AVANT-PROPOSAuthor(s): Pierre MartinSource: La Linguistique, Vol. 38, Fasc. 2, La phonologie aujourd'hui (2002), pp. 3-5Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40604985 .

Accessed: 15/06/2014 16:30

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AVANT-PROPOS

par Pierre MARTIN

Lorsqu'on m'a proposé de prendre la direction d'un numéro thématique de phonologie pour La Linguistique, j'ai accepté sans hésitation. L'idée de regrouper dans un même volume des articles témoignant de la diversité actuelle de la recherche en phonologie fonctionnelle me parut excellente. Des contributeurs ont donc été pressentis, en ayant à l'esprit le plus large éventail possible. L'objectif était de réunir dans un même fascicule des contribu- tions faisant appel à des points de vue différents et portant sur des langues tout aussi différentes. Je crois qu'on peut dire que l'objectif a été atteint. On trouve ici en effet un bon équilibre entre description de langues, application de la phonologie et dis- cussion de points de vue théoriques.

L'article de Tsutomu Akamatsu sur la structure accentuelle du japonais, celui d'Ahmed Alioua et de Mostafa Shoul sur les diphtongues de l'arabe, le texte dê Rafael Eugênio Hoyos- Andrade sur les vibrantes du portugais brésilien et la contribution de Pierre Martin sur le système vocalique du français du Québec sont autant d'analyses nouvelles de problèmes anciens de langues très différentes. Au demeurant, ces présentations de résultats de recherche ne sont pas que descriptives puisque chacune à sa manière discute des fondements théoriques des choix qu'impose l'analyse. Bien entendu, ces textes ne sont qu'une très brève illus- tration de la diversité actuelle des intérêts des fonctionnalistes pour les langues, ainsi que de l'incessante vitalité de ce courant de pensée de la phonologie contemporaine.

La contribution de Philippe Blanchet porte, quant à elle, sur les implications pratiques de la phonologie fonctionnelle, d'abord

Im Linguistique, vol. 38, fasc. 2/2002

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4 Pierre Martin

en recherche linguistique, en termes d'apports méthodologiques et de réflexion théorique, puis dans l'enseignement des langues, en termes de choix didactiques. Le « réalisme » du point de vue fonctionnel est ici parfaitement mis en lumière. François-Xavier Nève suggère, dans une réflexion théorique, que le modèle pho- nologique, fonctionnant à partir de quantités discontinues, a ins- piré le découpage discret du langage humain. Il propose de dis- tinguer entre symbolisme analogique et symbolisme numérique, l'abstraction numérique en phonologie étant vraisemblablement le reflet d'un seuil d'abstraction monématique dans les langues humaines (contrairement aux systèmes de communication non linguistiques des animaux). Dans cette perspective, on comprend bien l'importance du concept de double articulation du langage.

Pierre Swiggers et Stijn Verleyen se penchent sur le rôle et le pouvoir explicatif des principes fonctionnels en linguistique dia- chronique. Pour eux, la notion de « fonction » est tout à fait cen- trale dans la théorie linguistique d'André Martinet, étant liée au concept de langage comme système de communication. Ils insis- tent à juste titre sur le mérite de Martinet d'avoir envisagé de façon systématique la corrélation entre le rendement fonctionnel des structures linguistiques et leurs modalités de changement. Pour sa part, Irina Vilkou-Poustovaïa compare astucieusement les remarques critiques formulées par Grammont à l'égard de la théorie phonologique de Martinet à la critique que Saussure aurait pu faire des idées de Troubetzkoy, advenant que la chose eût été possible. Elle montre avec conviction que, sous l'influence de Saussure, Grammont ne pouvait accepter l'allure troubetz- koïenne de la phonologie de Martinet, le décalage entre Saussure et Troubetzkoy étant trop grand.

La réflexion d'Henriette Walter porte sur les rapports entre dynamique phonologique et dynamique lexicale. Cette au teure pose la question suivante : l'adoption d'une nouvelle unité phono- logique peut-elle être favorisée par une augmentation des emprunts lexicaux ? S'appuyant sur la considération d'exemples tirés du français, elle répond par l'affirmative, tout en montrant qu'une pression du lexique n'est pas forcément irréversible. Dans un tel cas, la tendance à l'adoption d'une nouvelle unité pourrait même être annihilée.

Denis Costaouec se demande en quoi la phonologie genera- tive peut être d'intérêt pour les fonctionnalistes. Il passe en revue

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Avant-propos 5

plusieurs concepts clés de ce courant idéologique, en insistant sur l'évolution des notions depuis trente ans. Il commente plusieurs thèses importantes des « nouvelles phonologies », ces mouve- ments théoriques divers dont le point commun est le rejet du cadre établi par Chomsky et Halle dans The Sound Pattern of English. Des points de convergence et de divergence sont établis par rapport aux thèses fonctionnalistes. L'auteur conclut qu'il faut continuer de lire les générativistes, ne serait-ce que pour relancer la discussion entre fonctionnalistes sur des problèmes de phonologie.

Voilà donc une palette d'articles qui, sans prétention, don- nent tout de même un aperçu des préoccupations actuelles et des recherches courantes chez les fonctionnalistes. Le plus bel hom- mage qui pourrait être rendu aux auteurs des articles serait sans doute que ce numéro de La Linguistique suscite du questionne- ment, des interrogations, voire des critiques, bref qu'il y ait une suite, témoignant ainsi de la valeur du volume. Il ne me reste plus qu'à remercier mes collègues contributeurs, tout en souhai- tant aux lectrices et aux lecteurs d'éprouver autant de curiosité et d'intérêt que j'en ai eu à la lecture du manuscrit.

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