La Penalisation Et La Depenalisation Du Droit Des Affaires

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Encadré par : Mr ALAOUI Jaafar Présenté par : AIT BRIK Chaimae MARGHICH Younes La pénalisation et la dépénalisation du droit des

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PlanIntroductionPartie I : Le double mouvement de pénalisation et dépénalisation en droit des sociétés Chapitre I : Le partage de la régulation interne et régulation externe des sociétés Section1 : le système de fonctionnement des sociétés et le rôle du juge Section 2 : Pénalisation et libéralisme en matière de la loi 20-05 Chapitre II : La pénalisation du statut de chef d’entreprise : Un régime particulierSection 1 : le rôle de l’intérêt dans la commission de l’infraction Section 2 : le pouvoir du chef d’entreprise Partie II : La législation marocaine penche-t-elle vers une pénalisation ou dépénalisation du droit des affaires ?Chapitre I : Les conséquences et les choix qui ressortent de la pénalisation de la vie des affaires Section I : La modification des comportements au sein de l’entreprise comme solution à la pénalisation des affaires Section II : La modification dans les décisions de gestion comme solution à la pénalisation des affaires Chapitre II : La tendance de la législation marocaine concernant le double mouvement de pénalisation et dépénalisation du droit des affaires Section 1 : La tendance générale serait à l’assouplissement des peines Section 2 : Les propositions innovantes du projet de dépénalisation Conclusion

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Encadré par : Mr ALAOUI Jaafar

Présenté par : AIT BRIK Chaimae

MARGHICH Younes

Harti Omar

RJAFIALLAH Hatim

YAACOUBI SOUHLI Ismail

La pénalisation et la dépénalisation du droit des affaires

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Plan

Introduction

Partie I : Le double mouvement de pénalisation et dépénalisation en droit des sociétés

Chapitre I : Le partage de la régulation interne et régulation externe des sociétés

Section1 : le système de fonctionnement des sociétés et le rôle du juge

Section 2 : Pénalisation et libéralisme en matière de la loi 20-05

Chapitre II : La pénalisation du statut de chef d’entreprise : Un régime particulier

Section 1 : le rôle de l’intérêt dans la commission de l’infraction

Section 2 : le pouvoir du chef d’entreprise

Partie II : La législation marocaine penche-t-elle vers une pénalisation ou dépénalisation du droit des affaires ?

Chapitre I : Les conséquences et les choix qui ressortent de la pénalisation de la vie des affaires

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Section I : La modification des comportements au sein de l’entreprise comme solution à la pénalisation des affaires

Section II : La modification dans les décisions de gestion comme solution à la pénalisation des affaires

Chapitre II : La tendance de la législation marocaine concernant le double mouvement de pénalisation et dépénalisation du droit des affaires

Section 1 : La tendance générale serait à l’assouplissement des peines

Section 2 : Les propositions innovantes du projet de dépénalisation

Conclusion

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Introduction

Invectives, polémiques, controverses, discussions, ce ne sont que gradations. Elles nous font pourtant passer de l’irrationnel au rationnel. Nous les vivons tour à tour à propos du droit pénal des affaires. Des tonalités qui se modulent non seulement dans l’ardeur avec laquelle les arguments sont confrontés mais dans la façon dont cet échange est perçu par les autres.

Le 11ème congrès des nations unies de 2005 à Bangkok a définit les crimes d’affaires en tant qu’infractions non violentes qui ont, en général, pour résultat une perte, et donc ces crimes comprennent une variété d’activités illégales, y compris la fraude, la corruption…

L’émergence d’un droit pénal « des affaires » est contemporaine de la création, au XIXe siècle, des premières formes modernes de sociétés. La nécessité de disposer d’incriminations spécifiques, pour protéger notamment l’intérêt des créanciers et des actionnaires, a conduit le législateur à créer des infractions adaptées aux cas où le droit commun ne trouvait pas à s’appliquer. Cet accroissement de l’utilisation du droit pénal a marqué l’histoire de l’encadrement de la vie des affaires.

Aux commencements, mythiques et historiques, des sociétés, le pouvoir se manifeste d’abord comme un pouvoir qui dit le permis et le défendu. On peut dire donc que la ’pénalisation’ est, véritablement un moment fondateur des sociétés ; une manière pour le groupe, de rendre tangible à tous, à l’intérieur comme à l’extérieur, son projet d’exister et de durer en tant que groupe soumis à une même règle, avec un certain ordre que le droit pénal a pour raison d’être de manifester de protéger. C’est alors, que l’objectif premier de la pénalisation, c’est l’affirmation de valeur par le prix que la société au respect de ses règles et la réprobation qu’elle lie à leur transgression.

Au Maroc, le droit pénal des affaires au sens strict, c.à.d. qui comprend des infractions spécial hors du champs du droit pénal ou même du droit commun a vu le jour avec l’élaboration de la loi 17-95 modifiée par la loi 20-05 qui crée des infractions spécifiques par exemple la distribution de dividendes fictifs.

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Et c’est ainsi, que la sanction pénale est perçu pour certains comme une arme privilégiée contre la crise pour son exemplarité et efficacité. Les sanctions civiles ou administratives qui aboutissent à l’octroi des dommages et intérêts ou à des amendes semblent, en comparaison, moins dissuasives. Dans le sens où chacun doit réaliser que la peine n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen au service de droit afin de servir le mieux possible l’autorité du droit en général.

Tandis que pour d’autres, le recours à la pénalisation des comportements n’est qu’une espèce de cache-misère, de l’impuissance de droit à juguler certaines dérives qu’il prohibe, en d’autres termes, la difficulté du système juridique à faire respecter ses exigences, d’où vient le besoins de punir qui ne fait que masquer l’incapacité du système juridique à se faire respecter.

A cet égard, à quel point le législateur marocain a pu, à travers sa politique pénal dans le domaine des affaires (loi 17-95 modifiée par la loi 20-05) de limiter les différentes perversités qui touchent ce milieu ?

Pour répondre à cette question, on traitera dans un premier temps, le double mouvement de la pénalisation et la dépénalisation dans la vie des affaires, et dans un deuxième temps, la tendance de la législation marocaine dans ce domaine, en adoptant le plan suivant :

Partie I : Le double mouvement de pénalisation et dépénalisation en droit des sociétés

Chapitre I : Le partage de la régulation interne et régulation externe des sociétés

Section1 : le système de fonctionnement des sociétés et le rôle du juge

Section 2 : Pénalisation et libéralisme en matière de la loi 20-05

Chapitre II : La pénalisation du statut de chef d’entreprise : Un régime particulier

Section 1 : le rôle de l’intérêt dans la commission de l’infraction

Section 2 : le pouvoir du chef d’entreprise

Partie II : La législation marocaine penche-t-elle vers une pénalisation ou dépénalisation du droit des affaires ?

Chapitre I : Les conséquences et les choix qui ressortent de la pénalisation de la vie des affaires

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Section I : La modification des comportements au sein de l’entreprise comme solution à la pénalisation des affaires

Section II : La modification dans les décisions de gestion comme solution à la pénalisation des affaires

Chapitre II : La tendance de la législation marocaine concernant le double mouvement de pénalisation et dépénalisation du droit des affaires

Section 1 : La tendance générale serait à l’assouplissement des peines

Section 2 : Les propositions innovantes du projet de dépénalisation

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Partie I   : Le double mouvement de pénalisation et dépénalisation en droit des sociétés   :

Chapitre   I : Le partage de la régulation interne et régulation externe des sociétés   :

Section1   : le système de fonctionnement des sociétés et le rôle du juge   :

1) Le système de fonctionnement des sociétés   :

Le fonctionnement des sociétés est assure par deux organes : l assemblée des associes et la direction. Dans les sociétés anonymes cotées, qui constitueront la matière de la présente contribution, un tiers organe s insère : le conseil d administration.

Le système repose sur une construction pyramide : l assemblée nomme contrôle et révoque les administrateurs, lesquels nomment, contrôlent et révoquent le président en charge de direction générale. Les instruments de la régulation interne sont donc apparemment en place.

L’inefficacité de cette construction rend indispensable une régulation externe de nature pénale.

Un système de régulations interne suppose que le fonctionnement irrégulier d’un organe puisse être corrige par la relation d un autre organe.

En pratique, cela signifie que l assemblée des actionnaires sanctionne le comportement des administrateurs et des dirigeants lorsque ce comportement porte préjudice au patrimoine social, ou encore que les administrateurs sanctionnent un tel comportement du président directeur général.

Dans les faits, il n en est rien. Ou bien l assemblée des actionnaires est dominée par un groupe majoritaire solidaire des administrateurs et dirigeants, ou bien l assemblée ne dispose pas des informations et des éléments de preuve permettant la révélation et la sanction des faits dommageables. Elle ne peut réagir a l encontre de faits qu’elle ignore.

Cette absence d information ne doit pas surprendre : elle résulte du système pyramidal lui-même qui donne a une seule personne le monopole de

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l’information générée par les services de la société. Comme cette personne dispose en même temps du monopole de direction générale et du monopole de la représentation de la société, elle cumule le pouvoir d’agir et le pouvoir de contrôler l action. Le président du conseil d administration seul organe social disposant de l information, étouffe le contrôle de son action. Il n y a aucune possibilité de régulation interne.

Face a ce vide interne, la régulation externe se présente sans un jour contraste.

Les commissaires aux comptes, qui ne doivent pas s immiscer dans la gestion de la société, et dont les contrôles ne s effectuent que par sondages et missions ponctuelles, ne disposent pas des moyens leur permettant une révision complète de tous les actes de la direction.

2) Le rôle du juge   :

Quand au juge commercial ou civil, son rôle de régulateur demeure très marginal : on sait que les procédures en abus de majorité ou en responsabilité contre administrateurs et dirigeants demeurent fort rares et qu’elles génèrent d avantage une certitude de couts qu’ une chance de réussite. Cet état de fait tien a deux causes :

- D une part, la sous information des demandeurs au procès sur les opérations qu’ils critiquent

- D autre part, la facilite pour les dirigeants en cause de s abrité derrière l intérêt social.

Reste le juge pénal, saisi d une incrimination d abus de biens sociaux, il dispose des moyens d’investigation nécessaires a la découverte des faits : il accède aux informations logées dans les services de la société, ce qui lui permet d apprécier l intérêt social, derrière lequel s abritait le dirigeant.

Le monopole de l information et de l action, qui explique l absence de régulation interne, justifie et légitime une forte pénalisation qui actuellement constitue le seul élément de régulation des sociétés.

Il n’appartient pas au juge pénale de dire la règle comptable, celle qui forme limage fidele du patrimoine social, ni de dire quel est intérêt d’un groupement sociétaire, ni de provoquer la destitution de dirigeants et la chute des cours de bourse au préjudice des actionnaires doublement victimes.

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L’intervention du régulateur externe ne trouve place que dans hypothèse d’un dysfonctionnement des systèmes de régulation interne qui ont pour objet d’éviter les irrégularités et les sanctionner.

A cette fin, il faut instaurer les mécanismes de régulation interne. Deux positions de reforme peuvent y suffire :

- Dune part, reconnaitre aux associes le droit de définir eux-mêmes le but que leur société doit atteindre, ce but dénommé intérêt social, s’impose aux administrateurs, aux dirigeants, aux juges.

- D’autre part, supprimer l’extravagante confusion actuelle, en la personne du président directeur général, de la double qualité de décideur et de président des contrôleurs.

Section 2   : Pénalisation et libéralisme en matière de la loi 20-05   :

La Confédération générale des entreprises du Maroc vient récemment de présenter au débat son avant-projet de réforme de la loi n° 20-05 relative aux sociétés anonymes. Les propositions de réforme suggérées ont bien montré que les insuffisances de la loi ne se limitaient pas au seul aspect pénal. On a ainsi pu justement affirmer que la réforme de la loi sur la SA était bien plus grande que celle du droit pénal de la SA.

Malgré cela, la question de la pénalisation-dépénalisation de la SA et au-delà du droit marocain des affaires dans son ensemble était bien présente et a suscité un vif débat qui autorise aujourd'hui à distinguer au moins trois approches.

La première considère que la charge pénale, aujourd'hui particulièrement excessive, est contraire à l'option économique du pays. La “fureur répressive du législateur” n'est pas compatible avec la liberté d'entreprendre et l'initiative économique, piliers de l'économie de marché. La nécessaire régulation de l'économie ne doit pas aller jusqu'à remettre en cause les fondements mêmes du système libéral. Si l'on veut protéger l'économie de marché et promouvoir le libéralisme, il faut, comme le disait un éminent juriste et comme le rappelait un participant, veiller sur les délicates machines qui en assurent le fonctionnement et la reproduction. L'esprit du nouveau code de procédure pénale, le nouveau droit des entreprises en difficulté, la place de plus en plus grande accordée à la négociation et à l'arbitrage sont ainsi citées comme incompatibles avec la poussée répressive et le retour en force de la peine d'emprisonnement. Les tenants de cette thèse en appellent donc à une dépénalisation du droit des affaires.

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La seconde approche estime que les craintes exprimées sont exagérées et injustifiées. La pénalisation du droit marocain des affaires n'a rien de rigoureux ni d'excessif comparée à d'autres systèmes juridiques et on chercherait en vain les indices d'une augmentation des incriminations et des sanctions des dirigeants depuis l'adoption de la loi sur la SA. C'est plutôt l'effet intimidant et persuasif de la sanction pénale qui a ainsi pu conduire à une gestion plus saine et plus transparente des entreprises, à un plus grand respect des règles d'organisation et de fonctionnement et à une meilleure gouvernance. L'économie libérale n'est pas synonyme d'anarchie et de non-droit. Dans l'intérêt de l'économie et de sa bonne marche, dans l'intérêt des actionnaires, des épargnants, l'espace laissé à la volonté doit être limité, au besoin par la contrainte pour une pénologie spécifique.

La troisième, sans remettre en cause le principe d'une intervention du droit pénal pour sanctionner les dépassements coupables, proclame la nécessité d'une pénologie spécifique, adaptée au monde des affaires qui évite le recours à l'emprisonnement et valorise les peines alternatives, non attentatoires à la liberté individuelle. C'est probablement cette tendance qui anime aujourd'hui les rédacteurs de l'avant-projet. Des peines d'emprisonnement sont écartées, les règles visant une aggravation du régime des peines par rapport au droit pénal général sont atténuées et des sanctions civiles sont valorisées. L'article 376, qui prévoit que les dispositions pénales de la loi sur la SA ne sont applicables que si les faits qu'elles répriment ne peuvent pas recevoir une qualification pénale plus grave en vertu des dispositions du code pénal, est ainsi écarté. L'astreinte fait son apparition. Il s'agit d'une pénalité de retard destinée à contraindre à l'exécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire et qui trouve son fondement légal dans l'article 448 du code de procédure civile. Son application au droit des sociétés anonymes, truffé d'obligations de faire, est particulièrement opportune. A titre d'illustration, l'article 21 de la loi 14-95 prévoit qu'un exemplaire des états de synthèse accompagné d'une copie du rapport du ou des commissaires aux comptes doit être déposé au greffe du tribunal. Et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la date de leur approbation par l'assemblée générale. Désormais et à défaut, il est suggéré que “tout intéressé peut demander au président du tribunal, statuant en référé, d'ordonner à la société, sous astreinte, de procéder audit dépôt”.

Les valeurs à protéger :

Ne doivent donc être pénalement sanctionnés que les agissements qui remettent en cause les valeurs autour desquelles la société se réunit.

En quoi le président d'une société anonyme, qui ne porte pas à la connaissance des actionnaires les renseignements exigés en vue de la tenue des assemblées (article 390), remet-il en cause les valeurs de la société?! N'y a-t-il pas là encore

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une obligation de faire susceptible d'être exécutée conformément aux dispositions de l'article 448 du code de procédure civile?

L'astreinte est une pénalité de retard qui tend à se substituer aux sanctions pénales. Sa nature juridique est cependant indécise. Certaines décisions de la Cour suprême l'assimilent à une indemnité. D'autres la proclament absolument indépendante des dommages-intérêts avec lesquels elle peut se cumuler. En dépit de cette incertitude, l'astreinte reste une sanction pécuniaire particulièrement opportune toutes les fois qu'il s'agit d'assurer l'exécution forcée d'une obligation de faire ou de ne pas faire.

Nombreux sont les exemples d'une pénalisation déplacée, et dans le monde des affaires on ne cesse aujourd'hui de réitérer que la sanction pénale ne doit frapper que lorsque aucune mesure ou aucune autre sanction ne paraît possible. L'appel a peut-être été entendu… Le nouveau code du travail, qui comprend près de 600 articles, n'a prévu que deux infractions passibles d'une peine d'emprisonnement (travail des enfants et travail forcé)!

Il est vrai que l'ineffectivité des lois gagne du terrain. Ce phénomène est complexe; il met en cause la justice et ses moyens, l'importance de l'information et de la formation, la place du droit en tant que mode de régulation, l'assimilation de la norme juridique, etc.

L'ineffectivité des lois ne doit pas conduire le législateur à rechercher l'instrument le plus puissant et recourir systématiquement à la sanction pénale. Il y a là un risque de dénaturation du droit pénal. Il devient le moyen destiné à pallier la défaillance d'ensemble d'un système juridique dépourvu d'efficacité. Ce n'est pas son rôle.

Chapitre II   : La pénalisation du statut de chef d’entreprise   : Un régime particulier   :

Il n’est pas un mystère que la responsabilité pénale du chef d’entreprise est et sera, dans l’avenir, de plus en plus recherchée dans les différents domaines de son activité. Qu’il s’agisse du droit pénal financier (abus de biens sociaux, présentation de faux bilans, …), ou qu’il s’agisse d’autres droits pénaux plus spécifiques, les Juges répressifs n’hésitent plus à rechercher la responsabilité directe du dirigeant.

Le chef d’entreprise de par son par son pouvoir ainsi que l’intérêt recherché derrière l’infraction, se distingue des autres délinquants de droit commun.

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En quoi alors l’acte délictueux d’un chef d’entreprise se distingue t-il d’autres agissements délictueux de façon pertinentes au regard du droit pénal, c'est-à-dire d’une manière susceptible d’influer sur l’appréciation par le juge de la responsabilité pénale de ce dirigeant ?

Deux traits parmi d’autres aident à le mesurer. Si l’on a choisi d’évoquer brièvement ces deux trais-là, c’est parce qu’ils ne sont jamais absents de la problématique de la responsabilité pénale du chef d’entreprise. Il s’agit du rôle de l’intérêt dans la commission de l’infraction (section1) et du pouvoir du chef d’entreprise (section2).

Section 1   : le rôle de l’intérêt dans la commission de l’infraction   :

L’intérêt ici doit être appréhendé successivement dans son rôle accusateur, qui, sans être négligeable, n’est pas le principal, puis dans son invocation éventuellement légitimant.

L’intérêt, compris comme la recherche du profit n’est assurément pas une circonstance aggravante inscrite dans la loi. Quel est donc son rôle ? Il peut varier du tout au rien. Ce sera soit un élément constitutif du délit et pour tout dire le cœur de celui-ci, soit rien ou plus exactement une simple coloration que le parquet ou le juge répressif donneront aux faits en soulignant que le prévenu a agi par intérêt afin de stigmatiser plus nettement son comportement.

Certes, le dirigeant ou le chef d’entreprise est guidé par la recherche de l’intérêt matériel et doit normalement l’être. Mais cet intérêt regardé comme normal, légitime et souhaitable entre soudainement dans l’arène pénale, spontanément associé qu’il est à l’idée de décisions murement réfléchies et calculées. De par sa fonction même, le chef de l’entreprise est regardé comme ayant toujours agi avec préméditation. Or même si elle ne joue théoriquement aucun rôle en droit ans les infractions qui nous intéressent, il serait surprenant que cette préméditation supposée omniprésente soit dépourvue de toute influence sur la répression.

Ce calcul prêté au chef d’entreprise doit attirer l’attention sur l’autre aspect de cette particularité. Au contraire, par exemple, du voleur d’autoradio, qui ne se demande pas, au moment du vol, s’il commet ou non un délit, le chef d’entreprise va a maintes hypothèses hésiter sur la conduite à adopter, consulter, et parfois s’entendre répondre que tel choix soit jugé répréhensible. Cette hésitation ne lui profitera en rien sur le plan pénal et ce, même si on lui avait dit

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qu’il y avait très peu de chances que le choix qu’il envisageait soit jugé répréhensible : il a malgré tout pris la décision d’accomplir l’acte répréhensible, et plaider qu’il l’a fait dans le souci d’agir au mieux reviendrait à substituer la recherche du mobile de l’acte à celle de l’élément intentionnel du délit, ce que le droit pénal se refuse évidement à faire.

Et prétendre avoir agi non par fait exprès mais par négligence ou inattention présente deux redoutables inconvénients. Le chef d’entreprise qui affirme avoir agi sans réflexion, sans discernement et contrôle fait aussitôt figure de mauvais dirigeant ; soit ce qu’il dit n’apparait pas crédible en sorte qu’en plus sa sincérité est mise en cause soit l’excuse qu’il avance est prise pour ce qu’elle est : l’aveu d’une autre faute, une faute de gestion, faite d’incompétence ou de légèreté. Faute certes moins grave puisqu’elle n’est pas pénale, mais qui prête confusion entre les différents ordres de responsabilité.

On en conclu que l’invocation de l’intérêt de l’entreprise pour justifier l’acte incriminé risque d’être considérée comme touchant au mobile plutôt qu’a l’élément intentionnel de l’infraction, ce qui privera l’argument de l’efficacité juridique.

Section 2   : le pouvoir du chef d’entreprise   :

Ce point est à l’évidence essentielle. S’il y a une raison entre toutes d’affirmer que le chef d’entreprise n’est pas un délinquant comme les autres, et donc pas un délinquant ordinaire, c’est qu’il exerce un pouvoir, ou, pour retenir une formulation plus proche de l’esprit de la loi pénale, qu’il est investi d’un pouvoir. La position de pouvoir qui caractérise le chef d’entreprise fait de lui le responsable désigné, nécessaire, au regard de la loi pénale.

Pour ce qui nous intéresse ici, ce pouvoir qui ne peut être que potentiel, est susceptible de se manifester sur deux registres différents, situes, l’un, avant l’infraction, l’autre, après celle-ci.

a- Le pouvoir de commettre, de faire ou laisser commettre l’infraction.

Au contraire du meurtrier, qui a pu se trouver en position de force à l’instant du crime, mais n’a jamais détenu qu’un pouvoir de fait, le chef d’entreprise détient un pouvoir de droit, et il en est le détenteur permanent. De ce pouvoir générateur de responsabilité pénale, notre droit positif a une conception relativement extensive : le fait que le chef d’entreprise n’ait pas exercé les prérogatives qui lui sont dévolues par la loi ne suffit pas à l’exonérer de sa

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responsabilité. Le chef d’entreprise peut bien sûr commettre lui-même l’infraction, mais il sera tout aussi condamnable s’il la fait commettre ou la laisse commettre. Cette dernière situation est pour nous les juristes la plus étonnante et la plus intéressante. D’abord par la responsabilité pénale du fait d’autrui qu’elle engendre. Ensuite parce qu’elle rend le chef d’entreprise pénalement responsable d’un acte éventuellement commis à son insu, ce qui revient a écarter comme non pertinente la question de savoir si l’intéressé savait ou non qu’une infraction se commettait. Or, le critère de la faute ne réside pas dans la connaissance effective, par l’intéressé, de tel ou tel événement, mais dans le fait qu’il savait ou aurait dû savoir. Peu importe si le chef ait ignoré ce qui ce passait dans son entreprise. Puisqu’il est le détenteur du pouvoir. Un système de responsabilité automatique est alors instauré. Or si la responsabilité automatique est aujourd’hui courante en matière civile, on a justement souligné qu’étendre ce mécanisme à la matière pénale présente de graves dangers pour les libertés publiques, dont celui de réduire à néant la présomption d’innocence dans les domaines concernes.

Au demeurant, remplacer la question «  savait-il ? » Par une autre qui, plus abstraite, avantage la partie poursuivante « aurait-il dû savoir? » n’épuise pas la problématique. Car, sauf à manquer de réalisme, comment refuser de se demander si le prévenu avait la possibilité effective de savoir ? Pour ne prendre qu’un exemple, il n’est nullement certain que le patron d’une entreprise de travaux publics soit toujours en mesure de savoir si des ouvriers se promenaient sans casque sur les chantiers de l’entreprise. Le juge n’a certes pas le devoir de rechercher qui dans l’entreprise avait la détention effective du pouvoir sur tel ou tel aspect, mais c’est au chef de l’entreprise s’exonérer de responsabilité en prouvant qu’il avait délégué l’exercice de son pouvoir à l’un de ses subordonnés nommément désigné.

B- le pouvoir de dissimuler l’infraction commise.

La quasi-absence de contrôle interne dans certaines sociétés confère au chef d’entreprise le pourvoir de dissimuler l’infraction commise, ce qui conduit immanquablement à la question de la prescription de délits comme l’abus de biens sociaux. Compte tenu de la nature spéciale de l’infraction, la jurisprudence tend à reporter le point de départ de la prescription au jour où l’usage abusif de biens sociaux a pu être découvert et constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

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Cette position est stupéfiante, puisqu’on y regardant de plus près, en remarque que la cour de cassation française de 1935 par exemple, avait décidé dans le climat des affaires de l’époque, que la prescription de l’abus de confiance ne commençait à courir que du jour de la découverte de l’infraction. Si donc l’infraction n’était découverte que douze ans après sa commission, elle ne serait prescrite qu’après quinze années au total. Etrange règle qui ne trouve sa source dans aucune loi et crée un paradoxe : Si dix années se sont écoulées depuis la commission d’un meurtre, il ne peut plus être poursuivi, quand bien même il viendrait d’être découvert.

Autant dire que certaine infractions peuvent être poursuivies durant plus longtemps que d’autres pourtant plus graves.

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Partie II   : La législation marocaine penche-t-elle vers une pénalisation ou dépénalisation du droit des affaires   ?

Chapitre I   : Les conséquences et les choix qui ressortent de la pénalisation de la vie des affaires   :

Contrairement à une idée très répandu, la pénalisation de la vie des affaires ne provient pas d’un accroissement inusuel des textes répressifs.

Le droit marocain à l’instar du droit français a toujours été fortement pénalisé car la sanction a toujours été considérée comme constituant le moyen le plus efficace de faire respecter le droit.

Les affaires qui défraient la chronique trouvent leur fondement pénal dans un nombre réduit de textes, toujours les mêmes et dont aucun n’est récent. Il s’agit des textes qui répriment :

L’abus de bien sociaux et l’abus de pouvoir (Art 384 al 3, loi 17-95) La publication de comptes annuels qui ne donnent pas une image fidèle

dans la SA (L’Article 384 de la loi 17-95) La corruption (articles 248 à 256-bis, code pénal) Les délits d’initiés ou la diffusion d’informations fausses ou trompeuses

(article 32 projet de loi n° 53.08 relatif à l’AMMC) Le non respect des règles de la concurrence. (Loi 06-99 sur la concurrence

et la liberté des prix)

Tous ces textes figurent dans l’arsenal répressif marocain, il faut chercher ailleurs la cause de la recrudescence apparente des affaires pénales en matières financières.

Dans la médiatisation des affaires et dans l’intérêt qu’y porte le public de nos jours. La presse même non économique s’intéresse aux affaires et ne s’intéresse plus nécessairement aux crimes de sang qui seuls retenaient son attention il y’a quelques décennies.

Il n’est même plus rare de voir des juges d’instruction dont les investigations sont suivies au jour le jour par la presse qui attend d’eux un résultat, sortir du strict cadre de leur saisine.

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Il faut savoir que plus que la sanction, les hommes d’affaires craignent la publicité. Ils se sentent atteints très tôt, dès lors que le nom de leur entreprise vient à être cité dans la presse, ils se sentent signalés comme coupables.

La simple mise en examen, même non accompagnée de mesures de contrôle judiciaire, est ensuite ressentie par tous comme une confirmation de culpabilité. Les risques de se voir reprocher un délit augmentent également.

Section I   : La modification des comportements au sein de l’entreprise comme solution à la pénalisation des affaires   :

Des considérations d’ordre pénal peuvent ne pas être étrangères à la détermination même du mode de gouvernement de l’entreprise.

Ainsi, le choix des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance permet il de mettre à l’abri de risques les membres du conseil de surveillance qui du fait de leur non immixtion dans la gestion, sont certainement moins exposés que les administrateurs.

De la même façon, des modes de gestion décentralisés organisés au moyen de délégation de pouvoirs sont de plus en plus souvent mis en place. La recherche de l’atténuation du risque pénal conduit ainsi à une plus large répartition de l’exercice du pouvoir.

Mais les délégations de pouvoirs ne sont pas toujours suffisantes pour mettre à l’abri la direction centrale de l’entreprise vers qui on a toujours tendance à se retourner lorsque les infractions sont trop fréquentes.

En matière de prix illicites, par exemple, le nombre d’infractions relevé peut, même en présence de délégation de pouvoirs au directeur de chaque unité de vente, entrainer la croyance légitime qu’elles sont le fruit d’une politique voulue par direction générale.

Pour couvrir de telles suspicions les entreprises élaborent des codes de conduite interne dont l’objet principal est de démontrer que les instructions du pouvoir central sont bien de respecter la législation en toutes circonstances.

Tout cela ne permet tout de même pas aux supérieurs hiérarchiques à se décharger de leur responsabilité sur les subordonnés.

Section II   : La modification dans les décisions de gestion comme solution à la pénalisation des affaires   :

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La pénalisation de la vie des affaires conduit les chefs d’entreprises à se prémunir, à arbitrer et dans certaines hypothèses, à prendre des mesures de nature à limiter la possibilité de survenance de contestations.

- Se prémunir contre les effets du temps

Lorsque des décisions de gestion font l’objet d’une procédure pénale, les investigations sont, en règle générale, effectuées par la police judiciaire et par le juge d’instruction plusieurs années après que la ou les décisions litigieuses aient été prises.

Pour rendre bonne justice, le magistrat doit se replacer dans le contexte de l’époque afin d’apprécier l’intérêt économique de l’opération au moment ou elle a été réalisée.

Cet exercice est souvent périlleux et malgré tout la bonne volonté du magistrat, il a tendance naturelle à penser que des faits postérieurs rendant l’opération contestable étaient soit déjà connus, soit raisonnablement prévisibles le jour où la décision critiquée a été prise.

Pour se prémunir contre ce réel danger, les chefs d’entreprise ont de plus en plus tendance et doivent constituer des dossiers documentés dans lesquels figure la trace écrite de leurs motivations et de l’environnement économique au jour où ils ont été conduits à décider.

Cette procédure contraignante est devenue nécessaire et c’est une conséquence première du climat de pénalisation qui entoure le fonctionnement des entreprises.

- Il faut se prémunir contre les procès d’intentions.

Pour se prémunir contre les réclamations que pourraient entraîner les décisions prises par les actionnaires incapables ou non désireux de se livrer à une analyse prospective sérieuse, les dirigeants ont de plus en plus tendance et doivent avoir recours à la pratique d’attestations d’équité établies par des banques ou des experts indépendants qui viennent confirmer l’intérêt économique d’opérations que des actionnaires à courte vue pourraient avoir eu l’idée de contester.

- Il faut aussi se prémunir contre les infractions par contamination

Faute de prendre les précautions nécessaires, l’on a tôt fait de se voir accuser de complicité.

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Lorsque par exemple, l’un des deux signataires d’une convention a, à l’insu de l’autre, versé une commission ou des rémunérations pouvant être jugées illicites à un intermédiaire qui lui a permis de conclure, son cocontractant risque d’être un accusé de n’avoir pu l’ignorer.

Pour éviter d’encourir une telle accusation, les parties insèrent une clause comme quoi les deux n’ont pas versé une quelconque commission à un intermédiaire. Ce procédé permet de soutenir par la suite que le paiement illicite constituait une faute contractuelle dont le contractant ne peut être complice.

On peut dire pour clore ce chapitre qu’une vieille notion, commune et partagée, emprunter du système purement romaniste français, parait disponible : La prudence.

Les dirigeants doivent être prudents, c'est-à-dire réfléchis et loyaux, à l’écoute des intérêts divergents ou communs dont ils ont la charge.

En cela le dirigeant trouvera son modèle dans le juge, celui qui doit pour tous faire le droit avec prudence.

Chapitre II   : La tendance de la législation marocaine concernant le double mouvement de pénalisation et dépénalisation du droit des affaires   :

Section 1   : La tendance générale serait à l’assouplissement des peines   :

A ce niveau, il faut rappeler qu’en matière de droit des affaires, depuis la loi 20-05, les professionnels du secteur appellent à un allégement, voire à une disparition des sanctions pénales, qui seraient de nature à entraver le développement de la libre entreprise. Selon l’avocat d’affaires Azzedine Kettani, le droit marocain a emprunté depuis longtemps la voie de l’assouplissement des peines, mais avec certaines nuances. L’exemple du chèque est très révélateur, notamment en matière de transactions commerciales. L’importance de l’utilisation du chèque peut se mesurer via l’observation de la bancarisation. Plus le taux de cette dernière est élevé, plus l’utilisation des moyens de paiement vont se répandre dans le milieu commercial, et plus le risque d’émission de chèques sans provision augmentera. Dans la plupart des systèmes juridiques mondiaux, le chèque sans provision est pénalisé. Au Maroc, la jurisprudence a adouci cette pénalisation. Une personne physique ayant émis un chèque sans provision risque un emprisonnement assorti d’une amende. Concernant la personne morale, désormais, seule la responsabilité de la personne qui a signé le

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chèque est engagé. Une telle sanction n’est pas de nature à entraver le bon fonctionnement de la société. On est donc dans une optique d’allégement de la peine. Par ailleurs, si l’émetteur du chèque sans provision paie le bénéficiaire de ce dernier, la condamnation pénale peut être ramenée au sursis.

Amendes colossales :

Concernant les infractions en matière de la propriété intellectuelle, elles ont toujours été pénalisées, depuis le dahir de 1916. Les choses auraient pu évoluer, mais deux paramètres ont entravé l’adoucissement des sanctions. «La contrefaçon au Maroc a sévi de manière prodigieuse durant les 40 dernières années», souligne maître Kettani. «Il y a eu bon nombre de mesures dissuasives telles les interdictions, les saisies, les confiscations, ou encore les décisions par voie de référé. Sur le plan international, tous les pays de l’Union européenne ainsi que les Etats-Unis se sont armés juridiquement contre le piratage et la contrefaçon». Ce qui a donné lieu à une pénalisation sévère, concrétisée par des amendes colossales, ainsi que de nombreuses et importantes peines de prison. Rien d’étonnant à cela, puisque le fléau de la contrefaçon est notoirement connu pour déstabiliser le monde des affaires. En conséquence, la nouvelle loi en matière de propriété intellectuelle a introduit des peines plus sévères que celles du dahir de 1916.En droit des sociétés, Azzedine Kettani insiste sur un phénomène particulièrement récurrent au Maroc, qui n’a toujours pas trouvé de solution dans le cadre juridique. «Les formalités de création de sociétés ayant été simplifiées, on est en train d’assister à l’émergence d’une génération spontanée de sociétés qui se créent. Un tel phénomène est de nature à encourager les investissements et les jeunes entrepreneurs. Mais on assiste de plus en plus à la disparition de sociétés débitrices, après avoir contracté des dettes auprès de leurs fournisseurs».Ces sociétés sont toujours inscrites au registre du commerce, mais le déménagement ou plutôt la disparition du siège social fait qu’elles deviennent introuvables pour leurs créanciers. Ces derniers peuvent attaquer la personne morale, mais une telle procédure demeure inefficace. Reste alors le dépôt d’une plainte pour escroquerie contre le dirigeant de mauvaise foi. Et il y a loin de la plainte à la condamnation. La plupart du temps, un curateur est désigné pour la société, et le dossier est classé sans suite. On peut adresser des sommations aux actionnaires, si on les trouve. Un tel comportement mériterait la création d’une infraction spéciale. Le droit des affaires marocain n’est donc ni pour la dépénalisation, ni pour la pénalisation, selon Azzedine Kettani. «Il y a une attitude éclectique à avoir. Notre tissu social nous est propre, nous devons agir en fonction de la culture locale». On arrive au pénal généralement après le civil. Un actionnaire victime de fraude ne va pas forcément déposer une plainte pour abus de biens sociaux de but en blanc. Que cherche vraiment la victime dans tout acte de pénalisation? Elle préférerait en général récupérer sa mise de départ, éventuellement des dommages et intérêts.

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Cependant, il convient de faire la part des choses. «Infliger une sanction pénale pour non-observation d’une formalité est ridicule, surtout si le dommage est minime ou sans incidence sur les tiers», souligne maître Kettani. Il ne faut pas oublier que la sanction pénale est avant tout à caractère préventif. Par contre, on devrait garder les sanctions pénales pour les dirigeants de mauvaise foi, qui mettraient volontairement la société en difficulté, via une mauvaise gestion intentionnelle.

Section 2   : Les propositions innovantes du projet de dépénalisation   :

Le projet de dépénalisation de la vie des affaires se dévoile enfin. Le texte commence par proposer la suppression et la modification d’infractions pénales. Celles concernées par la suppression sont désuètes ou obsolètes. Un tel amendement fut proposé en 2003 pour l’incrimination pénale relative à la fausse déclaration concernant la répartition des parts sociales entre tous les associés. Cette infraction fait double emploi avec le délit de faux déjà sanctionné par le code pénal (article 351). D’autres infractions sont déjà concernées par un dispositif civil performant. Le même traitement est préconisé pour les infractions redondantes, afin de limiter les concours de qualifications pénales. Quant aux infractions sujettes à modification, cette dernière concernerait l’harmonisation des peines principales et secondaires pour les peines de même nature, ainsi que l’augmentation du montant de certaines amendes, si cela est justifié par la gravité de l’infraction.

Le second volet de propositions traite de la substitution au droit pénal de dispositifs civils, telles les injonctions de faire, les nullités relatives, ou les sanctions contractuelles. Les modes alternatifs de poursuite, à l’image de la transaction, devraient être privilégiés. Les infractions prévues au titre VI de la loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence (traitant notamment de la transparence et des pratiques restrictives de concurrence) devraient être supprimées, pour leur substituer des sanctions administratives prononcées par le Conseil de la concurrence.

Quant au troisième volet traitant de la mise en œuvre de la norme, la proposition la plus conséquente concerne l’élaboration des textes pénaux. Ceux-ci devraient constituer l’apanage du ministère de la Justice, dans le but d’améliorer la cohérence ainsi que la qualité du dispositif normatif. Les parquets sont appelés à améliorer l’harmonisation de leurs politiques pénales, en matière économique et financière, notamment via des circulaires. L’amélioration de la formation est également un des points soulignés. Aussi bien les entrepreneurs que les magistrats devraient améliorer respectivement leurs formations juridique et financière. L’élaboration de codes de déontologie est également à l’ordre du

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jour. En outre, ce volet propose également de favoriser la spécialisation des juridictions, ainsi que celle des moyens dont elles disposent pour leur fonctionnement.

Le quatrième volet propose une synergie entre l’Autorité marocaine du marché de capitaux (AMMC) et le droit pénal boursier, ce qui permettrait la suppression du cumul sanction administrative et sanction pénale notamment à travers l’articulation des procédures et des enquêtes.

L’échevinage des juridictions judiciaires est également au programme. Ce système en l’occurrence consiste à adjoindre aux magistrats des professionnels du monde boursier. Les personnes sanctionnées par l’AMMC devraient bénéficier d’une mesure de réhabilitation. Enfin, le délit d’initié devrait être puni de trois ans d’emprisonnement au lieu de deux.

L’articulation est également de mise dans le cinquième volet, cette fois avec le Conseil de la concurrence. Le cumul entre infraction pénale et sanction du Conseil de la concurrence serait également appelé à disparaître, à travers la suppression de la responsabilité des personnes morales, pour l’infraction prévue à l’article 7 de la loi 06-99 (concernant les sanctions de pratiques anticoncurrentielles). La procédure de clémence devant le Conseil de la concurrence devrait être homologuée par le parquet.

Le sixième volet concerne les plaintes avec constitution de partie civile. Les propositions en sont l’augmentation du délai entre la plainte préalable et le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, qui passerait ainsi de 3 à 6 mois. Les classements sans suite en matière économique et financière devraient être motivés dans le détail. Les personnes morales produiraient des pièces comptables, pour les besoins de la consignation. Et lorsqu’une constitution de partie civile aboutit à une décision de non-lieu, le montant de la consignation serait converti en amende civile.

La prescription, objet du septième volet, est parmi les propositions les plus importantes. Elle devrait avoir comme point de départ la date des faits incriminés et non plus celle de leur découverte.

L’attractivité de la voie civile est le point d’orgue du huitième volet. Une action de groupe avec un système d’option, ainsi que le remboursement des frais entre les parties, sont prévus.

Enfin, le texte conclut par l’amélioration des règles concernant la responsabilité des personnes morales, notamment à travers la clarification des peines encourues par ces dernières, ainsi que la prise en compte de leur spécificité en cas de récidive, et la réduction des délais de leur réhabilitation judiciaire.

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Conclusion

Pour conclure, il convient de signaler que l’inflation est corrélativement, une

dilution du pénal : trop de pénal tue le pénal. Et même lorsque le recours pénal

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serait justifié en lui-même, il arrive que les conditions de son application altèrent

sensiblement l’autorité des décisions. C’est par exemple le cas avec les longs

retards à prononcer la sanction qui dévitalisent l’intervention répressive. Mais

c’est plus encore, le décalage souvent très sensible qui peut exister entre la

menace potentielle que prévoient les textes, et l’application effective qui en est

faite.

Bibliographie

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Les enjeux de la pénalisation de la vie économique, Marie Frison Roche, Thèmes et commentaires, Dalloz, 2007

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000090/0000.pdf

http://www.maghress.com/fr/leconomiste/54327

http://www.leconomiste.com/article/depenalisation-du-droit-des-affairesbrle-legislateur-marocain-moins-severe

http://www.juristique.com/portail/doc-176.html

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