La Naturalisation des juifs Algeriens et l'Insurrection de...

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D LA' NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS + ET L'INSURRECTION DE 187 ETUDE HISTORIQUE PAR Louis FOIIEST LICENCIÉ EN DROIT ,scisK ÉLÈVE 0E L'ICOI+E 0ES LANGUES OIIIZNIALES LAURRAT DU LCOLE DES SCIENCES POLITIQUES Prix: Un Franc PARIS SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMRIMER1E ET DE LIBRAIRIE ANCIENNE MAISON LECÈ?4E, OUDIN ET - L EUE DE CLUNT, i Document HhIIIIIIJIflIII!JIIIIIllIIIH 0000005780273 +

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ETUDE HISTORIQUE

PAR Louis FOIIESTLICENCIÉ EN DROIT

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Prix: Un Franc

PARIS

SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMRIMER1E ET DE LIBRAIRIE

ANCIENNE MAISON LECÈ?4E, OUDIN ET

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Il

LA -.

NTUEALISAtIONDES P

JUIFS ALGÉRIE1NS

ET

L'INSÙRRECTJON DE 1871

I

LES ORIGINES DU DÉCRET CRÉmEUX

Le 24 octobre 1870, un décret de la délégation deTours, signé .Garnbetta, Crémieux, Glais-J3izoin etFouriclion, déclara citoyens français les Israélites in-digènesde l'Algérie.

La question qui recevait ainsi une solution étaitposée depuis longtemps,.

Dès 1847, M. 'de Baidieour, dans son livre sur laColonisation de fAlgérie écrivait que « le gouver-nement français avait un intérêt majeur à s'attacher

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6LA NATURALISATION DES JUIFS ALG11RIE4S

les Juifs algériens. » Cette opinion qui, déjà alors,n'était point isolée, faisait si bien son chemin qu'en1858 le Conseil général de Constantine émettai le

•voeu d'une naturalisation collective et immédiate des

•IsraéLitesDeux ans après, M. Jules Deisieux publiait un

Essai sur la naturalisation collective des Israélites n-digènes (1), et s'attachait à démontrer que celte nie-sure était» le couronnement logique et rationnel del'évolution progressive des événements » (2). ['au-teur poussait si loin sa conviction qu'il n'hésitaitps à déclafer qu'il faudait au besoin se passermême du consentement des Israélites (3).

En 1864, Vidée ayant fait de nouveaux progrès, lesIsraélites de l'Algérie adressaient une pétition auSénat à l'effet d'obtenir d'être élevés à la dignité de

citoyens.Cette nême année, Napoléon III faisait un voyage

en Algérie. A Alger, à Constantine, a Oran,leslsraé-lites présentèrent au souverain des adtesses tendant

• è. obtenir la naturalisation collective. Dans la récep-tion officielle 'qui eut lieu au Chftteau'Neu f à Oran,l'empereur recevait lé grand rabbinà la tète de sonconsistoire et, en réponse à l'allocution qu'il écou-

(1) Alger, imprimerie Duclaux, 18GO. Voir aussi la Questionjuive en Algérie ou De Ic' naturalisation des Juifs algériens, par

nu Algérien Progressiite 1. C. F. Alger, 1860, 8, 77 p.

(2) Page 20.•(3)Pages 22 et 23.

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ET L'INSURRECTION DE 18H S

lait avec bienveillance, il étendait la main, deman-dait le discours, et prononçait ces mots: « Bientôt,j'espère, les Israélites algériens seront citoyens fran-çais(i). »

Cette parole, confirmée par d'autres assurances quele monarque avait données ailleurs, eut un retentis-sement considérable dans toute la èolonie. Aussi,quelques mois plus tard, la Cour d'appel d'Alger yfaisait-elle allusion, dans un arrêt où elle s'exprimaitainsi

« Attendu que si l'heure où les lsraéliies de l'Al-gérie pourront être soumis à la loi civile françaisesemble prochaine.. (2).

En 4865, C. Frégier, président du tribunal de Sétif,publiait un important ouvrage sous ce titre : LesJuifs algériens, leur passé, leur présent, leur avenirjuridique, leur naturalisation collective... Le livreen entier, plaidoyer chaleureux de 4M0 pages (3),tendait en effet à démontrer que cette naturalisationen niasse était la seule solution possible aux difficul-tés .d'ordre juridique que l'état actuel faisait naître.

On peut dire qu'à partir de ce moment l'idée étaitdans lçs aspirations de tous.

Depuis 4865 jusqu'en 1869, les Conseils géné-raux (les trois provinces ne cessèrent d'émettre cita-que, année un voeu pour la naturalisation collective

(1) Frégier, p. 446. Voir pins loin.() Frégier, p. 430. Voir plus tom.(3) Paris, Michel Lévy irùres, 1865, in_8G

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6LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

des Israélites indigbnes.En 189, le Conseil géhérald'Alger s'exprimait ainsi-

« Considérant que les nombreuses preuves de pratrio-tisiiie et les services' rendus par les Israélites indigènescoin mandentimpérieusement que le titre des citoyensfrançais leur soit donné sans re!ard...

En 1870, dans ses Cahiers algériens, M. \Varnier,la plus grande autorité d'Algérie; se pronoiiçait dansle même sens

La naturalisation individuelle jette le trouble dansles intérêts des familles en maintenant les non naturausés sous une loi qui date de Moïse et en soumettant lesnaturalisés à des lois qui changent chaque jour. La natu -ralisahon en masse, au contraire, place tous les intérêtssous la sauvegarde de la nième loi. n -

Faut-il ajouter quo la Pressç algérienne ne restaitpas indifférente à la question? Qu'on parcoure lacollection des journaux du temps on. -constateraqu'elle était unanimement favorable à la mesureprqjetée.

Enfin, àla veille de la guerre, la veille môme de sadéclaration, le gouvernement se déclarait prit à ac-complir la réforme tant demandée. Dans la séancedu 19 juillet 1870, le garde des sceaux affirmait que.le gouvernement étai t « désireux denaturaliser lesisraélites».....« Seulement, disait M. Emile 011ivier,il est arrêté prune question de droit: la naturalisa-tion peut-elle se faire en vertu d'un décret ou-

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ET L'INSURRECTION DE 1811 1

• t-cfleune loi 9. le le répète, ce qui nous arrête, c'est

• uniquement une question (le forme (fl . 1 (Très. bien

très bien l)Trois moi plus tard, le nouveau ministre de laj us-

•tice faisait simplement aboutir une affaire en cours.Crémieux, en donnant son nom A l'acte qu'il signaitavec ses trois collègues, ne faiait qu'exécuter nu

- . projet préparé par lêgouvernement précédent.

• Tels sont les faits.Il en faut rechercher la cause et se demander d'où

venait 'ce mouvement unanime, pourquoi la natura-lisation était si vivement réclamée, ci-par les Israé-lites algériens,, et avant eux par ]es Français deFrance et d'Algérie..

Quant aux premiers,. ils.s'cn sont expliqués eux-.mêmes en termes très n&Ls dans leur pétition au

Sénat.. Voici comme ils s'expriment.

Nous venons solliciter autant de votre j ustice quede 1h générosité qui caractéHse tous 'vos actes, d'achever,l'oeuvre commencée, de proclamer notre assimilationdéfinitive avec nos Frères' de la mère-patrie, de nousélever, en un mot; à b dignité de citoyens; objet de nos

(I) Voir Io, compte tendu de la séance du 19 juillet, au Moni-teur officiel.

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LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

voeux les plus ardents, de nos plus chères espérances, cLde nos aspirations les plus constantes et les - plus vives.

Pour que vous daigniez prendre en considérationnotre humble pétition, et nous faire jouir enfin de laqualité de citoyens que nous réclamons depuis bien des/années, quels autres titres pourrions-nous faire valoir kvotre bienveillance qu'un dévouement inaltérable à laFrance, qu'un vif désir de la servir et de mourir pourelle, de contribuer, dans la limite de nos forces, k sagrandeur et à sa prospérité, de nous glorifier de sesnobles destinées, et d'être unis à jamais par les liensles plus étroits à ses enfants, les Français, nos frères etnos libérateurs?

Comment pourrait-il en être autrement ?N'est-ce pasde la, France qu'est venu notre salut? N'est-ce pas laFrance qui nous a délivrés du joug oppresseur et de lalyrannie des Turcs ?N'est-ce pas la France qui a daignéenfin nous tendre la main et nous convier, par l'organede son premier corps judiciaire, à participer aux avan 1

-tagos dont jouissent nos frères les Français?

Si les sentiments dont on vient de lire l'expressionsont sincères, ils sont tout à l'honneur de ceux quiles éprouvaient. Or leur sincérité ne saurait faire dedoute, parce que le succès de la pétition ne pouvaitprocuier aux Israélites que les avantages d'ordretout moral qu'ils déclaraient en attendre. -

Les Juifs algériens ne pouvaient pas prévoir en.1804 que 'la naturalisation Ieia conférerait l'électoratlégislatif, qui n'a élé accordé qu'après ta guerre auxFrançais d'Algérie. Et quant aux Conseils générauxet municipaux, ils y avaient déjà une représentationdistincte au litre indigène.

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ET 1,1NSUEBECTION DE 1871 9

pourquoi , d'autre part, l'opinion française, d'uncôté comme de l'autre de la Méditerranée, Mvorisait-elle si chaudement le voeu des intéressés ?

Il y a à cela deux raisons, l'une politique, l'autre

d'ordre public.jo Au point de vue politique, le principe géné-

• ralemctit admis sous Louis-Philippe et sous l'Empire(sauf par les partisans du Royaume Arabe), le prin-cipe que profssaient ouvertement de Gueydon et.Chanzy, le principe qui a dominé toute notre politi-que algérienne jusqu'à ce dernières années, c'est detendre à l'assimilation générale de joutes les popu-lations indigènes, cette assimilation, bien entendu,devant se faire progressivement.

Dans ce système,' l'idée de commencer par legroûpe israélite se présentait naturellement.

Pourqudi ?D'abord ce groupe demandait instamment à dire

incorporé à la mère-patrie.Ensuite ce groupcétait peu nombreux (38,000 seule-

ment). L'expérience était donc sans péril, puisque lesJuifs étaient une faible minorité par rapport à laniasse musulmane dont la naturalisation eût noyél'élément français.

Ce groupe, d'autre part, était plus voisin de nous.• Les ,luifs sont surtout dans les villes. Ils sont mêlés à

la vie française par le mouvement des affaires. Leur'-aptitude à l'assimilatiqn semblait démontrée par lesfaits. Ils témoignaient un goût très vif pour lins-

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t LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

traction française. Ils remp]isaient les écoles, -lescollèges et les lycées, et ils s 1y disliiguaicni:. En1871, M. de Fourtou, clans un rapport qqi n'est pas

suspect, puisqu'il conclut contre eux, n'hésitait pas àfaire la déclaration suivante :---

Dans les grandes cités de noire colonie, hn grandnombre d'israélites ont atteint par l'éducation eLpar lesmoeurs le niveau moral de la société européenne qui lesentoure Ceux-la, dignes en toutes choses de leurs coreli-.'gionnaires de France, ont souvent renduà notre pays deréels services et: ils ont conquis au milieu de nôs conci-toyens de l'Algérie une place qu'il est juste de recon-naître et d'honorer

Enfii, ce groupe Iais fidèle. )ks le début de laiconquête, les Français ont été accueillis paries isi'-lites. Des relations se sont établies entre Je haut com--rnandemen.t et les grandes faili-ilies juives. Les Juifsn'ont jamais trempé dns aucune rébellion. Mieuxaincore,: tout de siite aptès la prise d'Alger, quandfa situation est incertaine , et critique, ils se , sontofferts comme soldats et comme interprètes. Plu-sieurs de ces interprètes ont trouvé la mort sur lechamp dé bataille: la plupart ont mérité la croix dla Légion d'honneur (2). L'ouvrage que M. Féraud,

(1) Assemblée Natiouale, session 4871. ]Rapport n M. An-.nexe au procès-verbal de la séance du 24 août 1871, page 4.

(2) Darinon (Amran). Albaz jSa!omon), Toboul (Aaron), Dayan(Lucieni, Aboucaya (David), sans parler de Bon Baruch (Sa-mue!), Aboucays (Jos'eph), Davan (Léon). Amar (Joseph), Sidount(Eliaon), iStoraly (Ephraïm) Ahoncayn (Martin), Pinlo (Mon),llrudo (Adolphe), Brudo (Léon), Lévi (Isaac). Vpir -louvftge de

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ET UINSUIoeF:CTI0N DE 431

ancien ministre de France au Mai'oc; a consacréaux interprètes de l'armée d'Afrique (1), relate leursbrillants états de service. Qu'on lise -plutôt ces quel-

ques extraits

Daninos (Ab'raham). - Nommé guide interprète en4830, il fut le plus puissant auxiliaire de M. Torpin, alorscommandant de la. frégate-pilote ; et ce fut grâce k sesconnaissances approfondies et à son infatigable zèle,que M. Torpin put opérer des mouvements heureux,mouiller sans hésitation devant certains points, éviterdes eaux dont il ignorait complètement la perfidie descourants. En 1833, ce fut lui qui accompagna, de Paris à.Alger, la commission d'enquête; quatre années plustard, par ordre du Ministre de la Guerre, il accompa-gnait en France l'envoyé d'Abd-el-Kader ... ; chevalier dela légion d'honneur (p. 490).

Ayas (Léon). - Après la bataille de Staouéli, par-vint k entrer en pourparlers avec les Arabes... Ay'ass'est signalé, durant sa carrière, par de nombreux faitsde guerre réputation de bravoure justement acquisedans les expéditions de la province d'Oranplusieurs blessures ; - capture d'un lieutenant d'Abd-eL-Kader, 1845. - Combat contre BouMaza. Rapport

•officiela Je signale encore k votre bienveillance• M. Mas, interprète, qui, constamment k mes ordres, a

fait preuve d'une bravoure vraiment remarquable, entuant cinq Arabes, dans le moment le plus difficile del'action.Colonel Mellinet.

L'interprète Ayas, blessé grièvement d'un coup de

Férand, P. 190, 206, 212, 215, 263, 284, 286, 209, 311 et sqq.,343, 350, 361, 363, 368.

(I) Les Interprètes de l'armée d'Afrique (A rchives du Corps), -Alger, chez Jourdan, 4876, in-8.

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12LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

Jeu à la cuisse, dans un combat contre Bou-Maza, mou-rut en 1846, des suites de cette blessure (p. 169).

• Cohen , interpète à la disposition du lieutenant-colonelDu Bavait, tue dans l'attaque que firent les Arabes, le2 aoét 1833, contée Mostaganem ( p. 215).

Baranès (liché). - Après avoir fait une expédition avecle général Desmichels, .commandant à Oran, prit encorepart à celle de Tlemcen et de. la Tafna. Lé général Bu-geaud le chargea de plusieurs mission sspéciales (p.215-216).

Lévy (Isaac). - Blessé et prisonnier de guerre, le 26eptenibre 1845, pendant la mémorable retraite opérée

•après le combat de Sidi-Brahim, fut forcé dé suivre Abd-• el'Kader, dans sesdifférentes excursions dansiaprovince'

d'Alger. Léy fut trouvé percé de trois coups de feu sur lechamp de bataille de Mengren. Mourut de ses blessures.

Faradj Nalrach, spahis -volontaireen 1842,interprèteen-1843, chevalier de la Légion d'honneur en 1871. Faradj,cavalier intrépide, s'esïsignalé dans les expéditions, enmarchant avec les goums et faisant preuve d'une grandebravoure. Blessé d'un coup de feu au genou droit, le 22

'mai 1840, aux Beni-Sliman (général de Salles), coup deyatagan à la tête, le 24 avril 1844, chez les Oiilad Soultan(ducd'Aumale). Coup de tromblon, qui lui a fait huitblessures dans , les reins, à la méme affaire (p. 270) (4)

(I) Citons encore, en dehors du corps des interprètes, parmiles israélites algériens qui ont été avec distinction les collabo-rateurs militaires de la conquête: Mon, chef d'escadron despahis, le capitaine de spahis Abraham Cani., successivementchef des bureaux arabes de Média et de Laghouat, officier de laLégion d'honneur, etc. Voici comment en 3860 s'exprime JulesDelsieux, .à propos de la valeur militaire des Israélites: ((Nousne voulons pas nier qu'ils se soient abstenus, avant la conquête,de prendre part aux guerres (lui surgissaient entre tel ou telpréténdant et qu'ils aient montré la plus complète indifférencepour la victoire ou la défaite de leurs maRres. Qu'eût été, poureux, un changement de pouvoir, sinon un changement de joug?

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ET L'INSURRECTION DE 1811 13

Tels sont les services honorables, les motifs légi-times pour lesquels l'assimilation des A]gériensjiiifsapparaissait, vers la fin de l'Empire, comme le com-mencement naturel et nécessaire de l'oeuvre d'assi-milation générale. « A ce moment dit Frégier (1),l'Israélite est presque en toutes choses asirnilé. auFrançais, et le musulman lui est tout au plus assimi-lable. L'Israélite est un Français presque tchevé, lemusulman un Français & peine commencé. »-

20 Au point de vue de l'ordre public, la situa-tion des israélites est mal définie et inextricable.

Les Israélites algériens ne sont ni étrangers niindigènes.

Ils ne sont pas étrangers cela est clair, lis n'ontpas de consuls. Ils ne peuvent se réclamer d'aucunenationalité ùtre que la nationalité française ils nedépendent d'aucun autre gouvernement que du gou-vernement français.

Ils ne sont pas indigènes comme le sont les musul-man. L'ordonnance du 9novembre 48, article 22,a aboli tous les pouvoirs civils, politiques et admi-nistratifs qui les régissaient avant la conquête et peu-

Et quoi d'étonnant qu'ils aient hésité â verser leur sang pouraccroltre leur servitude? Mais la Franco, en leur donnant la li-berté, leur donné le courage, et le siège d'Oran, dont les Israé-lites, en 1883. ont vattlam,nent soutenu le principal effort, nprouvé que l'héroïsme n'est pas une vertu abstraite, et que tourbotume est brave, dès quit a des biens à défendre et des droits àconserver. Essai sur la naturalisation, etc. , p. 16.

(1) Frégier, p. 87.

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fiLA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

dant les premiers temps de p otre domination. LeursMo/cdenz (gouverneurs), leurs Bel h-Dins (tribunaux),leurs C/iaouc/is (agents exécutifs) ont été purementet simplement supprimés.

Du reste, un arrêt de la Cour de cassation présidéepar Tioplong, leur a reconnu, en 1864, la qualité deFrançais attendu que par le fait même de la con-quête de l'Algérie, Ie Israélites indigènes sontdevenus sujets français; que placés en effet, à partirde là, sous la souveraineté direâte et immédiate ûFrance, ils ont été dans l'impossibilité absolue depouvoir, en aucun cas, revendiquer le bénéfice etl'appui d'une autre nationalité : d'où il suit que ]aqualité de Français pouvaiLseule désormais être labase et la règle de leur condition civils et so-ciale (1). D.

Et, conformément à cet arrêt, tin senatus-consultedu 14 juillet 1865 leur u fait franchir une nouvelleétape en les déclarant Français. Dans le rapport (2)qui détermina le vote du Sénat, M. Delangle s'expri-niait ainsi -

o Avant la conquête d'Alger par l'armée française,la situation des Juifs[dans larégence était unesitua-tion précaire, humiliée, misérable, et, comme iln'arrive que trop aux nations longtemps op1-irnées, -là trace de cet abaisscmentn'est peut-être pas encore

(I) Cité par Frégier, p 32.(2) Présenté ati Sénat le 30 juin 1865. V. Estoubjon et Lefé-Fure Gode de l'Algérie anjoté, P. 305.

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ET L I NSUBBECTION DE 1511 15

complètement effacée. C'est le plus funeste effet dela servitude de dégrader l'esprit et del?accoutumej' àl'abjection. Les israélites ont trouvé dans l'adrninis-trafion et dans l'armée des protecteurs énergiques.

• La liberté• •de leurs mouvements et la sécurité leuront été rendues. Ils s'en sont montrés reconnaissants,et parmi les illustres capitaines qui ont commandéles armées d'Afrique d que le Séhat compte aujour-d'hui dans son sein, il n'en est aucun qui nô témoi-gne que dans l'occasion les lsruélités , ont rendu d'u-tiles services. - Orcommeni douter qu'avec l'intelli-gence qui leur est propre, l'espritouvcrt ail progrès,ils ne se hâtent de se confondre avec la nation quitient le flambeau de la civilisation et dont le premiersoin a été de les affranchir du joug sous lequel ils

•gémissaient? »Mais, chose étrange, , le- même sénatus-consulte

• qui décerne aux Israélites la qualité de Fratiais,déclare qu'ils continuent à être régis par leur statutpersonnel. Or ce statut personnel, c'est le droit pourlp père de famille de fixer une part minime à sa filledans sa succession, dévolue pour neuf dixièmes à sonfils; c'est le lévirat ou le déçhaussem.ent selon qu'il -veut ou ne veutpas épouser la veuve de son fière;c'est'le divorce, c'est la polijgamie.

:Ainsi, à partir de 1865, les Juifs sont déclarés Ei'an-çais,- maintenus dans; leur statut personnel et dé-pourvus des autorités qui réglaient autrefois, en casde contçstalion, leurs différends civils. Ils ont un

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jeLÀ NATURALISATION DES JUIFS ÀLGaRIENS

droit spécial sans un mécanisme administratif etjudiciaire spécial.. Par suite, ils ne savent pas à quis'adresser pour leurs mariages, leurs succssions,leurs intérêts de famille, et leur possession d'état.Les notaires français, ignorant naturellement les

principes du statut personnel ju if, Sc refusent à rece-voir les actes. Les officiers de l'état civil, par la mômecause, refuen1 de célébrer les mariages. Les ttÇbu-haux, forcés d'appliquer le droit mosaïque dont ilsignorent les premiers éléments, ne savent plus coin-ment juger les causes qui se présentent devant eux,et l'on peut voir aux prises, dans la célèbre affaireSeyman plaidée par Crémieux et Jules Favre, desfilles qui réclament leur part successorale d'après laloi française et des fils qui la leur refusent au nomdu droit talmudique (1).

Ce n'est pas tout. L'incertitude et le trouble ne sefont pas sentir seulement dans les relations inté-rieures des Juifs seuls il est clair que les Françaisd'Algérie et de France, dans leurs transactions avecles Juifs algériens, sont entravés et lésés pur lesmêmes causes de désordre et d'insécurité.

Il semble toutefois que les Juifs pouvaient sortirde là en demandant, d'après le sénatus-consulte de1865, leur naturalisation individuelle. Ce n'estqu'uneapparence. D'abord l'obtention d'an droit qui exige

(t) Voir, pour le détail de ces inconséquences, Frégier, P. 231.et sqq.

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ET L'INSURRECTION DE 1571 17

des fôiinalités officielles répugne toujours à. l'inertie'..natnrèlle en ce qui concerne les humbles travaiOeursdune population quèlconque. Ensuite, dans ICS

couches intérieures de la population juive,. cetteinertie était encouragée par les.préjngés religieux.Den14ndei une juridiction qui effacerait Id loi mo-saïque; c'étaftdn cornmencenut d'abandon de acoutume traditionnelle et religieuse. Enfin, si- dansune même famille les uns se fâisaient naturaliser, les

• autres non, quelle confusion plus complète encore I.• L'incohérence de la situation civile des Juifs.algé-riens appelait donc une réforme qui, à partir- de1865, semblait également nécessaire aux intéressés,- --aux Français- qui étaient en relationsavec eux, et en-

- fin ani. gouvernement lui-même.Politiquement et pratiquement, le gouvernement - -

était sollicité à eomffiencer son oeuvre d'assimilationparla partie juive de.5 populations algériennes. Lanaturalisation collective appai'aissait non seulement.comme une mesure de bienveillance eUde justice àl'égard, des seuls Israélites algériens, mais en'corcomme une, 'œutre d'intérêt énéral-pôui' les Françaisd'Algérie -et- de France, comme une œuvre d'inté- --rêt ntional pour la politique française..

Telle était la position de ht question quand Cié

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18LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉBTÊNS

mieux devint ministre de la justice. Moins de troismoi après que son prédécesseur avait déclaré la

réforme décidée et mûre pour l'exécution, pouvait-il

ne pas tenir compte de cette situation, de cette pré-

paration? Pouvait-il ne pas reprendre un décret toutprêt (1), un décret que les délégués algériens venus

à Tours lui demandaient instammen't (2) ?

li le • pouvait d'autant moins qua cette mesurefaisait pârtie d'un ensemble de réformds libérales

patronnées par l'opposition de gauche, réclamées parle groupe dont il était un des membres influents, par

le groupe enfin qui arrivait au pouvoir.Cela 'est si vrai que, le 'lendemain mêdie de la

signature du décret, 6ambetta, dont les Algériens

sollicitaient l'intervention près de Crémieux, lui écri-

vait en ces termes

« MON cun MAÎTRE,

« .Je vous prie de faire insérer immédiatement let

(1) Voici en effet le texte du décret impérial soumis en première délibération nu Conseil d'Etat

ART. 1. -. Sont admis à jouir des droits de citoyen français,par application du sénatus-consulte du t juillet 1865, tous tesIsraélites indigènes du territoire algérien.

ART. L - Tout Israélite indigàne pourra, dans le délai d'uneannée, Î partir de la promulgation du présent décret, faire auxautorités compétentes la déclaration qu'il n'accepte pas te béné-fice de In naturalisation.

ART. 3. - II est fait remise 1 tous les Israélites du droit fixépar l'article 20 , du décret du 9 4 avril 1806,

(Iin quête sur les actes du gouvernement de la Défense Natio-wate, t. If, P. 288.)

j) Id., id., p.238. '

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ET L'INSURRECTION DE 18H 19

décrets relatifs à l'Algérie il est impossible dee pro-oigcr ilus longtemps l'attente des délégués; c'est

s'exposer gratuitement à une protestation de leurpart, dont l'effet moral serait d'autant plus déplora-bic que les bonnes apparences seraient de leurcôté (1). n

Ainsi la logique politique aussi bien que l'espritde suite administrative faisaient un devoir à Cr6-mieux de ne pas refuser sa signature à un décretque son prédécesseur avait déjà rédigé, que sescollègues ont signé, mais qui a gardé son seul nom.

L'accuseront d'improvisation et de passion ceux-à seuls qui, ayant à juger des faits et des hommes,

improvisent quand ils les ignorent ou, quands il lesconnaissent, 'se passionnent.

(1) Id., id., p. 'iI.

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I

- p

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t,

E

• II

•LE DÉCRET ET L'INSURRECTION.

« La naturalisation des Juifs a failli nous coûter]'Algérie o voilà une phrase hièh courante - àujour-d'hui. Cela s'imprime, cela se dit '- même t la tri-bune de la CJiambe - et tous ceux à qui l'opinion'dicte leurs jugements enregistrent celui-là sanscontrôle. On n'a ni le temps, ni le moyen, ni(en pareillematière) la moindre envie de s'informer à bonnesource, et voilà , une vérité nouvelle 'installée -'dansl'esprit public.

Aussi bien l'affirmation dont il s'agit se présente-t-elleavec le caractère de vraisemblance que l'appointd'une vSguc chronologi,e communique à toute asser-tion. Les Juifs sont naturalisés ensuite les Arabese révoltent. Post hoc, ergo p7-opter hoc.

•Ce .procédé de raisonnement — toujours périlleux• serait du moins excusable s'il n'y avait, point eu

d'autre insurrection arabe bien avant ou lien aprèsJacause supposée. Mais le contraire n'est que tropvrai. '-ans remonter aux levée d'armes des premiers

••- temps, qui peuvent être considérées comme des aôtesdé résistance ullime, obliera 1t-on la terrible insur- -

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w22LA NATURALISATION DES .]UJFS ALGÉRIENS

rection de 1-861 qui, partie du Sud oranais, mit à feu-et à sang tout le Teil oranais? Oubliera-t_on les froisrébellions de Khomati(1873),de Mohamed Yaliia heuMohamed (1876), et surtout de Mohamed Â.mzian benAbderrahrnan (1879), dans l'Aurès? Oubliera-to,enfin le grave soulèvement de Boa Amama dans leSud oranais (1881)? Or il n'est encore venu à l'esprit de personne d'imaginer que la naturalisationdes Juifs ait étépour qhelque chose dans ces diversesinsurrections (1)? -

• Quant à celle de 1871, l'idée de la rattacher à laquestion juive serait du moins 'spécieuse, si cetteinsurrection s'était produite dans des circonstancesd'ailleurs normales, au milieu d'une tranquillitégénérale et complète, d'où le décret de naturalisationaurait soudainement tiré les indigènes. Ce n'est

1 i»précisément ic cas. Les Arabes ont vu en quelquesmois la succession de nos défaites, la chute de l'Em-pire, l'introduction brusque du régiine civil, la sus-picion jetée sur les bureaux arabes, le mécontente-ment (le ces mêmes bureaux, le départ de toutes lesgarnisons, et, ce qui estplus grave encore, le scandale,de généraux embarqués de force et d'officiers capi-tulés repoussés comme.,indignes par leurs conci-toyens d'Algérie. En un mot, ils ont eu avec lanouvelle réitérée de nos malheurs le spectacle de

(4) Voir l'ouvrage du comte dé Margon, capitaine au 40e )jus-sai'ds, Paris Berger-Levraulc, 4883, in-16. -

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ET L'INSURRECTION DE 1S1

notre profond désaroi. Que de telles circonstances—toute question juive à part - n'aient pas inspirél'idée d'un soulèvement à. des populations qui, de1835 à1870, ne sont jarnais restées ci n4 ans sans s'in-surger, c'est, on l'avouera, plus qu'invraisemblableà JiflOfl.

Mais laissons le raisonnement à priori. L'insurrec-lion de 1871 est un fait positif. L'étude de ses causesrelève' de la méthode historique, et cette méthode necomporte pas deux procédés. Il s'agit, laissant decôtéles interprétations faites aprb's coup, d'interrogerpurement et sùnplement tous les témoignages con-tdrnporains.

Ces témoignages -se classent en deux groupes letémoignage des faitset le témoignage des hommes,témoignagedes Arabes d'un'e part_et, d'autre part,témoignage de tous les Français qui ont pu et ont dû,à i'épo9uemême, s'expliquersurics causes del'insw'-rection.

Témoignage des faits.

jo Le lieu. - L'insurrection éclate et se propageen Kabylie et dans le Sahara de Constantine. Ellen trois théâtres principaux la Kabylie o& elle estnée et s'est surtout développée, le'Sahara de Cons-tantine où se sont livrés les derniers combats, enfin, -entre les deux, la région de i'Aui'ès. Or, ni enKabylie, ni dans la région de l'Aurès, il n'y a de Juifs.

.4

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- 24LA NATURALISATION DES 3U1F5 ALGÉRIENS -

•Dans Id Sahara constantinois, les Ziban, 1' Oued -Rir,'l'OuedSouf, Ouargla, il'y apa deJhifs. AcImqïtre

-que dè tons les indigènes musulmans,. ceux-là seulsqui ' n'étàient pas enconlact 'avec lesJuifs aient été..indignés de leur naturalisationi au point d.e prendçe

•les armes, éest leur supposer ' wie faculté de géné-ralisation dont ils n'ont pas souvent fait preuve

•dans l'histoire.

20 La date, - Le décr& de naturalisation est du24 octobre '18 M. L'inshrrectio'n éclate en mars 4871:la prise d'armes de Mokràni-est du 45 mars. Ainsi,entre la. cause et l'effet, cinq mois s'écoulent: c'estun long intervalle pour un pats où les nouvelles -chacùn le sait - se répandent aussi vile par la coin-

• .municatiôn orale quepar le télégraphe. II cstvrai qqe,'1'organisal.on de.la' révolte apu .deniand,r'p)usieurs

• mois •;trnais si Je décret dé naturalisation est apjidrùaux Arabes comme un outrage, un sdufllelà leurdignité, il se produira tout de suite quèlque phéno-mènes d'insurrection spontanée, des soulèveiicnts,populaires, des démonstrations hostiles aux Juifs,des ne/'as. Or rien de tel ntapparaît avant Je mois demars.

.39 La démission de Wlokranf. Il a lieu derelever 'ici un fait positif. Avant la naturalisation,avant la guerre méme, on apprnd en Algérie quelb régime civil doit être substitué au régrnemi:li_'taire : le Corps législatif de l'Empire avoté un ordre -

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ET i;INSIJIIIIECTION DE 1511.-.25

(lu jour se prononçant pour' l'établissement du ré-

giixie civil. Sur-le-champ, ivlokrani'donfle sa d'inis

mission, mars (870:(1). -

Témoignagès Français.

Ces témQignûges e sont produits clans les circons(ances-uiVafltCS.

On sait qu'à la stalle de la guerre une grande en-quête parlementaire â eu lieu sur tous les actes, du

• gouvernement de la Défénse Natiopale. L'enquêtesur ses*actes en Algérie a été publiée en deux gros

• vo1ums in-quarto (2): 11 va sans dire que c'est laquestion de Li usurrection quia été le plus attentive-

• ment étudiée Les principaux fonctionnires' civils., et.

militaires ayant servi en Algérie à cette époque çnt• été convoqués, interrogés, appelés à fournir tous les

(1) Cf. Rinnp- 52..(2)Assemblée Nationale, annexe au procès-verbal de la séance

du 22 décembre 1872. N° R&6 G. Aig&ie, Tome premier, Rap-port, 910 pages. Torne second, Dépositions (les témoins, 296 pagesin-e, chez Cerf et fils, Versailles, 487$. La commission d'en-

• quête sur lesactes du gouvern'enent de ta Défense nationaleétait coniposée ainsi qu'il suit: Président, M. Saint-Marc-Girar-élu. Vice-PrésidenL, M. le comte Dard. Secrétaires, MM. deRainneville et Lefèvre-Pontalis (Antonin). rdemhrcs, MM. Per-rot, Boreau-Lajanatlic, De Pioger, De la Sicotière, général d'Au-relie-(le PaIadines,,e Sngny; ceinte de Rességuier, Dezanneau,vicomte de ltodez_Bénavent,'GréV Y (Albert), comte-Dhchatel,Bertanld, Delsol, comte de Juigné, comte de Durfort de Civrac,

•Mattevergué, baron de Vinols, Lallié, Bardoux, Mahriee. Cha-per, Vinay, combe dellois-Boissel, comte dé Maillé, De ki liér-derie, Cal letAng ).-

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!CLA NATUBALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

renseignements que leur situation leur avait permisde recueillir.

C'est cet ensemble de témoignages que flOUS

avons interrogé à notre tour. Ils peuvent se diviseren trois catégories, en ce qui concerne la questionactuelle qui est celte-ci: l'insurrection est-elle due àla naturalisation? Les uns répondent affirmative-ment, les autres ne se prononcent pas aveè netteté,les autres nient catégoriquement.

Témoignages affirmatif s.

Les témoins affirmatifs sont au nombre de sept,savoir: l'amiral DE GuaYDor1, nommé gouverneur del'Algérie par Thiers le 29 mars 1871; M. PIERREY,premier président de la Cour d'Alger; le capitaineVILLOT, chef de bureaù arabe; le contre-amiral F'ABRELA MAmELLE, commandant de la marine en Algériele capitaine D'll]NCOURT ; M. UÉLOT, préfet intéri-maire, puis titulaire d'Alger; M. DE SAINCTIIOBENT,

député à l'Assemblée Nationale, ancien comman-duntd'uin régiment de mobilisés de la Creuse, qui atenu garnison en Algérie.

Ces quatre derniers témoignages sont de faiblevaleur. Le contre-amiral Fabre La Ma.urelle, retenupar ses fonctions à l'amirauté d'Alger, n'ajamais étédans l'intérieur et ne peut rapporter que des on-

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ET L'INSURRECTION DE 4811 27

dit (1). Le capitaine d'Iiinconrt est visiblement pas-sionné cl par trop niai informé; car il ose dire: « Ilfaut rayer la guerre et nos désastres des causes direc-tes de l'insurrection (2). » M. ilélot fait une déposi-tion plutôt tendancieuse qu'affirmative : il se placesur le terrain électoral, il blâme la naturalisationqui. nous aurait « fait perdre tout prestige sur lesArabes » (3) : mais il ne dit rien e l'insurrection

elle-même. -Ajouto:ns que ces trois personnages appartiennent

au même milieu, à la même fraction dc la société,hostile ouvertement à la révolution du Quatre Sep-lembre, et iptéressés à condamner les actes du non-veau gouvernement. Le langage qu'ils tienhent sur.les sentiments attribués aux indigènes est presqueexactement le même ils répètent, à peu près entermes, sembla bles, laformule adoptée dans un cer-tain groupe de la société algérienne, composé surtoutdes anciens hauts fonctionnaires de l'Empire là.dès le début, on ,avait pris parti contre le décret,parce qu'on s'attendait à voir les électeurs juifsvoter pour la république.

Quant au commandant Saincthorent, il nappai--Lient pas, il est vrai, à ce groupe. Mais il n'a ja-mais tenu garnison qu'a Mosl,àganem et à itelizane,dans l'ouest de l'Algérie, c'est-à-dire dans des ré-

(1)Tome il, p, iTrO, 147(2)Page2.(3) Page 279.

4

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SLÀ NÀTUItÀL1STIÔN DES JUIFS ALGÉRIENS

gionÉ où il n'y a pas eu de soalvement. iliapporte-• des propos, signale certaine' mauvaise .•iiumeur

qu'aurait éprouvée un caïd de l'ouest (celui des lu-tas) : mais, comme il n'a vu aucun fait insu rcectin-nel, il.nèn peut-sigéaler Jes causes (1).

Les liais autres dépositions sont assurément plussérieuses, quoiqu'il faille observer qu'elles émanent.aussi de personnages notoirement hdsliies aux idées'républicaines et au gouvernement du Quatre_Sep_

•tembre....• . --L'amiral DE GVEYD0N s'entend poser la question'

suivante:

M. CALLEt. - L'assim!lation des Juifs aux Françaisa1-elle été . étrankèreà cette iusurretion ?

M. L'AMIRAL DE GIJEYDON. - Oh I non.• £M. CnAEii -,Elle est en première ligne..-M. L ' AMIRAL DE Gu.Ey »oN. - Pour moi, le décret d'as-

similation a été la cause déteiminante de l'in.urregtionles niusultuans eu ont été extrêmement froissés (). .

Un instant auparavant (3), l'amiral indiquait cinq'•autres causes

- Une réaction bruyante contre les condescendances dusvstè!ne impérial envers le peuple indigène et surtoutcp ntre les privilèges et l'autoribô des chefs arabes; lepeeÉaclè dans nos villes «autorités françaises mécoh-

àues, insultées, arrêtées même, l'injure ela menacb sur-tout prodiguées aux officiers plus spécialement piéposés

•-(I) Page 2.11.() Page {J7. •• '(3) Page 207, même colonne.

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ET L'INSURRECTION DE IS1 20

au maintien de notre domination eupays arabe; le dé-pirt pour la France (le toutes 1M garnisons; les récitsapporté:s, dans chaque tribu, par les tirailleurs algé-riens échappés à nos désastres; enfin, comme dernièremanifestation de notre probable impuissance,rection de Paris telles sont tes causes qui, en surexci-tant au pluhaut degré lesespôrance, ont fait tinsur-reptionde 18-il.

Le: même témoin concitit son expoé des causes

n ces termes très généraux, mais très vagues.

Enrésj'attribue l'inéurrectiofl uniquement et e, orneclusienient aux conséquences du QuitreSepteinbre (4)

Écoutons maintenant le premier président Puni-

.. .REY

L'insuirectiOfl n'était encore que menaçante et par-tielfe, lorsqu'un dernier acte vint lui fournir un nouveauM otif d'excitation ; je veux parler de la naturalisationen masse deS Jsi'aélites indigène.

M. uu P1 É5mENr; - Aihsi c'est à cette mesure que vous.attribuez la causeprincipale de l'insurrection ?

M. PIEnRRY. __L'insurrection counniençait nitre elleétaitdans la période de ferùientation. Sa cause premièrea procédé, ainsi que je le disais tout ii. l'heure, de l'appa-rént anéantisseltent dOEslbices de la. France ; la dernièremesure a ajouté àce motif de soulèvement un stimulantde,lus,CelÙi de l'exaspération (3).

Il est fac ilè de .constatér que l'intcrpl'élatiQn dutémoin est en contradiction avec la maiche des faits:

(1) Page 208.(2)Page 27.......(3) Page 228.

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OLA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

M. le président Pierre-y n'a pas la mémoire (lesdates. Selon lui, l'insurrection se fomente, clicest menaçante et pari zettc h cause de1'affaihuissrnentde la France, lorsqu'un dernier acte vient exaspérerdéfinitivement les esprits l'insurrection commenceâ natre, parce que les forces de la France semblentanéanties, quand la promulgation du fatal décretajoute à ce motif un stimulant de plus. Or, ce décretest du 24 octobre 1870 la France lutte encore pen-dant trois mois, et l'insurrection est du 45 mars1871. C'est la chronologie renversée.

Le capitaine VILLOT est mieux instruit et pluscompétent. Il connait admirablement les chosesd'Algérie. Mais, chef ("lin bureau arabe, il est pas-sionné, entier dans ses opinions politiques et algé-rie-unes, très animé contre le gouvernement duQuatre-Septembre, et notamment contre Crémieuxqu'il considère comme l'auteur principal de l'éta-blissement du régime civil en Algérie. Il incarnetoutes les colères et toutes la rancunes des bureauxarabes. Que dit-ii? II assigne l'insurrection septcauses distinctes, dont l'une est le dcret.

Daines de classes et de races, intérêts froissés, jalou-sies et ressentiments, tels furent es résultats dccc décretmalheureux, - Pourquoi donc cette prférènce 7 dirent

•lesArabes. Est-ce que les Juifs ont comme nous prodiguéleur sang en Crimée, en Italie, auMexique ?Est-ce qu'ilsont dix mille des leurs prisonniers en Allemagne (1)

(1) Page 159.

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ET L'INSURRECTION DE 1871 34

Toutefois,, immédiatement après avoir montré lesArabesjaloux de la préférence accordée aux Juifs ) lemême témoin ajoute

Cet acte a eu un retentissement profond jusque dansles tribus les plus reculées, et il a été très habilementexploité par les marabouts; car ilimplique une question-des plus graves, celle de lit suppression des lois de fa-mille par décret (1).-

Cette naturalisation brutale, celte suppression radicaleet immédiate de la polygamie, du divorce, du dk'oil detester, 'etc., etc., cette révolution dans l'étal social, con-cernant 30.000 regnicolcs répartis sur tous les points

'de l'Algérie, constituait un acte d'assimilation bien faitpour faire réfléchir les musulmans. Ne leur appliquerait-on pas un joui ce procédé jacobin de conversion (2)?

Le capitaine attache tant d'importance à cetteconsidération qu'il y revient encore un iett plusloin:-

Les influences religieuses des deux sortes (confrérieset familles appartenant àI'aristocratie religieuse) se sontdonné la niain, dans la dernière insurrection, parcéqu'elles ont partagé les inquiétudes de la population in-digène et qu'elles ont craint un coup de force, commele décret de naturalisation des Juifs.

A.ijsi le capitaine ne craint? pas d'affirmer que; àl'occasion du même décret, les indigènes musul-man s . 'ontéprouvé le dépit de-n'en pas recevoir l'ap-plidation et la crainte de la recevoir un jour: parce

(1) Page 459.(2) Page 159.

/

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- . f

-32LÀ NATURALISATION DES auil's ALGÊmENS

-qu'elle confère les droils civiques, lanattiralisationest présentée (Vabord.eomnie un bienfait enviable

- mais pce, qu'elle supprime le statut personnel, lamême iaturlisation est ensuite présentée comme

•.un coup de force redoutable, fl faudrMt cependant$ s'en Cou drca r ec soi-même et savoir si l'on a -constaté

que les Arlis désiraient la naturalisation ou crai-•naient de se lavoir imposé plus tard, s'ils se sont -

soulevés pour l'obtenir ou iow l:évitdr..•

Avant daller plus Tome! de passer -à ne autre• série de témoins,précisons bien ce qui sedégagedecette première consultation.- - -

- -.-.En résumé, tous les témoins quiprécèdentcrèient-• affirment qu'il y a entre la naturalisation et l'in-

-.-surrection un certain--rapport de cause à -effet. Maisaucun l'eunisole' le décret et mie prétend en faire

-'-la cause unique de l'insurrection.....

--- Témoignages neutres.

- --, ' RI. ou BOUZET, ncien préfet d'Oran; ancien com-missaire la République en Aigérie;M. ALEXI5 LiMnEItT, ancien préfet d'Oran, - puis- - -commisaire extraordinaire, plus tard député d'Orn ;.

--le giéral . LALLEMÀ?O, commandant suérieur des -forces de terre e- de mer en Algérie, ddpuis le

.- 9ndvernbrc 18 -70 jusqu'à la flÙ de l'insurrection.

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p;ET L'INSURRECTION DE 1811 33

- Das une dépêche adressée au ministre de l'inté-rieur le jt mars 1871; M. Alexis LAMBERT s'expri-mait ainsi

Mes rapports ont indiqué comme cause grave 'detrouble en Algérie le décret du24 octobre du gouverne-ment de Tours, accordant naturalisation collective desJsraélite's (t).

Cette dépêcheavait été écrite évicmmènt sousl'impression d'une ne/'ra locale. Car, devant lacommission d'enquête, M. Lambert, qui avait eu letemps de réfléchir, se montrait moins affirmatif.

M. LE PilÉsloEriT. - Maintenant, vous savez que Mo-krani a invoqué deux motifs pour l'insurrection. D'unepart, le-décret sur les Israélites dont vous nous avezparlé, êt d'autre part la substitution du poutoir civilau pouvoir. militaire. Les Arabes ne voulaient obéirqu'à des officiers portant l'épaulette, et non à l'autbritécivile.

Attribuez-vous quelque importance à ces deux dé-crets?

M. ALExis LABRERT. - Je ne dirai pas'que cela n'a pasété dans les causes contingentes. Mais à' mes yeux lacause principale n'était pas là (2).

Les insurrections n'avaient pas fait défaut en Algérieavant le décret du 24 octobre, avant le 4 septembre, etles chefs arabes qui les avaient fomentées n'avaient, pasà invoquer le prétexte de la naturalisation des Israé-litS (3).

(I) Enquête, I, page 309.2) Enquête, Il, p. 70.

(3) Pages 70 et '74..c-ô

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4-34-LA NATURALISATION DES JuifS ALGÉRIENS

.lé crois que Mokrani'n'a pasété poussé 'à la révoltepar l'éihancipation des Ju ifs'C .'

M. nu BOUZET n'est pis suspect de partialité enfaveur des Juifs. Adversaire léterminde la natura-lisation, il est l'auteur de la pétition à l'AssembléeNationale pour l'abrogation du décet. Voici pour-'tant, sur ]e point qui , nous occupe, en quels termes ils'exprime

•' - -

Comme le disais en 187f, la naturalisation des in-digènS israélites n'a pas été la'cause sérieuse, 'elle n'estqu'une cause secondaire de l'insurrection- des musul-mans. Daiis les tribus, le gros de la population ignoraità moitié la naturalisation des Juifs, et au début elle 'ne's'en inquiétait guère (2)..

Le GÉNÉRAL LALLEMAND énumère 'longuement (3")les causes de l'insurrection. Il ne parle pas de la,naturalisation qui ne se présente point à son esprit.Le président ramène 'la question.- . ...

M. ir PRÉSIDENT. - Croyez-vous que la naturalisationdonnée aux 'Juifs y ait été pour: quelque chose?'

M. LE GÉN*RÀL LALLEMAND. -Elle apu y être égalementpour quelque chose mais ta cause, selon moi, la plusactive a été l'extension intempestive du régime. civil.Elle nous -a amené tontes sortes de complications desplus fâcheuses..

'C'est tout ce que le témoin croit devoir dire sur 'la

'(!l page 71.-(2) Page 7.

(3) Pages 77âS2.

---.'-

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-zET LINSUBRECTION. Da g t

35

questionjiliive. O, le général LalIemad n'estpas untémoin ordinaire. Par sasitualion, il a eu en mainstous les rapports. II a vu les origines, observé, si-g]utlé les prodromes de l'insurrection; il en a dirigéla répression: Esprit ouvert, caractère infinimentrespectable; le général Lallemand, on le sait, n'a

- jamais été homme de parti; il convient donc. de re-tenir te témoignage dubitatif chez un homme si bien

• placé pour savoir, si autorisé à parler. Ce qui res_sort de son silence, quand il a à s'expliquer sponta-nément, et de son incertitude, lorsqu'il est interpellé,c'est que Le décret du 24 octobre' ne iti est pasapparu comme une cause de l'insurrection.

Témoignages négatifs..

M. £RÉMLEUX, ancien ministre de la justice; M. V1JLEER31ot, ancien maire d'Alger; général AUERAUD,commandantde la subdivision de .Sétif; M. LtiCET,ancien préfet de Constantine..

Il est clair que CRÉMIEUX, étant témoin -dans'an unprocès où il est partie, peut être récusé. Aussi, de sa-longue déposition, n'aecueillonsnou qu deuxobservations de fait qu'il y a lieu de retenir.

Premièrement, Crémieux s'attache à signaler l'in-tervl1e de temps ilui sépare le décret et le commen-cement de la révolte. 11 insiste en second lieu surl'indifférence des musulmans pour le titre de citoyenfrançàis.

Il

M

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36LÀ NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

Juifs et chrétiens, dans la pensée religieuse qui n'a-bandonne jamais les musulmans, sont frappés d'un égalmépris. Que leur importe la distribution du titre deFrançais? Ils veulent rester ce qu'ils sont (1).

Cette dernière observation n'est pas tin argumentd'avocat. II y a quIques années, MM. Gaulier etMichelin' avaient déposé un projet de loi de natu-ralisation en masse de tous les Arabes d'Algérie. LesArabes ont protesté en masse. Du reste, le fait est là.Depuis le sénatus-consulte de 1865 qui facilite 1.anaturalisation -des Arabes par une procédure simpli -fiée (2) jusqu'au 30 décembre 1895, donc pendanttrente ans et pour une population de trois millionset demi d'hommes, il y a eu 930 naturalisations

d'Arabes ou Kabyles. -Continuons notre enquête. -

M. \T UILLÈRMOZ parmi les causes de l'insurrectionne signalo aucunementia naturalisation (3).

Pour donner le résumé des attaques qui ont été diri-gées contre cette excellente mesure et y répondre il

faudrait un volume.J'ajoute, mais sans y insister, que le décret de natura-

lise Lion n'eût pas trouve' 'tant de détracteurs2 si les Juifs

avaient, dès ic début, consenti â voter en faveur des adver-saires des institutions républicaines- (4).

(1)Page 236(2)Pour se faire naturaliser, I'indigèfle musulman sujet fran-

çais n'a qu'à se présenter devant le maire, l'adtninistrateur oulecoramandant supérieur, et à lui déclirer qu'il entend être régipr les lois civiles et politiques de la France.

(3) Page 295..(4) Page !fl.

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ET L'INSURRECTION DE 181 31

Cette dernière observation écicire dii» jour parti-culier les témoignages qui ont été cités au début etvient à l'appui du commentaire que nous en faisions.

La déposition du 'général AUGEUAUD est de pre-mière iuiportance. En çffet, il commandait à Sétif.C'est du îcmps de son commandement que la révoltea éclaté. Et c'est la subdivision de Sétif qui renfermel'aghalik de Mokrani et la zaouïade Cheikh Haddadet de son fils Si Aziz, les chefs principaux de l'insur-rection.

Que dit le général AUGERAUD?

• Bien des personnes pensent qu'e ce décret a été lacause de la révolte. Quant à moi, je ne l'ai jamais cruce n'a été qu'un prétexte.

M. LE PRÉSIDENT. - Vous croyez que cela n'a pas eu.d'importance?

M. LE CÉNtRAL AL'GEBAUO. - J'en suis intimement per-svadd. Là révolte tient à trois causes réunies la guerre,le dépârt des troupes d'Algérie et IS troubles qui ontété la conséquence de la fièvre révolutionnaire (fl.

Ecoutons enfin M. Ltcsr. Assurément le préfetde Constantine n'avait pas désiré la naturalisationil était plutôt prévenu contre elle et, quand elle futpromulguée, il en fut comme effrayé.

Lorsque le décret du 24 ociobre 4870 me parvint la,préfecture de Constantine, il produisit sur moi unefâcheuse impression; je n'hésitai pas à 'le regardercomme intempestif et contraire aux principes démocra-

(1) Page 217.

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38LA NATURALISAMIN DES JiJJÊS ALGÊJIIENS -.

• iiqus, quine permettextt p as d'imposer 4e force et brus-luement à toute une population un état que chacun deses membres est maître de repousser cotnie antipathi-que ase'mœurs, àses habitudes et même à ses,intérêts.'Facilitez tant que vous voudrez la naturalisation, mais"laissez chacun libre d'y reeouri'r'Arracher à la barbarieune masse d'individus pour , les élever au rang de ci-toyens 'français, c'est très bien en 'principe, mais la

• pratique exige des . tempéraments. Enfin, le moment mesemblait mal choisi pour une semblable mesure, et jecraignais qu'elle ne provoquât' un grave ' mécontentementchez les Arabes. Sous 'ce dernier rapport' je mesuù trompé.Pour en avoir le coeur net, plusieurs fois devant la. Cou,'d'assises de Constantin,j'di fait poser la question à di-vers chefs indigènes, accusés ou 'témoins,', ou même â' desofficiers français, et' tous, sans exception, ont répondu quela naturalisation, des Israélites n'avait été pour rien dansles causes de l'insurrection. C'est donc une question vi-dée (1).

Voilà en vérité des aflirrn 'atiôns bien positives éma-nant d 'hommes informés, d'hommes . : bien placéspour voir et juger de près les événements. Ce qui,doit attirer l'attention, c'est qiid cette opinion cdn-fôrrne'.et,catégoriqne'provient d'un maire et d'un

M préfet, dans tin temps où maires et préfets ont été par-.tout en conflit ouvert, et qu'ici l'officier général serencontre avec les civils, dans u'n'temps où'la questiondu régime civil et militaire était' discutée avec tant.d'âpreté Et I'dn n'a rien cité de la déposition é ' ton-due deM. 'Warnier, anciejipréfet d'Alger, pour 'la

....(1) Pagc 93 et 94,

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ET L'INSURRECTION 0E 1811 - 39

-bonné raison qie, s'expliquant. longuement (1) surles causes de l'insurrection, il ne dit pas un seul motde la naturalisation des Juifs 1ndigènes. -

H Témoignages arabes.

Si la naturalisation a été une Cause réelle de l'in-surrection, les chefs des insurgés n'ont pas fiianquésans doute de s'en prévaloir -devant leurs coreligion-naires, quiind ils voulaient les soulever, ou

uer ils avaient à. se, jus-

titir. -Voyons ce qui en est.L'insurrection a eu trois clefs principaux: le Bqch-

.AghaMokrani, tué au combat delOued Soufflat, son

frère lion Mezrag (encore vivant), qui a pris le coin-mandement après lui - l'i et l'autre représentant ]aféodalité ùilitaire— et d'autre part SiÂzis, le fils de

Cheikh lladdad, grand maître del'orde des K/touwzs-

(confrères) de Sidi AMer Ra/unan-: ce dernier repré

sentant l'intluenée religieuse. .Pour connaître leur vraie pensée sur l'objet qui

flous occupe, il n'y a qu'à: interroger les documentsauthentiques dans lesquels semnifeste directement

leur étai d'âme.Ici se rencontre le .arneux propos de Mokrani, -

• ciré récemment -par t Samary à la -tribune de la•- -

- (1)Pages iiI et suivantes, pages 123 et suivantes.

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OLA NÂ1'UIIALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

Chambre, lors de l'interpellation Fleury-Bavarin.En réponse à la noliflcation à lui faite d'une pro.

claniation aux indigènes musulmans, signée Cré-mieux, Mokraui répond par dent

Je n'obéirai jamais à un Juif. Si une partie de votreterritoire est entre lbs mains d'un Juif, c'est fini: Jeveux bien me mettre au-dessous d'un sabre, dit-il ruetrancher la tête, mais au-dessous d'un Juif, jamais,jamais (1).

Pour éclairer cette déclaration, il est bon de citerun autre propos du même homme:

Je consens à obéir à un soldat: mais jamais je no-béirai à un Juif, ni à un marchand (mercanti) (2).

Et, quand on lui rappelait les, engagements pris -par lui envers le général Durrieu, auquel il avait pro-mis de rester fidèle, Mokrani répondait:

J'ai engagé ma parole à un homme mais je ne l'aipoint engagée au gouvernement qui le remplace (3).

Si lon pèse bien ces paroles, si l'on se rappelleque, dans la bouche des Arabes, le mercanti c'est non-pas seulement le marchand, mais le colon et généra-lement tout Européen qui ne perte pas l'uniformemilitaire, on voit que lesdéclaratons du bach-agha

(I) Rinn, Histoire de l'insurrection de 1871, page 119. Cf.Eugène Robe. Exposé historique du régime administratif et poli-tique des indigènes, p. 49.

(2)Bina, p. 97.(3)Rinn, p. 97

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ET L'1?SUniftCTlON DE 1811 41

sont dirigées contre le régime dvii, ce régime queMokrani abhorrait tellement que la seule nouvelle deson adoption en principe lui avait fait donner sa dé-mission dès avant la guerre. En tout cas, en prenantau sérieux cet accès d'une mauvaise humeur depuislôngtemps déclarée, en prenant au pied de la lettrele sentiment (l'aversion que Mokranmanifeste pour

• le Juif, c'est Crémieux Juif et chef du gouvernementdc la métropole qui est visé la naturalisation des

• Juifs algériens n'est ici aucunement en jeu (1).Il y a un autre document émanédu même Mokraai,

dont • la valeur est autrement significative et expli-cite. C'est la déclaration de guerre envoyée par luiau général Augeraud et dont voici le texte (2):

«. Je vous remercie de vos bonnes paroles Je ous re-mercie de la bonté que vous m'avez témoignée et dont -je garderai le meilleur souvenir. Mais je ne puis vousrépondre qu'une chose J'ai donné ma démission au ma-réchal de Mac-Mahon quil'a acceptée.

« Si j'ai continué à servirla Franc, c'est parce qu'elleétait en guerre avec la Prusse et queje n'ai pas vouluaugmenter les difficultés de la situation. Aujourd'hui lapaix est faite, et j'entends jouir de ma liberté. Vous lesavez, je vous Caidit, je ne puis accepter d'être l'agent dugouvernement civil, qui m'accuse de parti pris, et qui déjàdésigne mon successeur. Cependant on verra plus tardsi l'on a, raison d'agir ainsi, et si c'est moi qui ai tort.

(1) Le commaiidantRinn, qui dite et étudie ce document, n'enait pas d'autre commentaire que nous-même.

(2) Rien, p. 153. Cf. Aumerat, l'Antisé'nitismeâ Alger (1885),Pt. Ul.

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Il

42LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

• Mes serviteurs sont arrêtés à Sétif et à Aumale, etpzirL:tout l'on affirme que je suis insurgé. Pôurquoi? Paréeque Ion veut me condamner. iEh bién je n'6changérai

- avec ces g ens-1à que des coups de fusil et j'attendrai.•J'écris -à M. le commandant du Bordj que je' refuse mon

• mandat de février et qu'il ait à se tenir sur la défensive,car je m'apprête à combatre. - -

« Adieu.--

-Signé: MollA,ED BEN AIIMED ELMOKRMÇI. »

Le hach-agha, on le voit, ne dit pas un mot dèla- naturalisation ne serait-il pas singulier qu'il eûtomis Ce moyen (s'il lui avait paru plausible) dejusti-fier sa rébellion ?--- --

Mokrani n'a rien de plusà nous diré. Interrogeonsmaintenant son frère et sou successeur, Bou Mezrag.

Le rapporteur de la commission.d'enuéte, M. de -- -la Sicotière, déclare que devant la Cpui d'assises de

Constantine, Bçu Mezragu avouait, avec toutes sortes -•« de réticences, il est vrai, qu'il avait présenté à ses- •. coreligionnaires l'incorporation des Juifs dans lu

« milice comme une rison de soulèvement. Il était« forcé de reconnaitre que Mokrani avait faÎt appel''z aux passions religieuses de ses coreligionnâires,

et que lui-même l'avait suivi-dans cette voie.'z Des-lettres anonymes, ajoutait Mezra.g, venues dAt-« ger ei de Sétif et écrites en françai4 , nous inquie'- -« laient et nous excitaient contre les Juifs (J), qui - -

(1Y Enquête, T, P. 312. Audience du U mars 1873-

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ET LINST)I1I1ECTION DE, t g il 43

allaient arriver au pouvoir, et contre l'autorité« civile.-» -.

Ainsi donc, ils étaient à Alger et à Sélif, ' ils écri-,IIIIL valent en français et ne signaient pas ce qu'ils écri-

vaient, ceux qui, déjà en f871. tenaient à ce que lanaturalisation fût une cause de la rébellion desArabes. Pour connaître les sentiments cilles passionsqu1l cherchait à exciter chez ses coreligiotipaires, iln'y a qu'à le consulter lûl-même.

Vers la fin de mars 4871, Boh-Mezrag faisait lesiège du caravanséral de l'Oued Okris, défendu parles zouaves et les tirailleurs algérien, ces derniefs,on le sait, indigènes et musulmans. Ayant fait pri-sonnier un tirailleur, le 21 mars, il le renvoya deuxjours après avec une lettre autographe et scellée pourles tirailleurs. li s'était engagé à lui donner de l'ar-gent, s'il réussissait dans sa mission. Les zouaves de- -vaienf être décapités et les tirailleurs 'indigènes en-voyés dans 1'Ouennoura pour commander les contin-génts. .. .

Voici cette lettre (1)-: .-s-Cachet: Le serviteur de pieu Ahmed I3ou Mezrag le

Mokrani, caïd de POuennoura, année 1278. -

-. LOUANGE AU DIEU UNIQUE

• Faisons savoir à; Moliarnmed heu Chénnan Sad benHeilida, Ben bel Kriri et à tous ceux de vos frères les

- musulmans qui sont avec vous. '--

(1) Voir la Solidarité d'Àlger, du 5avril 1871, et les autresjournaux d'Algérie,d'Algérie, â la même époque.

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44LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

Que le salut le plus complet soit sur vous, avec la misé-ricorde divine à perpétuité.

Nous avons pris des renseignements sur vous et survoire état.

Ensuite votre origine et votre descendance nous sontconnues l'islam est fotre religion. Les promessesanté-rieures ne vous sont point cachées.

Actuellement Dieu a eu la honte de faire atteindre àses serviteurs l'extrême limite. On doit donc revenir versDieu avec empressement et avec un zèle poussé au pinshaut point.• Vous savez combien est grande la faiblesse du gouver-nement français. Vous savez aussi ce que lui . a causél'armée nombreuse de celui que Dieu a fait son maitré.

Vous iîignorez pas le manque de soldats et de troupesmilitaires (sic) et il ne reste plus que le civil (sic).

Si vous êtes pour nous, si vous êtes nos enfants et sivous voulez compter dans nos rangs, étendez vos mainsau nom de la guerre sainte sur ceux qui vous entourentdans ce bordj..

Si vous désirez conserver la religion de l'islam, com-mencezpar les tuer, ainsi que cela est obligatoire.

Faites la guerre sainte, cela vous sera compté.Purifiez ainsi vos corps I

Si vous parvenez à posséder ce mérite si glorieuxau-près de Dieu et si honoré parmi le peuple du prophète -sur qui soientles bénédictions divines et le salut,— vousaurez droit à toute notre satisfaction et à des honneurs.

Tout ce que vou g désirerez vous sera accordé, soit quevous vouliez vous retirer n'importe en quel lieu, soit quevous désiriez demeurer avec nous; dans ce cas, vous au-rez la jouissance et la distinction.

Salut!Par ordre de Si Ahmed hou Mezrag, caïd de lOuen-

noura.'Quc Dieu soit avec Ni.Amen. .

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ET L'INSURRECTION 0E 1811 45

Ainsi, la foi au vrai Dieù, la faiblesse de la France,

voilà les. deux idées qui, selon Bon Mezrag, doiventdéterminer, ses coreligionnaires à la rébellion. DesJuifs, pasun mot.

11 ne nous reste plus à entendre que Si Azis. Tra-duit devant la Cour d'assises de Constantine, Si Azisrédigea pour sa défense un important mémoire,traduit-et publié en français '(1) par M. E. Mercier,interprbtejudiciaire et aujourd'hui maire de Constan-tine. Qu'on lise d'un bout à l'autre ce long récit ju-tificatif. On y trouvera 'interminable série des griefs(te l'accusé ' contre son ennemi personnel Ben AilChérif, contre les, grands chefs en général, contrel'administration militaire rendue hautement respon-sable de l'insurrection. On y trouvera les colères etles doléances d'un chef religieux, jaloux et irrité desfaveurs accordées par l'autorité militaire à son rival.Quant aux Juifs et à leur naturalisation, Si Ails n'ya pas songé. .

En dehors de Bou Mezrag et de Si Azis, cent qua-rante-trois autres indigènes ont comparu comme ac-cusés, aux assises de Constantine, dans le procès ditdes grands chefs. Plusieurs étaient si peu prévenuscontre les Juifs qu'ils ont confié leur défense à desavocats Juifs, notamment M. l'lonel,depnis présidentduconsisloire israélite et batonnier del'ordre des avo-

(1) Mémoire d'un accusé Si Azziz d ses juges et û ses défen-seurs. Constantine, imprimerie Marie, 1873, in-80 , 102 P.

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LA NATURALISATION DES JUIFS ALGÉRIENS

catsd'Alger, et M Léon Séror, Juif indigène (fl.Noa• seulement l'on ne voit pas qu'un seul de ces indigènes,

jugés en AlgérieAlgérie devant un jury algérien où il n'yavait pas (le Juifs, aital légué pour sa défense ousim-,piement comme circonstance 'atténuanle une irrita-tion produite parla naturalisation ; mais encore nousavons àeet égard le témoignage formel de M. Lacet,témoignage déjà cité et qui retrouve sa place ici

• Plusieurs fois devant la Coir d'assises de Gonstantine,j'ai fait posr la question à divers chefs indtghzes ac-cusés ou tém6iis ou même à des officiers français, ettous, sans exception, ont répondu que la naturalisationdes Israélites n'avait été pour rien dans les causes dél'insurrection, (2). L'un des témoins au procès, le'caïdSi Mohammed Tahar Aklouf des Beni Ourtiflane, a $même fait, dans sa déposition, la déclaration sui-vante: ((J'ajoute qiiela naturalisation desdes . Juifs, ni le:rôle de 1t presse n'ont exercé aucune influenceles tribus (3). ' •

Aussi bien n'y a-t-il rien là qui doive surprendre."- L'attitude des. Arabes en 4871 a été, à cet égard, cequ'elle avait été antérieuremèntet ce qu'elle devaitêtre plus tari! encore.

Nous. rappelions dans la prémière partie de cette

(Il Engagé volontaire pendant la guerre de 1870, où Il devidtcapitaine, aidé de camp du général Crerner et fut décoré pourfaits de guerre.

(2) Voir plus haut, P. 38:(3)Cité par duBouzet; Enquê, H, p. 40.

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'ET L'INSURRECTION DE 1871. - - •4, -.

étude que ]an atu rai isalion des Juifs avait été deman-dée chaque année, de 186 à 1870, parles Conseilsgénéraux. Or, Ces voeu x des Conseils généraux ontété contresignés par les membres indigènes, y com-pris i\iokrani lui-môme. Plus , tard, le même senti-m

ent se manifeste encore. Nous n'en voulons pourpreuve que le document suivant.

Déclaration des autorités musulmanes. relativeâ la naturalisation des Israélites indigénès enAlgérie.

Léuange à Dieu lit est unique I

Constantine, Je 20 juin 1871.

Le Consistoire israélite de Constantine ayànt demand&aux notables parmi' la population musulmane de cetteville,de vouloir bien lui faire connaître franchement quelleest leur opinion sur le décret qui a eu pour effet ]a na-turalisation des Israélites . de l'Algérie, et ce qu7ils enpensent; si cedécret a excité la colère et lanirnosité'dansles coeurs musulmans, ou non

Nous, soussignés, lui avons répondu que cbtte nesuren'a froissé pdrsonne et n'a excité les colères de per-sonne, parce qu'elle est rationnelle. Au contraire, tousles gens bien sensés l'apprécient et l'approuvent, alors,surtout que la porte est ouverte à'tous les Arabes qui dé,sirent eux-mômes se faire naturaliser.'

En foi de quoi nousavons apposé ci-dessous ndsàigna-tures.

Signé: HAM'OUDÀ BEN CBETKII,.consejller général, mu-.nicipal, 'propriétaire et cultivateur';

IIAUJ EL MÉkI BEN ZE600TIIÂ, ancien chef du -bureau arabe départemeiital, ,propriétakeet cultivateur ;

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4LA NATUBAtATL0N DES JUiFS ALGÉHIENS

AU BaN MOUAMED EL AMnoudul, ancien adjointau maire, 'conseiller municipal, membrede la chambre de commerce, propriétaire

T et cultivateur• SLIMAN BEN SARDOU, mufti hanéil, propriétaire

PL cultivateurAIIMED BEN 13EDJAOU1, propriétaire et cultiva-

teur; -AUMED lIEN NOIIÀMED LouNissi,, propriétaire et

cultivateur ;•MÀriMOUD ]JEN METEATHIA, mokadem des

khouan de Djidjeli;TAIn BIEN .MOIIAMEI} BEN LARBI, professeur, an-

cien cadi à Constantine, propriétaireTMB BEN OUAOFEL, mufLi maléki, propriétaire

et cultivateurM0IIAMEB BEN MUSTAFA BEN DJELOUL, ancien

bacli adel; propriétaire et cultivateurEL ÎJEKKI BEN DAms, cadi à Constantine, che-

valier de la Légion d'honneur, 'conseillergénéral et municipal, propriétaire et cul-

• tivateurAUMED BIEN SALAn BEY, propriétaire et culti-

•vatcurI-hnj EL Aiim BIEN KouTcIIouIcALt, conseiller

municipal du liamma, propriétaire et cul-tivateur

ALt BIEN 11ADJ McssA000 EL AMitoudul, ancienconseiller municipal, propriétaire et cul-tivateur

AIBIED BIEN DJELOUL, ancien cadi, conseillergénéral, propriétaire et cultivateur

M'IIAMED BIEN BEDJA0m, propriétaire et culti-vateur -

MU5TAEA BEN ATIMED RAIS, ancien daïd deMiiah, propriétaire et cultivateur

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Li' L'INSURRECTION DE ISfl 49

ATIMED BEN MEUDJOUBA, propriétaire et culti-vateur;

ALLOUA BE N SASSI, assesseur au tribunal depremière instance, conseiller municipal etpropriétaire

HAN M0UAMbD SERJR BENKOUTCH0UEALI, ancienmufti, assesseur au tribunal do premièreinstance, propriétaire et cultivateur

ALT TIEN BATIMED, khalifa des liaractas, coin-mandeur de la Légion d'honneur.

Légalisation du Cadi de la première circonscriptionjudiciaire.

Louange à Dieu t

,Te, soussigné, déclare quo parmi les signatures appo-sées au recto et au verso de la présente feuille, je puiscertifier et certifie authentiquement, comme étant parfai.toment connues de moi, celles de Si Hamouda lien Cheikh,Si El Hadj El Meki lien Zegoutha, Si El lladj Solimanlien Sardou, Si Ta.ïd ben Mohained El Arhi, Si Mahmoudbon Malmathia, Si Taïb ben Ouadfel, Si Nohamed bonlijeloul, Si Ahmed lien Ujeloul, Si El Mekki lien Badis,Si Mi ben Mobamcd Et Ammouchi, Si Ail lien Et LladjMessaouad Et Ammouchi, Si Ahrned bon Salab Bey, SiEt Hadj Surir bon Koutchoukali, Si Allaou boa Sassi etSi Ali beu3ahmed Khalifa.

En foi de quoi j'ai écrit la présente attestation.

Constantine, le 22 juin 4571.

Signé: MOUAMIW bon EL AMERI TUcTI-ADEL de la Ma-hakma de la première circonscription judi-ciaire, faisant fonction do Cadi.

Pour traduction conforme et eu outre pour attestation

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II)LA NATURALISATION DES JUIFS ALCÉIENS

de l'authenticité des signatures arabes apposées ci con-tre:

Constantine, le 23 pin (871.

-L'interprète traducteur assermenté,• SIGNÉ VAYSSÈTES.

On voit donc qu'avant, pendant et après l'insurrec-tion, l'opinion des Arabes, en ce qui concerne la na-turalisation, est restée la même. Bonnes ou mauvai-ses, ils ont eu leurs raisons pour se révolter : maisla naturalisation des .Juifs les a laissés froids, tants'en faut qu'elle les ait déterminés à prendre les 'ar-mes.

Nous n'avons pas prétendu ici écrire l'histoire desorigines, ni rechercher les causes de l'insurrectionde 4871. Des documents examinés, des témoignagesconsultés, il ressort que les deux partis français alorsen présence en Algérie; le parti de la République edu régime civil, le parti de l'Empire et des bureauxarabes s'en renvoient mutuellement la responsabi-lité. Le premier accuse le second d'avoir fomenté larévolte, d'avoir laissé s'entendre et s'armer les chefsdes rebelles, avec l'arrière-pensée de démontrer parlà même l'impuissance .du régime civil. Le secondaccuse le premier d'avoir tout compromis en bou-.

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ET L'INSURRECTION DE 1811

leversant l'organisation existante, en inquiétant lesindigènes sur l'avenir de leurs propriétés, en détrui-sant chez eux par le spectacle d'agitations démago-giques le respect de l'autôrité. Sans admettre uninstant que des. officiers aient pu avoir la pensée sa-eri1ge de soulever lesindigènes contre la France (ceseraiterime de haute trahison!), il semble bien quedes imprudences de Conduite et de langage ont étécommises de ce côté. Bureaux arabes et grands chefsse tenaient. Les officiers des bureaux arabes, pour laplupart imbus de l'esprit purement militaire, avaientcertainement plus de sympathie pOUF les djouad,les hommes d'épée, les grands seigneurs en burnous,que pour ceux que tous ensemble traitaient de mer-cantis. Ils ont pu devant eux s'épancher trop libre-ment, exhaler leur mécontentement et leurs craintes;et les chefs indigènes ont recueilli précieusement cesboutades de mauyaise humeur qu'ils ont prises à lalettre et peut-être considérées comme des encoura-gements. D'autre part, il n'est pas moins certain quele régime civil proclamé et non établi, les bureauxarabes frappés d'une suspicion officielle et laisséscependant en fonctions, l'état révolutionnaire où setrouvaient la plupart des villes algériennes, le lan-gage souvent inconsidéré des journaux, des comitésde défense et de certains colons, ont agi de la façonla plus fâcheuse sur l'esprit des indigènes (t). En

(4) Sur ce point, la déposition du capitaine Villot est pleinede remarques intéressantes. Voir Enquête, H, P. li8.

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PLLA NATURALISATION DÉS JUIFS ALGÉRIENS

quelques mois, les Arabes avaient vu la France,cette Franco qu'ils se figuraient invincible, écraséepar Une suite d'effroyables désastres. Us apprenaientqu'aux catastrophes (le la guerre étrangère s'ajou-taient les horreurs do la guerre civile. En Algériemôme, sous leurs yeux; s'étalaitle triste spectacle denos discordes. Ils eurent le sentiment que c'étaitfait à tout jamais de notre puissance et, comme ledisait devant le conseil de guerre de Constantine lechef saharién Bou-Clioncha, que « la France étaitfinie.., qu'elle était rien du tout (1) »-. Laissés sansdirection, livrés à eux-inêmçs. travaillés par lesexcitations des émissaires étrangers (2), ils s'abandon-nèrent aux entraînements du fanatisme, aux calculsde l'ambition personnelle, à la suggestion des hainesde sofi et des rancunes (le partis. Si Azis, le fils dugrand chef religieux de la Kabylie Cheikh-lladdad,était depuis longtemps jaloux des faveurs prodiguéesàsonrival, Ben-Aii-Chérif.Mokranisetrouvait atteintdans ses intérêts en même temps que blessé dans sonorgueil de seigneur féodal. Lui, homme do race ethomme d'épée, ne pouvait se faire à l'idée de servirsous dès mercantis. La seule annonce de l'établis-sement dii régime civil avait provoqué sa démission:A côté de lui, dans- le territoire de son aghalik, onavait intitu6 en 1868 une commune à Bordj-bou-

(4) Rian, p. 622. -(2) Ilinu, P. 86.

J -

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ET L'INSURRECTION DE 487! 53

Arreridj. Ii allait devenir l'adjoint indigène d'unmaire français. « i\iokrani, seigneur avant la con-quèle, ne pouvait plus être que conseiller municipal,voir- son opinion discutée, contestée par un boucher,par un cantinier (1) » Lois de la famine en 1868,lorsqu'il s'était agi de venir en aideaux tribus ré-duites à la dernière misère en leur fournissant desavances, Mokrani avait souscrit des 'billets pour unesomme de près d'un demi-million. Ces billets aux-quels un négociant français de Constantine, M. Mes-rine, prêla sa signature, avaient été escomptés pariaSociélé générale algérienne et la Banque de l'Algé-rie. Le maréchal de Mac-Mahon avait toujours ga-ranti à Mokrani que, si ses administrés et ses tribu-taires ne pouvaient lui payer, après la récolte de4870, la somme péur laquelle il avait souscrit des.billets, celte somme lui serait remboursée sur lescentimes additionnels cons ,lituaiit le budget muni-cipal des tribus (2). Après le Quatre-Septembre, lesétablissements financiers demandèrent un rembour-sement ou des garanties. M. Mesrine se retournavevs . Mokrani qui, à son tour, s'adressa à l'autoritémilitaire. c On lui répondit, si je suis bien informéLe Maréchal est parti, il est tué ou prisonnier; c'estun gouvernement révolutionnaire qui s'est substituéau gouvernement de l'Empereur, cc sont des civils

(il Déposition dewarnier, Enquête, 11, flû(2) ibid., p 426.

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MLÀ NATURALISATION DES 30I1'-S ÀLCÉ[UENS

qui gouvernent l'Algérie, nous ne pouvons rienfaire (1).» Mokrani dut alors donner nue hypothèquegénérale sur tous ses biens et sur tous ceux de sa fa-mille. Il était menacé d'expropriation et de ruine. Laparole qu'on lui avait donnée au nom de la Francen'avait pa été tenue. Il n'en fallait pas davantagepour le pousser au désespoir et à la révolte.

Telles nous paraissent avoir été les raisons générales de l'insurrection, celles qui ont préparé le ter-rain, animé lamasse indigène, et aussi les mobilesparticuliers, ceux qui ont fourni des chefs au mou-vement. Ces causes, desquelles une saine critiqueéliminera le décret dit Crémieux, sont infinimentcomplexes. C'est ce qu'avait d4jà vu M. de Fourtou,lorsque, dans son rapport sur le projet Lambreeht(1871), touten concluant au retrait de la naturalisa-tion, il écrivait ces mots ti Toutefois, Messieurs,noune voudrions pas laisser pressentir par ces ré-flexions que la vaste insurrection, dont les dernièresagitations affligent encore l'Algérie, puisse être con-sidérée comme le fruit de la naturalisation des

Israélites. Non el] 1 c tient à des causes multiples et

plus profondes, dont l'une d'ailleurs est anciennecomme la conquête, et permanente comme notre

(I) Déposition de Warnier, Enquête, II, P. M.

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ET L'INSURRECTION DE 4871

propre domination (4). » Dans quelle mesure a agichacune de ces causes, ce serait une étude intéres-sente à faire elle s'impose à celui qui se ehargeradenous donner une histoire définitive de ['insurrectiondc 1871, histoire qui est encore à écrire même aprèsl'élude si documentée de M. Rinn. Pour nous, ilnous suffit d'avoir signalé Une erreur, nullementinvolontaire de la part de ceux qui l'ont mise encirculation, forgée ci propagée clans un intérêt departi, pour animer contre les Juifs algériens lepatriotisme de tous les bous Français. Les problèmesd'histoire ne comportent pas l'évidence niathéhiati-jue. Cependant la consultation sincère et complète

des sources permet de poser * comme une vérité dé-montrée l'affirmation suivante Si les Juifs algériensn'avaient pas été naturalisés ]e 24 octobre 1870,l'insurrection ne s'en serait pas moins produite dansle même temps, dans les mêmes lieux, avec lamême force et la même intensité.

(1) No 530. Assemblée NaLionale. Rapport de Y. de Fourbu,p ' 4.

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POITIERS. - TYPOGRAPHIE 000IN ET cC.

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