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Tous droits réservés © Management international / International Management / Gestión Internacional, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 16 juin 2022 08:30 Management international International Management Gestiòn Internacional La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG à vocation politique Martin Coiteux Volume 16, numéro 4, été 2012 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1013149ar DOI : https://doi.org/10.7202/1013149ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) HEC Montréal Université Paris Dauphine ISSN 1206-1697 (imprimé) 1918-9222 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Coiteux, M. (2012). La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG à vocation politique. Management international / International Management / Gestiòn Internacional, 16(4), 57–69. https://doi.org/10.7202/1013149ar Résumé de l'article Il est généralement admis que le pouvoir des ONG a augmenté avec la mondialisation mais à ce jour, peu d’auteurs se sont attachés à expliquer pourquoi. À l’aide d’un modèle fondé sur l’économie institutionnelle, cet article vise à identifier les déterminants de ce pouvoir et souhaite ouvrir le débat sur sa légitimité. L’une des conclusions du modèle est que le système de quasi-régulation qui est en train de se mettre en place sous l’égide de l’interaction entre ONG et firmes multinationales risque de porter en lui un biais culturel, soit celui des populations des pays les plus développés.

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Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 16 juin 2022 08:30

Management internationalInternational ManagementGestiòn Internacional

La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG àvocation politiqueMartin Coiteux

Volume 16, numéro 4, été 2012

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1013149arDOI : https://doi.org/10.7202/1013149ar

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Éditeur(s)HEC MontréalUniversité Paris Dauphine

ISSN1206-1697 (imprimé)1918-9222 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleCoiteux, M. (2012). La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONGà vocation politique. Management international / International Management /Gestiòn Internacional, 16(4), 57–69. https://doi.org/10.7202/1013149ar

Résumé de l'articleIl est généralement admis que le pouvoir des ONG a augmenté avec lamondialisation mais à ce jour, peu d’auteurs se sont attachés à expliquerpourquoi. À l’aide d’un modèle fondé sur l’économie institutionnelle, cet articlevise à identifier les déterminants de ce pouvoir et souhaite ouvrir le débat sursa légitimité. L’une des conclusions du modèle est que le système dequasi-régulation qui est en train de se mettre en place sous l’égide del’interaction entre ONG et firmes multinationales risque de porter en lui unbiais culturel, soit celui des populations des pays les plus développés.

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Introduction : ONG à vocation politique, mondialisation et quasi pouvoir de régulation

Lamondialisationactuelledel’économieestleproduitdeplusieursdécenniesdefluxtransfrontaliersdecom-

merceetd’investissement.Sicesfluxontétéentreprislaplupartdutempspardesentreprisesprivéesrecherchantleprofit,cesontquandmêmedesÉtatssouverainsquiontétéetquirestentlesgardiensdesfrontièresainsitraversées.Encesens,lamondialisationactuelledel’économieestlerefletd’uneformed’ententeentreÉtatssouverainsetfirmesprivées.

Leschercheursdeladisciplinedesaffairesinternatio-nales(international businessenanglais),ontlongtempsreconnucetteréalitéparleurutilisationd’unmodèleàdeuxjoueurs,l’Étatd’unepartetl’entreprisemultinationaled’autrepart,afind’expliquerlesmodesd’implantationetd’opérationdesentreprisesmultinationalesàl’extérieurdeleurterritoirenationald’origine(voirEden,LenwayetSchuler,2005,pouruneperspectivehistoriquesurl’utilisationdecetteapproche).Cemodèleestaujourd’huiconsidéréincompletparplusieurs,notammentenraisondufaitquedesONGactivessurlascèneinternationaleontdepuisacquisuneinfluenceindé-niabledansladéterminationdesconditionsauxquellesdoi-ventsesoumettrelesentreprisesactivesdansplusd’unejuridictionnationale(Doh,2003).Toutparticulièrementencequitouchelessphèresdel’environnement,durespectdesdroitsdespersonnesetdestravailleurs,etmêmedelapro-

ductionetducommerceinternationaldecertainesdenréescommelecafé,desONGexercentaujourd’huiunquasipouvoirderégulationquin’estpassansempiéterd’unecer-tainemanièresurlespouvoirsrelevanttraditionnellementdudomaineexclusifdel’État.

Bienqu’ellesoitdéjàflorissante,lalittératuresurcequasipouvoirderégulationdesONGesttoujoursàlarecherchedesesconclusionsfermes.Certainsauteursmettentl’accentsurlacollaborationexistantentreONGetfirmesmultina-tionaleseninvoquantl’existencedebienspublicsinternatio-naux échappant à l’autorité d’un seul État et dont laproductionrequerraitàlafoisl’expertisetechnologiqueetmanagérialedesfirmesmultinationalesetlecapitalsocialdesONG(Teegen,2003).D’autresinsistentplutôtsurlarelationd’affrontementexistantentreONGetfirmesmulti-nationalesetseposentplutôtlaquestiondel’adaptationdelastratégiedelafirmeauxdemandesprovenantdesONG(SparetLaMure,2003;Argenti,2004).Descasd’adaptationontétéétudiés,parexempleceluideStarbucks(Argenti,2004),celuid’IKEA(Bartlett,DessainetSjöman,2006)ouencoreceluid’Inditex(MarcuelloetMarcuello,2007).Bartlett,GhoshaletBeamish(2008,chapitre8,p.727-743)vontjusqu’àproposerunenouvelletaxonomiedesentrepri-sesmultinationalesbaséesurletypederelationsqu’ellesentretiennentaveclesONG.Endépitdecescontributions,noussommesencoreloindedisposerd’unethéoriegénérale

Résumé

Il est généralement admis que le pouvoirdesONGaaugmentéaveclamondialisa-tionmaisàce jour,peud’auteurssesontattachés à expliquer pourquoi. À l’aided’un modèle fondé sur l’économie insti-tutionnelle,cetarticleviseà identifier lesdéterminants de ce pouvoir et souhaiteouvrirledébatsursalégitimité.L’unedesconclusionsdumodèleestquelesystèmede quasi-régulation qui est en train de semettre en place sous l’égide de l’interac-tion entre ONG et firmes multinationalesrisque de porter en lui un biais culturel,soitceluidespopulationsdespayslesplusdéveloppés.

Motsclés:mondialisation,ONG,entrepri-ses multinationales, politique privée,quasi-pouvoirderégulation,paysdévelop-pés,paysenvoiededéveloppement,éco-nomieinstitutionnelle.

AbstRAct

It isgenerally accepted that thepowerofNGOs has increased with globalization,but to date, few authors have attemptedto explain why. Using a model based oninstitutionaleconomics,thisarticleaimstoidentifythedeterminantsofthispowerandwantstoopenthedebateonitslegitimacy.One conclusion of the model is that thesystem of quasi-regulation resulting fromthe interaction between NGOs and mul-tinational corporations may carry withinitselfaculturalbias,orthatofthepeopleofthemostdevelopedcountries.

Keywords: globalization, NGOs, multina-tionalcorporations,privatepolitics,quasi-regulatory powers, developed countries,developing countries, institutional eco-nomics.

Resumen

En general se acepta que el poder de lasONG ha aumentado con la globalización,perohastalafecha,pocosautoreshantra-tado de explicar por qué. Con el uso deun modelo basado en la economía insti-tucional, este artículo pretende identificarlosfactoresdeterminantesdeestepoderyabrir el debate sobre su legitimidad. Unaconclusióndelmodeloesqueelsistemadecuasi-regulaciónqueseestácreandocomoresultadode la interacción entre lasONGylascorporacionesmultinacionalespuedellevar dentro de sí un sesgo cultural, o eldelaspersonasdelospaísesmásdesarro-llados.

Palabrasclaves:globalización,ONG,cor-poraciones multinacionales, política pri-vada, poderes de cuasi-regulación, paísesdesarrollados,paísesendesarrollo,econo-míainstitucional.

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MARTIN COITEUXHEC Montréal

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desrôlesrespectifsdel’entreprisemultinationale,del’ÉtatetdesONGdanslecontexteactueldemondialisationdel’économie.

Danscetarticle,nousprenonspouracquisquelesONGontvuleurquasipouvoirderégulationaugmenteraveclamondialisationdel’économie.Lebutprincipaldel’articleestalorsd’expliquerpourquoi.Parquasipouvoirderégula-tion,nousentendonslepouvoird’influerdemanièredirecte,etnonàtraversl’actionlégislativeetréglementairedel’État,surlesconditionsdevantêtrerespectéesparlesentrepriseslorsqu’ellesopèrentdansunmarchédonné.Cequasipouvoirderégulation,lesONGl’ontacquisleplussouventens’en-gageantsurleterraindesidéesetdelapolitiqueetenciblantdesentreprisesplutôtquedesÉtatslorsqu’ellesvoulaientchangerlesmanièresdefairedanslasphèreéconomiquedelasociété.LesONGquis’engagentd’unemanièreoud’uneautreetdemanièresignificativesurleterraindesidéesetdelapolitiqueafindeprovoquerdeschangementsinstitu-tionnelsconstituentcequenousappelonsdanscetarticlelesONGàvocationpolitique.

Ladéfinitiondecequ’estuneONGàvocationpolitiquenevapaspourtantnécessairementdesoi.Enparticulierdanslalittératurefrancophone,letermeONGestleplussouventréservéàdesorganisationsdontlebutpremierestdemenerdesopérationssur le terraindansunbuthumanitaire.Néanmoins,cesorganisationsquelesauteursanglo-saxonsdésignentsouventcomme«opérationnelles»sontdeplusenplusengagéessurleterrainpolitiqueetattirentdeplusenplusdejeunesquiyvoientl’occasiondefairedelapolitiqueautrementquenelefaisaientleursparents(Doucin,2007,chapitre7).Ladistinctionentrelesvolets«opérationnels»et«militants»desactivitésdesONGestaffairededegré.Merle(1988,chapitreIII,p.397)estsansdouteceluiquialemieuxdéfinilespôlesopposésentred’unepartlesactivi-tésquin’ontpourbutqueceluidedéfendrelesintérêtsdesmembresdugroupeouencoredemenerdesopérationsàcaractèrecaritatifouhumanitaire,etd’autrepartlesactionsquivisentbiendavantageàtransformerlemonde.

Cesdeuxtypesd’activitépeuventfortbiencoexisterauseind’uneseuleetmêmeONG.Médecins sans frontières,parexemple,estd’abordetavanttoutengagéedanslafour-nituredeservicesmédicauxauxpopulationsvulnérables,cequienfaituneONGàvocationopérationnelle.Cependant,soncombatenfaveurd’unebaisseduprixdesmédicamentsessentielsàlaluttecontrelesmaladiesgravesetendémiquesdanslespaysenvoiededéveloppement,etconséquemmentenfaveurd’unerévisionaurégimedeprotectiondesbrevetsdesentreprisespharmaceutiques,enontaussifaituneONGàvocationpolitique.Àl’inverse,l’ONGd’origineaméricaineGlobal Exchangeapourobjectifpremierdepromouvoirparlebiaisdecampagnespolitiqueslesidéauxaltermondialis-tes(commerceéquitable,droitdestravailleursdanslespaysenvoiededéveloppement,environnement,etc.),cequienfaitd’abordetavanttoutuneONGàvocationpolitique.Celanel’empêchetoutefoispasdevendreenmêmetempselle-mêmedesproduitsétiquetés«équitables»,cequienfait

aussiuneONGàvocationopérationnelle.Toutsimplement,certainesONGsontnettementpluspolitiquesqued’autres,enconsacrantàladéfensed’uneidéeoud’unecausel’essen-tieldeleursressources.Danscetarticle,l’expression«ONGàvocationpolitique»s’adresseàtouteONGdontunepartnonnégligeabledesressourcesestconsacréeàdesactivitésdenaturepolitiquequivisentàobtenirunchangementdesrèglesdujeuetdoncdesinstitutionsquigouvernentlasociété.

Neserait-cequeparcequelesONGàvocationpolitiquerecrutentdesmilitantsetsollicitentdesdonsquiauraientpuautrementsedirigerversdespartispolitiques,ilexisteuneréelleconcurrenceentrecesdeuxacteursdelasphèrepolitique.Cetteconcurrences’exercesurleterrainnationaloùl’ONGrecrutesesmilitantsetrecueillesesdons,queceterritoiresesitueounondanssonenvironnementnationald’origine.Cettevisionnécessitetoutefoisdeprendreunecertainedistancevis-à-visd’unepartiedelalittératurefrancophonehabituéeàinclured’officeladimensioninter-nationaledansladéfinitionmêmedesONG(voirRyfman,2009,p.26).Lemodèleproposédanscetarticleadmetl’existenced’ONGàvocationpolitiquedontlerayond’actionnedépassepaslesfrontièresnationales.Detoutemanièreetsaufexception,queleurrayond’actionsoitnationalouinternational,lesONGnaissenttoujoursdansunenviron-nementnationaldonné.Encontexteinternational,celaposemêmesouventleproblèmedeleurlégitimité(Doucin,2007,chapitre6),légitimitéquiestégalementabordéedanscetarticle.

Unefoisadmisel’existenced’ONGàvocationpolitique,ils’agitdemieuxcernerlesoptionstactiquesquis’offrentàellesentrelesactionsdirigéesversl’Étatetcellesdirigéesverslesentreprises.L’économisteDavidBaronadésignélephénomènequiconsisteàprendrepourcibledesentreprisesplutôtquedesÉtatsenvued’atteindredesobjectifsdenaturepolitiqueparl’expressionprivate politics,expressionquenoustraduironssimplementpar«politiqueprivée»(voirBaron,2003;BaronetDiermeier,2007).Cesactionsditesdepolitiqueprivée,dirigéesverslesentreprises,sontàdis-tinguerdesactionsplustraditionnellesdirigéesversl’État,actionsquenousdésigneronscommerelevantdela«politi-quepublique».Lorsqu’elless’engagentsurlavoiedelapolitiquepublique,lesONGrespectentlesprérogativestra-ditionnellesdel’État,etnecherchentdanslesfaitsqu’àconvaincrecelui-cidelégiférerouderéglementerlaconduitedesentreprisesdansunsensquisoitfavorableàlacausequ’ellesdéfendentaunomdeleursmilitantsetsympathisants.Lorsqu’elless’engagentsurlavoiedelapolitiqueprivée,lesONGcherchentd’unecertainemanièreàsesubstitueràl’Étatdanslebutdemodifierlaconduitedesentreprises.Leursuccèséventuelsurceterrainconstituealorslamanifestationconcrètedeleurquasipouvoirderégulation.Laquestionprincipaleexaminéedanscetarticleestdonccelledulienprésuméentrelamondialisationdel’économieetlerecoursplusfréquentdelapartdesONGàdesactionsdepolitiqueprivée,actionsqui,danslamesureoùellesatteignentleursobjectifs,lesdotentd’unquasipouvoirderégulation.

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L’approcheutiliséepourexaminerladoublequestiondel’augmentationetdelalégitimitéduquasipouvoirderégu-lationdesONGencontexteinternationalestcelledel’éco-nomieinstitutionnelle.C’estdoncàtraversleprismedelathéorieduchangementinstitutionnel(voirNorth,1990et1994;Scott,1995etCampbell,2004)etenmettantl’objec-tifde«créationdevaleur»pourleurscommettantsaucen-tredespréoccupationsdesONG,quel’augmentationdeleurquasipouvoirderégulationestexpliquée.CetteemphasesurlafonctioncréatricedevaleurdesONGesticirésolumentéconomiquemaisrejointtoutdemêmel’approchedecher-cheurss’inspirantdavantaged’uneapprochesociologiquecommeTeegen,DohetVachani(2004).

L’événementpromoteurduchangementinstitutionnelconsidérédanscetarticleestceluidelamobilitéinternatio-naledesentreprises,mobilitéentenduecommeétantlacapa-citédecelles-cidetraverserparleursactivitésplusieursespacesinstitutionnels,alorsquelesacteursdelasphèrepolitique,àl’exceptiondesONGàvocationpolitique,n’ontpascettemêmecapacité.PourlesONG,cechangementmodifieradicalementlerapportdesbénéficesauxcoûtsattendusdesactionsditesdepolitiquepublique,enrelationàceluidesactionsditesdepolitiqueprivée.Cechangementdurabledes«prixrelatifs»ausensdeNorthestcequiamènelesONGàprivilégierdavantagelesactionsdepolitiqueprivéedanslebutdemodifierlesrèglesdujeuetdonclesinstitutionsdelavieéconomiqueetsociale.

D’unpointdevueconceptuel,ils’agitdoncdemesurerl’impactdecechangementde«prixrelatif»surl’équilibred’unespaceinstitutionneld’origine.Logiquement,cetespaceinstitutionneld’origineestancrédansuneréaliténationalepré-mobilitédesentreprisesetdoncpré-mondialisationdel’économie.Lareprésentationdecetespaceinstitutionneld’originefaitappelàl’approchespatialedelaconcurrencemisedel’avantparHotelling(1929),laquelleaétéutiliséeparlasuitepourexpliquertantlaconcurrenceentrelespartispolitiqueslorsquelesélecteursontdespréférenceshétérogènes(Mueller,1976,p.408)quelecommerceinter-nationaldesbiensdifférentiéslorsquequecesontplutôtlesconsommateursdontlespréférencesnesontpasidentiques(Krugman,1990,chapitre14,p.229).Enmettantl’emphasesurlaconcurrencepoursatisfairel’espacehétérogènedespréférencesdescitoyenstantôtélecteursettantôtconsom-mateurs,l’approched’Hotellingpermetdedistribuerlesrôlesentrelesentreprises,lespartispolitiquesetlesONGàvocationpolitique,toutenidentifiantlessegmentsdecetespacesurlesquelslestroisacteurssontpotentiellementenconcurrence.

C’estdanslecadreainsiétabliquel’analyseprésentéedanscetarticleestenmesured’énoncertroispropositionssusceptiblesdefaireavancernotrecompréhensiondurôledesONGdanslarégulationdusystèmeinternationalissudelamondialisationdel’économie.Cetteanalysepermetéga-lementd’ouvrirledébatsurlalégitimitéinternationaledesONGàvocationpolitiqueissuesdespaysdéveloppés.

Rôle et action des ONG à vocation politique dans l’espace institutionnel national d’origine

North(1990et1994)définitlesinstitutionscommel’ensem-bledesrèglesformellesetinformellesrégissantlavieensociété,ainsiquel’ensembledesmécanismesvisantàs’as-surerquelesindividuss’yconforment.Ces«règlesdujeu»sontnécessairescarlesmarchéssontincomplets,imparfaits,leséchangessontcoûteuxetlescapacitéscognitivescommelarationalitédespersonnessontlimitées.Lesinstitutionsréduisentl’incertitude,donnentunsensetfournissentlecadrenécessaireaudéveloppementdel’activitéentrepreneu-rialedesagents,queceux-ciœuvrentdanslasphèrepolitiqueouéconomique.Danscettevision,lesindividusquicompo-sentlasociéténesontdoncpasdemandeursquedebiensetservicesmaisaussiderèglesdujeuetdemécanismescapa-blesdefairerespectercesrègles.

Différentscourantsdepenséealimententl’approcheinstitutionnelle,enfonctionnotammentdeladisciplined’an-cragedeschercheursimpliqués.Certainsinsisterontsurl’importancedeslois,d’autressurcelledesprincipesmorauxetd’autresencoresurcelledesidées(Scott,1995,chapitre3)maistousconvergentsurl’importancedelalégitimitépourqu’unerèglepotentiellenedeviennevéritablementuneins-titution.Leslois,lesprincipesmorauxetlesidéesinvoquéspourjustifierl’actiondoiventendéfinitiveêtreconformesauxcroyancesetauxintérêtsdespersonnesquiaccepterontd’ysoumettreleurconduitemêmesi,enretour,ceslois,principesetidéespeuventaussiinfluencerlescroyancesetlaperceptionquecesmêmespersonnesontdeleurspropresintérêts.PourCampbell(2004,chapitre4),lesintérêtspro-presneconstituentd’ailleursqu’untype«d’idée»parmid’autres.Endéfinitive,c’estl’ensembledeleursidées,passeulementleursintérêtspropres,quidictentauxpersonnesleurcomportementensociété.

Surdetellesbases,onpeutsupposerquelesindividusquicomposentlasociétéexprimentunedemandepourdesbiensetservices,pourdesloisetdesrègles,etpourlaconfor-mitédecesbiens,services,loisetrèglesauxvaleursmora-lesetauxidéesquilesrendentàleursyeuxlégitimes.Enrèglegénéraledonc,lavaleurtotaled’unbien,d’unservice,d’uneloioud’unerèglepourunindividunereposerapasquesursaseuledimensionutilitaireperçue.Ellereposeraégalementsursesdimensionsmoraleetcognitive.FeddersenetGilligan(2001)seréférentenanglaisauconceptde«cre-dencegoods»pourdésignercesbiensdontlavaleurdépenddesdimensionsmoraleetcognitivequiysontassociées.Cesdimensionssontd’ailleurslargementexploitéesenmarketing,quecelui-cisoitutiliséàdesfinscommercialesoupolitiques.

Évidemment,nidansleurappréciationdeladimensionutilitairenidanscelledesdimensionsmoraleetcognitivedesbiensetservicesoudesloisetdesrègles,lespréférencesdespersonnesnesontidentiques.Lerôledesentrepreneursdelasphèreéconomiqueestdoncdemobiliseretdecombi-nerdesressourcesafindeformerunecoalitiond’acheteurs

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dontlatailleetlavolontédepayerpermettrontderembour-serl’ensembledescoûtsdeproductionetdetransactionassumésparl’organisationàl’intérieurdelaquelleilsœuvrent(uneentreprise).Demanièresymétrique,lerôledesentre-preneursdelasphèrepolitiqueest,enrégimedémocratique,demobiliserdesressources,bénévolesetrémunérées,afindeformerunecoalitiond’électeursdontlataillepermetteàl’organisationdanslaquelleilsœuvrent(unpartipolitique)degagnerlesélectionsouàtoutlemoinsdeprendrepartauprocessuslégislatif.Dansuncascommedansl’autre,ils’agitd’identifieretd’amalgamerdespréférencesindividuellesdemanièreàconstituerunmarchéquipermetteàl’organisationaumieuxdecroîtreetauminimumdepréserversonexistence.

Parailleurs,lemodèledeconcurrencespatialed’Hotel-lingestbienconnupoursonrésultatselonlequellespartispolitiques,dansunrégimedémocratiqueàdeuxformationsdominantes,établirontleurprogrammedemanièreàserapprocherdespréférencesdel’électeurmédian(Mueller,1976).Gouvernéparlepartivainqueurdesélections,l’Étatauradonctendanceàédicterleslois,àétablirlaréglemen-tation,etàmettreenœuvresesprogrammesderevenusetdépensesenaccordaveclespréférencesutilitaires,moralesetcognitivesdel’électeurmédian.Danslasphèreéconomiqueetdemanièreparfaitementsymétrique,lemodèled’Hotellingpréditaussiquedeuxentreprisesmisesenconcurrencepourremplirl’ensembledesbesoinsdesconsommateurs,auronttendanceàoffrirlepanierdebiensetservicesreflétantlespréférencesutilitaires,moralesetcognitivesduconsomma-teurmédian.

Ils’ensuitquelespréférencesdenombreuxélecteurs/consommateursneseverrontrefléterquetrèspartiellementdanslaplateformedespartispolitiques,danslesprogrammesdugouvernement,ainsiquedansl’offredebiensetservicesdesentreprises.Celaouvrelaporteàcequedenouvellesentreprisessecréentafinderépondreauxnichesdemarchéinexploitéesetaussiàcequ’apparaissentdenouveauxpartispolitiquesenquêteduvotedesélecteurslaissésorphelins.Larègledelamajorité,jumeléeàl’ensembledescoûtsd’or-ganisation,imposetoutefoisunelimitesérieuseaunombredepartispolitiquessusceptiblesdecoexister.Danslasphèreéconomique,l’ensembledescoûtsd’organisationetdetran-saction,demêmequel’existenced’économiesd’échelle,limiterontaussilenombred’entreprisessusceptiblesderem-bourserl’ensembledeleurscoûtstoutenseconcurrençantparladifférentiationdansl’espacedespréférencesdesconsommateurs.Lesthéoriciensducommerceinternational,enparticulierLancaster(1980)etHelpman(1981),ontd’ailleursmontréquelecommerceinternationalpermetderelâcherenpartiecettecontraintepuisqu’enpermettantl’expansiondelatailledumarchépourl’ensembledesentre-priseslocalesetétrangères,ilpermetàplusd’entreprisescapablesdedifférentierleuroffretoutenrécupérantleurscoûtsdecoexister,permettantainsidesatisfairelespréfé-rencesd’unplusgrandnombredeconsommateurshétéro-gènes,localementcommeàl’étranger.

Sionlaissenéanmoinslecommerceinternationaldecôtépourl’instant,onpeuts’attendreàcequelarègledelamajorité,plussévèreenpolitiquequedanslasphèrecom-merciale,impliquequemoinsdepartispolitiquesselivrerontconcurrencepourlapréférencedesélecteursqued’entrepri-sesselivrerontconcurrencepourlapréférencedesconsom-mateurs. Cela implique qu’il existe un marché trèsimparfaitementdesserviparlespartispolitiquesetcelainviteàlacréationd’organisationsdontl’undesbutsserad’influen-cerdepuisl’extérieurducadrepolitiqueformell’offredugouvernementtellequ’elles’exprimedanssesprogrammesderevenusetdépenses(achatsdebiensetservices,transfertsetfiscalité)etdanssonprogrammelégislatif(édictiondeloisetrèglesformelles).Onpeutsupposerqu’ils’agitlàdurôlepremierdesONGàvocationpolitique.Vuessouscetangle,lesONGàvocationpolitiquesontauxpartispolitiquescequelesentreprisesdenichesontauxentreprisesdemasse.Cettesymétriepeutêtrereprésentéegraphiquement.

Danslafigure1,onasupposépoursimplifierquelerôledugouvernementselimitaitàoffrirunprogrammelégislatifetquelatâchedespartispolitiques,limitésiciàdeuxpourfinsd’illustration,étaitd’élaborerleprojetdeprogrammequireçoivel’assentimentd’unemajoritéd’électeurs.Onasupposéégalementquelesprogrammeslégislatifsproposéspouvaientêtreordonnésseloncertainescaractéristiquesetquelespréférencesdesélecteursétaientdistribuéesnormalementenfonctiondecescaractéristiques.LespartisAetB,enconcurrencepourformerlegouvernement,serapprochentdel’électeurmédianàpartirdeleurspositionsrespectives,initialementplusàgauchedansuncasouplusàdroitedansl’autredel’échiquierdescaractéristiquesutiliséespouréva-luerleprogrammelégislatif.C’estainsiquechaquepartipeutespérerformerlacoalitionlaplusvastepossibled’élec-teursetqu’ilestleplussusceptibledegagnerlesélectionstoutenréussissantàmobiliserlesressourcesrequisespouryparvenir.LesminoritésquisesententabandonnéesdansuntelmouvementverslemilieuconstituentlesclientèlesciblesdesONG1à6représentéessurlegraphique.Unesituationvirtuellementidentiqueprévautsurlemarchédesbiensetservicesoùilsuffitderemplacerlesmotsprogrammelégislatifparpanierdebiensetservices,électeurparconsom-mateur,partipolitiqueparentreprisedemasseetONGparentreprisedeniche.

Quelleseraalorsladynamiquegénéraledecesystèmeenl’absencedemobilitéinternationaledespartispolitiques,del’État,desONGetdesentreprises?Ilfautserappelerd’abordquelavaleurdetoutpanierdebienetservices(bs),detoutprogrammedeloisetrègles(lr)etdetoutprogrammederevenusetdépensesdugouvernement(rd)estfonctiondesbénéficesutilitaires(u),moraux(m)etcognitifs(c)qu’enperçoiventlesconsommateurs/électeurs.Pourunepersonnei,nousauronsdonctroisfonctionsdevaleurfbs,flretfrd:

(1) Vi(bs)=fbs

i(ubs,mbs,cbs)

(2) Vi(lr)=flr

i(ulr,mlr,clr)

(3) Vi(rd)=frd

i(urd,mrd,crd)

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Lacréationdevaleurdansuntelsystèmereposedoncsurl’activitéentrepreneurialedesdifférentsacteursinstitu-tionnels,laquelleconsisteàrendrel’offredebiensetservicesdesentreprises,etl’offredeloisetrèglesetdeprogrammesderevenusetdépensesdugouvernementlaplusprèspossi-bledelavaleurmaximaleduplusgrandnombred’électeurs/consommateurs,souscontraintedemobiliseretderémuné-reradéquatementlesressourcesnécessairespouryparvenir.

Conformeàl’approcheinstitutionnelledeNorth,cetteactivitéentrepreneuriales’exercetoutefoisdansuncontexted’incertitude,derationalitélimitéeetd’informationimpar-faitealorsqu’ilexisteaussidesarbitragesàfaireentrelesdimensionsutilitaires,moralesetcognitives,enconsomma-tioncommeenproduction.Parexemple,uneentreprisequisefocaliseraitsurlaseuledimensionutilitairedeschemisesqu’elleproduitpourraitchercherlemarchéleplusvastepossibleenabaissantsescoûtsdeproductionaumaximum,quitteàabaisserlesconditionsdetravailetderémunérationdesesemployésàunniveaujugéinacceptableparuntrèsgrandnombredepersonnesdanslasociété.Sicettesituationenvenaitàêtreconnuedupublicetàfortiorisielleétaitlefaitdeplusieursentreprises,ilpourraitalorss’enclencherunouplusieursdesévénementssuivants:

(1) Legouvernementlégiféreraitpourimposerdesnormesminimalesdetravail.

(2)Lespartispolitiquesproposeraientdansleurplateformeélectoraledeschangementsauxnormesdutravail.

(3)DesONGàvocationpolitiqueentreprendraientdesactionsauprèsdugouvernementetferaientpressionsurlespar-tispolitiquespourquedeschangementssoientapportésàlalégislationdutravailetqueceschangementssoient

imposésauxentreprises.End’autrestermes,ellesselivreraientàdesactionsdepolitiquepublique.

(4)Desentreprisesdifférencieraientleuroffredecellesdesentreprisesjugéesfautivesenrespectantetenpublicisantlerespectdenormesdutravailplusélevéesafindecap-tureruneplusgrandepartdemarché.Cepourraitêtrelàunemanièrededevenir«entreprisesdeniche»encréantdelavaleurdavantagesurl’espacemoraletcogni-tifdespréférencesplutôtquesurleseulespaceutilitaire.

(5)LesONGàvocationpolitiqueentreprendraientdesactionsauprèsdesentreprisesjugéesfautivespourqu’ellesmodi-fientleurspratiquesendehorsdetoutenouvelleconsi-dérationjuridiqueouréglementaireimposéeparl’État.End’autrestermes,ellesselivreraientàdesactionsdepolitiqueprivée.

Lamesuredanslaquellel’uneouplusieursdecesoptionsserontutiliséesseraaffairedecoûtsetbénéficesattendus.Cependant,cescoûtsetbénéficesnesontpasindépendantsdel’environnementinstitutionnel(North,1990).Dansunsystèmedémocratiqueoùl’informationcirculerapidementetlibrement,dansunesociétéoùlespréférencesmoralesetcognitivesàl’égardduproblèmesoulevénesontpastrophétérogènesetoùl’Étatestsusceptibledecorrigerrapidementlasituationparlavoielégislative,appuyéencelapardespartispolitiquesprêtsàcoopterlesvaleursdesONGfaisantlapromotiond’unchangementauxnormesdutravail,ilestprobablequelemécanismederésolutionsoitd’abordetavanttoutlégislatif.Dansuntelcontexte,lesONGàvocationpolitique,habituéesàgagnerleurscombatseninfluençantlespartispolitiquesetl’État,serontmoinssusceptiblesdes’en-gagersurlavoied’unaffrontementdirectaveclesentreprises.

FIGURE 1

Entreprises, partis politiques et ONG dans l’espace hétérogène des préférences des électeurs/consommateurs

Distribution des consommateurs autour de leur panier de biens et services idéal

Entreprise de niche :

Panier de biens et services idéal

Entreprise de masse A

Entreprise de masse B

1 2 6543

Distribution des électeurs autour de leur programme législatif idéal

ONG :

Programme législatif idéal

Parti A Parti B

1 2 6543

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62 Management international / International Management / Gestión Internacional, 16 (4)

SiparcontrelesintérêtssoulevésparlesONGmotivéespardeschangementsauxnormesdutravailnetrouvaientguèred’échoauprèsdesacteursformelsdelapolitique,ilseraitplusprobablequecelles-cicherchentalorsàcréerdelavaleurpourleurscommettantsentournantleursactionsdirectementverslesentreprises.Dansuncadredynamique,unecombinaisondesapproches(4)et(5)estmêmesuscep-tibledepromouvoiruneententeentrecertainesONGetcertainesentreprises,ententequipermettraitderésoudreleproblèmeperçuendehorsducadrelégislatifhabituel.Onretrouvelàunesourcepossibled’institutionnalisationdepratiquesderesponsabilitésocialed’entrepriseréguléesendehorsdetoutcadrelégislatif.QuelesentreprisescèdentauxpressionsdesONGaprèsquecelles-ciaientétédéclen-chées,qu’ellesmodifientex-anteleurspratiquesdanslebutd’éviterunéventuelaffrontement,ouqu’ellesaillentjusqu’às’allieràcertainesONGdanslecadredelamiseenœuvred’unepolitiqueparticulièrederesponsabilitésociale,lerésultatestfinalementlemême:ellesreconnaissentauxONGunquasipouvoirderégulation.

Ensomme,toutcequiestsusceptibledelimiterl’effica-citédelavoielégislativeetréglementaireformelleestsus-ceptibled’amener lesONGàopterpour lavoiede lapolitiqueprivéeplutôtquepubliqueetainsiéventuellementacquérirunquasipouvoirderégulation.Évidemment,celasupposeaussiunenvironnementinstitutionnelfavorisantouàtoutlemoinsnemettantpastropd’entravesàl’actionmilitantedesONGpolitiques,lorsquelescampagnesdecelles-ciaffectentdirectementlesintérêtsdesentreprises.Poursuivantdansleregistredelaresponsabilitésocialed’entreprise,Campbell(2007)lied’ailleursenpartielamiseenplaceparlesentreprisesdepratiquesderesponsabilitésocialeàlalibertéd’actionetàlamobilisationdesONGetdesmouvementssociaux.

Onpeutrésumerl’ensembledecettediscussionparunepropositiontrèssimple:

Proposition 1 : Dans un environnement institutionnel favorable à l’action des ONG à vocation politique, l’ineffi-cacité relative des voies législative et réglementaire formel-les à répondre à la demande d’un nombre suffisant d’électeurs/consommateurs vis-à-vis d’une nouvelle « règle du jeu » devant encadrer l’activité des entreprises encoura-gera ces mêmes ONG à entreprendre des actions de politi-que privée plutôt que publique. Dans la mesure où les entreprises céderont aux pressions représentées par ces actions, ces ONG acquerront un quasi pouvoir de régulation se substituant en partie aux pouvoirs législatifs et réglemen-taires de l’État.

Notonsqueriendanscettepropositionn’impliqueàcestadeunequelconquemobilitéinternationaledesentreprisesnin’impliqueundésengagementvolontairedel’Étatdesesresponsabilitéstraditionnelles.L’inefficacitérelativedesvoieslégislativeetréglementaireformellespourraitêtresimplementdueaufaitquelademandedesélecteurs/consom-mateursàlabasedel’activitéentrepreneurialedesONG

concernéessesituetroploindespréférencesdel’électeurmédianpourquelesacteursdelapolitiqueformellesesen-tentconcernésetéventuellementmenacésaupointd’yvoirunmotifdelégiférer.Ilexistenéanmoinsunlienentrelamondialisationdesactivitéséconomiquesetl’inefficacitérelativedelavoielégislativeetréglementaireformelleetc’estcelienqu’ilconvientmaintenantd’explorer.

Impact de la mobilité internationale des entreprises et de la mondialisation économique

North(1990et1994)identifiedeuxforcesgénériquessus-ceptiblesdeperturberunsystèmeinstitutionneldonné.D’abord,lespréférencesdescitoyensconsommateurs/élec-teursévoluentdansletemps,modifiantainsil’espacedanslequellesentrepreneursinstitutionnelss’affairentàcréeretàcapturerdelavaleur.C’estcependantsurladeuxièmeforce,soitcelledes«changementsdeprixrelatifs»,qu’ilconcentrel’essentieldesonanalyseduchangementinstitu-tionnel.Parchangementdeprixrelatifilentendtoutemodi-ficationdelarelationentrelescoûtsetlesbénéficesattendusparlesacteursinstitutionnelsenprésencedelamiseenœuvredestratégiesetd’actionalternatives.Ilestrelativementaisédevoirdanslamondialisationdesactivitéséconomiqueslasourced’untelchangementdeprixrelatif.

D’abord,lasouveraineté des Étatsaaumoinstroisconséquences:

– Lamobilitéinternationaledesacteursdelapolitiqueformelleestnulle.

– L’applicationdesrèglesissuesduprocessuslégislatifestconfinéeauterritoiredel’Étatsouverain.

– Lamobilitéinternationaledesélecteursestquasinulle.

Certes,l’Étatsouverainaunecertainecapacitéd’actionàl’échelleinternationale,laquelleestdirectementpropor-tionnelleàl’influencequ’ilestenmesured’exerceraudelàdesesfrontières.Àcejeu,lesÉtatssouverainsnesontévi-demmentpastouségaux.L’importantesttoutefoisicid’ad-mettrequelasouverainetédesÉtatsimposeunebarrièresuffisammentétancheàl’interpénétrationdesespacespoli-tiquesetjuridiquespourquel’onpuisseparlerd’espacesinstitutionnelsdistinctschaquefoisquel’onseréfèreàdesÉtatssouverainsdistincts.

Enoutre,ledroit internationalconstitueunsubstituttrèsimparfaitaudroitnational.Danssapartiecontractuelle,ledroitinternationalpublicestlefruitdecompromisardusquirisquentdetoujourslaisserungrandnombred’électeurs/consommateursdéçusdanschacundespaysparticipantàsonélaboration.Ilseraitparexempletrèsdifficileetpeut-êtremêmeimpossibled’envisagerquelesÉtatsmembresdel’OMCpuissentsemettred’accordsurl’applicationdetaxesàl’importationdeproduitsenfonctiondesémissionsdegazàeffetdeserreassociéesàleurmanufacturedansunpaysdonnéplutôtqu’unautrealorsqu’ilseraitbeaucoupplus

Page 8: La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ...

La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG à vocation politique 63

facile,quoiqueloind’êtresimple,pourunÉtatd’instaurersursonpropreterritoireunetaxesurlecarbone.Ensomme,l’influenceexercéeparchaqueÉtatdansl’élaborationdudroitinternationalpublicneremetnullementenquestionlapertinenced’associerauxfrontièresdecetÉtatunespaceinstitutionneldonné.

Enrevanche,lerayond’actiondesacteursdelasphèreéconomique,nommémentceluidesentreprises,estautrementplusgrand.Enparticulier,lesentreprisesjouissent:

– D’unetrèsgrandemobilitéinternationale,laquelleestdécupléeparleprogrèstechnologiqueetparl’ouverturedesmarchésdécidéeparlesÉtatssouverains,demanièreunilatérale,bilatéraleoumultilatérale.

– Delapossibilitédedisposerdemarchésetdemobiliserdesressourcesdansdesespacesinstitutionnelsdistincts.

Cecouplet,immobilitéouquasiimmobilitéinternationaledesacteursdelasphèrepolitiqueformelleettrèsgrandemobilitédesacteursdelasphèreéconomique,estaucœurduchangementdeprixrelatifinduitparlamondialisationdesactivitéséconomiques.

Unexempledecettesituationpeutêtrereprésentégra-phiquement.Danslafigure2,onasupposéquelesgouver-nementsàl’originedel’activitélégislativeetlespartispolitiquescherchantàformercegouvernementontunrayond’actionentièrementconfinéauxfrontièresdeleursespacesinstitutionnelsrespectifs,désignésiciparleslettresAetB.Onaaussisupposé,pourl’instantseulement,quel’actiondesONGétaitégalementconfinéeauxfrontièresd’unespace

institutionneldonné.Reprenonsdanscecontextel’exempledel’entreprisedontlastratégieconsistaitàsefocalisersurladimensionutilitairedeschemisesqu’elleproduitetquidevaitpourcefairechercherlemarchéleplusvastepossibleenabaissantsescoûtsdeproductionaumaximum.Àladifférencedel’exempleprécédenttoutefois,cetteentreprisejouitmaintenantdelapossibilitédechoisirentrelesespacesinstitutionnelsoùelleproduiraetvendraleschemises.End’autrestermes,cetteentreprisealapossibilitédeselivreràl’arbitragedesespacesinstitutionnelsducôtédelaproduc-tioncommeducôtédesventes.

Pourfinsd’illustration,supposonsquelesconsommateursrésidantdansl’espaceinstitutionnelBpossèdentunpouvoird’achatnettementsupérieuràceluidesconsommateursrési-dantdansl’espaceinstitutionnelAetquelestravailleursdel’espaceinstitutionnelBjouissentenmêmetempsdesalairesetdeconditionsdetravailnettementsupérieursàceuxdeleursvis-à-vis résidantdans l’espace institutionnelA.Naturellement,l’entrepriseconsidéréedanscetexemplechoisiradelocaliserlamanufacturedansl’espaceinstitu-tionnelAafindeminimiserlecoûtdesressourcesutiliséesenproductionetchoisiradevendredemanièreprédominantedansl’espaceinstitutionnelB,làoùlesconsommateurssontcapablesdepayerunprixplusélevé.

Poursuivantaveclemêmeexemple,supposonsànouveauquelesconditionsdetravailetderémunérationdesemployésdecetteentreprisesesituentàunniveaujugéinacceptableparuntrèsgrandnombredecitoyensconsommateursdontlarésidencesesituedansunespaceinstitutionnelmaintenant

FIGURE 2

Mobilité internationale des entreprises et arbitrage entre marchés et lieux de production

Entreprise

Gouvernement

Espace institutionnel A Espace institutionnel B

Partis politiques

Lois et règlesONG

Ressources Marché

Gouvernement

Partis politiques

Lois et règles ONG

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64 Management international / International Management / Gestión Internacional, 16 (4)

défini,àsavoirl’espaceinstitutionnelB.Clairement,descinqavenuesdesolutionconsidéréesdanslasectionprécédente,seuleslesdeuxdernièresontmaintenantunequelconquechancedemeneràunerésolutionduproblèmepuisquelegouvernementissudel’espaceinstitutionnelBn’aaucunpouvoirpourlégiférerdansl’espaceinstitutionnelA,rendantainsivainetantl’actiondespartispolitiqueslocauxauniveaudelaredéfinitiondeleurplateformeélectoralequecelledesONGlocaleshabituéesàmenerdesactionsdepolitiquepubliquedanslebutd’influencerlalégislationetlarégle-mentationenvigueur.

Onpeutdoncs’attendreàcequedesentreprisesconcur-rentessurlemarchéBdifférencientleuroffredecelledel’entreprisejugéefautiveenrespectantetenpublicisantlerespectdenormesdutravailplusélevéesetàcequelesONGàvocationpolitiquedel’espaceinstitutionnelBtournentleursactivitéspolitiquescontrel’entreprisepriseenfauteplutôtquecontrelegouvernement.Certes,cesmêmesONGpourraientégalementchercheràconvaincrelegouvernementdel’espaceinstitutionnelBdecontingenteroudefrapperd’undroitdedouanepunitiflesimportationsdechemisesenprovenancedel’espaceinstitutionnelAmaisl’efficacitéd’unetelletactiquedépendradesobligationscontractuellesinternationalesauxquelleslegouvernementdel’espaceins-titutionnelBachoisidesesoumettre.

D’unemanièreoud’uneautre,onenarriveaurésultatessentiel,àsavoirqu’uneaugmentationdelamobilitéinter-nationaledesentreprises,nonaccompagnéed’uneaugmen-tationconséquentedelamobilitéinternationaledesacteursdelasphèrepolitiqueformelle,diminuel’efficacitérelativedesvoieslégislativeetréglementaireformellesàrépondreàlademanded’unnombresuffisantd’électeurs/consommateursvis-à-visd’unenouvelle«règledujeu»devantencadrerl’activitééconomique.Ils’agitdoncdutypemêmedechan-gementdeprixrelatifconsidéréparNorthcommemoteurduchangementinstitutionnel.Danscecasprécis,cechan-gementdeprixrelatifencourageralesONGàvocationpoli-tiqueàentreprendredesactionsauprèsdesentreprisesmobilesàl’échelleinternationaleplutôtqu’auprèsdesacteursformelsdelapolitiquenationale.NotonsaussiquedanslamesureoùellesidentifierontlesobligationsinternationalescontractuellesdesÉtatscommel’unedessourcesdecettemobilitéinternationaleaccruedesentreprises,cesmêmesONGdirigerontégalementdeseffortscontrelesinstitutionsencadrantcesobligations,l’OMCparexemple,surtoutsiellessententqu’ellesontdecettemanièreuneinfluencesurlanatureetl’étenduedecesobligations.LaparticipationdenombreusesONGaumouvementdesmouvementsaltermon-dialiste(Dupuis-Déri,2009)etlaconcentrationdesmani-festationscontrelesorganisationsinternationalesàvocationéconomiquecommelaBanqueMondiale,leFMI,l’OMCetleG7(voirDoucin,2007,p.97;Rugman,2001,chapitre3,p.35-52;DeslauriersetKotschwar,2003)témoignentbiendecettetangente.

Cequ’illustrelasituationreprésentéedanslafigure2estenfaitunconflitentredeuxespacesinstitutionnels.Lalégis-

lationetlaréglementationenvigueurdansl’espaceinstitu-tionnelAsontdifférentesdecellesenvigueurdansl’espaceinstitutionnelB.Celapeutbienentenduêtredûàunefouledefacteurs,allantdespréférencesdesélecteurs/consomma-teurshabitantchacundesdeuxespacesauxinstitutionsenca-drantl’activitéentrepreneurialedesacteursinstitutionnelshabilitésàrépondreauxdemandesdecesmêmesélecteurs/consommateurs.Onnepeuttoutefoisignorerquelasourceprincipalededivergenceidentifiéedanscetexempleatraitauniveaudedéveloppementéconomiqueetsocialdesdeuxespacesinstitutionnelsconsidérés.L’espaceinstitutionnelAicireprésentéestceluid’unpaysenvoiededéveloppementtandisquel’espaceinstitutionnelBestceluid’unpaysdéve-loppé.L’arbitragedeslieuxdeproductionentrepaysdéve-loppés et pays en voie de développement amène lesentreprisesmultinationalesàlocaliserunepartiedeleursactivitésmanufacturièresdansdespaysdontlalégislationetlespratiquesenmatièrededroitdutravaildiffèrentdebeaucoupdecellesquisontjugéesacceptablesparleursconsommateursdespaysdéveloppés.CertainesONGàvoca-tionpolitiquecherchentalorsàdéfendrelesvaleursdecescitoyensconsommateursdespaysdéveloppésens’attaquantdirectementauxentreprisesjugéesfautives.Cegenredesituationesttoutàfaittypiquedesmotifssous-jacentsàl’attaquedesONGanti«sweatshops»dontlescampagnescontreuneentreprisecommeNYKEontétécélébréesparl’ensembledumouvementaltermondialiste(Klein,2000).

Untelconflitentreespacesinstitutionnelsdespaysdéve-loppésetceuxdespaysenvoiededéveloppementneselimitecependantpasauxcasd’arbitragedeslieuxdeproduction.ÀcetégardilestutilederappelerlecasdeNestléquidès1973s’étaitretrouvéeaucœurd’unecontroversequiallaitmobiliserdenombreusesorganisationsdansunecampagnedeboycottdesesproduits.Cettecampagnesuivaitlapubli-cationparlarevueThe New Internationalistd’uneentrevueavecdeuxmédecinsdénonçantlerôledeNestlédanslapromotiondessubstitutsaulaitmaterneletce,audétrimentdel’allaitementnatureletdelasantédesenfantsdanslespaysenvoiededéveloppement.

Enappliquantlemêmeraisonnementqu’auparavant,laprésenced’uneentreprisemultinationalecommeNestlédanslesespacesA(envoiededéveloppement)etB(paysdéve-loppé)àdesfinsdemarchéetnond’approvisionnement,ainsiqu’illustréparlafigure3,esttoutaussisusceptibled’engen-drerletypedeconflitquiinciteralesONGàvocationpoli-tiquedel’espaceBàentreprendredesactionsdepolitiqueprivéeplutôtquepubliqueafindedéfendrelesvaleursdeleurscommettantsrésidantdansl’espaceB.Cetypedeconflitauraitétébeaucoupplusdifficilementimaginablesilesespa-cesinstitutionnelsAetBavaientétéceuxdedeuxpaysdéveloppés,partageantunelégislationetuneréglementationsemblables,demêmequedesvaleursetdesmodesd’inte-ractionentreacteursinstitutionnelspluscomparables.

Lesconflitsplusfréquentsentrelesespacesinstitution-nelsdespaysdéveloppésetceuxdespaysenvoiededéve-loppementpourraientdoncêtreaucœurdel’augmentation

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La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG à vocation politique 65

duquasipouvoirderégulationdesONGàvocationpolitique.Iln’estd’ailleurspassurprenantquecesconflitsaientprisuneplusgrandeimportanceaucoursdestroisdernièresdécennies,lesquellesontvulespaysenvoiededéveloppementprendreuneplacechaquefoisplusimportantedanslesystèmeéconomiquemondial.Cepouvoirdequasirégulationestcependantd’abordetavanttoutceluidesONGprovenantdespaysdéveloppés.

Sanségardpourl’instantàlaquestiondelalégitimitédecepouvoir,onpeutrésumerl’ensembledecettediscussionsurl’asymétrieentrelamobilitéinternationaledesacteursdelasphèrepolitiquenationaleformelleetcelledesentre-prisesparlapropositionsuivante:

Proposition 2 : Lorsque les entreprises œuvrent dans plus d’un espace institutionnel à la fois et que ces espaces institutionnels sont en conflit, notamment du point de vue des lois et règlements en vigueur ainsi que des préférences des électeurs/consommateurs habitant ces espaces, il est plus probable que les ONG à vocation politique entrepren-nent des actions de politique privée auprès des entreprises plutôt que des actions de politique publique auprès des acteurs formels de la politique des pays où habitent leurs commettants, cherchant ainsi à gagner un quasi pouvoir de régulation.

Ilconvientmaintenantd’examinerlalégitimitéinterna-tionaledesONGquisontàlasourcedusystèmedequasirégulationquiestentraindesemettreenplaceaveclamondialisationdel’économie,soitcelledesONGàvocationpolitiquedespaysdéveloppés.

Mobilité internationale des ONG et légitimité internationale des ONG à vocation politique

des pays développés

LemodèleprésentépréditquelesONGàvocationpolitiquerecourrontdavantageauxactionsdepolitiqueprivéeafindechercheràimposerdirectementleurvolontéauxentreprisesaufuretàmesurequecelles-citraversentdesespacesins-titutionnelsenconflit.Laraisond’êtredecesONGétantdedéfendrelespréférencesmoralesetcognitivesdeleurscom-mettantsetceux-cihabitantunespaceinstitutionnelgéné-ralementdélimitépardesfrontièresnationales,ilestclairquelespréférencesdéfenduesserontcellesdesélecteurs/consommateurshabitantl’espacenationald’originedecesONG.

CettevisionpourraitêtrecontestéedufaitquelesbutsprofessésparplusieursONGàvocationpolitiqueactivesenpolitiqueprivéeonttraitàlasolidaritéentrelespeuplesdespaysdéveloppésetceuxdespaysenvoiededéveloppement.D’autresencoresontengagéesdansladéfensedevaleursconsidéréesuniversellesenmatièrededroitsdelapersonneetdestravailleurs.Enoutre,lesONGnesontpassoumisesàlacontrainted’immobilitéinternationaleàlaquellesontsoumislespartispolitiquesetcertainesd’entreellessontmêmedevenues,parleurprésenceinternationaleétendue,devéritables«multinationales»descausesqu’ellesdéfendent.Enthéorie,cetteinternationalisationpourraitleurpermettredetranscenderlesvaleursdeleurlieud’origineenintégrantàleurspréoccupationslesvaleursdecellesdel’ensembledespaysoùellessontprésentes.

FIGURE 3

Mobilité internationale des entreprises et conflit institutionnel entre deux espaces marchés

Entreprise

Espace institutionnel A Espace institutionnel B

Marché A Marché B

Gouvernement

Partis politiques

Lois et règles ONG

Gouvernement

Partis politiques

Lois et règles ONG

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Peuvent-ellespourautantévitertoutbiaisnational?Lemodèleinstitutionnelprésentéexpliquel’existenceetlacrois-sancedesONGàvocationpolitiqueparleurcapacitédecréerdelavaleurdansl’espacecognitifetmoraldesmilitantsetsympathisantsquileurconfientdesressources.Rienn’inter-ditévidemmentquelespréférencesmoralesetcognitivesdecesmilitantsetsympathisants,aussinationalessoient-elles,soientfondéessurundésirsincèredesolidaritéinternationale.Néanmoins,lebutpremierdel’ONGestderépondreàl’exis-tencedecespréférencesmoralesetcognitivestellesqu’elless’incarnentdansunenvironnementinstitutionneldonné.Lesmoyensconcrètementmisenœuvrepoursatisfairelespré-férencesdecesmilitantsetsympathisantspourraientnepastoujoursconvenirauxintérêtsdespopulationshabitantunautreespaceinstitutionnel.

Laquestiondutravaildesenfantsdanslespaysenvoiededéveloppementfournitunbonexempledesconflitspou-vantexisterentredeuxespacesinstitutionnelsetdelapré-dominancedesONGprovenantdespaysdéveloppésdansladéfinitiondesnormesquidevraients’appliquer.DanslecasétudiéparBartlett,DessainetSjöman(2006),l’entreprisemultinationaled’originesuédoiseIKEAestmisesurlasel-letteparcequecertainsdesesfournisseursdetapisindiensontététrouvéscoupablesd’employerdejeunesenfantssurlesmétiersàtisser.Despressionssontexercéesparmédiasinterposésafinqu’IKEAsedépartissentdel’ensembledesesfournisseursetn’achètentsestapisindiensqu’auprèsdefournisseurs certifiés par l’ONG d’origine allemandeRUGMARK,laquelleprétendqu’aucundestapissurlesquelselleapposesonsceaun’aimpliquéletravaild’unenfant.IKEArétorquequ’ilestimpossibled’offrirunetellegaran-tiedanslecontexteindienetqu’enplus,legouvernementindienlui-mêmejugeacceptablequedesenfantsapprennentlesrudimentsdumétierdetisseurentravaillantàlamaisonauxcôtésdeleursparents.PourIKEA,ilpeutêtrecontre-productifd’alleràl’encontredecettepratiquejugéenormaleetsouhaitabledansunpaysenvoiededéveloppementcommel’Inde.IKEAsouhaitedoncdisciplinerelle-mêmesesfour-nisseurssanspourautantgarantirqu’aucunenfantneserajamaisimpliquédanslaproductiondetapis.CelaluivautdenombreusescritiquesenAllemagne,paysd’originedeRUGMARKetpaysconstituantlemarchéprincipald’IKEA.SiIKEAnecèdefinalementpasauxpressions,celles-cinesontpassansimpactsurlavaleurdesoncapitalmarqueenAllemagne.OncomprendalorspourquoidenombreusesentreprisesdontlesventessontconcentréesdanslespaysdéveloppésfinissentparcéderauxpressionsdesONG,enincorporantdansleurspratiquesd’affairesleurspréoccupa-tions,etsanstropadaptercelles-ciauxcirconstancesparti-culièresdespaysenvoiededéveloppementdanslesquelsellesfabriquentous’approvisionnent.

Unexempledecepeud’adaptationlocaleauxpressionsdesONGàvocationpolitiquedespaysdéveloppésestfréquentducôtédesentreprisesmultinationalesdelafilièretextile/vêtement/chaussures.Suivantencelal’exempled’uneentre-prisecommeNYKEquiarevampésapolitiquederespon-

sabilitésocialeenréponseauxpressionsdesONG,l’entreprisecanadienneGildandontlesactivitésdeconfectionsontdésormaisconcentréesauHondurasaadoptéuncodedeconduiteluiimposantdenejamaisemployerpersonnequin’aitaumoinsatteintl’âgede18ans.Cecodedeconduitequicomprendaussidesdispositionsenmatièredelibertéd’associationetdesantéetsécuritéautravailareçul’avaldel’ONGcanadienneMaquiladoraSolidarityNetwork,ONGquiayantauparavantmenéunecampagnecontreGildan,endossemaintenantpubliquementlesbonnespratiquesdecetteentreprise.Or,ilestloind’êtreévidentqu’unerestric-tionà18ansdel’âgerequispourtravaillerconstitueunepolitiquefavorableaudéveloppementdansunpayscommeleHonduras.Danscepaysoùl’âgemoyendescolarisationdépasseàpeineleprimaireetoùlegouvernementaadoptéunmodèlededéveloppementfondésurl’investissementdirectétrangerdanslesecteurmanufacturier,queferaientlesjeu-nessortisdel’écoleà11ou12anssitouteslesentreprisesétrangèress’imposaientlemêmecodedeconduitequeGildan?Iln’existepasderéponsesimpleàcettequestionmaisilapparaîtassezévidentquelesentreprisesmultina-tionalessontd’abordetavanttoutàl’écoutedespréoccupa-tionsdesONGlocaliséesdanslespaysdéveloppés,etquecelles-cidéfendentsouventlavisiondudéveloppementenvoguechezleurssympathisants,sansquelamiseenpratiqueconcrètedecettevisionnegarantisseledéveloppementharmonieuxdespayslesmoinsriches.

Laquestionseposeau-delàdelaquestiondutravaildesenfants.Beaucoupd’ONGàvocationpolitiquedespaysdéveloppésfontparexemplelapromotionactiveducafécertifiééquitable,certainescommeGlobalExchangeallantjusqu’àorganiserdescampagnesdeboycottcontrelesentre-prisesn’offrantpassystématiquementdecaféainsicertifiédansleursétablissements.Or,ilyadescoûtsparticuliersassociésàl’obtentiondelacertificationéquitableetcertainsdecescoûtssontparfoishorsdeportéedespetitsproducteurs.Enoutre,lemodèlecoopératifimposéparlacertificationéquitablenedonnepaslesmêmesrésultatspartout.UneétuderécenteportantsurleNicaraguamontrequelespetitsproducteursfonctionnantdanslemodèleéquitabletouchaienten2007et2008desrevenusmoinsélevésqueceuxdespetitsproducteursfonctionnantàl’intérieurdumodèleconvention-nel(Beuchelt,TinaD.etZellerManfred,2011).S’ilfautbiensegarderdegénéraliseràpartird’untelrésultat,ilfautquandmêmegarderàl’espritquelesmodèlesderégulationpropo-sésconcrètementparlesONGenréponseauxpréférencesmoralesetcognitivesdeleursmembresetsympathisantshabitantdanslespaysdéveloppésnegarantissentpasensoiledéveloppementdespayslespluspauvres.Lesintentionspeuventêtrenoblesmaisonnepeutprésumersansautreexamendel’efficacitédemoyensmisenœuvresousl’égidedebiaisculturelsetidéologiquesparticuliers.

L’internationalisationduchampd’actiondesONGest-elledesoncôtésusceptibledepallieràceproblèmedebiaisculturel?Peut-être,maisunecaractéristiquedel’internatio-nalisationdesONGmérited’êtresoulignée:lesiègeetles

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La mondialisation et le quasi pouvoir de régulation des ONG à vocation politique 67

ressourcesdescesorganisationsdemeurentessentiellementlocalisésdanslespaysdéveloppés(Doucin,2007,p.229-231).SicelasignifiequecertainesONGàvocationpolitiqueréussissentàamalgamerlespréférencesmoralesetcogniti-vesdecitoyensdeplusd’unespaceinstitutionnelàlafois,cespréférencesdemeurentmalgrétoutgrandementcellesdespaysdéveloppés.Celaimpliquequ’ilexisteunedifférencedetailleentrelesentreprisesmultinationalesetlesONGdevenuesinternationales.Alorsquelespremièrespeuventbeaucoupplusfacilementsépareraubesoinlesespacesoùellespuisentleursressourcesproductivesdesespacesoùellestrouventleursmarchés,lessecondesontdavantagetendanceàtrouverleursressourcesauxlieuxmêmesoùellestrouventleurmarché,puisquecesressourcesprennentsou-ventlaformedetravailbénévoleetdedonsprovenantdesmêmespersonnesdontlasatisfactiondespréférencesutili-taires,cognitivesetmoralesconstituentlaraisonpremièredeleurexistence.

Cettesituationtypiqueestreprésentéedanslafigure4alorsquel’ONGinternationalepuisesesressourcesettrou-ventsesmarchésdemanièreprépondérantedanslesespaces

institutionnelsBetCalorsquel’entreprisemultinationalepeutfortbientrouversesmarchésdanslesmêmesespacesinstitutionnelsBetCtoutenpuisantsesressourcesdansl’espaceinstitutionnelA.Enpratique,cesespacesinstitu-tionnelsBetCsontceuxdespaysdéveloppésoùautantlesentreprisesmultinationalesquelesONGàvocationpolitiquetrouventleursprincipauxmarchés.Danslamesureoùl’espaceinstitutionnelAestceluid’unpaysenvoiededéveloppementetquesalégislation,sesrèglesetsesnormesentrentenconflitaveccellesdesespacesBetC,ilestàprévoirquelesentre-prisesmultinationalespréférerontadapterleurconduiteauxrèglesetnormesdesespacesBetC,làoùellestrouventleursprincipauxmarchésetlàoùellessontencouragéesencesensparlesONGquiysontimplantées,quecelles-cisoientounoninternationales.

Onpeuttirerdecettediscussionunetroisièmeetdernièreproposition:

Proposition 3 : Les règles de conduite qui émaneront de la confrontation entre ONG à vocation politique et entre-prises auront tendance à refléter davantage les préférences

FIGURE 4

Représentation de la présence de l’ONG internationale

Entreprise

ONG internationale

Espace institutionnel B Espace institutionnel C

Marchés et ressources en B et C

Marché B Marché C

Gouvernement

Partis politiques

Lois et règles ONG

Gouvernement

Partis politiques

Lois et règles ONG

Espace institutionnel A

Ressources A

Gouvernement

Partis politiques

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68 Management international / International Management / Gestión Internacional, 16 (4)

utilitaires, morales et cognitives des électeurs/consomma-teurs des pays où les entreprises réalisent la majeure partie de leurs ventes, généralement les pays les plus développés, que celles des électeurs/consommateurs habitant d’autres pays, en particulier des pays en voie de développement.

Sionnepeutprésumerdel’impactdecesystèmedequasirégulationsurledéveloppementdespayslesmoinsriches,onpeutnéanmoinsensoulignerlebiaisculturel,lequelvaclairementdanslesensdesvaleurspartagéesparlescitoyensdespayslesplusdéveloppés.

Conclusion

S’ilestgénéralementadmisquelepouvoirdesONGaaug-mentédepairaveclamondialisationdel’économie,peud’auteurssesontattachésàenexpliquerlesfondementsthéoriques.Lemodèleprésentédanscetarticleconstitueunemanièred’ouvrirledébatsurlesdéterminantsetlalégitimitédecepouvoir.

Lemodèleproposés’appuiesurdeuxapprochescomplé-mentaires,soientcellesdel’économieinstitutionnelleetdelaconcurrencedansl’espacehétérogènedespréférencesindividuelles.IlsurgitdececadrequelesONGàvocationpolitiqueancréesdansunespacenationald’originesontappeléesàdirigerleursactionsdavantageverslesentrepri-sesqueverslesacteursdelapolitiqueformelleaufuretàmesurequelesentreprisesdeviennentmultinationales.Cesactionsditesde«politiqueprivée»sontàlabaseduquasipouvoirderégulationquedenombreuxauteursreconnaissentaujourd’huiauxONG.

Lamondialisationdel’économieimpliquequelesentre-prisestraversentdesespacesinstitutionnelspotentiellementenconflitdupointdevuedeslois,règlements,normesetcoutumesenvigueur.Cesconflitsinstitutionnelssontd’autantplusfréquentsqu’ilsopposentdespaysendéveloppementàdespaysdéveloppés.Étantdonnélaconcentrationdeleursventesdanslespayslesplusdéveloppés,lesentreprisesmultinationalessontparticulièrementsensiblesauxvaleursquisontvéhiculéesdanscespays.Enmêmetemps,lesONGàvocationpolitiquelesplusactivesàl’échelleinternationaletrouventgénéralementtoutautantleursmarchésqueleursressourcesdanscesmêmespaysdéveloppés.Iln’estdoncpasétonnantquelesvaleursquisous-tendentleursactionspolitiques,ycompriscellesdenatureprivée,soientd’abordetavanttoutcellesdeleursmilitantsetsympathisantshabi-tantcespaysdéveloppés.

CelaneremetpasnécessairementencauselasincéritédecesONGdansladéfensedevaleursconsidéréesuniver-selles.Celasignifiesimplementquelesystèmedequasirégulationquiestentraindesemettreenplacesousl’égidedecetteconfrontation/collaborationentreONGetentrepri-sesmultinationalesestsusceptibledeporterunbiaiscultureletidéologique,soitceluidespopulationsdespayslesplusdéveloppés.Celan’impliquepasforcémentquecebiaisaille

toujoursàl’encontredesbesoinsdespopulationsdespaysenvoiededéveloppementmaisilyaumoinslàmatièreàundébatquinedevraitpasêtreocculté.Au-delàdel’approchepositivisteproposée,soitcellededériverd’uncadrethéori-queformeltroispropositionsvérifiablessurlequasipouvoirderégulationdesONGàvocationpolitique,c’estàl’ouver-turedecedébatdelégitimitéquecetarticleentendcontribuer.

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