit de gérer le risque d’opinion induit de la perception de l’entreprise par les salariés. Il s’agit d’influencer cette perception par la mise en place d’actions fédératrices et rassurantes pour l’ensemble des collaborateurs. En effet, ce sont les premiers concernés par la crise, et ce sont les premiers ambassadeurs de la marque { l’externe. L’intranet est d’autre part l’outil le plus réactif { l’interne qui peut { la fois diffuser une information massivement et simultanément.

Une page dédiée sur le site internet :

Le premier élément concernant la gestion de crise au sein de l’entreprise consiste { mettre en place une page spéciale de crise sur l’intranet. Cette page permettra de diffuser en temps réel les actualités relatives à la crise, et les actions menées par la direction. Cette page doit être publiée sur l’intranet dès le début de la crise (c’est { dire dès que les premiers suicides ont été recensés). Contrairement { ce que nous avons pu faire ressortir de la communication qu’avait réellement menée France Télécom, il s’agit non pas de dissimuler les faits, mais au contraire d’en parler et de créer un dialogue spécifique basé sur une logique de transparence. Cette page a pour objectif majeur de canaliser les rumeurs qui naissent en général dans un contexte de crise. Or comme nous l’avons vu dans la partie consacrée au risque d’opinion, la rumeur est néfaste pour l’entreprise car elle colporte majoritairement des informations fausses ou extrapolées. Grâce { la publication régulière d’articles, il convient de diffuser un discours cohérent basé sur les valeurs de la marque, pour faire en sorte de préserver son capital image aux yeux de ses collaborateurs.

Il est évident que dans le cas de cette crise sociale liée à plusieurs suicides, le malaise est profond, le contexte est grave, et l’image de l’entreprise se trouve nécessairement atteinte et fragilisée, puisque sa responsabilité est automatiquement mise en cause. C’est donc en montrant que l’entreprise reconnaît sa part de responsabilité, que la dégradation de la perception de l’entreprise par les collaborateurs pourra être limitée. De fait, il s’agit de publier des articles qui mettent en valeur la politique RSE1 de l’entreprise et qui confortent son engagement dans le bien être au travail. Ces éléments constituent des réponses aux inquiétudes des salariés. Parallèlement, il est nécessaire de communiquer sur les erreurs qu’a pu commettre l’entreprise. Sans mettre la direction en porte { faux, il s’agit de montrer que l’entreprise reconnaît ses erreurs notamment en matière de management, et que les dirigeants sont prêts à changer pour adapter le mode de gouvernance aux nouvelles préoccupations internes. Enfin, le contenu publié sur cette page spéciale doit privilégier un ton et un vocabulaire qui favorisent la compréhension et la compassion. Dans ce cas, c’est montrer que l’entreprise est { l’écoute de ses collaborateurs, et qu’elle les entoure dans ce moment particulièrement dramatique.

Concrètement, cette page sera animée par un membre du service communication en collaboration avec la cellule de crise qui aura été créée pour l’occasion. Le contenu prendra la forme d’articles, d’interviews de responsables de l’entreprise, ou encore de témoignages de

1 RSE : Responsabilité sociale des entreprises : prise en compte des dimensions sociales, économiques et environnementales dans la gestion de l’entreprise. Elle définit la responsabilité de l’entreprise auprès de ses parties prenantes. Cette politique de gestion prend en compte le contexte environnant de l’entreprise pour la conduite de sa stratégie. La RSE a été formalisée par l’article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques(source : Ministère du Développement durable : www.ecologie.gouv.fr )

Page 68: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 68

dirigeants. Il s’agit de valoriser la volonté de transparence de la direction et la prise d’engagements due à sa responsabilité dans la crise.

Une adresse e-mail spécifique :

Le second moyen permettant d’établir le lien entre les différents collaborateurs et la direction de l’entreprise consiste { créer une adresse e-mail spécifique qui permettra { l’ensemble du personnel de se faire entendre auprès de sa hiérarchie. Cette adresse également animée par des membres du service communication en lien avec les membres de la direction concernés par la sollicitation, sera le moyen de créer un dialogue direct entre les salariés et le personnel en charge du management. La dénomination de cette adresse doit être à la fois évocatrice de son rôle, mais rester correcte compte tenu du contexte de crise et de la sensibilité et l’émotion induites. Nous proposons par exemple l’adresse suivante [email protected]. Cette adresse e-mail est le symbole du dialogue que le direction souhaite mettre en place. Plus globalement, il s’agit d’instaurer une relation transversale et bilatérale au sein de la hiérarchie, qui sorte du cadre traditionnel (c’est { dire une relation verticale unilatérale) de la communication. De cette façon, c’est valoriser une nouvelle fois la volonté d’écoute de la direction, et son souhait d’apporter des réponses, d’être force de proposition et d’entraide pour l’ensemble des collaborateurs.

De manière plus stratégique, et concernant les objectifs qui nous concernent dans le cas présent, cette adresse est le moyen de recueillir une opinion spontanée au sein du salariat. Grâce aux questions posées, aux préoccupations mises en valeur, il va être possible de voir quels sont les inquiétudes les plus importantes { l’interne. Il va être également possible de recueillir la perception qu’ont les collaborateurs de la marque, c’est { dire l’image réelle véhiculée par France Télécom en internet. Selon les messages qui sont envoyés { l’adresse, les salariés vont faire apparaître leur degré d’affinité avec la marque et avec la direction par rapport au degré de mécontentement de leur message et au degré d’espoir qu’ils attendent de la réponse de la hiérarchie. Plus le salarié s’insurgera contre l’entreprise, et moins il attendra de réponse, plus nous pourrons en conclure qu’il a une mauvaise perception de la marque. A l’inverse, plus le salarié espère avoir une réponse, et sollicite l’aide par les moyens mis en place, plus nous pourrons en conclure que sa perception de la marque est globalement positive malgré tout. Bien entendu ce ratio doit être nuancé compte tenu du contexte particulièrement grave de la situation dans laquelle nous intervenons.

Ainsi, grâce { l’analyse des préoccupations, des interrogations postées, il va être possible de réaliser un diagnostic d’image de la marque en interne qui sera amené à évoluer en fonction du contexte de crise et de l’évolution de la perception des collaborateurs. Ce diagnostic d’image va permettre d’orienter le discours de la marque, d’ajuster la communication et les messages de crise pour être au plus près des attentes des salariés. Globalement, il s’agit de recueillir l’opinion des salariés et leur perception de la crise pour apporter des réponses adaptées. De fait, les collaborateurs seront beaucoup plus sensibles et réceptifs au discours de la marque, et à sa façon de gérer la crise à mesure que ce discours va s’adapter { leurs préoccupations.

o A l’externe

L’organisation de chats (discussion en ligne) :

La première démarche de gestion de crise d’image vis { vis de l’externe passe par la création d’une relation et d’un dialogue avec les cibles (c’est { dire les consommateurs et autres parties prenantes de la marque). Cette relation doit être créée rapidement pour réagir instantanément à la crise et éviter qu’elle ne se propage. Il s’agit également de canaliser les plus fervents opposants de la marque en diffusant un discours cohérent (comme nous l’avons vu pour

Page 69: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 69

l’interne) et interagissant avec les préoccupations du public. Pour cela, nous préconisons la mise en place de chats entre les internautes et un ou plusieurs membres de la direction. Cet outil est le moyen de réagir « à chaud » à la crise, avant que celle-ci ne s’aggrave et que l’image de l’opérateur ne soit trop dégradée. Concrètement, il s’agit de mettre en place un partenariat avec des sites internet ciblés (dont la légitimité permet à France Télécom de se positionner de manière crédible en termes d’image), et qui touchent la cible que nous avons définie. Ces sites doivent être des sites consultés par des internautes férus d’actualité, intéressés par la politique et les questions de société pour pouvoir construire un dialogue avec eux. Nous pensons par exemple { lefigaro.fr, lemonde.fr, latribune.com… Ces sites de médias sont le moyen de garantir une notoriété importante { l’opération et de créer un bruit de fond positif. Suite { ce partenariat établi, des créneaux seront choisis pour lancer les discussions avec les internautes, et les membres de la direction concernés seront mobilisés.

Grâce à cette action à destination des internautes représentatifs du grand public, France Télécom témoigne de sa volonté de transparence, et de sa volonté de s’expliquer, de se justifier et de prendre sa responsabilité dans la crise. En effet, les internautes posant directement leurs questions obtiendront des réponses personnalisées et pourront aborder des thèmes qui ne l’ont pas été dans les médias. D’autre part, cette opération de communication d’influence est le moyen pour l’entreprise de véhiculer des messages directement, qui répondent parfaitement aux attentes des intéressés. Ce dialogue vise { instaurer une relation de confiance entre l’entreprise et les salariés. Grâce à un échange direct, sans intermédiaire, France Télécom divulgue des valeurs de proximité et de responsabilité sociale. La mise en place de ces chats avec les internautes est également le moyen de recueillir l’opinion des participants. En effet, grâce aux questions posées, aux inquiétudes manifestées, l’entreprise peut avoir un aperçu des préoccupations de l’opinion et donc de son image réelle { l’externe. C’est { partir de cette analyse que l’entreprise va pouvoir ajuster son discours et ses messages par la voix de ses dirigeants.

Un blog de dirigeant :

Pour favoriser cette dimension de proximité induite de l’organisation des chats, nous préconisons la création d’un blog de dirigeant, { l’effigie de Didier Lombard (au moment du début de la crise, c’est encore lui qui gère l’entreprise). Nous imaginons d’ailleurs que ce blog est un outil qui pourra faciliter la communication lorsque Stéphane Richard deviendra le numéro un. Le blog de dirigeant est comme nous l’avons vu un outil interactif qui permet { l’entreprise (par le biais de son président et/ou directeur) de communiquer sur ses engagements et ce, particulièrement en temps de crise. Comme pour les chats, l’internaute a la possibilité de poster ses questions et remarques concernant la crise. Ceux-ci seront publiés sur le blog (sous réserve qu’ils respectent les critères déontologiques établis) et pourront être vus par le plus grand nombre. Ainsi, l’internaute est valorisé pour deux raisons : il aura la sensation d’entrer en relation privilégiée avec le dirigeant, et il aura le sentiment de contribuer au débat en étant un véritable acteur dévoilé { l’ensemble des visiteurs du site. De fait, cet outil devient un relai de l’image de l’entreprise, en lui conférant des valeurs de proximité et de transparence.

Concrètement, le blog de dirigeant doit porter un nom évocateur, mais qui ne soit pas lié directement à la crise. Il doit mettre en valeur le dirigeant, mais ne doit pas non plus porter son nom, car nous savons que la direction est sur le point de changer (au début de la crise). Pour cela, nous proposons le nom suivant : www.francetelecom-actualites.com. Ainsi, en termes de référencement, c’est également le moyen de « noyer » les articles défavorables à France Télécom. En effet, lorsque l’internaute cherchera l’actualité liée { France Télécom, le blog, et certaines pages du blog s’afficheront dans les premiers résultats des moteurs de recherche. D’autre part, l’animation du blog sera confiée { deux community managers qui auront en charge

Page 70: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 70

la rédaction des billets (signés au nom du dirigeant, ou bien au nom de tout membre de la direction concerné par le thème de l’article) et l’animation des commentaires (modération et réponses aux questions). L’objectif est de parvenir { mettre en place un flux d’informations qui soient une réponse { l’évolution du contexte de la crise. Chaque reproche manifesté par l’opinion, chaque accusation portée dans les médias doivent être pris en compte. Par exemple si les médias reprochent à France Télécom de ne pas faire de communication interne, un billet doit être écrit sur ce thème démontrant les actions de France Télécom en la matière. Signés au nom des dirigeants, les articles seront véritablement crédibilisés et donneront la sensation aux internautes que le dirigeant s’exprime directement et donne de l’importance aux revendications. Ainsi les billets doivent être rédigés à la première personne du singulier pour faire parler le dirigeant, lui insuffler une bonne image et renforcer le lien et le dialogue entre la direction et l’opinion publique.

Une veille d’opinion pour mesurer l’évolution de l’image et anticiper les risques

L’ensemble des actions mises en place sur internet { destination de l’opinion publique doit être mesuré pour analyser l’évolution de la réputation de l’entreprise sur Internet. Ainsi, une veille d’opinion doit être mise en place. Grâce { la définition d’un champ sémantique (« France Télécom suicide », « orange », « France Télécom actualité », « crise sociale orange », « Didier Lombard »…), les chargés de veille recevront des flux de contenu permettant d’en suivre le ton, cela, grâce aux logiciels que nous avons vus dans la première partie. L’analyse des contenus (articles, billets de blogs, commentaires, statut Twitter) permet d’avoir une vision de l’évolution de la perception de la marque par l’opinion. Selon les principales failles en termes d’image et de réputation qui ressortent de cette analyse, il va être possible d’ajuster les messages propres { la communication de crise et le positionnement de France Télécom et de son équipe dirigeante. Cette veille d’opinion est aussi le moyen d’évaluer l’efficacité des outils d’influence en ligne.

Conclusion

L’analyse du cas France Télécom et nos préconisations permettent de constater deux éléments en termes de gestion de crise d’image :

- La nécessité d’être réactif pour éviter que les médias ne se fassent l’écho de la crise et que l’entreprise par son absence de communication immédiate soit mise en porte { faux.

- La nécessité de prendre en compte le risque d’opinion dans un contexte sensible pour proposer un discours et un positionnement pertinent de l’entreprise pour « sauver » sa réputation d’abord sur internet, puis plus largement.

Ces deux postulats de gestion et d’anticipation de la crise n’ont pas été intégrés dans la stratégie de France Télécom. C’est pour cela que la crise a autant fait la une de l’actualité, et que la perception de l’opinion n’a cessé de se dégrader. D’autre part, les maladresses de la direction, que ce soit dans les prises de parole ou dans le remaniement structurel, n’ont pas permis de soigner la réputation de la marque ; au contraire, elles ont contribué à sa dégradation. Pour preuve, la nomination à la fin du mois de février dernier de Christine Albanel (ancienne Ministre de la Culture et de la Communication) à la tête de la direction du groupe s’est faite en toute discrétion, comme si la marque n’avait pas souhaité communiquer sur cet élément. Or ce manque manifeste de transparence contribue à lui porter préjudice.

Au vu de nos préconisations et de notre analyse, il semble que ce qui ait le plus manqué à France Télécom en termes de gestion de crise soit la valorisation des actions entreprises et la valorisation du dirigeant dans son rôle de responsable. Il aurait été nécessaire d’instaurer une relation de confiance avec les publics, de témoigner de transparence et de proximité, et surtout

Page 71: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 71

de reconnaître les erreurs qui avaient pu être commises avant la crise. C’est en mettant en valeur le principe d’humilité que la marque aurait pu préserver son image et sa réputation. Rappelons à ce titre que l’humilité est un des dix principes de Jean Pierre Beaudoin que le dirigeant doit respecter pour prendre en compte l’opinion. Dans nos préconisations, c’est ce que nous avons tenu à appliquer, pour favoriser une relation, la meilleure possible, entre l’entreprise (et notamment la direction) et ses différents publics.

Page 72: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 72

c. Schéma de la prise en compte du risque d’opinion

Le schéma ci-dessus résume ce que nous avons pu aborder lors de nos préconisations : c’est à dire tout le processus de veille d’opinion nécessaire { mettre en place au sein de l’entreprise, pour prévenir le risque d’opinion et agir au plus tôt en cas de cybercrise.

Avoir en tête les mécanismes de l’opinion (c’est { dire l’évolution de son jugement et de sa perception vis { vis de l’entreprise) permet de composer avec ces variables, et de construire un discours et une image de marque cohérente, pertinente, qui répondent parfaitement aux valeurs de l’opinion.

Tracking sur le web et veille d’opinion

Cartographie des cibles et des risques

Mise en place stratégie d’influence online

Identification des parties prenantes et perception de l’opinion

Alerte client

1

2

3

Risque d’opinion d’opiinino

Crise d’image liée à l’opinion

Gestion de la cybercrise

Page 73: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 73

CONCLUSION

L’opinion publique : la société du jugement

Aujourd’hui, et de plus en plus, l’entreprise est au cœur des préoccupations et constitue la base des débats de société. Crise économique, chômage, pouvoir d’achat, investissements, délocalisations, sont autant de termes qui raisonnent de manière récurrente dans l’actualité. L’opinion publique est la matière première de ces débats de société. C’est elle qui par ses jugements va dicter ce qui est bon et/ou mauvais dans le comportement des entreprises. Ce sont les valeurs, l’éthique et plus largement la culture et les normes sociétales qui créent les référentiels de l’opinion publique. Des référentiels utilisés pour construire des perceptions et des jugements. De fait, l’opinion publique n’est plus seulement une cible réceptive des entreprises. Comme nous l’avons vu, le citoyen est aujourd’hui actif, il se renseigne, va sur internet, partage ses positions, cherche à aller plus loin que les simples discours qui sont relayés dans les médias. Les composantes de l’opinion (c’est { dire les individus) interagissent pour sans cesse actualiser leurs points de vue et définir la norme, construire la société du jugement.

Aujourd’hui, l’entreprise n’a plus le choix. Chacune de ses actions et chacun de ses choix stratégiques seront jugés, passés au crible de l’opinion. L’entreprise doit composer avec cette nouvelle variable, pour se développer, et parfois même revoir ses projets. L’actualité nous démontre bien { quel point les dirigeants ne sont plus les seuls maîtres de l’entreprise. Total par exemple prévoyait dans sa stratégie de fermer la raffinerie qu’elle exploite { Dunkerque, et { terme plusieurs autres en France, pour manque de rentabilité. Le mouvement social qui a suivi cette annonce a été très important. L’ensemble des salariés des raffineries menaçait de conduire à la pénurie d’essence dans le pays, si bien que l’Etat a du intervenir pour conseiller vivement { Total de revoir ses orientations. Christophe de Margerie, le PDG a donc pris en compte ces mouvements pour adapter sa stratégie et promettre lorsque la raffinerie de Dunkerque fermera de reclasser tous les employés en exploitant de nouveau le site. Preuve que l’opinion a permis d’orienter les choix de la gouvernance.

De la communication d’entreprise à la communication de relation

Stéphane Billiet dans son ouvrage sur les Relations Publiques1 explique que pour réconcilier la marque avec ses publics, l’entreprise doit pouvoir gérer au mieux ses relations avec le public et ne surtout pas les sous-estimer. C’est ce que nous avons pu constater au travers de notre démonstration et de nos préconisations. Pour prendre en compte le risque d’opinion, faire face aux mouvements de l’opinion, l’entreprise doit pouvoir mettre en place un dialogue transversal avec ses publics. Cela est valable non seulement pour le grand public, mais aussi pour les relais d’opinion qui sont les acteurs qui forgent véritablement la perception de l’opinion publique sur un sujet. Mettre en place cette relation, c’est avant tout écouter les publics comme nous l’avons vu et leur répondre de manière personnalisée en fonction de leurs préoccupations. C’est pouvoir construire avec eux, les inclure dans un processus d’élaboration pour faire de la stratégie d’entreprise une préoccupation globale, { l’égard de laquelle le grand public et les leaders d’opinion deviennent de véritables parties prenantes. C’est en faisant cet effort l{ que l’entreprise va pouvoir gagner la confiance de ses publics et trouver une légitimité dans la société. La veille d’opinion et les stratégies d’influence sur Internet incarnent parfaitement cette nouvelle manière de faire de la communication.

La communication de relation constitue une tendance majeure dans le domaine de la communication. Compte tenu de l’actualité sociale, de l’activisme croissant des citoyens et des

1 Stéphane BILLIET – Les Relations Publiques, Dunod 2009

Page 74: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 74

nouvelles préoccupations de l’opinion publique, l’entreprise se doit d’aller dans ce sens. C’est comme cela qu’elle pourra bâtir son image comme nous avons pu le démontrer { travers la mise en perspective des différentes formes de stratégies d’influence. Par exemple, en février 2010, Ikea fait face { un conflit social et { des grèves dans des magasins d’Ile de France. Pour éviter que cela nuise { son image et { sa réputation, l’entreprise a mis en place une stratégie de référencement (achat de mots clés) pour maîtriser les contenus dans les moteurs de recherche, de façon { orienter l’internaute vers une plateforme dédiée et ouvrir le dialogue avec l’opinion. Le risque d’opinion constitue donc un risque majeur qu’il convient de prendre en compte dans la communication de l’entreprise.

La nouvelle ère du web 3.0

Créer cette dynamique de relations entre l’entreprise et ses publics, en prenant en compte le risque d’opinion, grâce { la veille de l’évolution des perceptions se justifie non seulement par l’évolution de la société mais également par l’évolution des technologies. Nous avons constaté au fil de nos différentes parties que l’internaute s’exprimait de plus en plus, et construisait son jugement en se fiant { de nouveaux leaders d’opinion (blogueurs, internautes influents). L’essor de l’internet sur le mobile ne va faire qu’accroître cette tendance. Le nombre d’individus connectés en permanence au web va se développer considérablement. Désormais à tout moment et en toute situation l’individu pourra demander des renseignements sur Internet, consulter des témoignages d’individus qui ont vécu la même chose. La circulation de l’information va donc d’autant plus s’accélérer et l’évolution des perceptions sera encore plus variable.

Pour l’entreprise, la veille d’opinion va donc prendre de nouvelles formes. La production de contenus sur Internet va devenir plus riche mais { la fois plus disparate. C’est { dire que de plus en plus d’internautes vont s’exprimer, partager leur jugement sur des faits, commenter en temps réel des évènements d’actualité. Alors que toutes les entreprises n’ont pas encore conscience de la nécessité de prendre en compte le risque d’opinion, celui-ci va devenir de plus en plus omniprésent. Les leaders d’opinion qui étaient déj{ difficilement identifiables aujourd’hui vont se multiplier. Demain, avec le web 3.0, ce ne sera plus seulement les blogueurs et les internautes reconnus qui seront légitimes dans la publication de contenus, et dans l’émission de jugements. Avec l’essor de la géo localisation (système par lequel il sera possible d’identifier la position géographique des internautes grâce { des réseaux spécifiques), le nouveau leader d’opinion sera celui qui sera le plus proche géographiquement d’une zone concernée par un débat sur internet. Sa légitimité sera faîte de sa proximité avec l’élément de discussion concerné. Ainsi, l’entreprise devra surveiller sans cesse les nouveaux canaux d’expression, et surtout évaluer quels seront les relais d’opinion en fonction du contexte de son actualité.

Les conditions de réussite pour construire la réputation d’une entreprise passent donc par l’écoute et par la prise en compte des jugements de l’opinion. Si l’entreprise doit pouvoir s’adapter et mesurer les évolutions qui structurent l’opinion et ses mécanismes, il existe des principes qui restent immuables. Cette démarche de dialogue avec les publics permet de faire exister l’entreprise au sein du corps social. Plus qu’un acteur économique, l’entreprise est aujourd’hui un acteur social. La communication doit donc prendre en compte cette dimension pour véhiculer les bons messages et faire passer une image et des valeurs représentatives de l’entreprise. Fondamentalement, l’entreprise doit pouvoir écouter et dialoguer avec l’opinion pour pouvoir exister.

Page 75: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 75

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

BECK, Ulrich. La société du risque, Paris, Flammarion, 2001, 521p BEAUDOIN, Jean Pierre. Le dirigeant à l’épreuve de l’opinion, Paris, Pearson, 2008, 185p BILLIET, Stéphane. Les Relations Publiques, Paris, Dunod, 2009, 240p HEIDERICH, Didier. Rumeur sur internet, 2004, Paris, Village Mondial, 175p LIBAERT, Thierry. Communiquer dans un monde incertain, Paris, Pearson, 2009, 230p LIBAERT, Thierry et WESTPHALEN Marie-Hélène. Le communicator, toute la communication d’entreprise, 2009, Paris, Dunod, 493p

Revues et journaux

Stratégies n°1561 HEIDERICH, Didier. « Influence sur internet », Magazine de la communication sensible, 2009. CASTELLS, Manuel « Emergence des médias de masse individuels », Le Monde Diplomatique, Août 2009 RICHEBOIS, Véronique – Quand France Télécom s’efforce de renouer le fil – Les Echos – Octobre 2009 LAGADEC, Patrick – La rupture créatrice – Education & Management – Juillet 2002

Sites web

ALLOING ,Camille http://caddereputation.over-blog.com (en ligne) GUILLOT, François et BRUANT, Emmanuel http://internetetopinion.wordpress.com/ (en ligne) JDEY, Aref http://www.demainlaveille.fr/ (en ligne) MAGLOIRE, Laurent http://www.opinion-watch.com (en ligne) FILLIAS, Edouard et VILLENEUVE Alexandre http://www.e-reputation.org (en ligne) FIEVEE BALAT Sophie « Internet, nouveau terrain de jeu de la communication d’influence », Le Journal du Net, 15/07/04 http://www.journaldunet.com/0407/040715marquesconseils.shtml (en ligne) CHATEAURAYNAUD, François « Ce que fait la veille d’opinion aux lanceurs d’alertes » http://indiscipline.fr/fr/ce-que-fait-la-veille-d%E2%80%99opinion-aux-lanceurs-d%E2%80%99alerte/ (en ligne) JOURDAIN, Marie « Google suggest, le début d’une nouvelle ère judiciaire Google ? » 20/07/09 http://indiscipline.fr/fr/ce-que-fait-la-veille-d%E2%80%99opinion-aux-lanceurs-d%E2%80%99alerte/ (en ligne) Téa DE PESLOUAN – France Télécom, « des salariés qui se sont sentis abandonnés » - www.delitsdopinion.com – Octobre 2009 (en ligne)

Page 76: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 76

ANNEXES

Interview de Dimitri Granger, Publicis Consultants Net Intelligenz………………………………………..77

Interview d’Aurélien Miklas, Tendances Institut…………………………………………………………………..80

Interview de Ludovic Bajard, Human To Human…………………………………………………………………..83

Annexe 1: Article de Michel Edouard Leclerc sur l’affaire des steaks contaminées (2005)………86

Annexe 2 : Typologie des réseaux sociaux publiée par Patrice ALBERTUS…..…………………………87

Annexe 2 : Typologie du marché de l’e-réputation par Aref JDAY…………………………………………..88

Annexe 3 : Plate-forme collaborative de la SNCF…………………………………………………………………..89

Annexe 4 : Mapping des nouveaux influenceurs selon Threeminds Organic…………………………...90

Page 77: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 77

Interview de Dimitri Granger (Publicis Net Intelligenz) le 2/10/09

Publicis Net Intelligenz met en place des stratégies digitales pour les entreprises par le biais de la veille d’opinion et de l’animation des conversations corporate. Leur principaux clients sont SFR, Crédit Agricole, la CAF ou encore Orange. Dimitri Granger est directeur conseil au sein de l’agence. Il dirige le département veille PR online. Il a d’abord fait ses armes chez Euro RSG C&O et à la SNCF en tant que chargé de veille.

Quand est apparue la veille d’opinion sur internet ? A t-elle été accompagnée de l’avènement du web 2.0 ?

La veille d’opinion n’est pas spécifiquement née avec le web 2.0. Elle existait avant. Je dirais dès 1998, date de la mise en place des premiers forums sur internet. Ces forums occupent toujours une place prépondérante aujourd’hui dans l’analyse de l’opinion sur internet. C’est en effet sur ces forums qu’ont lieu encore aujourd’hui la majeure partie des conversations sur internet. Ils sont le témoin des préoccupations majoritaires de l’opinion sur tous les domaines (qu’ils concernent la santé, la consommation ou encore l’argent par exemple). Ainsi tous les secteurs d’entreprise sont concernés par la veille d’opinion { un moment donné.

Quels outils utilisez-vous pour pratiquer la veille online ?

Nous utilisons beaucoup d’outils, qui sont fabriqués par des acteurs technologiques. Ceux-ci disposent de logiciels très complets d’analyse et de veille. Nous passons notamment par exemple Digimind, Dataobs, ou encore Trendybuzz… Tous nous permettent de recueillir de l’information et de la traiter grâce à une analyse partielle. Néanmoins pour valider efficacement cette veille, le cerveau humain est fondamental. C’est { dire qu’une personne chargée de la veille recueillera l’ensemble des informations relevées pour mener une analyse plus poussée en fonction du client. L’enjeu pour l’entreprise est de mieux connaître son environnement et ses territoires, en cernant la dynamique de l’opinion.

Avez-vous des critères précis qui déterminent si il y a un risque d’opinion { un instant t ?

Le premier facteur évident est le contexte de l’entreprise. Si l’entreprise est en difficulté économique, ou connaît des problèmes managériaux par exemple, elle est d’emblée plus exposée au risque d’opinion. Le second facteur concerne les sources de l’information diffusée et la véracité des faits. Si la source est fiable est que l’information est vérifiée, l{ encore le risque était important puisque celui qui lira l’information la trouvera d’autant plus crédible. Le troisième critère de risque concerne le contenu de l’information en lui-même et la largeur de sa diffusion. On sait par exemple qu’une vidéo a beaucoup plus d’effet qu’un texte. De même qu’une photo frappe plus un spectateur qu’une phrase. Donc selon le mode de diffusion de l’information, l’entreprise est une fois de plus exposée plus ou moins dangereusement.

Comment procédez-vous dans un second temps ? Vous mettez en place une stratégie d’influence pour pallier le risque ?

Tout d’abord nous alertons le client quand nous jugeons que c’est nécessaire, et c’est après que nous préconisons d’éventuelles actions relationnelles online.

Page 78: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 78

Vous ne prévenez pas le client systématiquement quand il y a un risque ?

Vous savez, certaines entreprises sont exposées au risque tous les jours et à tout moment. Prenez EDF ou Total par exemple, si nous alertions ce type d’entreprise, { chaque fois qu’il y a un risque d’opinion nous n’en finirions jamais. Ces risques sont secondaires pour des entreprises de leur rang (sauf si ils prennent trop d’importance bien entendu). Tant que leur cours en bourse n’est pas affecté, il n’est pas nécessaire de mener des stratégies conversationnelles pour réagir { un possible risque d’opinion. Ces entreprises mènent une relation { long terme avec leurs cibles et leurs prospects. Plus globalement, c’est ce que nous conseillons { la majeure partie de nos clients. Il ne s’agit pas de faire du one shot, pour réagir à un risque à un moment donné. Le but est d’installer une relation { long terme avec l’internaute, basée sur la réciprocité. C’est comme cela que l’entreprise aiguise et entretient son image. Certaines grandes entreprises l’ont bien compris et mènent ce type de relations continue depuis un certain temps maintenant. Ford, Starbucks, ou Dell par exemple dialoguent en continu avec leurs cibles, et cela leur permet de s’adapter constamment grâce { la prise en compte de l’opinion.

En dehors de ca, comment menez vous des stratégies one shot pour réagir à un risque d’opinion, comment mettez-vous cela en place ?

Il n’y a pas de méthodologie type. Cela dépend de la portée du risque et de l’entreprise. Je me souviens par exemple du syndicat du tourisme danois qui avait orchestrée une campagne virale, dont l’humour avait été un peu critiqué. Ils ont alors modifié le sujet de leur vidéo en gardant le ton de l’humour. Le buzz négatif n’avait pas eu le temps de trop se propager tant leur réaction avait été immédiate et pertinente. Il est donc possible de modifier quelque peu ses messages dans le cadre d’une campagne en prenant en compte l’opinion.

Parallèlement, dans le cas d’un risque d’opinion, il est souvent pertinent d’interagir dans les fils de commentaires sur les blogs ou dans les forums pour donner une autre vision, une vision plus positive valorisante pour l’entreprise. Quand nous avons travaillé pour le Forum des Halles de Paris, c’est ce que nous avons mis en place. Ils avaient une très mauvaise image offline et online dû fait des nombreux pickpocket notamment. Nous leur avons donné une image plus positive via les blogs en particulier. Il est également possible de répondre au risque d’opinion par la presse lorsqu’on veut que la réponse ait une portée importante.

Comment voyez-vous l’évolution de la veille d’opinion et des réseaux sociaux ? Par exemple certains parlent de la mort prochaine de Twitter, d’autres croient au contraire en son avènement. Que pensez vous des tendances web à venir ?

Je ne crois pas que Twitter va disparaître si facilement. Si Twitter est né, c’est pour une bonne raison. Vous savez, ce qui se passe sur internet est le miroir des évolutions de société. Ainsi, nous voyons bien que la tendance sociale actuelle est { l’immédiateté de l’information. C’est pour cette

raison que Twitter est né. Les réseaux sociaux suivent les tendances de fond. Je crois qu’ils ont tous de l’avenir (du moins pour les plus connus). Par exemple, Facebook est en train de devenir un géant du web en soi, puisque l’on peut presque tout faire dessus (dialoguer, publier des photos, envoyer des messages, jouer…).

En ce qui concerne la veille d’opinion, celle-ci est

Nous conseillons une relation continue avec l’internaute, pas de la stratégie « one shot »

L’effet du temps réel casse le mode opératoire du discours des entreprises

Page 79: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 79

liée { l’évolution des moteurs de recherche. Ils se dirigent aujourd’hui vers le web sémantique et l’analyse sentimentale, ce qui peut se répercuter dans la veille d’opinion. Et c’est ce que l’on commence à observer aux Etats-Unis. Simplement, je voudrais dire que même si l’on a trop tendance à penser que la France est en retard en la matière vis à vis des Etats-Unis. Il y a aussi une différence culturelle importante qui nous oblige à ne pas trop comparer les tendances entre les pays. En tout cas, ce qui est sûr c’est que les internautes sont toujours plus nombreux et deviennent de plus en plus des producteurs de contenu. D’autre part, l’effet du temps réel dans la diffusion de l’information casse le mode opératoire du discours des entreprises. C’est aussi une tendance { prendre en compte. L’entreprise doit pouvoir réagir rapidement dans l’interface de sa relation avec les internautes.

N’y a t-il pas un danger pour les marques, du fait de la multiplication des producteurs de contenu, et de la prolifération parfois de fausses informations qui peuvent nuire à l’entreprise ?

Pas vraiment. On parle de risque d’opinion quand il y a une rupture dans le circuit habituel de l’information. C’est { dire lorsqu’une communauté extérieure { un sujet s’empare justement de ce sujet. C’est ca qui peut constituer une alerte pour l’entreprise. Cela est d’autant plus dangereux lorsque des journalistes reprennent ces sujets. L’information atteint alors des sphères qui dépassent largement la zone des premiers concernés par le sujet. C’est ce que l’on a pu observer avec Hadopi par exemple. De nombreuses communautés se sont emparées su sujet pour donner leur opinion sur la question.

D’ailleurs pour revenir plus précisément { votre question, lorsqu’un internaute, producteur de contenu, diffuse une information fausse sur une marque ou un produit, un autre internaute aura très rapidement démenti. C’est le principe de l’intelligence collective qui peut casser la rumeur lorsque celle ci manque réellement de fondement. Donc les rumeurs abracadabrantesques sur les marques ne constituent pas de réel danger.

Page 80: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 80

Interview d’Aurélien Miklas (Tendances Institut) le 1/10/09

Tedances Institut analyse l’évolution des opinions et des valeurs des différents publics. Elle aide ensuite ses clients à optimiser leur stratégie de communication. Leur clientèle se situe principalement dans les domaines de l’énergie, de l’environnement et de la grande consommation. Aurelien Miklas est consultant au sein de l’agence, après avoir travaillé comme planneur stratégique chez DDB Paris.

Présentez moi le cœur d’activité de Tendances Institut.

Tendances Institut est une agence qui pratique la veille comportementale, la veille sociétale et la veille d’opinion. En fait nous veillons tout ce qui concerne l’environnement de l’entreprise. Nous sommes spécialisés dans les secteurs de l’énergie, de l’environnement et de la grande consommation.

Quand est apparue la veille d’opinion selon vous ?

La veille existe depuis très longtemps. Mais on est passé d’une veille d’information corporation (intelligence économique) { une veille d’opinion publique dès 2005. Cela s’est fait grâce { la démocratisation du haut débit qui a rendu l’internet accessible { tous. Depuis un an, la majeure partie des organisations passent par ces procédés de veille d’opinion.

Quelles sont vos méthodes pour pratiquer la veille d’opinion ?

Nous mettons en place une recherche sémantique, par mots clés liés au client. Ensuite grâce à des logiciels, nous aspirons des flux RSS (issus de blogs notamment). Cela nous permet à terme de créer une cartographie de l’opinion. Celle-ci trace l’évolution de l’opinion et permet d’identifier clairement les sources.

Toutes les entreprises se sentent-elles concernées par le risque d’opinion sur internet ?

Je dirais de plus en plus. Pour prendre un exemple Nespresso a fait appel à nous début 2008. Ils étudiaient déj{ l’opinion par le biais de focus groupes mais n’avaient pas encore menés de veille d’opinion comme nous la pratiquons. Grâce { un audit que nous avons élaboré, il s’est avéré que Nespresso avait une mauvaise image en ce qui concerne l’environnement. Il y avait donc bien un

risque d’opinion { ce moment l{. Simplement, celui-ci n’était jamais ressorti de leurs études, puisqu’ils ne s’étaient pas posé les bonnes questions.

Je dirais donc que l’entreprise prend de plus en plus conscience qu’il est nécessaire d’étudier l’opinion de manière non biaisée, c’est { dire sans mettre en place des questionnaires quali et quanti pré définis. Ainsi, certains

éléments peuvent ressortir de l’opinion, sans que l’on ai forcément pensé { poser une question liée à ces éléments au préalable.

Et justement, quand vous relevez un risque d’opinion pour vos clients, que se passe t-il ensuite ? Est-ce que vous mettez en place une stratégie d’influence sur internet ?

Non, nous sommes uniquement une agence de veille. Nous ne nous occupons pas de la mise en place d’outils online pour gérer un risque d’opinion. Nous élaborons uniquement des préconisations. En premier lieu, lorsque nous détectons un risque d’opinion, nous alertons le client. On lui dit qui parle, à quel endroit, de quoi il parle, et quelles sont les cibles potentiellement touchées par ce message. Tout cela est matérialisé par une cartographie de

Il est nécessaire d’étudier

l’opinion de manière non

biaisée

Page 81: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 81

l’environnement de la société cliente que nous réalisons. Grâce à cette cartographie nous pouvons préconiser des outils pour communiquer et des endroits pour le faire.

Quels genre d’outils ou d’actions préconisez-vous majoritairement ?

Il n’y a pas vraiment de stratégie type. En revanche, il est des réflexes que nous conseillons souvent. Par exemple, dans le cas d’une opinion négative vis { vis de l’entreprise suite { la diffusion d’un message, il est possible de contrer cette opinion en publiant des annonces web sur des plateformes stratégiques (LePost, Agoravox, Mediapart, Rue 89…). Ces sites sont lus par de nombreux relais d’opinion et l’information peut se diffuser rapidement et redonner une image positive de l’entreprise. Car les leaders d’opinion relaient l’information très rapidement (par le biais de leur blog notamment).

Toujours dans le cas d’une opinion négative, nous pouvons agir directement sur l’image de l’entreprise. Pour une société critiquée vis { vis de l’environnement, il est possible de monter une plateforme participative sur laquelle l’entreprise invite les internautes { débattre sur l’environnement en publiant ses idées, et en posant ses questions { l’entreprise. Cette action peut se montant en partenariat avec une ONG (c’est le cobranding) pour légitimer le procédé et donner une image et une crédibilité plus favorable { l’entreprise. Il s’agit en fait pour l’entreprise de s’approprier le discours en encourageant le débat.

Avez-vous un exemple d’entreprise qui a réussi { s’approprier le discours pour gérer directement son image grâce { la surveillance de l’opinion et des dialogues ?

Oui, Ford par exemple l’a très bien fait il y a trois ans. La marque a eu quelques difficultés dans la production. Plutôt que de les cacher au grand public, ou de diffuser des messages rassurants mais pas vraiment sincère comme cela se fait parfois, ils ont choisi de créer un blog d’entreprise. Sur ce blog, ils ont misé sur la transparence { 100%. Ils ont pris l’opinion { parti en avouant leurs difficultés en jouant la carte de la sincérité. Cela a très bien marché.

Par contre, je pense { une marque pour qui le risque d’opinion s’est avéré très dangereux. Les 3 Suisses ont fait un moment donné une erreur sur leur site pour le prix de téléviseurs. Ils ont du rectifier le tir en expliquant { ceux qui les avaient commandés que le prix n’était pas le bon. Mais

c’était trop tard, car ces clients avaient déj{ qualifié l’erreur des trois Suisses « d’inadmissible incompétence ». Si bien que lorsque l’on tape aujourd’hui 3 Suisses dans Google les articles liés à cette erreur arrivent dès la neuvième position. Les 3 Suisses ont préféré laisser passer cet antibuzz et appelé directement les clients concernés pour leur expliquer clairement l’erreur. Cet exemple illustre bien le problème de sédimentation de l’information sur le web. Tout reste

écrit et il faut donc faire très attention { ce qui est dit et ce que l’on peut répondre.

Avec cette omniprésence du web de plus en plus importante, comment voyez-vous l’évolution de la veille d’opinion online dans un futur proche ?

On parle de plus en plus de veille sémantique pour faire référence { la veille d’opinion. C’est { dire qu’on ne vas plus chercher par mots clés, mais par thématiques. Les moteurs de recherche sont de plus en plus prédictifs. Bientôt les internautes pourront taper une question directement dans leur moteur et trouver la réponse de suite précisément. La capacité d’analyse des moteurs est de plus en plus affinée. Google fait déj{ de l’indexation de contenu par exemple. C’est { dire que pour une vidéo par exemple, il est possible de faire remonter le thème auquel elle est liée.

La sédimentation de

l’information sur le web

oblige à faire attention à ce

que l’on dit.

Page 82: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 82

Jusqu’{ présent, on effectuait un veillage manuel du contenu. Il fallait regarder les vidéos pour comprendre de quoi elles parlent. A partir de maintenant, le traçage de tous les types de contenus va se systématiser. Les moteurs vont se doter de la capacité de reconnaissance vocale, et l’on va pouvoir intégrer la veille de tous les contenus pour des audits clients. La veille d’opinion va donc voir son champ de recherche élargi, ouvert { la vidéo, au son…

Quel est aujourd’hui l’ordre de grandeur pour un budget de veille d’opinion en ligne ?

Une cartographie environnementale coûte { l’entreprise environ 15 000€. Cela dit, c’est moins cher qu’un focus groupe. Mais ce chiffre dépend de la largeur de l’environnement de l’entreprise et du champ de la veille. Pour une veille en continu selon la taille et les domaines d’intervention de l’entreprise, cela peut lui coûter entre 5000€ et 50 000€ par mois.

Page 83: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 83

Interview de Ludovic Bajard (Human to Human) le 1/10/09 :

Human To Human est une agence qui pratique la veille d’opinion en ligne et met en œuvre des stratégies conversationnelles depuis 2003. Ses principaux clients sont AXA Groupe, La Poste, la RATP, TF1, Carrefour, ou encore le Ministère du Budget. Ludovic Bajard est le directeur associé de l’agence.

Bonjour, pouvez-vous me présenter le travail de l’agence ?

Human To Human est une agence de veille d’opinion. Elle est née en 2003, où il n’existait encore { l’époque que des agences issues de l’intelligence économique. Nous pratiquons donc une veille pour chacun de nos clients, puis nous mettons en place des stratégies d’influence sur internet quand nous décelons un risque d’opinion.

A quand remonte la pratique de la veille d’opinion, notamment sur internet?

La veille existe depuis toujours. L’entreprise a toujours eu un environnement composé de prospects et de partie prenantes (syndicats, investisseurs… les fameux stakeholders). Ces publics sont directement concernés par la stratégie de l’entreprise et font partie des garants de la bonne image de celle-ci. Hors, l’entreprise a toujours eu le souci de les prendre en compte, pour pallier le risque d’opinion, dans le cas d’une mésentente ou d’un problème avec les parties prenantes. D’autre part, même depuis le Moyen Age, les seigneurs envoyaient des individus écouter ce qui se disait dans les rassemblements publiques, ou encore dans les cérémonies religieuses pour prendre la température de l’opinion. La veille a donc toujours existé.

Le web n’a fait qu’accélérer et simplifier les choses. Car il permet d’identifier clairement l’environnement de l’entreprise et les communautés liées. Aujourd’hui, l’opinion est plus clairement identifiable car elle regroupe les internautes par affinité communautaire (loisirs, préoccupations).

Quelles sont alors les caractéristiques d’une veille d’opinion online ?

Chez Human to Human, nous partons du principe qu’il est important de ne pas définir des critères d’écoute pré établis. Il est préférable de recueillir l’opinion spontanée des internautes pour identifier tout ce qui pourrait nuire ou au contraire bénéficier { l’entreprise dans les sujets de discussion sur internet. Il s’agit d’une veille beaucoup plus qualitative qu’auparavant (où l’on préférait les études consommateurs et les focus groupes).

Concrètement, nous n’avons pas de grille pré établie dans l’audit, mais nous nous servons de moteurs scrawl dans lesquels nous entrons des mots clés liés au client. Ces moteurs nous font remonter l’information plus ou moins triée. C’est alors que commence le travail subtil de l’analyse de ces contenus.

Est ce que toutes les entreprises (ou du moins tous les secteurs de marché) ont perçu cette évolution de la veille de leur problématique de communication ?

Oui, elles ont toutes compris l’importance du web. Elles sont passées pour la plupart d’une vision où elles considéraient le web comme une menace, à une vision beaucoup plus pertinente ; celle où le web constitue un outil de communication et d’influence. Je pense par exemple { la SNCF qui jusqu’en 2006-2007 était beaucoup critiquée sur le web par des blogueurs racontant leurs déboires quotidiens lorsqu’ils prenaient le train. La SNCF a complètement changé son positionnement. Aujourd’hui, elle a construit une relation permanente avec les internautes par le

Page 84: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 84

biais de plateformes conversationnelles. Elle propose aux internautes de donner leur avis sur des nouveaux services, ou des nouveaux produits, et de communiquer leurs idées. Tout le principe de la co-création.

Il faut aussi avoir { l’esprit qu’il existe une évolution sociale des conversations sur internet. Au départ, il y a encore quelques années les forums étaient réservés à des sujets technologiques ou liés aux jeux vidéos. Seules des marques comme Playstation ou Sony par exemple étaient concernées par la surveillance de ces discussions. Aujourd’hui, il existe des sujets de discussion pour a peu prêt tout (santé, école, argent, nourriture, sport…). Toutes les marques sont donc aujourd’hui concernées par la veille d’opinion en ligne. Seuls quelques secteurs très spécifiques et complexes sont encore { l’écart des préoccupations et des discussions des internautes. Autrement dit, actuellement, toutes les entreprises doivent avoir { l’esprit que l’on parle d’elles sur le web d’une manière plus ou moins directe. Et toutes les entreprises en prennent peu { peu conscience. On le voit bien, tant notre clientèle est aujourd’hui diversifiée.

Je voulais revenir sur la menace éventuelle que pouvait constituer le web. Lors d’un processus de veille, à partir de quel moment peut-on considérer qu’il y a risque d’opinion ?

Encore une fois, il n’y a pas de méthode type. Néanmoins, chez Human To Human, nous avons mis en place trois critères qui nous permettent de justifier au client un potentiel risque d’opinion. Quand une information néfaste pour le client est publiée (sur un blog, un site, ou forum), nous regardons l’audience (nombre de lecteurs et de commentaires), l’exclusivité et la visibilité du sujet, et le ranking et les netlinking du site sur lequel est publié l’information. Avec ca, on établie un scoring, qui permet de donner un niveau d’alerte au client.

Néanmoins, il faut quand même un cerveau humain qui puisse dire un moment donnée si oui ou non on peut parler de risque d’opinion.

Alors justement, lorsque vous avertissez le client, que se passe t-il ensuite ? Vous proposez des moyens d’actions pour anticiper ce risque, voire le contrecarrer ?

Exactement, c’est { ce moment l{ que nous bâtissons une stratégie d’influence online, pour préserver le capital image de l’entreprise.

Quels sont les outils que vous utilisez ? Passez vous par le Community Management ou la création de blogs d’entreprise ?

Oui entre autre. Mais le champ des possibles en matière d’intervention stratégique est infini. On peut tout imaginer, en fonction de la stratégie et de la problématique du client liées à ce risque d’opinion.

En outre, le community management, est aujourd’hui une de nos pratiques importante. On peut le comparer aux RP traditionnelles sauf qu’il y a des différences majeures { prendre en compte : le journaliste est objectif, alors que le producteur de contenu (blogueur) est totalement subjectif. Le journaliste prend de la distance par rapport au sujet, alors que le blogueur s’y implique complètement. Le journaliste vérifie les sources, quand le blogueur lui ne les recoupe absolument pas. Enfin, dans les RP online, les échanges sont immédiats et spontanés. Il est donc nécessaire de s’adapter { ces critères pour agir intelligemment.

En revanche, il est des erreurs { ne pas commettre. L’achat de billets sur les blogs (publi rédactionnel) est souvent mal vu par les internautes. De même répondre anonymement sur les blogs ou forums est préjudiciable, et dangereux.

Page 85: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 85

Mis à part le community management, il est possible de rectifier directement des informations sur les sites du client, lorsqu’on a pu recueillir certaines carences mises en lumières par l’opinion. Il arrive même parfois que notre champ d’intervention dépasse le cadre du web (envoie de dépêches { l’AFP pour un démenti par exemple). Mais comme je te l’ai dit, il existe de multiples solutions d’interventions sur le web pour influencer l’opinion grâce au relai des parties prenantes.

Comment voyez-vous l’avenir de la stratégie d’influence sur internet (et de la veille de surcroit) { l’heure où les réseaux sociaux se multiplient et les internautes sont de plus en plus actifs et producteurs de contenus ?

Comme je l’ai brièvement évoqué, il faut agir avec les internautes, avec la cocréation, les impliquer dans les décisions et les projets de l’entreprise. Aujourd’hui on peut même dire que l’internaute est un « procumer », c’est { dire { la fois un consommateur et un producteur de contenu et d’idées. L’entreprise a donc tout intérêt { prendre en compte ce public averti.

D’autre part, la difficulté pour l’entreprise dans l’intervention online reste le problème de l’identité. C’est { dire la façon dont une marque doit se personnifier sur internet en fonction du message. Est-ce que c’est la marque qui doit parler ? Ou bien est-ce un expert de la marque qui doit signer de son nom le message pour la marque ? Ce sont toutes ces problématiques qui se dessinent aujourd’hui, { savoir l’identité de la marque sur internet. Dell l’a très bien fait par exemple sur Twitter avec Dell Outlate. Il s’agit d’un profil grâce auquel les followers suivent directement l’avis d’un expert qui signe en son nom les messages sur les produits Dell.

L’avenir c’est aussi toujours plus de transparence dans les entreprises et de dialogue avec les consommateurs et les prospects. Cependant, il existe encore des entreprises qui ont du mal à dialoguer et à passer dans une démarche de relation complète avec les internautes. Mais petit à petit, elles sont obligées de s’inscrire dans ce processus pour être au cœur de l’opinion.

Page 86: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 86

Annexe 1: Article de Michel Edouard Leclerc sur l’affaire des steaks contaminées (2005)

Page 87: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 87

Annexe 2 : Typologie des réseaux sociaux publiée par Patrice ALBERTUS, consultant en e-marketing sur : http://www.patricealbertus.net

Page 88: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 88

Annexe 3 : Typologie du marche de l’e-réputation publiée par Aref JDAY sur son blog : www.demainlaveille.fr

Page 89: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 89

Annexe 4 : plateforme collaborative de la SNCF debats.sncf.com

m

Page 90: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 90

Annexe 5 : Mapping des nouveaux influenceurs selon Threeminds Organic

Page 91: La prise en compte du risque d'opinion dans les strat-gies d-influence sur internet

E m m a n u e l V A I L L E

pte

Page 91