La nature en ville : du concept à la gestion opérationnelle

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52 N° 50 VERS L’OBJECTIF DE ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE VAR La nature en ville : du concept à la gestion opérationnelle EDOUARD MASSONNEAU, AGENCE D’URBANISME DE LA RÉGION TOULONNAISE (AUDAT.VAR) Republié d’après : « Nature en ville : du concept à la gestion opérationnelle », collection 10 minutes sur, audat.var, mars 2020 Face aux défis climatiques, sociaux et de santé publique, (re)végétaliser nos villes apparait comme un enjeu majeur. Toute une mosaïque de lieux publics ou privés, aux usages variés, est concernée : les parcs et espaces verts ; liaisons douces ; jardins pri- vés ; bords des cours d’eau ; jardins partagés et autres espaces agricoles. Mais aussi : les cimetières ; friches urbaines ; murs et toi- tures ; parkings perméables et autres abords des espaces publics… Avec ses formes, usages et bienfaits mul- tiples dans un milieu urbain tout aussi diver- sifié, cet article donne des repères et pro- pose des outils pour traiter de la nature en ville. NATURE EN VILLE, COMMENT L’ABORDER ? La nature peut être appréhendée d’un point de vue écologique ou paysager. Cette vision se matérialise autour de la notion de trame, dont la plus connue est la Trame Verte et Bleue (TVB). Du point de vue de l’écologue, la TVB correspond à un réseau d’habitats pour la faune et la flore, reliés entre eux par des corridors écologiques : la forêt de chêne- liège est un habitat caractéristique de notre région. Sous l’angle du paysagiste, les trames sont des structures paysagères, chacune composée d’une association d’éléments de paysage : le chêne-liège est perçu comme un sujet individuel. On distingue cinq trames : • la trame verte se compose de trois strates végétales principales : herbacée, arbustive (buissons et jeunes arbres), arborée ; • la trame bleue correspond aux cours d’eau, zones humides, lacs, etc. ; • la trame brune caractérise la biodiversité du sous-sol ; • les trames noire et aérienne : réseaux éco- logiques propices à la biodiversité nocturne (pas de pollution lumineuse) et à la faune volante (sans obstacles aériens). La ville apparaît alors comme un milieu aux multiples contraintes. L’écosystème urbain s’en retrouve isolé dans toutes ses dimen- sions : au sous-sol (fondations de bâti- ments, réseaux d’équipements publics…) ; au sol (bâti, voiries, clôtures, seuils de cours d’eau…) ; mais aussi dans l’atmosphère (éclairage, façades vitrées d’immeubles, câbles électriques, ponts…). L’enjeu écologique et paysager est de res- taurer cette continuité au sein de la ville ou du village, mais également avec sa périphé- rie péri-urbaine et rurale : reconnecter la nature de la ville avec les autres écosys- tèmes pour une plus grande robustesse. DES OUTILS POUR LA NATURE EN VILLE, MOBILISABLES DÈS LA PLANIFICATION URBAINE Le règlement d’un PLUi peut imposer une part minimale de surfaces de pleine terre, sur- faces végétalisées, ou surfaces favorables à la biodiversité (dites éco-aménageables) par parcelle. D’autres articles du code de l’urba- nisme peuvent être mobilisés pour limiter l’imperméabilisation des sols et préserver les espaces végétalisés. L’objectif de nature en ville peut être développé dans des OAP (Orientations d’aménagement et de program- mation) thématiques et/ou sectorielles. Dans le PLU approuvé de La Garde (83), l’OAP Nature en ville élaborée par l’Agence d’urbanisme de l’aire toulonnaise et du Var (audat.var) identifie : • les espaces supports de nature à préser- ver, à désimperméabiliser, à végétaliser ; • les connexions entre ces espaces à pré- server ou à créer (liaisons vertes et aligne- ments d’arbres) ; • les principaux usages : parc ou jardin, ter- rain de sport, cimetière, mobilité douce, jar- dins familiaux, zone d’expansion des crues. L’objectif de cette OAP est double : • planifier à moyen terme et territorialiser l’objectif général de nature en ville ; • renforcer le lien entre les services tech- niques de la ville autour d’un projet com- mun. Par exemple, des travaux techniques sur les réseaux sous une voirie identifiée dans l’OAP peuvent être l’occasion d’un réa- ménagement paysager du cheminement piéton par le service des espaces verts. EXEMPLE DE QUELQUES BONNES PRATIQUES DE GESTION ÉCOLOGIQUE La gestion écologique consiste à gérer dif- féremment les espaces végétalisés, en pre- mier lieu les espaces verts, en fonction des usages et en respectant l’environnement et L’écosystème urbain © AUDAT.VAR

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52 N° 50  VERS L’OBJECTIF DE ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE

VAR

La nature en ville : du concept à la gestion opérationnelle

EDOUARD MASSONNEAU,

AGENCE D’URBANISME DE LA RÉGION

TOULONNAISE (AUDAT.VAR)

Republié d’après : « Nature en ville :

du concept à la gestion opérationnelle »,

collection 10 minutes sur, audat.var, mars 2020

Face aux défis climatiques, sociaux et de santé publique, (re)végétaliser nos villes apparait comme un enjeu majeur. Toute une mosaïque de lieux publics ou privés, aux usages variés, est concernée : les parcs et espaces verts ; liaisons douces ; jardins pri-vés ; bords des cours d’eau ; jardins partagés et autres espaces agricoles. Mais aussi : les cimetières ; friches urbaines ; murs et toi-tures ; parkings perméables et autres abords des espaces publics…

Avec ses formes, usages et bienfaits mul-tiples dans un milieu urbain tout aussi diver-sifié, cet article donne des repères et pro-pose des outils pour traiter de la nature en ville.

● NATURE EN VILLE, COMMENT L’ABORDER ?La nature peut être appréhendée d’un point de vue écologique ou paysager. Cette vision se matérialise autour de la notion de trame, dont la plus connue est la Trame Verte et Bleue (TVB). Du point de vue de l’écologue, la TVB correspond à un réseau d’habitats pour la faune et la flore, reliés entre eux par des corridors écologiques : la forêt de chêne-liège est un habitat caractéristique de notre région. Sous l’angle du paysagiste, les trames sont des structures paysagères, chacune composée d’une association d’éléments de

paysage : le chêne-liège est perçu comme un sujet individuel.On distingue cinq trames : • la trame verte se compose de trois strates végétales principales : herbacée, arbustive (buissons et jeunes arbres), arborée ;• la trame bleue correspond aux cours d’eau, zones humides, lacs, etc. ;• la trame brune caractérise la biodiversité du sous-sol ; • les trames noire et aérienne : réseaux éco-logiques propices à la biodiversité nocturne (pas de pollution lumineuse) et à la faune volante (sans obstacles aériens).

La ville apparaît alors comme un milieu aux multiples contraintes. L’écosystème urbain s’en retrouve isolé dans toutes ses dimen-sions : au sous-sol (fondations de bâti-ments, réseaux d’équipements publics…) ; au sol (bâti, voiries, clôtures, seuils de cours d’eau…) ; mais aussi dans l’atmosphère (éclairage, façades vitrées d’immeubles, câbles électriques, ponts…).

L’enjeu écologique et paysager est de res-taurer cette continuité au sein de la ville ou du village, mais également avec sa périphé-rie péri-urbaine et rurale : reconnecter la nature de la ville avec les autres écosys-tèmes pour une plus grande robustesse.

● DES OUTILS POUR LA NATURE EN VILLE, MOBILISABLES DÈS LA PLANIFICATION URBAINELe règlement d’un PLUi peut imposer une part minimale de surfaces de pleine terre, sur-faces végétalisées, ou surfaces favorables à la biodiversité (dites éco-aménageables) par

parcelle. D’autres articles du code de l’urba-nisme peuvent être mobilisés pour limiter l’imperméabilisation des sols et préserver les espaces végétalisés. L’objectif de nature en ville peut être développé dans des OAP (Orientations d’aménagement et de program-mation) thématiques et/ou sectorielles.

Dans le PLU approuvé de La Garde (83), l’OAP Nature en ville élaborée par l’Agence d’urbanisme de l’aire toulonnaise et du Var (audat.var) identifie : • les espaces supports de nature à préser-ver, à désimperméabiliser, à végétaliser ;• les connexions entre ces espaces à pré-server ou à créer (liaisons vertes et aligne-ments d’arbres) ;• les principaux usages : parc ou jardin, ter-rain de sport, cimetière, mobilité douce, jar-dins familiaux, zone d’expansion des crues.

L’objectif de cette OAP est double :• planifier à moyen terme et territorialiser l’objectif général de nature en ville ;• renforcer le lien entre les services tech-niques de la ville autour d’un projet com-mun. Par exemple, des travaux techniques sur les réseaux sous une voirie identifiée dans l’OAP peuvent être l’occasion d’un réa-ménagement paysager du cheminement piéton par le service des espaces verts.

● EXEMPLE DE QUELQUES BONNES PRATIQUES DE GESTION ÉCOLOGIQUELa gestion écologique consiste à gérer dif-féremment les espaces végétalisés, en pre-mier lieu les espaces verts, en fonction des usages et en respectant l’environnement et

L’écosystème urbain© AUDAT.VAR

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la biodiversité.• Zéro pesticide, y compris dans les cime-tières, terrains de sport et jardins privés ;• Palette végétale adaptée au climat méditerranéen ;• Privilégier la marque collective « Végétal local », dont les semences sont prélevées dans le milieu naturel méditerranéen ;• Pas plus de 10% d’espèces identiques sur la commune, afin de limiter la propagation de maladies ;• Bannir les espèces envahissantes ;• Instaurer un permis de végétaliser et/ou une charte de l’arbre ;• Préférer une fosse de plantation d’arbres en continue à des fosses individuelles ;• Utiliser un paillage local, à partir des déchets verts de la commune et/ou du chêne-liège des Maures commercialisé par l’ASL (Association Syndicale Libre de Ges-tion Forestière) de la Suberaie varoise ;• Pas d’élagage sévère ;• Limiter l’éclairage extérieur nocturne ;• Perméabilité des clôtures à la petite faune.

LE POUVOIR RAFRAÎCHISSANT DE L’ARBRE

Les arbres sont un moyen effi-cace de rafraîchir nos villes minérales grâce à l’ombre qu’ils procurent et au rejet de vapeur d’eau dans l’air. Ce phénomène se nomme l’évapotranspiration. Le pas-sage de l’état liquide à l’état gazeux de l’eau sert de moteur de circulation de la sève brute. Les minéraux captés par les racines sont transportés jusqu’aux feuilles, lieu de la photosynthèse.La vapeur d’eau est rejetée dans l’air via les stomates, cel-lules formant un orifice au niveau des feuilles. En cas de stress hydrique, pas d’évapo-transpiration ; le végétal ferme ses stomates pour préserver l’eau dans son organisme.

Parc de la Navale, La Seyne-sur-Mer© AUDAT.VAR