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Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 1 IEP de Toulouse Master 2 Développement économique et coopération internationale LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE DE LA VILLE : PLACE ET RÔLE DES CONSEILS CITOYENS Mémoire de fin d'études rédigé par Laurine Maruszak Sous la direction de Agnès Deboulet Année 2014/2015

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IEP de Toulouse

Master 2 Développement économique et coopération internationale

LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE

DE LA VILLE : PLACE ET RÔLE DES CONSEILS CITOYENS

Mémoire de fin d'études rédigé par Laurine Maruszak

Sous la direction de Agnès Deboulet

Année 2014/2015

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu Agnès Deboulet, ma directrice de mémoire, qui m'a

aidée à trouver le stage sur mon terrain de recherche pour l'élaboration de ce mémoire, et

pour m'avoir accompagnée tout au long de la conduite de ce travail.

Je souhaite aussi remercier toute l'équipe de la Coordination Nationale Pas sans Nous

pour son accueil, et notamment les personnes qui m'ont accordé du temps pour des

entretiens et témoignages.

Je remercie tout particulièrement Renée-Claire, Juliette et Bénédicte pour leurs nombreux

conseils, leur écoute, leurs encouragements et pour m'avoir aidée à avancer dans mes

réflexions.

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ….......................................................................................................... p.3

SOMMAIRE …....................................................................................................................... p.5

INTRODUCTION ….............................................................................................................. p.7

PARTIE 1 : OBJECTIFS ET MÉTHODES DE LA RECHERCHE, HISTORIQUE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, PARTICIPATION ET POUVOIR D'AGIR DES HABITANTS …............. p.15

CHAPITRE 1 : LES OBJECTIFS ET LA MÉTHODE DE LA RECHERCHE ….......................................... p.16

1.1– Pourquoi traiter la participation habitante dans la politique de la ville ?

1.2 – Une recherche conduite à partir du stage à la coordination nationale

Pas sans Nous

CHAPITRE 2 - LA PARTICIPATION HABITANTE DANS LA POLITIQUE DE LA VILLE ….......................... p.25

2.1- La place de la participation des habitants dans la politique de la ville : objectif

toujours annoncé mais jamais atteint

2.2 - Les apports de la nouvelle loi de programmation et de cohésion urbaine

de février 2014

CHAPITRE 3 - PARTICIPATION ET POUVOIR D'AGIR DES HABITANTS : ENJEUX ET DÉBATS …........... p.36

3.1 Les débats autour d'une réelle participation des habitants

3.2- Qu'entend-on par « renforcer le pouvoir d'agir des habitants » ?

PARTIE 2 : LES CONSEILS CITOYENS ET LA PATICIPATION HABITANRE : QUELLES ÉVOLUTIONS ? QUELLES RÉALITÉS ? …....................................................................... p.45

CHAPITRE 1 - LA DIFFICILE MOBILISATION DES HABITANTS LES PLUS ÉLOIGNÉS DES INSTANCES DE

PARTICIPATION ….................................................................................................................... p.46

1.1 - L'information, préalable à la mobilisation des habitants

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1.2- Le tirage au sort : enjeux et débat

CHAPITRE 2 - LE RÔLE DE CO-CONSTRUCTION DES CONSEILS CITOYENS …................................. p.55

2.1 - Que représente la co-construction dans la politique de la ville ?

2.2- La co-construction : entre attente et réalité.

CONCLUSION …................................................................................................................ p.67

SOMMAIRE DES ANNEXES …........................................................................................ p.69

ANNEXES …...................................................................................................................... p. 70

BIBLIOGRAPHIE …........................................................................................................... p.82

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INTRODUCTION

En 1991, Jean-Marie Delarue écrivait « La dépossession implique aussi celle de

l'expression, des moyens d'expression et de la croyance en l'utilité de l'expression »1 en

parlant des habitants des quartiers populaires les plus en marge et par conséquent les

moins disposés à user d'un pouvoir politique. Il a été montré que pauvreté et expression

politique ne font pas bon ménage. C'est pourquoi la politique de la ville s'est toujours

attachée à ce que la voix des habitants des quartiers populaires puisse être entendue

grâce à des instances de participation. Cependant loin d'être une réussite, ces instances

se sont souvent révélées peu efficaces, voire elles auraient participé au creusement du

fossé entre les habitants plus en marge et le reste de la société.

Ce mémoire s'attache à comprendre les raisons pour lesquelles une grande partie de la

population essentiellement issue des quartiers populaires, boude les instances de

participation mises en place par la politique de la ville, et surtout dans quelle mesure les

conseils citoyens, nouveau dispositif de participation, pourraient conduire à remobiliser les

habitants dans la vie politique locale.

I. Du volet social au volet urbain, l'absence de plus en plus marquée des habitants

dans la politique de la ville

La politique de la ville a été créée en France dans les années 1980 avec les actions de

développement social urbain dans les quartiers, dans le but de requalifier les quartiers en

difficulté par des dispositifs d'intervention spécifiques. A cette période, la politique de la

ville est considérée comme une politique relevant de l'Etat seul. S'appuyant sur deux

piliers principaux que sont les développements urbain et social, elle a pour but d'améliorer

les conditions de vie socio-économique des habitants des quartiers les plus en difficulté.

Pour cela, elle s’appuie sur une géographie prioritaire, ciblant les territoires en fonction de

leurs dysfonctionnements urbains et sociaux. Transversale, la politique de la ville fait

appel à la mobilisation des politiques publiques et aux financements interministériels,

notamment des ministères de l'éducation, de la santé, du travail, du logement et de la

cohésion sociale.

1 DELARUE J.M., Banlieues en difficultés : la relégation, Paris, Syros Alternatives p.86

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Ensuite dans le temps, sa mise en œuvre s'est articulée autour d'un Etat présent mais de

plus en plus en appui des collectivités territoriales, qui ont vu leur rôle se renforcer au fur

et à mesure des transferts de compétences dans le cadre de la décentralisation initiée

depuis 1982.

Les années 1980 et 1990 ont vu de nombreux rapports, programmes et circulaires

centrés notamment sur les questions d'éducation, de solidarité, d'insertion sociale et

professionnelle des jeunes, ainsi que sur la question de la prévention de la délinquance,

démontrant l'importance de la question sociale dans la politique de la ville.

Cette question sera peu à peu reléguée au second rang au profit de la rénovation urbaine.

Ainsi, la loi Borloo de 2003 recentre la politique de la ville sur la question de la rénovation

urbaine avec le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). Le PNRU prévoit

notamment de lourdes opérations de démolition-reconstruction de logements, de

réhabilitation des espaces et équipements publics dans l'ensemble des « zones urbaines

sensibles ». Une Agence nationale de rénovation urbaine est créée pour financer et

accompagner des projets conduits par les collectivités locales. L'objectif de cette nouvelle

loi consisterait à vouloir « casser les ghettos » en introduisant de la « mixité sociale » par

la programmation mixte de logements, mais également par la réduction du chômage et du

décrochage scolaire. Elle sous-entend que les problèmes sociaux des quartiers

populaires seraient issus de l'environnement dans lequel vivent leurs habitants. Le volet

social est alors légué aux collectivités territoriales qui voient leurs compétences

s’accroître sans les moyens financiers pour les mettre en œuvre.

La politique de la ville sera ensuite en quelque sorte mise de côté jusqu'en 2005. Bien

qu'elles fassent suite à une longue liste de révoltes, les « émeutes urbaines » qui

explosent cette année-là remettent sur le devant de la scène politico-médiatique la

question des quartiers populaires.

Les contrats urbains de cohésion sociale, signés en 2007 pour une durée de trois ans et

qui remplacent les contrats de ville, mettent dès lors l'accent sur l'éducation et l'emploi

des jeunes, l'intégration et la lutte contre les discriminations, en en faisant des objectifs

transversaux. Un comité interministériel des villes tentera, en 2011, de définir de

nouvelles orientations politiques pour palier aux inégalités persistantes entre les territoires

et préparer les prochains contrats urbains.

Les nombreuses analyses de ces révoltes s'entendent pour dire qu'elles ont incarné une

expression politique : celle d'un ras-le-bol d'une population enfermée dans une situation

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économique et sociale figée.

II. La non-représentation des quartiers populaires : une des causes de l'inefficacité

de la politique de la ville ?

Le discours institutionnel et politique à considérer les quartiers comme des espaces à

transformer à l'image du reste du territoire, a des conséquences sur le long terme qui ne

font qu'aggraver la situation et rendent la politique de la ville inefficace. Car comment

parler des quartiers sans d'abord faire parler ceux qui y vivent ? Pourquoi ne pas prendre

les habitants des quartiers pour ce qu'ils sont et non pas essayer de les transformer ?

La notion de mixité sociale est apparue dans les années 1990 à partir de l'idée de

transformer les quartiers par la rénovation urbaine, pour arriver à un « rattrapage »

économique et sociale à l'image du reste de la ville. Dans l'idéal, la mixité sociale viserait

l'égalité de tous les citoyens dans l'accès aux institutions, source de légitimité politique et

d'un lien social fort2. Diminuer la concentration spatiale des familles les plus précaires et

immigrées par un « mélange » des catégories sociales permettrait de diffuser des

modèles sociaux issus des classes moyennes, d’accroître le développement économique

des territoires et enfin de mettre fin à la ségrégation spatiale. Elle passe par la

diversification de l'habitat pour instaurer une proximité spatiale entre les différents

groupes sociaux3. Ce fut l'objectif central du Programme National de Rénovation Urbaine

(PNRU) entamé en 2003, et qui a mis en œuvre des opérations de rénovation urbaine,

des opérations de programmation mixte de logements à destination des classes

moyennes, ainsi que la réduction de production de logements sociaux sous couvert de

lutte contre le ségrégation spatiale.

Mais la « mixité sociale » ne s'est traduite que très partiellement dans la réalité. La

proximité spatiale n'a pas suffi pas à instaurer des échanges entre populations, ni à

mettre un terme à la représentation négative des quartiers. Selon les travaux conduits par

Christine Lelévrier, les opérations de démolition, de reconstruction et de relogement

conduites au nom du PNRU n'ont pas dispersé les populations les plus pauvres, pour la

plupart relogées dans leurs propres quartiers. Elles ont aussi conduit au départ des

ménages les plus aisés, participant à une nouvelle concentration des populations les plus2 SCHNAPPER D. « Idéal et limites de la mixité sociale. Les arguments du débat public», Informations sociales 5/2005 n° 125, p. 6-15

3 LELEVRIER C. « Au nom de la « mixité sociale » - Les effets paradoxaux des politiques de rénovation urbaine » Savoir/Agir 2013/1 n°24, p. 11-17

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pauvres. Enfin, la mixité ethnique espérée ne s'est pas produite.

De plus, en condamnant toute forme de différences, considérée comme un repli sur soi,

une inégalité, la mixité sociale concourt plutôt à renvoyer une image négative du quartier

et de ses habitants. Elle vise l'uniformité à partir d'un modèle, celui de la classe moyenne,

plutôt qu'à retirer les forces issues des particularités d'un territoire. En érigeant la mixité

sociale comme une des solutions aux problèmes des quartiers populaires, la politique de

la ville semble avoir finalement participé au renforcement des inégalités sociales. Car

comment rendre l'action publique efficace en ignorant l'identité de ses destinataires ?

Comment la politique de la ville peut-elle changer la vie de quartiers qui ne sont pas

reconnus pour ce qu'ils sont ?

Malgré le fait qu'elle ait été pensée en intégrant la participation des habitants à sa mise en

œuvre4, considérée comme complémentaire à l'action publique, de nombreux acteurs de

la ville, représentants associatifs, professionnels et habitants, reprochent à la politique de

la ville son caractère bureaucratique et descendant. L'Etat et les municipalités ont

tendance à se considérer comme seuls légitimes à intervenir dans la vie locale, en dépit

de nombreuses tentatives de participations habitantes et associatives, qui naissent depuis

plusieurs années. C'est le cas par exemple des budgets participatifs, des comités de

quartiers ou des plans d'urbanisme participatifs. Mais en dehors de ces initiatives

instituées par l'Etat, d'autres mouvements existent qui essaient de faire entendre des

revendications trop souvent mises de côté par les pouvoirs publics. Des ateliers

populaires d'urbanisme naissent dans les années 1970, pour interpeller les pouvoirs

publics sur les questions de réhabilitation de l’habitat ancien dégradé et de la résorption

de l’habitat insalubre. Ce sont des groupes de travail composés d'habitants des quartiers,

qui se réunissent de façon régulière, pour travailler sur l'élaboration de projets alternatifs

soutenus par des architectes, urbanistes et sociologues. Le premier, et le plus

emblématique, était celui de l'Alma-gare à Roubaix au début des années 1970.

Aujourd'hui, l'atelier populaire d'urbanisme de la Villeneuve à Grenoble, ou encore de

Wazemmes à Lille, se battent pour s'approprier leur quartier et proposer des projets

correspondant à leur identité.

De même, en 2001 à Montpellier, dans le quartier populaire du Petit Bard, les habitants se

sont mobilisés pour dénoncer l'état de délabrement du territoire dans lequel ils vivent. Par

la suite, ils s'organiseront en collectif « Justice pour le Petit Bard » afin de peser

d'avantage sur les projets de rénovation urbaine et d'aider au relogement des familles et4 DUBEDOUT H. Ensemble, refaire la ville, Rapport au Premier ministre du Président de la Commission nationale pour le développement social des quartiers, La Documentation Française, janvier 1983

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pour que la rénovation profite d'abord aux habitants.

Ces initiatives grandissent en parallèle d'une forte hausse de l'abstention, notamment

dans les quartiers les plus pauvres, démontrant une crise de la démocratie représentative.

Malheureusement, un grand nombre d'initiatives qui tentent de faire entendre la voix des

habitants restent sans réponse et conduisent à d'importants incidents, tels que les

émeutes de 2005, qui ont pu exprimer avec violence un désarroi face à l'ignorance de la

représentation politique et des pouvoirs publics des réalités de ces territoires.

De nouveaux mouvements défendant la voix des quartiers populaires se créent à

nouveau parmi les habitants, mais aussi les professionnels de l'urbain et les

universitaires.De nombreux mouvements citoyens portés par des dynamiques

entrepreneuriales, identitaires, culturelles ou de représentation politique voient le jour. Le

collectif ACLEFEU, né à la suite des révoltes de 2005, veut par exemple « faire remonter

la parole des quartiers populaires auprès des institutions »5, ce que tente aussi de faire la

Coordination nationale Pas sans Nous depuis 20146. Mais encore une fois ces

dynamiques, aussi importantes soient-elles, restent majoritairement ignorées.

Parmi ces nouvelles dynamiques, le rapport Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les

quartiers populaires de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache a été remis au

Ministre de la Ville en juillet 2013, dans le cadre du débat sur la loi de programmation et

de cohésion urbaine du 21 février 2014. Cette loi tente d'associer d'avantage la société

civile dans son ensemble, avec les autres acteurs publics et privés de la politique de la

ville. Elle reprend un principe mis au cœur du rapport, celui de co-construction, pour une

réelle association des habitants aux politiques publiques et la prise en compte de leur

parole, la mieux à même à connaître les difficultés locales qu'elle rencontre au quotidien.

III. La nouvelle politique de la ville : un tournant dans la reconnaissance des

quartiers populaires ?

La nouvelle politique de la ville, appelée « loi Lamy » du nom de son ministre, semble

vouloir réformer les moyens et les méthodes de participation mises en place jusque-là, et

dont les limites ont été largement pointées. Manque de cohésion entre les volets urbain et

social, complexité du zonage prioritaire, lacunes dans le processus démocratique local,5 D'après la présentation d'ACLEFEU disponible sur le site internet de l'association6 Cf. la présentation de la Coordination Pas sans Nous en p.16

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sont les principaux points sur lesquels tente de revenir la nouvelle politique de la ville, qui

se concentre sur quatre axes :

• la participation des habitants avec un principe de co-construction de la politique

de la ville,

• la simplification de la géographie prioritaire grâce à un critère unique : la

concentration urbaine de pauvreté,

• un nouveau contrat de ville à l'échelle intercommunale, permettant de mobiliser

l'ensemble des politiques publiques,

• un nouveau programme de renouvellement urbain.

C'est sur le premier axe que se concentrera ce travail : la participation habitante dans la

nouvelle politique de la ville.

L'article premier de la loi du 21 février 2014 pose le principe de co-construction avec les

habitants, les acteurs associatifs et économiques, se basant sur leur « pouvoir d'agir »,

dans l'objectif de mieux associer les habitants et acteurs locaux aux actions mises en

œuvre dans leurs quartiers. À la différence des précédentes lois sur la politique de la ville,

la loi Lamy souligne l'importance d'intégrer les habitants à la construction, au suivi et à

l'évaluation du projet de ville. « Co-construction », « pouvoir d'agir » des habitants,

« conseils citoyens » ou encore « maisons de projets » : la nouvelle loi sur la politique de

la ville semble connaître un renouveau concernant la place qu'elle donne aux habitants et

acteurs locaux dans l'action publique. Va-t-on vers une reconnaissance de l'habitant des

quartiers populaires, capable de se faire entendre et de co-construire des projets en toute

légitimité aux côtés des autres acteurs de la ville ? Quels sont donc les changements

apportés par la nouvelle politique de la ville concernant la participation citoyenne ?

Comment est-elle désormais envisagée ? Annonce-t-elle un changement de paradigme

dans la gouvernance locale en France ?

Dans le cadre de mon stage de fin d'études au sein de la coordination nationale Pas sans

Nous, il m'a été demandé d'élaborer un état des lieux sur la mise en place des conseils

citoyens dans les quartiers prioritaires politique de la ville. Au nombre de 1300, ces

quartiers prioritaires ne sont pas encore tous dotés d'un conseil citoyen. Le suivi de leur

mise en place a permis de soulever les grandes questions autour des possibles réussites,

mais aussi des difficultés, voire des échecs, de ce nouveau dispositif, notamment à la

lecture de toute une littérature centrée sur la participation habitante dans les quartiers

populaires et sur des expériences locales de participation.

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Précisons que nous nous attacherons à l'utilisation du terme « participation habitante » et

non pas à celui de « démocratie participative ». Bien que ce dernier terme ne fasse pas

l'objet d'une définition consensuelle, j'ai choisi de le différencier de la participation

habitante pour souligner la forme institutionnalisée de la participation dans la démocratie

participative. La participation des habitants est le plus souvent initiée par l'institution et ne

retient que les propositions des élus. Loïc Blondiaux7 parle d'ailleurs d'une « exigence

participative » pour désigner le fait que, loin d'être le fruit de dynamiques locales et

populaires, la démocratie participative est le résultat d'une série de mesures législatives

ou expérimentales instaurées d'en haut, qui ne renouvellent que très partiellement la

participation des habitants à la vie politique locale.

C'est pour désigner un degré supérieur de participation que nous utiliserons ici le terme

de « participation habitante » : une participation ascendante provenant d'initiatives

populaires qui parviennent à porter la parole des habitants aux élus. La participation

habitante est aussi le terme utilisé dans le rapport Citoyenneté et pouvoir d'agir des

habitants dans les quartiers populaires (2013) sur lequel s'appuie fortement ce mémoire.

Le rapport souligne d'ailleurs la difficulté à définir la notion de participation, qui peut être

entendue comme la simple information des habitants, tout comme une véritable

implication de ces derniers dans l'élaboration de politiques publiques, par des initiatives

ou par l'interpellation des pouvoirs publics. Pour ce mémoire, nous entendrons le concept

de participation tel que développé dans le rapport, c'est-à-dire une participation qui

reconnaît et entend les savoirs des habitants et les inclut dans le processus d'élaboration

des politiques publiques, du début jusqu'à la phase d'évaluation. Cette participation doit

faire du projet de ville un projet partagé et retisser le lien social. C'est aussi une

participation qui mêle dynamiques institutionnelles et dynamiques citoyennes, dans la

mesure où institutions et habitants travaillent ensemble, mais aussi où les habitants sont

force d'interpellation des pouvoirs publics.

Hypothèse

Bien que la loi Lamy annonce une évolution importante concernant la participation

habitante dans les quartiers populaires, le flou législatif qui accompagne les conseils

citoyens, ainsi que les confusions sémantiques autour de la notion de participation,

laissent place à de nombreuses interprétations sur le fonctionnement du dispositif,

risquant de revenir à une instance de participation illusoire, à l'image des autres dispositifs7 BLONDIAUX L « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout » in Mouvements n°50 , Paris, La Découverte2007 p.118

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de participation institutionnels déjà mis en place dans les quartiers.

Dans une première partie, nous étudierons donc la réalité de la participation habitante

dans les dispositifs participatifs existants et dans quelle mesure elle peut devenir une

parole participant entièrement à l'élaboration du projet de ville. Nous verrons ensuite si le

cadre définissant le rôle et la mise en place des conseils citoyens permet de réels

changements de la participation habitante dans les quartiers populaires, au travers le

principe de co-construction du projet de ville énoncé par la loi et celui de la mobilisation

des habitant-e-s les plus éloignés des instances de participation.

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1ÈRE PARTIE : HISTORIQUE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE,PARTICIPATION ET POUVOIR D'AGIR DES HABITANTS,

OBJECTIFS DE LA RECHERCHE ET MÉTHODE

INTRODUCTION

Dans cette première partie, nous présenterons le support de recherche de ce mémoire,

qui a été le travail conduit tout au long d'un stage à la Coordination national Pas sans

Nous. Nous présenterons la structure avant de décrire les méthodes d'enquête suivies

pour évaluer la mise en place des conseils citoyens dans les quartiers prioritaires.

Nous analyserons ensuite la place donnée aux habitants des quartiers populaires dans

l'élaboration des projets de ville par une approche historique de la participation habitante

dans la politique de la ville, au regard notamment des différents dispositifs de participation

mis en place depuis les années 1980.

Enfin, nous interrogerons le concept de participation lui-même, mais aussi celui du

pouvoir d'agir des habitants, mis au cœur de la nouvelle loi du 21 février 2014 et issu du

concept d'empowerment et des expériences de community organizing étasuniennes.

Nous pourrons ainsi comprendre ce qui a inspiré la loi Lamy concernant la participation

habitante dans les quartiers populaires.

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CHAPITRE 1 – LES OBJECTIFS ET LA MÉTHODE DE LA RECHERCHE

1.1. – Pourquoi traiter la participation habitante dans la politique de la ville ?

Ce travail de recherche est le fruit d'un intérêt particulier concernant la responsabilité des

individus dans la construction de l'espace, et plus spécifiquement de l'espace urbain.

Mon parcours, centré sur le développement, au sens large, des pays en voie de

développement, m'a d'abord poussée à m'interroger sur la place des individus dans

l'élaboration d'un projet censé améliorer leur qualité de vie. Comment les prendre en

compte dans l'élaboration du projet, comment travailler avec eux et non pas seulement

pour eux, comment faire pour qu'ils s'approprient le projet et lui donner sa raison d'être ?

En travaillant sur les grandes villes du Sud et leurs nombreuses problématiques,

notamment celle de leur gouvernance, ma réflexion s'est peu à peu portée sur la place

donnée aux habitants dans la construction de l'espace urbain. La question de la

gouvernance permet de comprendre les différentes formes de coordination entre acteurs

sur une période donnée. La gouvernance urbaine appelle donc à s'intéresser aux

interactions entre les divers acteurs de la ville à l'échelle de la ville, au pouvoir de décision

qui leur est laissé de façon plus ou moins formelle, aux objectifs des puissants, et à leurs

conséquences sur les plus démunis. Malgré des contextes très différents entre pays, la

question de la gouvernance urbaine se pose partout en des termes quasi similaires : quel

est le rôle de l'Etat, de l'institution, des professionnels et de l'habitant dans la construction

de la ville, son organisation en terme d'habitation, d'accès aux services publics, de

protection de l'environnement, et de développement économique et social.

J'ai voulu faire de ces questions les éléments directeurs du mémoire de fin d'étude.

N'ayant malheureusement pas pu partir à l'étranger pour effectuer des recherches à ce

sujet, j'ai donc resitué la problématique de la participation des habitants au projet de ville

dans le contexte français en me concentrant sur les quartiers dit « populaires » et la

politique de la ville.

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Quels sont les changements apportés par la nouvelle politique de la ville concernant la

participation citoyenne ? Comment est-elle désormais envisagée ? Est-ce une avancée

ou un retour en arrière de la politique de la ville concernant la participation des habitants ?

Annonce-t-elle un changement de paradigme dans la gouvernance locale en France ?

Le stage à la coordination nationale Pas sans Nous fut une porte d'accès au terrain

d'étude nécessaire à mes recherches universitaires. Il m'a permis de mettre en place un

dispositif d'évaluation sur la mise en place des conseils citoyens.

1.2 – Une recherche conduite à partir du stage à la coordination nationale Pas sans

Nous

• Mon stage à la Coordination nationale

Présentation de la structure …

Ce travail s'inscrit dans le cadre d'un stage de cinq mois effectué à la Coordination

nationale Pas sans Nous. Née en 2014, cette association loi 1901 veut porter la voix des

associations et habitants des quartiers populaires. Ses objectifs sont issus du rapport

« Pour une réforme radicale de la politique de la ville - Ca ne se fera plus sans nous ».

Nourri par les propositions d'environ 200 associations des quartiers populaires, il a été

rédigé par une commission mise en place à la suite d'une commande du ministre François

Lamy en juillet 2013, et dirigée par Marie-Hélène Bacqué, enseignante universitaire à

Paris Ouest Nanterre et membre active du conseil scientifique et technique créé en appui

de la coordination, et Mohamed Mechmache, Président-Fondateur de l’association d’AC

Le Feu, également co-président de Pas sans Nous.

Ce rapport présente trente plus une propositions, la dernière étant le droit de vote des

étrangers aux élections locales promis par le président de la République et considérée

non comme une proposition mais comme un préalable à la participation des habitants

dans les quartiers populaires. Ces propositions n'ont été que très partiellement reprises

dans la loi de programmation et de cohésion urbaine de février 2014. C'est pourquoi

l'ensemble des acteurs ayant participé au rapport se sont de nouveau rassemblés pour

créer la coordination Pas sans Nous, dans l'objectif de défendre les propositions du

rapport, fruit d'un débat intense entres acteurs associatifs des quartiers populaires.

Se présentant par certains de ses membres comme un « syndicat des quartiers », Pas

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sans Nous porte la voix des habitants des quartiers populaires et les dynamiques

participatives des territoires, en offrant un appui et en portant la voix des habitants auprès

des pouvoirs publics. Elle regroupe et coordonne les acteurs qui soutiennent le projet de

défendre les intérêts et la parole des habitants des quartiers populaires partout en France,

pour une action collective porteuse de sens auprès de l'ensemble des institutions.

Développer le « pouvoir d'agir » des habitants, démocratiser la politique de la ville et faire

naitre un contre-pouvoir pour influer sur les politiques publiques sont les sujets centraux

de ce rapport et les socles d'action de Pas sans Nous. « Ca ne se fera plus sans nous »

symbolise le projet porté par la coordination, qui défend l'idée que la politique de la ville

ne doit plus se construire sans la voix des habitants, des associations et des autres

acteurs locaux actifs sur les territoires.

La coordination rassemble des représentants associatifs, des collectifs, et trouve sa

légitimité à agir dans la connaissance et l'expérience du terrain de ses membres ainsi que

leur expertise d'usage, en tant qu'habitants et usagers d'un territoire.

La mission …

Dans l'objectif d’observer la façon dont la nouvelle loi sur la politique de la ville renforce,

ou non, la participation des habitants des quartiers populaires dans l'élaboration des

politiques publiques locales, j'ai été chargée par la coordination de réaliser un état des

lieux sur la mise en place des conseils citoyens ou d’autres formes de participations

comme les tables de quartiers partout en France. Il s'agit de mesurer les avancées, les

bonnes et les moins bonnes pratiques ainsi que les difficultés rencontrées lors de la mise

en place de ce nouveau dispositif participatif.

• La méthode mise en place pour répondre à la mission

Ayant effectué des recherches sur la nouvelle loi de programmation et de cohésion

urbaine de février 2014, et notamment sur le nouveau dispositif de participation qu'elle

propose, nous avons élaboré avec l'aide de l'équipe qui m'entourait, un état les lieux à

partir de nombreuses sources issues notamment d'une veille médiatique sur les conseils

citoyens, d'entretiens semi-directifs auprès des membres de la coordination, et

d'observations participantes lors de plusieurs évènements organisés à la fois par PSN

mais aussi d'autres associations traitant de près ou de loin de la politique de la ville et du

problème de la participation habitante dans les quartiers populaires.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 18

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La veille médiatique pour un état des lieux global...

Une veille médiatique a d'abord été réalisée à partir de la lecture de près de 900 articles

de presse régionale et locale8, de sites internet des mairies et de blogs associatifs, dont

les dates s'étendent entre les derniers mois de l'année 2014 et juillet 2015. Cette veille

médiatique s'est portée sur l'ensemble du territoire métropolitain et l'Outre-mer.

Les données recueillies dans les articles ont été classées dans un tableau9. Sur la forme,

il répertorie le nombre de conseils citoyens par quartier prioritaire d'une commune, leur

composition, avec le nombre de membres habitants et acteurs locaux, les structures ou

les personnes qui les animent, leur date de mise en place, et la durée de leur mandat. Il

comporte également une colonne devant renseigner le budget annuel attribué à chaque

conseil citoyen, une question encore très peu abordée par les acteurs en charge du

dispositif.

Sur le fond, ce tableau recense les informations pour mesurer les objectifs assignés aux

conseils citoyens, le respect ou non d'une composition représentative de la population du

quartier, en fonction des listes sur lesquelles s'est fait le tirage au sort et la façon dont a

été mobilisée la population. Enfin, il permet de mettre en avant la question de la

participation effective ou non du conseil citoyen à l'élaboration du contrat de ville, comme

la loi le stipule. Pour cela, il a fallu comparer les dates de création des conseils avec les

dates de signature des contrats de ville, ainsi que les rôles affichés des conseils citoyens

selon ce qui a été présenté, avec plus ou moins d'exactitude dans chacun des articles.

Cette classification a ainsi permis d'observer les grandes tendances autours de la mise en

place des conseils citoyens sans toutefois illustrer les questions de fond et les débats

propres à chaque commune présentée dans le tableau.

8 Voir l'annexe 1 : Liste des médias consultés pour le veille médiatique9 Voir l'annexe 2 : Tableau indicatif sur la mise en place des conseils citoyens par commune

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 19

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La participation au travail de Pas sans Nous …

Ces questions de fond et les débats soulevés par la mise en place des conseils citoyens

ont été très largement abordés par l'ensemble des membres de Pas sans Nous avec qui

j'ai eu la chance d'être en contact régulièrement lors de mon stage, et notamment lors du

conseil national de la coordination de mai à Marseille. Le conseil national fut en effet très

riche d'enseignements sur les situations locales que connaissent les délégués régionaux

de Pas sans Nous. Durant trois jours, il a rassemblé les membres du bureau ainsi que la

majorité des membres du conseil d'administration, délégués à l'échelon régional de la

structure, et en charge d'appuyer au mieux et avec leurs moyens, la mise en place des

conseils citoyens sur leurs territoires.

Durant le premier jour, nous avons participé à deux réunions publiques en présence

d'acteurs associatifs et d'habitants, d'abord à Aix en Provence puis à Marseille. Elles ont

consisté à les informer sur les conseils citoyens et à discuter avec eux de leur

participation possible et souhaitable au dispositif, à sa mise en place. Ce fut aussi

l'occasion de soulever les problèmes rencontrés par les associations dans leurs relations

avec les élus, leurs marges de manœuvre parfois très restreintes, et d'exposer aussi leurs

désillusions quant aux systèmes de participation mis en place jusque-là par la politique de

la ville.

Le second jour, par les témoignages de plusieurs délégués régionaux Pas sans Nous,

concernant la mise en place des conseils citoyens et des tables de quartier en

expérimentation. Cela a permis de souligner de nombreux points importants qui nourriront

mes recherches, notamment sur le manque de volonté de l'institution à mettre en place

une réelle participation habitante qui soit ascendante, le souhait des élus et de certaines

associations de faire des conseils citoyens de simples réunions d'habitants sans pouvoir

véritable, et enfin le projet de signer les contrats de ville sans la participation des conseils

citoyens, contrairement à ce qui est stipulé dans la loi. D'autres nombreux points ont été

soulevés lors de cette journée, que nous détaillerons par ailleurs. Des propositions de

solution ont ensuite été émises, sur les actions que peut mener PSN au niveau national et

local.

Le conseil s'est ensuite conclu par des discussions autour du positionnement de PSN, de

ses projets et de la préparation de son assemblée générale, que je ne détaillerai pas ici.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 20

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Ces trois jours ont été l'occasion d'échanger directement avec les habitants sur la

question de leur participation à la construction de leurs quartiers et de leur ville. Toutes

les informations récoltées lors ces trois jours sont venues compléter mes observations

issues de la veille médiatique mais aussi de la participation à d'autres évènements qui

m'ont permis par ailleurs de diversifier les acteurs et les points de vue au sujet de la mise

en place des conseils citoyens.

Les rencontres sur la participation citoyenne...

La participation à des évènements ayant, entre autre pour thème, la participation des

habitants, a permis de recueillir idées, critiques et propositions sur les conseils citoyens

de la part d'autres acteurs que les habitants, associations et membres de Pas sans Nous.

Il manquait effectivement le point de vue des élus, d'institutionnels et de professionnels de

la ville, mais aussi celui des jeunes des quartiers populaires en question.

Nous avons d'abord, ma tutrice et moi-même, participé à la journée « Contrats de Ville

2015 », organisée par l'association des Maires de France Villes et Banlieues.

Rassemblant élus, institutionnels, professionnels de la ville et universitaires, ainsi que la

ministre déléguée à la politique de la ville Myriam El Khomri, cette journée a en partie mis

en exergue le point de vue des élus sur les conseils citoyens, leur mise en place et la

façon dont ils conçoivent le dispositif et la participation des habitants dans leurs

communes.

La participation à un débat sur la « crise des banlieues 10 ans après », organisé par

l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, a également fourni des

informations précieuses sur la détresse des jeunes des quartiers aujourd'hui, qui gardent

le sentiment d'être ignorés et de ne pas être pris en compte dans l'établissement des

politiques publiques qui les concernent, un sentiment que j'ai aussi pu observer dans le

comportement des participants au débat et jeunes issus des quartiers, qui paraissaient

particulièrement émus par le sujet.

Enfin, les Journées du Pouvoir d'agir, organisées par le collectif du même nom les 29 et

30 mai à Paris, ont permis de débattre et réfléchir, avec divers acteurs, sur plusieurs

notions essentielles pour enrichir les réflexions autours de la participation des habitants.

Mon groupe de travail a notamment traité la question du partage du pouvoir : dans quelles

conditions peut-on partager le pouvoir ? Beaucoup d'idées ont été apportées à ce sujet

qui ont servi mon travail par la suite. Après avoir réfléchi aux freins qui limitent le partage

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 21

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du pouvoir, notamment le problème des dispositifs démocratiques descendants, la

posture de l'habitant par rapport à l'élu et l'apprentissage de la démocratie, nous avons

réfléchis à des solutions potentielles. Les membres du groupe se sont accordés sur l'idée

de changer les mentalités et les postures de tous les acteurs, faire évoluer les

représentations de chacun pour un meilleur partage du pouvoir et une profonde

transformation de la démocratie.

Les entretiens semi-directifs …

L'association dans laquelle j'ai effectué mon stage m'a demandé de conduire une dizaine

d'entretiens auprès de personnes investies dans la mise en place des conseils citoyens

au sein de leur quartier. Nous avons donc mis en place, avec l'aide de l'équipe qui

m'encadrait, un guide d'entretien semi-directif permettant de savoir où en était la mise en

place des conseils citoyens, mais aussi comment s'est déroulée cette mise en place. Les

questions posées se voulaient être ouvertes pour conserver une liberté de parole la plus

large possible chez mes interlocuteurs, afin de saisir au mieux leurs visions, leurs

impressions, leurs incompréhensions et leurs questionnements sur le dispositif et sa mise

en place.

Une première question portait sur l'avancement de la mise en place du conseil citoyen du

quartier de l'interlocuteur, afin de poser le contexte général. Ensuite, une série de

questions ont été posées triées d'après trois thèmes :

• l'organisation et la composition du conseil citoyen,

• la mobilisation des habitant-e-s et la communication autours des conseils citoyens,

• le rôle du conseil citoyen dans l'élaboration du contrat de ville.

Toutes les questions contenues dans le guide d'entretien, disponible en annexe10, n'ont

pas été posées mais suivaient les réponses émises par les interlocuteurs, dans le but de

créer un véritable échange avec eux.

10 Voir l'annexe 3 : Le guide d'entretien

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 22

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Concernant le choix des personnes interrogées, j'ai privilégié l'aspect qualitatif, en me

renseignant préalablement sur leur implication dans la mise en place des conseils

citoyens afin de recueillir un plus grand nombre d'éléments. Tous sont adhérents à PSN ;

me renseigner sur mes interlocuteurs était donc relativement simple. Par conséquent, ils

correspondent tous à un même profil : habitant-e-s de quartiers populaires, représentant-

e-s d'association et très investi-e-s dans la vie de leurs quartiers, ils ont tous un capital

militant élevé11.

Trouver des personnes disponibles n'a pas été facile. Toutes avaient des emplois du

temps très chargés et sont la plupart du temps sous pression dans la conduite de leur

action. Une partie était aussi située en région, limitant les rencontres directes. J'ai donc

décidé d'adopter différents moyens d'entrer en contact avec, ce qui permettait de

s'adapter aux emplois du temps de chacun, mais aussi de permettre une expression plus

aisée de ceux qui étaient plus à l'aise avec un moyen de communication plutôt qu'un

autre.

Une première prise de contact auprès de ces personnes était nécessaire pour faire

connaissance et expliquer les raisons de ma démarche. J'ai d'abord envoyé des mails,

puis appelé ceux qui m'ont répondu afin d'obtenir un rendez-vous téléphonique ou une

date de rencontre. Toutes les personnes interrogées étant adhérentes à l'association

PSN, les échanges se sont faits assez facilement. Toutefois, certaines ne se sont pas

montrées disponibles autrement que par mail. D'autres au contraire me recontactaient

régulièrement pour me tenir informée des évolutions de la situation dans leur quartier, la

parole se libérant un peu plus à chaque échange et permettant d'obtenir chaque fois plus

d'informations. Je ne suis finalement parvenue à rencontrer personnellement qu'un seul

acteur. Trois des entretiens se sont déroulés par téléphone. Et deux des six acteurs

interrogés n'ont échangé que par mails, mais en fournissant de nombreuses sources

primaires, notamment des courriers et des mails échangés avec d'autres acteurs, très

intéressantes pour l'enquête. Je n'ai cependant pas eu l'autorisation de les diffuser.

J'ai cherché ensuite à trier toutes les informations afin de rassembler les points communs

à chaque situation et d'étudier les divergences. Cette analyse fut difficile à effectuer dans

la mesure où chacune de ces situations dépendent de contextes locaux très différents,

impliquant des acteurs aux intérêts distincts et difficilement identifiables à partir de ma

position. Au-delà de connaître l'organisation et la composition des conseils citoyens, les

11 Voir l'annexe 4 : Liste des personnes interrogées

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 23

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entretiens ont en effet surtout révélé des rivalités entre les acteurs en présence et des

enjeux de pouvoir au niveau local. Ils ont mis en exergue l'enjeu politique de la

participation habitante, particulièrement palpable dans la mise en place des conseils

citoyens. La principale difficulté a donc été de ne pas surévaluer les informations fournies

par les personnes interrogées, en les confrontant à d'autres sources, notamment en

interrogeant d'autres personnes qui connaissent plus ou moins bien la situation des

conseils citoyens dont font partie les personnes interrogées. L'accès à certains

documents tels que des compte rendus de réunion des comités de pilotage des contrats

de ville, des synthèses de groupes de travail ou encore la lecture de contrats de ville

m'ont aussi beaucoup aidée pour évaluer et contre-balancer les informations données lors

des entretiens.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 24

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CHAPITRE 2 - LA PARTICIPATION HABITANTE DANS LA POLITIQUE DE LA VILLE

2.1 - La place de la participation des habitants dans la politique de la ville : objectif

toujours annoncé mais jamais atteint

La participation des habitants est un élément constitutif de la politique de la ville.

L'intervention des habitants dans l'élaboration des projets de ville, puisqu'ils vivent dans

les quartiers concernés, et sont les premiers usagers de ces quartiers par leurs pratiques

et leurs usages sociaux, semble en effet naturelle. C'est pourquoi une série de dispositifs

participatifs locaux ont été mis en place en France. Toutefois, permettent-ils une réelle

participation des habitants à l'élaboration des projets ? Veut-on vraiment, à travers ces

dispositifs, faire participer les habitants ?

Avant de répondre à ces questions, nous présenterons ce que signifie le terme

participation des habitants, pour analyser son évolution dans la politique de la ville.

• Qu'est-ce que la participation habitante ?

La participation des habitants se déploie à travers deux configurations : des dispositifs de

participation institutionnalisés et des dispositifs non institutionnalisés, résultant d'une

dynamique participative sur un territoire. Nous nous intéresserons, dans la suite de ce

travail, à la participation institutionnalisée des habitants, entendue comme la possibilité

qui leur serait donnée de prendre part à la discussion et aux décisions politiques, sous

d'autres formes que la seule élection de leurs représentants, afin d'orienter l'action

publique dans un sens qui réponde à leurs besoins. Mais cette simple définition cache un

nombre important de questions qui doivent être soulevées pour comprendre l'évolution

des dispositifs participatifs, des tables de quartier aux conseils citoyens.

A l'heure d'une abstention politique grandissante, notamment dans les quartiers

populaires, la participation habitante recouvre plusieurs enjeux.

Palier aux manquements du système représentatif...

François Hannoyer et Bénédicte Madelin12 expliquent qu'il s'agit d'abord de réhabiliter la

politique en donnant la possibilité à l'habitant d'influencer réellement l'action publique, ce

que ne permet pas le système représentatif, dont la légitimité est dès lors remise en

12 HANNOYER F. et MADELIN B. Quelles nouvelles voies pour la participation des habitants ?, Profession Banlieue, 2013

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cause.

Les représentants élus, largement issus des mêmes catégories socio-professionnelles

supérieures, ne sont pas reconnus comme représentatifs de la population, notamment

celle des quartiers populaires De surcroit, les dispositifs de consultation du système

représentatif, le vote notamment, ne servent qu'à demander l'avis des habitants sur des

programmes politiques, ne laissant pas de place à d’autres points de vue. Ils ne

participent pas à l'élaboration de projets qui pourtant les concernent, ni ne prennent part à

la décision qui reste aux mains des représentants. Libre à eux de prendre en compte

l'avis de la population. L'habitant n'a dès lors aucun pouvoir de voir ses revendications

entendues et satisfaites, ce qui entraine un sentiment d'impuissance et une diminution de

la participation. Ceci explique en partie l'abstention et la crise politique que connaît la

France aujourd'hui. Comment faire peser l'avis des habitants sur la décision publique ?

L'enjeu de la participation serait alors de créer un lien entre les instances de consultation

et les instances de décision en donnant à l'habitant un pouvoir d'agir sur les décisions, et

ainsi de réhabiliter la politique aux yeux des habitants.

Les dispositifs locaux de participation permettraient ce lien entre la consultation des

habitants et la décision prise par les représentants, à partir du moment où ils portent la

parole de la population et lui donne les moyens de se faire entendre et comprendre.

Les conditions préalables à la participation...

Selon Michel Monbeig13, pour que la parole habitante puisse être réellement prise en

compte, quatre éléments essentiels doivent être rassemblés : l'information, la

consultation, l'implication des habitants et l'évaluation. L'information d'abord, qui permet à

l'habitant de prendre connaissance de l'action publique, sans quoi il ne peut prendre part

au débat. La consultation ensuite sert à prendre en compte l'avis des habitants pour

l'intégrer à la prise de décision. L'implication désigne la participation de l'habitant à la

réalisation des actions. Et enfin, l'évaluation sert à ce que les habitants mesurent

l'effectivité de ce qui a été réalisé par rapport à ce qui a été annoncé.

Finalement, la participation des habitants doit être entendue non comme un substitut,

mais comme un complément de l'offre de représentation. Elle vise à associer activement

les habitants aux débats autour de la mise en œuvre de politiques locales, ce qu'explique

pour la première fois, au début des années 1980, Hubert Dubedout dans un rapport publié

dans les débuts de la politique de la ville.

13 MONBEIG M. « L'impossible démocratie participative », Pensée plurielle 2/2007 n° 15, p. 29-47

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• Le rapport Dubedout, pionnier d'une participation habitante renouvelée

Hubert Dubedout, maire de Grenoble et premier président de la « Commission pour le

développement social des quartiers », remet en 1983 au Président de la République, un

rapport « Ensemble refaire la ville », qui met en avant l'idée d'une véritable coopération

entre élus, professionnels, associations et habitants des quartiers populaires. Ce rapport

milite pour une nouvelle gouvernance locale, basée sur la construction d’un projet qui soit

concerté entre tous les membres de la société. Pour cela, l'auteur part d'une critique de la

participation des habitants initiée jusqu’alors dans le cadre d’un programme national

« Habitat et vie sociale », entre 1977 et 1981, et sera à l'origine du programme de

développement social des quartiers des années 1980.

L'auteur dénonce une participation des habitants à l'action publique qu’il qualifie

d’artificielle. Enfermés dans un rôle d'assistés par les pouvoirs publics, ils ne sont pas

acteurs mais simples témoins du changement en cours dans leurs quartiers : « aucune

assistance n'est efficace si les intéressés eux-mêmes ne prennent pas en charge leur

projet de transformation. Substituer à une politique d'assistance une politique de

développement économique et social revient à opérer ce mouvement d'appropriation

collectif. La conduite des opérations doit alors reposer sur la volonté de (…)

reconnaissance des habitants comme partenaires (...) »14. Il appelle à faire avec les

habitants et non pas à leur place, en tenant compte de leurs potentiels. L'habitant doit

prendre ses responsabilités dans l'action publique, d'autant plus qu'il en est le premier

destinataire. L'auteur appelle donc à mettre en œuvre des moyens de développer les

potentialités des habitants des quartiers populaires, au lieu de les assister dans leur

quotidien sans leur donner les outils de leur émancipation. La participation est dès lors

entendue comme un moyen de remobiliser les habitants et de recréer du lien social dans

les quartiers.

Le rapport Dubedout pointe les manques d'une « participation active » dans la politique de

la ville, et appelle à l'instauration de nouveaux dispositifs de participation locale. Il ne sera

entendu que très partiellement, au regard des dispositifs de participation successifs mis

en place dans le cadre de la politique de la ville.

14 DUBEDOUT H., Ensemble, refaire la ville op.cit. p.12

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• L'historique de la participation dans le cadre de la politique de la ville

Partant du postulat logique que le peuple, en démocratie, a le droit de prendre part aux

décisions qui le concerne, une série de mesures législatives se sont accumulées depuis

les débuts de la politique de la ville, et ont sollicité les habitants des quartiers populaires

en les associant plus ou moins aux décisions qui les concernent.

La participation au fondement de la politique de la ville...

Comme exposé auparavant, la participation se trouve au cœur de la politique de la ville.

Elle s'inspire des mouvements des révoltes urbaines des années 1970, qui ont vu naître

les ateliers publics d'urbanisme ou les groupes d'action municipale (GAM), dont le premier

a été lancé à Grenoble par Hubert Dubedout lui-même. Composés de militants et

syndicats, les GAM ont pour objectif de peser politiquement sur les décisions municipales,

en offrant une expertise au service des habitant-e-s. Ils revendiquent un renouveau de la

démocratie au niveau local, pour une gestion de la ville plus participative.

Les différentes étapes de la décentralisation qui se sont succédé ont également joué un

rôle sur la place donnée à la voix des habitants dans la politique de la ville. En

interrogeant la place de l'Etat central dans la politique locale, elle a renforcé le

« développement de la participation des citoyens à la vie locale »15.

Les différents dispositifs de participation …

Depuis 1977, avec Habitat et vie sociale expérimentant de nouvelles procédures de

participation, la participation était alors pensée comme un complément de la démocratie

représentative.

De nombreux dispositifs ont été mis en place pour tenter d'articuler l'action des pouvoirs

publics avec le point de vue des habitants. Conseils consultatifs des jeunes, des seniors

ou des étrangers, les conseils de quartier ou les comités de locataires sont autant de

dispositifs institutionnels mis en place dans le cadre de la politique de la ville, pour

octroyer aux habitants une place dans la gestion de leur quartier. Ces dispositifs n'ont

cependant aucun caractère obligatoire et dépendent à la fois des dynamiques citoyennes

et du bon vouloir des municipalités de voir s'organiser des groupes d'habitants. La loi

Barnier de 1995 qui instaure la Commission nationale du débat public pour veiller « au

respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets

15 Article 1 de la Loi n° 82-213 du 2 mars 1982

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d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national »16, la loi Vaillant du 27 février 2002

qui rend obligatoire les conseils de quartier dans les communes de plus de 80 000

habitants, démontrent les tentatives de l'état de promouvoir la participation des habitants

dans le débat public.

Cependant une participation habitante illusoire...

Si l'objectif de ces dispositifs participatifs semble noble, un certain nombre d’observations

peut faire douter de la volonté des dirigeants à vouloir effectivement entendre la voix des

habitants des quartiers populaires.

En France, la participation a cette particularité qu'elle est institutionnalisée et

descendante. Elle est initiée par les pouvoirs publics, via des dispositifs institutionnels,

sans provenir d'une demande formalisée de la population. Or, si cette « offre de

participation » ne rencontre pas la demande des habitants, alors elle devient vite inutile,

ne faisant pas l'objet d'une appropriation et d'une utilisation durable par les habitants17.

Marion Carrel parle d'une « injonction participative »18 pour souligner le caractère

obligatoire de la participation dans la politique de la ville. Elle met aussi en avant l'aspect

illusoire de la participation imposée par ces dispositifs institutionnels, qui ne laissent pas

vraiment de place à l’initiative des habitants. Ces dispositifs maintiennent les habitants

dans un rôle uniquement consultatif, sans leur laisser de place dans le processus de

décision. Les projets soumis à la consultation sont le plus souvent conçus en amont. Ni

les contre-propositions, ni les désaccords n'ont leur place dans ces dispositifs où les

décisions sont déjà prises, réduisant la participation à de l'information19. Les habitants

peuvent discuter, exprimer leur opinion, mais ne peuvent en aucun cas être décideurs.

En outre, la participation semble plutôt être un faire-valoir des élus, un moyen de

légitimation de leurs actions et de communication politique. Elle change rarement les

choix de l'intervention publique. Ces dispositifs sont davantage le fruit d'une obligation

morale des élus à légitimer leurs actions par les habitants plutôt que faire de celle-ci un

véritable acte démocratique. Or, cette « injonction participative » est de moins en moins

16 Article L121-1 du code de l'environnement. Modifié par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 – art. 24617 BUTHEAU C., FEARBER E., LARBEY V., GONTCHAROFF G., HANNOYER F., MEGARD D., OBRADOVIC I.,SCHARLY S. et VARIN J.L. (septembre-octobre 1999) « Les habitants dans la décision locale » in Territoires septembre-octobre 1999 n°399 bis

18 CARREL M., Faire participer les habitants ? La politique de la ville à l’épreuve du public, thèse soutenue sous la directionde GUILLEMARD A-M., Paris 5 René Descartes 2004

19 MONBEIG M. « L'impossible démocratie participative », Pensée plurielle 2/2007 n° 15, p. 29-47

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bien acceptée. Il existe une tendance de plus en plus affirmée à questionner les instances

de représentation, composées majoritairement de mêmes catégories socio-économiques

non représentatives des habitants des quartiers et renforçant ainsi la fracture sociale.

Comment se sentir représenter par des élus ne partageant rien du quotidien des

habitants ? La politique de la ville, bien qu'elle place au cœur de son action le concept de

participation, ne prend pas la peine d’évaluer les pratiques locales de participation.

Ce travail d’évaluation qu’on retrouve dans le rapport de Marie-Hélène Bacqué et

Mohamed Mechmache « Pour une réforme radicale de la politique de la ville, Citoyenneté

et pouvoir d'agir dans les quartiers populaires »20 a permis de promouvoir un dispositif de

participation qui mettrait les habitants au cœur de l'élaboration des politiques publiques, à

travers les tables locales de concertation, ce dont s'est inspirée très partiellement la

nouvelle loi de programmation et de cohésion urbaine de février 2014, avec l'instauration

des conseils citoyens.

2.2 - Les apports de la nouvelle loi de programmation et de cohésion urbaine de

février 2014

• Le rapport Bacqué-Mechmache

La représentation des classes populaires dans le monde politique...

Le rapport met en avant l'idée que la participation des habitants ne doit pas se limiter à

l'information et à la communication sur les politiques publiques, mais devrait associer les

habitants aux décisions : « L'horizon dans lequel nous souhaitons inscrire ce rapport est

celui d'une participation qui aille au-delà de la communication ou de la concertation autour

de projets et de politiques publiques, qui prennent en compte à la fois les enjeux de

pouvoir, les inégalités et la conflictualité dans le débat démocratique, dans une

perspective de transformation sociale. »21

Il remet en cause la définition de la participation en France, accusée d'être une notion trop

imprécise, qui sous-tend une très large « échelle de la participation » allant de

l'information jusqu’à la délégation de pouvoirs22. En outre, les dispositifs mis en place20 BACQUÉ M-H. et MECHMACHE M. Pour une réforme radicale de la politique de la ville, Citoyenneté et pouvoir d'agir dans les quartiers populaires, Paris, 2014 Les éditions du CGET

21 BACQUE M-H et MECHMACHE M. Pour une réforme radicale de la politique de la ville op.cit. P19

22 BACQUE M-H et MECHMACHE M. ibid. p 16

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depuis trente ans s'attardent davantage à consulter et à informer les habitants plutôt qu'à

prendre en compte leurs savoirs et leurs propositions. C'est finalement une participation

« sans enjeux et sans effet »23 que dénonce le rapport. Mise au centre de toutes les

attentions politiques, elle conduit davantage à faire oublier le rôle premier de la politique

de la ville : celui de requalifier les quartiers populaires, mais aussi de réduire les

processus d’exclusion des jeunes et des plus précaires.

En théorie, cinq axes pour renforcer la participation …

De ce constat, le rapport invite dans un premier temps à développer le « pouvoir d'agir

des habitants », en leur donnant les moyens de s'organiser eux-mêmes et de se former

pour participer au débat public de façon autonome. Le pouvoir d'agir des habitants est

une notion centrale, qui a guidé l'ensemble des propositions du rapport. Nous la

développerons donc dans le chapitre suivant.

Le deuxième axe d'intervention propose de revoir les logiques du service public afin

d'inclure l'habitant dans son élaboration, son action et son évaluation, pour mieux

répondre aux besoins des populations, surtout dans des territoires où les moyens qui sont

attribués au service public sont plus faibles qu'ailleurs, alors que les demandes y sont

plus importantes. Les auteurs invitent en même temps à reconsidérer le rôle des

« structures intermédiaires » que sont les centres sociaux par exemple, qui ont aussi un

rôle de service public, mais devraient devenir des leviers pour l'organisation citoyenne.

Dans la logique de placer l'habitant au cœur de l'action publique, le rapport invite dans un

troisième temps à démocratiser la politique de la ville en donnant un rôle central à

l'habitant dans la décision locale, notamment pour les projets de rénovation urbaine, afin

d'adapter les interventions aux contextes locaux, aux habitudes et aux diverses

appropriations de l'espace par les habitant-e-s.

Enfin, les deux derniers axes portent sur l'image des quartiers et la formation des

habitants. Inclure les habitant-e-s des quartiers populaires dans les différentes sphères de

l'action publique énoncées précédemment nécessite en effet de considérer les habitants

des quartiers populaires non pas comme des problèmes, mais comme des solutions à

apporter aux problèmes des quartiers populaires, en rappelant qu'ils sont aussi des

« lieux de solidarité, de réussite, d'innovation et de création ». Changer l'image des

quartiers contribuerait en partie à faire évoluer les « cultures politiques et

professionnelles », dernier axe de travail proposer par le rapport, et possible grâce à une

co-formation des élus, des professionnels et des habitant-e-s pour instaurer un meilleur

23 BACQUE M-H. et MECHMACHE M. Ibid. p 21

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 31

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dialogue entre eux.

Le rapport invite donc à positionner l'habitant au cœur de l'action publique, en le faisant

travailler avec les institutions et professionnels, et en lui donnant les moyens de les

interpeller. Afin de répondre à ces cinq , un outil est proposé : la table locale de

concertation.

En pratique, la mise en place des tables locales de concertation...

Aussi appelées « tables de quartiers », elles ont pour objectifs de réunir les associations

de quartier dans un même lieu d'échanges et de débats, afin de discuter entre elles, de

coordonner leurs actions et porter un projet commun pour le quartier et au sein des

instances de pilotage du contrat de ville.

Elles sont inspirées des tables de concertation communautaires montréalaises

regroupées au sein de la Coalition montréalaise des tables de quartier. Ces dispositifs

sont soutenus financièrement par la ville. Ainsi, les tables locales de concertation devront

également recevoir un appui financier et matériel de la part de l'Etat, qui sera fonction de

la composition de ces tables, leur ouverture à toutes les associations de quartier et

l'évaluation de leur action.24

Dès lors, nous pouvons déduire que les tables de quartiers, mises en place à partir d'une

volonté des acteurs associatifs à s'organiser pour porter au mieux la voix des habitants,

constituent une étape alternative essentielle au dialogue entre population et institutions.

Les associations, porte-paroles des habitants, peuvent s'adresser en leur nom aux

institutions et échanger avec elles de manière plus inclusive, en valorisant leur expertise

de l'action publique et leur connaissance du territoire. Les tables de quartiers présentées

dans le rapport sont donc un enjeu majeur pour l'évolution de la participation dans la

politique de la ville.

• Co-construction, expertise d'usage et co-formation de la loi du 21 février

2014

En s'inspirant du rapport Bacqué-Mechmache, la nouvelle loi de programmation et de

cohésion urbaine de février 2014 semble vouloir faire de la participation des habitants le fil

conducteur de l'action publique locale. Plusieurs nouvelles notions apparaissent, qui

laissent penser à un renouveau de la politique de la ville et notamment celles de co-

24 BACQUE M-H et MECHMACHE M. Ibid. pp 47-48

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 32

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construction, co-formation et expertise d'usage.

Importance de la co-formation pour une co-construction de l'action publique…

L'article premier de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine « s'inscrit

dans une démarche de co-construction avec les habitants, les associations et les acteurs

économiques, s'appuyant notamment sur la mise en place de conseils citoyens, selon des

modalités définies dans les contrats de ville, et sur la co-formation »25. Pour rendre le

principe de co-construction efficace, l’enjeu porte à la fois sur la formation des habitants à

la participation, en leur donnant les méthodes pour peser sur l'action publique, mais aussi

sur la formation des élus et techniciens de la ville pour faire évoluer leur fonctionnement

et leur culture professionnelle et politique. C'est l'un des enjeux du rapport Bacqué-

Mechmache présenté précédemment. Il s'agit de croiser l'expertise de chacun, les

manières de voir et de faire l'action publique, pour finalement construire une culture

commune à tous les acteurs et rendre plus efficace la politique de la ville. C'est pour

répondre à cette proposition du législateur que PSN s'est proposé d'animer des séances

de formation, rassemblant habitant-e-s, associations, élu-e-s et technicien-ne-s. Elles se

dérouleront à partir d'un diagnostic des demandes de chacun des acteurs afin de

s'adapter aux besoins de chaque territoire. Elles ont pour but d'aider à identifier le rôle de

chacun dans l'élaboration des projets de ville, de comprendre les enjeux de la

participation des habitant-e-s et du débat public, de trouver des méthodes pour renforcer

l'échange entre les différents acteurs et pour mobiliser les habitant-e-s, notamment pour

les plus éloignés de la participation politique. La co-formation participe ainsi à la mise en

œuvre d'une co-construction de l'action publique locale mise en avant par la loi.

Celle-ci donne aux habitants et acteurs locaux une place à chaque étape de l'élaboration

de l'action publique. Toutefois, elle ne dit rien sur la place des habitants dans la décision.

Le principe de co-construction proposé dans la loi fait oublier celui de codécision mis en

avant dans le rapport Bacqué-Mechmache. Cette absence souligne un enjeu majeur de la

participation habitante : celui du partage du pouvoir de décision. Elle installe un flou sur

les acteurs qui seraient aptes à prendre la décision finale dans l'action publique, une

critique déjà énoncée dans l'exposé des dispositifs de participation.

• Les conseils citoyens au cœur de la nouvelle loi sur la politique de la ville

Outre les limites instaurées par la loi du 21 février 2014 au principe de codécision tel qu’il

25 Voir l'article 1.I de la loi n° 2014173 du 21 février 2014

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 33

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est préconisé dans le rapport Bacqué-Mechmache, les tables locales de concertation ont

également été transformées par la loi en « conseils citoyens ». Qu'est-ce que retient ce

nouveau dispositif des enjeux présentés dans le rapport ?

Définition légale …

L'article 7 de la loi, complété par le cadre de référence sur les conseils citoyens, définit

ces conseils comme un dispositif obligatoire dans chaque quartier prioritaire politique de

la ville. Ils sont composés d'habitants tirés au sort respectant la parité homme-femme, et

d'un collège associations et acteurs locaux. Ils doivent être associés à l'élaboration, au

suivi et à l'évaluation des contrats de ville qui définissent les objectifs, les moyens et les

méthodes d'évaluation mis en œuvre pour les atteindre.

Indépendants des pouvoirs publics, les conseils citoyens reposent sur trois piliers : une

représentation dans les instances de pilotage, une autonomie de décision et de

fonctionnement, une composition à l'image des dynamiques du quartier dont ils font

partie. Ainsi, aucun élu, représentant de parti politique ou syndicat ne doit siéger au

conseil citoyen, pour le laisser libre de toute influence politique. Ce sont les membres du

conseil qui déterminent son organisation, son mode de fonctionnement et les travaux qu'il

traite. Les collectivités participent au financement des conseils citoyens afin d'en assurer

le bon fonctionnement. Sa composition doit être à l'image du quartier qu'il représente et

prendre en compte les identités socio-culturelles des habitants. Par conséquent, la loi

souligne l'importance de la mobilisation des jeunes et des plus précaires notamment, qui

sont habituellement les plus éloignés des instances de participation.

Surtout, la loi sollicite la participation du conseil citoyen à toutes les instances de pilotage

du contrat de ville. Elle pose donc pour la première fois la question de l'articulation entre

la participation et la décision. D'ailleurs, une instance appelée Observatoire national de la

Politique de la ville est chargée d'évaluer les « progrès en matière de participation des

habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville ».

Des différences fondamentales avec les tables de quartier...

Les conseils citoyens présentent deux différences essentielles, comparés aux tables

locales de concertation. La première tient à la composition des conseils citoyens qui est

inscrite dans la loi et qui n'est pas le résultat d'une alliance qui se serait construite

naturellement entre acteurs locaux. En outre, comment tous ces acteurs peuvent travailler

ensemble alors que l'entente est à construire ?

La seconde différence résulte du caractère obligatoire des conseils citoyens qui sont une

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 34

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fois de plus un dispositif instauré d'en haut. On peut encore parler d'injonction

participative et non pas d'un dispositif issu d'une volonté habitante de participer. Qu'elles

conséquences cette injonction a-t-elle sur la réussite de ce dispositif ? Le conseil citoyen

peut-il mobiliser malgré tout les habitants ? L'injonction participative n'est pas un

problème en soit, si elle parvient à faire avec les dynamiques locales et à installer une

véritable participation des habitants.

Ainsi, les conseils citoyens devraient permettre la mise en place d'un espace d'échanges

collectifs prenant en compte les dynamiques locales et laissant place à la contradiction,

au débat, pour que les habitants se fassent entendre et s'approprient l'action publique au

même titre que les autres acteurs de la ville.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 35

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CHAPITRE 3 - PARTICIPATION ET POUVOIR D'AGIR DES HABITANTS : ENJEUX ET DÉBATS

La mise en place d'instances de participation ne suffit pas à mobiliser les habitants et à

créer une réelle participation de tous, surtout lorsque ces instances se multiplient et se

superposent au fur et à mesure du temps, entrainant confusion et incompréhension de la

population. Le conseil citoyen est une énième instance de participation institutionnalisée.

Il doit donc particulièrement prendre en compte la question de la mobilisation des

habitants. De même, sans reconnaissance des dynamiques locales par les pouvoirs

publics, l'implication des habitants dans la vie politique locale faiblit. Le conseil citoyen,

plus qu'une nouvelle instance institutionnalisée de participation, doit aussi tenir compte de

cette participation ascendante, en provenance des habitants eux-mêmes.

Avant de comprendre en quoi les conseils citoyens constituent une instance crédible à la

participation des habitants dans les quartiers populaires, nous exposons les nombreuses

questions soulevées par mobilisation de plus en plus faible des habitants dans les

instances de participation, bien que la vie associative reste très riche.

Quelles sont les raisons pour lesquelles la population des quartiers populaires reste en

dehors de la participation politique ? Comment mobiliser les habitants les plus précaires

dans l'élaboration des politiques publiques et leur donner du pouvoir d'agir afin qu'ils

deviennent les « acteurs de l'évolution et de l'amélioration de leur vie sociale et

culturelle »26 ?

3.1 - Les débats autours d'une réelle participation des habitants

• L'information plus que la participation de l'habitant

La critique la plus répandue sur la participation des habitants et sur les dispositifs

institutionnels qui l'accompagnent, porte sur la place que ceux-ci offrent réellement aux

habitants qui n'ont qu'un rôle consultatif et ne prennent jamais part aux décisions qui les

concernent. Puisque seul le représentant élu détient la légitimité de décider, pourquoi

parler de participation des habitants ? En faisant miroiter une participation effective sans

jamais tenir ses promesses, les dispositifs participent à la démobilisation des habitants

dans la vie politique locale, lassés de n'être qu'un faire-valoir de décisions prises sans

eux.

26 DELARUE J-M Banlieues en difficulté : la relégation Paris, Syros Alternatives, 1991, p89

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 36

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Le problème de la participation institutionnalisée...

La forme institutionnalisée des dispositifs participatifs tels que les conseils consultatifs des

jeunes, des anciens ou les conseils de quartier, fait qu'ils ne tiennent pas compte des

dynamiques existantes dans un quartier, et ne donnent ni le temps ni les moyens de la

participation. Ils s'imposent, proposant une offre de participation qui ne tient pas compte

des initiatives locales qui se construisent en dehors de l'institution, et restent parfois sans

reconnaissance des pouvoirs publics. Ainsi, la table de quartier d'Angers a été initiée par

un ensemble d'associations locales dans le but de discuter avec les pouvoirs publics sur

le nouveau contrat de ville 2015-2020. Cette table de quartier n'a pas été reconnue par la

municipalité qui, dans le même temps, a mis en place d'autres instances de participation.

Nous avons là à la fois une décision descendante de participation, prise par l'institution, et

un mouvement ascendant, initié par les habitants à travers des initiatives locales. Tout

l'enjeu se situe ainsi dans un équilibre à trouver entre ces deux mouvements.

La procédure de participation est elle aussi cadrée par l'institution, les sujets traités sont

décidés à l'avance, et les problèmes déjà résolus. Les réunions sont le plus souvent

organisées sans que le dossier traité n’ait été préalablement mis à disposition des

habitants, afin de prendre connaissance du projet et de réfléchir collectivement à des

propositions alternatives. Ainsi, les habitants ne sont présents que pour adhérer ou non

au projet qui leur est proposé mais ne participent pas à sa construction.

Face aux élus et aux professionnels de la ville qui détiendraient un « savoir expert »27

jamais remis en question, les habitants ne seraient dotés que de savoirs ordinaires,

souvent appelés « savoirs d'usage », et qui sont liés à leur connaissance et leurs

pratiques sociales du territoire au quotidien. L'habitant ne serait qu'un usager des services

publics, et c'est uniquement au nom de ce « savoir d'usage » qu'il serait légitime

d'apporter sa contribution à l'action publique. Or, nous avançons qu'il est nécessaire

d'aller au-delà du « savoir d'usage » de l'habitant qui, en dehors de sa situation d'habitant,

est aussi un travailleur, le membre d'une famille, d'une communauté, d'une structure

associative ou politique. Autant d'appartenances qui lui apportent des expériences à

capitaliser pour l'élaboration de l'action publique. De plus, l'habitant est aussi souvent

considéré uniquement comme défenseur de ses intérêts personnels, contrairement aux

associations, élus et techniciens. Le supposé manque de capital social, culturel et

27DEBOULET A. et NEZ H.Savoirs citoyens et démocratie urbaines, Les Presses universitaires de Rennes, 2013

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 37

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économique28 des habitants ne permettrait pas de mettre en place une participation avec

des échanges de même valeur au sein de ces dispositifs.

• Le « cens caché » de la participation...

La reproduction des rapports de domination...

Ces inégalités dans la participation naissent d'un conflit de légitimité entre acteurs qui

sont dotés différemment en capital. De ce constat, Marion Carrel a repris l'idée du « cens

caché » de Daniel Gaxie29 qui ne s'arrête pas à la démocratie représentative mais se

poursuit dans l’analyse de la participation des habitants. Les plus précaires sont souvent

les plus éloignés de la vie sociale et politique, à commencer par leur inscription sur les

listes électorales. Les personnes d’origine étrangère, les jeunes et les non diplômés sont

parmi les moins inscrits sur les listes électorales, notamment ceux des quartiers

populaires30. Le droit de vote interdit aux étrangers non-européens, constitue également

un important facteur de ségrégation et d’exclusion sociale et politique. On observe

également une sous-représentation des femmes, des immigrés, des chômeurs et des

handicapés dans les instances de participation31, qui ont du mal à s'exprimer face à un

élu dont le langage, les compétences, la posture lui donne une autorité et une légitimité à

s'exprimer au nom de l'intérêt général. Finalement, ce sont les mêmes qui sont présents

dans les instances de participation : des individus au capital social et politique plus ou

moins important, informés et souvent membres d'une structure associative ou politique32.

Dans le même esprit, Hélène Balazard parle de ressources sociales et financières qui

« empêchent une participation équilibrée au processus décisionnel »33. Les « élites »

influent plus facilement l'action publique que les groupes dominés parce qu'ils en ont les

moyens.

Le discours comme facteur excluant de la participation...

D'après Michel Monbeig, la recevabilité du discours de l'habitant passe par l'utilisation du

langage dominant. Un habitant qui parle plus simplement, sans les codes du discours

28 BOURDIEU P. La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Les Editions de Minuit, 197929 GAXIE D. Le cens caché : inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Seuil, 197830 NIELX. et LINCOT L., « L'inscription et la participation électorales en 2012 - Qui est inscrit et qui vote ? » inINSEE, 2012 31CARREL M. Faire participer les habitants ? La politique de la ville à l’épreuve du public, Paris5 René Descartes, 2004

32BLONDIAUX L.« La démocratie participative, sous conditions et malgré tout » i n Mouvements n°50 , Paris LaDécouverte, 2007 p.215

33 BALAZARD H. (2015) Agir en démocratie, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l'atelier, 2015, p.12

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 38

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politique ou professionnel, verra sa légitimité questionnée. La participation telle qu'elle est

mise en place dans les instances institutionnalisées ne reconnaît pas la parole de

l'habitant. L'habitant n'est pas admis symboliquement comme l'égal de l'élu ou du

professionnel. Le langage apparaît dès lors comme un « droit d'entrée dans les dispositifs

de participation »34, qui discriminent et renforcent les inégalités politiques et sociales.

Par leur structure pyramidale et leurs codes de la démocratie représentative, les

instances de participation institutionnalisée reproduisent des rapports de domination qui

caractérisent la société. Elles ne permettent pas une inversion des tendances et laissent

les plus démunis dans l'ombre.

L'hypothèse selon laquelle la participation dans la politique de la ville serait la possibilité

pour tous de s'exprimer dans l'espace public est erronée. La participation n'est en effet

pas spontanée et les pratiques sociales du territoire d'un habitant peuvent parfois

difficilement s’exprimer. Il convient donc d'interroger le rôle de la politique de la ville dans

l'émancipation des habitants des quartiers populaires. La politique de la ville implique

différents acteurs et ne doit pas oublier le rôle de l'habitant et les structures qu'ils mettent

eux-mêmes en place. La loi Lamy met l'accent sur la mise en place d'une instance de

participation neutre et non pyramidale, pour que les habitants puissent s'exprimer

librement et trouver leur place au sein du débat démocratique afin de co-construire l'action

publique. Mais elle oublie de donner les moyens pour l'expression des habitants au sein

de ces instances. En dehors de dispositifs participatifs, il faut aussi donner les outils de

renforcer les moyens d'action et d'expression, de donner un pouvoir d'agir aux habitants.

3.2 - Qu'entend t-on par « renforcer le pouvoir d'agir des habitants » ?

Un des enjeux de la participation se trouve dans le partage du pouvoir de décision et

d’action entre les différents acteurs de la politique de la ville. La participation des

habitants à l'action publique se mesure dans la compréhension des problématiques du

quartier, dans la capacité à se mobiliser, pouvoir d’agir de façon autonome ou interpeller

les autorités. Pour reprendre les termes d'Hélène Balazard, il s'agit d'une « capacité de

comprendre, d'intervenir, d'influencer et de faire valoir ses intérêts et ses droits dans un

système ouvert. Le pouvoir ne se monopolise pas, ne se donne pas mais se

développe »35. C'est ce que nous traduirons par le « pouvoir d 'agir » des habitants, mis

34 BLONDIAUX L. « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout » 2007, op cit p.124

35 BALAZARD H. Agir en démocratie 2015 op.cit. p.40

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au cœur de la loi Lamy.

• Entre processus de transformation sociale et objectif à atteindre

Essai de définition...

La notion de pouvoir d'agir n'est pas nouvelle, mais le rapport Bacqué-Mechmache l'a

mise au cœur de la politique de la ville dans un objectif de transformation sociale des

quartiers populaires. Largement repris dans le discours politique tout comme dans la

littérature scientifique sur la participation, le pouvoir d'agir semble être devenu un terme à

la mode dont il faut se méfier, d'autant plus que sa définition reste imprécise et évolue en

fonction des usages qui en sont faits. Mais cette notion utilisée dans le cadre de la

politique de la ville a toutefois l'avantage d'introduire la question des inégalités d'accès au

pouvoir de décision et d'envisager la participation autrement que comme un complément

de la démocratie représentative. Elle fait de l'habitant des quartiers populaires non plus un

problème, mais une partie de la solution qui conduit à l'amélioration de la vie dans les

quartiers populaires. Nous ne donnons pas une définition exhaustive du pouvoir d'agir

dans ce travail. D'ailleurs, nous parlerons davantage de « développement du pouvoir

d'agir », mettant en avant l'idée d'un processus (le développement) autant qu'un objectif à

atteindre (le pouvoir d'agir), dans la lignée de la définition de l'empowerment donnée par

Marie-Hélène Bacqué36, et dont la notion de « développement du pouvoir d'agir » pourrait

en être la traduction. Nous souhaitons surtout montrer l'importance de développer le

pouvoir d'agir pour la participation des plus précaires à la construction de l'action

publique.

Le développement du pouvoir d'agir peut être entendu comme le processus de

renforcement des capacités des habitants à agir sur leur environnement et à prendre part

à l'action publique. Il désigne à la fois un processus d'émancipation politique et sociale et

un objectif à atteindre, puisqu'il vise à faire des habitants des acteurs à part entière de

l'action publique par le renforcement de leurs capacités à agir sur leur environnement.

Renforcer le pouvoir d'agir des habitants, c'est renforcer leurs capacités d'initiative, de

contestation. C'est donner la possibilité de faire valoir ses intérêts, d'affirmer ses

différences et faire en sorte qu'elles soient respectées dans le débat public. C'est

finalement lutter contre les inégalités entre dominants et dominés, en donnant les moyens

d’autonomie aux plus précaires de lutter pour améliorer leurs conditions de vie.

36BACQUE M-H, « Empowerment et politiques urbaines aux Etats-Unis » , Géographie, économie, société vol-8, 2006p.107-124

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L'importance de la responsabilisation de l'habitant...

Ces moyens de lutter pour l'amélioration des conditions de vie des plus précaires passent

par la formation, l'accompagnement ou l'éducation populaire qui, plus que de donner un

socle commun de connaissances à tous les individus, cherche à former un esprit critique,

capable de contester, de questionner ce qu'on tente de lui imposer. Les instances de

participation devraient ainsi laisser la place au conflit, pour éviter l'écueil du projet « tout

ficelé » et non négociable présenté par les élus aux habitants, et si souvent dénoncé par

les critiques de la participation politique37. Le conflit permet en effet de responsabiliser

politiquement l'habitant, d'en faire un acteur actif par sa participation à l'élaboration de

l'action publique et de mettre fin à un modèle de l'habitant assisté et passif38. En ce sens,

la responsabilisation politique des habitants est nécessaire au renforcement de leur

pouvoir d'agir. Il s'agit d'éviter que le plus grand nombre s'appuie sur une minorité pour

prendre les décisions à sa place et non ensemble. Attention cependant à pas entendre la

responsabilisation comme un appel au désengagement de la puissance publique, mais

plutôt comme une plus grande capacité des habitants à s'organiser et à agir au côté de la

puissance publique, par le biais de la société civile notamment.

• L'exemple du community organizing

Le rôle des associations et des autres structures intermédiaires est essentiel dans le

développement du pouvoir d'agir des habitants, ce que montre bien l'exemple du

community organizing, une forme d'organisation locale de la société, théorisée dans les

années 1930 aux Etats-Unis par le sociologue Saul Alinsky. Il désigne une forme

« d'associations sans but lucratif et engagées socialement pour un ensemble de

personnes partageant une même appartenance »39. La community, que nous pourrions

traduire par « communauté », désigne cette notion d'appartenance à un groupe, qu'elle

soit territoriale, culturelle, ethnique, religieuse ou professionnelle. Sans revenir sur les

différentes formes de community organizing existantes40, nous souhaitons surtout montrer

en quoi ce type d'organisation locale peut permettre de développer le pouvoir d'agir des

habitants les plus précaires et conduire à leur émancipation politique.37 BLONDIAUX L. « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout » op.cit pp 123-125

38 DUBEDOUT H.Ensemble, refaire la ville, Rapport au Premier ministre du Président de la Commission nationale pour ledéveloppement social des quartiers, La Documentation Française, 198339 BALAZARD H. Agir en démocratie, op.cit. p.2340 TALPIN J. « Mobiliser les quartiers populaires, Vertus et ambiguïtés du Community Organizing vu de France » , In LaVie des Idées, 2013

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Organiser la société civile...

Le community organizing repose sur une organisation particulière de la société au niveau

local, où les habitants ou collectifs choisissent de s'organiser eux-mêmes pour faire valoir

leurs demandes et leurs mécontentements auprès des pouvoirs publics. Pour les aider à

s'organiser mais aussi à mobiliser les plus éloignés de la participation politique, ils

choisissent des community organizers dont la mission est de mobiliser et fédérer

l'ensemble du groupe autours des problématiques qu'ils auront identifiées ensemble. Ils

structurent la participation à partir des revendications habitantes, en essayant de

mobiliser le plus d'habitants possible parmi les plus éloignés des instances de

participation, et organisent des actions collectives pour porter ces revendications

jusqu'aux dirigeants. C'est donc une organisation de la société qui permet de former des

alliances, des partenariats entre les habitants afin qu'ils puissent faire face aux pouvoirs

publics et créer un contre-pouvoir auto-organisé.

A côté de leur rôle à la fois de mobilisation, d'organisation et de médiation, les organizers

sont également chargés de former des leaders parmi les habitants dans un double objectif

de rendre le groupe progressivement autonome, et d'éviter d'installer un nouveau rapport

de domination. Le risque est en effet que les organizers accaparent le pouvoir au sein de

l'association. La formation d'un grand nombre de leaders permet donc d'éparpiller le

pouvoir au sein de nombreux membres. Ils sont aussi formés dans le but de remplacer à

terme les organizers.

Transformer le rapport de force...

Le but de l'organisation communautaire est d'organiser les habitants et acteurs locaux

pour faire émerger la parole habitante et encourager les personnes les plus en difficulté à

lutter pour améliorer leurs conditions de vie dans une logique de contre-pouvoir. Cette

notion de contre-pouvoir est importante dans le community organizing. Les associations

ne sont en aucun cas formées pour remplacer un service public que l'Etat ne serait plus

en mesure de garantir. Elles ne sont pas non plus les porte-paroles des habitants au sens

où elles parleraient en leur nom. Les associations communautaires sont davantage un

porte-voix des habitants : elles les aident à s'organiser, à échanger, elles leurs donnent

des outils d'interpellation mais ne parlent pas à leur place. À terme, cette logique permet

de renforcer certaines compétences des habitants, au fur et à mesure de leur participation

aux discussions et actions de l'association, en même temps que les actions menées leur

prouvent qu'ils sont capables de peser sur le cours des choses dans un sens qui leur est

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plus favorable. L'organisation communautaire a donc pour objectif de transformer le

rapport de force en renforçant le pouvoir des habitants. Elle remplace une logique

d'assistance qui place l'habitant, et notamment ceux des quartiers populaires, dans une

position de consommateur, et non pas d'acteur « architecte » du service public aux côté

des dirigeants techniciens et professionnels.

Les mouvements de community organizing visent donc le renforcement du pouvoir d'agir

des habitants les plus en difficulté par l'organisation d'une action collective, mais surtout

par la prise de conscience d'avoir le pouvoir de peser sur les décisions. Marie-Hélène

Bacqué, qui a contribué à importer les travaux sur l'empowerment en France, a également

co-présidé le rapport commandé par le ministre de la ville en 2013 pour l'élaboration de la

nouvelle loi sur la politique de la ville. En conséquence, nous retrouvons dans l'esprit de la

loi Lamy des logiques inspirées du community organizing, notamment à travers la mise en

place des conseils citoyens. Tout d'abord, ce dispositif devrait partir des dynamiques

existantes sur les territoires pour se mettre en place de façon plus ascendante que les

précédents dispositifs de participation institutionnalisés, ceci afin que les habitants

s'organisent eux-mêmes, en comptant toutefois sur le soutien des pouvoirs publics. A

travers ce dispositif, la loi cherche aussi à mobiliser les habitant-e-s les plus éloignés des

instances de participation, et d'en faire ainsi leur porte-voix. Toutefois, cette influence,

bien qu'existant, reste très limitée. Aucune logique de construction d'un contre-pouvoir

n'est supposée dans la loi, qui propose davantage une logique de co-gestion de la ville

avec les habitants, soulignée par les principes de « co-production » et de « co-

formation ».

Le développement du pouvoir d'agir passe donc, d'une part, par la reconnaissance du rôle

politique des associations et des collectifs, et d'autre part, par la mise à disposition d'outils

permettant aux habitants qui ont le moins de pouvoir de s'organiser pour participer

effectivement à l'action publique. Cette notion, invoquée dans le discours politique qui

argue pour un renouvellement de la politique de la ville, trouve-t-elle une réalité dans la

mise en place du nouvel outil de participation habitante que sont les conseils citoyens ?

Conclusion :

D'après l'analyse de la place donnée à la participation des habitants dans la politique de

la ville depuis ses débuts dans les années 1980, nous constatons de réelles lacunes dans

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 43

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la définition même de participation habitante, et dans l'identification de ses enjeux par les

différents acteurs qui façonnent la ville et plus particulièrement les quartiers populaires,

empêchant sa mise en œuvre concrète dans l'action publique.

Dans la plupart des dispositifs de participation institutionnalisés, la participation se limite à

la consultation des habitants, voire leur simple information, réduisant au minimum leur

rôle dans l'élaboration du projet de ville.

De plus, ces dispositifs ne mobilisent qu'une part réduite de la population des quartiers

populaires, laissant en marge de la participation les habitants les plus précaires mais

aussi les étrangers, nombreux dans les quartiers populaires.

Enfin, le degré de participation des habitants est aussi limité par la place centrale occupée

par les élus, les techniciens et les professionnels de la ville dans les dispositifs de

participation institutionnalisés. Leur organisation hiérarchique et descendante limite

indirectement la parole des habitants au profit des discours institutionnels et techniques.

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, avec la

mise en place des conseils citoyens, semble vouloir redéfinir la participation habitante

dans un sens plus inclusif en invitant tous les habitants et acteurs locaux à participer à

l'élaboration, au suivi et à l'évaluation du projet de ville de manière active et autonome, en

collaboration avec l'institution et l'Etat, qui apporte les moyens nécessaires au travail des

conseils citoyens.

La deuxième partie de ce travail sera donc de tenter de mesurer les évolutions de la

participation habitante par un examen de la mise en place des conseils citoyens dans les

quartiers populaires. L'objectif est de voir dans quelle mesure les conseils citoyens sont

susceptibles de répondre aux ambitions portées par la loi Lamy, en évaluant notamment

la qualité de la mobilisation des habitants au sein du dispositif et la réalité du principe de

co-construction du projet de ville.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 44

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2ÈME PARTIE : LES CONSEILS CITOYENS ET LAPARTICIPATION HABITANTE : QUELLES ÉVOLUTIONS ?

QUELLES RÉALITÉS ?

INTRODUCTION

A partir de l'analyse de la participation habitante conduite dans la première partie de ce

mémoire, nous tenterons, dans cette seconde partie, de mesurer les évolutions possibles

de la participation offertes par la nouvelle loi sur la politique de la ville par une enquête

centrée sur la mise en place des conseils citoyens dans les quartiers prioritaires.

Dans une première partie, nous nous attacherons à comprendre les raisons de l'étendue

plus ou moins importante de la mobilisation habitante au sein du dispositif, afin de voir s'il

parvient à mobiliser les plus éloignés de la participation pour que « la politique de la ville

ne se (fasse) pas sans eux »41.

Puis, après avoir défini le principe de co-construction qui justifie les travaux des conseils

citoyens, nous analyserons sa mise en œuvre concrète dans l'élaboration des projets de

ville, par l'observation des jeux d'acteurs qui agissent dans les territoires. Nous

comprendrons ainsi les marges d'action laissées aux conseils citoyens et par conséquent,

l'état de la reconnaissance de la parole habitante par les autres acteurs qui agissent dans

et pour les quartiers.

41 Propos recueillis par Mathieu Léritheau, dans une interview de Patrick Kanner, Ministre de la ville, de la jeunesse et dessports datée du 21 août 2015. Disponible ici : http://www.connexite.fr/a-la-une/patrick-kanner-je-crois-beaucoup-aux-conseils-citoyens-co-construction-politique-ville-avec

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 45

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CHAPITRE 1 - LA DIFFICILE MOBILISATION DES HABITANTS LES PLUS ÉLOIGNÉS DES

INSTANCES DE PARTICIPATION

Le conseil citoyen a comme objectif de faire participer les habitants les plus éloignés des

instances de participation afin de diminuer l'exclusion sociale et politique qui touche les

personnes les plus précaires des quartiers populaires et de renforcer, dans une moindre

mesure, leur pouvoir d'agir. Le discours politique conduit sur la loi Lamy et les conseils

citoyens met en avant un idéal : celui de construire la ville avec l'ensemble des habitants.

La mobilisation est donc un enjeu central du nouveau dispositif.

Avant de voir les enjeux du tirage au sort dans la mobilisation de tous les habitants au

sein du conseil citoyen imposé par la loi du 21 février 2014, nous analyserons dans ce

chapitre l'importance de l'information pour rendre la mobilisation efficace.

1.1 - L'information, préalable à la mobilisation des habitants

Faire connaître les enjeux du projet de ville et ses implications sur les conditions de vie

des habitants, par la communication et un partage équilibré de l'information entre tous les

acteurs de la ville, est un enjeu central dans la mobilisation des habitants autours des

conseils citoyens. Or, la veille médiatique et les divers témoignages récoltés pour cette

recherche ont montré un manque criant d'informations et de communication sur les

projets des collectivités en direction des habitants, notamment sur la mise en place des

conseils citoyens. Quelles en sont les conséquences sur la participation des habitants ?

• L'efficacité des moyens de communication utilisés : exemples et contre-

exemples

Des barrières communicationnelles...

Les observations à partir des pages internet des collectivités ont montré des stratégies de

communication autours des conseils citoyens généralement peu attractives. Très peu

explicatives et pédagogiques, elles ne mettent pas en avant l'intérêt du nouveau dispositif

pour les habitants. Pourtant, dans de nombreuses communes, ces pages internet

représentent le point de départ à la mobilisation, dans la mesure où elles sont le seul

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 46

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support permettant d'apprendre l'existence du nouveau dispositif, d'avoir des informations

dessus et enfin, d'avoir accès au bulletin d'inscription nécessaire pour pouvoir participer

au conseil citoyen lorsque les habitants ne sont pas tirés au sort. On trouve ainsi des

présentations qui se résument à une phrase, invitant les habitants à appeler un-e chargé-

e de mission ou à se rendre en mairie pour obtenir davantage d'informations42. Nous

prendrons l'exemple de Savigny-le-Temple, dont la page internet de la ville est disponible

en annexe, pour illustrer ce propos. Loin d'être un exemple isolé, la ville ne propose que

trois informations très succinctes. La première nomme les quartiers concernés par la mise

en place du dispositif, soit le Centre-ville et le quartier des Droits de l'Homme. La seconde

énonce en une phrase ce qu'est le conseil citoyen :

« Concrètement, un conseil citoyen est un lieu où les habitants peuvent échanger

sur tous les sujets touchant la vie de leur quartier (emploi, famille, solidarité,

activités de loisirs, transports, aménagement du quartier...) »

Aucun autre détail n'est donné sur le dispositif. Pour cela, la ville invite les habitants à se

renseigner d'une part, auprès des services de la ville et d'autre part, par la lecture du

contrat urbain de cohésion sociale. Il indique toutefois, dans une dernière information, que

le conseil citoyen est mis en œuvre dans le cadre du contrat de ville défini comme « un

document d'actions concrètes mises en œuvre dans les quartiers prioritaires pour

améliorer la vie quotidienne des habitants et réduire les inégalités sociales ».

D'après l'observation des sites internet des mairies, une grande partie d'entre elles

utilisent ce type de communication en ligne, bien qu'elle soit souvent complétée par

d'autres moyens d'information, notamment par des tracts distribués dans les boites aux

lettres.

Au contraire, d'autres communes, à travers leur site internet, utilisent un vocabulaire

particulièrement technique pour présenter le dispositif. Une analyse sémantique a permis

de soulever les termes fréquemment utilisés lors de ces présentations. Au-delà des

termes récurrents, mais peu expliqués de « loi de programmation pour la ville et la

cohésion urbaine », « de conseil citoyen » et « quartiers prioritaires politique de la ville »,

certains textes reprennent tout simplement les termes utilisés dans le cadre légal tels que

« dynamiques citoyennes », « conditions nécessaires aux mobilisations citoyennes »,

« expertise partagée », sans jamais expliquer ce qu'ils signifient concrètement.

De plus, les informations relevées d'après la veille médiatique ont montré que les appels à

candidature sont généralement publiés uniquement sur le site des mairies et les journaux

42 Voir l'annexe 5 : Illustrations – Les conseils citoyens présentés sur le site des mairies

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 47

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municipaux. Cette étroite diffusion de l'information laisse beaucoup d'habitants dans

l'ignorance et empêche leur mobilisation.

Contre-exemples...

Soulignons toutefois la mise en place d'autres moyens de communication dans diverses

communes. Outre la distribution de flyers et de bulletins d'inscription envoyés par courrier,

technique très répandue pour communiquer autours du dispositif, certaines villes utilisent

le porte-à-porte par des médiateurs ou des élus et acteurs associatifs. A Boulogne-sur-

Mer, une médiatrice a été nommée sur le quartier prioritaire afin d'informer les habitants,

de les convaincre de participer au nouveau dispositif et de faire le lien avec le reste des

acteurs participant à l'élaboration du contrat de ville.

Les différentes barrières communicationnelles limitent l'intérêt que pourraient avoir les

habitants pour le dispositif. Seuls ceux déjà familiarisés aux dispositifs de participation, où

assez curieux pour venir compléter les informations manquantes peuvent se mobiliser, ce

qui laisse une grande partie des habitants en marge du dispositif. Il semble difficile

d'inciter les habitants à venir aux réunions publiques ou autres événements sur les

conseils citoyens dès lors qu'ils ne savent pas en quoi consiste le dispositif, ou n'en ont

pas entendu parler. En conséquence, de nombreux articles de presse mettent en avant le

nombre limité de participants aux conseils citoyens. D'autres informent sur la relance des

appels à candidature et reculent l'échéance de mise en place des conseils.

Au contraire, lorsqu'un réel travail de communication a été effectué, la mobilisation des

habitants est dès lors beaucoup plus large. Nous prendrons comme exemple le cas de

Chambéry, qui a conduit une campagne de communication sous forme ludique et riche

d'informations, grâce à des saynètes de théâtre qui mettaient en scène les enjeux et

débats soulevés par les conseils citoyens, mais aussi des horaires adaptés aux

travailleurs et des garderies pour les familles notamment. La ville a ainsi mobilisé plus de

280 personnes aux réunions publiques, et six conseils citoyens de 60 personnes

travaillent actuellement sur le projet de ville, quand les conseils citoyens parviennent

généralement à mobiliser une vingtaine de personnes en moyenne43. La mobilisation des

habitant-e-s repose donc en grande partie sur le travail d'information et de communication

conduit par l'institution.

43 Tous ces chiffres sont issus de la veille médiatique et classés dans le « tableau indicatif sur la mise en place des conseils citoyens par commune », élaboré et complété lors du stage à Pas sans Nous.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 48

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• La manipulation institutionnelle de l'information sur les conseils citoyens

Les moyens de communication utilisés par les collectivités pour mobiliser les habitant-e-s

autours des conseils citoyens se sont révélés peu efficaces dans une large partie des

territoires concernés. Au-delà de l'information pour mobiliser les habitants, l'information de

l'institution envers les conseils citoyens constitués est aussi essentielle à son travail. Il

s'agit de tenir les membres du conseil informés de la date des réunions pour l'élaboration

du contrat de ville, de partager les dossiers abordés au comité de pilotage avec le conseil

citoyen avant la date de réunion pour qu'il puisse travailler dessus, ou encore d'installer

des relations de transparence entre chaque acteur du contrat de ville par exemple. Dans

les deux cas, que ce soit pour mobiliser les habitants ou pour le travail des conseils

citoyens déjà constitués, les entretiens ont montré qu'il existait une information à plusieurs

vitesses selon les acteurs : institutionnels, professionnels, associatifs et habitants, ainsi

qu'une volonté de faire des conseils citoyens un dispositif sous contrôle institutionnel.

Le partage non-équitable de l'information entre les différents acteurs...

Les analyses des témoignages et des divers documents fournis pour conduire les

recherches ont souligné certaines tendances institutionnelles, dont celle de choisir les

interlocuteurs pour participer aux différents travaux sur la mise en place des conseils

citoyens : associations, collectifs d'habitants et personnes ressources. Nous avons déjà

présenté le cas de Toulouse, où la municipalité et la métropole ont trié les invitations des

participants aux travaux sur le contrat de ville. Ce fut aussi le cas à Angers, d'après des

échanges passés avec le représentant PSN en Maine-et-Loire, qui dénonce le fait que les

réunions pour informer de la mise en place des conseils citoyens n'étaient pas publiques,

mais ont réuni des associations sélectionnées par les pôles territoriaux de la ville. Le

courrier d'invitation, disponibles en annexe n'a été envoyé qu'à certains représentants

associatifs. De même à Poissy, les acteurs interrogés ont dénoncé une très faible

communication autours des conseils citoyens dans les quartiers. Une interlocutrice a ainsi

qualifié la diffusion de l'information au sein de son quartier de « bouche à oreille »44.

Le manque de mobilisation des habitant-e-s n'est pas que le fait d'un problème de

circulation de l'information entre l'institution et les habitant-e-s et acteurs associatifs, mais

peut aussi être le résultat d'un manque de communication au sein des conseils citoyens

eux-mêmes. Le cas du conseil citoyen des Hauts de Poissy permet d'alerter sur cette

44 D'après l'entretien passé auprès d'une représentante associative de Poissy.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 49

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question. Le climat de défiance entre les membres qui composaient ce conseil citoyen a

poussé une partie de ces membres à agir seule, sans en informer les autres, les mettant

en marge des travaux du conseil afin de leur retirer toute légitimité à faire partie du

dispositif. A l'inverse, l'autre partie bloquait certaines informations telles que les dates de

réunions du comité de pilotage du contrat de ville. Ce manque de partage de l'information

entre acteurs membres du conseil citoyen est une fois encore principalement dû à des

enjeux de légitimité à agir sur le territoire et à des enjeux de pouvoir et de reconnaissance

locale. Il se répercute sur le fonctionnement du conseil et surtout sur la mobilisation des

habitant-e-s. Dans le cas du conseil citoyen des Hauts de Poissy, un grand nombre des

membres a finalement quitté le dispositif puisque son fonctionnement et la poursuite des

travaux étaient bloqués par des querelles internes.

Mobiliser les habitants ailleurs que dans les conseils citoyens...

L'analyse de certains sites a également montré des tentatives de détournement de

l'information pour mobiliser les habitant-e-s vers d'autres dispositifs que celui des conseils

citoyens. A Grenoble, la municipalité a engagé un processus de mise en place des

conseils citoyens indépendants (CCI) en septembre 2014. Des groupes de réflexions ont

été créés pour déterminer leur rôle, puis les Assises citoyennes ont été organisées pour

recueillir et discuter des résultats des groupes de travail. Enfin, une mission extra-

municipale composée à moitié de citoyens et à moitié d'élus a été chargée de finaliser la

mise en place des CCI. Une communication large a été conduite autour du dispositif, un

blog45 a aussi été créé pour le présenter et en débattre. En revanche, très peu

d'informations circulent sur les conseils citoyens politique de la ville, que les acteurs

grenoblois ont renommé « tables de quartier ». La confusion est en effet rapide entre ces

deux dispositifs, de par leurs noms quasi identiques, mais aussi par leur composition et le

vocabulaire analogue utilisé pour communiquer sur les CCI. Tout comme pour les

conseils citoyens politique de la ville, les principes de co-construction et d'indépendance

sont centraux dans la communication élaborée autours des CCI. Leur composition est

également issue d'un tirage au sort de la moitié de leurs membres, l'autre moitié étant

composée de volontaires. Toutefois, des dissemblances importantes existent entre ces

deux dispositifs : les associations n'ont pas le droit d'y être représentées. Surtout, les CCI

ne participent pas à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation du contrat de ville,

contrairement aux conseils citoyens politique de la ville.

Pourquoi mener des campagnes de communication qui poussent à confondre ces deux

45 Disponible sur le site : http://www.coconstruiregrenoble.fr/

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 50

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dispositifs de participation habitante ? Pourquoi informer sur l'un des dispositifs plus que

sur l'autre ? L'analyse et la comparaison des éléments d'informations et de

communication entre les CCI et les conseils citoyens révèlent la volonté de mobiliser les

habitant-e-s ailleurs que dans les conseils citoyens politique de la ville, bien qu'il soit

difficile de juger des finalités de ce détournement. Les mêmes questions ont été

soulevées pour le site d'Angers où des conseils de quartier ont été mis en place au même

moment que les conseils citoyens, mais en bénéficiant d'une information plus large et de

meilleurs moyens de communication : des bulletins de candidature au conseils de quartier

ont été envoyés par courrier quand ceux pour les conseils citoyens n'étaient disponibles

que sur le site internet de la mairie, des articles de presse qui ont entrainé des confusions

entre conseils de quartiers et conseils citoyens, tout comme le calendrier de mise en

place des deux dispositifs élaboré en commun. A Angers aussi, les éléments recueillis sur

la mise en place des conseils citoyens, la mise en place des conseils de quartier mais

aussi les demandes de la délégation de PSN en Maine-et-Loire, disponibles en annexe,

démontrent une tendance à vouloir détourner l'information sur les conseils citoyens et

donc la mobilisation des habitant-e-s vers d'autres dispositifs de participation.

Les analyses présentées révèlent l'importance de l'information et de la communication

pour mobiliser les habitant-e-s autour des conseils citoyens. Surtout, les usages qui en

sont faits démontrent la volonté des acteurs de la ville à mobiliser les habitant-e-s pour

travailler avec eux. Lorsque le manque de mobilisation est criant, il devrait être possible

d'inverser la tendance avec les bons messages et la volonté de tous les acteurs.

1.2 - Le tirage au sort : enjeux et débat

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 prévoit le

tirage au sort du collège habitant comme méthode obligatoire pour la composition d'une

partie du conseil citoyen. La première raison invoquée pour l'utilisation du tirage au sort

est parce qu'il permettrait de mobiliser les habitant-e-s habituellement les plus éloignés

des instances de participation. Cette méthode est-elle justifiée ? Nous reviendrons

d'abord sur les arguments qui ont justifié l'utilisation du tirage au sort avant d'en analyser

la réalité dans sa mise en œuvre.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 51

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• Les enjeux du tirage au sort pour la participation de tous à la politique de la

ville

Les fondements du tirage au sort dans le système démocratique moderne...

L'usage du tirage au sort en politique dans la période moderne renvoie à la démocratie

délibérative, théorisée à la fin du XXè m e siècle, et qui s'appuie sur le travail de

délibération d'un groupe de citoyens choisi au hasard. Dans ce contexte, le tirage au sort

a pour objectif premier de faire intervenir une « représentation descriptive » à côté des

représentants traditionnellement élus, selon les termes de Yves Sintomer. Il s'agit d'un

« corps des représentants (qui) ressemblerait par ses caractéristiques au peuple tout

entier »46, ce qui permettrait d'obtenir une assemblée représentative de la population pour

prendre part aux décisions au côté des représentants élus. En conséquence, il

renforcerait dans le même temps l'égalité de participation politique entre les individus. Il a

notamment été utilisé dans les années 1990 pour composer les jurys citoyens chargés de

se prononcer sur l'action publique conduite par les autorités. Très utilisés en Allemagne

ou au Danemark notamment, ils semblent avoir inspiré le mode de composition des

conseils citoyens. Dans ce dispositif, le collège habitant devrait en effet être composé à

50% minimum d'habitants tirés au sort, le reste étant composé de volontaires.

Le tirage au sort pour la composition des conseils citoyens …

Le tirage au sort pour la composition des conseils citoyens est également justifié « afin de

garantir la représentation de l’ensemble de la population au sein du collège

‘’habitants’’ »47, c'est-à-dire pour mobiliser les « invisibles » et lutter contre les inégalités

d'accès au dispositif de participation présentées dans le premier chapitre. Il prend par

conséquent en compte la parité homme-femme. Surtout le cadre de référence sur les

modalités de mise en place des conseils citoyens souligne l'importance de diversifier les

sources mobilisables pour le tirage au sort, afin que le panel d'habitants soit le plus large

et le plus représentatif de la population du quartier. Il précise donc que l'utilisation des

listes électorales ne doit pas être la seule source mobilisée, dans la mesure où elles ne

permettent pas de tenir compte des habitants non-inscrits sur ces listes48 et les résidents

qui ne sont pas citoyens de l'Union Européenne.

46 SINTOMER Y. Tirage au sort et démocratie délibérative, In La vie des idées , 2012, p.3.47 Ministère des droits des femmes, de la ville de la jeunesse et des sports , Conseils citoyen, cadre de référence, juin 2014,p.9

48 NIELX. et LINCOT L., « L'inscription et la participation électorales en 2012 - Qui est inscrit et qui vote ? » inINSEE, 2012

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 52

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Ces précisions mettent en lumière la volonté du législateur à mobiliser l'ensemble des

citoyens dans les conseils citoyens et non pas seulement ceux qui ont l'habitude de

participer.

• Les limites de la mobilisation par le tirage au sort

Le choix des listes...

Dans la pratique, l'usage du tirage au sort pour la composition des conseils citoyens

trouvent des limites dans sa capacité à mobiliser les plus éloignés. Une limite imposée

d'abord par l'institution selon le choix des listes à partir desquelles sont tirés au sort les

habitant-e-s. Le cadre de référence propose de manière non exhaustive, le choix des

répertoires d'immeubles localisés, les fichiers EDF ou ceux des organismes HLM par

exemple, pour venir compléter les listes électorales. D'après les données classées dans

le tableau indicatif sur la mise en place des conseils citoyens, sur quarante communes où

les modalités de tirage au sort ont été précisées dans les articles de presse, un quart

d'entre elles font uniquement appel aux listes électorales. Douze d'entre elles ne font

appel à aucune liste exceptée celle des habitants volontaires à participer au conseil

citoyen. En outre, faire du tirage au sort un moyen de mobiliser les plus éloignés des

instances de participation semble difficile dans ces conditions, puisque, tel qu'il est conçu

dans près de la moitié des communes, il laisse en marge de la participation une grande

partie des habitants des quartiers.

Tirage au sort et inégalités de participation politique...

Nous avons déjà évoqué les méfaits de « l'injonction participative » sur la mobilisation des

habitants dans les dispositifs de participation. Si l'offre de participation ne rencontre pas

de demande, alors la présence des habitants dans ces dispositifs reste très limitée. Seuls

les plus intéressés et volontaires se mobilisent. Le tirage au sort tel qu'il est appliqué dans

le cadre des conseils citoyens devrait permettre de mobiliser ceux qui n'osent pas ou

n'ont pas l'envie de participer. Toutefois, deux mouvements contradictoires semblent

limiter la mobilisation des plus éloignés de la participation. Pour limiter l'injonction de

participation, le tirage au sort tel qu'il est appliqué pour la composition des conseils

citoyens ne rend pas obligatoire la participation de personnes tirées au sort au dispositif.

Ils ont le droit de se retirer. Cette logique repose sur l'idée que le tirage au sort permet

malgré tout de mobiliser les personnes les plus hésitantes, qui ne se seraient pas portées

volontaires autrement. Or, dans le cadre des conseils citoyens, le résultat du tirage au

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 53

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sort sur la mobilisation des plus éloignés n'est pas convaincant puisque de nombreuses

sources ont mis en avant le désengagement progressif des personnes tirées au sort dans

les travaux des conseils citoyens. Certains ne sont jamais parvenus à mobiliser les

personnes tirées au sort, comme le conseil citoyen des Hauts de Poissy. Plus qu'une

réponse négative due à « l'injonction de participation » énoncée plus haut, nous

supposons qu'il s'agit d'une conséquence des inégalités de capital politique et militant

entre participants aux conseils citoyens, entre les participants tirés au sort et les

volontaires, généralement habitués des dispositifs de participation ou au capital politique

et militant plus élevé. A l'image des jurys citoyens, un conseil citoyen composé d'un

collège habitants uniquement tiré au sort renforcerait l'égalité de participation entre les

membres et élargirait la mobilisation aux personnes les moins familières de la

participation politique.

Les principes qui motivent l'utilisation du tirage au sort pour la composition des conseils

citoyens sont justifiables et légitimes dans la mesure où il est sensé renforcer la

participation habitante et notamment celle des plus éloignés. Mais sa mise en œuvre

reste difficile. Relier aux problèmes d'information des habitants présentés précédemment,

il ne permet finalement pas d'aboutir à la mobilisation attendue.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 54

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CHAPITRE 2 - LE RÔLE DE CO-CONSTRUCTION DES CONSEILS CITOYENS

Le principe de co-construction est mis au cœur de la politique de la ville depuis la

nouvelle loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014.

L'utilisation de ce terme sert à mettre en avant l'idée d'une élaboration collective de

l'action publique locale, impliquant élus, techniciens, professionnels, associations mais

aussi les habitants. Il suppose une forme de participation qui aille au-delà de la

consultation des habitants, puisqu'il appelle la reconnaissance de compétences de tous

les acteurs et à un véritable engagement de chacun dans la construction de l'action

publique.

Nous verrons dans une première partie ce que représente le concept de co-construction

dans la politique de la ville, c'est-à-dire comment les compétences des habitants sont

mises en avant dans l'élaboration des projets de ville, pour ensuite évaluer sa réalité dans

les conseils citoyens.

2.1 - Que représente la co-construction dans la politique de la ville ?

L'utilisation de la co-construction dans la politique de la ville soulignerait la volonté de

prendre en compte les savoirs et compétences des habitants, en tant qu'usagers de

l'espace public, dans la construction des projets locaux. Mais de quels savoirs et

compétences parlons-nous ? Et comment parvenir à les insérer dans l'élaboration de

l'action publique aux côtés des autres acteurs de la ville, quand les enjeux de légitimité et

de pouvoir s'imposent face à la construction d'un projet qui réponde à l'intérêt commun ?

• La reconnaissance du savoir habitant dans la construction du projet de ville

Le savoir d'usage et la participation habitante...

Dans les processus de construction des politiques publiques, l'habitant, quand il n'est pas

ignoré dans le processus d'élaboration, est considéré comme un simple usager des

services publics qui peut apporter l'expérience de son quotidien à la construction de futurs

projets proposés par les institutions. Toutefois, la reconnaissance du savoir d'usage des

habitants ne suffit pas à transformer les rapports de force entre les différents acteurs de

l'action publique, et permettre une réelle participation des habitants, d'autant plus qu'ils

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sont généralement pris dans leur subjectivité. Un habitant parlerait toujours en son nom

mais jamais au nom de la collectivité, ce qui questionnerait sa légitimité à participer à

l'élaboration de l'action publique.

Si la reconnaissance de ce savoir d'usage est essentielle à une action publique qui

réponde aux mieux aux besoins de la société, elle ne doit pas faire oublier que l'habitant

dispose aussi de nombreux autres savoirs issus de son expérience personnelle, qu'elle

soit technique ou politique et militant. C'est ce que présentent Agnès Deboulet et Héloïse

Nez à travers ce qu'elles ont appelé « la typologie des savoirs citoyens » qu'elles

définissent comme « l'ensemble des connaissances, expériences et techniques, c'est-à-

dire non seulement les savoirs au sens strict du terme mais aussi les savoir-faire que peut

mobiliser un acteur qui n’a un statut ni d'élu, ni de professionnel lorsqu'il intervient dans

les questions urbaines »49. Ces savoirs peuvent être à la fois individuels et/ou collectifs.

Ils sont classés en « savoirs d'usage »50, en « savoirs techniques » issus du milieu

professionnel de l'habitant, et en « savoirs politiques ou militants», résultat des relations

qu'entretient l'habitant avec la vie politique locale et la place qu'il occupe dans les réseaux

d'acteurs. C'est une personne membre d'un parti politique ou d'une association de

quartier par exemple.

Les savoirs d'usage des habitants peuvent être assimilés aux « savoirs profanes », basés

également sur l'expérience. Dans le processus de participation, ces savoirs font face aux

« savoirs experts » issus de l'expertise des professionnels sur un thème précis (juridique,

économique, social, sanitaire etc.). Cette distinction est importante pour expliquer

pourquoi, au-delà du problème de l'inégale participation des acteurs à l'élaboration de

l'action publique présentée plus haut, il existe aussi une relation entre savoirs et pouvoir

qui conduit à un conflit de légitimité de parole et d'action entre habitants, élus et

professionnels. Celui qui sait le mieux est plus légitime à parler et à agir. Nous ne voulons

pas pointer une mauvaise volonté de la part des élus ou des professionnels à écouter les

habitants. Cette inégalité est davantage le résultat d'une culture professionnelle et

politique qu'il est difficile de faire évoluer. Dans une réunion de quartier rassemblant élus,

professionnels et habitants, les habitants sont souvent assis face à des élus et

professionnels, sur le modèle d'une assemblée qui écoute des experts, et non pas dans

une logique d'échanges à égalité entre acteurs. Ce schéma est très courant et montre une

hiérarchie persistante entre les différents acteurs. Toutefois, cette relation entre savoir et

49 DEBOULET A. et NEZ H. Savoirs citoyens et démocratie urbaines. op.cit. p.1650 Cf. chapitre 3.1 sur les savoirs d'usage

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 56

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pouvoir est aussi un enjeu politique et peut servir les intérêts particuliers de certains

acteurs qui joueront de ce « savoir expert » face au « savoirs profanes », pour contrôler

l'ordre du jour et limiter les débats lors des réunions de quartiers. La loi Lamy semble

vouloir atténuer cette hiérarchisation de la parole et les influences possibles de certains

acteurs sur les autres, en rendant les conseils citoyens indépendants vis-à-vis des

pouvoirs publics, et ainsi donner sens au principe de co-construction.

L'indépendance des conseils citoyens nécessaire à la co-construction...

Le rapport Bacqué-Mechmache pointe « des cultures politiques et professionnelles » et

« des fonctionnements hiérarchiques au sein des institutions » comme des freins à la

participation des habitants. C'est à partir de ce constat que la loi Lamy a voulu faire des

conseils citoyens un espace de participation indépendant des pouvoirs publics, une

différence notable avec les conseils de quartier mis en place par la loi Vaillant de février

2002, dans lesquels les élus peuvent siéger. De la même manière, le cadre de référence

souligne l'importance de mettre en place « une parole libre » des habitants au sein des

conseils citoyens, sans hiérarchie ni conflit de légitimité entre acteurs, afin d'apporter une

expertise qui leur est propre pour co-construire le projet de ville avec les autres acteurs de

la ville. Cela suppose l'indépendance du travail des conseils citoyens vis-à-vis des

pouvoirs publics. L'indépendance des conseils citoyens permet aussi d'instaurer une

certaine neutralité dans ses travaux, qui puisse garantir la représentation de la population

du quartier dans sa pluralité, et non pas répondre aux influences de certaines personnes

ou groupes tels que des partis ou des personnalités politiques, des syndicats ou des

associations. L'absence de représentants institutionnels et de groupes de pression permet

donc d'assurer une participation active et efficace des habitants, d'éviter leur mise sous

tutelle au profit d'individus susceptibles de vouloir défendre leurs intérêts particuliers et

d'éloigner toute forme d'influence politique sur les réflexions et propositions des membres.

Toutefois, les pratiques montrent que l'indépendance des conseils citoyens vis-à-vis des

pouvoirs publics n'est pas toujours respectée. Même si les élus ne sont pas directement

présents dans les conseils citoyens, certains sont accusés d'avoir imposé des membres

qu'ils ont eux-mêmes choisis. L'adjoint au Maire délégué au quartier du Clos-les-Roses à

Compiègne a ainsi sélectionné les associations pour participer au conseil citoyen. Des

tensions ont émergé parmi les membres du conseil citoyen des Hauts de Poissy dont une

partie a accusé une autre d'être « proche de la mairie »51. La ville de Lyon met en place

51 D'après l'entretien passé auprès d'une représentante associative de Poissy

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 57

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les conseils citoyens sur les modèles des conseils de quartier, dans lesquels les élus sont

présents. À Bergerac, la ville a choisi de ne pas mettre en place le conseil citoyen.

Préférant sauvegarder les conseils de quartier, la ville a toutefois décidé d'y ajouter un

collège habitants et acteurs locaux dans les zones prioritaires de la politique de la ville

(trois zones). S'y ajoutent un représentant du conseil des sages et un représentant du

conseil des jeunes. En tant que conseil de quartier, deux personnalités désignées par le

Maire prennent aussi part aux débats, ainsi que le Maire lui-même et deux représentants

de l'opposition. Les exemples sont nombreux, qui montrent la présence persistante des

élus dans les conseils citoyens.

La non application du cadre légal concernant l'indépendance des conseils citoyens cache

de nombreuses raisons qu'il est difficile de juger. Cependant, elle représente une menace

pour la liberté de parole des habitant-e-s, la reconnaissance de leur expertise et par

conséquent, la co-construction.

La reconnaissance des savoirs habitants est un enjeu central dans la mise en œuvre de

la co-construction, dans la mesure où elle légitime la place de l'habitant à prendre part

aux décisions au même titre que les élus et les professionnels de la ville. L'indépendance

relative des conseils citoyens vis-à-vis des pouvoirs publics, à même de garantir une

parole habitante libre, montre cependant une certaine réserve quant à légitimer la place

de l'habitant dans la décision publique qui menace l'effectivité de la co-construction.

Au-delà des savoirs d'usage, c'est aussi les savoirs techniques et militants qu'il faut

prendre en compte et un nouveau regard à porter sur les habitants des quartiers

populaires, qui est le point de départ à de nouvelles pratiques de participation. Cela

passe par un changement de posture des habitants au sein du dispositif de participation

et par l'organisation de la parole habitante, dans laquelle les associations jouent un rôle

majeur.

• Le rôle des associations dans la co-construction

Les relais des savoirs habitants...

Au-delà de leur rôle dans le renforcement du pouvoir d'agir des habitants52, les

associations ont un rôle central pour la reconnaissance des savoirs habitants et leur

insertion dans l'élaboration de l'action publique. Les associations de quartiers sont

généralement composées des habitants du quartier eux-mêmes organisés collectivement.

52 Cf. chapitre 3.2 sur le pouvoir d'agir des habitants

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 58

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Elles centralisent des problématiques et des demandes communes à un groupe, mais

aussi les savoirs et les compétences de leurs membres, aux parcours professionnels et

aux engagements politiques variés. Ces savoirs et compétences leurs permettent de

construire un répertoire d'actions et une expertise qui leurs sont propres pour les relayer

ensuite auprès des pouvoirs publics ou d'autres acteurs. Ainsi, les associations se font les

relais des savoirs habitants et permettent d'établir de nouveaux rapports entre les savoirs

des experts et politiques, et ceux des habitants.

Ce rôle de relais de la parole et des savoirs habitants est accentué par l'existence d'une

forme d'expertise propre aux associations et qui leur permet de proposer contre-

expertises et contre-propositions53. Au-delà des savoirs militants et techniques des

membres d'une association, c'est aussi un recours à l'expertise scientifique qui permet de

légitimer son action, de poser un regard critique sur l'action publique et d'y proposer des

alternatives. Beaucoup d'associations ont ainsi recours à l'expertise extérieure quand

elles ne sont pas composées en partie d'experts sur un sujet, tels que des médecins dans

le cas d'une association de lutte contre le Sida, ou de juristes pour une association qui

aident les habitants à connaître et faire appliquer leurs droits. Dans le cas de la

participation habitante dans les quartiers populaires, l'association APPUII forme une

expertise extérieure, à laquelle des associations de quartier peuvent faire appel pour les

aider dans l'élaboration d'un projet ou dans la formation de leurs membres. Le conseil

citoyen des Hauts de Poissy, né en janvier 2015, a ainsi fait appel à cette structure pour

l'aider dans son organisation interne et lui permettre de devenir une structure associative

autonome. Les associations utilisent le registre politique et militant en même temps

qu'elles empruntent au registre scientifique, ce qui leur permet de construire une expertise

qui leur est propre et faire face aux autres acteurs « experts » de l'action publique et ainsi

créer un nouveau rapport de force. En étant en même temps les relais de la parole

habitants, elles forment donc un levier essentiel pour la co-construction des politiques

publiques.

Les limites auxquelles doit faire face le monde associatif en France...

Toutefois, l'action des associations en France est limitée par de nombreux facteurs, à

commencer par « l'expertise associative » . Ce l le -c i peu t condu i re à une

professionnalisation des acteurs associatifs dans le sens où salariés bénévoles et

volontaires devraient être de plus en plus qualifiés professionnellement pour répondre aux

besoins techniques et pratiques des associations, qui doivent faire face à une évolution53 LOCHARD Y. et SIMONET M., « Les experts associatifs, entre savoirs profanes, militants et professionnels », inDEMAZIERE D. et GADEA C., Sociologie des groupes professionnels La Découverte « Recherches », 2010 p. 274-284

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 59

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politique, économique et organisationnelle de leur cadre d'action54.

Le rôle des associations évoluent depuis les années 1980 du fait d'un désengagement

progressif de l'Etat social, dont les compétences ont peu à peu été transférées aux

collectivités territoriales, mais aussi du fait d'une évolution dans le mode de financement

public du secteur associatif. Le cadre réglementaire est marqué par une logique d'appel

d'offres qui organise l'action des associations et conduit à une perte de leur autonomie.

Elles répondent désormais à une commande publique pour récolter des fonds, plutôt que

de recevoir de la part de l'Etat des subventions sans contrepartie. Leur action est donc

subordonnée à l'Etat, dans une logique de délégation de service public qui les éloigne du

terrain, les pousse à la professionnalisation de leur membres dont le travail repose

davantage sur de s tâches administratives que sur des actions menées auprès des

populations. Leur autonomie est aussi diminuée de par leur dépendance aux bailleurs

institutionnels qui les subventionnent, ce qui peut venir briser les initiatives des

associations, voir même empêcher leur fonctionnement, comme l'a récemment rappelé

une pétition rédigée par la coordination nationale Pas sans Nous.55

Les tables de quartiers, définies précédemment, sont un exemple particulièrement

illustratif du rôle de relais de la parole habitante et de levier pour la co-construction que

peut tenir une association de quartier. Mais les raisons qui expliquent l'échec de leur mise

en place sur certains sites en France est aussi un exemple probant des limites de l'action

associative sur les territoires. Un entretien mené avec la responsable d'une association

qui a participé à la tentative de création d'une table de quartier dans le quartier de la

Reynerie à Toulouse, énonce les raisons qui ont poussé à mettre un terme au projet :

« En principe, tu montes une association sur un projet militant, pour apporter une

plus-value au quartier. Aujourd'hui, les associations sont assignées à un rôle de

prestataire et non pas de partenaires des politiques. Or, il est important de garder

l'indépendance des associations, de ne pas répondre à des commandes, à des

projets imposés. Il faut rester libre.

Mais le problème, c'est les financements. La plupart des associations ont tellement

peur qu'elles se taisent, d'autant plus que leurs financements dépendent de leur

projet, du nombre d'habitants concernés etc. Ce qui justifie aussi leur travail. Par

conséquent, elles préfèrent garder les habitants sous tutelles, plutôt que de les

appuyer dans leurs démarches. On a à faire à une forme de clientélisme des acteurs

54 LOCHARD Y., TRENTA A. et VEZINAT N. « Quelle professionnalisation pour le monde associatif ? » in La vie desidées, 2011

55 Voir l'annexe 6 : Pétition de Pas sans Nous - « Les associations de quartiers menacées de disparaître ! »

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 60

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associatifs envers les habitants. » 56

Ce témoignage démontre les dangers des procédures de subvention par projet, qui

limitent la prise de risque des associations, et par conséquent la co-construction,

notamment pour des associations telles que les tables de quartier ou les conseils

citoyens, chargés de porter la parole habitante. Il démontre aussi une tendance des

acteurs associatifs à entrer en concurrence entre eux et prendre le monopole des

initiatives en mettant les habitants « sous tutelle », c'est-à-dire à mettre en place des

projets sans leur participation, pour répondre au mieux aux commandes publiques et

recevoir des subventions, ce qui représente une véritable menace pour la réalisation

d'une action co-construite. Cette tendance est accentuée par des enjeux de pouvoir et de

visibilité entre associations qui essaient d'assoir leur légitimité à agir dans les quartiers. Le

financement des conseils citoyens, pour leur garantir une autonomie d'action la plus large

possible et éviter les difficultés connues par les autres associations, est donc une

question centrale. Elle est pourtant absente de la législation, bien que le rapport Bacqué-

Mechmache ait fait des propositions à ce sujet.

L'action associative est en pleine évolution. Le processus de délégation de service public

est un frein à la co-construction de l'action publique bien qu'elle reste un moyen de

rééquilibrer les politiques publiques au profit des habitants, en renforçant leur rôle dans

l'élaboration de l'action publique et en se faisant les relais de la parole habitante auprès

des pouvoirs publics. Les initiatives telles que les tables de quartiers, mais surtout les

conseils citoyens pour lesquels le rôle de co-construction est officiellement reconnu,

viennent contrebalancer cette affirmation.

2.2 - La co-construction : entre attente et réalité.

Les conseils citoyens ont pour objectif premier de faire participer les habitants et acteurs

locaux à l'élaboration des projets de ville. Ceci implique non seulement une co-élaboration

du contrat de ville, mais également la possibilité de proposer des projets que les habitants

auront eux-mêmes construit au sein de l'association. Le conseil citoyen apporte son

expertise propre, dans un dialogue avec les autres acteurs du projet. Le principe de co-

construction doit être mis en œuvre dès le commencement du contrat de ville. Ainsi,

56 Entretien passé avec une responsable associative à Toulouse, daté du 24 juin 2015

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 61

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d'après le cadre de référence sur les conseils citoyens, il est préconisé que le conseil

citoyen soit créé avant le début des débats et des négociations sur le contrat de ville, afin

que les habitants puissent y prendre part et élaborent un projet avec l'ensemble des

acteurs.

• Le calendrier ministériel, frein à la mise en place de la co-construction

Dans la majorité des villes, les conseils citoyens ont mis, ou mettent beaucoup de temps

à se mettre en place. Certaines communes n'ont d'ailleurs toujours pas enclenché le

processus de mise en route de ces conseils. Les négociations contractuelles sont

contraintes par un calendrier ministériel serré imposé aux collectivités. Les engagements

relatifs à la cohésion sociale, au développement économique et urbain des contrats de

ville sont ainsi discutés trop rapidement, et mettent de côté la concertation avec une partie

des acteurs, et en premier lieu les habitants. C'est pourquoi la circulaire du Ministère de la

ville, de la jeunesse et des sports a rappelé aux préfets de Départements et de Régions

que « À défaut d'une installation effective des conseils citoyens avant la signature des

contrats de ville, ils vous appartiendra de rechercher, en concertation avec les collectivités

locales, les associations de quartier et les différents acteurs locaux, les modalités les plus

appropriées d'association des habitants, notamment les jeunes, à l'élaboration des

contrats de ville et de fixer l'échéance de leur création »57. C'est aussi la raison pour

laquelle la ministre déléguée à la ville, Myriam El Khomri58, a renvoyé la moitié des

premiers contrats de ville élaborés à leurs signataires, car jugés incomplets, et a mis en

place un calendrier repoussant la signature de l'ensemble des contrats de ville,

initialement prévue pour janvier 2015 à septembre 2015. Bien que repoussés, les délais

imposés pour la signature des contrats de ville ne correspondent pas à ceux nécessaires

à l'instauration d'une réelle dynamique de participation habitante et de co-élaboration des

contrats de ville. Les débats autour des projets de ville demandent un temps long, de

même que la mise en place d'un groupe d'habitants pour en discuter. Les conseils

citoyens forcent l'association d'habitants qui ne s'associeraient pas spontanément sans le

caractère obligatoire du dispositif. Ce groupe doit donc s'adapter à chacun de ses

membres pour faire émerger des intérêts communs. Or cette association ne peut se faire

dans le temps court imposé par le calendrier ministériel.

Les enquêtes effectuées auprès des responsables associatifs engagés dans la mise en57 Circulaire du 15 octobre 2014 relative aux modalités de mise en oeuvre des contrats de ville de nouvelle génération p.5

58 Voir à ce sujet l'article de Localtis « 60 contrats de ville signés sur 390, dont la moitié à revoir : mais que font les préfets ? » daté du 25 mai 2015

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 62

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œuvre des conseils citoyens ont tous démontré une mise à l'écart des habitants et

associations dans l'élaboration des contrats de ville, bien qu'ils aient été conviés aux

réunions du comité de pilotage. C'est ce que dénonce un citoyen participant au comité de

pilotage du 10 juillet 2015 pour le contrat de Ville unique d’Angers Loire Métropole lorsqu'il

écrit :

« Alors que tout est joué et décidé par avance sans que les Conseils citoyens ne soient

informés des dossiers, des modes et des lieux de décision, nous constatons que leur

simple présence suffirait à apposer une validation qui ne peut pourtant aucunement être

effective »59.

Les habitants et acteurs locaux sont présents aux réunions, mais les projets qui y sont

discutés sont élaborés et décidés au préalable, sans être présentés aux acteurs

associatifs, ce qui les exclut de fait de l'élaboration du contrat de ville.

Cette situation souligne une certaine ambiguïté dans l'application de la loi concernant le

concept de co-construction, en ne fournissant pas les outils nécessaires à son élaboration

et notamment du temps pour la mettre en place.

• L'adaptation, une exigence nécessaire à la mise en place de la co-

construction

La plupart des contrats de ville sont donc signés sans la participation des conseils

citoyens, ceux-ci n'étant parfois même pas encore créés lors de la signature, bien que « la

mise en œuvre du contrat de ville, s'agissant en particulier des nouveaux projets de

renouvellement urbain, sera suspendue à la mise en place effective du ou des conseils

citoyens »60 . Or, comme les contrats de ville, l'organisation et les modes de

fonctionnement des conseils citoyens sont supposés être élaborés en concertation avec

les acteurs associatifs et habitants.

Concerter les habitants...

Pour pallier au retard de la mise en place des conseils citoyens et faire participer les

habitants, des initiatives participatives sont créées dans certaines communes. Elles

prennent souvent la forme de rencontres publiques entre élu-e-s, professionnel-le-s et

59 Extrait d'un témoignage écrit par un citoyen angevin 60 Circulaire du 15 octobre 2014 op.cit. p.5

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habitant-e-s sur les thématiques du contrat de ville, à savoir la vie sociale et éducative, le

sport, la culture, le développement économique, et enfin l'aménagement du territoire. En

rassemblant des éléments d'information issus de la presse et de l'information municipale

à propos de deux de ces évènements, à Échirolles et à Toulouse61, ces rencontres

prennent la forme de réunions publiques pour confronter les orientations des futurs

contrats de ville avec l'ensemble des acteurs des quartiers prioritaires. Elles sont

préparées au préalable par la mise en place d'ateliers thématiques, qui rassemblent élu-e-

s, technicien-e-s, professionnel-le-s et représentant-e-s d'associations. Mais les modalités

d'information des habitants et acteurs associatifs sur la mise en place de ces ateliers de

travail démontrent une réticence institutionnelle à concerter les habitants autours du projet

de ville. À Toulouse, des groupes de travail ont été organisés par la Mairie en décembre

2014. Les invitations à venir participer à ces groupes étaient triées et la liste des invités

non communiquée. Il en a été de même pour les « Ateliers de Quartier sur le Contrat de

ville » organisé en janvier 2015 par la Métropole d'après le témoignage d'une

représentante de la coordination nationale Pas sans Nous à Toulouse, qui faisait partie du

groupe « participation » des réunions de travail organisées par la Mairie. Elle précise

également que les propositions établies par le groupe de travail auquel elle a participé, et

qui ont été diffusées par mail auprès des acteurs institutionnels et des habitants, sont

restées sans réponse. Par conséquent, le déroulement de ce type de rencontres et les

personnes mobilisées pour y participer soulève des interrogations quant à la réalité de la

co-construction du projet de ville.

Faire face aux barrières institutionnelles...

Nous avons montré que les dispositifs de participation sont plus à même de mobiliser les

habitants lorsqu'ils reposent sur les dynamiques existantes sur le territoire. En ce sens, le

cadre de référence sur les conseils citoyens précise qu'il « permet de garantir la mise en

œuvre du processus de co-construction sans imposer de modèle type, susceptible

d'entraver plus que de favoriser la mobilisation et l'implication citoyenne »62.

Toutefois, les situations locales observées ont montré que les dynamiques participatives

sont parfois mises à mal par des cadres institutionnels imposés aux conseils citoyens. La

ville de Marseille a par exemple imposé une « charte d'engagements réciproques » qui

définit les modalités de lancement des conseils citoyens sans aucune concertation avec

les habitants. Elle a cependant été révisée à la demande de plusieurs associations de

61 Voir notamment le « Printemps de la concertation » à Échirolles et les « Assises métropolitaines de laPolitique de la ville » à Toulouse se sont tenues en avril 2015.62 Conseils citoyen, cadre de référence 2014 op.cit p.5.

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quartier, afin de supprimer son caractère obligatoire et de l'enrichir des propositions des

habitants63. À Toulouse, des associations se sont également mobilisées pour obtenir des

modifications sur la composition du conseil citoyen, ainsi qu'un avenant au contrat de ville

sur la co-construction des projets territoriaux avec les conseils citoyens, formalisés en un

document de référence.

Le dialogue souvent difficile entre les acteurs institutionnels et les habitants, qui réclament

un réel travail de co-construction, résulte des logiques traditionnellement descendantes

de l'action publique qu'il est difficile d'inverser malgré les textes de loi et une demande

grandissante des habitants et associations de co-construire le projet de ville, à

commencer par les conseils citoyens. L'analyse des courriers échangés entre la

délégation de la Coordination nationale Pas sans Nous à Angers et les élus municipaux

ont mis en avant la volonté des associations de prendre part aux discussions et de

travailler aux côtés des acteurs institutionnels et des professionnels sur la mise en place

du conseil citoyen de leur quartier. D'un autre côté, les courriers signés par le délégué

PSN à destination du maire et du préfet dénoncent des modalités de mise en place des

conseils citoyens définies unilatéralement, un diagnostic des pratiques participatives

effectué par les acteurs institutionnels resté méconnu de la majorité des acteurs

associatifs. Il fait part de son inquiétude sur un potentiel « noyautage » des conseils

citoyens, une inquiétude légitimée par ses observations lors de sa participation au comité

de pilotage du contrat de ville, durant lequel aucun représentant des conseils citoyens

angevins n'a pu se prononcer sur les décisions prises lors de la réunion et n'a eu accès

au préalable aux documents permettant de s'informer sur les sujets abordés.

Ces observations mettent en avant la crainte d'une partie des élus vis-à-vis de la nouvelle

loi sur la politique de la ville, qui tenterait de mettre « l'élu en dehors de tout »64 par le

renforcement de la participation habitante grâce à de nouveaux dispositifs participatifs. En

outre, la co-construction semble difficile à mettre en place tant que la confiance entre les

différents acteurs de la ville n'est pas installée.

63 Voir l'annexe 7 : Lettre ouverte de Pas sans Nous PACA 64 Voir notamment la vidéo d'Anonymal TV, Le point de vue des élus sur l'installation des conseils citoyens d'Aix enProvence, juin 2015. Disponible sur: http://www.anonymal.tv/web-tv/territoire/item/brunet-mechmache-pour-pas-sans-nous

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CONCLUSION :

L'enquête sur la mise en place des conseils citoyens a d'abord mis en lumière le manque

de mobilisation des habitants au sein des conseils citoyens. Cela ne tient pas seulement à

un manque de dynamisme des habitants et des associations mais semble aussi être le

résultat d'une volonté politique.

L'analyse a aussi souligné l'absence de co-construction du projet de ville. Dans la majorité

des territoires, la mise en place des conseils citoyens s'est faite de manière descendante

et leur absence est notable dans l'élaboration des contrats de ville.

Le conseil citoyen est un dispositif situé entre la volonté de rendre indépendante une

participation habitante en construction et une logique institutionnelle descendante. Bien

qu'il permette d'inscrire la participation habitante dans un cadre législatif, sa mise en

œuvre engendre des conflits de pouvoirs entre acteurs qui ne sont pas propices à la co-

construction malgré les objectifs affichés dans la loi de faire travailler ensemble tous les

acteurs de la ville.

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CONCLUSION GENERALE

La mise en place des conseils citoyens dans les quartiers prioritaires, dispositif construit à

partir de l'idée d'une co-construction du projet de ville et inspiré du concept de

« renforcement du pouvoir d'agir », conduit à réfléchir sur de nouvelles interactions

possibles entre habitants, Etat et institutions. Par ce dispositif, la loi tend à mettre en

place un système de participation qui veut informer et concerter les habitants autours du

projet de ville, mais aussi en faire des producteurs de la ville aux côtés des élus,

techniciens et professionnels, une étape de plus dans l'évolution de la place occupée par

l'habitant dans l'élaboration de l'action publique. Mais cette avancée reste théorique et ne

semble pas trouver pour le moment de réalité pratique.

L'analyse de la participation habitante, appuyée par l'enquête sur la mise en place des

conseils citoyens, a mis en lumière un problème dans la façon d'appréhender la

participation habitante. La participation ne peut pas passer uniquement par la mise en

place de dispositifs de participation, mais par un changement des pratiques chez chacun

des acteurs de la ville. Cela passe par la formation de tous les acteurs à la participation

habitante, pour faire évoluer les cultures politiques et professionnelles des élus et

techniciens, mais aussi les cultures politiques et militantes des habitants, en leur donnant

les moyens d'organiser leur parole et de devenir un interlocuteur collectif qui puisse

discuter et contredire l'action publique. Les conseils citoyens ne peuvent jouer sur le

renforcement de la participation des habitants avant une évolution dans la manière de

penser l'action publique chez l'ensemble des acteurs.

Les raisons qui expliquent le manque d'indépendance des conseils citoyens, la

mobilisation limitée des habitants au sein du dispositif et l'absence de co-construction des

contrats de ville, ont montré que les enjeux de pouvoir entre acteurs au niveau local sont

un élément clé dans la réussite du dispositif. Le pouvoir donné aux conseils citoyens

n'étant défini nulle part, ils restent donc largement dépendants de la volonté politique des

institutions à les faire participer à l'action publique, et montre une des limites légales

autours du dispositif.

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La loi reconnaît en effet l'importance des dynamiques citoyennes dans les quartiers

populaires, le rôle et le potentiel de l'habitant à participer au projet de ville en lui offrant un

outil pour s'exprimer indépendamment des pouvoirs publics. Bien que les conseils

citoyens apparaissent comme une avancée pour le renforcement de la participation

habitante, l'analyse sur la mise en place du dispositif montre une limite importante : celui

d'un manque de travail pour mettre en place les conditions concrètes de la co-

construction et faire que la participation habitante ait du sens pour l'ensemble des acteurs.

Seule la réunion de ces deux conditions, qui ne peuvent se mettre en place que sur le

long terme, pourra faire des conseils citoyens un outils de participation qui fonctionne.

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SOMMAIRE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : Liste des médias consultés pour la veille médiatique …................... p 70

ANNEXE 2 : Extrait du tableau indicatif sur la mise en place des conseils citoyens

par commune …........................................................................................................... p 71

ANNEXE 3 : Guide d'entretien sur la mise en place des conseils citoyens .......... p 73

ANNEXE 4 : Liste des personnes interrogées …...................................................... p 75

ANNEXE 5 : Illustrations - Les conseils citoyens présentés sur le sites des mairies

…................................................................................................................................... p 76

ANNEXE 6 : Pétition de la Coordination nationale Pas sans Nous - « Les

associations de quartiers menacées de disparaître ! »............................................ p78

ANNEXE 7 : Lettre ouverte de Pas sans Nous PACA ….......................................... p 79

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Journaux des collectivités territoriales

– La Gazette des Communes– Localtis Info

Blogs

– www.leblog2roubaix.com– www.coconstruiregrenoble.fr– www.lecrieur.net– www.leblogdygrec.blogspot.fr– http://www.ades-grenoble.org/– www.unevillepourtous.fr– www.proxite-leblog.fr– www.notrequartier.centerblog.net– www.blogs.mediapart.fr/blog/pas-

sans-nous

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ANNEXE 1

Liste des médias consultés

Presse locale

– Angersmag– Ariègenews– Charente Libre – Courrier Picard– La Dépêche– Est Républicain– Essoneinfo– France-Guyanne– Le Grisou– Herault Tribune– Journal du pays Yonnais– La Montagne– Midi-Libre– Nordéclair– La Nouvelle République– Ouest France– L'Orne hebdo– Le Parisien– Paris-Normandie– Le Pays d'Auge– Le Progrès– La Provence – La République– Républicain Lorrain– Sudouest– Tahiti-infos– Le Télegramme– Toulouse7– La Voix du Nord– Vosges Matin– VO News– 94 Citoyens

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ANNEXE 2

« Tableau indicatif sur la mise en place des conseils citoyens parcommunes » - Extrait

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Questions soulevées à partir de l'analyse d'articles de presse et de témoignages obtenuslors du conseil d'administration de la Coordination nationale Pas Sans Nous par desdélégués régionaux.

1. Présentation de l'interlocuteur

Nom, prénom, structure, territoire concerné …

2. La participation des habitants

– Existe-t-il des dispositifs de participation déjà mis en place ? Lesquels ? Est-ce

qu'ils fonctionnent bien ? Leurs points positifs ? Négatifs ?

– Où en est la mise en place du conseil citoyen ?

3. La mobilisation des habitants

– Quelle communication a été mise en place pour faire connaître les conseils

citoyens? Qui s'en est chargé ?

– Comment avez-vous tenté de mobiliser les habitants ? (mettre en avant les

différences de méthode entre la mobilisation institutionnelle et celle de PSN ).

– S'il y a eu réunion publique : comment s'est-elle déroulée, quels acteurs ont

participé ? Comment ont-ils été mis au courant de cette réunion ? Etaient-ils

nombreux ?

– A partir de quelle liste se fait le tirage au sort ?

– Y a t-il des outils incitant les personnes les plus éloignées à participer au conseil

citoyen ? Si oui, lesquels ?

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ANNEXE 3

Le guide d'entretien sur la mise en place des conseils citoyens

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4. L'organisation et la composition du conseil citoyen

– Comment et par qui le conseil citoyen a t-il été constitué ?

– Le pourcentage de volontaires, tirés au sort, acteurs locaux par conseils citoyen ?

– Peut-on dire que le conseil citoyen respecte la parité homme-femme et la non

discrimination, quelle qu'elle soit ?

– Quelles sont les relations entre CC et conseils de quartier ou autres associations

de quartier déjà existantes ?

– Quelles sont les associations présentes au conseil citoyen ?

– Quand se rassemble le conseil citoyen ? Par qui est-il animé ? Quels sont les

moyens d'animation s'il y en a ?

– Quel budget est attribué au conseil citoyen ? Comment est-il géré ? D'où viennent

les financements ?

– Comment / par qui est-il animé ?

– Une formation des participants au conseil citoyen est-elle mise en place ? Si oui,

quelle est-elle ?

5. Le rôle du conseil citoyen dans l'élaboration du contrat de ville et le comité de pilotage

de la ville

– Quand a été mis en place le conseil citoyen par rapport à la signature du contrat

de ville ?

– Sur quoi porte le travail du conseil citoyen? Comment sont décidés ses objets de

travail ? Comment organise t-il son action ?

– Le conseil citoyen est-il intégré au comité de pilotage du contrat de ville ? Si oui,

combien y a t-il de représentants du conseil citoyen au comité de pilotage ? Quel

est leur rôle ?

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Entretien 1 : Responsable associative à Toulouse d'environ 50 ans.

Entretien téléphonique d'une vingtaine de minutes, suivi d'un échange de mails, daté du

24 juin 2015, 15h54

Entretien 2 : Responsable associative à Poissy d'environ 30 ans.

Entretien téléphonique d''approximativement une heure, daté du 22 juin 2015, 10h50

Entretien 3 : Responsable associative à Grenoble d'environ 40 ans.

Entretien téléphonique d'une cinquantaine de minutes, daté du 7 juillet 2015, 12h58

Entretien 4 : Responsable associatif dans le 18ème arrondissement de Paris

Entretien non enregistré d'approximativement une heure et demie, au siège de

l'association dans laquelle il travaille.

Entretien 5 : Responsable associatif à Angers, daté du 13 et 14 juillet

Entretien uniquement par échanges de mails. L'interviewé a préféré envoyer de

nombreux documents à analyser plutôt que de répondre directement aux questions.

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 75

ANNEXE 4

Liste des personnes interrogées

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Le conseil citoyen de Savigny-le-Temple expliqué sur le site internet de la mairie.

Disponible sur : www.savigny-le-temple.fr/content/participez-aux-conseils-citoyens

Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 76

ANNEXE 5

Le conseil citoyen présenté sur le site des mairies - Illustrations

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Les conseils citoyens de Chalon-sur-Saône, expliqué sur le site de la mairie. Disponible

sur :http://www.chalon.fr/fr/toutes-les-actus/actualite/article/trois-conseils-citoyens-en-

novembre-2015-1.html

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ANNEXE 6

Pétition de la Coordination Pas sans Nous « Les associations de quartiers menacées de disparaître ! »

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Laurine Maruszak – La participation des habitants dans la politique de la ville - Page 79

ANNEXE 7

Lettre ouverte de PSN PACA

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Bibliographie

Ouvrages et revues :

• AKRICH M., « Co-construction », in CASILLO I. BARBIER R., BLONDIAUX L.,

CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLE

D. (dir), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS

Démocratie et Participation 2013 URL : http://www.dicopart.fr/es/dico/co-

construction.

• BACQUE M-H, « Empowerment et politiques urbaines aux Etats-Unis »,

Géographie, économie, société vol-8, 2006, p 107-124

• BACQUE M-H., REY H. SINTOMER Y., (dir) Gestion de proximité et démocratie

participative. Une perspective comparative, Paris La Découverte, 2005

• BACQUE M-H et BIEWENER C., L’empowerment une pratique émancipatrice,

Paris La Découverte, 2013

• BACQUÉ M-H. et MECHMACHE M. Pour une réforme radicale de la politique de

la ville, Citoyenneté et pouvoir d'agir dans les quartiers populaires, Paris, Les

éditions du CGET, 2014

• BALAZARD H. Agir en démocratie, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l'atelier, 2015

• BLONDIAUX L. « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout »

Mouvements n°50, Paris, La Découverte, 2007, pp 118-129

• BOURDIEU P. La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Les Editions de

Minuit, 1979

• BUTHEAU C., FEARBER E., LARBEY V., GONTCHAROFF G., HANNOYER F.,

MEGARD D., OBRADOVIC I., SCHARLY S. et VARIN J.L. « Les habitants dans la

décision locale » in Territoires n°399 bis, septembre-octobre 1999

• CARREL M., Faire participer les habitants ? La politique de la ville à l’épreuve du

public, thèse soutenue sous la direction de GUILLEMARD A-M., Paris 5 René

Descartes, 2004

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Page 81: LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE DE … · aidée à trouver le stage sur mon terrain de recherche pour l'élaboration de ce mémoire, et ... urbaine avec le Programme

• CHALINE C. Les politiques de la ville, 6e éd., Paris, Presses Universitaires de

France « Que sais-je ? », 2014

• DEBOULET A. et NEZ H. (2013) Savoirs citoyens et démocratie urbaines. Les

Presses universitaires de Rennes, 2013

• DEBOULET A. et al. (Recherche coordonnée par) La rénovation urbaine entre

enjeux citadins et engagements citoyens. La citoyenneté urbaine : formes

d’engagements et enjeux de solidarité, Rapport de recherche PUCA, 2010

• DELARUE J.M. Banlieues en difficultés : la relégation, Rapport au ministre d’État,

ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire, Paris, Syros Alternatives,

1991

• DONZELOT J., DJAZIRI Y. et WYVEKENS A. Banlieues et quartiers populaires.

Remettre les gens en mouvement, Projet 2012 n°27, Paris, Terra Nova, 2012

• DUBEDOUT H. Ensemble, refaire la ville, Rapport au Premier ministre du

Président de la Commission nationale pour le développement social des quartiers,

La Documentation Française, janvier 1983

• FERREBOEUF G. « Participations citoyennes et villes », i n Questions

contemporaines Paris, l'Harmattan, avril 2011

• GAXIE D. Le cens caché : inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris,

Seuil, 1978

• HANNOYER F. et MADELIN B. Quelles nouvelles voies pour la participation des

habitants ?, Profession Banlieue, 2013

• LELEVRIER C. « Au nom de la « mixité sociale » - Les effets paradoxaux des

politiques de rénovation urbaine » Savoir/Agir 2013/1 n°24, p. 11-17

• LOCHARD Y. et SIMONET M., « Les experts associatifs, entre savoirs profanes,

militants et professionnels », in DEMAZIERE D. et GADEA C., Sociologie des

groupes professionnels La Découverte « Recherches », 2010 p. 274-284

• LOCHARD Y., TREINTA A. et VEZINAT N. « Quelle professionnalisation pour le

monde associatif ? - Entretien avec Matthieu Hély» in La vie des idées, 25

novembre 2011 URL : http://www.laviedesidees.fr/Quelle-professionnalisation-

pour.html

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Page 82: LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE DE … · aidée à trouver le stage sur mon terrain de recherche pour l'élaboration de ce mémoire, et ... urbaine avec le Programme

• MONBEIG M. « L'impossible démocratie participative », Pensée plurielle 2/2007 n°

15, p. 29-47

• PAQUET M. « Participation des personnes précaires : un processus à relancer »

in Actualités Sociales Hebdomadaires, mars 2012, n°2750

• PETIT M. (dir.) « Participation des habitants : de l'expression à la co-

construction », In Répères pour Agir, 2014, n°4 IREV

• SCHNAPPER D. « Idéal et limites de la mixité sociale. Les arguments du débat

public», Informations sociales 5/2005 n° 125, p. 6-15

• SINTOMER Y. « Tirage au sort et démocratie délibérative - Une piste pour

renouveler la politique du XXIème siècle ? », In La vie des idées, 5 juin 2012

URL : http://www.laviedesidees.fr/Tirage-au-sort-et-democratie-deliberative.html

• TALPIN J. « Mobiliser les quartiers populaires, Vertus et ambiguïtés du

Community Organizing vu de France » , In La Vie des Idées, 26 novembre 2013

URL : http://www.laviedesidees.fr/Mobiliser-les-quartiers-populaires.html

Documents politique de la ville :

• Ministère des droits des femmes, de la ville de la jeunesse et des sports, Conseils

citoyen, cadre de référence, juin 2014.

• Conseil national des villes (CNV), La démocratie locale participation des

habitants, avis du, janvier 2012

• Expérimentation des Tables de quartiers Kit d'appui, coordonné par la Fédération

des Centres sociaux et Socioculturels de France en collaboration avec la

coordination « Pas sans Nous ». Avril 2015

Lois décrets et circulaires :

• Circulaire du Premier Ministre n°5729-SG du 30 juillet 2014 relative aux modalités

de mise en oeuvre des contrats de ville de nouvelle génération

• Décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires

de la politique de la ville dans les départements métropolitains

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Page 83: LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE DE … · aidée à trouver le stage sur mon terrain de recherche pour l'élaboration de ce mémoire, et ... urbaine avec le Programme

• Décret n° 2015-77 du 27 janvier 2015 relatif aux instances en charge de la

politique de la ville

• Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des

départements et des régions, art.1

• Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion

urbaine

Sites internet :

• aclefeu.org

• appuii.wordpress.com

• coconstruiregrenoble.fr

• fonda.asso.fr

• insee.fr

• lagazettesdescommunes.com

• localtis.fr

• passansnous.org

Articles de presse :

• GENESTIER P., « Rénovation urbaine : arrêtez le massacre ! », Le Monde, juillet

2012

• NUSSBAUM A., « Politique de la ville : quarante ans d'échec », Le Monde, février

2015

Videos :

• Anonymal TV, Le point de vue des élus sur l'installation des conseils citoyens

d'Aix en Provence, juin 2015.

URL : http://www.anonymal.tv/web-tv/territoire/item/brunet-mechmache-pour-pas-

sans-nous

Autres :

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Page 84: LA PARTICIPATION DES HABITANTS DANS LA POLITIQUE DE … · aidée à trouver le stage sur mon terrain de recherche pour l'élaboration de ce mémoire, et ... urbaine avec le Programme

• Inter-réseau des professionnels du développement urbain, Mise en œuvre des

conseils citoyens : une démarche à inscrire dans la durée, synthèse de l’enquête

IRDSU 2015, 18 mai 2015, 24pp.

• Localtis, 60 contrats de ville signés sur 390, dont la moitié à revoir : mais que font

les préfets ? , 29 mai 2015

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