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La Physiologie du Sommeil I- Les problèmes de définition Comment définir le sommeil ? Le sommeil correspond à un état physiologique connu par tous à travers son vécu personnel mais dont la définition précise se heurte à bien des difficultés. Vincent dans son article «La physiologie du sommeil (1979)» définit le sommeil comme «une perte naturelle réversible et plus ou moins complète des rapports sensitivo-moteurs avec l’extérieur», mais il considère cette définition comme incomplète. Tobler recense au moins 6 critères pour dire qu’un animal dort: - l’animal dort dans un endroit particulier - il adopte une posture typique, - il est dans un état de repos physique, - son seuil de réveil est élevé, - il passe rapidement de la veille au sommeil -la privation de sommeil pendant suffisamment longtemps entraîne une récupération de sommeil. Le sommeil ainsi caractérisé est à la fois un état et un comportement. Comment définir la physiologie du sommeil ? Cette physiologie peut s'envisager selon 3 points de vue: - Comment dort-on ? La physiologie du sommeil correspond à la physiologie de la vigilance, et consiste à étudier les structures nerveuses impliquées dans les différents états de vigilance. - Comment est-on quand on dort ? La physiologie du sommeil correspond à la physiologie dans un état de sommeil donné. - Comment s’effectuent les transitions entre les différents états de vigilance? La physiologie du sommeil s’insère dans un processus dynamique (le rythme veille sommeil) et fait donc partie de la physiologie des rythmes biologiques.

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La Physiologie du Sommeil

I- Les problèmes de définition Comment définir le sommeil ? Le sommeil correspond à un état physiologique connu par tous à travers son vécu personnel mais

dont la définition précise se heurte à bien des difficultés. Vincent dans son article «La physiologie

du sommeil (1979)» définit le sommeil comme «une perte naturelle réversible et plus ou moins

complète des rapports sensitivo-moteurs avec l’extérieur», mais il considère cette définition

comme incomplète. Tobler recense au moins 6 critères pour dire qu’un animal dort:

- l’animal dort dans un endroit particulier

- il adopte une posture typique,

- il est dans un état de repos physique,

- son seuil de réveil est élevé,

- il passe rapidement de la veille au sommeil

-la privation de sommeil pendant suffisamment longtemps entraîne une récupération de

sommeil.

Le sommeil ainsi caractérisé est à la fois un état et un comportement.

Comment définir la physiologie du sommeil ? Cette physiologie peut s'envisager selon 3 points de vue:

- Comment dort-on ? La physiologie du sommeil correspond à la physiologie de la vigilance, et

consiste à étudier les structures nerveuses impliquées dans les différents états de vigilance.

- Comment est-on quand on dort ? La physiologie du sommeil correspond à la physiologie dans un

état de sommeil donné.

- Comment s’effectuent les transitions entre les différents états de vigilance? La physiologie du

sommeil s’insère dans un processus dynamique (le rythme veille sommeil) et fait donc partie de la

physiologie des rythmes biologiques.

II- Description des différents états de vigilance chez les mammifères

Grâce à l’observation comportementale et aux enregistrements électrophysiologiques de l’activité

électrique cérébrale (EEG: électroencéphalogramme), des muscles posturaux (EMG:

électromyogramme) et des mouvements des yeux (EOG: électro-oculogramme), trois états de

vigilance ont pu être définis:

- la veille avec une activité électrique cérébrale rapide et une interaction avec

l’environnement

- le sommeil lent (SL) avec une activité électrique cérébrale lente et une absence d’interaction

avec l’environnement,

- le sommeil paradoxal (SP) avec une activité électrique cérébrale rapide et une absence

d’interaction avec l’environnement. Cet état présente 2 autres caractéristiques: une atonie posturale

et des mouvements oculaires rapides, organisés en bouffées.

III- Physiologie des différents états de vigilance

Cette physiologie s’est d’abord attachée à comprendre les mécanismes de la veille, considérant le

sommeil comme un phénomène purement passif. Puis, du fait de la découverte du sommeil

paradoxal, le sommeil a été considéré comme un phénomène actif. Le sommeil a un effet sur la

consolidation mnésique.

3. 1- Les structures impliquées: elles sont localisées au niveau du tronc cérébral et de

l’hypothalamus

Figure 1: Les systèmes de contrôle de la veille et du sommeil par le tronc cérébral. La section 1

constitue la préparation cerveau isolé. La section 2 constitue la préparation encéphale isolé.

Très tôt, il a été démontré que les structures impliquées dans la physiologie des différents états de

vigilance siégeaient au niveau du tronc cérébral et de l’hypothalamus :

- Von Economo (1917) en étudiant les lésions de sujets décédés d’une encéphalite virale

caractérisée par une somnolence excessive ou une insomnie montre que les lésions

responsables de cette altération de la vigilance siégent au niveau de l’hypothalamus

postérieur (somnolence) ou antérieur (insomnie).

- Bremer (1937) réalise des sections étagées du tronc cérébral, et montre que la section

haute du tronc cérébral au niveau de la jonction mésencephalo-diencéphalique

(préparation dite cerveau isolé), détermine un état de sommeil irréversible avec une

activité électrique cérébrale lente évoquant le sommeil lent. Par contre, la section basse du

tronc cérébral à la jonction bulbo-spinale (préparation dite encéphale isolé) n’entraîne que

peu de modification dans le cycle veille sommeil de l'animal.

- Entre 1946 et 1949, l'école de Magoun va préciser ces données en réalisant des

expériences de destruction et de stimulation stéréotaxique de la formation réticulée et

découvrir le système activateur ascendant (SAA).

- Louis Jouvet (1972) montre que la destruction sub-totale des noyaux du raphé provoque

une insomnie totale et de longue durée.

3. 2- Les mécanismes des différents états de vigilance: ils sont complexes et font intervenir de

nombreux neurotransmetteurs avec des boucles de régulation négatives et positives

La veille est un état complexe sous la dépendance de nombreux systèmes:

- des systèmes situés dans le tronc cérébral:

* le système activateur ascendant situé au niveau de la substance réticulée bulbo-pontique

et surtout mésencephalique. Ce système active le cortex par trois voies: l’une passant par le

thalamus (noyaux non spécifiques), la 2ème passe par le noyau de Meynert, la 3ème par

l’hypothalamus postéro-latéral. Ce système utilise une neurotransmission essentiellement

cholinergique.

* le locus coeruleus qui utilise une neurotransmission noradrénergique et intervient de

façon plus spécifique sur les mécanismes d’attention sélective.

* les systèmes dopaminergiques.

- des systèmes situés au niveau de l’hypothalamus postérieur:

* les neurones histaminergiques en position ventro-latérale

* les neurones à hypocrétine, famille de neuropeptides récemment identifiée, neurones

situés en position latérale. Ces neurones à hypocrétine projettant largement sur le cortex et sur

certains noyaux du tronc cérébral comme le locus coeruleus seraient des stimulateurs de

l’éveil, pouvant ainsi bloquer le sommeil paradoxal.

La destruction de ces systèmes ou les blocages pharmacologiques de ces neurotransmissions

provoquent une hypersomnie. Leur stimulation au contraire provoque une insomnie. Les neurones de

ces systèmes sont actifs pendant la veille et peuvent être activés par des stimulations sensorielles.

Le sommeil lent (SL) est sous la dépendance de l’activation de la partie antérieure de

l’hypothalamus (la région pré-optique), et de l’inhibition concomitante des structures impliquées

dans l’éveil comportemental. Cette inhibition est liée :

- d’une part à l’activation des neurones de la région pré-optique qui utilisent comme

neurotransmetteur de la galanine et du GABA (neurotransmetteur inhibiteur),

- d’autre part à l’accumulation de certains facteurs comme l’adénosine. L’adénosine provient

de la dégradation de l’ATP, le principal substrat énergétique des neurones. Il n’existe pas de

neurones à adénosine, mais il existe sur certains neurones comme les neurones cholinergiques des

récepteurs à adénosine. La stimulation de ces récepteurs provoque une diminution d’activité des

neurones, et l’inhibition de ces récepteurs par exemple par la caféine provoque une augmentation de

l’activité neuronale. L’adénosine s’accumule pendant la veille et diminue pendant le sommeil. Ces

variations de concentration ont été observées en particulier au niveau de certains noyaux riches en

neurones cholinergiques.

L’inhibition des structures d’éveil va permettre au thalamus de modifier son fonctionnement qui

devient alors oscillant, bloquant les influx sensoriels spécifiques. Ce mode de fonctionnement

thalamo-cortical va se traduire sur l’activité électrique cérébrale par des ondes lentes et des fuseaux.

Le sommeil paradoxal (SP) est sous la dépendance d'une double commande (Fig. 2):

- d’une part des neurones SP-on qui sont actifs pendant le SP. Ces neurones sont

cholinergiques ou cholinoceptifs et sont situés au niveau bulbo-pontique.

- d’autre part des neurones SP-off qui doivent nécessairement cesser leurs activités au cours

du SP. Il s’agit des structures aminergiques distribuées au niveau du tronc cérébral.

Cette double commande serait influencée par des facteurs hypnogènes synthétisés au niveau des

structures hypothalamo-hypophysaires, transportés au niveau de la partie inférieure du tronc

cérébral (noyau giganto-cellulaire). Ces facteurs inhiberaient le raphé rostral et permettraient la

mise en jeu d’un noyau adjacent au locus coeruleus et des noyaux de la réticulé bulbopontique

médiale et latérale qui sont responsables des signes du SP. Ce déclenchement ne peut donc survenir

qu’après une phase de sommeil lent où l’activité des neurones aminergiques a été considérablement

réduite. Cette activité est essentiellement sous la dépendance de l'acétylcholine, alors que la

transmission adrénergique bloquerait le SP (rôle des amphétamines dans la stimulation de l’éveil).

Ainsi il apparaît que le SP est une phase très spéciale qui ne peut apparaître qu’après inactivation

des systèmes d’éveil et de sommeil lent.

Figure 2 : Schéma des différents ensembles hiérarchisés responsables des régulations du SP

IV- La physiologie pendant le sommeil:

Les noyaux réticulaires régulant les différents états de vigilance jouent également un rôle

considérable dans le contrôle de la respiration, de la vasomotricité, du rythme cardiaque et de la

pression artérielle. La modification de leur activité au cours du rythme veille sommeil explique les

modifications des paramètres respiratoires et cardiovasculaires en fonction des stades de sommeil.

Pendant la veille, les paramètres cardiorespiratoires sont caractérisés par leur grande variabilité. Ils

sont constamment ajustés au niveau d'activité. Les réflexes liés aux barorécepteurs et aux

chémorécepteurs sont partiellement inhibés par les influx de provenance corticale.

Au cours du sommeil lent la respiration devient lente et régulière, la PA diminue par bradycardie

sans modification des résistances périphériques, la PCO2 augmente discrètement, les variations de

la fréquence cardiaque liées à la respiration sont plus amples et plus lentes.

Au cours du sommeil paradoxal, on observe à nouveau une très grande variabilité des paramètres

cardio-respiratoires, avec une dépression de l'efficience de tous les systèmes régulateurs:

- le contrôle cortical est inexistant (la stimulation du noyau amygdalien ne provoque plus de

modification tensionnelle)

- le contrôle hypothalamique est également déprimé (absence de thermorégulation)

- le tonus sympathique est déprimé entraînant une vasodilatation périphérique, mais il existe

pendant les phénomènes phasiques du SP une vasoconstriction au niveau des muscles striés. Cette

balance rend compte de l'hypotension durant le SP, associée à de brutaux à coups hypertensifs,

- les réflexes issus des chémorécepteurs sont également déprimés comme le montre la

moindre réponse ventilatoire à l'hypoxie et à l'hypercapnie en SP chez le sujet normal,

- les réflexes issus des barorécepteurs sino-carotidiens semblent les seuls réflexes permettant

la régulation homéostatique de la TA pendant le SP, et les messages issus de ces récepteurs peuvent

inhiber le SP.

V- Physiologie des rythmes : Le rythme veille sommeil

La facilité avec laquelle on s’endort dépend de 2 paramètres: la quantité de veille précédant le

sommeil et l’heure du nycthémère au moment du coucher.

Ce rythme est en interaction avec d’autres rythmes :

- le rythme de la température: on s’endort à la défervescence thermique, on se réveille à la

remontée de la température.

- les rythmes hormonaux:

- sécrétion nocturne de la mélatonine

- sécrétion au cours du sommeil lent profond de la GH (hormone de croissance).

Ces différents rythmes sont normalement synchronisés, mais du fait de contraintes sociales (travail

posté, voyage transméridien …), ces rythmes peuvent se désynchroniser.

Les études de ces rythmes ont permis de mettre en évidence l’importance des noyaux

suprachiasmatiques comme horloge biologique. En isolement temporel, la période des rythmes est

chez l’homme de 24,2 heures. Ces rythmes sont synchronisés sur 24 heures grâce aux

synchroniseurs externes en particulier l’alternance lumière obscurité.

Le sommeil humain: de sa physiologie à la physiopathologie

I- Description du sommeil humain

11- Historique: les étapes de la connaissance du sommeil humain

La connaissance du sommeil humain passe par la mise au point d’une technique de mesure pour

analyser ce qui se passe quand l’homme dort. Cette technique de mesure repose sur l’enregistrement

de l’activité électrique cérébrale (EEG: électroencéphalogramme), de l’électromyogramme (EMG)

et l’électro-oculogramme (EOG).

Les principales dates dans la mise en place de cette technique de mesure sont:

1929: découverte de l’EEG par Berger

1935: 1er enregistrement de sommeil: découverte de l’hétérogénéité temporelle du sommeil.

1937: 1ère classification du sommeil (Loomis): elle ne repose que sur l’EEG

1953: Découverte de la phase des Mouvements Oculaires Rapides (Aserinsky et Kleitman)

1957: 2ème classification du sommeil (Dement et Kleitman): elle repose sur l’EEG et l’EOG

1959: Découverte de l’hypotonie au cours du SP (Louis Jouvet, Lyon)

1968: Classification de Rechtschaffen et Kales: standardisation des techniques d’enregistrement

(EEG, EOG, EMG) et d’analyse.

12 La technique de mesure: la polygraphie

Outil de mesure de l’activité cérébrale, l’EEG permet l’enregistrement des rythmes électriques

cérébraux. Ces rythmes sont divisés selon leur fréquence en différentes bandes:

- delta (0,5-3 Hz)

- thêta (4-7,5 Hz)

- alpha (8-12 Hz)

- bêta (12,5-20 Hz).

L'association de l’EEG, l’EMG et l’EOG, permet de définir les stades de vigilance.

10µV

50µV

Fig1: Positions des électrodes pour réaliser un enregistrement de sommeil.

La position des électrodes sur le scalp est déterminée par le système international 10-20. Les

électrodes d’EOG sont placées au cantus externe. Les électrodes d’EMG sont positionnées au

niveau de la houppe du menton (muscle mylo-hyoïdien) (Fig. 1).

13- La technique d’analyse: les différents stades de vigilance

Les données des enregistrements polygraphiques ont permis d'individualiser 3 états de vigilance:

la veille qui se caractérise par une activité EEG de faible voltage, de fréquence 8 à 12 Hz

constituant le rythme alpha, et une activité EMG abondante sur les muscles axiaux assurant le tonus

postural,

le sommeil lent qui se caractérise par un ralentissement progressif de la fréquence dominante

de l'EEG, une augmentation progressive de son amplitude, et une réduction de l'amplitude de l'EMG

sur les muscles axiaux. Ce sommeil lent a été divisé en 4 stades selon l'aspect EEG:

-stade 1: fragmentation de l'alpha, apparition de thêta et de pointes vertex

-stade 2: activité de fond thêta delta, entrecoupée d’éléments transitoires du sommeil

(fuseaux, complexes K, pointes vertex). Les stades 1 et 2 sont regroupés sous le terme de SLL

(Sommeil Lent Léger).

-stade 3: composé de 20 à 50% d’activité delta

-stade 4: composé de plus de 50% d’activité delta. Les stades 3 et 4 sont regroupés sous le

terme de SLP (sommeil lent profond).

le sommeil paradoxal (SP) caractérisé par un EEG peu ample ressemblant à celui de la

veille, une abolition du tonus postural (EMG nul), et des mouvements oculaires rapides organisés

en salve. Au sein du SP on distingue 2 types de phénomène: des phénomènes toniques qui sont

constants durant cette phase de sommeil (hypotonie), et des phénomènes phasiques qui surviennent

de façon paroxystique (mouvements oculaires, secousses musculaires).

Définition des différents stades

Stade EEG EMG EOG

Veille ++ ±

Som. Lent

St1 + MOL

St2 + 0

St3 + 0

St4 ± 0

Som. Par. 0 MOR

4- L’organisation de la nuit: l'Hypnogramme

Ces différents états de vigilance se succèdent dans le temps selon une organisation précise qui se

met progressivement en place entre la naissance et l’âge adulte. L’hypnogramme représente la

succession des différents états de vigilance en fonction du temps. Le stade de vigilance est donné

pour chaque époque. Une époque représente une unité temporelle servant de référence. Elle

correspond à une page ou un écran d’enregistrement et sa durée varie entre 10 et 30 secondes. Les

règles de cette classification par époques ont été décrites par Rechtschaffen et Kales.

Fig. 2: Hypnogramme: la veille est suivie par 4 stades de sommeil lent puis une phase de sommeil

paradoxal. Quatre cycles vont se succéder au cours de la nuit.

Chez l'adulte jeune normal, après une journée de veille, le sommeil nocturne présente une

organisation cyclique constituée de la succession de phase de sommeil lent (SL) puis de sommeil

paradoxal (SP). Les éveils nocturnes surviennent de préférence en fin de cycle. Normalement, le

SP ne peut pas survenir sans une phase préalable de sommeil lent. Chaque cycle dure 90 à 100 mn.

La composition d'un cycle varie au cours de la nuit, le sommeil lent profond étant plus abondant au

début de la nuit, et le SP en fin de nuit (Fig. 2).

Du point de vue quantitatif, le SL représente 75% du temps de sommeil total (dont 25% de SL

profond) et le SP 25%. Cependant les variations interindividuelle et intra-individuelle sont

considérables (court dormeur: sommeil de moins de 6 heures et long dormeur: sommeil de plus de 8

heures) ne permettant pas de définir des valeurs normatives, mais le SLP et le SP sont nécessaires.

5- L’organisation du sommeil au cours de la vie.

L’organisation du rythme veille sommeil se met progressivement en place entre la naissance et

l’âge adulte.

Chez le nouveau-né, un certain nombre d’activités EEG n’existe pas, et le sommeil est divisé en 2

stades : le sommeil calme qui deviendra le sommeil lent, et le sommeil agité qui deviendra selon

certains le sommeil paradoxal.

Avec le vieillissement, on observe une diminution du SLP, une augmentation de la durée d’éveil

intra-sommeil, et des modifications de l'organisation des phases paradoxales, altérations reflétant

probablement les altérations des centres nerveux régulant le sommeil. Une tendance au coucher plus

précoce et au lever matinal sont également observées. Ces modifications physiologiques expliquent

la fréquence de la plainte sommeil chez le sujet âgé.

II- Physiopathologie de certains troubles du sommeil (le SAS et la narcolepsie)

La pathologie du sommeil est une pathologie fréquente qui est beaucoup mieux comprise depuis le

développement des centres de sommeil. Ces troubles ont été classés et la physiopathologie de

certains d’entre eux a pu être mieux comprise.

21- La narcolepsie: une maladie « paradoxale »

Clinique: cette maladie, décrite en 1880 par Gélineau, se caractérise par:

- des accès irrépressibles de sommeil (attaques de narcolepsie) conduisant si le patient peut

dormir à des siestes "rafraîchissantes",

- des chutes brutales favorisées par les émotions (attaques de cataplexie) liées à une résolution

du tonus musculaire intéressant une partie (chute de la tête, de la mâchoire) ou la totalité des

muscles

- des hallucinations hypnagogiques (à l’endormissement) le plus souvent angoissantes,

- des paralysies du sommeil: le patient au cours d’un éveil nocturne ne peut pas bouger,

- sur le plan polygraphique, ces patients ont un sommeil nocturne fragmenté par de nombreux

éveils et durant la journée, ils peuvent s’endormir directement en sommeil paradoxal.

Physiopathologie: Elle est encore imparfaitement comprise et probablement multifactorielle.

- La première hypothèse physiopathologique repose sur une atteinte des mécanismes

régulateurs du sommeil paradoxal. L’hypotonie peut survenir indépendamment des autres signes

du sommeil paradoxal expliquant les attaques de cataplexie et les paralysies du sommeil.

L’endormissement peut survenir en sommeil paradoxal. Le trouble est cependant plus complexe

puisque la vigilance diurne et le sommeil lent nocturne sont également atteints.

- L’existence d’un modèle canin de narcolepsie a permis de préciser certaines perturbations

neurochimiques dans cette maladie. Il existe chez les chiens narcoleptiques:

*un déficit de la neurotransmission de l’hypocrétine.

* un trouble des transmissions cholinergique, adrénergique et dopaminergique qui peut être la

conséquence de l’altération de la neurotransmission de l’hypocrétine.

- Une origine génétique de la maladie est probable. Chez le chien, le rôle d’un gène

autosomique récessif dénommé Carnac1 a été démontré. Ce gène code pour le récepteur de

l’hypocrétine. Chez l’homme, il existe une association entre la narcolepsie et le type HLA DR2

DQ1. Mais ce type HLA se retrouve chez des sujets qui ne développeront pas la maladie.

22- Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Clinique: ce syndrome appelé tout d’abord maladie de Pickwick se caractérise par l’existence de

plus de 10 apnées par heure de sommeil. Ces apnées vont fragmenter le sommeil et provoquer une

hypersomnie diurne. Ce syndrome est très fréquent en particulier chez l’homme de plus de 50 ans,

et s’associe toujours à des ronflements sonores.

Physiopathologie: Lors de l’inspiration, la dépression thoracique créée par la contraction du

diaphragme va avoir tendance à collaber les voies aériennes supérieures si les muscles dilatateurs

du pharynx ne se contractent pas assez, ou si la filière aéro-digestive est trop étroite. Pendant le

sommeil, 2 facteurs vont intervenir pour favoriser les apnées: la position et les variations de tonus

liées au sommeil. La position allongée sur le dos favorise le recul postérieur de la base de langue

qui réduit le diamètre antéro-postérieur des voies aériennes supérieures. Le tonus des muscles

posturaux tend à diminuer au cours du sommeil lent et diminue encore davantage au cours du

sommeil paradoxal. Par ailleurs, les mécanismes régulateurs de la commande respiratoire ne sont

pas les mêmes selon les différents états de vigilance.

Durant la veille, l’activité des muscles respiratoires est essentiellement sous la dépendance du

comportement du sujet. Par contre, au cours du sommeil lent profond, cette activité est

essentiellement sous la dépendance de réflexes issus soit des chémorécepteurs sensibles aux taux

de CO2 et d’O2 dans le sang, soit des mécanorécepteurs de la paroi thoracique et des parois

bronchiques. La survenue d’apnées lors du passage d’un type de régulation à l’autre va empêcher

l’approfondissement du sommeil qui sera responsable de la sémiologie de ces patients. Les apnées

outre la fragmentation du sommeil s’associent :

- à une baisse du contenu en oxygène du sang artériel ce qui va provoquer à la longue une

souffrance cérébrale avec une altération des fonctions supérieures en particulier la mémoire.

- à des modifications de la fréquence cardiaque (séquence bradycardie tachycardie) et de la

pression artérielle conduisant à une sur-morbidité cardio-vasculaire chez ces patients.

Traitement : Parmi les traitements proposés, le traitement le plus efficace est le traitement par

pression positive continue. Cette véritable attelle pneumatique consiste à mettre toutes les nuits un

masque sur le nez. Ce masque est relié à un compresseur qui souffle une pression réglable qui va

maintenir les voies aériennes supérieures ouvertes pendant le sommeil.

Pour en savoir plus :

« Le monde du sommeil » par Peretz Lavie, Edition Odile Jacob (1998)

« Le sommeil normal et pathologique » par M. Billiard, Edition Masson (1994)

« La Recherche » : le sommeil et le rêve hors série n° 3 Avril 2000.

« Science et Vie » :le Sommeil N° 220 Septembre 2002.