La méthode de la psychanalyse existentielle et son application dans le Saint Genet_Sabine Mehnert

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La méthode de la psychanalyse existentielle et sonapplication dans le Saint Genet

Séminaire

Le Saint Genet de Sartre : une théorie de l’aliénation

ENS2013/14

Enseignant

Vincent de Coorebyter

MEHNERT SabineM1 Philmaster (ENS/EHESS)

[email protected]

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Table des matières

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Abréviations

EN S ARTRE , Jean-Paul. L’Être et le Néant . Paris: Gallimard, 1943.

NO S ARTRE , Jean-Paul. « Sartre par Sartre ». Nouvel Observateur, janvier – février 1970

(no 272), pp. 40-50, traduction de l’interview : « Jean-Paul Sartre. Itinerary of a

thought », New Left Review I/58, novembre - décembre 1969.

SG S ARTRE , Jean-Paul. Saint Genet, comédien et martyr. Paris : Gallimard, 1952.

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1) Introduction

La biographie est un genre qui a toujours fasciné Jean-Paul Sartre qui y consacrera la partie la

plus importante de son œuvre 1 ainsi que des réflexions sur le plan théorique. Sa façon d’aborder

l’écriture biographique sera intrinsèquement liée à une démarche psychanalytique spécifique :

Cette psychanalyse n’a pas encore trouvé son Freud ; tout au plus peut-on en trouver le pressentimentdans certaines biographies particulièrement réussies. […] Mais il nous importe peu, ici, qu’elle existe :l’important pour nous c’est qu’elle soit possible. (EN 620)

Sartre développa cette méthode de la psychanalyse existentielle dans L’Etre et le Néant (1943)ainsi que dansQuestions de Méthode (1957). Elle sera mise en œuvre dans son Baudelaire (1946),dans L’Idiot de la famille (1972) et dansSaint Genet, comédien et martyr (1952). On peut déjàrepérer des traces de cette démarche dans des ouvrages antérieurs puisque l’idée sartrienne de la psychanalyse est étroitement liée à sa conception de l’homme sujet.

Le but de ce travail sera de dégager l’approche de cette psychanalyse existentielle à partirdes bases théoriques jetées dans L’Être et le Néantpour ensuite montrer l’évolution de la méthode

et son application dans un ouvrage proprement biographique de Sartre qui est le Saint Genet(1952). Dans l’intention de rendre compte des enjeux de ce vaste sujet, nous allons procéder de

manière suivante :

Pour pouvoir comprendre la psychanalyse de Sartre, il est indispensable d’étudier sa con-

ception du sujet. Nous allons donc, dans un premier temps, résumer les notions clefs à ce propos

qu’il développe dans L’Être et le Néant(1943) qui concernent directement le pour-soi et sa rela-

tion avec soi-même et son environnement. Il convient également de traiter les changements dansla conception de Sartre de la liberté ainsi que la notion de la conversion, car ces concepts joueront

un rôle fondamental dans l’analyse duSaint Genet.Dans un deuxième temps, il s’agira d’esquisser la méthode existentielle de Sartre. Après

avoir brièvement évoqué les points de critique principaux qu’il avance envers les approches tradi-tionnelles, nous allons décrire le point de départ, l’objectif et la procédure d’application de la psy-chanalyse existentielle.

La troisième partie de ce travail sera consacrée à l’analyse de la mise en œuvre de la mé-

thode de Sartre dans leSaint Genet . Paru en 1952 chez Gallimard, ce livre qui était censé être la préface pour l’édition desŒuvres complètesde Jean Genet est devenu un ouvrage monumentalconsacré à l’étude de la vie de Genet. Dans ce contexte, il faut préciser que ses œuvres biogra- phiques ne sont pas essentiellement l’illustration de la philosophie de Sartre, mais plutôt sa miseen épreuve. Il ne convient donc pas de considérer leSaint Genet comme une œuvre ‘pratique’ quis’opposerait à des œuvres ‘théoriques’ comme L’Être et le Néant ou Questions de Méthode. Au

1 cf. Clément, Bruno. « Sartre biographe, autobiographe et philosophe » Dans : Les biographies existentielles, Table ronde dans lecadre de la Nuit Sartre à l’ENS en 2013. Avec : Jean Bourgault, Philippe Cabestan, Bruno Clément, Grégory Cormann, ThomasFlynn, Mathieu Pams. En ligne le 3 mai 2014 : http://savoirs.ens.fr/expose.php?id=1317 : « Les textes biographiques etautobiographiques de Sartre constituent de très loin, de très très loin, la partie la plus importante, en volume au moins, de sonœuvre. » (00:04:30). Clément affirme également que Sartre les biographies étaient ce que Sartre préférait de son œuvre(00:11:18).

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contraire, leSaint Geneta une grande portée théorique, aussi bien pour l’ontologie sartrienne que pour la méthode de la psychanalyse existentielle. Nous allons tenter d’y trouver des explicitationsainsi que des changements considérables par comparaison aux idées de L’EN . Notamment, nousallons constater que le cas de l’enfance de Genet est très particulier, par rapport aux autres enfants

de son village, mais non moins par rapport aux autres écrivains dont Sartre écrit la biographie. On pourrait dire, en appliquant les catégories sartriennes, qu’il est à la fois aliéné, de mauvaise foi etqu’il illustre de manière très concluante l’idée du projet de devenir en-soi-pour-soi. Dans ce cha- pitre, nous allons également argumenter que le jeune Genet est aliéné par principe, quel’aliénation fait donc partie de ses conditions de naissance, de son être-au-monde.

2) Quelques notions clefs de Sartre sur le sujet

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La distinction que Sartre fait entre plusieurs types d’être est d’une importance primordiale pour

comprendre sa méthode de la psychanalyse existentielle. Il part de deux catégories d’être oppo-

sées qui sontl’en-soi et le pour-soi.L’en-soi est l’être qui est ce qu’il est (cf. EN 32). Cette définition englobe tout objet au

monde qui existe ‘en-soi’ sans conscience de soi-même. « L’en-soi n’a point de dedans qui

s’opposerait à un dehors […] L’en-soi n’a pas de secret : il est massif » (EN 32). Cette définitiondésigne un être solide sans capacité de réflexion et qui ne change pas : une chose qui est absolu-

ment contingente et dont l’existence reste incompréhensible pour le pour-soi et le hante (cf. EN

119).Ce pour-soi est caractérisé par sa conscience. Puisqu’il n’y a pas de « conscience en tant

que telle »2, il faut être conscientde quelque chose. La conscience n’existe donc pas a priori en

tant que ‘chose’ ou ‘être’ détaché du pour-soi réflexif, ce qui correspond à la thèse de Sartre quel’existence précède l’essence. Sans objet auquel se rapporter, la conscience est vide, car elle est

« intentionnelle, portée vers le monde ; elle révèle l’être »3. Ce dont le pour-soi est conscient, c’est

de nouveau l’en-soi. Il se rapporte à l’en-soi et il n’existe que par la constatation qu’il n’est pas

l’objet auquel il se rapporte4. Cette constatation est ce que Sartre appelle la néantisation. Celle-ci

s’applique pareillement au pour-soi lui-même, car le pour-soi en tant que conscience est ontologi-

quement défini par le « rapport à soi »5 dans le sens qu’il peut se représenter à soi-même. « L’être

de la conscience est un être pour lequel il est, dans son être, question de son être » (EN 110), mais

2 Galle, Roland. Der Existentialismus. Paderborn : Fink, 2009, p. 20. (Orig. : « das Bewußtsein an und für sich ») ; toutes lestraductions par S.M.3 Coorebyter, Vincent de. « Conscience ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré

Champion, 2004, pp. 104-105, ici p. 104.4 cf. Galle 2009 : 20.5 Tomès, Arnaud. « Petit lexique sartrien ». Dans:Cités, 2005/2, no 22, pp. 185-196, ici p. 193.

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cela uniquement « de manière irréfléchie »6, sans que la conscience soit « définie par sa capacité

de réflexivité »7. C’est dans ce sens que le pour-soi est caractérisé par une « relation avec soi ou

encore conscience de soi »8, sans être « pour autant identique à soi »9. La conscience est « fissuréede néant, présente à soi sous la forme d’une distance puisque conscience (de) soi »10. On peut

alors constater qu’« il faut qu’une conscience saisisse quelque chose comme pouvant être autre-ment qu’il n’est »11, ce qui comprend des êtres en-soi aussi que le pour-soi lui-même. En résume :

le « pour-soi n’a d’autre réalité que d’être la néantisation de l’être » (EN 663) dans le sens

qu’ « entre l’en-soi néanti et l’en-soi projeté, le pour-soi est néant » (EN 611).En plus, la conscience humaine est composée de la dualité de facticité et de transcendance.

La facticité de l’homme en tant que pour-soi est la « condition que la naissance impose du dedans

à la liberté »12. Bien que Sartre insiste sur le fait que l’homme « est totalement responsable de sonêtre » (EN 120), dans un certain sens, il « ne choisit pas sa position » (EN 119). Il se trouve face à

des faits constituant sa situation de vie dont le pouvoir de les changer lui échappe. Ceux-ci sont par exemple sa corporéité et son encadrement dans une situation historique spécifique et dans uneclasse sociale aussi que sa mortalité et sa dépendance aux autres13. « Le rapport du pour-soi […] à

la facticité peut être correctement dénommé : nécessité de fait » (EN 120) et c’est « [cette facticité

qui permet de dire [...] qu’il existe » (EN 119).La facticité comme la somme des « conditions définies invariables »14 comprend

également les actions achevées par le pour-soi dans le passé. Cela implique que le pour-soi, en

rétrospective, se constitue comme un être en-soi qu’il n’est plus vraiment. En même temps, lesactions du passé figées en facticité co-déterminent les possibilités d’action au présent15. Ces

possibilités en face desquelles se trouve le pour-soi à chaque moment de son existence sont ce que

Sartre appelle la transcendance. Le pour-soi est orienté vers le futur et se définit selon ses possibilités futures avec lesquelles il s’identifie à présent. La possibilité apparaît comme « ce qui

devrait être »16 et se présente au pour-soi comme un manque : « le ne-pas-être-identique du pour-soi avec son propre projet »17. La transcendance permet donc à l’être d’être (dans le sens de

s’identifier avec) ce qu’il n’est pas encore. La relation de ces deux pôles n’est pas seulement

constituée par l’accomplissement de l’existence comme une « consommation de la transcendance

6 Coorebyter 2004 (Dictionnaire Sartre) : 104.7 Ibid. 8 Tomès 2005 : 193.9 Coorebyter 2004 (Dictionnaire Sartre) : 105.10 Ibid. 11 Tomès 2005 : 188.12 Theau, Jean. La philosophie de Jean-Paul Sartre. Ottawa : Editions de l’Université d’Ottawa, 1977, p. 52.13 cf. Galle 2009 : 26.14 Lüthe, Rudolf. « Persona und mauvaise foi. Selbstsuche und Selbstflucht bei Jung und Sartre ». Dans: Bardt, Ulrike (Ed.). Jean-

Paul Sartre - ein Philosoph des 21. Jahrhunderts?,Darmstadt : WBG, 2008, pp. 101-111, ici p. 104, (Orig. : « unverfügbaren,festgelegten Bedingungen »).15 cf. Ibid.

16 Seel, Gerhard.Sartres Dialektik . Bonn : Bouvier Verlag Herbert Grundmann, 1971, p. 113, (Orig. : « Gesolltes »).17 Ibid. (Orig. : « Nicht-identisch-Sein des Pour-soi mit seinem eigenen Zukunftsentwurf »).

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par la facticité »18. Également, l’homme se trouve toujours quelque part entre les deux « sur le

mode d’être ce qu’il n’est pas et de n’être pas ce qu’il est » (EN 217).

Cette situation de l’homme entre les deux pôles est instable et précaire, donc difficile à ac-cepter, et l’homme cherche à échapper cette situation en se constituant en en-soi-pour-soi. Cela

veut dire que l’homme « désire être un en-soi qui serait son propre fondement et qui continuerait à

exister en tant que pour-soi après s’être fait »19. L’acte de néantisation du pour-soi par lui-même

en quête de l’être en-soi « est en effet assimilable à une révolte de l’en-soi qui se néantit contre sa

contingence » (EN 611). Mais cet idéal est inaccessible parce que cet « En -soi qui échappe à la

contingence » serait « l’Ens causa sui que les religions nomment Dieu » (EN 202).

Ce projet étant donc impossible et voué à l’échec, le pour-soi ne peut exister sous le mode

d’en-soi que s’il s’affecte de mauvaise foi ou par l’aliénation qui le rend en-soi-pour-autrui. Maistandis que la mauvaise foi, bien qu’inauthentique, constitue une possibilité d’échapper à

l’existence fragile, l’aliénation constitue un danger pour le pour-soi dans le sens qu’elle est« soumission à l’Autre » et donc « anéantissement de la liberté »20.

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Avant d’entrer dans les détails de ces notions évoquées ci-haut qui auront une importance primor-diale pour l’analyse duSaint Genet , il faudra consacrer quelques réflexions à la liberté sartrienne.

Ce concept subira un changement énorme dans le développement de la pensée de Sartre, une «

pensée qui se conteste elle-même »21. On peut voir cette évolution comme un « passage de la li- berté individuelle à la liberté sociale »22 qui trouve son aboutissement dans laCritique de la Rai-

son dialectique(1960) et dans laquelle leSG constitue un point décisif.Dans L’EN , la « liberté est absolue et sans restriction »23 elle est le principe de base de

l’existence humaine.La liberté humaine précède l’essence de l’homme et la rend possible, l’essence de l’être humain est ensuspens dans sa liberté. Ce que nous appelons liberté est donc impossible à distinguer de l’être de la« réalité humaine ». L’homme n’est point d’abord, pour être libre ensuite, maisil n’y a pas de différenceentre l’être de l’homme et son « être-libre » (EN 61 ; c’est moi qui souligne).

La liberté sartrienne y est aussi étroitement liée à la néantisation. Elle en est même « rigoureuse-ment assimilable » (EN 613), car « le seul être qui peut être dit libre, c’est l’être qui néantit son

être » (EN 613). Il semble que ce lien à la néantisation est l’aspect le plus stable dans l’évolutiondu concept de liberté chez Sartre dont il va beaucoup relativiser l’importance par la suite.

18 Lüthe 2008 : 105, (Orig. : « Aufzehren der Transzendenz durch die Faktizität »).19 Salzmann, Yvan.Sartre et l’authenticité. Vers une éthique de la bienveillance réciproque. Genève : Labor et Fides, 2000, p. 110.20 Mendonça, Cristina Diniz. « Raison et Résistance (Une relecture de L’Être et le Néant ) ». Dans: Münster, Arno et Wallet, Jean-William (Ed).Sartre: Le philosophe, l’intellectuel . Paris : L’Harmattan, 2006, pp. 97-124, ici p. 101.21 Sartre, Jean-Paul.Qu’est-ce que la littérature ?.Paris : Gallimard, 1948, p. 38.22 Sawada, Nao. « Liberté ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré Champion,

2004, pp. 289-290, ici p. 289.23 Ibid.

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Pourtant, « ’être libre’ ne signifie pas ‘obtenir ce qu’on a voulu’, mais ‘se déterminer à vouloir (au

sens large de choisir) par soi-même’ » (EN 528). Il ne s’agit donc pas d’une liberté sans fron-

tières, mais ce « concept […] signifie seulement : autonomie du choix » (EN 529). Dans L’EN« laliberté n’est rien d’autre qu’un choix qui se crée ses propres possibilités » (EN 612). Sartre

s’oppose dans L’ENà toutes formes de déterminisme, et en disant qu’« être libre c’est être con-damné à être libre » (EN 164) il dérobe la liberté de sa connotation de toute-puissance et lui con-

fère celle de la responsabilité. La liberté en tant que « conscience (d’) être l’auteur incontestable

d’un événement ou d’un objet » (EN 598) devient, pour le pour-soi, « accablante » puisque c’estlui qui « porte le poids du monde tout entier sur ses épaules » (EN 598). La liberté humaine se

manifeste en l’angoisse, c’est « la forme que prend cette conscience (de) liberté »24. En

s’appuyant sur Kierkegaard, Sartre explique que « la peur est peur des êtres du monde et quel’angoisse est angoisse devant moi » (EN 64). Selon Sartre, c’est l’omniprésence de la mort qui,

déterminant « cette situation déchirée, insoutenable qu’on appelle la condition humaine »25, pro-voque « le dévoilement même de notre liberté »26 et nous conduit à rechercher de l’authenticité denos actions et décisions. Dans La République du Silence(1944), Sartre va même jusqu’à affirmer

que « [j]amais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande »27. Pour le Sartre des

années 40, toute action résulte d’un choix fait par une liberté souveraine. Donc même l’inactivitéou « la plongée dans l’inauthentique [...] engage[nt] un libre choix »28.

Dans un entretien avec la New Left Review en 196929

Sartre réfute totalement cette conception dela liberté humaine en disant que son postulat que « dans toute circonstance, il y avait toujours un

choix possible […] était faux » (NO 40). Il va même jusqu’à ridiculiser sa pensée antérieure qui

aurait été celle d’un « individualiste égoïste » (NO 41) :L’autre jour, j’ai relu la préface que j’avais écrite pour une édition de ces pièces — « les Mouches », «Huis clos » et d’autres et j’ai été proprement scandalisé. J’avais écrit ceci : «Quelles que soient les cir-constances, en quelque lieu que ce soit, un homme est toujours libre de choisir s’il sera un traître ounon. »Quand j’ai lu cela, je me suis dit« C’est incroyable : je le pensais vraiment ! »(NO 40)

Il dit avoir entretemps « appris ‘la force des choses’» (NO 40) par « l’expérience de quelque

chose qui n’était pas ma liberté et qui me gouvernait du dehors » (NO 40). Dans ce contexte, ilsouligne l’importance de « l’expérience vraie, celle de la société » (NO 41) et du conditionnement

social qui déterminent levécu. Il voit maintenant l’homme comme « totalement conditionné parson existence sociale, mais cependant suffisamment capable de décision pour réassumer ce condi-

24 Jeanson, Francis. Le problème moral et la pensée de Sartre. Paris : Editions du Seuil, 1965, p. 166.25 Sartre, Jean-Paul. « La République du Silence ». Dans : Les Lettres françaises, no 20, 9 septembre 1944. Publié dans : Sartre, Jean-

Paul.Situations III. Lendemains de guerre. Paris : Gallimard, 1949, pp. 11-14, ici p. 12.26 Ibid. p. 11.27 Sartre 1944 : 11.28 Auclerc, Benoît. Lecture, réception et déstabilisation générique chez Francis Ponge et Nathalie Sarraute (1919-1958). Doctorat.

Université Lumière - Lyon 2, 2006, p. 5.29 Sartre, Jean-Paul. « Sartre par Sartre ». Nouvel Observateur , janvier – février 1970 (no 272), pp. 40-50, traduction de l’interview :

« Jean-Paul Sartre. Itinerary of a thought », New Left Review I/58, novembre - décembre 1969, ensuite abrégé par NO.

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tionnement et en devenir responsable » (NO 41). Dans cette nouvelle perspective, la liberté hu-

maine perd du poids. Elle n’est plus absolue et totale, mais contextualisée et en interaction perma-

nente avec la facticité et le social. Sartre la décrit comme « ce petit mouvement qui fait d’un êtresocial totalement conditionné une personne qui ne restitue pas la totalité de ce qu’elle a reçu de

son conditionnement » (NO 41). L’homme reste responsable de ses actions, mais le social inter-vient comme facteur intermédiaire : « chacun est toujours responsable de ce qu’on a fait de lui —

même s’il ne peut rien faire de plus que d’assumer cette responsabilité » (NO 41). Sartre voit un

processus dialectique d’intériorisation par l’individu des « déterminations sociales » (NO 41)30 suivi par une re-extériosation de celles-ci « dans des actes et des choix qui nous renvoient néces-

sairement à tout ce qui a été intériorisé » (NO 41).

Il se produit donc un changement dans la conception sartrienne de la liberté en faveur dusocial auquel il accordera beaucoup plus d’importance. LeSaint Genetnous servira par la suite

comme illustration de ce changement.

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Maintenant, nous allons aborder le dernier domaine des notions clefs qui nous semble importantdans notre contexte et qui concerne l’intersubjectivité et les relations du pour-soi aux autres. Au-

trui est essentiel pour l’ontologie de Sartre parce qu’il constitue le ‘miroir’ de l’être pour-soi sanslequel celui-ci ne peut s’apercevoir que de l’intérieur.

L’idée de base concernant les relations intersubjectives, donc entre plusieurs êtres pour-soi, est que ceux-ci s’aperçoivent réciproquement comme des êtres en-soi. Un pour-soi, tout ensachant que l’autre (pour-soi) dispose d’une conscience similaire à la sienne, ne le voit que

comme un être qu’il n’est pas lui-même : un en-soi. Comme le pour-soi ne peut pas entrer dans la

conscience de l’autre, celle-ci reste abstraite pour lui. Ce raisonnement se déroule réciproquementet l’Autre n’est pour le pour-soi que le regard par lequel le pour-soi devient pour-autrui.

Sartre énumère les « réactions subjectives au regard d’autrui que sont la peur (sentiment

d’être en danger devant la liberté d’autrui), la fierté ou la honte (sentiment d’être enfin ce que je

suis, mais ailleurs, là -bas pour autrui), la reconnaissance de mon esclavage (sentiment de

l’aliénation de toutes mes possibilités) » (EN307).

Dans le sens positif, « il m’est toujours possible de faire converger deux regards, le mienet celui d’autrui » (EN 92). L’autre me permet « de me rapporter à moi même, de me déterminer

comme objet de jugements »31 quand je (le pour-soi) essaie de me voir à travers son regard. La

30 Il y nomme « les rapports de production, la famille de son enfance, le passé historique, les institutions contemporaines », donc lesfacteurs qui déterminent la facticité dans L’EN , les conditions dans lesquelles l’homme est ‘jeté’ à sa naissance.

31 Kampits, Peter.Sartre und die Frage nach dem Anderen. Wien : Oldenburg, 1975, p. 45, (Orig. : « zu mir selbst eine Stellungeinzunehmen, mich als Gegenstand von Urteilen zu bestimmen »).

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seule connotation positive du regard dans la conception de Sartre est que le pour-soi peut essayer

d’assumer la perspective l’autre pour se voir soi-même.

Mais surtout, le regard des autres provoque des sentiments négatifs comme la peur ou lahonte qui est dans sa structure hontede quelque chosedevant quelqu’un : « J’ai honte de moi tel

que j’apparais à autrui » (EN 260). L’image que les autres doivent se faire de moi n’est basée quesur ma facticité, sur ce qu’ils voient. Ils me dérobent ainsi de ma transcendance et je ne suis plus

ce que je ne suis pas : « Cette limite à ma liberté est, on le voit, posée par la pure et simple exis-

tence d’autrui, c’est-à-dire parle faitque ma transcendance existe pour une transcendance. » (EN570) La formule célèbre « L’enfer, c’est les Autres » de Huis clos(1943) se réfère à cette menace

(pourtant nécessaire) que constituent les autres pour le sujet. Le fait que « [l]’essentiel de ce que je

sais de mon corps vient de la façon dont les autres le voient » (EN255) est menaçant parce que :Autrui meregardeet, comme tel, il détient le secret de mon être, il sait ce que je suis; ainsi, le sens pro-

fond de mon être est hors de moi, emprisonné dans une absence ; autrui à barre sur moi. (EN 403)Sartre précise qu’il n’est pas possible d’échapper à son être-pour-autrui, car je dois forcément me

situer par rapport à ces caractérisations que m’imposent les autres : « […] je ne puis saisir ces

caractères […] que si je leschoisis. […] [B]ien que je dispose d’une infinité de manièresd’assumer mon être-pour-autrui, jene puis pas ne pas l’assumer » (EN 612).

C’est pour cette raison que l’Autre peut être un facteur crucial pour l’aliénation du pour-soi. On peut résumer cette problématique sous la formule « aliénation = soumission à l’Autre =

anéantissement de la liberté »32. L’aliénation est un « processus de chosification par inter-

subjectivité »33 dans le sens d’« exister comme forme en soi pour l’autre » (EN 583). Cette réifica-tion par l’autre en «être-regardé »(EN 302) revient à une « perte de sa propre identité »34 du

pour-soi, car il n’a plus accès à ses possibilités et à sa transcendance (cf. EN 304), par lesquelles il

a cherché à se définir soi-même.Il faut néanmoins préciser que la plupart des hommes se retrouvent regardés par autrui la

plupart du temps. Sommes-nous donc tous aliénés ? Oui et non. L’aliénation est un « caractère

essentiel de toute situation en général » (EN 570) et il est donc vrai que « [n]ous ne pouvons

échapper à cette aliénation, puisqu’il serait absurde de songer même à exister autrement qu’ensituation » (EN 570). Mais Sartre précise que l’aliénation échappe au pour-soi par principe (cf.

EN 570), car elle est « l’extériorité même de la situation, c’est-à-dire son être-dehors-pour-1’autre » (EN 570). Ma « situation aliénée […] et mon propre être-aliéné ne sont pas objective-

ment décelés et constatés par moi ; […] tout ce qui est aliéné n’existe que pour l’autre» (EN

571), car l’autre « ne me constitue pas comme objet pour moi-même, mais pour lui» (EN 314).Donc même si l’autre fait et prononce des jugements sur des qualités ou propriétés de caractère

32 Mendonça 2006 : 101.33 Ibid. p. 100.34 Ibid. p. 102.

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que j’aurais à son avis, je ne peux pas me les approprier d’une façon totale. « [J]e n’aurai jamais

une intuition concrète de ma méchanceté ou de ma jalousie » (EN 423). Cela n’empêche pas que

« je rencontre ici tout à coup l’aliénation totale de ma personne : je suis quelque chose que je n’ai pas choisi d’être. » (EN 569). Sartre a donc, dans L’EN , une vision plutôt négative de la société ou

de la communauté : « l’appartenance au nous-objet est sentie comme une aliénation plus radicaleencore du pour-soi puisque celui-ci n’est plus seulement contraint d’assumer ce qu’il est pour

autrui, mais encore une totalité qu’il n’est pas, quoiqu’il en fasse partie intégrante. » (EN 459)

Un autre concept qui est intéressant dans notre contexte, c’est la mauvaise foi. D’une part, plu-

sieurs auteurs voient Genet comme étant de mauvaise foi35. Et d’autre part parce qu’elle « permet

ainsi d’expliquer le mensonge à soi sans recourir à l ’hypothèse erronée, d’après Sartre, del’inconscient, donc sans briser l’unité de la conscience. »36

La mauvaise foi est la « non-atteinte subjective de l’authenticité »37 ou de la sincérité dontla maxime « il faut être ce qu’on est » (EN 93) est « une tâche impossible à remplir » (EN 97). Cetidéal de la coïncidence du pour-soi avec son être est lui-même de mauvaise foi38. On peut pourtant

contourner cela en « avouant quelque chose de négatif que je suis »39 et en procédant à un chan-

gement : « L’homme sincère se constitue comme ce qu’il est pour ne l’être pas » (EN 100).La mauvaise foi est donc une conduite humaine au moyen de laquelle l’homme cherche à

dissimuler la réalité sans pourtant procéder à la néantisation salutaire. Hartmann la définit comme

prise de position négative de la conscience vers elle-même40

. La mauvaise foi est « le fait de ne pas vouloir admettre la nécessité de la facticité humaine, elle est l’esquive de ce quiest . »41

Et c’est également l’Autre qui interviendra par son regard dans le projet de mauvaise foi.

L’enfer des autres est qu’ils nous forcent à la reconnaissance de nous-mêmes. Par leur simple présence, ils « mettent à nu la divergence entre notre projet et notre réalité existentielle »42 et la

mauvaise foi « casse sous le regard des autres »43. L’autre, sans rien faire, devient l’instance desurveillance qui me juge et qui, à chaque instant, peut éventer mon projet de mauvaise foi. Ceci

sera cardinal pour l’analyse du Genet qui sera exposé à ce regard d’une manière particulière. De

plus, la notion de l’authenticité est intrinsèquement liée à celle de la conversion qui sera d’uneimportance primordiale pour la compréhension duSaint Genet 44.

35 Dont Sartre lui-même, cf. par exemple le chapitre « Je est un autre » du SG, p. 165 et 169 ; cf. aussi : Uvsløkk, Geir. Jean Genet:Une écriture des perversions. Amsterdam / New York : Rodopi, 2011, p. 57.

36 Tomès 2005 : 192.37 Galle 2009 : 23, (Orig. : « subjektive Verfehlung von Authentizität »).38 cf. Hartmann, Klaus. Die Philosophie J.-P. Sartres. Berlin : Walter de Gruyter & Co, 1983, p. 52.39 Ibid. (Orig. : « Eingeständnis von etwas Negativem, das ich bin »).40 cf. Ibid. 41 Pollmann, Leo.Sartre und Camus. Stuttgart [et al.] : W. Kohlhammer GmbH, 1967, p. 18, (Orig. : « ein Nicht-wahrhaben-Wollen

der Bedingtheit des Menschen […], ist Ausweichen vor dem, wasist »).42 Lüthe 2008 : 110, (Orig. : « Offenlegung […] der Diskrepanz zwischen unserem Entwurf und unserer existenziellen Realität »).43 Ibid. (Orig. : « zerbricht unter den Blicken der Anderen »).44 cf. Wormser 2004 (Dictionnaire Sartre ‘Conversion’) 108 : « La ‘conversion’ fait l’objet de la partie la plus aboutie dans la

rédaction desCahiers pour une morale.C’est au terme de sa réflexion sur la conversion qu’il en interrompt l’écriture, et les

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3) La méthode de la psychanalyse existentielle

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Si Sartre estime nécessaire d’élaborer une nouvelle approche psychanalyste, c’est qu’il juge les

méthodes existantes insuffisantes et fautives. Nous allons donc résumer brièvement les défautsmajeurs que Sartre voit dans d’autres approches.

Sartre s’oppose surtout à ce qu’il appelle la « psychanalyse empirique » (cf. EN 602 sqq.).

Il est convaincu que celle-ci est insuffisante pour comprendre l’homme, car elle se contente de

livrer « des données premières inexplicables » (EN 605) en arrêtant son investigation avantd’arriver à « ce qu’il faudrait expliquer » (EN 603). Sartre voit cette psychanalyse comme « un

déterminisme […] anti-historique »45. Il refuse aussi le concept de l’inconscient en tant que tel,

pour la raison que cette notion «se dérobe par principe à l’intuition du sujet » (EN 616) qui est

selon Sartre bien capable de reconnaître son projet originel quand il lui est dévoilé par une« élucidation psychanalytique »46.

La façon dont Sartre conçoit l’ontologie de l’homme et les possibilités de comprendrecelui-ci le conduit à exclure de son approche également les démarches suivantes. Il s’oppose au

postulat de l’universalité des propriétés et des désirs et donc à l’idée que l’homme concret serait

une pure combinaison de traits universaux,comme une «intersection de schèmes universels »(EN 603). Dans toute tentative de compréhension de l’homme concret, il faudra selon Sartre éviter

le plus possible l’abstraction : « Valéry est un intellectuel petit -bourgeois, cela ne fait pas dedoute. Mais tout intellectuel petit-bourgeois n’est pas Valéry »47. Sartre refuse « de considérerl’homme comme analysable et comme réductible à des données premières, à des désirs (ou

‘tendances’) déterminés, supportés par le sujet comme des propriétés par un objet » (EN 606).Dans ce même sens, Sartre réfute l’idée que l’on pourrait reconduire le concret au général, la pure

description empirique et la classification ne pouvant « nous donner que des nomenclatures et nous

mettre en présence de pseudoirréductibles » (EN 614). Il voit dans cette généralisation le problème majeur de la science qu’il nomme « fuite de concepts », car par exemple « la lumière

[et] l’énergie sont des concepts abstraits »48. Sartre identifie le besoin d’introduire un élément

dialectique dans la démarche pour accomplir « le passage de l’abstrait au concret »49 dont lemouvement serait « en sens inverse de celui de la science. »50

difficultés rencontrées seront mises à l’épreuve dans l’écriture deSaint Genet comédien et martyr. »45 Sartre, Jean-Paul. Les Cantets de la drôle de guerre.Paris : Gallimard, 1983, p. 365, cité dans : Deguy, Jacques.Sartre : une

écriture critique. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2010, p. 50.46 Vauday, Patrick. « Psychanalyse existentielle ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris :

Honoré Champion, 2004, pp. 400-401, ici p. 400.47 Sartre, Jean-Paul.Critique de la raison dialectique. Paris: Gallimard, 1960, p. 53. 48 Sartre, Jean-Paul. « Matérialisme et révolution ». Dans :Situations III . Lendemains de guerre. Paris : Gallimard, 1949, pp. 135-

176, ici p. 153.49 Ibid. 50 Ibid.

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Sartre oppose à ces méthodes insuffisantes la psychanalyse existentielle qui a pour but de « rendre

compte des phénomènes psychiques par d’autres outils que l’inconscient, les complexes et la

censure »51 et en évitant les erreurs méthodologiques évoquées ci-dessus.

Dans ce contexte, il convient d’abord de rappeler brièvement en quoi une méthodeconsiste en général. Une méthode (gr. µ!" -#$#%, suivre un chemin) sert très généralement à

expliquer quelque chose de manière consistante et transparente. Elle doit être systématique, avoirun point de départ, un objectif et une procédure d’application bien définis en avance52. Nous

allons décrire la méthode de Sartre selon ces critères établis en essayant de dégager les enjeux et

problèmes qu’elle comporte.L’herméneutique, dans le champ de laquelle Sartre situe sa démarche, diffère dans sa

méthode des sciences naturelles. Elle cherche à dégager le sens de son objet d’étude qui est le plus

souvent une œuvre écrite. Elle est historiquement théologique et dogmatique jusqu’à ce queSchleiermacher la définisse commel’art de comprendre53. Comme le fera Sartre, les théoriciensde cette ligne de recherche postulent que l’on peut appliquer cette méthode à d’autres objets, dans

le cas de Sartre à des personnes, mais qu’on ne peut les comprendre sans les situer dans leur vécuet leur contexte historique54.

La psychanalyse existentielle est une méthode herméneutique « d’investigation du pour-soi »55 dont le but est de« comprendre l’homme en tant qu’être conscient, c’est -à -dire en tant que

liberté singulière en situation »56

. L’homme est considéré comme « une totalité » (EN 614)concrète et singulière. Il s’agit de l’analyse d’un seul individu à la fois, à un moment précis de sonexistence. Étant donne qu’« il y a une infinité d’hommes possibles » (EN 609), il ne peut alors y

avoir que des « enquêtes individuelles » (EN 609). Sartre exclut toute applicabilité universelle de

sa méthode qui devra être adaptée en mesure de chaque individu sur lequel on s’interroge : « ils’agit ici de comprendre l’individuel et souvent même l’instantané » (EN 619).

Dans son approche, Sartre part du principe que « la réalité-humaine […] s’annonce et se

définit par les fins qu’elle poursuit » (EN 602). En conséquence, il faudra examiner « le pour-soique sous l’angle de son libre projet, c’est-à-dire de l’élan par lequel il se jette vers sa fin » (EN

602). Il faut alors prendre en compte unedimension future de l’homme et voir celui-ci comme

« un être qui pose et réalise des projets particuliers par son incarnation propre »57. C’est-à-direqu’il n’y a pas de différence entre le pour-soi, sa conscience, sa liberté et ses projets.

51 Deguy, Jacques.Sartre : une écriture critique. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2010, p. 14.52 cf. Seiffert, Helmut. Einführung in die Hermeneutik. Die Lehre von der Interpretation in den Fachwissenschaften. Stuttgart: UTB,

1992, pp. 17-34.53 Schleiermacher, Ernst Friedrich. Hermeneutik und Kritik , Berlin : Suhrkamp, 1977, p. 75 sqq.54 cf. Ibid .55 Tomès 2005 : 195.56 Salzmann 2000 : 109.57 Ibid .

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Nous avons déjà évoqué que « le projet fondamental premier de chaque homme est originellement

projet d’avoir une essence, en d’autres termesdésir d’être »58 qui est « la structure fondamentale

de tout existant »59 dont partira la méthode de Sartre.

C’est à ce point que Sartre introduit la notion duchoix originel que la « psychanalyseexistentielle cherche à déterminer » (EN 614). Nous avons déjà souligné l’importance du choix

pour Sartre sur laquelle il continue à insister : « pour la réalité-humaine, il n’y a pas de différenceentre exister et se choisir » (EN 618). En conséquence, on ne peut pas concevoir ce choix comme

une décision « qui résulterait d’un calcul de la raison »60 ni dire « que l’être lui préexiste »61. Il

peut sembler paradoxal que « la liberté, au moment où elle ‘se prend’, s’inscrit dans un destin ;c’est sa ‘nature’ qu’elle choisit »62, vu que c’est la personne qui fait le choix et qui en même

temps et complètement déterminée par celui-ci. Mais pour Sartre, chaque être pour-soi ne fait pas

ce choix, il l’est . C’est le «choix fondamental que chaque individu est amené à faire de sonêtre »63, « par lequel chaque personne se fait personne » (EN 620) et qui détermine son « attitudefondamentale en situation » (EN 615). La méthode de la psychanalyse existentielle cherche à

dégager ce choix qui détient « le secret individuel de son être-dans-le-monde » (EN 609).De cette vision de l’homme comme totalité suit nécessairement que le projet originel

« s’exprime dans chacune de nos tendances empiriquement observables » (EN 610). Celles-cientretiennent des « rapports de symbolisation […] avec des structures fondamentales et globales

qui constituent proprement la personne » (EN 615).C’est donc ce choix originel que la psychanalyse existentielle cherche à dégager, puisque celui-ci« ramasse en une synthèse prélogique la totalité de l’existant et, comme tel, il est le centre de références d’une infinité de

significations polyvalentes » (EN 615).

Il y a là une différence majeure de la méthode de Sartre par rapport à d’autres. Puisquec’est l’homme qui se choisit lui-même, la psychanalyse existentielle est non-causaliste. Elle ne

réduit pas l’homme au rapport ‘cause-effet’ déterministe, mais cherche à dégager le rapport fon-

damental de l’homme au monde qui est toujours établi par le pour-soi lui-même. Le choix originelest un « choix subjectif […], il précède tous les événements de notre histoire, qui pourra ainsi être

lue comme la conséquence de ce choix. »64 Il faut préciser que Sartre, tout en concevant ce choix

comme constituant la personne, ne le pose pas comme irrévocable. L’homme étant libre à chaqueinstant de se choisir soi-même et donc également de se nier, le pour-soi est tout à fait à même de

58 Ibid. p. 109-110.59 Ibid. p. 111.60 Tomès, Arnaud. « Choix ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré Champion,

2004, pp. 88-89, ici p. 88.61 Vauday 2004 (Dictionnaire Sartre) : 401.62 Simont, Juliette. « Le choix originel : destin et liberté », Les Temps Modernes, no 674-675, « Sartre avec Freud », Gallimard,

2013/3-4, pp. 68-93, ici p. 79.63 Tomès 2005 : 195.64 Tomès 2004 (Dictionnaire Sartre) 88.

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changer son choix originel : « le choix est vivant et, par suite, peut toujours être révoqué par le

sujet étudié » (EN 618), ce qui confirme la thèse de l’instantanéité de l’analyse sartrienne.

Mais pour changer quelque chose, ne faut-il pas le connaître ? La question saute aux yeuxsi le pour-soi est conscient de son choix originel. S’il n’en est pas conscient, pourrait-on dire que

Sartre admet l’existence d’un inconscient ? Non. Pour expliquer ce décalage entreêtre etconnaître, cet « écart entre le vécu et le connu »65, il faut souligner la différence entre la

conscience de soi et la connaissance de soi qu’établit Sartre. Selon lui, la conscience a une

structure de fissure qui permet à l’individu de se voir à la fois comme un sujet et comme un objet.En s’objectivant, le pour-soi peut se connaître comme objet, mais c’est une perspective

insuffisante pour lui, dans la mesure où elle le force à omettre sa transcendance. Mais de l’autre

côté, Sartre postule que l’on ne peut pas se connaître pleinement en tant que sujet. Laconnaissance de soi-même en tant que sujet est donc impossible, puisque tout ce qu’on peut

connaître est à l’extérieur de soi-même. Il y a donc une différence considérable entre conscienceet connaissance et on peut justement être conscient de soi sans se connaître, car la « consciencen’est pas d’abord pour Sartre réflexion mais projection »66.

C’est pour cette raison que la méthode de la psychanalyse existentielle est objectivante et

ne peut être appliquée à un sujet que par un autre ou au moins par une prise de distance suffisante par laquelle j’essaie de me voir avec le regard de l’autre. Bien sûr, le pour-soi peut essayer de

réfléchir à propos de soi-même et son choix originel. Mais il faut admettre que même si[...] la réflexion peut être considérée comme une quasi-connaissance […] ce qu’elle saisit à chaqueinstant, ce n’est pas le pur projet du pour-soi tel qu’il est symboliquement exprimé […] c’est lecomportement concret lui-même, c’est-à-dire le désir singulier et daté (EN 615).

Ce comportement instantané et éprouvé consciemment, « loin d’être la cause et la clé de sa

conduite […] n’est qu’un des aspects qui permet d’interroger le choix d’être plus profond et plus

entier qui inspire et unifie toute la vie »67 d’un individu. C’est pour cela que Sartre souligne que« l’interprétation psychanalytique ne lui fait pas prendre conscience de ce qu’il [le pour-soi] est :

elle lui en fait prendre connaissance » (EN 620) pour qu’il puisse acquérir « pleine disposition de

lui-même pour se choisir en connaissance de cause »68.

Pour comprendre ce que Sartre entend par « se choisir en connaissance de cause », ilfaudra revenir à la notion de l’authenticité et son rapport avec laconversion. La conversion est un

concept que Sartre développe surtout à partir desCahiers pour une moralequ’il rédige à partir de1947. Dans L’EN il en est peu question à part de quelques évocations brèves d’une «conversion à

l’authenticité » (EN 285) qui serait une « brusque métamorphose de mon projet initial, c’est -à -dire par un autre choix de moi-même et de mes fins » (EN 509). Donc il s’agit à la fois d’un

65 Vauday 2004 (Dictionnaire Sartre) : 400.66 Ibid. p. 401.67 Ibid. p. 401.68 Ibid. p. 401.

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changement de projet originel et d’un rapprochement vers l’authenticité. Ce détournement n’est

pourtant pas un synonyme de laquête de l’authenticité, il en est plutôt le contraire :

« l’authenticité consiste à refuser la quête de l’être, parce que je ne suis jamaisrien »69. Sartreexplique que « la conversion est le dépassement du donné non vers une amélioration matérielle,

mais par la mise en question de toute situation comme situation d’aliénation et de toute justification de mauvaise foi ».70 C’est «la liberté par laquelle une conversion devient possible

»71. En passant par la « reconnaissance et l’acceptation de sa propre contingence »72, le pour-soi va

« renoncer à identifier le Bien à l’en-soi-pour-soi »73. Il transformera son projet initial en

« ouverture d’une relation au monde qui ne se situe pas dans l’ordre d’un quelconque jugement,

mais dans celui de l’action. »74 Son nouveau projet sera un « projet de dévoilement et de

création »75 comme celui de Jean Genet. La conversion est alors un motif de base duSG où Sartre

décrit les métamorphoses de Genet :La « conversion» fait l’objet de la partie la plus aboutie dans la rédaction desCahiers pour une morale.C’est au terme de sa réflexion sur la conversion qu’il en interrompt l’écriture, et les difficultésrencontrées seront mises à l’épreuve dans l’écriture deSaint Genet comédien et martyr .76

Puisque l’acceptation de sa contingence par l’individu est nécessaire pour la conversion de celui-

ci. Et puisque l’empirique constitue la base d’analyse de la méthode de Sartre, il est nécessaire de prendre en compte la situation particulière de l’individu contingent. La liberté se trouve ainsi tou-

jours encadrée et « mon choix originel […] n’est rien d’autre que le choix de moi-même comme

totalité en ces circonstances » (EN 609). Néanmoins, même si Sartre évoque la situation donnée

de l’individu comme constituante, il explicite que la psychanalyse existentielle[…] renonce par là même à supposer une action mécanique du milieu sur le sujet considéré. Le milieune saurait agir sur le sujet que dans la mesure exacte où il le comprend, c’est-à-dire où il le transformeen situation (EN 618).

Il admet donc des conditions contingentes dans lesquelles se fait l’être-au-monde du pour-soi,mais il ne considère pas dans L’EN le milieu social comme une influence première sur l’individu :

« L’Être et le Néant montre avant tout que rien ne peut venir déterminer en extériorité un tel choixde moi-même - ni ma place, ni mon passé, ni mes entours, ni mon prochain, ni même ma mort. »77

Mais le rapport au monde qui est déterminé par le choix originel inclut nécessairement les rela-tions aux autres et donc le social. Simont explique que le choix originel est aussi tracé par le so-

69 Sartre, Jean-Paul.Cahiers pour une morale. Paris: Gallimard, 1983, p. 492.70 Ibid. 489.71 Wormser, Gérard. « Cahiers pour une morale ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris :

Honoré Champion, 2004, pp. 71-74, ici p. 73.72 Salzmann, Yvan. « Authenticité ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré

Champion, 2004, pp. 47-48, ici p. 47.73 Cabestan, Philippe. « Authenticité et mauvaise foi. Que signifie ne pas être soi-même »? Dans: Les Temps Modernes, juillet-

octobre 2005 (no 632-634), « Notre Sartre, pp. 604-625, ici p. 618.74 Wormser, Gérard. « Conversion ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré

Champion, 2004, pp. 108-109, ici p. 109.75 Cabestan 2005 : 621.76 Wormser 2004 (Dictionnaire Sartre, « Conversion ») : 108.77 Ibid. p. 109.

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cial, qu’il existe entre eux une influence réciproque. Ce sont les conditions de naissance ainsi que

les parents qui confèrent à la vie de tout nouveau-né une fatalité (qui n’est pas synonyme du dé-

terminisme, plutôt son contraire temporel78) à laquelle il ne pourra échapper même s’il y échappe.

Pour conclure ce chapitre, il convient d’évoquer le fait que, dans son œuvre biographique, Sartretraite presque exclusivement des écrivains, « comme si la psychanalyse existentielle avait pour

vocation exclusive la compréhension de cette frange statistiquement fort étroite de la réalité

humaine que constituent les écrivains. »79 Cela est certainement un choix qui relève de son intérêt pour l’écriture ainsi que pour ces écrivains précis. Il affirme que ce « qui est intéressant c’est la

naissance de la décision d’écrire » (NO 50) et sa fascination pour Flaubert par exemple est

présente dès le début de son œuvre. Mais il faut également ajouter que le choix de personnagesdont Sartre écrit les biographies est étroitement lié à sa démarche herméneutique et au fait que les

œuvres littéraires constituent les sources d’interprétation biographique principales dans cetteapproche. La psychanalyse existentielle « ne conçoi[t] pas l’œuvre indépendamment de la viedans laquelle elle prend sens »80. Le fait que Sartre abandonne ses projets de biographies

existentielles des hommes politiques corrobore la thèse de la « vocation proprement littéraire de

cette herméneutique qui inclut dans ses moyens d’investigation […] les éléments d’une critiquelittéraire ordinaire. »81 Par conséquent, on pourrait supposer qu’il s’agit pour Sartre de « raconter

des vies des gens qui racontent des vies »82. Pourtant, il serait très utile dans ce contexte de revenir

à la conception de Sartre de l’imaginaire. Il affirme que chaque « écrivain est toujours un hommequi a plus ou moins choisi l’imaginaire » (NO 45). En conséquence, on pourrait soutenir la thèse

selon laquelle la méthode existentielle porte notamment sur les manifestations de l’imaginaire

traçables dans le monde, donc par des œuvres écrites ou d’autres formes d’art.

4) Le Saint Genet

Dans notre analyse duSaint Genet , nous allons nous concentrer sur deux points : l’importance dusocial qui a nettement augmentée dans la pensée de Sartre depuis L’EN ainsi que le motif du

drame constituant et son rapport avec le choix originel. Mais tout d’abord, il convient de parler de

la structure du livre.Essentiellement, Sartre conçoit leSaint Genet comme « l’histoire d’une libération » (SG

645) qui s’opère en trois étapes ou conversions: « Trois métamorphoses ont lieu : Genêt se

78 cf. Simont 2013 : 75: « Au contraire du déterminisme, le destin ou la fatalité ne sont pas [...] incompatibles avec la liberté. […] lefatalisme […] est le contraire du déterminisme : le premier est régi par le passé, alors que c ’est l’avenir qui gouverne lesecond ».

79 Deguy 2010 : 25.80 Vauday 2004 (Dictionnaire Sartre) : 401.81 Deguy 2010 : 26.82 Bourgault, Jean dans » : Les biographies existentielles, Table ronde dans le cadre de la Nuit Sartre à l’ENS en 2013. (00:00:41)

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change en voleur (de l’acte au geste), en esthète (du geste au mot), puis en écrivain (du mot à

l’œuvre) »83. Dans le cadre de ce travail, nous allons nous centrer sur la première métamorphose

et sur le « drame originel »84 du jeune Genet.Sartre procède de manière chronologique – de l’enfance à l’âge adulte – mais il revient

constamment à l’enfance, parce que le passé est le vecteur temporel par lequel Genet se définitselon Sartre. Il ferait partie de « cette famille d’esprits qu’on nomme aujourd’hui du nom barbare

de ‘passéistes’. Un accident l’a buté sur un souvenir d’enfance et ce souvenir est devenu sacré »

(SG 9). Ce rivage au passé constitue une innovation dans l’œuvre de Sartre qui décrit la structuredu pour-soi dans L’EN comme essentiellement centrée sur le futur, sur la transcendance. Il semble

donc que Genet est beaucoup plus centré sur sa facticité et son être en-soi. Cette « inversion du

temps » (SG 115) a pour conséquence que Genet ne veut pas dépasser son passé et au contraireinsiste à revire ce qui lui a fait honte (qui est donc une hontedevant quelqu’unde quelque chose, a

priori moi-même). Cela est également décisif pour le projet d’écriture de Genet, car il « n’aura decesse de nourrir sa propre légende et de recourir à son passé »85. Sartre, dont les sources principales ont été les œuvres de Genet ainsi que des conversations avec lui, retrace alors cette

légende sous plusieurs angles et points de vue. Mais il revient constamment, presque d’après une

forme de spirale dialectique (au moins quand il est question de la première conversion), à cedrame fondateur qui a si profondément marqué l’enfance et tout le parcours de Jean Genet.

Il convient en plus d’évoquer que, dans leSG, Sartre doit faire face à ce problème

méthodique de chaque projet de biographie qui consiste dans le fait qu’il s’agit forcément de lareconstitution rétrospective d’une relation de faits contingents qui sont peut-être moins liés entre

eux qu’il ne le semble. Sartre, étant tout à fait conscient de cet enjeu, se soucie alors fort peu de la

vérité de ses reconstructions : « Cela s’est passé ainsi ou autrement. […] Peu importe » (SG 26). Ilest donc évident que Sartre «vise la vérisimilitude plutôt que la vérité »86 et il adopte donc dans ce

SGcette méthode herméneutique exposée auparavant :Si nous voulons comprendre cet homme et son univers, il n’est pas d’autre moyen que de reconstruiresoigneusement, à travers les représentations mythiques qu’il nous en donne, l’évènement originel. Laméthode s’impose ; par l’analyse des mythes rétablir les faits dans leur signification vraie. (SG 13)

Avant de commencer l’analyse proprement dite, il faut accorder une remarque àl’avis courant queSartre utilise les personnages dont il écrit la biographie comme illustration de sa propre pensée philosophique. Comme l’affirme Bruno Clément, « ses biographies se ressemblent toutes »87, il ya des notions clefs qui reviennent comme le choix originel, la liberté, la conversion, le salut parl’art, la mauvaise foi, etc., et en fin de compte « Genet ressemble à Baudelaire »88. Mais tout en

83 Bendhif-Syllas, Myriam.Genet, Proust: chemins croisés. Paris : Paris : L’Harmattan, 2010, p. 43.84 Coorebyter, Vincent de. « Prière pour le bon usage du Saint Genêt : Sartre, biographe de l’aliénation » , Les Temps Modernes,

juillet-octobre 2005 (no 632-634), « Notre Sartre », pp. 106-139, ici p.110.85 Bendhif-Syllas 2010 : 47.86 Flynn, Thomas dans : « Les biographies existentielles »,Table ronde dans le cadre de la Nuit Sartre à l’ENS en 2013, (00:41:26).87Clément, Bruno dans : « Les biographies existentielles »,Table ronde dans le cadre de la Nuit Sartre à l’ENS en 2013. (00:10:52)88 Ibid . (00:12:26)

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admettant l’existence des parallèles et des motifs récurrents, leSaint Genet n’est pas tout à fait« l’épopée ordinaire du héros sartrien […]. Avec ce livre, quelque chose d’autre se passe. Genêt y

est celui qui accomplit […] cette opération dont il est tout à la fois objet et sujet […] de s acraliserson hétérogénéité dans une société homogène »89. Cette référence à la société comme pôle

d’opposition est déjà un indice pour l’importance accrue du social dans leSG.

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Nous en venons donc au rôle plus décisif que joue le milieu dans le Saint Genet . La prise en

compte par Sartre de la situation familiale de l’individu est une nouveauté par rapport à L’EN , où

il n’en parle que très peu. Il y range « notre appartenance à la famille » (EN 558) parmi lescirconstances contingentes de la naissance, mais ne confère pas autant d’importance aux détails de

cette situation. Il est évident que Sartre n’est plus d’avis que la société n’a pas d’influence sur

l’individu que s’il se laisse faire.Il faut bien préciser que tout en critiquant la psychanalyse traditionnelle, Sartre ne renonce

pas pour autant à l’importance de l’enfance. DansQuestions de Méthode, il admettra que « c’est

l’enfance qui façonne des préjugés indépassables, […] qui fait ressentir […] l’appartenance aumilieu comme un événement singulier »90. La famille est désormais considérée « le point

d’insertion de l’homme dans sa classe »91 et la « médiation entre la classe universelle et l’individu

»92. Sartre explique que c’est « dans la profondeur et l’opacité de l’enfance »93 que l’on peut« retrouver l’homme entier dans l’adulte »94, parce qu’« un enfant, dans le noir, à tâtons, va tenter

de jouer sans le comprendre le personnage social que les adultes lui imposent »95. Le retour

permanent à l’enfance qu’entreprend Sartre dans leSG confirme l’importance de celle-ci danstoute enquête psychanalyste et constitue un élément prémonitoire pour cette position révisée dans

Questions de Méthode.Par contre, il nous semble que cette influence formatrice du milieu serait passée inaperçue

si cela avait été le milieu auquel Genetappartient . Le rapport au milieu et l’intériorisation de

celui-ci deviennent problématiques dans le cas de Genet uniquement parce que ce n’est pas le sien

et parce qu’il le sait bien, tout en essayant de s’y conformer.Ce qui fait de Genet un cas particulier, c’est donc l’absence du vecteur familial. Genet n’a

pas de famille proprement dite « puisque la famille d’un orphelin ne peut être directementconstituante »96 et il est arrivé dans sa famille d’accueil beaucoup trop tardivement pour ne pas

89 Marty, Eric. « Jean Genet, tabou », Les Temps Modernes, juillet-octobre 2005 (no 632-634), « Notre Sartre », pp. 84-105, ici p. 87.90 Sartre, Jean-Paul. « Questions de Méthode ». Dans :Critique de la raison dialectique. Paris: Gallimard, 1960, p. 46.91 Ibid. 47.92 Ibid. 47.93 Ibid. 47.94 Ibid. 46.95 Ibid. 46.96 Coorebyter 2005 (Temps Modernes) : 108.

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s’en rendre compte. Son accueil, bien que chaleureux, étant en plus d’une durée limitée définie

préalablement, il ne peut envisager son futur dans cette communauté paysanne. Il semble alors

que la condition d’être jeté dans le monde s’applique à Genet d’une façon encore plus fortequ’aux enfants ‘normaux’, car il n’a pas de racines auxquelles il pourrait se référer ou rapporter.

Sans doute il est né d’une femme mais cette origine n’a pas été retenue par la mémoire sociale pour touset, par conséquent, pour lui-même, il est apparu un beau jour sans que des flancs connus l’aient porté,c’est un produit synthétique. (SG 15)

L’enfant Genet doit donc avoir une conscience très forte de sa propre contingence, dans le sensqu’il sent qu’il aurait pu être autrement, ne pas être du tout ou même qu’il n’aurait pasdû être, car

déjà « sa naissance coïncide avec un geste de refus » (SG 16). En tant que « fils de personne, il

n’est rien » (SG 17). Cela est la raison principale pour l’aliénation par principe du jeune Genet.La non-appartenance de Genet à la communauté sociale qui l’entoure a donc plusieurs

conséquences. Nous venons de voir que selon Sartre toute appartenance à une communauté est

aliénation, mais Genet n’appartient pas vraiment à la communauté, à ce « nous-objet » (EN 459)dont parle Sartre. Le jeune Genet peut alors tout à fait imiter les gestes des gens qui l’entourent.

Pourtant, il le fait d’une manière beaucoup plus consciente que les enfants qui imitent leurs propres parents, puisqu’il sait à tout moment que c’est de l’imitation, que ce n’est pas ‘pour de

vrai’ et qu’il ne sera jamais propriétaire agriculteur. Cela est aussi la cause pour ses vols puisqu’il

« prend pour se persuader qu’il a le droit de prendre » (SG 22). Tout en s’identifiant avec lamorale de la communauté qui l’entoure, il sait qu’il n’en fera jamais partie, étant donné qu’« on a

enseigné au petit Genet une moralequi le condamne » (SG 24). « A personne la société n’est plusterriblement présente qu’à cet enfant qu’elle prétend rejeter. » (SG 58) Cela renforce encore sonaliénation : « paria au sein d’une communauté unie [il] est perçu d’emblée comme marginal »97

puisque la morale paysanne « le rejette doublement au néant » (SG 24). On peut donc constater

une double aliénation chez Genet, notion dont Sartre ne traite pas explicitement dans L’EN .Cette condition d’aliénation sera très marquante pour l’être de Genet et le poursuivra

toujours. On peut donc parler d’une aliénation décisive (et décidée), car Genet ne veut ni la

dépasser, ni échapper à elle. Il reste fidèle à sa soumission et résiste pendant longtemps à

l’émancipation du passé. Cela correspond à ce que Sartre dit dans L’EN :Celui qui, une fois, a été pour autrui est contaminé dans son être pour le restant de ses jours, autrui fût-ilentièrement supprimé : il ne cessera de saisir sa dimension d’être-pour-autrui comme une possibilité permanente de son être. Il ne saurait reconquérir ce qu’il a aliéné; il a même perdu tout espoir d’agir surcette aliénation. (EN 452)

Sartre identifiera donc ce traitement insuffisant du milieu comme influence comme un défaut de L’EN mais également duSaint Genet qu’il voit uniquement comme une étape de sa pensée dont

l’évolution serait inachevée :Il est évident quel’étude du conditionnement de Genet par les événements de son histoire objective est

insuffisante, très très insuffisante. Les grandes lignes de l’interprétation — Genet était un orphelin de

97 Bendhif-Syllas 2010 : 42.

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l’Assistance publique, il a été placé dans une famille de paysans, il ne possédait rien, etc. restent évi-demment vraies. Mais tout cela se passait vers 1925, dans uncontexte particulier qui est totalement ab- sent du livre. L’Assistance publique, d’autre part, la situation même d’enfant trouvé sont des phéno-mènes, sociaux spécifiques, et Genet est un produit du XXe siècle. Or rien de tout cela n’est précisédans « Saint Genet ». (NO 43 ; c’est moi qui souligne)

Cette autocritique de Sartre à propos de la présentation du conditionnement social dans leSG peut

sembler surprenante et même contradictoire. Car si le rôle du conditionnement social est tellementdécisif pour penser la liberté, leSG ne peut pas facilement être la meilleure illustration de la liber-

té – ce que Sartre affirme dans cette même interview – sans pour autant assez prendre en comptele social. Nous pouvons néanmoins constater que le « solipsisme ontologique dont il a fait son

point de départ dans L’être et le néant »98 est dépassé ici en « ouvrant l’espace à la socialité »99.

Sartre, qui disait auparavant que « [l]a Société existe quand j’en prends conscience. Or, j’en prends conscience sous le regard de l’autre »100, va alors réfuter l’idée d’une prévalence de

l’existence individuelle sur le social en plusieurs étapes (cf. NO 40), après s’être rendu compte

sous l’influence de la guerre qu’une grande partie de sa liberté n’était qu’une illusion. L’individu,quoi qu’il en soit de son rapport à la société – « il ne peut ni tout à fait s’y fondre, ni tout à fait ladépasser »101 – en a forcément besoin pour exister en tant qu’être humain. Le conditionnement

social trouve donc une expression beaucoup plus forte dans leSG : « chacun devient l’un oul’autre selon les accidents de son histoire et sa propre réaction à ces accidents » (SG 94), et Sartre

y va même jusqu’à dire que « tout nous vient d’autrui, même l’innocence » (SG 13).

3" #- )-4!)/ -* 2- /)!&- ,(+1*%*0!+*Il faut alors revenir à l’importance du regard dans la philosophie de Sartre. Bien que le social

acquière une signification plus cruciale dans leSG, le regard des autres et la conscience de ce

regard en restent les bases de réflexion. On vient de voir que « tout ce qui est aliéné n’existe que pour l’autre» (EN 571), car l’autre « ne me constitue pas comme objet pour moi-même, mais

pour lui» (EN 314). En même temps, personne n’échappe à cette appropriation de l’être-pour-

autrui. Le pour-soi assume forcément des qualifications qui lui sont conférées par autrui commeune partie de soi-même. Mais normalement, il est capable de choisir la signification de la

qualification qu’on lui impose et arrive par sa liberté à transcender ces limites. Il semble que c’est

aussi par cela que le jeune Genet se distingue des autres : se voyant en permanence par le regarddes autres il intériorise entièrement leur jugement. Malgré le fait qu’il a du mal à apercevoir sa

méchanceté (ou d’autres qualifications), Genet y croit profondément et cherche même à la

renforcer, à la jouer, pour se conformer au jugement des autres. Sartre résume d’une façon très

98 Turki, Mohamed. « Individu et socialité chez J.-P. Sartre ». Dans: Poulain, Jacques, Sandkuhler, Hans-Georg, Triki, Fathi (Ed). Pour une démocratie transculturelle. Paris : L’Harmattan, 2010, pp. 371-384, ici p. 377.99 Ibid. p. 378.

100 Sartre 1983 (Cahiers pour une morale) : 188.101 Ibid. p. 119.

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pointue cette idée que l’on ne peut accéder vraiment à sa facticité que par les autres et que dans

certains cas, dont le cas de Genet, cela peut avoir des conséquences fatales :Il arrive parfois […] que nous donnions plus de réalité à ce qu’autrui nous apprend qu’à ce que nous pourrions apprendre par nous-même. Par soumission, par respect nous prenons un renseignement quin’est […] que probable, pour une certitude inconditionnée ; les informations de notre conscience, aucontraire, sous sommes tentés de les tenir pour douteuses et obscures. Cela signifie que nous avonsdonné la primauté à l’objet que nous sommes pour Autrui sur le sujet que nous sommes pour nous-même. (SG 44 ; c’est moi qui souligne)

Les autres révèlent à Genet ce qu’il est aux yeux de la société et c’est les autres qui le font devenir

ce qu’il sera. Genet s’aperçoit par le regard des autres, donc en être-en-soi, comme objet que possèdent les adultes : « Objet d’abord – et objet pour les autres – voilà ce qu’est Genet au plus

profond de lui-même » (SG 48). Ce projet d’être-en-soi est évidemment de mauvaise foi : « Genet

cherche refuge dans sa facticité (je suis voleur, et je ne pourrai jamais changer), ce qui est demauvaise foi, puisqu’il nie ainsi la transcendance »102. Mais il s’y passe plus que cela : Genet

intériorise les significations reçues et les autres, par leur regard, ne luilimitent pas seulement à safacticité, mais luiimposent tout son être, dans le sens qu’on « l’a fait naîtredans et par l’œild’autrui »103. Genet, par confiance et servitude, « adopte le renseignement objectif et social

comme si c’était sa vérité absolue » (SG 45). Il va s’y conformer « en acceptant d’être ce que les

autres font de lui. On l’accuse de vol, il devient voleur. »104 Son innocence est la seule chose à laquelle, même si les autres lui confèrent ce caractère,

Genet n’arrive pas à croie. « Genet n’a ni mère ni héritage : comment serait-il innocent ? Par saseule existence il trouble l’ordre naturel et l’ordre social » (SG 14 sq.). L’acte des autres de retirer

ce statut d’innocence n’est donc pas non plus une surprise pour le jeune Genet. Mais puisque le

Mal est l’Autre par excellence et Genet assume ce jugement des autres105, il se fait l’autre parrapport à soi-même, donc doublement aliéné.

Il convient maintenant de revenir à cedrame constituant par lequel Genet se métamorphose enautre que soi. Un jour, on le surprend en train de voler, il est « pris la main dans le sac » (SG

27)106. C’est par le regard de l’autre que cette « action entreprise sans réflexion […] vient de

passer à l’objectif . Genet apprend ce qu’ilest objectivement » (SG 27). « Surpris, catalogué d’unseul mot, il prend conscience et subit son POUR AUTRUI. »107

Ce regard ne sera pas seulement objectivant, mais il va rendre Genet ‘méchant’ : « il n’est rien de

102 Uvsløkk 2011 : 57.103 Coorebyter 2005 : 110.104 Bendhif-Syllas 2010 : 42.105 cf. Bergen, Véronique. « Saint Genet ». Dans : Noudelmann, François et Philippe, Gilles (Ed). Dictionnaire Sartre. Paris : Honoré

Champion, 2004, pp. 441-444, ici p.442.106 Dans ce contexte, il est intéressant de noter que Sartre lui-même a volé de l’argent dans le sac de sa mère vers l’âge de onze ans

pour offrir des gâteaux à ses camarades de classe à La Rochelle. Il sera puni par son grand-père qui laisse tomber une pièce dedeux sous par terre et n’autorise pas Sartre à la ramasser : « C’était comme Dieux lui-même se baissait » pour « écarter le paria », dans « Sartre par lui-même ». Film documentaire. Réalisé par : Astruc, Alexandre et Contat, Michel. Date de sortie : 27octobre 1976, (00:16:08-00:16:50).

107 Hahn, Otto. « L’Œuvre Critique De Sartre », Modern Language Notes,Vol. 80, No. 3, French Issue, The Johns HopkinsUniversity Press, 1965, pp. 347-363, ici p. 355.

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plus que ce qu’il était, pourtant le voilà méconnaissable. » (SG 27) Ce regard va lui conférer la

stigmatisation aliénante avec laquelle il ne pourra jamais s’identifier mais à laquelle il croit

néanmoins avec toute sa force.Ce qu’ilvoulait , c’était voler ; ce qu’il faisait , c’était un vol ; ce qu’ilétait : un voleur. Une voix timide proteste encore en lui : il nereconnaît pas son intention. Mais bientôt la voix se tait : l’acte est si

lumineux, si nettement défini qu’on ne peut se tromper sur sa nature. (SG 27)On voit ici ce décalage dans la perception de l’acte de vol qui existe entre la perspective

subjective de Genet et celle des autres, dite objective, et que Genet va intérioriser commedescription absolue de sa nature propre, son ‘essence’ : « l’évidence se loge dans le pour-

autrui »108.

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Nous venons de voir que pour Genet, la situation est complètement forgée par les autres. Mais, ce

n’est pas pour cela qu’il ne serait pas libre. La liberté reste donc même dans les situations les plus

déterminées de l’extérieur. Cette conception d’une liberté forte et omniprésente reste dans la lignede L’EN , mais il semble néanmoins qu’il s’y opère un changement de perspective.

Dans un premier temps, la liberté de Genet consiste uniquement dans l’acte d’assumer sa

situation. Dans le cas de Genet, Sartre parle très souvent d’une issue et non pas d’une décisionlibre. L’enfant n’a pas les moyens pour échapper à la situation qui s’impose à lui. Mais la seule

issue d’une situation entièrement déterminée par l’extérieur et insupportable pour la liberté est

qu’il peut choisir de la choisir et cela reste une décision libre :Donc il a choisi le pire : il n’avait pas d’autre choix. Sa vie est toute tracée : ce sera le voyage au boutdu malheur. [...] Puisqu’il ne peut échapper à la fatalité,il sera sa propre fatalité ; puisqu’on lui rend lavie invivable il vivra cette impossibilité de vivre comme s’il l’avait créée tout exprès pour lui-même,épreuve particulière à lui seul réservée. Il veut son destin ; il tachera de l’aimer . (SG 63 ; c’est moi quisouligne)

Puisque sa liberté n’est pas absente, Sartre conclut également que Genet prend tout à fait part dansce drame. Il en est même l’acteur principal, et c’est lui qui décidera de le constituerrétrospectivement comme point pivot et « passage qui va décider de sa vie entière » (SG 27).

Sartre explique par là la fixation de Genet au passé en sorte que ledrame est le moment à partirduquel la vie de Genet se divise en deux parties :l’avant et l’après du drame.

On notera aussi que la liberté garde son importance pour la conversion du pour-soi :Il volait parce qu’il ‘était’ voleur ; désormais, c’est pourêtre voleur qu’il vole. Voler, c’est désormais, pour lui,consacrersa nature de voleur par l’approbation de sa liberté (SG 85).

Ce qui était vol par conformisme devient vol pour la liberté. La première conversion de Genet passe donc par une aliénation profonde à soi-même en tant qu’incarnation de l’Autre et « tombée

en essence »109. « Métamorphosé par autrui en Objet […] Genêt se revendique comme tel »110. Il

108 Bergen 2004 (Dictionnaire Sartre) : 442.109 Ibid. 110 Hahn 1965 : 356.

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choisit d’accepter le jugement des autres à un tel point qu’il aura ensuite besoin de l’affirmer

encore et toujours pour convaincre les autres de la vérité de leur jugement (qui bien sûr était faux,

puisqu’il est toujours fautif d’assigner une essence à un être pour-soi).« Genêt est donc conduit à

Faire le Mal, car le Faire implique une décision libre. »111 Dans ce sens, Sartre affirme que Genet

« est libre puisqu’on le condamne » (SG 29). Ce mouvement de la liberté qui s’aliène enintériorisant ce qui vient de l’extérieur et qui choisit par la suite de s’aliéner de son aliénation est

un des apports principaux duSG pour l’ontologie de Sartre.

Dans l’entretien publié dans le NouvelObservateur, Sartre nomme Genet comme exemple qui

illustre le mieux sa conception actuelle de la liberté : « ce que nous faisons nous-même de ce

qu’on a fait de nous » (SG 63). La liberté serait « ce petit mouvement qui fait d’un être social tota-lement conditionné une personne qui ne restitue pas la totalité de ce qu’elle a reçu de son condi-

tionnement » (NO 41). Ça serait ce mouvement « qui fait de Genet un poète […] alors qu’il avaitété rigoureusement conditionné pour être un voleur » (NO 41). LeSG est donc un vrai tournantdans la pensée de Sartre :

« Saint Genet » est peut-être le livre où j’ai le mieux expliqué ce que j’entends par la liberté. Car Geneta été fait voleur, il a dit « Je suis un voleur », et ce minuscule décalage a été le début d’un processus parlequel il est devenu un poète […]. (NO 41)

Il y a donc un détour dans la pensée de Sartre concernant la liberté : il ne suit plus ce schéma de« être = être libre = choisir », mais en faisant Genet dire : « J’ai décidé d’être ce que le crime a fait

de moi » (SG 74), Sartre définit « être » comme « se jeter dans son être pour coïncider avec lui »(SG 74). Ce changement nous paraît tout à fait justifié, du seul fait qu’assumer les faits noussemble la condition sine qua non pour pouvoir changer une situation. Mais Sartre ne va jamais

aller jusqu’à négliger l’importance de la liberté : La liberté, c’est la transformation de Jean Genet enfant homosexuel et malheureux en Jean Genet,grand écrivain, pédéraste par choix et, sinon heureux, sûr de lui.Cette transformation pouvait très bienne pas se produire. La transformation de Jean Genet est vraiment due àl’usage de sa liberté. Elle atransforméle sens du monde en lui donnant une autre valeur. C’est bien cette liberté sans rien d’autrequi a été la cause de ce renversement, c’estla liberté se choisissant elle-même qui a fait cettetransformation.112

Mais puisqu’on ne peut examiner ici que la première conversion, il ne sera pas question del’aboutissement de la libération de Genet. La première conversion par laquelle « il choisit de vivreen assumant la malédiction qu’on fait peser sur lui, en revendiquant la reprise volontaire de

l’impossibilité à laquelle on le condamne »113 n’est donc qu’une première étape de la

transformation de Genet.

111 Ibid. 112 Sartre, Jean-Paul, Dans : Beauvoir, Simone de. La Cérémonie des adieux, Paris : Gallimard, 1981, ici p. 500-501; c’est moi quisouligne.

113 Bergen 2004 (Dictionnaire Sartre) : 442.

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Quel est donc le choix originel de Genet ? Ayant retracé les débuts de cet « itinéraire dialectique

de Genet »114, nous pouvons constater que le choix originel ne coïncide pas avec sa naissance,

mais qu’elle le prépare de manière sous-jacente. Dans leSG, le choix originel perd sa totalité. Lasingularité de Genet ne découle pas complètement de son choix, elle est déjà conçue dans son

rapport avec son environnement d’enfance. Simont confirme que « Sartre s’aperçoit, dès lesCahiers pour une Morale […] que le premier âge et le choix premier sont étroitement liés et que

les pères sont pour beaucoup dans l’inflexion inauthentique de ce choix »115. Le projet originel ne

peut donc plus être pris pour la décision souveraine que Sartre décrit dans L’EN . On pourrait peut-être dire que la phase du non-choix qui est la petite enfance se termine au moment où l’enfant

cesse d’imiter des gestes et devient conscient de ce qu’il fait. Mais c’est une lente évolution, un

processus, qui prépare cette transformation de l’enfant en Jean Genet : « Il n’était encore rien, ducoup il est devenu Jean Genet. » (SG 27)

En fin de compte, le projet de Genet consiste à donner un sens à sa vie (cf. SG 59 sq.). On pourrait argumenter que c’est un choix commun à tous les êtres humains. On peut se poser laquestion s’il n’y a « pas quelque chose d’“ennuyeux“ dans le secret existentiel dévoilé de tous ces

héros, intellectuels, écrivains ou du moins artistes, tous ces radicaux qui, acculés d’une façon ou

d’une autre par l’existence, répondentcomme un seul homme par une seule attitude[…] ? »116 Le choix originel consiste essentiellement en l’acte d’assumer d’exister et d’être qui on

est. Cela peut sembler assez peu éclairant et on peut reprocher aux biographies de Sartre qu’elles

« sont en dernière instance articulées par un schème trop universel, la clé est trop polyvalente,trop passe-partout »117. Cela s’explique par le fait que puisque le choix est un choix, il est cause de

soi-même et totalement contingent. Si le choix était explicable, il cesserait d’être un choixlibre et

c’est précisément la liberté qui est la base de la philosophie de Sartre. Il est donc peu surprenantqu’il éprouve une fascination pour Genet qui selon de Beauvoir était « un esprit entièrement libre.

À la base de son entente avec Sartre, il y eut cette liberté que rien n’intimidait »118.Également, le cas de Genet est curieux parce que son premier choix est de se faire autre

que soi, alors exactement le contraire, et après, par ce premier mouvement de liberté, d’être cet

autre. Et, vu les conditions dévastatrices dans lesquelles ce choix s’opère, il est très clair qu’ilaurait pu être autrement, que Genet aurait pu subir sans agir, sans entreprendre cette fuite en

avance que constitue sa première conversion. Sartre est convaincu que « [t]out est choix […]

L’auteur [Genet] a choisi le vol et la prison, il a choisi l’amour et la conscience dans le Mal. »119

114 Ibid. 115 Simont 2013 : 84.116 Ibid. p. 91.117 Ibid. p. 92.118 Beauvoir, Simone de. La force de l’âge. Paris : Gallimard, 1960, p. 595, cité dans : Contat, Michel et Rybalka, Michel. Les Écrits

de Sartre. Chronologie et bibliographie commentée. Paris : Gallimard, 1970, p. 218.119 Sartre, Jean Paul.Texte sur le Miracle de la rose de Jean Genet , 1946, cité dans : Contat / Rybalka 2004 : 146.

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[ ]23

5) Conclusion

En regardant de plus près la théorie sartrienne du sujet, nous avons pu en déceler les propriétés

principales. Nous avons également soulevé quelques questions concernant le rapport que voit

Sartre entre liberté, authenticité, conversion et choix originel. Il s’est avéré que Sartre a beaucoup

changé sa conception de la liberté individuelle absolue au profit d’une prise en compte accrue de

la situation sociale d’une personne.

Ces concepts constitueront néanmoins la base de réflexion pour sa psychanalyse existen-

tielle. On peut résumer la méthode de Sartre comme une démarche herméneutique qui cherche àdégager le choix originel d’un individu créateur par une analyse singulière de la vie et la produc-tion artistique de celui-ci.

Dans notre étude de la première partie du Saint Genet , nous avons pu dégager quelques procédés méthodiques qui illustrent la mise en pratique de la méthode développée dans L’Être etle Néant et surtout les écarts par rapport à celle-ci dans la conception du social et du choix origi-nel. Le social joue un rôle accru dans leSaint Genet à l’égard de L’Être et le Néant et influencemême le choix originel d’une personne.

D’un côté, on peut en déduire qu’il ne suffit pas de définir un individu uniquement par sa

liberté comme le fait Sartre dans L’EN . Or, de l’autre côté, dans notre analyse du Saint Genet ,

nous avons pu constater que la liberté continue à jouer un rôle non négligeable dans les processus

de l’aliénation et de la conversion.

Après avoir analysé les conditions de naissance de Genet et son rapport à la société qui

l’entoure pendant son enfance, nous pouvons également confirmer la thèse selon laquelle Genet

est aliéné par principe.

Dans ce travail, nous n’avons pas eu l’occasion de parler des conversions suivantes de

Genet qui, tout en s’accomplissant selon le même schème, ne sont pas identiques à la toute pre-

mière. Il conviendrait également de développer beaucoup plus les liens entre les catégories faire,être et avoir qu’utilise Sartre pour décrire le jeune Genet et ses motifs de jeux que sont le vol et la

sainteté. Cette dernière, que nous n’avons pas pu prendre en compte dans ce travail, peut être vue

comme une façon d’échapper à la réalité qui est intrinsèquement liée à l’enfance de Genet.

En conclusion, nous pouvons confirmer l’hypothèse selon laquelle le Saint Genet consti-

tue un tournant dans la pensée de Sartre et qu’il n’applique pas seulement ce qu’il avait développé

dans L’Être et le Néant.

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Autres

Les biographies existentielles, Table ronde dans le cadre de la Nuit Sartre à l’ENS en 2013.Avec : Jean Bourgault, Philippe Cabestan, Bruno Clément, Grégory Cormann, Thomas

Flynn, Mathieu Pams. En ligne le 3 mai 2014 :http://savoirs.ens.fr/expose.php?id=1317.« Sartre par lui-même ». Film documentaire. Réalisé par : ASTRUC, Alexandre et CONTAT,