La pisciculture dans l’État indépendant du Congo et au...

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La pisciculture dans l’État indépendant du Congo et au Congo belge Dans un pays où l’eau est omniprésente comme dans le bassin du Congo, les populations locales pratiquaient la pêche depuis des temps immémoriaux, connaissaient les principaux poissons et certaines techniques de conservation. Mais les résultats de la pêche en rivière ou en mer sont parfois saisonniers et souvent aléatoires. Il était donc logique que les expatriés imaginent très tôt l’utilisation d’étangs en eau saumâtre ou en eau douce et qu’ils fassent profiter les autochtones de leurs connaissances en la matière et des applications faites dans d’autres colonies. Encore fallait -il connaître au préalable les meilleures espèces de poisson en ce qui regarde la croissance rapide et la valeur nutritive, ainsi que les produits locaux pouvant être utilisés comme nourriture complémentaire des poissons. . C’est dans les écoles normales qu’on peut observer les premières formations à la construction d’étangs et à l’empoissonnement de ceux-ci, comme le montre la photo suivante prise à l’école normale de Thielen Saint Jacques dans le territoire de Kanda- Kanda. Dès l’État Indépendant du Congo, G.A Boulanger s’intéressera aux poissons des différentes rivières et publiera les résultats de ses découvertes entre 1898 et 1920. Différentes expéditions scientifiques seront organisées ( Dr. Ansorge en 1912 au Bas Congo, Dr. Christy en 1920 et Dr. Schouteden en 1928). M. Poll étudiera les poissons des rivières du Katanga en 1933, ceux du Stanley Pool en 1939 et du Lac Tanganyika en 1948. Conservateur au Musée de Tervueren jusqu’au début des années septante, il sera un des artisans des collections de poissons du Musée et publiera plusieurs ouvrages dans les collections du Musée d’Histoire naturelle. D’autres chercheurs s’intéresseront à la distribution des eaux superficielles (E-J Devroey en 1951). Les travaux des quelques grands spécialistes de la pisciculture congolaise étaient suivis et adaptés dans toutes les provinces et une Conférence piscicole anglo-belge s’est tenue à Élisabethville du 13 au 18 juin 1949, laquelle a fait l’objet d’une publication importante comportant 354 pages et de nombreuses illustrations. Plus ieurs missions piscicoles ont également été organisées et ont fait l’objet de rapports notamment celui de M. Huet (Dix années de pisciculture au Congo belge et au Ruanda-Urundi , 1957, 154 pages et 110 figures). A.-F. De Bont, un autre grand spécialiste belge de la pisciculture à la colonie a publié plus de 400 pages sur ce sujet, dont un livre important sous le titre : La construction d’étangs de pisciculture au Congo belge, 120 p et 38 figures. Il convient aussi de citer les spécialistes suivants qui ont participé à la mise en place de ces techniques : A. Hulot spécialiste de l’alimentation des poissons en étangs ; C. Halain dans le territoire de la Tshopo-Lomami ; V. Deceuninck au Bas-Congo ; Y. Mathieu dans le Bas-Uélé ; J.T. Spaas dans le Haut Katanga et R. Gruber, le spécialiste de l’Hemichromis fasciatus. L’INEAC, fondée en 1933 s’était également intéressée à la pisciculture et son intérêt fut d’autant plus grand qu’elle reprit la station katangaise de La Kipopo, institut de recherche piscicole. Pour être tout à fait pertinent, il faut citer également le livre de M. Poll sur Les genres des poissons d’eaux douces d’Afrique, 191 pages, très illustré et indispensable pour reconnaître les principaux poissons sur le terrain. Des compagnies privées et des écoles se sont également investies dans la construction d’étangs de pisciculture. Avant l’indépendance, le développement de la pisciculture a été particulièrement poussé dans la colonie, pour pallier dans une certaine mesure au manque de protéines animales observé dans certains milieux coutumiers. Le nombre d’étangs créés dans les régions rurales a atteint plusieurs milliers d’exemplaires de toutes les surfaces. Le Service piscicole de la colonie, tout en développant la pisciculture en milieu indigène, a établi 69 centres d’alevinage indispensables pour la mise en charge des nouveaux étangs. Le but de ces centres d’alevinage est d’assurer la production d’alevins sélectionnés dans des souches particulièrement productives et celui de la propagande agricole est d’encourager les paysans à établir des viviers individuels de faible superficie (1 à 1,5 ares), mais aussi d’introduire des techniques particulières comme la rizipisciculture. La carte suivante montre les implantations des Centres d’alevinage, particulièrement nombreux au Katanga et dans la province orientale et qui servent, en même temps, d’endroits où les paysans peuvent trouver des conseils.

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La pisciculture dans l’État indépendant du Congo et au Congo belge

Dans un pays où l’eau est omniprésente comme dans le bassin du Congo, les populations locales pratiquaient la pêche

depuis des temps immémoriaux, connaissaient les principaux poissons et certaines techniques de conservation. Mais les

résultats de la pêche en rivière ou en mer sont parfois saisonniers et souvent aléatoires. Il était donc logique que les

expatriés imaginent très tôt l’utilisation d’étangs en eau saumâtre ou en eau douce et qu’ils fassent profiter les autochtones

de leurs connaissances en la matière et des applications faites dans d’autres colonies. Encore fallait-il connaître au

préalable les meilleures espèces de poisson en ce qui regarde la croissance rapide et la valeur nutritive, ainsi que les

produits locaux pouvant être utilisés comme nourriture complémentaire des poissons.

.

C’est dans les écoles normales qu’on peut observer

les premières formations à la construction d’étangs

et à l’empoissonnement de ceux-ci, comme le

montre la photo suivante prise à l’école normale de

Thielen Saint Jacques dans le territoire de Kanda-

Kanda.

Dès l’État Indépendant du Congo, G.A Boulanger s’intéressera aux poissons des différentes rivières et publiera les

résultats de ses découvertes entre 1898 et 1920. Différentes expéditions scientifiques seront organisées (Dr. Ansorge en

1912 au Bas Congo, Dr. Christy en 1920 et Dr. Schouteden en 1928). M. Poll étudiera les poissons des rivières du

Katanga en 1933, ceux du Stanley Pool en 1939 et du Lac Tanganyika en 1948. Conservateur au Musée de Tervueren

jusqu’au début des années septante, il sera un des artisans des collections de poissons du Musée et publiera plusieurs

ouvrages dans les collections du Musée d’Histoire naturelle. D’autres chercheurs s’intéresseront à la distribution des eaux

superficielles (E-J Devroey en 1951). Les travaux des quelques grands spécialistes de la pisciculture congolaise étaient suivis et adaptés dans toutes les

provinces et une Conférence piscicole anglo-belge s’est tenue à Élisabethville du 13 au 18 juin 1949, laquelle a fait

l’objet d’une publication importante comportant 354 pages et de nombreuses illustrations. Plusieurs missions piscicoles

ont également été organisées et ont fait l’objet de rapports notamment celui de M. Huet (Dix années de pisciculture au

Congo belge et au Ruanda-Urundi , 1957, 154 pages et 110 figures). A.-F. De Bont, un autre grand spécialiste belge de

la pisciculture à la colonie a publié plus de 400 pages sur ce sujet, dont un livre important sous le titre : La construction

d’étangs de pisciculture au Congo belge, 120 p et 38 figures. Il convient aussi de citer les spécialistes suivants qui ont

participé à la mise en place de ces techniques : A. Hulot spécialiste de l’alimentation des poissons en étangs ; C. Halain

dans le territoire de la Tshopo-Lomami ; V. Deceuninck au Bas-Congo ; Y. Mathieu dans le Bas-Uélé ; J.T. Spaas dans

le Haut Katanga et R. Gruber, le spécialiste de l’Hemichromis fasciatus. L’INEAC, fondée en 1933 s’était également intéressée à la pisciculture et son intérêt fut d’autant plus grand qu’elle reprit

la station katangaise de La Kipopo, institut de recherche piscicole. Pour être tout à fait pertinent, il faut citer également le

livre de M. Poll sur Les genres des poissons d’eaux douces d’Afrique, 191 pages, très illustré et indispensable pour

reconnaître les principaux poissons sur le terrain. Des compagnies privées et des écoles se sont également investies dans la construction d’étangs de pisciculture. Avant l’indépendance, le développement de la pisciculture a été particulièrement poussé dans la colonie, pour pallier dans une certaine mesure au manque de protéines animales observé dans certains milieux coutumiers. Le nombre d’étangs créés dans les régions rurales a atteint plusieurs milliers d’exemplaires de toutes les surfaces. Le Service piscicole de la colonie, tout en développant la pisciculture en milieu indigène, a établi 69 centres d’alevinage indispensables pour la mise en charge des nouveaux étangs. Le but de ces centres d’alevinage est d’assurer la production d’alevins sélectionnés dans des souches particulièrement productives et celui de la propagande agricole est d’encourager les paysans à établir des viviers individuels de faible superficie (1 à 1,5 ares), mais aussi d’introduire des techniques particulières comme la rizipisciculture. La carte suivante montre les implantations des Centres d’alevinage, particulièrement nombreux au Katanga et dans la province orientale et qui servent, en même temps, d’endroits où les paysans peuvent trouver des conseils.

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Carte des centres d’alevinage en 1960.

Etangs du centre piscicole de Mauwzi (Thysville)

Etangs d’alevinage à Sentery (Cotonco)

Vidange des étangs de Sentery (Cotonco)

Résultat de la vidange des étangs de Sentery (Cotonco)

Récolte à la sortie de l’étang. Les filets sont secoués pour Que les petits poissons passent à travers les mailles du filet. (Ferme Bussche, ELAKAT Katanga.

Centre d’alevinage de Nyakabera au Kivu.

Vue du poste et du déversoir (La Kipopo)

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Moine et déversoir du lac de 35 hectares (La Kipopo)

Vue générale du poste, étang de 20 ares (La Kipopo)

Dispositif d’alimentation des étangs (La Kipopo)

F.B.I. Centre d’alevinage de Gene Gene Province Orientale

F.B.I. Centre d’alevinage de Gene Gene Province Orientale

Luisa Kasai 1918. Etang d’alevinage

Luisa Kasai 1918. Etang d’alevinage

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C.A.P. Nyakabera. Etang de 1

er alevinage

C.A.P. Nyakabera Kivu. Nid de poisson.

C.A.P. Nyakabera Kivu.

C.A.P. Nyakabera Kivu.

F.B.I. Centre d’alevinage de Gene Gene. Province Orientale

Bassin d’alevinage La Kipopo. 1953

Etang de production Ndumba

Etang d’alevinage 1. Ndumba

Etang d’alevinage 2. Ndumba

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Il existe une seule monographie piscicole d’une province congolaise (125 pages) réalisée, pour la province orientale, pat l’ingénieur agronome principal P. Depasse et publiée intégralement dans le Bulletin agricole du Congo belge n°4 de 1956. Il y parle entre autres de la productivité des étangs et e leur rentabilité. La meilleure production pour le Congo fut réalisée à la ferme Bussche au Katanga (9,291 tonnes à l’hectare). Dans la province orientale, la meilleure production (3,500 tonnes à l’hectare) fut atteinte à Niokolo-Aketi avec un nourrissage des poissons au son de riz. Sans nourrissage, on atteint à peine une tonne à Mahagi. Pour l’ensemble de la province :

- 11 % des étangs ont eu une production comprise entre 0 et 100 Kg/ha/année ; - 49 % des étangs ont eu une production comprise entre 101 et 500 Kg//ha/année ; - 30 % des étangs ont eu une production comprise entre 501 et 1000 Kg/ha/année ; - 9 % des étangs ont eu une production comprise entre 1001 et 2000 Kg/ha/année ; - 1 % des étangs ont eu une production supérieure à 2000 Kg/ha/année.

En milieu coutumier on préconise de petits étangs rustiques peu coûteux, des courtes mises en charge, une charge maximum et du nourrissage abondant (feuilles de manioc, de patates douces ou de colocases) . On recommande aussi d’intégrer la pisciculture dabs des pratiques agricoles (culture du riz, du maïs).

Petites digues en fond de vallée pour réaliser la rotation maïs-poisson. Territoire de Djugu, région de Blukwa.

Culture de riz dans un étang en assec. Etang de la Belgika à Bengamisa. Territoire de Banalia. On ne plante pas les endroits peu profonds et le riz est progressivement submergé.