La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009

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LA PRESSE NOUVELLE Magazine Progressiste Juif N° 263 - Fév./Mars 2009 - 27 e ANNÉE MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d’antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l’Etat d’Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien. Le N° 5,50 V isiblement inquiet de la montée du méconten- tement suite aux manifestations du 29 janvier dans le pays et alors que les sondages sont en chute libre pour le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy a organisé en urgence un show télévisé le 5 février pour répondre aux inquiétudes de quelques 2 millions de manifestants et grévistes. Mais la réponse est loin des attentes des salariés et du désarroi des rmistes, des fins de droits, des retraités, des jeunes CDD, des chercheurs, des familles mono- parentales, des ouvriers de Renault ou de PSA en chô- mage partiel etc.… La suppression de la taxe professionnelle, seule annonce concrète, constitue un nouveau cadeau de 8 milliards d’euros au MEDEF, une mesure totalement démagogique qui ne fera que puiser dans les budgets des collectivités locales. Cette proposition, qui vise- rait à empêcher la délocalisation de l’industrie auto- mobile, avait été réclamée par le PDG de Renault. Pour le reste, rien pour le SMIC, rien pour mettre fin aux suppressions de poste dans le service public, rien pour les retraites, rien sur la santé, pas un seul mot sur la Guadeloupe. Si le chef de l’Etat reconnaît que la crise est d’ «une brutalité totale » et «la plus grave depuis un siècle», il ne remet pas en cause sa politique. Au contraire, il veut continuer à réformer le pays, sans toutefois relancer la consommation, sans mettre comme son homologue américain Barack Obama un frein aux salaires des plus nantis en limitant à 500.000 dollars les rémunérations des dirigeants des entreprises recevant des fonds publics. Il faut dire à la décharge de Nicolas Sarkozy qu’à la veille de son intervention télévisée, la « patronne des patrons » Laurence Parisot avait clairement dit son rejet de cette mesure. Devant un quarteron de journalistes peu empressés à le relancer, le locataire de l’Elysée s’est borné, pour tenter d’éteindre l’incendie social, à appeler les syn- dicats à se réunir le 18 février en lançant une multitu- de de propositions (sur les jeunes et le chômage, sur les CDD en fin de droits, la suppression de la premiè- re tranche d’imposition, l’augmentation des alloca- tions familiales pour les classes moyennes, etc.). Quant au « sentiment d’injustice » que les Français éprouvent face aux profits et dividendes des actionnaires, Nicolas Sarkozy a décidé de ne rien décider en prônant un vague partage du pro- fit dans l’entreprise sans aucune mesure concrè- te…. Demain on rase gratis ! En revanche, il a manié la langue de bois sur l’affaire du préfet de Saint-Lô limogé pour crime de lèse- majesté après une manifestation hostile au chef de l’Etat. Sans oublier le passage surréaliste sur la nomi- nation du président de France Télévision qui ne serait pas de son fait… mais relèverait du seul gouverne- ment. Comprenne qui voudra ! Même si certains commentateurs en mal d’imagination voient un frémissement de dialogue social dans les propos du chef de l’Etat, le compte n’y est pas. La colère des salariés ne sera certainement pas calmée par cette intervention. Le secrétaire géné- ral de la CGT Bernard Thibault a d’ores et déjà fait comprendre que la mobilisation n’allait pas retomber en attendant la réunion du 18 février, car dans le dis- cours du chef de l’Etat « il n’y a rien pour les salariés ». Les autres syndicats dénoncent aussi le manque de propositions concrètes. L’opposition n’est pas non plus convaincue par cette interview, c’est le moins que l’on puisse dire. L’UMP seule y trouve du grain à moudre… La tactique des conseillers sociaux de N. Sarkozy de se féliciter des 15 millions de téléspectateurs et de tenter de retarder sinon de briser la contestation a visiblement fait long feu. Les grèves se poursuivent ici ou là. Le mécontentement des chercheurs s’étend. En Martinique, la grève gagne du terrain après celle de la Guadeloupe. Selon un sondage publié par Le Parisien le lendemain de l'allocution du chef de l'Etat, plus d’un Français sur deux n’est pas convaincu. En effet 52 % ont jugé le président de la République «pas convaincant», 31% ne lui font pas confiance pour résoudre la crise. En clair, la profondeur de la crise économique et socia- le appelait d’autres réponses. La gesticulation et les réponses à l’emporte pièce sont à l’opposé d’un projet politique pour mettre en place des solutions visant à une véritable relance. Et ce, d’autant que la majorité des salariés de ce pays n’a pas le sentiment d’avoir de responsabilité dans cette crise qu’elle va payer. Les organisations syndicales ont d'ailleurs donné la réponse qui s'impose en appelant à une nouvelle jour- née d'action nationale le 19 mars. [7 février 2009] Patrick KAMENKA Plus belle la vie ? Au moment où ... Brice Hortefeux se satisfait de la hausse des reconduites d'étrangers irréguliers à la frontière, Eric Besson souhaite faire réexaminer par le gouvernement le décret concernant les tests ADN, Au moment où ... sévit dans notre pays une politique exécrable à l’égard des immigrés, Nous commémorons les héros de l’affiche rouge tombés pour notre honneur ! Aujourd’hui, ils auraient été expulsés avant même de combattre … Photo présentée dans le cadre de l'exposition sur La Libération de Paris au Musée de la Préfecture de Police © Fonds Serge Klarsfeld L’affiche rouge dénonçait « l’armée du crime contre la France »: les étrangers, les chômeurs, les criminels professionnels, les juifs ... 21 février 1944 Marcel Rajman et ses camarades de combat de l’Affiche Rouge étaient fusillés au Mont Valérien Agenda de la Mémoire ! PROCHE-ORIENT Des elections sous influence J. Dimet p. 4 Non à l’amalgame CBL, RW p.5 Retour de Gaza P.Kamenka p. 5 Un judaïsme apo Crif H. Levart p. 4 SOCIÉTÉ Juifs et Sarcellois A. Peronnet p. 3 Regard sur l’exclusion (entretien avec N..Haddad) S. Goldstein p. 3 MÉMOIRE Communiqué UJRE p.5 Enjeux de mémoire M. Cling p. 6 ITINÉRAIRE Ils ont résisté ! N.Kehayan p. 8 CULTURE «Z32» d’ Avi Mograbi L.Laufer p. 6 Romain Rolland et l’antisémitisme F. Mathieu p. 7 «Les juifs américains» d’ A. Kaspi O.Gebuhrer p. 7

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La Presse Nouvelle Magazine n°262 - Janvier Février 2009 - 27e année

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LA PRESSE NOUVELLE MagazineProgressiste

Juif

N° 263 - Fév./Mars 2009 - 27e ANNÉE MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d’antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l’Etat d’Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.

Le N° 5,50 €

Visiblement inquiet de la montée du méconten-tement suite aux manifestations du 29 janvierdans le pays et alors que les sondages sont en

chute libre pour le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy aorganisé en urgence un show télévisé le 5 février pourrépondre aux inquiétudes de quelques 2 millions demanifestants et grévistes.Mais la réponse est loin des attentes des salariés et dudésarroi des rmistes, des fins de droits, des retraités,des jeunes CDD, des chercheurs, des familles mono-parentales, des ouvriers de Renault ou de PSA en chô-mage partiel etc.…La suppression de la taxe professionnelle, seuleannonce concrète, constitue un nouveau cadeau de 8milliards d’euros au MEDEF, une mesure totalementdémagogique qui ne fera que puiser dans les budgetsdes collectivités locales. Cette proposition, qui vise-rait à empêcher la délocalisation de l’industrie auto-mobile, avait été réclamée par le PDG de Renault.Pour le reste, rien pour le SMIC, rien pour mettre finaux suppressions de poste dans le service public, rienpour les retraites, rien sur la santé, pas un seul mot surla Guadeloupe.Si le chef de l’Etat reconnaît que la crise est d’«une brutalité totale » et «la plus grave depuis unsiècle», il ne remet pas en cause sa politique. Aucontraire, il veut continuer à réformer le pays, sanstoutefois relancer la consommation, sans mettrecomme son homologue américain Barack Obamaun frein aux salaires des plus nantis en limitant à500.000 dollars les rémunérations des dirigeantsdes entreprises recevant des fonds publics.

Il faut dire à la décharge de Nicolas Sarkozy qu’à laveille de son intervention télévisée, la « patronne despatrons » Laurence Parisot avait clairement dit sonrejet de cette mesure.Devant un quarteron de journalistes peu empressés àle relancer, le locataire de l’Elysée s’est borné, pourtenter d’éteindre l’incendie social, à appeler les syn-dicats à se réunir le 18 février en lançant une multitu-de de propositions (sur les jeunes et le chômage, surles CDD en fin de droits, la suppression de la premiè-re tranche d’imposition, l’augmentation des alloca-tions familiales pour les classes moyennes, etc.).Quant au « sentiment d’injustice » que lesFrançais éprouvent face aux profits et dividendesdes actionnaires, Nicolas Sarkozy a décidé de nerien décider en prônant un vague partage du pro-fit dans l’entreprise sans aucune mesure concrè-te…. Demain on rase gratis !En revanche, il a manié la langue de bois sur l’affairedu préfet de Saint-Lô limogé pour crime de lèse-majesté après une manifestation hostile au chef del’Etat. Sans oublier le passage surréaliste sur la nomi-nation du président de France Télévision qui ne seraitpas de son fait… mais relèverait du seul gouverne-ment. Comprenne qui voudra !Même si certains commentateurs en mald’imagination voient un frémissement de dialoguesocial dans les propos du chef de l’Etat, le compte n’yest pas. La colère des salariés ne sera certainementpas calmée par cette intervention. Le secrétaire géné-ral de la CGT Bernard Thibault a d’ores et déjà faitcomprendre que la mobilisation n’allait pas retomber

en attendant la réunion du 18 février, car dans le dis-cours du chef de l’Etat « il n’y a rien pour les salariés ».Les autres syndicats dénoncent aussi le manque depropositions concrètes. L’opposition n’est pas nonplus convaincue par cette interview, c’est le moinsque l’on puisse dire.L’UMP seule y trouve du grain à moudre…La tactique des conseillers sociaux de N. Sarkozy dese féliciter des 15 millions de téléspectateurs et detenter de retarder sinon de briser la contestation avisiblement fait long feu. Les grèves se poursuiventici ou là. Le mécontentement des chercheurs s’étend.En Martinique, la grève gagne du terrain après cellede la Guadeloupe.Selon un sondage publié par LeParisien le lendemainde l'allocution du chef de l'Etat, plus d’un Français surdeux n’est pas convaincu. En effet 52 % ont jugé leprésident de la République «pas convaincant», 31%ne lui font pas confiance pour résoudre la crise.

En clair, la profondeur de la crise économique et socia-le appelait d’autres réponses. La gesticulation et lesréponses à l’emporte pièce sont à l’opposé d’un projetpolitique pour mettre en place des solutions visant àune véritable relance. Et ce, d’autant que la majoritédes salariés de ce pays n’a pas le sentiment d’avoir deresponsabilité dans cette crise qu’elle va payer.

Les organisations syndicales ont d'ailleurs donné laréponse qui s'impose en appelant à une nouvelle jour-née d'action nationale le 19 mars. � [7 février 2009]

Patrick KAMENKA P lu s be l l e l a v i e ?

Au moment où ...Brice Hortefeux sesatisfait de la hausse desreconduites d'étrangersirréguliers à la frontière,Eric Besson souhaitefaire réexaminer par legouvernement le décretconcernant les tests ADN,Au moment où ... sévitdans notre pays unepolitique exécrable àl’égard des immigrés,

Nous commémorons les héros de l’affiche rouge tombés pournotre honneur !

Aujourd’hui, ils auraient été expulsés avant même decombattre …

Photo présentée dans le cadre de l'exposition sur La Libération de Parisau Musée de la Préfecture de Police © Fonds Serge Klarsfeld

L’affiche rouge dénonçait « l’armée du crime contre la France » :les étrangers, les chômeurs, les criminels professionnels, les juifs ...

21 févr i er 1944

Marce l Ra jman e t s e s camarade s de comba tde l ’A f f i che Rouge é t a i en t f u s i l l é s au Mont Va l ér i en

Agenda de la Mémoire !

PROCHE-ORIENTDes elections sous influence J. Dimet p. 4Non à l’amalgame CBL, RW p.5Retour de Gaza P.Kamenka p. 5Un judaïsme apoCrif H.Levart p. 4

SOCIÉTÉJuifs et Sarcellois A. Peronnet p. 3Regard sur l’exclusion(entretien avec N..Haddad) S. Goldstein p. 3

MÉMOIRECommuniqué UJRE p.5Enjeux de mémoire M. Cling p. 6

ITINÉRAIREIls ont résisté ! N.Kehayan p. 8

CULTURE«Z32»d’AviMograbi L.Laufer p. 6RomainRolland et l’antisémitisme F. Mathieu p. 7«Les juifs américains» d’A. Kaspi O.Gebuhrer p. 7

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Décès

Nous étions très nombreux à Bagneux,vendredi 20 février 2009, pour témoi-gner notre affection et notre respect à

David DOUVETTEdisparu ce 17 février.David SZEJNBAUMnaît le 9 mai 1944 près de Tachkent où safamille juive polonaise se réfugie àl’invasion de l’arméenazie, puis rejoint laFrance. Alors qu’il sefaisait appeler«Darry» à Tarnos, en1956, c’est son nomde plume que chacungarde en mémoire, David DOUVETTE,son nom d’historien.L’hommage rendu par sa famille et sesamis a été à la mesure de cet homme,hors du commun. Que rappeler enquelques lignes ? Le fils aimant, le frèretoujours présent, le mari attentionné, lepère qui transmettait ses valeurs à sesfilles, les faisant participer dès leur peti-te enfance à tous ses combats pour lafraternité et la justice, le militant pourun judaïsme laïque progressiste qui col-labora longtemps à notre magazinePresse Nouvelle, l’historien ennemi detoutes les compromissions qui se battitsans relâche contre le négationnisme etle révisionnisme, pour la mémoire dugénocide et de la Résistance.Il fut tout cela et bien plus, cet ami quifit toujours preuve d’un humour rava-geur contre l’adversité, l’injustice, labêtise humaine, la maladie.C’est avec le chant du ghetto de Vilnoque nous l’avons quitté : «Ne disjamais que tu vas ton dernier chemin...notre pas résonnera, nous sommes là!»Nous transmettons nos plus sincèrescondoléances à son épouse Danièle, à sesfilles, Emmanuelle et Myriam, à son frèreHenri et à toute sa famille, dans cette dou-loureuse épreuve qu’elle traverse.

UJRE et PNM

*Mon ami

Bernard Korolitskialias Jacques Thélot dans la clandesti-nité, est décédé en ce début d'année.C'était un ami. Il était souffrant depuislongtemps mais sa perte est dure pournous, pour moi. Il était un des anciensrésistants de l’UJJ et de ses Groupesde Combat à Lyon.Né le 31 juillet 1923 à Paris, il refusade répondre à l'appel du STO. Il parti-cipa activement aux diverses actionsdécidées par l'UJJ dans la région lyon-naise, en particulier à l'insurrection deVilleurbanne. Il était titulaire de laCarte du Combattant et de la Carte duCombattant Volontaire de laRésistance. Il était d'une famille dejeunes juifs résistants dans l'UJJ àLyon : sa soeur Madeleine Dimet aliasJosée, son frère Ivan, et son autresoeur Clara Clain alias Eve. Nouspensons à sa famille et, tout particuliè-rement à son épouse Jeannette qui l'aassisté et soutenu durant ces années.

MaxWeinstein

Carnet

Tauba-Raymonde Staroswieckia la joie de vous annoncer

la naissance d’

AgatheMichelle Tauba SAYle 9 février 2009

Chère Agathe,tu fais la joie de tes parents

Anne D’ASTE BLANCet Julien SAY

et celle de toute ta famille.

Bienvenue Agathe et Mazel tovaux heureux parents !

MémoireLa famille STEINBERG demande à tous ceux qui ont connu

LUCIEN STEINBERGd’avoir une pensée pour lui, au premier anniversaire de sa mort, le 3 mars 2008

Un an déjà que tu nous quittais, Lucien. Ton humour, ta gentillesse, ton esprit d’à-propos,ta présence nous ont manqués tout au long de cette année. Nous pensons à tes proches, àton épouse, tes enfants, tes petits-enfants et leur témoignons toute notre affection.

UJRE et PNM

Carnet

A l’UJRE, on les appelait « les JAKU ».Elle, Dora JAKUBOWICZ, née au débutdu XXe siècle, lui, Jacques, dénoncépendant la guerre, parti ... Ils se retrou-vent par hasard dans le métro. Puis ilshabitent dans le 19e au 18 rue du Rhin,à Paris.Jacqueline Morell, qui rencontra Doraen mai 1987, aimerait transmettrel’entretien qu’elle réalisa alors auxtrois petits-enfants nés du fils deDora, trois garçons.Qui pourrait l’aider à les retrouver ?Vous ? Merci d’avance d’écrire aujournal.

*Alain Simonnet recherche des rensei-gnements sur la « Gestapo française »qui sévissait rue Bassano Paris 16e

ainsi que sur les 50 fusillés du 2 octo-bre 1943 près du camp deRomainville. Merci d’avance d’écrireau journal.

AVIS DE RECHERCHE

P l u r i l o g u eBousculés par le rassemblement contre la croix gammée «bombée» au «14», par nos commu-niqués suite à l’offensive d’Israël sur Gaza, nous nous excusons de n’avoir pu répondre à tousnos lecteurs. Merci d’avoir réagi ... pour nous soutenir, s’excuser de ne pouvoir manifester ounous accuser d’êtremanipulés par un fanatisme qui se réclamede l’Islam. La guerre est simpli-ficatrice :d’uncôté, lesbons, de l’autre lesaffreux.L’instaurationde laPaix est complexecequise reflète dans vos courriers.Commenous, vous souhaitez unmonde enPaix. Via la publicationde ces extraits, la parole est à nos lecteurs qui dialoguent ainsi entre eux, et avec nous.PNM

Quand le 4 janvier, l’UJRE critique lespropos du Crif (cf PNM n° 262), certainsd’entre vous nous soutiennent sans réserve,cequeCharlesDobzynski résumeences ter-mes :La politique brutale du gouvernementd'Israël est non seulement indéfendablehumainement mais politiquement sans ave-nir. Maxime (Somme) ajoute : J'apprécievotrepositionclaireet fondée.Nousremer-cient aussi Henriette et Fanny (Paris)pour un envoi qui vous honore / pour cecommuniqué qui propose la seule alternati-ve respectueuse, courageuse et exigeante.D’autres ont clairement dénoncé le silencecomplice de l’UE et la mollesse de l’ONU siprompte à intervenir en Irak. Citons Serge :l'encre n'était pas encore sèche de la résolu-tion contre l'Irak pénétrant auKoweït que la"coalition" américano-européenne envoyaitses armées et bombardait le pays : on peutcomprendre le sentiment de deux poids deuxmesures qui alimente le ressentiment desPalestiniens… Il dénonce aussi l’originecolonialiste du conflit et cite Hertzl :Israël ... le rempart de l'Occident contre lesarabessauvages, ces immigrésqu'il s'agitderefouler de nos sociétés. Henri s’interroge :Le prophète dit : les fils des persécutés doi-vent…être les gardiens de la justice.Ces filsont-ils perdu la mémoire ? Liliane(Normandie) demande aussi : Que faire deplus ... pour aider le camp de la paix ?Informer, et s’informer sans relâche !Aujourd’hui, on ne peut gagner une guerresans d’abord gagner l’opinion. Bush n’a-t-ilpas dû mentir pour faire avaler la guerred’Irak au peuple américain ?Des reproches, aussi, concernantnotreattitu-de vis-à-vis duHamas : Julien (Paris) :votrecommuniqué aurait eu tellement plus deforcesi vousaviezécrit " l'UJREquicondam-ne évidemment les tirs de roquettes duHamas sur les civils israéliens, n'a aucune-ment manifesté un quelconque soutien àcette organisation "Serge (Chaniers) et Roger (Paris)s’interrogent :Pourquoi diable restons-nousau Crif ? / Je me demande si l'UJRE nedevrait pas quitter le Crif... En tout cas, ilfaudrait faire sauter le le " r " de Crif !Question qui ne peut évidement être tran-chée que par uneAssemblée Générale et quimérite et réflexion et débat.Certains d’entre vous ont des avis contraires,Georges Je ne comprends pas... vous défilezavec la LDH et son islamophilie - DouchaManifester au plus près possible de la ban-derole de tête ... et de la LDH ! - Gisèle ... sejoindre à d'autres organisations humanistes,dénonçant les crimes contre l'humanitécommis avec la complicité de l'UE, de laFrance et des USA… Le terrorisme exercépar Israël ... rappelle d'autres temps où lesvictimes étaient juives, enfermées dans unquartierbouclé et surpeuplé, privéesde tout,jusqu'au jour où n'ayant plus rien à perdre,pasmême lavie, elles se sontdresséeset leur

"chant fut chanté les fusils dans lesmains" ...D’autres enfin se sentent impuissants :Georges et Isabelle Israël est coincé totale-ment, on ne peut rien contre des fanatiquesreligieux ... leHamasestunpartiavec lequelon ne transige pas alors qu'on peut le faireavec un parti laïque et responsable commeleFatah /C'est vrai, lamanifestationdesoli-darité avec les Palestiniens n'était pas unemanifestation de soutien au Hamas. Le«mur de la honte » était une mesure dedéfense passive, violemment critiquée.Alorsne simplifiez pas la situation. La majoritédes Israéliens, comme des Palestiniens veu-lent lapaix, etmême laSyrie, après l'Égypteet la Jordanie. Alors ne faites pas le jeu duHamas !

Quand le 8 janvier, l’UJRE publie sa«Déclarationsolennelle » (cfPNMn° 262),nous sommes à nouveau encouragés : Belleet bonne déclaration. Bravo et merci nousdit Jean-Pierre Kahane, un autre lecteurdéveloppe : « Cette déclaration vous faithonneur et vous inscrit dans la grandecontinuité des principes fondateurs del'UJRE. C'est avec grand plaisir, enmémoirede mes grands parents internationalistesrésistants et assassinés pour cela, de mesoncle et tantesFTPMOI, de l'histoire terriblede cette gamine d'alors qui est ma mèrejamais guérie de ce traumatisme, que jeretrouve sur ces valeurs-là une organisationqui sedistinguepardes choix clairs, qui cer-tesvont lamettre iciou làà l'index.Maispeuimporte. La rigueur de la pensée ne peut sesatisfaire du silence honteux. Cette déclara-tion de l'UJRE est juste et courageuse, elleme plaît. J'en reste là en vous félici-tant. Geneviève (Paris) est émue aux larmesde cette déclaration courageuse, quand onconnaît la difficulté qu’il y a à vaincre lesréticences juives, compréhensibles eu égardaux parents installés en Israël. Et Elie(Montpellier) est de tout coeur avec nous. :Vous faites partie de ceux qui, à mon avis,sauvent l'honneur et l'âme de ce peuple juifqui sembleavoiroublié, comblede l'histoire,ce qu'est l'humanité.Denis Lathuillière, au nom de l’Associationdes Amis de Janus Korczak dont il est lePrésident : Je suis personnellement très heu-reux de votre prise de position claire et cou-rageuse et vous en félicite. Je suis convaincuque les amis de Korczak, ceux qui ont com-pris son combat pour le respect de l’enfantet la sauvegardede l’humanité deshumains,partageront aussi votre analyse.Mohamed El Ghali (Cgt Dhl Desc) : La pré-sence de l'UJRE ... [le] 10 janvier Place de laRépublique renforce l'espoir qu'une paixjuste, durable et fraternelle est possible entredeux peuples pour peu que les ambitionspoliticiennes dans cette région nel'emportent pas sur les aspirations pacifiquesdescitoyensdesdeuxcôtés ! » .../...

NDLR Nous poursuivrons ce « plurilogue »dans les prochains numéros de la PNM

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P.N.M. FÉV./MARS 2009 3

Regard sur l’exclusionentretien avec Norbert Haddad

Norbert Haddad est éducateur spécialisé, directeur de la maison deretraite EHPAD Amaraggi, ancien chef du service social familial de laFondation CASIP-COJASOR, ancien secrétaire général adjoint du MRAP.Le Comité d'aide et de secours aux israélites de Paris a été créé par leConsistoire en 1909. Sa mission est de venir en aide aux israélites nécessiteux de Paris etde Seine et Oise. Très vite, il distribuera à des juifs originaires d'Europe de l'Est des bonsde pain, de viande, de charbon et, déjà, des certificats de moralité exigés pour renouvelerles autorisations de séjour. Propos recueillis par SylvainGoldstein La communauté juive de

Sarcelles est arrivée massive-ment d’Afrique du Nord après

la décolonisation. Majoritairementsépharades donc, les juifs deSarcelles ont tout laissé derrière eux.Bénéficiant de l’aide aux rapatriés en1961, les juifs d’Oran, Rabat ouTunis se sont retrouvés dans lesmêmes immeubles à loyer modéré ;cela en dit long sur les moyens finan-ciers dont ils disposaient...Aujourd’hui, certains habitent dansdes copropriétés, d’autres sont deve-nus chefs d’entreprise...Pour les juifs, comme pour beaucoupd’autres venus des quatre coins de laterre, Sarcelles c’est la fin d’un exil,la ville où l’on peut enfin poser sesbagages et recommencer tout àzéro...C’est dans ce melting pot de déraci-nés que la communauté juive a pris,à Sarcelles, un essor sans précédent.Des années 50 où il fallait chercherdes produits casher à aujourd’hui,où l’on ne compte plus les magasinset restaurants arborant la cacherout,la communauté juive de Sarcelles agrandi avec la ville. Trois synago-gues ont été construites, et le tissudes écoles s’agrandit. Mais,

n’oublions pas que la communautéjuive de Sarcelles est la plus pauvrede France, dans une des villes lesplus pauvres de France aussi !Pour autant, faut-il voir dans cettedynamique communautaire un repli ?Certainement pas. La communautéjuive de Sarcelles entretient des rap-ports étroits avec les institutionsrépublicaines. Pour commencer, sesmembres sont présents dans le tissusportif, social et associatif de la ville.D’autres ont fait le choix des’investir directement en politique. ASarcelles, le vote de la communautéjuive n’est pas uniforme ; commeailleurs en France, il se partage entrela droite et la gauche.En local, c’est peut-être un peu diffé-rent... La communauté juive avaitprésenté en 2001 sa propre liste pourles élections municipales (listebleue). En 2008, ses membres ontdécidé de rejoindre, avant le premiertour, la liste municipale d’union de lagauche, conduite par FrançoisPupponi, actuel maire de Sarcelles.Cette liste est composée de socialistes,communistes, radicaux de gauche. Lescore obtenu a été sans appel : presque70 % des voix !Ainsi, trois des membres de la listebleue siègent au conseil municipal.Des délégations importantes leur ontété confiées, notamment l’actionsociale et le logement. Et lesSarcellois ne peuvent que s’en félici-ter. Depuis l’élection de mars 2008,Gérard Uzan, élu aux questionssociales, a fait de la lutte contre lesexpulsions locatives une priorité.Quant à Fabienne Sroussi, élue aulogement, elle mène une véritableoffensive auprès des bailleurssociaux ou privés afin d’élargirl’offre locative faite aux Sarcellois ;rappelons qu’à Sarcelles, plus de6.000 familles, souvent à faiblesrevenus, sont en attente d’un loge-ment.C’est un travail commun qui se cons-truit chaque jour, dans l’intérêt detoute la population sarcelloise. C’estaussi un enrichissement pour tous lesélus de la majorité municipale. Nousapprenons de l’expérience, dusavoir-faire des uns et des autres.Nous l’avons souligné à l’occasionde la cérémonie des vœux, pendantque le conflit israélo-palestinien sedurcit et oppose parfois les commu-nautés, à Sarcelles, aucun incidentn’a été observé. C’est ce qu’onappelle préserver le vivre ensemble etc’est le fruit d’une politique munici-pale faite de respect, de concertationet de dialogue... � [5 février 2009]

NDLR Annie Peronnet est adjointe auMaire de Sarcelles.

Juifs et Sarcelloispar Annie Peronnet

Société

SylvainGoldstein :Comment voyez vousl'évolution des personnes avec qui vousêtes professionnellement en contact ?

Norbert Haddad : La pauvreté, la misè-re, l’exclusion, le mal-vivre continuentleur progression. Cette année, cela futplus rapide, touchant chaque jour plusdouloureusement la population. Un véri-table cancer ronge la société.Notre époque est devenue celle des«sans» : «sans travail», «sans logement»,«sans soins», «sans accès à la culture»,«sans loisirs», «sans vacances» et, aussiquelquefois «sans papiers», bref «sansavenir».Vous nous parlez des « sans ... ». Quisont-ils ? La communauté juive donnesouvent l'image d'une communauté soli-daire ?N.H. : Nous ne pouvons pas savoir quiest quelqu’un, à partir de ce qui luimanque.Quelle est votre action pour les sortir deleur situation ?N.H. : Quelle alternative proposer sansisoler et enfermer les individus dans leurmanque ? Pour comprendre, pour épau-ler, pour aider les personnes en difficulté,le principal «outil» des travailleurssociaux reste la relation humaine. Lapression sociale «normalisatrice» est deplus en plus forte. Afin de les aider à s'ensortir, il nous faut porter notre attentionsur les potentialités plutôt que sur lesdéficiences.Vous qui en tant que travailleur socialavez vécu au jour le jour au contact desdéshérités de la communauté juive, qu'enpensez-vous ?N.H. : Je trouve cela inacceptable, cettepauvreté visible qui frappe les famillesn'est pas supportable. Mais il y a pire.Les personnes les plus en difficulté, lesvictimes les moins visibles, recroque-villées, renonçant aux dépenses les plusélémentaires, ne se soignant qu’à touteextrêmité, avec la peur du lendemain quiles tenaille en permanence : ceux, enbref, que nous n’arrivons plus à toucher,ceux-là sont de plus en plus nombreux etleur situation est tragique.En 2008 quelles évolutions avez vous puobserver ?N.H. : Les situations sociales et écono-miques sont plus préoccupantes encoreque les années précédentes. La récessionéconomique et les disparitions d’emploimultiplient les personnes en situation deprécarité, de pauvreté. Elles aggravent ladépendance des plus fragiles.Les membres de la communauté venantdes pays méditerranéens, communémentappelés séfarades ne semblent-ils pasplus touchés ?N.H. : Si, car l’intégration à la sociétéd’accueil ne s’est pas complètementréalisée, parce que la nostalgie de «là-bas» est trop forte. Les adultes se sontenfermés dans un non-dialogue, y com-pris avec leurs enfants qui souffrent d’un

manque de communication.Les transformations socio-économiquesont bouleversé les liens sociaux et multi-plié les divorces. En l’absence du père,les mères sont absorbées par des difficul-tés financières et de gestion des problè-mes quotidiens.Livrés à eux-mêmes, évoluant dans unegrande solitude, les enfants ont de plusen plus de comportements socialementdéviants et de troubles que la collectiviténe parvient pas toujours à gérer. Le typed’accompagnement social qui est requisdes professionnels est de plus en pluslourd.À court terme, une fracture sociétalen’est-elle pas à craindre ?N.H. :Les minima sociaux sont à l’heureactuelle, d’un niveau scandaleux ! Lesmesures drastiques concernant l’indem-nisation du chômage, le logement, lasanté excluent alors qu'elles devraientaider à revenir au sein de la société.Sur le logement, on observe une baissedes crédits budgétaires pour la construc-tion sociale, malgré une carence aiguë enhabitations de type HLM. Parallèlement,le pourcentage de personnes qui serontsoumises au surloyer a augmenté, celarisque tout à la fois de faire disparaître lamixité sociale dans les quartiers et ausside mettre en grande difficulté des per-sonnes déjà fragilisées. Parmi nos béné-ficiaires, nombreux sont ceux qui en ban-lieue et grande banlieue risquent d'êtreobligés de quitter leur logement social,devenu trop cher pour eux, et des’éloigner de Paris. Ils se retrouverontisolés, devenus invisibles des structuressociales, à commencer de la nôtre.Sur la santé, la baisse du remboursementde certains médicaments, voire le dé-remboursement pur et simple, mettent endanger les personnes les plus fragiles, lespersonnes âgées, celles qui ne bénéfi-cient pas d’une mutuelle. Sans compterl’augmentation du forfait hospitalier etles honoraires de médecins spécialistes.Tout concourt à ce que les personnes sereferment sur elles-mêmes, se laissentmourir.Y a-t-il dans la misère, une fracture entreceux qui mangent du gefilte fisch et ceuxqui mangent du couscous, en bref lesashkénazes et séfarades ont-ils face à lamisère des réactions différentes ?N.H. : …Un individu en difficulté resteun individu, quelle que soit la consonan-ce de son nom ! ... Il nous faut faire réfé-rence à l’histoire de l’immigration enFrance. Les ashkénazes sont arrivés enFrance bien avant les séfarades (aumoins en région parisienne), ils sont inté-grés depuis plus longtemps dans la socié-té d’accueil…C’est le principe des diffé-rentes strates d’immigration… Les plusanciens vont céder la place à ceux quisont arrivés plus récemment (c’est toutel’histoire sociétale du quartier deBelleville).Et puis faire appel à un service socialcommunautaire relève d’une démarche

déjà enracinée dans le pays d’origine,c’est le principe ancestral de la Tsédaka*et de Guémilouth hassadim* à l’égarddes plus démunis, une forme de commu-nisme primitif, bien antérieur à Marx etcodifié par Maimonide.Un mot de conclusion ?N.H. : Les militants d’associations cari-tatives et les travailleurs sociaux tirent lasonnette d’alarme quant à la précarité.Les laissés-pour-compte de notre sociétésont toujours plus nombreux. A laisserles gens sombrer, quand la rupture avecle monde réel est trop forte, l’effort pourse réinsérer devient quasi insurmontable.Le principal pour le travailleur social, cen’est pas d’espérer un résultat visible etefficace, mais de rétablir le lien social.Telle est la population que nousaccueillons, avec des vies qui sont aminima, des avenirs qui n’existent pas,des existences qui sont niées, des identi-tés qui sont brouillées.Nous sommes bien sûr conscients que laprécarité ne touche pas exclusivementles membres de la communauté juive,mais quand nous intervenons auprèsd'eux, nous sommes mieux à même defaire jouer les spécificités culturelles ethistoriques. �

* Dans le judaïsme, le terme Tsédaka(hébr.) désigne la Justice ainsi que le prin-cipe religieux de l’aumône, celui deGuémilouth hassadim (hébr.) représentel’attribut de bonté, « troisième pilier surlequel repose le monde » selon la Mishnah,ouvrage de littérature rabbinique.

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Un judaïsme apoCrifHenri Levart

Des électionssous influence par J. Dimet

IsraëlFrance

Apocryphe : terme désignant unécrit, une cause douteuses. Sousle label du judaïsme sont commis

les actes les plus odieux. Et durant lesévénements de Gaza, le Crif, s’octroyantindûment la représentation du judaïsmefrançais, a soutenu mordicus la terreurimposée par Israël à la population. Aulendemain de cette horrible agression,son président s’offre deux pages dans LaCroix sous un titre stupéfiant : RichardPrasquier, un combat pour la perpétua-tion du judaïsme. Voilà le judaïsmeembarqué dans une déviance s’écartantde ses valeurs originelles. Isaïe, Rachi,Marx, Freud, Einstein, Politzer, Epstein,où êtes-vous ? Jaurès avait dit : Nousperdrions beaucoup s’il n’était pas pro-longé dans la conscience française lesérieux de ces grands juifs qui ne conce-vaient pas seulement la justice commeune harmonie de beauté, mais qui laréclamaient passionnément de toute laferveur de leur conscience, qui en appe-laient auDieu juste contre les puissancesde brutalité, qui évoquaient l’âge où tousles hommes seraient réconciliés dans lajustice et où le Dieu qu’ils appelaientsuivant l’admirable mot du psalmiste oudu prophète effacerait, essuierait les lar-mes de tous les visages.Jean-Christophe Attias, directeur àl’Ecole Pratique des Hautes Etudes, ledit avec solennité : Le judaïsme, patri-moine culturel et spirituel plurimillénai-re, prodigieusement riche, complexe etcontradictoire, vaut infiniment plus queles errements d’un Etat de fraîche datequi, pour juif qu’il se dise, et pour légiti-me que soit son existence, n’est rien deplus qu’un Etat. C’est le judaïsme qui estun humanisme, et comme tel, c’est aumeilleur qu’il aspire… et je n’ai pu croi-re un seul instant que le judaïsme nem’oblige pas à voir comme un scandalel’oppression dont un peuple est l’objet, laprivation totale de liberté qui est son lotquotidien, les souffrances qui lui sontinfligées, le déni de son irréductiblehumanité.M. Prasquier s’en est violemment prisaux communistes pour leur soutien aupeuple palestinien, les accusant de prêterle flanc à l’antisémitisme.Nous ignorions que Ban Ki-moon, secré-taire général des Nations Unies étaitcommuniste. Il doit y avoir une enquêteapprofondie, une explication complète…les responsables devront rendre descomptes devant les instances judiciaires,a-t-il déclaré, qualifiant les bombarde-ments d’attaques scandaleuses et totale-ment inacceptables.Nous ignorions que la Congrégation desPères blancs était communiste : Nousvoudrions ajouter nos voix à toutes cellesqui ont eu le courage de s’élever afin quecesse cette hécatombe, ont-ils dénoncé.Nous ignorions que Rony Brauman,ancien président de Médecins SansFrontières était communiste : C’est uneoffensive menée avec un niveau de vio-lence effroyable. Le rapport est de un àcent entre les pertes israéliennes etpalestiniennes. Le niveau de mortalitéatteint les plus élevés que l’on connaisseaujourd’hui à travers le monde a-t-ilcommenté.

Nous ignorions que l’écrivain et histo-rien israélien Shlomo Sand était commu-niste, s’insurgeant ainsi : Nous avions ledevoir de privilégier la diplomatie, de nepas commettre ce massacre de civils.Nous ignorions que Stéphane Hessel,ambassadeur de France, co-auteur de laDéclaration Universelle des Droits del’Homme, était communiste. Halte aufeu ! En se rendant coupables d’un crimede guerre, les dirigeants israéliens ris-quent de creuser la tombe de leur propreEtat, a-t-il proclamé.Nous ignorions que les ministres desaffaires étrangères de l’Union africaine,que la Fédération Internationale desDroits de l’Homme, que l’OrganisationHuman Rights Watch étaient communis-tes, qualifiant également le massacre desPalestiniens de crime de guerre.Nous ignorions que les vingt-quatreassociations de femmes israéliennesétaient communistes : La danse de mortet de destruction doit finir ont-elles affir-mé.Nous ignorions que John Jing, directeurdes opérations de l’UNRWA à Gaza, étaitcommuniste, démentant la présence demilitants palestiniens dans son entrepôtd’aide humanitaire parti en fumée suite àdes bombardements.Nous ignorions que l’ONG norvégienneNorwac était communiste, stigmatisantles nouveaux types d’armes utilisés parl’armée israélienne.Alors, Monsieur Prasquier, entendez-vous ces paroles d’indignation ? Aurez-vous la sagesse de les prendre en consi-dération ? L’auteur de cette chronique,communiste juif dont la famille a étéanéantie, dont le père est mort pour laFrance, le dit aussi avec force : Pas ça,pas au nom du judaïsme !En ces jours sombres où un pape, dontM. Prasquier avait fait un vibrant élogelors de son voyage en France, est initia-teur de la béatification de Pie XII, j’airetenu des paroles horribles mais signifi-catives de l’évêque négationniste réhabi-lité par ce même pape:Je ne suis passeulement l’ennemi des juifs, mais aussicelui des communistes.Monsieur Prasquier, ne vous trompez pasd’adversaire. Ecoutez ces vers d’Aragon,poète communiste, écrits en pleine clan-destinité (en 1943) :

Auschwitz...

Auschwitz ! Auschwitz !Ô syllabes sanglantes ;

Ici l’on vit, ici, l’on meurt à petit feu.On appelle cela l’exécution lente.

Une part de nos coeurs y périt peu à peu

Limites de la faim, limites de la force :Ni le Christ n’a connu ce terrible cheminNi cet interminable et déchirant divorceDe l’âme humaine avec l’univers inhumain

Ce sont ici des Olympiques de souffranceOù l’épouvante bat lamort à tous les coups

Contrairement aux mensonges répan-dus, les communistes français ont étéparmi les premiers à dénoncerl’extermination des juifs de France. �

Le résultat des élections israéliennesa été indubitablement marqué parla «guerre» que le gouvernement

israélien a menée durant trois semaines àGaza, affrontements les plus violentsdans la bande depuis 1967. Les électionsont été centrées sur les questions de lasécurité d’Israël, avec une rhétoriquenationaliste, faisant passer au deuxièmeplan les questions sociales. Bref, la«guerre» a renversé la tendance qui sedessinait et a permis au parti Kadima desauver la face et d’arriver premier (28députés contre 27 au Likoud), même sic’est au leader de la formation de droite,Benyamin Netanyaou, que le présidentde l’Etat, Shimon Peres, a demandé deconduire le futur gouvernement.L’ancien Premier ministre (il avait quitté lepouvoir il y a dix ans, contraint à la démissionpar le «lâchage» des partis nationalistes reli-gieux qui lui reprochaient des négociationsavec les Palestiniens) a quatre semainespour former son gouvernement, sachantdéjà que le «bloc de droite» possède unecourte majorité à la Knesset (65 députéssur 120). Netanyaou voudrait élargir samajorité pour ne pas être «prisonnier»de l’extrême droite, d’où sa volonté deformer un cabinet d’union nationale,incluant le parti travailliste et Kadima.Le Parti travailliste a, pour sa part, subila plus lourde défaite de son histoire (13députés, soit six de moins qu’aux électionsprécédentes) et refuse, pour le moment entout cas, de participer au gouvernementtout comme Tzipi Livni. La dirigeante deKadima se voit en leader de l’oppositionet se pose en recours possible. Sans en-trer dans le détail des résultats électo-raux, il est à noter que, dans le sillage dela défaite du parti travailliste, la gaucheisraélienne a perdu des plumes.Le nouveauMeretz (qui se situe à la gauchedu parti travailliste) a perdu deux députés.Il paie auprès de son électorat pacifistejuif le fait d’avoir soutenu l’offensivecontre Gaza, du moins à ses débuts.Par contre, le Hadash (Front démocratiquepour la paix et l’égalité, animé par le parti com-muniste d’Israël, leMaki) progresse. S’il doitl’essentiel de ses suffrages à l’électoratarabe israélien, il progresse aussi chez lesjeunes intellectuels juifs (il a notammentmené une campagne remarquée contre le racis-te Lieberman). Il gagne un siège (quatrecontre trois) et obtient près de 4% des suf-frages, mais avec des disparités. Selon unsondage sorti des urnes du quotidien decentre gaucheHaaretz, il obtient 52% dessuffrages dans les villes arabes de plus de50000 habitants, obtenant le même scoreà Nazareth et même 55 % à Ouhm elFahoum, pourtant fief du mouvement isla-mique israélien. Il réalise 4% des voix àHaïfa et 2% à Tel-Aviv (lors des municipa-les la liste conduite par le député Dov Khenin,également membre du bureau politique du PCI,avait obtenu 32% des suffrages).En tout, les partis arabes et non sionistesobtiennent onze députés.Il est à noter que le petit parti religieux degauche Meimad, pour qui la paix est plusimportante qu’Eretz Israel, ne perce pas (ilétait associé au parti travailliste lors des derniè-res élections), même s’il dépasse les 2%chez les kibboutzniks et obtient son scorele plus important à Jérusalem.C’est la poussée de l’extrême droite repré-sentée par le parti Israel beitanou quiinquiète. Cette formation non religieuse

ouvertement raciste et fasciste obtient12% des suffrages et 15 sièges. C’est saprogression (plus quatre sièges) qui fait pen-cher dangereusement à droite la sociétéisraélienne.Pour les communistes israéliens il ne faitguère de doute que la Knesset actuellen’ira pas à son terme et que des électionsgénérales auront de nouveau lieu d’icideux ans. Pour Dov Khenin, il est «impé-ratif que les citoyens arabes palestiniens[d’Israël] et les militants de gauches’unissent et présentent une alternativeaux forces fascistes grandissantes dans lasociété israélienne». «Unenouvelle géné-ration de jeunes est entrée en politique, a-t-il également déclaré, ils sont ouverts etcritiques et ils ont trouvé dans le Hadashet le parti communiste une réelle alterna-tive aux vieilles politiques sionistes.»L’élection a un peu fait oublier Gaza et sesdestructions. On se rend compte aujour-d’hui, avec plus de force encore, que lesobjectifs et justifications de la «guerre»n’étaient pas réels. Les roquettes n’ontcessé de tomber sur le territoire israéliendepuis l’instauration d’un cessez-le-feuunilatéral le 18 janvier dernier, deux joursavant l’investiture de Barack Obama, leHamas n’a pas été éradiqué.Le choix de la date de l’offensive montrele cynisme des dirigeants israéliens quiont profité du changement d’admi-nistration aux Etats-Unis pour pouvoirmener leur sanglante campagne sans troprisquer de réactions américaines en retour.On rappellera que le premier coup de télé-phone du nouveau président BarackObama a été adressé à Mahmoud Abbas,le Président de l’Autorité palestinienne cequi montre plus qu’un infléchissement dela politique américaine dans la région.Les mots ont un sens politique. S’est-il agidurant ces trois semaines à Gaza d’uneguerre ? Une guerre opposerait deuxarmées, deux Etats – y compris lors d’uneguerre civile, deux camps, parfois plus,s’opposent.Il faut donc dire et répéter qu’il n’y a pasd’Etat palestinien, pas d’armée palesti-nienne, pas d’industrie de défense. End’autres termes, ce n’est pas une arméequi s’est opposée à une autre armée maistout simplement (et cela a coûté 1300 mortscôté palestinien) une armée d’occupationqui est venue châtier une populationenserrée dans un territoire enclavé etfermé. La résistance palestinienne (il y a eupar moments des combats acharnés) a été lefait des organisations armées des différen-tes factions palestiniennes, dépendantesdu Hamas ou du Djihad islamique pourles organisations n’appartenant pas àl’OLP, ou dépendantes du Fatah ou desorganisations de la gauche laïque palesti-nienne, comme les branches armées desFronts (FPLP et FDLP) ou des communistespalestiniens, regroupés dans le parti dupeuple (le PPP). Il est à noter d’ailleurs quefin décembre 2008 le parti communisted’Israël a eu une rencontre à Ramallah(Cisjordanie) avec le FPLP, le FDLP et le PPP.C’est le refus d’Israël, comme des Etats-Unis de George Bush et de l’Union euro-péenne de reconnaître la réalité issue desélections palestiniennes, le blocus deGaza, qui ont conduit à cette situation.Il est donc nécessaire aujourd’hui d’obtenir lalevéedublocusetdes’engagervéritablement,sans faux fuyant, vers la création d’un Etatpalestinien viable, disposant de tous lesmoyensrégaliensd’unEtat.� [23 février 2009]

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Non à l’amalgame !

militaire. Une paix juste et durable passepar la reconnaissance des droits natio-naux des Palestiniens, ce qui implique unEtat libre et viable sur la base des résolu-tions de l’ONU et le droit à la sécuritéd’Israël.Les murs, quels qu’ils soient, n’ontjamais garanti la sécurité. Ils étouffentaussi ceux qui se croient protégés.La sécurité ne peut être assurée que dansle cadre d’autres rapports et du respectmutuel, comme le précise Théo Klein« ... le gouvernement d’Israël brise unavenir qu’il prétend défendre. On necasse pas un peuple arc-bouté à sa terre.Il faut chercher à le comprendre et à lerespecter… » Il ajoute « ... seuls la paro-le, le dialogue, la reconnaissancemutuel-le peuvent sauver l’avenir de ces deuxpeuples… » **.Il est indispensable de faire respecter ledroit international dans son intégralité,cela passe aussi par le jugement des cri-mes de guerre qui ne doivent pas resterimpunis. Il ne peut y avoir de paix sansjustice.Les négociations doivent reprendre etaboutir à la sécurité pour les deux peu-ples. � [4 février 2009]

Claudie Bassi-Lederman, universitaireRolandWlos, ancien conseiller de Paris

* Avram Burg, Vaincre Hitler, Ed. Fayard

** Théo Klein, Petit Traité d’éthique et debelle humeur, Ed. Liana Levi

Réintégration dans l’Eglised’un négationniste

L’UJRE a appris avec consternation quel’Eglise catholique s’apprêtait à réinté-grer un évêque dissident négateur del’existence du génocide des juifs pen-dant la deuxième guerre mondiale. S’ilprétend attendre des preuves, nosaînés, eux, dont certains sont encoreparmi nous, n’en ont pas besoin poursavoir ce qu’ils ont subi. Au surplus ces«preuves» ont été fournies de nom-breuses fois par les historiens les plusqualifiés. En fait, cette volonté de réin-tégration constitue pour toutes les vic-times du génocide et leurs familles,ainsi que pour l’humanité toute entière,une injure sans pareille, totalementinacceptable. � [12 février 2009]

L’UJRE communique...

Nous sommes consternés par lespropos tenus sur RFI parM. Prasquier, Président du

Crif, concernant la participation du PartiCommuniste Français aux manifesta-tions condamnant l’acharnement des-tructeur et inhumain de l’armée israélien-ne, exigeant un cessez-le-feu et expri-mant notre solidarité avec le peuple mar-tyr palestinien.Bien loin, comme ose le suggérer M.Prasquier, de "défendre un mouvementqui est reconnu comme un mouvementterroriste", le sens de notre participation,en tant que citoyens français, communis-tes, juifs, n'a rien à voir avec ce que pro-clament les islamistes radicaux. Cela n’arien à voir non plus avec un quelconquesoutien au terrorisme ni avec la moindremansuétude envers l’intégrisme.Notre action ne souffre aucune ambiguï-té. Nous sommes ulcérés de voir autantd’enfants, de civils innocents, devieillards tués. La désolation et le champde ruines de Gaza maintenant que lesarmes se sont tues nous affligent. Cela nesignifie pas pour autant que nous approu-vions les tirs des Qassam ou que nousrenvoyions dos à dos l’Etat d’Israël et lesPalestiniens. On ne peut ignorer que legouvernement israélien n’a appliquéaucune des résolutions de l’ONU (plusd’une soixantaine).Avram Burg, ancien président de laKnesset, a écrit « ... et il reste encorebeaucoup à dire sur les barrages militai-res, les mauvais traitements, les coups,les confiscations de maisons et de biens,le vol des terres, les mesures administra-tives qui brisent des familles entières, laviolence des fanatiques, la capitulationde l’armée face aux bandes de colons etl’aspiration perpétuelle à la force …»,«... mépris pour la vie de nos voisins ... » *.Bertolt Brecht disait « ... on parle de laviolence du torrent mais on ne dit mot dela violence des rives qui l’enserrent ».Les propos deM. Prasquier peuvent lais-ser entendre que la condamnation de lapolitique israélienne s’apparenterait à del’antisémitisme. Rien dans l’histoire denotre parti n’autorise de tels propos.Notre parti n’a jamais cautionnél’antisémitisme, le racisme, en France etpartout comme dans l’ex-URSS et dans lespays se réclamant du socialisme. Pour lescommunistes, l’antisémitisme et le racis-me ne constituent pas des opinions maisdes délits, ainsi que l’affirme la législa-tion de notre pays, et l’incitation à lahaine raciale constitue une infraction plusgrave encore. En outre, M. Prasquierconnaît le rôle de premier plan joué pardeux communistes juifs, Adam Rayski etCharles Lederman, dans la création duCrif pendant les années de feu et de sangde la seconde guerre mondiale.Rappelons ce que disait Jean Kahn, pré-sident du consistoire israélite de France àpropos de l’engagement de juifs dans lePcf : « ... en réalité, c’est un humanismejuif millénaire qui les incitait à luttercontre l’injustice, une servitude dont ilsavaient l’expérience inoubliable ». C’estdans cette fidélité qu’aujourd’hui nousaffirmons notre message de paix pourcette région. Il ne peut y avoir de solution

RFIRetour de GazaEntretien avec Patrick Kamenka

Peu après la fin de l’offensive israé-lienne, tu t’es rendu à Gaza avec unemission de la Fédération Internatio-nale des Journalistes. Quelles sont tesimpressions ?

Dès la frontière égyptienne passée àRafah, c’est un spectacle tra-

gique. Des impacts de tirs de F16,d’obus de l’artillerie ont éventré lesimmeubles désormais vides de leurshabitants. Le long des routes, il y ad’énormes cratères de bombes. Ici,une usine s’est effondrée comme unchâteau de cartes. Là, des chars onttiré, les marques noires sur les façadesdes habitations frappent l’œil. Lesbulldozers ont recouvert les gravatsdes maisons comme près de Zeitoun,dans la banlieue de Gaza, où unefamille de paysans a été décimée aprèsavoir été enfermée par les soldatsisraéliens. Les survivants nient touteprésence de combattants. Alentour, leschamps sont inutilisables, hachés parles chenilles des blindés. L’impressionde tirs à l’aveugle est très nette notam-ment au centre de Gaza ville. Desquartiers semblent avoir échappé auxaviateurs ou artilleurs de Tsahal,ailleurs en revanche ce sont des ruesravagées où les immeubles ne tiennentque par les structures en fer. La viereprend néanmoins et les magasinssont ouverts avec des victuailles diffi-cilement accessibles en raison de lahausse vertigineuse des prix. Bonnombre de produits continuent à venirde l’extérieur par les tunnels car leblocus se poursuit. L’aide des ONG

étrangères est visible. Mais quel ave-nir pour ce peuple enfermé dans cetteenclave avec l’une des densités lesplus importantes au monde après cettenouvelle “guerre” qui a fait desmilliers de victimes, dont des civils eten particulier des femmes et desenfants ?

Quelles conséquences sur le planintérieur après cette agression ?

Il semble clair que l’attaque israé-lienne qui était planifiée de longue

date était surtout destinée à faireremonter dans les sondages le ministrede la Défense Ehud Barak, candidatdes Travaillistes, face au Kadima et auLikoud en vue des législatives. Il fal-lait aussi faire pression surWashington avant l’arrivée de BarackObama à la Maison Blanche ; et puismontrer ses forces pour rétablirl’image de Tsahal amoindrie après laguerre du Liban et aussi mettre engarde l’Iran. Militairement, il sembleque les bombardements n’aient pasatteint leur but, puisque le Hamasd’après de nombreux témoignages,s’est mis à l’abri et que les tirs desmissiles sur le sud d’Israël se poursui-vent. Politiquement, le Hamas appa-raît désormais comme le seul mouve-

ment à avoir affronté Tsahal sans com-promis ; même si là encore des récitsindiquent que les dirigeants israéliensont souvent communiqué avec leschefs du Hamas pour les prévenird’attaques contre leur QG. Résultat, leHamas a été remis en selle dans le butde diviser et affaiblir les mouvementspalestiniens proches du Fatah ...

Quelles sont les conséquencespour le mouvement palestinien ?

Sur le plan intérieur, les luttes inter-palestiniennes ne désarment pas

avec des arrestations de militants duFatah à Gaza, y compris semble-t-il,pendant l’invasion israélienne. LeHamas accuse le Fatah de pourchas-ser ses militants en Cisjordanie. Lesmedias sont aussi un enjeu des luttesd’influence, le Hamas tentant decontrôler les moyens d’informationlocaux et les journalistes. Visiblementl’opinion publique à Gaza ne semblepas partager totalement les positionsles plus dures des leaders de ce mou-vement islamiste face à Israël. L’OLP

de Mahmoud Abbas risque d’être deplus en plus marginalisée et de ce fait,le dialogue politique pour l’édificationd’un Etat palestinien dans le cadre desrésolutions de l’ONU à nouveau geléaprès les coups portés au processusd’Oslo.

Quelle a été la mission de la FIJ àGaza?

La mission de la FIJ a été non seule-ment d’apporter une solidarité

humanitaire aux journalistes palesti-niens mais aussi de mener une enquê-te sur les atteintes éventuelles del’armée israélienne aux lois internatio-nales, dont la résolution 1738 duConseil de Sécurité concernant la pro-tection des journalistes lors de conflitsarmés et de saisir le secrétaire généralde l’ONU. « Nous saluons le couragedont les journalistes locaux ont faitpreuve en face des attaques délibéréesqui ont, dans plusieurs cas, fait desmorts », a déclaré Aidan White,Secrétaire général de la FIJ et chef dela délégation à Gaza.« Nous soutenons la demande duSecrétaire général des Nations Uniespour le respect du droit internationallors de conflits armés », a-t-il ajouté,Aidan White condamnant également« le sectarisme et les divisions » dontsont victimes les journalistes palesti-niens. Il a appelé ainsi à ce que la FIJ

forte de 600.000 journalistes (quiadhèrent à 120 organisations présentesdans une centaine de pays) contribue à« assurer que les journalistes [àGaza] soient protégés et qu’il soitmis un terme aux tentatives poli-tiques de contrôle des medias et desjournalistes ». � [8 février 2009]

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a mené avec la Fédération des journalis-tes arabes (FAJ) et plusieurs responsables de syndicats de journalistes d'Europe et du mondearabe ont terminé une mission de deux jours à Gaza, en faveur d'une action urgente pouraméliorer la sécurité des journalistes et de la presse dans la région, pour un journalisme pro-fessionnel. PNM interroge notre collaborateur Pierre Kamenka, membre de cette mission..

Tribune libreIsraël

Nos amis Claudie Bassi et Roland Wlos ont publié une Tribune libre dans l’Humanité du4 février 2009. Nous la publions ici, compte tenu de l’intérêt qu’elle nous paraît présen-ter pour les lecteurs de la PNM.

(voir aussi p. 6 «L’évêque négationniste persiste etsigne », et dans la PNM n° 262 - Janv./Fév. 2009 -en p. 6 : «Faurisson, Ratzinger, même combat ?»)

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Enjeux de mémoirepar Maurice Cling

Mémoire

La PNM avait réagi par un communiquéde presse et signalé, dans son derniernuméro, la scandaleuse réhabilitation del’évêque négationniste qui déclarait à unechaîne publique de la télévision suédoise:« Pas un seul juif n’est mort dans unechambre à gaz ». L’épiscopat italiens’était alors signalé par sa mollesse. Leporte-parole de l’épiscopat allemand,aidant ainsi la chancelière allemande àfaire preuve de fermeté à l’égard du pape,avait inversement exigé la rétractation del’évêque. Il l’attendra longtemps. Tout auplus Williamson a-t-il dit qu’il lui faudraitse pencher à nouveau sur la question à lalumière d’évidences nouvelles ! Né en1940 et diplômé de Cambridge, il al’aplomb de plaider l’ignorance ?Depuis lors, l’évêque a précisé que sadétestation des juifs s’étend aussi auxcommunistes et aux francs-maçons.Franco et Pétain doivent le bénir ! Enoutre, il est apparu que les quatre évêquesréhabilités et leur "Fraternité" sont tousnégationnistes. Ce que le Père Alain de laMorandais a posément expliqué lorsd’une émission de Michel Drucker. Ilssont contre la Révolution, contre la

République, contre les juifs, contre lescommunistes, contre les francs-maçons,contre le modernisme, contre l'avortement,et bien entendu, contre Vatican II.Ne pas sous -estimer. Ces gens sont dansl’action, pas dans l’opinion. Leur objectifest bien la reconquête. Ainsi vient-ond'apprendre que Williamson vivait depuistrois ans en Argentine où il dirigeait unséminaire. Déclaré le 19 février personanon grata en raison de ses propos néga-tionnistes, Williamson est arrivé le 25 àLondres. Feuille de route inconnue à cetteheure. Mais l’on apprend, via l’agence depresse Zenit qu’à peine arrivé, il auraitadressé au Vatican une lettre dans laquel-le il demanderait pardon. A qui ? Mais àDieu ! Et de quoi ? Non de ses propos,mais de leurs conséquences. « Je regretted’avoir fait ces déclarations et si j’avaissu à l’avance tout le mal et les blessuresqu’elles allaient susciter spécialementpour l’Eglise, mais également pour lessurvivants et les proches des victimesd’injustices sous le IIIème Reich. »Ne cherchez pas le mot de génocide :vous ne le trouverez pas ! L’incident n’estpas clos car ce n’est pas un incident. �

de l’époque, Madame Alliot-Marie,déclarait pour sa part : « A la repentan-ce, je préfère la réconciliation sincè-re », opposant hypocritement lacondamnation du fascisme à une« réconciliation » nationaliste, style« paix des braves », balayant d’un traitde plume le verdict de Nuremberg.Le combat politique des résistants y étaitbaptisé « sacrifice », comme dansl’opération Guy Môquet de l’actuel pré-sident de la République escamotantl’engagement communiste du jeunehomme et la responsabilité écrasante durégime de Vichy qui l’avait désigné etlivré à ses complices nazis pour êtrefusillé.Tout comme le massacre de Maillérelevait dans le discours du président,lors de la commémoration du 25 aoûtdernier [NDLR anniversaire de laLibération de Paris], de la même barba-rie que celle des talibans, pour justifierl’envoi de troupes supplémentaires enAfghanistan. Quel rapport avec lecombat antinazi ?Ajoutons le fait qu’après la contestableexposition française du Muséed’Auschwitz, le Mémorial deCompiègne, pourtant initié par la FMD(Fédération pour la Mémoire de laDéportation), présente une image défor-mée de l’histoire de la Résistance:notamment la quasi absence de référen-ce à l’appel du 18 juin, aux discours dugénéral de Gaulle, tandis qu’on yentend maints discours de Pétain.Dans la foulée des Rencontres, le« manuel franco-allemand » mis alors

officiellement surorbite illustre lesorientations nou-velles largementinspirées de cellesde la RFA durant laguerre froide:banalisation dunazisme, dévalori-sation de laR é s i s t a n c e

(notamment des antifascistes alle-mands), amalgame des souffrancesdes civils allemands et européens.On se bornera ici à citer la présentationrévélatrice du massacre d’Oradouraux élèves français (ce qui est le com-ble) : « des opérations de sabotage etde harcèlement [de la Résistance] quiprovoquent parfois la riposte sanglan-te de l’occupant contre la populationcivile » (p. 350 du tome 2).Triple mensonge :- Il n’y avait pas d’actes de résistanceà Oradour.- On oublie de mentionner femmes etenfants brûlés vifs dans l’église.- On adopte le point de vue de la SSagressée qui « riposte », ce que confir-me la formulation des attentats « per-pétrés » (sic) par les résistants.C’est le langage des occupants.Dans ce contexte, la provocation deDieudonné honorant Faurisson auZénith (avec la mascarade ignoble dudéporté juif) montre à l’évidencel’accentuation de l’entreprise dedécervelage du peuple français, fron-tale ou oblique, au prétexte d’une pré-tendue « liberté d’expression » d’uncôté, par la voix des pouvoirs publicsde l’autre, dans le cadre françaiscomme dans le cadre européen.

A ce sujet - cerise sur le gâteau - rap-pelons que la nouvelle loi allemandedite loi Neumann exclut pratiquementla participation des déportés étrangersaux destinées des mémoriaux descamps nazis, alors qu’en 1944, 90%des déportés n’étaient pas allemands.On y trouve aussi un amalgame entreIIIe Reich et RDA, en se référant àl’internement des nazis d’après guerre,prévu cependant par les accords inter-nationaux ; sans parler de l’aspectfinancier, puisque les crédits prévuspar cette loi sont dégagés pour latransmission de la mémoire des« deux dictatures » (sic).La banalisation du nazisme est patente.Aujourd’hui, le danger essentiel, sousprétexte de « réconciliation » franco-allemande, vise en fait à remodeler lamémoire collective du combat antifas-ciste et de la Résistance. �

NDLR Maurice Cling est membre de laprésidence de la Fédération Nationale desDéportés, Internés, Résistants et Patriotes.Cet article « Enjeux de mémoire » estextrait du numéro de février 2009 duPatriote Résistant, magazine mensuel de laFNDIRP.

Maurice Cling qui futdéporté à seize ans arécemment réédité etcomplété son témoi-gnage, « Vous qui ent-rez ici », paru auxEditions de l’Ateliersous le titre « Unenfant à Auschwitz »

Cf. La PNM a reçu dun° 259 (oct. 2008) et aussi in PNM n° 247(septembre 2007) la tribune libre de M.Cling sur la “Mémoire partagée”.

En dépit des contorsions officiel-les, la réhabilitation de prélatsrévisionnistes confirme une

inquiétante réécriture de l’Histoire.Le contenu qui est souvent donné à laDéportation apparaît profondémentréducteur. Il est fréquemment le refletde la « pensée correcte » actuelle pla-quée sur la réalité historique dont noussommes les garants. « Nous n’avonspas les mêmes valeurs », selon la for-mule consacrée.Nazis et pétainistes n’éprouvaient nul-lement « la haine de l’autre », notionempruntée à la psychanalyse, maisplus précisément celle des « rouges »,des « métèques », des pauvres, des fai-bles, etc.Les résistants éprouvaient la haine dufascisme et de la barbarie : le premiernuméro du Patriote Résistant associaitbarbarie nazie et vichyste.Ils ne brandissaient pas les « droits del’homme » comme un slogan, mais lesvaleurs concrètes de la Républiquechèrement acquises.Ils ne se référaient pas à des termesbibliques tels que « Shoah »,« Holocauste », le « Mal », les« Justes », etc. - aux majuscules signi-ficatives - mais, comme on peut le liredans la presse clandestine, aux« valets », aux « traîtres », aux « ban-dits hitlériens », aux « barbares », aux« bourreaux ».Notons qu’à Paris, lors de la dernièrecommémoration de la rafle du Veld’Hiv, le régime de Vichy ne fut mêmepas mentionné... Eux appelaient unchat un chat, et Pétain un criminel.Dans le même ordre d’idées, on cons-tate que seul le racisme semble désor-mais caractériser le nazisme, voire laDéportation tout entière, ce qui induitune occultation abusive de la com-plexité de l’événement, des autrescibles de la persécution et de la répres-sion, de l’importance de la Résistancefrançaise (combattants juifs compris),dans le cadre de la Résistance euro-péenne.La persécution « raciale » menée par lesnazis et leurs « kollabos » français cons-tituait fondamentalement un instrumentau service de leur politique générale, deprétendue « révolution nationale » dansle cas du régime de Vichy.Le génocide - le crime le plus grave -doit être situé dans ce cadre et occupersa place essentielle, sans s’opposer,comme certains le suggèrent, à cellede la répression de la Résistance, maisau contraire se révéler complémentai-re, puisque les deux politiques étaientdirigées par les mêmes maîtres deBerlin.Qu’on songe à Klaus Barbie qui torturaitJean Moulin et faisait arrêter les enfantsd’Izieu au service de la même cause.Les « Premières Rencontres internatio-nales de la mémoire partagée » patron-nées par le gouvernement français en2006 préconisaient le « respectmutuel » des anciens combattants(Wehrmacht et SS compris) « qui sesont investis au service de leurpatrie », « sont allés jusqu’au sacrificesuprême pour défendre leur pays, pourdéfendre leurs idéaux » (sic, HamlaouiMekachera, ancien ministre délégué auxAnciens Combattants). Tel quel.Tandis que la ministre de la Défense

d’anciens soldats d’Hébron,a monté l’organisation« Breaking the silence »(Rompre le silence) dans lebut de montrer, expliquer, dénoncer lesexactions de l’armée israélienne. Il choi-sit la démarche inverse : faire témoignerun criminel. Le film Z32 s’inscrit dansun projet d’ensemble où le cinéaste sou-haite filmer plusieurs de ces anciens sol-dats pour constituer les archives d’unemémoire criminelle utile pour témoignerde l’Histoire. Dans Z32, il s’agit durécit d’un soldat d’une unité d’élite del’armée israélienne qui a participé à uneexpédition punitive au cours de laquelledeux policiers palestiniens furent assas-sinés. Mais, comment filmer ce témoi-gnage sans cautionner ce crime ? Lesdispositifs choisis par le cinéaste, s’ils neconvainquent pas toujours, ont le mérited’imposer une distance et de poser laquestion.AviMograbi floute, masque oudéforme le visage du témoin qui a exigél’anonymat ainsi que le visage de lacompagne de celui-ci, qui aide par sesquestions à faire naître le récit de sonami. En alternance avec ces séquencesde témoignage, le cinéaste propose desintermèdes musicaux dans son salon où,accompagné d’un petit orchestre, nousle voyons chanter le récit du soldat etnous livrer ses propres réflexions. Enfin,le fait de faire répéter le récit parl’ancien soldat, à la demande de sa com-pagne ou du cinéaste, participe d’unethéâtralisation de la forme de ce récit.Tout cela contribue à livrer un film dés-tabilisant qui interroge sur ce quiest raconté par le soldat et au-delà surla société israélienne. Une société quiparaît schizophrène entre les assassinats etles exactions que l’Etat et l’armée impo-sent à sa jeunesse de perpétrer etl’apparente banalité de cette même jeu-nesse. Il y a lieu de s’inquiéter sur les rava-ges qu’une société tout entière fondée surle sécuritaire et la militarisation produit.Quelle conscience, quelle morale, quelavenir, pour une jeunesse éduquée àaccomplir de tels crimes ? Laura Laufer

Z 32 d’Avi MograbiSorti le 18 février, ce film a également été présenté en ouverturedu festival Cinéastes contre la Guerre et l’Occupation.

Les documentaires qui veulenttémoigner des crimes de guerre

choisissent, en général, de faire enten-dre la parole des victimes et rarement lavoix du coupable. Avi Mograbi, cinéasteisraélien en contact avec un groupe

L’évêque négationniste persiste et signe

Page 7: La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009

P.N.M. FÉV./MARS 2009 7

Romain Rollandet l’antisémitisme

par François MATHIEU

LES JUIFS AMÉRICAINSvus par André KASPI

par Olivier GEBUHRER

Littérature

(1/2)

Le parcours d’un humaniste vigilant

Quels furent les sentiments deRomain Rolland envers lesJuifs ? demande Antoinette

Blum dans un article récent publié parla revue Europe*, dont il fut en 1923l’un des fondateurs. Selon certains,poursuit-elle, il fut antisémite. Selond’autres, au contraire, un défenseurdes Juifs. C’est qu’évoluent, en raisonde l’histoire de la première moitié duXXe siècle, les dires et l’action d’undes successeurs des empereurs des let-tres et conducteurs d’idées, Voltaire,Victor Hugo, AnatoleFrance ; d’un humanistequi présente bien destraits communs avec lesillustres créateurs, intel-lectuels et penseurs dontil a écrit la biographie :Michel Ange, Haendel,Goethe,Tolstoï,Beethoven(outre une Vie deBeethoven, publiée en1903, il rédige, entre1928 et 1945, un essai ensept volumes, Beethoven,les grandes époquescréatrices), Gandhi,Péguy.

Son chef d’œuvre, c’estd’abord sa vie. Né àClamecy en 1866, devenu universitairepar l’École Normale Supérieure,l’École française d’archéologie deRome et des études de musicologie – ilenseignera l’histoire de l’art à l’ENS,puis l’histoire de la musique à laSorbonne – ; Prix Nobel en 1916 ;défenseur de la civilisation contre laguerre (Au-dessus de la mêlée, 1915) ;puis militant révolutionnaire, lançantde Suisse ses messages de justice et defraternité ; en relation épistolaire avecles plus grands esprits, Tolstoï, Gorki,Gandhi, Richard Strauss, Rilke, Hesse,Zweig, Freud, Einstein, Tagore ; mili-tant contre le fascisme et le nazismequi menacent la paix dans le monde ; ilse retire ultimement à Vézelay en 1937où l’occupant allemand n’osel’inquiéter, pour y mourir en 1944 dansune sorte de recueillement mystique.

Dans la première partie de sa vie,comme en réaction au milieu de lahaute bourgeoisie intellectuelle juiveparisienne dans lequel il est entré parson mariage avec Clotilde Bréal, filled’un professeur renommé de philolo-gie classique au Collège de France,fondateur de la sémantique, il veillejalousement sur sa propre indépendan-ce d’esprit. En pleine affaire Dreyfus,il refuse toute pression de ses amisdreyfusards. Ma répugnance àm’associer [aux Juifs] fit que jem’obstinai à rester en dehors de cettebataille impure, écrit-il dans l’un deses Carnets. Pourtant, quand, dans sapièce Les Loups, où il transposel’affaire à l’époque de la Révolutionfrançaise, il prétend conserver sonimpartialité, les partisans du capitaineapplaudissent à la pièce et, à son corpsdéfendant, voient en lui l’un des leurs.Dans son roman-fleuve – expressiondont il est l’inventeur – rédigé entre1903 et 1912 – Jean-Christophe, cycle

romanesque en dix volumes qui cons-titue un appel à l’entente entre lesnations, les Juifs sont très présents.

Romain Rolland ne répugne pas auxportraits qui, sous une autre plume quela sienne, seraient reçus comme desclichés antisémites. Telle cette des-cription de Franz Mannheim, jeuneJuif admirateur de la musique de Jean-Christophe : Il avait les cheveux noirset bouclés, de beaux yeux intelligents,un nez assez volumineux, qui, arrivéprès du bout, ne pouvait se décider àaller ni à droite ni à gauche, et plutôt

que d’aller tout droit,allait des deux côtés à lafois, les lèvres grosses, etune physionomie spiri-tuelle et mobile. Ou leportrait de Judith, lasœur de Franz : On sen-tait en elle une forterace, et, dans le moulede cette race, jetésconfusément, des élé-ments multiples, dispa-rates, de très beaux et detrès vulgaires. […] Il eûtfallu être plus habituéque Christophe à cesyeux, qui sont ceux d’unerace plus que d’un indi-vidu, pour lire sous leurvoile humide et ardent

l’âme réelle de la femme qui étaitdevant lui. C’était l’âme du peupled’Israël qu’il découvrait dans ces yeuxbrûlants et mornes.Mais on se rend compte très vite queces portraits sont un procédéd’écrivain, d’autant que, après eux, ildécrit des comportements et, par lebiais de son personnage, s’en distan-cie. Le grand-père de Jean-Christophen’aimait pas les Juifs, mais ce profes-seur de musique finissait par embras-ser ses deux meilleurs élèves juifs ;son père avait moins de scrupules àprendre l’argent des Juifs ; et il trou-vait même cela très bien ; mais il fai-sait d’eux des gorges chaudes, et il lesméprisait. Jean-Christophe, lui n’avaitaucun de ces préjugés. Et RomainRolland d’accuser les antisémitesfrançais de faire une mauvaise actionet une sottise, en décourageant parleurs soupçons injurieux les senti-ments français des Juifs établis enFrance. En dehors des raisons qui fontque toute famille s’attache nécessaire-ment, au bout d’une ou deux généra-tions, au sol où elle s’est fixée, lesJuifs ont des raisons spéciales d’aimerle peuple qui représente en Occidentles idées les plus avancées de libertéintellectuelle. Ils l’aiment d’autantplus qu’ils ont contribué à le faireainsi, depuis cent ans, et que cetteliberté est en partie leur œuvre.Comment donc ne la défendraient-ilspas contre les menaces de toute réac-tion féodale ? C’est faire le jeu del’ennemi, que tâcher – comme le vou-draient une bande de fous criminels, –de briser les liens qui attachent à laFrance ces Français d’adoption. .../...* Antoinette Blum, Romain Roland et laquestion juive, in Romain Roland,“EUROPE” n° 942, oct. 2007

(Suite au prochain numéro)

Portrait de Romain ROLLAND (Paris, 1938)par Masereel, Frans.

(1889 Blankenberghe - 1971 Avignon)

l’AIPAC » qui fait avec « des alliésencombrants ».L’antisémitisme, donnée permanen-te de la politique nord-américainejusque dans les années 1960, a recu-lé nous dit Kaspi ; on s’en félicite ;on se félicite beaucoup moins desavoir que c’est largement dû auglissement à droite (pas nécessaire-ment traduisible en termes de choixpartisan) d’une partie non négligea-

ble des « JuifsAméricains » ; c’est là sem-ble-t-il, une sorte de condition tacite pour« l’assimilation », qui ne gêne aucunementnotre auteur.Les « Juifs Américains », nous dit-il, sontbeaucoup moins qu’auparavant des sou-tiens indéfectibles de la politique israélien-ne ; il ne s’en félicite nullement ; en cela ilest conséquent avec son point de vue poli-tique ; quant à savoir si la tendance inver-se serait un aliment de l’antisémitisme,n’est pas la préoccupation d’André Kaspi.De même, les Juifs Américains« s’américanisent » ; voilà pour notreauteur « un danger de dilution d’identité » .C’est que pour Kaspi, il y a une parentéentre le « sionisme militant » et la démo-cratie nord-américaine ; pour les organisa-tions juives américaines aussi ; tout reculdu premier menacerait l’autre ; que le sio-nisme sous sa forme prosélyte puisse êtreun aliment d’antisémitisme ne préoccupeni l’un ni les autres. Que cela prouve que le« lobby juif » ne peut prétendre à la repré-sentation de la collectivité des « JuifsAméricains » est pour notre auteur un sujetde préoccupation implicite.On est donc en droit de se poser la ques-tion : peut–on aujourd’hui attaquer defaçon convaincante l’antisémitisme enpactisant avec les représentations idéolo-giques qui l’alimentent ?Plus généralement, est-il possible de pré-tendre lutter contre l’antisémitisme etd’être à ce point indifférent au sort dumonde ?Peut-on ne rien voir de la tragédie quis’accumule au Proche-Orient (à l’époque oùle livre fut écrit, on ne parlait pas de Gaza ; onn’en fera pas reproche à l’auteur) et desresponsabilités écrasantes des dirigeantsnord-américains et israéliens tout en pré-tendant lutter contre l’antisémitisme ?A ces questions qui doivent hanter touthumaniste, la réponse apportée parl’auteur est OUI. C’est dramatique.�

LES JUIFS AMÉRICAINS par AndréKASPI (Plon), critique d’ouvrage

Le livre dont nous allonsparler comporte un doubletitre ; celui déjà indiqué et,

en bandeau : Ont-ils réellementle pouvoir qu’on leur prête ?D’une part une étude socio-histo-rique, d’autre part une réponse àdes clichés antisémites.Sur le premier des deux plans, l’auteur,historien réputé des Etats–Unisd’Amérique, livre une mine de donnéesfouillées et de mises en relation toutesintéressantes dont beaucoup sont nova-trices. Sur le plan socio-historique,l’ouvrage constitue et restera une réfé-rence sur la collectivité humaine qu’ilappelle LES JUIFS AMÉRICAINS ; inversioncaractéristique : pas les AMÉRICAINSJUIFS ; reprend-il là à son corps défendantune façon de voir qu’il critique parailleurs ou se plonge-t-il volontairementdans la conception Nord-américaine des« communautés » ? On ne sait.L’autre aspect est infiniment plus problé-matique et c’est sur ce point que ma cri-tique portera. On ne peut ici être aussidétaillé que nécessaire.L’auteur ne fait pas mystère de sa profon-de sympathie pour la civilisation nord-américaine ; il le fait clairement en tentantde relier son approche à celle d’Alexis deTocqueville revenu à la mode dans le débatfranco-français ; pour ce dernier, la démo-cratie n’est pas une création continue, c’estun état diffusant inéluctable ; c’est le pointoméga de toute société auquel selon lui, lasociété Nord–américaine est déjà parve-nue en son principe ; Tocqueville ne faitpas qu’ignorer les luttes de tout ordre, ilvoudrait les reléguer à une sorte de phasebarbare de la civilisation humaine ; maisce qui est concevable en 1835 l’est beau-coup moins en 2009 ; André Kaspil’ignore superbement ; Capitalisme ? motquasi ignoré. L’important selon lui est desavoir comment et si la « richesse »,l’accès aux biens matériels, l’ascensionsociale diffusent ou non. On dira :l’objet n’est pas l’étude du capitalismeaméricain. Or, on ne peut prétendre étudierla collectivité des « juifs américains » sansparler de la stratégie nord-américaine deleadership dans les affaires mondiales.Seront ainsi exclusivement étudiés les rap-ports de la collectivité en question avec lapolitique israélienne ; il n’est pas difficilede démontrer que le cliché de la toute-puis-sance du « lobby juif », lequel est parailleurs un mode d’expression politiquelégal reconnu aux Etats-Unis, est grossiè-rement faux. La question de savoir si « lelobby juif » est utilisé au gré des objectifsstratégico-politiques de la classe dominan-te n’est pas vraiment posée. André Kaspine peut être passé à côté de la question ; ilpréfère l’éluder, courant ainsi deux liè-vres : tordre le coup aux idées toutes faitesempreintes d’antisémitisme et glorifier lasociété nord-américaine. Quelque part,c’est chose impossible.La chose atteint son apogée sur plusieurspoints : lorsqueA. Kaspi parle des « étran-ges » alliés que sont les « chrétiens sionis-tes » des Etats-Unis qui ont envahil’administration de Georges Bush, il est àla fois préoccupé et indulgent ; il a bienconscience que ce compagnonnage ultranourrit l’antisémitisme comme aucunautre carburant, de l’autre il considère avecphilosophie l’attitude « pragmatique de

SPECTACLE ALPHABÉTIQUE

Vendredi 27 & samedi28 mars à 21h

Dimanche 29 marsà 17h30

Dans un castelet évoquant unthéâtre portatif, un déroulantd'images sert de fil conducteur àune suite de contes, blagues,chansons et paraboles sur lethème des lettres hébraïques,des mots, de la mémoire, qui

s'entrelacent le temps d'une ballade fluviale.Le Marchand de temps - c’est le héros - posedes questions simples mais fondamentales,des contes malicieux mais profonds lui répon-dent, les lettres de l'Aleph-Beit, de l'Alpha-Betfont la ronde pour s'inscrire au livre de l'oralité.Théâtre de la Vieille Grille - Paris 5° -M° Place Monge - Réservation : http://vieille.grille.free.fr ou tél : 01 47 07 22 11

Anne Quesemand (texte, accordéon)Laurent Berman (dessins, bugle)

Yannick Thépault (clarinette)La Fiancée d’Aleph (Ed. Alternatives)

Page 8: La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009

8 P.N.M. FÉV./MARS 2009

Ils ont résisté !par Nina Kehayan

Elle s’appelait Tauba (et Thérèseen français), c’était une Lerner,née en Bessarabie, à Calarasi,

bourgade qui appartenait à laRoumanie l’année où son père a décla-ré sa naissance, soit en 1908 (maisl’histoire orale familiale affirmequ’elle est née en 1905, année dugrand pogrom de Kichinev). Sesparents étaient des juifs pieux, si pau-vres que tous les enfants n’ont pu allerà l’école. Et Tauba a appris auprès deses sœurs et amies plus chan-ceuses à lire et écrire, en yid-dish, et en russe. Une de sessœurs, Fania, sa préférée, afait de la prison dans laRoumanie fasciste des annéesvingt, à cause de son engage-ment dans les mouvementscommunistes inspirés de larévolution bolchévique.Tauba a fui la misère au milieudes années vingt pour émigreren Allemagne, puis enBelgique, d’où elle a étéexpulsée au début des années30 à cause de ses activitésmilitantes au sein de la KulturLiga, organisation qui réunis-sait essentiellement des émi-grés juifs d’Europe centrale etqui était proche du Parti com-muniste belge. C’est de Belgiquequ’elle a gagné la France.Clandestinement. Sans papiers.Elle avait connu à Liège un autreimmigré, Moysze Grojnowski (Michelen France, Monikowski dans ses acti-vités à l’UJRE, la CCE et la Naïe presseet Presse Nouvelle), qui la courtisait.Moysze est né en 1906, à Radziejow,petite commune polonaise desKujawie, alors proche de la frontièreallemande, dans une famille juivemodeste, qui respectait la tradition etla religion, mais n’était pas très pieuse.Il a fait des études jusqu’à l’âge dedouze ans, où, en raison du décès deson père, il a commencé à travaillercomme apprenti chez un tailleur.En 1919, il assiste à sa première réu-nion illégale : un petit groupe s’estréuni autour d’un soldat juif rentré deRussie et qui leur raconte avec enthou-siasme la Révolution russe.Quelques années plus tard, Moysze,qui a déménagé avec sa famille àWloclawek, adhère au syndicat del’habillement. Puis, à l’instar de Louis,son frère aîné, il adhère aux JeunessesCommunistes, où Louis milite déjà.En 1928, pour échapper aux difficultéséconomiques croissantes, mais aussiaux menaces qui planent sur les mili-tants, il décide de quitter la Pologne.C’est ainsi qu’il s’installe en Belgique,à Anvers, puis à Liège, où son frèreLouis le rejoindra peu de temps après,et où ils poursuivront leurs activitésmilitantes au sein de la Kultur Liga.À partir des années trente, Tauba,Moysze et Louis vivent à Paris où ilsmilitent activement dans des organisa-tions juives, syndicales ainsi qu’auparti communiste. Moysze prend unepart active à la naissance de la NaïePresse en janvier 1934.À cette époque, il partage sa vie avec

nés jusqu’en Ukraine, il servirad’interprète, en russe, entre ses cama-rades prisonniers et les militairessoviétiques.Deux événements m’ont frappée dansson récit sur cette période : à l’été1942, une lettre de sa mère lui est par-venue, dans une enveloppe portant letampon du ghetto de Varsovie, ce quisupposait que plusieurs allemandsayant eu cette enveloppe entre lesmains, avaient fermé les yeux. Ce fut

la dernière fois qu’il eut desnouvelles de sa mère, qui, avecsa fille Berthe et son petit-fils,fut par la suite déportée aucamp d’extermination deTreblinka d’où ils ne revinrentpas. Moysze racontait aussiqu’au printemps 43, unPolonais du village où il tra-vaillait et avec qui il avait tisséquelques liens, lui dit aprèsavoir bu plus que de raison :« Vous êtes juif, n’est-cepas ? » , et Moysze de répon-dre : « On voit bien que vousavez bu ». On en resta là.Résister, de toutes les manièrespossibles...Pendant ce temps, Tauba a lais-sé Daniel chez les paysans dela Sarthe. Elle rentre à Paris, et

s’engage dans la M.O.I., devenantagent de liaison d’Adam Rayski, sousle nom de Georgette (nom qui chan-gea, je crois, à plusieurs reprises). Desannées d’angoisse, de ruse, les filatu-res, les fuites, les errances d’uneplanque à l’autre. Années de solitude,aussi, malgré les camarades. Résisterà l’occupant. À la peur, aussi… Maisavant tout le courage – qu’elle nom-mera inconscience – et le sens del’engagement. Peut-être l’intuition, oul’espoir, que la clandestinité la proté-gerait mieux que le port de l’étoile.Lorsqu’une vague d’arrestationss’abat sur le réseau, Tauba a rendez-vous avec Rayski. Elle ignore tout desévénements, se rend au rendez-vous,et là Rayski, sans s’arrêter, la croise etlui murmure simplement « Fousl’camp ! ». Il l’a sauvée.À l’été 45, Tauba et Moysze se sontretrouvés. Je suis née au printemps 46.Dans une famille presque totalementdisparue dans les camps de la mort, ousous les balles des einsatzgruppen.Sont restés en vie deux sœurs de mamère, en Moldavie soviétique, sonfrère qui avait émigré aux USA avantla guerre, mon oncle LouisGrojnowski-Brunot, qui avait été undes dirigeants de la M.O.I., sa femmeLili Berger, engagée dans la résistanceau sein du MNCR** et la sœur de celle-ci, Jeanne List-Pakine, engagée dansla M.O.I., où elle était en quelque sorteintendante, chargée notamment detrouver les planques. Son mari, LéonPakine, qui avait participé à la créa-tion du détachement juif des F.T.P. dela M.O.I. à Paris, a été fusillé par lesAllemands en 1942.Les récits de résistants ont bercé monenfance. Mais il a fallu que j’attendel’âge adulte pour que ma mère, encou-ragée par Olivier, l’aîné de ses petits-

enfants, raconte enfin ce qu’elle avaitvécu pendant la guerre. Arrivée enFrance sans papiers, elle n’a jamais puproduire ceux qui étaient nécessaires àl’obtention d’une carte de résistante.Lorsque j’interrogeais mes parents surles raisons de leur engagement pen-dant la guerre, ils semblaient surpris :cet engagement relevait pour euxd’une évidence. Il fallait résister àceux qui envahissaient la France, leurnouvelle patrie, même si Moyszen’était pas encore français à cetteépoque (Tauba était devenue françaiseavant la guerre grâce à un mariageblanc). Il fallait résister au fascisme, àl’antisémitisme, et à toute forme deracisme.Je suis née le 19 avril : chacun de mesanniversaires était marqué par la com-mémoration de l’insurrection du ghet-to de Varsovie. Résister… �

* Autobiographie non publiée, à usage familial** Mouvement National Contre leRacisme (NDLR cf. PNM n° 262 (01-02/09)de Sylvain Goldstein, Du MNCR au MRAP)

NDLR : Nina Kehayan, enseignante, tra-ductrice, auteure, est la fille de Moysze etde Tauba Grojnowski.

Lire aussi l’article d’Adam Rayski, En sou-venir de Tauba (Georgette) Grojnowski,dans la PNM n° 222 de janvier 2005

Tauba, luttant ensemble contre la pau-vreté et consacrant leur temps libre àleur engagement politique et syndicalau sein des organisations juives.En 1936 naît leur fils Daniel.En 1938, Moysze devient secrétairegénéral de l’Union des Sociétés Juivesde France.En septembre 1939, après l’invasionde la Pologne par l’armée allemande,avec des milliers d’autres juifs immi-grés, il s’engage comme volontaire

dans l’armée française. Tauba etDaniel ont été évacués à la campagne,dans la Sarthe. En décembre, Moyszeest mobilisé. En juin 1940 il est faitprisonnier dans la Somme avec toutson régiment ; avec lui, cinq de sescamarades de Paris (dont Koenig-Gromb et Isy Blum). Envoyé enAllemagne, il passera le reste de laguerre en Prusse orientale, au servicede fermiers allemands. Dans ses sou-venirs, il raconte leur arrivée dans unpremier camp : « Le surlendemain denotre arrivée, on nous dit que nousdevions nous faire enregistrer sur deslistes établies par des Français sous lasurveillance des militaires allemands.Nous décidons entre nous de ne pasêtre parmi les premiers, afin de savoirce qu’ils demandent. Nous apprenonsqu’il faut donner ses nom, prénom,adresse en France, nationalité et reli-gion. Nous nous consultons et tom-bons d’accord pour nous déclarer tousles cinq de nationalité française, bienque n’étant pas encore naturalisés.Concernant la religion, nous étionspartagés. Trois d’entre nous voulaientse déclarer sans religion, les deux au-tres de confession juive. Après discus-sion, nous avons pris la décision com-mune de ne pas nous déclarer juifs.Bien nous en a pris… Quand mon tourest venu, j’ai déclaré avec aplomb quej’étais français et sans religion.. Lesoldat allemand ne comprenait pas lefrançais, mais le Français qui servaitde scribouillard a sans doute biencompris que je n’étais pas français, demême que la mention «sans religion»a dû lui paraître suspecte »*Résister…Durant sa captivité, Moysze qui parlebien allemand sert d’interprète pourses camarades de régiment. Quand ilsseront libérés par l’Armée rouge, ame-

Itinéraire

De gauche à droite : Moysze, Louis, leur mère Léa de passage à Paris et TaubaEntre Moysze et Louis, Daniel, fils de Tauba et Moysze

© Photo d’archive familiale, 1937

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Ce CD live, enregistré à l'EspaceJemmapes, reproduit une partie du spec-tacle donné en 2004 et 2005 par ClaudeLiberman et intituléDona, dona, voyagemusical, en français, dans l'imaginaireyiddish ; spectacle qui continue à tourneret a accueilli plus de 1 500 spectateursau Festival d'Avignon Off 2007.Claude Liberman, ancienne de la CCE,auteure, compositrice, a d’abord décou-vert par les traductions françaises les oeu-vres marquantes de la littérature yiddishpuis les chansons du folklore. Puis elle aressenti la nécessité de traduire elle-même plusieurs chansons du répertoireafin de pouvoir partager ses émotionsavec le public le plus large : le monde juif,bien sûr, où le plus souvent, et maintenantà regret, on a laissé s'éteindre la langueavec la disparition du dernier parent qui laparlait, mais également le public de toutesorigines et générations confondues,curieux, ouvert, généreux, avide de"s'approprier le monde", qui se délecte ets'enrichit de la diversité des cultures.Nos lecteurs peuvent se procurer ce CDen écrivant au journal (joindre chèque de18,50 € - 14 euros + 4,50 € de port parcourrier suivi - à l'ordre deMme. ClaudeLiberman ou via Internet en écrivant à

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