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La Philosophie Morale Les Grandes Écoles de la Grèce antique

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  • La Philosophie Morale

    Les Grandes coles de la Grce antique

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    Comment vivre ?

    Pour les philosophes de lAntiquit, la philosophie ne peut se limiter tre un savoir thorique. Ils attendent delle quelle nous dise comment vivre pour raliser une existence heureuse ou, dfaut, pour viter les principales causes de souffrances.

    quoi bon, en effet, tre savant si toute cette science ne donne aucun avantages quant la qualit de lexistence ?

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    Lide du Bien chez Platon

    Rappelez-vous que dans lAntiquit, la philosophie EST la science.

    Pour le courant philosophique qui a le plus marqu le monde occidental, le platonisme, la connaissance du Bien est donc une question de science.

    Celui qui sait la Vrit connat le Bien et pratique la Vertu.

    Inversement, celui qui commet le mal est forcment un ignorant. Socrate enseigne ainsi que lhomme qui commet une injustice est plus plaindre que lhomme qui la subit.

    Cette conclusion paradoxale est tout fait contraire au sens commun : les gens souhaitent gnralement que les coupables soient punis et non pas plaints !

  • Le Bien et le Vrai

    Pourtant, la plupart des gens sont aujourdhui encore platoniciens. Ils pensent en effet que le bien peut tre connu exactement comme une vrit scientifique.

    Nest-il pas tentant de croire que notre chelle de valeurs constitue la vraie morale ?

    Cependant, lpoque de Platon dj, quelques intellectuels refusaient daccepter lquivalence de la vrit et du bien: ils staient fait appeler Sophistes .

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    Principaux courants de la Grce antique

    Bien que Platon et Aristote soient devenus les inspirateurs pratiquement exclusifs de la pense mdivale, la Grce fourmillait de philosophes originaux qui ont dfini dautres coles de pense.

    Quelques-unes de ces ides sont encore vivantes de nos jours. Il ne manque pas de gens qui se revendiquent des sophistes, des picuriens, des stociens ou encore des cyniques.

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    Les Sophistes

    Les sophistes taient engags par les familles riches pour former les jeunes gens la vie politique. Ils enseignaient la rhtorique et la logique. Les plus clbres sappelaient Protagoras, Gorgias et Hippias. Paradoxalement, cest surtout aux critiques de Platon (qui leur a consacr des dialogues) quils doivent leur notorit !

    Le fait quils se faisaient payer tait une des raisons pour lesquelles le riche Platon qui navait pas besoin de cela pour vivre les dtestait. Socrate compare les sophistes des marchands de lgumes qui peuvent empoisonner leurs clients parce que ces derniers nont pas la formation ncessaire pour discerner la qualit des produits.

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    Texte : Platon SOCRATE Un sophiste, Hippocrate, ne serait-il pas un ngociant ou un

    boutiquier qui dbite les denres dont l'me se nourrit ? Pour moi, du moins, c'est ainsi qu'il m'apparat.

    HIPPOCRATE Mais cette nourriture de l'me, Socrate, quelle est-elle ? SOCRATE Les diverses sciences, videmment, repris-je. Et ne nous laissons

    pas plus blouir par les loges qu'il fait de sa marchandise que par les belles paroles des commerants, grands ou petits, qui nous vendent la nourriture du corps. Ceux-ci nous apportent leurs denres sans savoir eux-mmes si elles sont bonnes ou mauvaises pour la sant, mais ils les font valoir toutes indiffremment, et l'acheteur n'en sait pas davantage, s'il n'est matre de gymnastique ou mdecin. De mme, ceux qui colportent leur savoir de ville en ville, pour le vendre en gros ou en dtail, vantent aux clients tout ce qu'ils leur proposent, sans peut-tre savoir toujours eux-mmes ce qui est bon ou mauvais pour l'me ; et le client ne s'y connat pas mieux qu'eux, moins d'avoir tudi la mdecine de l'me. Si donc tu es assez connaisseur en ces matires pour distinguer le bon du mauvais, tu peux sans danger acheter le savoir Protagoras ou tout autre ; sinon, prends garde, mon trs cher, de jouer aux ds le sort de ton bien le plus prcieux. Le risque est mme beaucoup plus grand quand on achte de la science que des aliments. Ce qui se mange et ce qui se boit, en effet, quand on l'achte au boutiquier ou au ngociant, peut s'emporter dans un vase distinct,... de sorte que l'achat entrane peu de risques. Mais pour la science, ce n'est pas dans un vase qu'on l'emporte ; il faut absolument, le prix une fois pay, la recevoir en soi-mme, la mettre dans son me, et, quand on s'en va, le bien ou le mal est dj fait.

    Protagoras, trad. A. Croiset, Les Belles Lettres, 313c-314b

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    Protagoras Protagoras (v. 480-v. 411 av. J.-C.), philosophe grec, un des

    principaux reprsentants des sophistes. N Abdre (Thrace), vers 485 av. J-C., il partit pour Athnes o il se lia d'amiti avec Pricls et acquit une notorit considrable comme enseignant et philosophe. Protagoras fut le premier penseur revendiquer pour lui-mme le nom de sophiste et enseigner contre rtribution, recevant de fortes sommes de ses lves. Il donnait des cours de grammaire, de rhtorique et de posie. Ses principales uvres, dont seuls quelques fragments subsistent, sont intitules Vrit et Des Dieux. Sa pense reposait sur la doctrine selon laquelle rien n'est absolument bon ou mauvais, vrai ou faux, par consquent l'individu ne peut tre jug selon des principes gnraux ; cette conception relativiste est rsume dans la formule : L'homme est la mesure de toutes choses. Accus d'impit, Protagoras s'enfuit en exil ; il prit noy alors qu'il se rendait en Sicile. Deux clbres dialogues de Platon, le Thtte et Protagoras contiennent la rfutation des doctrines de Protagoras.

    (Encyclopdie Axis)

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    pimthe, petit dieu tourdi Il ny a sans doute pas dimage plus frappante de lhomme des sophistes que le mythe dpimthe dans le Protagoras. pimthe, petit dieu tourdi, charg de distribuer facults et organes entre les espces vivantes, a imprudemment puis sa rserve en faveur des animaux. Lhomme, oubli dans le partage, reste nu, sans chaussures, sans couverture, sans armes; la nature la laiss pour compte. Cette ide de labandon originel de lhomme, qui parat reflter une crise profonde des fondements de lexistence individuelle et sociale, sexprime sous de multiples aspects, qui sont autant de figures dune mme clipse de labsolu. Les dieux nexistent peut-tre pas, et, sils existent, ils se dsintressent des hommes. Les religions sont une projection des besoins humains, ou un opium du peuple, auxiliaire de la morale rpressive et de la tyrannie. (Universalis)

  • Le relativisme de toute connaissance () comme Gorgias le remarque dans sa conclusion, il est clair que les perceptions chez un seul et mme homme ne sont ni homognes ni constantes : avec les yeux il remarque une chose, avec les oreilles une autre, aujourd'hui d'une faon, demain d'une autre. Mais ce qui est le plus invraisemblable, c'est qu'un autre homme puisse percevoir exactement la mme chose que moi. Les dernires considrations de Gorgias nous amnent tout naturellement Protagoras. La thse principale de ce sophiste a pour point de dpart des expriences d'ordre physiologique. Le doux et l'amer, le froid et le chaud et autres choses semblables sont des sensations qui varient non seulement d'un homme l'autre, mais chez un seul et mme homme d'un jour l'autre. Il est donc impossible d'affirmer que telle sensation est plus juste que telle autre. Chacune d'elles a raison dans sa propre situation et pour l'homme qui l'prouve, et aussi longtemps qu'il l'prouve. D'o la formule que Platon donnait dj comme tant le programme de Protagoras et qui aprs lui a t cite isolment de son contexte, ce qui a donn lieu aux interprtations les plus diverses : L'homme est la mesure de toutes choses, de l'tre de celles qui sont, et du non-tre de celles qui ne sont pas. L'homme est le seul tre qui sache par lui-mme chaque moment ce qu'il peroit et ce qu'il ne peroit pas, et qui n'a sa disposition aucun critre qui lui permette de contester la vrit de chacune de ses perceptions.

    GIGON, O., Les Grands Problmes de la philosophie antique, Paris : Payot, p.260. 10

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    Lhomme est la mesure de toutes choses.

    Comment pouvons-nous interprter cette clbre formule de Protagoras ? Lhomme est peut-tre lespce humaine qui deviendrait alors la rfrence de toute valeur, de toute action. Ou bien lhomme dsigne-t-il lindividu qui serait libre alors de dcider quel est le bien pour lui et quel est le mal ? Dans cette dernire hypothse, la morale devient compltement subjective. Elle vole en clats. Si chacun dcide de ce quest son bien, nentrons-nous pas dans le rgne de larbitraire, dans la domination de lgosme du plus fort qui est justement le ngation de toute morale ?

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    Callicls en croire Platon qui dcrit le personnage dans un dialogue intitul Gorgias , le sophiste Callicls opposait les lois de la nature celles des hommes. La justice naturelle est tout simplement la loi du plus fort. Le Bien se dfinit par la force, la puissance. Les ides de Callicls ne sont pas mortes. D'aucuns se sont empars de la thorie biologique de lvolution pour formuler un darwinisme social. La slection naturelle serait l'oeuvre dans la socit pour favoriser l'limination des plus faibles.

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    Texte : Platon, Gorgias (Magnard, p.141)

    (Cest Callicls qui sexprime) Mais mon avis est que les lois sont tablies par les faibles et

    par ceux qui forment la multitude ; c'est donc en vue d'eux-mmes et leur profit qu'ils procdent cet tablissement et qu'ils dterminent ce qui et digne d'loge ou blmable.

    Voil pourquoi, selon la loi, on dit injuste et honteux de chercher l'emporter sur la multitude ; voil pourquoi on appelle injustice cette manire d'agir: mais, mon avis, c'est la nature elle-mme qui nous prouve que, en bonne justice, le suprieur doit l'emporter sur l'infrieur et le plus capable sur le moins capable. Elle nous montre en mainte rencontre qu'il en est bien ainsi et que chez les animaux comme dans l'ensemble des cits et des races humaines on a jug qu'il est juste que le plus fort commande au plus faible et l'emporte sur lui.

  • Y a-t-il des experts en bonheur ? Comment interprtez-vous cette phrase peinte sur la vitrine dun marchand de bonbons dAmsterdam ? picure pensait que la philosophie pourra faire de nous des experts en vie heureuse.

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    picure (341 270). La morale, ou la thorie des plaisirs (Larousse)

    S'il est vrai que l'me n'est, comme le corps, qu'un compos

    d'atomes, la terreur des hommes l'gard de la mort n'est pas moins absurde que la crainte des dieux. Dans le dsarroi qui accompagne la dcadence politique de la cit grecque, la tche des philosophes fut alors de dfinir le souverain bien et d'laborer une haute conception du bonheur. Nonobstant l'incomprhension que suscita la doctrine, l'picurisme n'est rien d'autre qu'une morale rationnelle du plaisir. Ce dernier se produit de lui-mme lorsque, par le jeu des organes naturels, l'quilibre physiologique est tabli dans un tre vivant. Le plaisir est une limite qui ne peut tre dpasse sans se transformer immdiatement en douleur. Le plaisir est donc un bien par lui-mme, mais un bien fragile, prcaire, toujours menac par une rupture d'harmonie. D'o un vritable calcul des plaisirs et une discipline asctique que s'impose l'picurien : se suffire soi-mme, se contenter de peu, se moquer du destin deviennent les prceptes fondamentaux.

  • Texte : picure, La Mort nest rien.

    Maintenant habitue-toi la pense que la mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation et la mort est absence de sensation. Par consquent, si l'on considre avec justesse que la mort n'est rien pour nous, l'on pourra jouir de sa vie mortelle. On cessera de l'augmenter d'un temps infini et l'on supprimera le regret de n'tre pas ternel. Car il ne reste plus rien d'affreux dans la vie quand on a parfaitement compris qu'il n'y a pas d'affres aprs cette vie. Il faut donc tre sot pour dire avoir peur de la mort, non pas parce qu'elle serait un vnement pnible, mais parce qu'on tremble en l'attendant. De fait, cette douleur, qui n'existe pas quand on meurt, est crainte lors de cette inutile attente !

    Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons la mort n'est pas l et lorsque la mort est l nous n'existons pas. Donc la mort n'est rien pour ceux qui sont en vie, puisqu'elle n'a pas d'existence pour eux, et elle n'est rien pour les morts, puisqu'ils n'existent plus. Mais la plupart des gens tantt fuient la mort comme le pire des maux et tantt l'appellent comme la fin des maux. Le philosophe ne craint pas l'inexistence, car l'existence n'a rien voir avec l'inexistence, et puis l'inexistence n'est pas un mfait.

    picure, Lettre Mnce, trad. E. Boyanc P.U.F.

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    picurisme et hdonisme Comment, pratiquement, raliser cet idal ? En suivant la nature, d'une part, et en oprant un choix raisonn parmi les dsirs. On distingue, parmi ceux-ci, les dsirs naturels et ncessaires, les naturels et non ncessaires, enfin ceux qui ne sont ni naturels ni ncessaires. Les derniers sont proscrire, les deuximes viter, les premiers satisfaire pleinement et joyeusement : il s'agit des plaisirs corporels lmentaires. On voit combien le caractre sobre et svre de la doctrine d'picure ne peut tre confondu avec la morale hdoniste, professe par Aristippe de Cyrne, Eudoxe de Cnide et, plus tard, le cynique Hgsias. L'hdonisme ne considre que l'intensit du plaisir et de la douleur et non les diffrences qualitatives qui peuvent exister entre eux. picure ne cherche qu'un plaisir calme et stable, une srnit d'me, l' ataraxie , forme de la sagesse et le plus grand des biens. (Larousse)

  • Mill : Une critique de lhdonisme Peu de cratures humaines accepteraient d'tre changes en animaux infrieurs sur la promesse de la plus large ration de plaisirs de btes ; aucun tre humain intelligent ne consentirait tre un imbcile, aucun homme instruit tre un ignorant, aucun homme ayant du coeur et une conscience tre goste et vil, mme s'ils avaient la conviction que l'imbcile, l'ignorant ou le gredin sont, avec leurs lots respectifs, plus compltement satisfaits qu'eux-mmes avec le leur. Ils ne voudraient pas changer ce qu'ils possdent de plus qu'eux contre la satisfaction la plus complte de tous les dsirs qui leur sont communs. []

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  • Critique de lhdonisme (suite) Un tre pourvu de facults suprieures demande plus pour tre heureux, est probablement expos souffrir de faon plus aigu, et offre certainement la souffrance plus de points vulnrables qu'un tre de type infrieur ; mais, en dpit de ces risques, il ne peut jamais souhaiter rellement tomber un niveau d'existence qu'il sent infrieur. Nous pouvons donner de cette rpugnance l'explication qui nous plaira ; [] mais, si on veut l'appeler de son vrai nom, c'est un sens de la dignit que tous les tres humains possdent, sous une forme ou sous une autre, et qui correspond de faon rigoureuse d'ailleurs au dveloppement de leurs facults suprieures. Chez ceux qui le possdent un haut degr, il apporte au bonheur une contribution si essentielle que, pour eux, rien de ce qui le blesse ne pourrait tre plus d'un moment objet de dsir. [] Il vaut mieux tre un homme insatisfait qu'un porc satisfait ; il vaut mieux tre Socrate insatisfait qu'un imbcile satisfait.

    John Stuart Mill, L'Utilitarisme, d. Flammarion, p.52-54

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    Le stocisme Bien des gens qui nont aucune ide de la

    pense de Znon ou de celle dpictte et qui ne savent rien de Snque ni de Marc-Aurle les principaux philosophes stociens comprennent pourtant ladjectif stoque ou ladverbe stoquement .

    tre stoque dans une circonstance difficile ou la supporter stoquement signifie faire preuve dimpassibilit, de dtachement devant le malheur ou la douleur.

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    La Libert stocienne

    L'ide stocienne fondamentale est la suivante: celui qui matriserait absolument ses penses serait un matre absolu de philosophie.

    La pense ne conditionne-t-elle pas notre bien-tre et notre malheur ? Lorsque nous sommes dans la souffrance ou le dsarroi, c'est sans doute que nous sommes alins* par des penses qui nous volent notre libert.

    Et cest prcisment dans le pouvoir que nous avons d'carter les penses alinantes et d'en convoquer d'autres satisfaisantes que rside notre libert.

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    Texte :EPICTTE, 50 (?)-125 (?) ap. J.-C (in Magnard, page 69).

    Puisque l'homme libre est celui qui tout arrive comme il le dsire, me dit un fou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plat. Eh ! mon ami, la folie et la libert ne se trouvent jamais ensemble. La libert est une chose non seulement trs belle, mais trs raisonnable et il n'y a rien de plus absurde ni de plus draisonnable que de former des dsirs tmraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons penses. Quand j'ai le nom de Dion crire, il faut que je l'crive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre. Il en est de mme dans tous les arts et dans toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la libert, on voie rgner le caprice et la fantaisie. Non mon ami: la libert consiste vouloir que les choses arrivent, non comme il te plat, mais comme elles arrivent.

    Entretiens, I, 35, in Les Stociens, Textes choisis par Jean Brun, PUF p. 72.

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    Le sage stocien

    De combien de malheurs lattachement des dsirs inaccessibles nest-il pas responsable ? Aussi bien convient-il de faire la part entre ce qui dpend de nous et ce qui nen dpend pas. Lattachement : voil justement la source principale du mal. linstar de la pense bouddhiste, le stocisme nous invite au contraire au dtachement. La philosophie nous fait comprendre la vanit de lorgueil, de la volont de possession et de la poursuite insense des richesses. Le sage stocien arrive dsirer ce qui dpend seulement de lui-mme. Il nespre rien dautre que ce quil a dj.

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    Texte : MARC AURELE, 121-180 (in Magnard, page 65.)

    Si tu mets au rang des biens ou des maux ce qui ne dpend pas de ta volont, il est impossible, au cas que ce mal t'arrive, ou que ce bien t'chappe, que tu ne te plaignes pas des dieux, et que tu ne hasses pas les hommes, causes relles, ou souponnes telles, de ta dconvenue ou du mal qui t'a frapp. Et nous commettons mille injustices, parce que ces objets ne nous sont pas indiffrents. Au contraire, si nous considrons comme des biens ou des maux uniquement les choses qui dpendent de nous, il ne reste plus aucun motif d'accuser Dieu ou de dclarer la guerre l'homme.

    Penses pour moi-mme,Livre VI, pense 41, Les Stociens, textes choisis par J. Brun, PUF, 1966, p. 71.

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    Dterminisme Fatalisme

    L'espoir stocien est que le sage puisse dterminer lui-mme ses propres penses. Si, au contraire, nos penses sont le rsultat de forces qui nous chappent, alors nous ne seront que des robots.

    Un glissement est videmment possible vers le fatalisme*. En effet, celui qui se convaincra que ce qui dpend de lui-mme est si peu de chose, en viendra accepter le destin inexorable comme dsirable.

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    Texte : EPICTETE, 50 (?)-125 (?) ap. J.-C in Magnard, p. 65.

    De toutes les choses du monde, les unes dpendent de nous, les autres n'en dpendent pas. Celles qui en dpendent sont nos opinions, nos mouvements, nos dsirs, nos inclinations, nos aversions, en un mot toutes nos actions.

    Celles qui ne dpendent point de nous sont le corps, les biens, la rputation, les dignits, en un mot toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions.

    Penses (Manuel) I, in Les Stociens, textes choisis, PUF, 1966, pp. 114-115.

  • Les opinions ? Mais si nous tions ns dans une autre famille ou dans une autre rgion du monde, aurions-nous la mme religion ou la mme conviction politique ?

    Quant nos dsirs, nos aversions, nos inclinations, etc. ne dpendent-ils pas des hasards, des rencontres, ou mme de notre constitution physique, du bon ou du mauvais tat passager de nos organes ? Il est ais de trouver des exemples o nos dsirs ne dpendent pas de notre moi conscient. 27

  • Texte : DHolbach (1772) Une illusion

    Mais, direz-vous, je me sens libre. C'est une illusion que l'on peut comparer celle de la mouche de la fable (1) qui, place sur le timon d'une lourde voiture, s'applaudissait de diriger la marche d'un coche qui l'emportait elle-mme. L'homme qui se croit libre est une mouche qui croit tre le matre de mouvoir la machine de l'univers, tandis qu'il en est lui-mme entran son insu. Le sentiment intime qui nous fait croire que nous sommes libres de faire ou de ne pas faire une chose n'est qu'une pure illusion. Lorsque nous remonterons au principe vritable de nos actions, nous trouverons qu'elles ne sont jamais que des suites ncessaires de nos volonts et de nos dsirs, qui jamais ne sont en notre pouvoir. Vous vous croyez libres parce que vous faites ce que vous voulez ; mais tes-vous donc libres de vouloir ou ne pas vouloir, de dsirer ou de ne pas dsirer ? Vos volonts et vos dsirs ne sont-ils pas ncessairement excits par des objets ou par des qualits qui ne dpendent aucunement de vous ?

    DHolbach, Le bon sens puis dans la Nature, d. Coda, 2008, p.49.

    (1) Fable, JEAN DE LA FONTAINE, Le coche et la mouche Livre VII, fable 9 28

  • Libert, responsabilit, mrite son frre cur qui lui reprochait son athisme, Diderot rpondait quil navait pas choisi cette attitude mais quelle stait impose lui. Dans le texte qui suit, il dfend le dterminisme par des arguments trs forts. Il n'y a qu'une sorte de causes proprement parler ; ce sont les causes physiques. crit-il, anticipant ainsi sur le clbre mot dEinstein : Dieu ne joue pas aux ds. Ny aurait-il vraiment plus aucune place pour la libert dans un monde o tous les phnomnes seraient en principe explicables et dans lequel le pur hasard serait exclu ? lvidence, chaque fois que nous donnons une explication au comportement de quelquun, nous rduisons sa part de responsabilit et ainsi sa culpabilit ou son mrite.

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  • Texte : DENIS DIDEROT, Lettre Landois 29 juin 1756. (1/2)

    Regardez-y de prs, et vous verrez que la libert est un mot vide de sens ; qu'il n'y a point, et qu'il ne peut y avoir d'tres libres ; que nous ne sommes que ce qui convient l'ordre gnral, l'organisation, l'ducation, et la chane des vnements. Voil ce qui dispose de nous invinciblement. On ne conoit non plus qu'un tre agisse sans motif, qu'un des bras d'une balance agisse sans l'action d'un poids, et le motif nous est toujours extrieur, tranger, attach ou par une nature ou par une cause quelconque, qui n'est pas nous. Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse varit de nos actions, jointe l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. Nous avons tant lou, tant repris, nous l'avons t tant de fois, que c'est un prjug bien vieux que celui de croire que nous et les autres voulons, agissons librement. Mais s'il n'y a point de libert, il n'y a point d'action qui mrite la louange ou le blme ; il n'y a ni vice, ni vertu, rien dont il faille rcompenser ou chtier. 30

  • Texte de Diderot (2/2)

    Qu'est-ce qui distingue donc les hommes ? La bienfaisance et la malfaisance. Le malfaisant est un homme qu'il faut dtruire, mais non punir. La bienfaisance est une bonne fortune, et non une vertu. Mais quoique l'homme bien ou malfaisant ne soit pas libre, l'homme n'en est pas moins un tre qu'on modifie. C'est par cette raison, qu'il faut dtruire le malfaisant sur une place publique. De l les bons effets de l'exemple, des discours, de l'ducation, du plaisir, de la douleur, des grandeurs, de la misre, etc. De l une sorte de philosophie pleine de commisration qui attache fortement aux bons, qui n'irrite non plus contre le mchant que contre un ouragan qui nous remplit les yeux de poussire. Il n'y a qu'une sorte de causes proprement parler ; ce sont les causes physiques. Il n'y a qu'une sorte de ncessit, c'est la mme pour tous les tres, quelque distinction qu'il nous plaise d'tablir entre eux, ou qui y soit rellement. Ne rien reprocher aux autres ; ne se repentir de rien ; voil les premiers pas vers la sagesse. Ce qui est hors de l, est prjug, fausse philosophie .

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  • La Libert NEST PAS lindtermination

    Paradoxalement, si tout est dtermin, cela ne signifie pas quil nexiste aucun acte libre mais plutt que nos actes libres nchappent pas la rgle ! Jentends par l que le contraire de la libert NEST PAS lindtermination ou le hasard. Un phnomne irrmdiablement imprvisible parce que indtermin et connaissable seulement par des probabilits ne serait pas libre dans le sens que je suggre lorsque je parle des actes dun tre humain ou dun animal. Un acte libre sil est le rsultat dune prmditation, sil a t dtermin par une activit crbrale consciente. Cette dernire est peut-tre elle-mme dtermine par un ensemble de processus physico-chimiques qui chappent notre conscience. Mais quimporte ? Dans le moment o notre action rsulte dune dcision prise la suite dune srie doprations mentales inconscientes, nous faisons lexprience du choix, de la responsabilit, du mrite et de la culpabilit. 32

  • Texte : Dennett. (1/2)

    Nous tenons par-dessus tout poser comme vrai, d'une faon ou d'une autre, que les choses valent la peine d'tre faites. Pendant des millnaires, nous nous sommes donc dbattus avec toute la famille des arguments qui accrditent la possibilit que rien ne serve rien, car, si l'univers tait bien tel que la science nous disait qu'il tait, nos efforts et nos aspirations n'avaient plus lieu d'tre. Sitt aprs avoir conu la brillante ide selon laquelle le monde serait compos d'une myriade de minuscules particules rebondissant l'une sur l'autre, les atomistes de l'Antiquit grecque avaient but sur le corollaire suivant : dans ce cas, tout vnement, y compris nos battements de cur, nos bobards et la moindre de nos autoadmonitions prives, se droule conformment des lois de la nature qui dterminent ce qui advient ensuite jusque dans les plus infimes dtails, de sorte qu'il ne reste plus aucune option, aucun point de choix rel, aucune chance que quoi que ce soit se passe comme ceci plutt que comme cela.

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  • Texte : Dennett (2/2)

    Si le dterminisme est vrai, il est illusoire de croire que les choses valent la peine d'tre faites, si fonde que cette croyance semble au premier abord - il se pourrait mme que nous soyons dtermins continuer penser que les choses valent la peine d'tre entreprises... mais, dans ce cas galement, ce serait une illusion. Voil ce qu'on s'est le plus souvent figur ! Bien entendu, ce point de vue a aussi aliment l'espoir que les lois de la nature ne soient pas du tout dterministes : les premiers tenter d'attnuer l'impact du coup port par l'atomisme ont t Epicure et ses mules, qui ont suppos qu'une dviation alatoire des trajectoires de certains atomes pourrait laisser les coudes assez franches pour que de libres choix soient possibles, mais, dans la mesure mme o le postulat de cet cart fortuit ne se fondait sur rien d'autre que sur une pense magique, cette thorie s'tait heurte d'emble un scepticisme bien mrit. DENNETT, D., Thorie volutionniste de la libert, Paris : Odile Jacob, 2003, pages 20 21.

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  • Le Cynisme Diogne de Sinople (413 327) est connu comme le principal

    reprsentant du cynisme philosophique. Le personnage sest rendu clbre par une srie danecdotes

    probablement toutes plus fausses les unes que les autres mais qui illustrent ltat desprit particulier dun homme qui pense que la philosophie se doit dtre une contestation sans concession des ides reues et des valeurs de la tradition.

    Laction cynique dfie les convenances, les bonnes manires, toute forme de biensance ou de conformisme. Le Cynique (ltymologie nous le rappelle) est un chien :

    Alexandre le rencontrant un jour lui dit : Je suis le grand roi Alexandre. Diogne alors se prsenta : Et moi je suis Diogne, le chien. On lui demanda pourquoi il tait appel chien : Parce que je caresse ceux qui me donnent, j'aboie contre ceux qui ne me donnent pas, et je mords ceux qui sont mchants.

    Pour les anecdotes, voyez : http://fr.wikipedia.org/wiki/Diogne_de_Sinope

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Diog%C3%A8ne_de_Sinopehttp://fr.wikipedia.org/wiki/Diog%C3%A8ne_de_Sinope

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    Diapositive numro 1Diapositive numro 2Lide du Bien chez PlatonLe Bien et le VraiPrincipaux courants de la Grce antiqueLes SophistesTexte : PlatonProtagorasDiapositive numro 9Diapositive numro 10Diapositive numro 11Diapositive numro 12Diapositive numro 13Y a-t-il des experts en bonheur ?Diapositive numro 15Diapositive numro 16Diapositive numro 17Diapositive numro 18Diapositive numro 19Diapositive numro 20Diapositive numro 21Diapositive numro 22Diapositive numro 23Diapositive numro 24Diapositive numro 25Diapositive numro 26Diapositive numro 27Diapositive numro 28Diapositive numro 29Diapositive numro 30Diapositive numro 31Diapositive numro 32Diapositive numro 33Diapositive numro 34Diapositive numro 35Diapositive numro 36