La mesure dans l'enseignement de la chimie

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47 | 2008 | aster | 103> 130 La mesure dans l’enseignement de la chimie Cas d’une approche des titrages par pH-métrie et conductimétrie Jean-François Le Maréchal, UMR ICAR-COAST, université de Lyon, Lyon ; [email protected] Naïja Rym, laboratoire EDIPS, Institut supérieur de l’éducation et de la formation continue, Le Bardo, Tunisie ; [email protected] Une approche épistémologique de la mesure est fournie à partir d’exem- ples qui se rencontrent en chimie. Cette approche met en avant qu’une grandeur, caractérisant l’objet étudié, doit être traitée avant qu’une ou plusieurs mesures soient effectuées. Ces mesures sont ensuite également traitées afin que l’expérimentateur puisse se faire une idée de l’objet. Cette approche permet d’analyser et de comparer deux réalisations de titrages acide base, l’un suivi par pH-métrie et l’autre par conductimétrie. Les données de notre recherche, constituées de comptes rendus de manipulation et de transcriptions, permettent de comprendre les difficultés des élèves dans le cas de la pH-métrie. Il apparait que les traits de surface de la représen- tation des mesures pH-métriques induit les élèves en erreur, et que la distance entre l’objet et l’idée qu’on s’en fait par l’intermédiaire de mesures ne peut récupérer cette erreur. Ce n’est pas le cas de l’étude conductimé- trique pour laquelle la relation entre l’objet et l’idée, bien qu’aussi éloignée que dans l’autre cas, peut partiellement être prise en compte grâce aux traits de surface de la représentation des mesures. Cela s’interprète bien à l’aide de primitives phénoménologiques (p-prims). 1. Mesure et enseignement : état des lieux des recherches Si la mesure est omniprésente en science, rares furent les recherches didacti- ques sur son utilisation dans l’enseignement. Pourtant, divers points de vue permettent d’aborder de tels travaux, comme, par exemple, l’activité de mesurer ou l’interprétation des résultats issus de cette activité. Un tour d’horizon général, puis centré sur la chimie, permet de se faire une idée des résultats des travaux portant sur la mesure et d’entamer une réflexion.

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La mesure dans l’enseignement de la chimieCas d’une approche des titrages par pH-métrie et conductimétrie

Jean-François Le Maréchal, UMR ICAR-COAST, université de Lyon, Lyon ; [email protected]

Naïja Rym, laboratoire EDIPS, Institut supérieur de l’éducation et de la formation continue, Le Bardo, Tunisie ; [email protected]

Une approche épistémologique de la mesure est fournie à partir d’exem-ples qui se rencontrent en chimie. Cette approche met en avant qu’une grandeur, caractérisant l’objet étudié, doit être traitée avant qu’une ou plusieurs mesures soient effectuées. Ces mesures sont ensuite également traitées afin que l’expérimentateur puisse se faire une idée de l’objet. Cette approche permet d’analyser et de comparer deux réalisations de titrages acide base, l’un suivi par pH-métrie et l’autre par conductimétrie. Les données de notre recherche, constituées de comptes rendus de manipulation et de transcriptions, permettent de comprendre les difficultés des élèves dans le cas de la pH-métrie. Il apparait que les traits de surface de la représen-tation des mesures pH-métriques induit les élèves en erreur, et que la distance entre l’objet et l’idée qu’on s’en fait par l’intermédiaire de mesures ne peut récupérer cette erreur. Ce n’est pas le cas de l’étude conductimé-trique pour laquelle la relation entre l’objet et l’idée, bien qu’aussi éloignée que dans l’autre cas, peut partiellement être prise en compte grâce aux traits de surface de la représentation des mesures. Cela s’interprète bien à l’aide de primitives phénoménologiques (p-prims).

1. Mesure et enseignement : état des lieux des recherches

Si la mesure est omniprésente en science, rares furent les recherches didacti-ques sur son utilisation dans l’enseignement. Pourtant, divers points de vue permettent d’aborder de tels travaux, comme, par exemple, l’activité de mesurer ou l’interprétation des résultats issus de cette activité. Un tour d’horizon général, puis centré sur la chimie, permet de se faire une idée des résultats des travaux portant sur la mesure et d’entamer une réflexion.

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Hackling et Garnett (1992) ont comparé la pratique de laboratoire des experts et des élèves de lycée, notamment sur tout ce qui touche à la mesure. Cette pratique a été découpée sur la base de quatre stades : (1) analyse du problème et conception de l’expérience, (2) collecte de données, (3) interprétation des données et (4) conclusion. Ces auteurs ont trouvé que, par rapport aux experts, les lycéens n’ont pas conscience du besoin de contrôler les grandeurs spécifiques au problème, de répéter les mesures, d’utiliser l’outil graphique pour vérifier la cohérence des données et d’identifier les relations entre les variables. En outre, les lycéens apprécient mal les limitations méthodologiques de leurs expériences. Cette absence de besoin spontané de répéter les mesures cache le fait que, face à des séries de valeurs différentes d’une même mesure, les décisions procédurales des élèves mettent en jeu les concepts de confiance et de validité des mesures (Millar & Lubben, 1996). Au niveau universitaire, Séré et ses collaborateurs ont montré que les étudiants fonctionnaient avec une croyance déterministe au sujet de l’exis-tence d’une véritable valeur, et qu’ils attribuaient en conséquence les variations des mesures à des erreurs (Séré et al., 1993). Lubben et al. (2001) appellent cela point reasoning, par opposition au set reasoning qui considère qu’une mesure est seulement une approximation entachée d’une approximation aléatoire. Il apparaît que les étudiants ont l’un ou l’autre de ces modes de raisonnement et le conser-vent pendant toute l’expérimentation, ce qui peut servir de base à l’interprétation de leurs prises de décisions.

L’interprétation des données de TP a été étudiée. Il a été montré que, lors-qu’elles ne permettent pas une interprétation claire, les élèves y retrouvent surtout leurs attentes initiales (Austin et al., 1991). S’il n’y a pas de problème de clarté mais que les données ne sont pas en accord avec les prédictions des élèves, alors deux cas peuvent advenir : si des prédictions ont été formulées sur la base d’un modèle du phénomène étudié, alors les élèves ont tendance à baser leur conclusion sur leur prédiction ; en revanche, si aucun modèle n’a été impliqué, les conclusions sont surtout basées sur les données (Millar & Lubben, 1996). Ce lien entre données et interprétation a également été abordé par Kuhn et al. (1988) avec l’intention de comprendre le rôle joué par la théorie de l’élève. Ces recherches montrent que les élèves ne peuvent conclure que leur théorie est fausse, ni que d’autres théories peuvent exister. Cependant, Chinn et Brewer (1998) remarquent que c’est une pratique courante chez les scientifiques d’éliminer les données qui ne collent pas avec la théorie. Qu’en est-il plus spécifiquement dans l’enseignement de la chimie ?

La chimie est régulièrement décrite dans les articles de didactique comme une discipline où doivent s’articuler des niveaux microscopique, macroscopique et symbolique, et de très nombreux travaux concernant les représentations en chimie centrent leur attention sur la compréhension du niveau microscopique (par exemple Ben-Zvi, Eylon & Silberstein, 1986, 1987, 1988 ; Kozma & Russell, 1997 ; Krajcik, 1991 ; Nakhleh, 1992) ; sur la difficulté d’interprétation de telles représentations

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(Ben-Zvi, Eylon & Silberstein, 1986) ; sur la production d’un discours à partir de ces représentations (Kozma & Russell, 1997) ou sur la relation entre différents types de représentations (Keig & Rubba, 1993). Tous ces travaux questionnent les représen-tations des objets microscopiques et leurs transformations, mais aucun ne s’est, à notre connaissance, intéressé aux représentations de données obtenues par des mesures, en relation avec la description de systèmes chimiques. Ces représentations issues de mesures permettent de faire apparaître des motifs géométriques auxquels le scientifique sait donner du sens : droite passant ou non pas l’origine, sigmoïde1 ou suite de segments de droites. La question du sens qu’un apprenant peut construire à partir de telles représentations se pose dès lors que ses notions en mathématique sont modestes, comme pour un lycéen ou un étudiant de début d’université. Si l’on accepte l’idée de Lemke : « ne fait sens que ce qui peut être comparé à du semblable2 » (1990, p. 204), la question de savoir ce qu’un élève peut tirer d’une courbe de titrage est digne d’intérêt puisque la relation avec l’objet d’étude (la réaction chimique) n’est pas immédiate.

La pratique de la chimie expérimentale, comme son enseignement, est émaillée d’observations qualitatives et de mesures, ces dernières étant intuitivement consi-dérées comme plus riches. L’idée qu’un enseignement qualitatif d’un domaine scientifique serait plus pauvre qu’un enseignement quantitatif semble être contre-dite par les résultats de recherche de Nakhleh et Krajcik (1994). Ceci a été montré par une étude de l’influence du niveau de présentation d’une série de mesures issue d’un titrage acide-base. Pour cela, les auteurs ont comparé l’apprentissage dans trois groupes d’élèves : un premier qui a expérimenté les titrages en présence d’un indicateur coloré, c’est-à-dire avec pour seule mesure un volume une fois l’expérience terminée ; un deuxième qui a suivi l’évolution du pH pour différentes valeurs du volume de réactif titrant versé ; et un troisième qui n’a pas fait de véri-tables mesures, puisqu’il s’est vu confronté à une simulation de l’expérience. Le premier groupe pourrait être qualifié de qualitatif, le second de quantitatif, et le troisième de quantitatif virtuel. Ces auteurs ont mis en avant, grâce à l’analyse d’interviews des élèves, que l’influence sur l’apprentissage, en termes d’évolution positive de leurs concepts sur les acides et les bases, et sur la différentiation et l’intégration de nouvelles connaissances, était plus forte pour le groupe des nouvelles technologies, mais qu’ensuite venait l’approche qualitative des titrages avec un indicateur coloré, puis l’utilisation de la pH-métrie. L’approche quantitative n’est donc pas nécessairement supérieure à l’approche qualitative. Cet article discutera de ce problème apparemment contre-intuitif.

1 Nom donné à la courbe f(x) = (1 + e– x)– 1, de même allure que celle de nombreux titrages en chimie.2 “Everything makes sense only against the background of other things like it” (Lemke, 1990, p. 204).

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2. Approche épistémologique

La présente analyse épistémologique expose notre point de vue sur la façon dont l’activité de mesure articule un objet d’étude et l’idée qu’un élève peut se faire de l’objet étudié. Les exemples sont pris dans le cas de la chimie, et plus particulièrement sur la notion de réaction chimique.

Étudier une transformation chimique, c’est s’intéresser à un système qui diffère profondément entre le début et la fin de l’étude. Cette spécificité distingue le système chimique de nombreuses études physiques. Quelques exemples illustrent bien cette différence : en mécanique, lors de l’étude de la période d’un pendule ou du mouvement d’un corps céleste, le système étudié est supposé être le même pendant toute l’étude ou, s’il évolue (par exemple si le corps céleste est une étoile qui brûle son hydrogène), cette évolution n’est pas prise en compte dans l’étude du mouvement. En revanche, par nature, le système chimique n’est pas le même au début et à la fin de la transformation et cette évolution peut être dramatique, comme le cas d’un système initialement constitué d’un métal dangereux et d’un gaz toxique (le sodium et le dichlore) qui se transforme en un sel dont quelques pincées donnent leur saveur aux plats cuisinés.

2.1. Réaction chimique : approche qualitative

Avant de faire appel aux mesures, l’étude d’une transformation chimique met généralement en jeu des observations visuelles. Toute une série d’informations qualitatives informent le chimiste. Il n’est qu’à interviewer les expérimentateurs qui ne peuvent réaliser leurs transformations dans du verre. Par exemple, ceux qui manipulent le difluor ou l’acide fluorhydrique, substances qui réagissent avec le verre, travaillent dans des récipients en nickel ou en téflon®, sans informations visuelles. Ces expérimentateurs se plaignent de perdre quantité de données sur les volumes, les couleurs et les changements de phase en particulier. Au-delà de l’information visuelle, les chimistes, jusqu’à la prise de conscience des risques de leur pratique, sentaient et même goûtaient leur système chimique, comme en témoignent les publications qui évoquent le goût sucré des sels de béryllium (hautement toxiques) dont le vieux nom est glucinium ou l’odeur particulière du benzène (fortement cancérigène) qui a donné le terme aromatique. Dans des temps plus reculés encore, les chimistes définirent la notion d’acidité à partir du goût de certaines substances, informations que l’on trouve toujours dans les livres scolaires récents (Drechsler & Schmidt, 2005), et qui fournirent, selon Nicolas Lémery (1627-1691) un modèle de particules pointues pour interpréter leurs propriétés (Bensaude-Vincent & Stengers, 1995, p. 48).

La question de la relation entre observation et modèle a été décrite avec une antériorité du modèle sur l’observation scientifique, même qualitative. Par exemple, identifier les solutions à partir de leur couleur, pratique courante en chimie,

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suppose que le chimiste ait comme modèle la permanence de cette couleur pour une espèce chimique, compte tenu d’une variation de l’intensité de cette couleur avec la concentration. Par exemple, le chimiste distingue au premier coup d’œil le bleu d’une solution de sulfate de cuivre du violet d’une solution de permanganate de potassium, et pourtant, suivant la concentration de ces solutions, celles-ci n’ont pas toutes le même bleu, ni le même violet. Ces nuances de bleu ou de violet ont été traduites au moyen d’une grandeur : l’absorbance. Si derrière une observation qualitative se cache un modèle, derrière une observation quantitative, donc une mesure, il y a non seulement un modèle mais une grandeur.

La spectroscopie est un bon moyen d’approfondir la relation entre mesure et modèle. Si la loi de Beer-Lambert – découverte par Pierre Bouger en 1729 et formulée telle que nous la connaissons par August Beer en 1852 – décrivait déjà au xixe siècle l’absorbance des solutions en fonction de la longueur d’onde et de la concentration, le fait que la solution de permanganate de potassium absorbe cinq cents fois plus que celle de sulfate de cuivre à même concentration était pris en compte dans un coeffi-cient empirique. Expliquer ce rapport cinq cents nécessita un tout autre modèle qui n’émergea qu’au milieu du xxe siècle. Il s’agit du modèle des structures électroniques des complexes des métaux de transition. Il permit de comprendre que le bleu-pâle de la solution de sulfate de cuivre correspond à une transition ne mettant en jeu que les niveaux électroniques du cuivre (transition d-d), alors que le violet intense de la solution de permanganate de potassium s’explique par une transition entre les niveaux électroniques des atomes d’oxygène de l’ion permanganate et ceux du manganèse (transition à transfert de charge) (Miessler & Tarr, 1991, p. 335). Les mêmes mesures, donc les mêmes grandeurs, peuvent ainsi mettre en jeu des modèles extrêmement différents, suivant les questions qui se posent.

La figure 1 schématise l’analyse proposée. Elle rend compte de la façon dont le scientifique se fait une idée d’un objet. Dans cette figure, la place des modèles n’a pas été indiquée car ils sont partout : pour l’observation, pour définir la gran-deur, pour l’instrumentation qui permet la mesure, et pour passer des données à l’idée sur l’objet. Qui plus est, ces modèles ne sont pas uniques. La question qui se pose dans la suite de cette analyse est de représenter pareillement ce qui se passe quand les grandeurs qui décrivent un objet ne sont pas mesurables, et/ou que les données qui résultent de l’activité de mesure sont trop nombreuses pour permette à l’esprit humain de se faire une idée de l’objet.

Figure 1. Représentation du statut de l’observation ou de la mesure

objetIdée sur l’objet

grandeur donnéesActivitéde mesure

Observation

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2.2. Réaction chimique et mesure

La question des grandeurs, qui permettent de caractériser une réaction chimique, est centrale pour son étude. La plus fondamentale est son avancement3. L’intérêt d’une telle grandeur apparaît sur un exemple simple : la caractérisation du système chimique constitué de la réaction des ions fer(II) avec les ions perman-ganate en milieu acide et représenté par l’équation :

5 Fe2+ + MnO4– + 8 H+ → 5 Fe3+ + Mn2+ + 4 H2O

Pas moins de huit variables sont nécessaires pour caractériser complètement un tel système chimique, à savoir p et T, ainsi que la quantité de matière de chacune des six entités chimiques constituant le système. L’intérêt de l’avancement ξ de la réaction est de ramener ce nombre de huit à trois, en utilisant une loi appelée stœchiométrie, qui indique que la quantité de matière du ie réactif nRi est reliée à sa quantité de matière à l’état initial par : nRi = nRi

0 – νRi × ξ, en notant νRi le nombre stœchiométrique du ie réactif, et que pour le je produit : nPj = nPj

0 + νPj × ξ.

Seules les variables p, T et ξ suffisent pour caractériser le système chimique. L’inconvénient de la grandeur ξ est qu’elle n’est pas directement mesurable. Elle est presque exclusivement déduite de la quantité de matière de l’un des constituants du système chimique, à l’aide des relations ci-dessus.

Le problème est qu’une quantité de matière ne se mesure pas non plus. Le chimiste doit passer par une grandeur mesurable. Celle qui est le plus souvent utilisée est la concentration ou une grandeur qui lui est reliée par une loi comme l’absorbance (loi de Beer-Lambert), la conductance (voir ci-dessous), le pH (loi dérivée de la loi de Nernst), avec, dans chaque cas, des approximations inhérentes aux limites des modèles utilisés. Dans le schéma de la figure 1, entre l’objet d’étude (la réaction chimique) et la mesure (par exemple le pH) il y a la chaîne de relations suivante : réaction chimique → grandeur avancement → quantité de matière des ions H+ (loi de la stœchiométrie) → concentration en ions H+ → activité en ions H+ (approximation des solutions diluées) → pH → mesure d’une différence de potentiel (avec un étalonnage). Le chemin est donc long de l’objet d’étude à l’activité de mesure.

Comme nous pouvons le constater, le chemin entre l’activité de mesure et l’idée que nous pouvons nous faire de l’objet étudié peut être long également. Un nouveau schéma reliant, par l’intermédiaire de la mesure, l’objet étudié et l’idée que peut s’en faire le chimiste (confirmé ou apprenti) est donné par la figure 2.

3 Les autres grandeurs de réaction sont les dérivés partielles de toute grandeur, enthalpie libre, chaleur massique, entropie… du système chimique par rapport à l’avancement. D’où le caractère fondamental de l’avancement.

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Figure 2. De l’objet à l’idée sur l’objet : chaîne complète

Le sens des flèches indique le sens de l’analyse, et cachent les allers-retours nécessaires à la construction de l’idée.

objetIdée sur l’objet

grandeurTraitement

de la grandeur

Traitementdes

donnéesdonnéesActivité

de mesure

Observation

Dans la pratique du chimiste professionnel (ingénieur, chercheur), les phases de traitement de la grandeur et de traitement des données sont automatisées, préprogrammées, consignées dans des fiches. Cela permet de gagner du temps pour se consacrer à la relation entre l’objet et l’idée sur l’objet. En revanche, les programmes de chimie des classes préparatoires aux grandes écoles (PC* en particulier), et la pratique des enseignements correspondants, indiquent que ces phases font l’objet d’une grande attention. La partie qui suit est consacrée à l’étude de l’acidité, et en particulier des titrages, dans le cadre de l’enseignement. Quelles sont les attentes de l’enseignement ? Quelle est la pratique réelle de l’élève ?

À partir de l’analyse épistémologique précédente, nous allons chercher à comprendre l’effet de la distance entre une mesure, dans un cas celle du pH et dans l’autre de la conductance, et l’idée qu’un apprenant peut se faire d’une réac-tion acide-base impliquée dans un titrage. La pH-métrie est impliquée dans un enseignement expérimental au début de l’université, en Tunisie, et la conductimé-trie concerne un enseignement également expérimental de première S en France. Les deux enseignements ont en commun qu’il s’agit d’un enseignement expéri-mental de chimie, relatif à des titrages acide-base, mettant en jeu la même réaction, mais suivie par deux techniques de mesure différentes.

3. Conceptions des élèves

Les recherches en didactique de la chimie impliquent depuis longtemps les acides et les bases, le plus souvent pour étudier les difficultés des étudiants et leurs conceptions. Il apparaît que les étudiants de début d’université ont de bonnes notions sur les acides et les bases mais n’ont pas les idées claires sur l’exothermi-cité de la réaction acide-base. Le travail habituel avec des solutions diluées pour lesquelles le dégagement de chaleur n’est pas perceptible en est rendu responsable (Cros et al., 1988). Par ailleurs, les étudiants peuvent nommer trois acides mais rarement plus de deux bases (Cros et al., 1986). Il faut dire que les acides font apparaître le mot « acide » dans leur terminologie (acide sulfurique), ce qui n’est pas le cas des bases (on ne dit pas « base soude », ou « base ammoniac »). Cette

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faiblesse des connaissances sur les bases par rapport aux acides est également relevée par Ross et Munby (1991) qui notent que des élèves de lycée peuvent savoir que le pH permet de caractériser les acides et ignorer que cette grandeur sert également pour les bases. Après une année d’enseignent, les étudiants semblent être capables de préciser la notion d’acide, initialement correspondant à un pH inférieur à 7, et adoptant largement la définition scientifique de Bronsted qui l’exprime en termes de libération de H+ (Cros et al., 1988). Cette grandeur a, par ailleurs, été décrite comme posant problème aux étudiants puisqu’ils la confon-dent ou l’associent facilement avec la force des acides (Ross & Munby, 1991).

Pour les élèves de début de lycée (16 ans), les acides sont associés à ce qui ronge la matière, brûle la peau, se teste avec le goût (Hand & Treagust, 1991). Cette association au goût a été relevée également par Driver et al. (1994) et dérive d’expériences de la vie quotidienne, en particulier du langage (goût, médicament, bain acide dans les fictions, pluie acide). Pour autant, 50 % d’étudiants ne se risque-raient pas à boire une boisson de pH inférieur à 6 (Cross et al., 1988), alors que le pH du vin est maintenu entre 2,8 et 3,2 pour éviter, dès pH = 3,4, une attaque bactérienne, et que le pH de certaines boissons au cola est encore inférieur. Le langage quotidien est également source de conceptions, en particulier sur la notion de couple acide-base (Schmidt, 1995) ou de neutralisation (Schmidt, 1991). Les entités qui forment un couple4 sont souvent identifiées par les élèves au moyen de leur charge (NH4

+ et HCO3–) ou parce qu’elles s’échangent un H+ (HSO4

– et NH3). Quant à la notion de neutralisation, elle est associée à l’obtention d’une solution neutre (sans ion) et non de réaction complète du réactif à titrer.

L’acidité se traduit avec la concentration en ions H+ et se mesure à l’aide de la grandeur pH = (– log[H+])5, ce que les étudiants de première année d’université sont capables de dire dans 48 % des cas, contre 71 % en seconde année (Cross et al., 1988). Parmi les conceptions relatives à cette grandeur, on trouve le fait que les élèves pensent que le pH est d’autant plus grand que l’acidité est importante. Un tel résultat traduit simplement la présence du signe moins qui précède le logarithme et à notre avis n’est pas très intéressant. En effet, sur le plan cognitif, cette grandeur se différencie des autres plus par sa relation logarithmique avec la concentration en H+ que par le signe moins. Cette distinction nous paraît essentielle car les grandeurs avec lesquelles les élèves ont été formés peuvent prendre du sens avec une question qualitative : cette grandeur vaut-elle zéro ou non ? Cette question, dont Rief et Allen (1992) soulignent l’importance dans le cas où la grandeur est l’accélération, ne peut être posée pour le pH à cause de son caractère logarithmique. À notre avis, l’impossibilité de pouvoir se poser la question de Riel et Allen participe à la difficulté de perception du sens de la notion d’acidité puisque les élèves peuvent avoir eu l’habitude de se faire une idée de ce qu’est un concept mesurable par l’examen des

4 Forment un couple acide-base deux entités qui ne diffèrent que d’un H+ : NH4+/NH3, HCO3

–/CO32– ou HSO4

–/SO42–,

pour ne prendre que les exemples cités ici.5 Est noté ici H+ ce que pour les élèves français est noté H+

(aq) ou H3O+.

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situations dans lesquelles il vaut ou non zéro. C’est le cas d’une concentration, d’une vitesse, d’une intensité, d’un potentiel, etc. Or pH = 0, tout comme q = 0 °C, ne correspond pas à une absence d’acidité, pas plus que de température. Là, il y a matière à une perception ardue des concepts sous-jacents. Si la notion de pH semble étudiée dans tous les cours sur l’acidité quel que soit le pays, il n’en est pas de même de la grandeur conductance mise au service, seulement en France et en 2001, de l’étude des acides au niveau du lycée.

La conductimétrie n’a pas retenu l’attention des chercheurs en didactique de la chimie, probablement parce que c’est une technique peu utilisée dans l’ensei-gnement ainsi qu’en recherche, et qu’elle nécessite un matériel spécifique avec lequel il n’existe pas de tradition pédagogique au niveau de l’enseignement secondaire. Cela a changé avec les programmes de première S de 2001 en France. Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons que la grandeur conductance mesurée par cette technique peut être modélisée par une relation linéaire de l’ensemble des concentrations des ions en solution, ce qui a pour conséquence de donner une courbe de titrage acide base différente de celle obtenue en pH-métrie (figure 4). L’annexe 2 détaille le principe de cette méthode.

4. Représentations externes

Toutes les connaissances doivent pouvoir être représentées, en particulier pour en permettre la communication autant entre les membres de la communauté qui contribuent à leur construction, que dans une situation d’enseignement entre le professeur et les élèves. Pour cela, divers registres sémiotiques existent. Le plus banal est le langage naturel, usant d’un lexique de la vie quotidienne ou de spécia-lité. Il permet de représenter toutes les connaissances, mais pas forcément de façon à pouvoir les gérer simplement. D’autres registres, comme les symboles, sont donc largement utilisés. En chimie, Jonhstone (1993) et ceux qui utilisent son cadre théorique en ont fait un des trois piliers de la description des connaissances avec les niveaux microscopique et macroscopique. Les chimistes utilisent aussi avec profit des représentations graphiques, comme pour représenter une courbe de titrage par exemple. Qu’en est-il des apprenants qui découvrent souvent un concept en même temps que sa (ou ses) représentation(s) ?

L’apprentissage de représentations a été étudié par Kozma et Russel (1997) qui précisent que cet apprentissage se fait, dans un premier temps, par l’intermédiaire des traits de surface de la représentation utilisée. Il ne peut pas être basé sur une exploration plus approfondie de la représentation, tout simplement parce que les connaissances d’un apprenant ne peuvent mettre en jeu celles que l’expert utilise dans une telle situation. Au sens de DiSessa (1993), l’élève utilise les primitives phéno-ménologiques (p-prims) que ses expériences antérieures lui ont permis d’acquérir et non celles que le scientifique sait utiliser. « Là où l’expert comprend qu’un concept se

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retrouve sous plusieurs formes, le novice est fortement influencé par les éléments, les formes, les objets et les évènements intégrés à une expression symbolique particulière » (Kozma & Russel, 1997, p. 951). Si les experts utilisent également des traits de surface, ceux-ci ne constituent pas une contrainte pour leur compréhension. Ils sont capables de dépasser les limites de chaque représentation pour les relier entre elles.

Kozma et Russel (1997) se basent sur la notion des p-prims de DiSessa (1993) pour expliquer la différence entre l’expert et le novice. Chez ce dernier, la connais-sance est fragmentaire et phénoménologique puisqu’elle s’appuie sur des inter-prétations superficielles d’expériences de la vie quotidienne. Ces p-prims permet-tent donc de caractériser l’ontologie qu’un apprenant se fait d’un concept, et sont précieuses pour cerner la différence avec l’ontologie de l’expert.

5. Questions de recherche

Le présent travail de recherche questionne la part des phases de traitement d’une grandeur et du traitement des mesures (figure 2) dans l’activité d’un apprenant pour construire l’idée qu’il se fait de l’objet d’étude réaction acide-base. La grandeur supposée décrire cet objet est l’avancement de la réaction, grandeur non mesurable qui n’a pas à être forcément explicitée, mais dont on attend au moins que ce qu’elle représente soit pris en compte pour décrire le système chimique en cours de trans-formation. Deux cas seront envisagés pour étudier un même système chimique : le cas de la pH-métrie qui met en jeu une grandeur qui n’est pas proportionnelle à la grandeur non mesurable, et le cas de la conductimétrie qui met en jeu une grandeur qui, elle, en est proportionnelle. Ces deux études possèdent des points communs : même objet d’étude, distance importante au niveau du traitement de la grandeur, faible distance pour le traitement de la mesure (figure 2), mais représentation des mesures différentes (figure 3 et figure 4). Avec le point de vue épistémologique exposé ci-dessus, nous chercherons à comprendre en quoi la représentation des mesures obtenues à l’extrême droite de la figure 2 agit sur la compréhension de l’objet d’étude situé à l’extrême gauche. Par ailleurs, l’ontologie de la réaction chimique pour le novice étant différente de celle des experts, une interprétation en termes de p-prims sera proposée pour rendre compte des principaux échecs ou succès dans l’apprentissage.

L’hypothèse formulée est, que le trait de surface « forme des courbes » est susceptible de structurer les réponses des élèves qui n’utilisent pas les mesures pour expliciter le phénomène en jeu et comprendre son évolution.

6. Méthodologie

Une expérience a été menée en première année de l’université de Bizerte (Tunisie) lors du premier TP sur les acides et les bases. Ce premier TP était un titrage acide-base étudié par pH-métrie. Les étudiants concernés reçoivent un

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enseignement en français, et produisent des écrits dans cette langue, mais ils discutent entre eux tantôt en français tantôt en tunisien.

Une autre expérience a été conduite en première S dans un lycée de la banlieue lyonnaise (France). Les élèves de 1re S ont été initiés aux titrages acide-base avec un suivi conductimétrique. À Bizerte, quarante binômes appartenant à deux groupes de TP étaient concernés, leurs comptes-rendus ont été analysés et un binôme a été filmé (hors classe car, pour des raisons techniques, il n’était pas possible de filmer dans le laboratoire d’enseignement). À Lyon, vingt-et-un binômes d’un même professeur ont participé à l’étude en fournissant leur compte-rendu, et un binôme a été filmé pendant la séance de TP.

À Bizerte, les élèves ont réalisé un « classique » : titrage pH-métrique acide fort – base forte. Avant de poser les questions qui concernent cette recherche, il a seulement été demandé aux élèves d’écrire l’équation de la réaction du dosage. Ont suivi deux questions qui sont au centre de notre étude : « Indiquer la partie de la courbe correspondante à la réaction du dosage. On indiquera sur la courbe le point A du début de cette réaction et le point B de la fin de cette réaction », puis « à quoi correspond la partie de la courbe qui est en dehors des points A et B ? ». La présente étude ne prend en compte que les parties des comptes-rendus et de la transcrip-tion qui s’intéressent à ces deux questions. La transcription utilise la technique habituelle des conversations mettant en jeu une alternance de code linguistique (code-switching), ici français et tunisien (Agrebi & Le Maréchal, 2003 ; ou sous Google®, demander wiki alternance de code).

À Lyon, les élèves ont réalisé la même réaction de titrage, mais suivie par conductimétrie. Comme à Bizerte, les deux questions ci-dessus (sur les points A et B) ont été posées.

À partir de l’hypothèse précédente, nous avons catégorisé les réponses en fonction du positionnement des points A et B sur la courbe. Pour chaque catégorie, nous avons cherché, dans les commentaires accompagnant la réponse graphique, des informations qui pourraient nous permettre d’inférer les connaissances mises en jeu lors de la réponse. En particulier, toute connaissance permettant de considérer des éléments de la chaîne représentée figure 2.

7. Résultats

Les résultats sont présentés en commençant par l’analyse des comptes-rendus des deux expérimentations, puis par celle des transcriptions. Des commentaires sont donnés immédiatement après la présentation des résultats, mais la discussion générale est reportée dans la partie suivante.

7.1. Étude des comptes rendus

Les résultats sont présentés séparément pour chaque expérimentation, d’abord celle mettant en jeu la pH-métrie, puis celle mettant en jeu la conductimétrie.

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• Courbes de pH

Sur les quarante copies analysées (une copie par binôme), trois sortes de réponses sont apparues parmi lesquelles : la bonne réponse (1re catégorie, figure 3 à gauche ; 5 binômes, 12 %) indiquant que la réaction de titrage commence au premier point de la courbe de titrage et termine à l’équivalence ; nous avons mis dans la seconde catégorie les 25 réponses (63 %, figure 3 à droite) qui encadraient de plus ou moins près le saut du titrage ; dans la troisième catégorie, nous avons mis les 6 binômes (15 %) qui considéraient que la réaction commençait au premier point du titrage et s’achevait au dernier point. Les 15 % restant (6 copies) n’ont pas répondu à la question.

Figure 3. Deux types de réponses données par les élèves tunisiens

1re catégorie de réponses à gauche ; 2e catégorie de réponses à droite

Les éventuels commentaires associés à cette question, écrits par les étudiants, ont également été analysés et nous avons cherché les liens qui apparaissaient entre les connaissances mises en œuvre. Pour les réponses de la première catégorie, les commentaires sont :

Copie 05 : Le dosage commence de A (temps de début de dosage) et déterminé au point d’équivalence B (nOH– = nH+). La partie qui est en dehors de ce dosage la courbe est presque une droite la solution est entièrement basique et [OH–] >> [H3O

+] (milieu basique).Copie 13 : La partie de la courbe de AB correspond du début de dosage jusqu’au point d’équivalence. En dehors de la partie AB c’est qui correspond à une solution basique qui est due à l’excès du pH.Copie 15 : La partie AB correspondante à la réaction du dosage A(0 ;11) et B(20 ;7). La partie de la courbe en dehors de A et B indique caractère basique de solution due au excès de NaOH.Copie 37 : La partie de la courbe correspondante à la réaction du dosage est celle qui correspond à la neutralisation de l’acide c’est-à-dire des ions H+.

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Quelques commentaires accompagnant les réponses de la deuxième catégorie sont :

Copie 02 : La partie de la courbe correspondante à la réaction du dosage est celle qui encadre le point d’équivalence (voir courbe) VBE = 20,2 mL et pH = 6,8.Copie 08 : La partie AB correspond à la zone de virage de l’acide.Copie 14 : Une 2e partie entre A et B au cours de laquelle il y a un saut brusque de pH est appelée réaction du dosage au cours de laquelle on a une équivalence acido-basique nA = nBCopie 16 : Voir papier millimétré (saut de pH).Copie 31 : La partie de la courbe qui correspond à un saut de pH qui contient une variation importante du pH ou saut de pH où le volume.

Les commentaires accompagnant les réponses à la 3e catégorie sont :

Copie 17 : La partie en dehors du A et B correspond à la variation du pH.Copie 22 : On constate que la partie de la courbe qui est en dehors des points A et B est que la solution a transformé de milieu acide vers un milieu basique.Copie 23 : On constate que la partie de la courbe qui est en dehors des points A et B correspond à la transformation d’un milieu acide vers un milieu basique.

Les commentaires de la deuxième catégorie traduisent un lien fort à un évène-ment, qu’il s’agisse du changement de couleur de l’indicateur coloré (copie 08), ou du saut de pH mis en évidence par la représentation graphique (copies 02, 14, 16, 31). Ce lien n’est pas présent dans les copies de la première catégorie, même si les réponses n’apportent pas d’éléments pour comprendre le raisonnement qui a conduit à la réponse. En ce qui concerne les copies de la troisième catégorie, il semble que le niveau de compréhension, par les élèves, du travail demandé ne soit pas suffisant pour en retirer des conclusions pertinentes. Quelle que soit la caté-gorie considérée, les commentaires des élèves montrent l’absence de lien entre la mesure et la réaction chimique, donc entre les parties droite et gauche de la figure 2.

En ce qui concerne la deuxième catégorie, nous pouvons conjecturer que les étudiants n’utilisent les traits de surface de la représentation des mesures que pour donner un sens (erroné) à la réaction chimique. Le principal trait de surface utilisé est la forme de la courbe, plate-pentue-plate, qui peut effectivement être (faussement) interprété comme le fait qu’il ne se passe rien, puis qu’il y a une réaction, puis qu’il ne se passe à nouveau rien. Le raisonnement correct aurait été d’utiliser ce qui est connu à propos de la réaction chimique pour donner du sens à la représentation graphique. Cette forte influence du registre sémiotique des graphes est à rapprocher de celle d’un autre registre, celui de la langue naturelle. Il a en effet été montré, dans le cadre des titrages acide-base, que les élèves asso-ciaient à tort, à l’idée de neutralisation, l’obtention d’une solution neutre (Schmidt,

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1991). Là où le chimiste utilise le terme neutraliser pour exprimer la disparition de la propriété acide d’une solution par une réaction chimique, l’élève, contraint par la « force » de la langue naturelle sur le raisonnement, pense à la disparition des charges. Ce n’est bien sûr pas le cas puisque des ions sont présents en solution une fois la neutralisation effectuée. Le long chemin qui sépare la mesure de l’objet étudié apparaît donc comme un obstacle que de nombreux étudiants ne peuvent franchir, préférant donner du sens aux traits de surface mis en relief par le registre sémiotique utilisé, que ce soit un graphe ou la langue naturelle.

Le pourcentage majoritaire de réponses de la deuxième catégorie permet de penser que la représentation graphique des mesures a conforté les étudiants dans leur perception de la réaction chimique, souvent perçue comme un évènement. Une telle approche exclue de considérer la réaction chimique comme la descrip-tion d’un système qui se transforme, caractérisée par une grandeur appropriée : l’avancement de la réaction. On peut donc considérer que deux ontologies diffé-rentes, au sens de Chi et al. (1994), s’opposent. Pour la première, celle des étudiants, la réaction est un évènement qui se caractérise par le saut de pH. Dans ce cas, les étudiants ignorent le traitement de la grandeur qui permettrait de comprendre ce saut. Pour la seconde, celle des experts, une réaction chimique est un système qui se transforme, ce qui met en jeu l’évolution des quantités de matière des constituants dudit système. Le saut du pH résulte de ces évolutions par l’intermédiaire du traitement de la grandeur décrivant l’objet étudié ( voir annexe 1). En termes de p-prims, on peut considérer que les élèves, même en présence de mesures, considèrent majoritairement la transformation chimique comme un évènement parce que toutes les transformations qui leur ont été données à voir dans l’enseignement (donc toute la phénoménologie primitive) ont été présentées de la façon suivante : une cause (mélange, chauffage) suivie d’un effet (changement de couleur, apparition d’une nouvelle phase). L’introduction d’une activité de mesure générant une courbe sigmoïde reste dans la ligne cause → effet et ne semble donc pas pouvoir faire évoluer cette ontologie. Cela explique également les résultats de Nakhleh et Krajcik (1994) qui montrent que l’approche qualitative des titrages provoque plus de modifications conceptuelles que celle par pH-métrie. Cela peut, bien évidemment aussi, s’étendre aux autres titrages potentiométriques, en particulier les titrages redox.

La question se pose de savoir s’il est possible de faire faire des mesures aux étudiants, dans le cadre des titrages acide-base, pour faire disparaître le caractère d’évènement et si oui, quelles sont-elles ? Une telle suppression de ce caractère évènementiel aura-t-il alors une influence sur l’apprentissage ?

• Courbe conductimétrique

Le principe de la mesure d’une conductance G et son application à l’étude des titrages en 1re S sont décrits dans l’annexe 2. Le statut de la mesure de G est différent du cas de l’étude pH-métrique. Cette fois, la mesure conduit à mettre

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en évidence un évènement singulier (rupture de pente arrondie au point B de la figure 4) identifié par l’élève comme une information qui permet de remonter à une quantité de matière. La distance entre la mesure et l’évènement est grande, comme dans le cas de la pH-métrie. Pour autant, les réponses à la question de la position des points A et B sur le graphe est intéressante et permettent de se faire une idée, dans ce cas, de la relation que les élèves établissent entre la mesure et l’objet d’étude (la réaction chimique).

Figure 4. Graphe expérimental de la conductance G en fonction du volume de base ajouté

A

B

G

VB

L’examen des comptes-rendus révèle que seule deux catégories de réponses apparaissent. Les bonnes réponses indiquent que la réaction acide-base se déroule sur la totalité de la droite descendante. Elles sont au nombre de dix (48 %). Une seule réponse (4 %) indique que la réaction acide base se produit sur la totalité de la courbe. Les dix copies restantes (48 %) ne répondent pas. Aucune justification n’est donnée.

Ces résultats ne sont pas suffisants à eux seuls pour remiser l’approche pH-métrique, mais ils sont plus qu’encourageants, car l’approche conductimétrique évite l’erreur grave de penser que la réaction se déroule à l’équivalence. En effet, il est une conception répandue que de penser qu’une réaction ne se déroule que si les conditions stœchiométriques sont présentes, ce qui ne serait réalisé qu’à l’équivalence. La pH-métrie est donc une approche dont il faut se méfier puisqu’elle renforce une conception qui s’installe par ailleurs.

La méthode conductimétrique présente un autre avantage développé dans la suite de la séquence d’enseignement en 1re S, quand une étude plus approfondie du système chimique est effectuée avec les élèves. En effet, les quantités de matière des ions H+ et HO– pendant le titrage peuvent alors être calculées (et non mesu-rées) et représentées comme sur la figure 5. Un tel calcul fait partie du traitement de la grandeur (figure 2). L’allure de ces représentations possède de fortes ressem-blances avec la courbe issue des mesures (figure 4). Il est donc assez simple, avec cette méthode, d’évoquer avec les élèves la relation entre le traitement de la grandeur et le traitement de la mesure. Cela n’est pas aussi simple avec la méthode pH-métrique car il faut comparer les courbes de la figure 5 à celle de la figure 3

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dont les traits de surface (essentiellement ses caractéristiques géométriques) sont manifestement différents.

Figure 5. Représentation de la quantité de matière,

à droite d’ions H+, et à gauche d’ions HO–, pendant un titrage acide-base

(pH métrique ou conductimétrique)

0 5 10 15 20 25

n (H+)/mmol

Volume de base vers é/mol0 5 10 15 20 25

Volume de base vers é/mol

0,120,100,080,060,040,02

0

n (HO–)/mmol

0,120,140,16

0,100,080,060,040,02

0

7.2. Études des transcriptions

Ces deux études de cas permettent de mieux comprendre la façon dont les étudiants de Bizerte (pH-métrie), et les élèves de Lyon (conductimétrie) sont arrivés à leur conclusion. Des extraits de transcriptions représentatifs sont reproduits. Une interprétation en termes de p-prim est fournie.

• pH-métrie

La lecture de la transcription du binôme filmé pendant le titrage pH-métrique montre qu’avant même que les étudiants aient pris connaissance des questions relatives aux points A et B, ils avaient « analysé » la courbe en trois parties. Ces étudiants avaient donc en tête la position des points A et B de part et d’autre du saut de pH (seconde catégorie).

Interprétation de la courbe / On remarque que notre courbe a une allure croissante /On remarque que cette courbe ( : :) / consiste des trois parties / (… ?)Elle comporte trois parties elle est composée de trois parties

Ces étudiants ont découpé la courbe en trois parties, comme ceux de la deuxième catégorie. En revanche, la première partie, avant le saut de pH, n’est pas décrite comme un moment où il ne se passe rien : ils ont repéré que la courbe n’est pas horizontale. Il se passe, cette fois, une évolution dans la première partie de la courbe :

Au début du dosage on remarque / au début du dosage on remarque / que la valeur que la valeur du pH augmente / augmente / faiblement

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Bien que la grandeur pH mesurée et son augmentation soient mentionnées, aucune recherche sur la cause de l’augmentation ne viendra lors de la discussion. Cela aurait pourtant obligé ces étudiants à considérer la partie gauche de la figure 2 (traitement de la grandeur). À la place, dans toute la transcription, il n’apparaît que des références aux caractéristiques géométriques de la courbe. Par exemple, les grandeurs mesurées (pH et V) ne sont pratiquement jamais évoquées, et il n’est pas question de « volume équivalent », mais de « point équivalent » ou de point d’inflexion. De plus, la position de ce qui sera le point A correspond à ce que nous estimons être le point où la courbe a le plus faible rayon de courbure. C’est, notons-le, le point qui sert à la méthode des tangentes (annexe 3). Celle-ci sera d’ailleurs spontanément utilisée par ces étudiants un peu plus loin dans l’exploitation des mesures.

Le seul passage où des connaissances de chimie apparaissent correspond à l’écriture de l’équation chimique de la réaction du titrage. Pour autant, cette écri-ture apparaît plus comme le fonctionnement d’un algorithme, au seul niveau symbolique (Jonhstone 1993), que pour faire utiliser les notions de réactif et de produit, comme par exemple sur l’extrait suivant :

Tu n’vas pas avoir Na+ dans l’équation on peut éliminer on peut écrire directement NaOH plus HCl taatina (nous donne) Cl– plus H2O /

Le symbole Na+ est éliminé, comme une vulgaire grandeur algébrique, sans que son signifiant ne soit évoqué.

La dernière partie de la transcription qui concerne notre étude est celle rela-tive à la question demandant à quoi correspond ce qui est en dehors des points A et B. Les étudiants ont à ce moment une ultime opportunité de prendre conscience de leur erreur. Leur réponse se ramène à :

Première partie correspond euh euh la réaction est acidi[…] acide et après B la deuxième partie / la réaction devient basique.

Ces étudiants confondent « réaction chimique » et « système chimique », ce qui leur permet de ne pas se poser le problème qui aurait dû les faire revenir sur leur analyse erronée. Cette confusion peut s’interpréter en termes de p-prim. En effet, il n’est pas rare que les enseignants se proposent de « montrer » une réac-tion chimique et ce faisant montrent le récipient dans lequel se déroule la réaction. Pour les élèves, la réaction qui a un statut de transformation d’un objet pour l’expert, prend donc le statut d’objet (ce qui est également montré).

• Conductimétrie

L’analyse de la transcription du binôme lyonnais est plus rapide et elle est donnée intégralement ci-dessous. L’élève F se propose de mettre le point A au

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minimum de la courbe (point d’équivalence), mais son binôme G le reprend aussitôt.

[G] : Ben non / où elle commence / la réaction elle commence à partir du moment où tu mets les deux [réactifs] non ( ?)[F] : Attends ils disent pas ah non j’ai compris équivalence[G] : La réaction de titrage c’est quoi déjà titrage[F] : Ouais parce que là c’est un truc tiens tiens tiens réaction de titrage[G lit] : On appelle titrage toute détermination d’une concentration ou d’une quantité[F lit] : Qui fait intervenir une réaction chimique[G] : Ben ouais donc c’est au moment où ça commence

L’élève lyonnais F confondait « point de titrage » et « réaction de titrage », tout comme l’étudiant tunisien confondait « réaction chimique » et « système chimique ». On peut se demander ce qui se serait passé si G n’avait pas déclaré que la réaction commence dès qu’on a les deux réactifs en présence, ou si un des étudiants utilisant la pH-métrie avait eu la même réflexion. Nous n’avons pas les données pour répondre à une telle question, mais nous avons constaté que les résultats, sur l’ensemble des copies, indiquent que ces élèves représentent l’opi-nion majoritaire de leur groupe. Pourquoi ? On peut conjecturer que la représen-tation de la courbe de pH avec son allure géométrique en trois parties a condi-tionné les étudiants, alors que les élèves utilisant la conductimétrie n’avaient pas la possibilité de se trouver enfermés par une telle représentation. Comme l’a dit Lemke (1990), les étudiants et les élèves n’ont pu donner du sens aux représen-tations qu’à partir de ce qui ressemblait le plus à la courbe qu’ils avaient sous les yeux. Dans le cas de la pH-métrie, l’évènement saut de pH est associé à l’évène-ment réaction chimique, et dans le cas de la conductimétrie, c’est l’évènement « partie de courbe descendante » qui est associé à la réaction du titrage.

8. Discussion

Notre étude a montré de sévères limites à l’utilisation des mesures de pH, bien que cette grandeur donne accès, par un calcul simple, à la concentration d’un ion en solution. Ce n’est pas le cas de la conductimétrie. Les problèmes de cette mesure de pH ont également été décrits dans la littérature. Sheppard (2006) classe ces difficultés en qualitatifs, quantitatifs et numériques. Pour les difficultés qualita-tives, cet auteur relève que certains étudiants pensent que cette valeur est réservée aux solutions acides ou que c’est une grandeur qui caractérise la force d’un acide. Parmi les difficultés quantitatives, il cite le côté inversé de l’échelle (plus une solution est acide, plus le pH est petit), alors qu’il nous semble que la difficulté est plutôt liée au fait que la relation logarithmique conduit à une courbe sigmoïde dont les traits de surface sont trompeurs.

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La question de l’allure de la courbe a été reprise sous une autre forme par Sheppard (2006). Celui-ci fournit une courbe de titrage pH-métrique à des élèves après avoir indiqué trois phases sur la courbe, la phase avant le saut de pH, le saut, et la suite de la courbe. Bien que nous soyons très réservés sur cette approche qui incite probablement les élèves à commettre une erreur déjà dénoncée (Naïja, 2004), il conclut que, pour les élèves, il y a, pendant la phase 1, soit absence de réaction, soit une réaction qui n’a pas encore démarré. Cette conclusion concerne l’objet étudié, à gauche sur la figure 2. Or, nous avons constaté que des étudiants de la deuxième catégorie constataient l’évolution, même faible, du pH. Cette information est à droite sur la figure 2. Considérer que ces étudiants sont cohé-rents et qu’ils disposent de l’ensemble des informations oblige à conclure que la grande distance qui sépare ces informations empêche de les relier pour en tirer profit en termes d’apprentissage.

En ce qui concerne la phase 2, saut de pH (Sheppard, 2006), les élèves se partagent entre « c’est le moment du changement de couleur de l’indicateur » ou « la réaction se fait à ce moment ». Ces informations confortent l’interprétation que nous avons donnée ci-dessus à propos de l’effet de la représentation des résultats de mesures sur les conclusions que les élèves peuvent en tirer. Les représentations, que ce soit en mathématiques ou en sciences, réduisent effica-cement la charge cognitive d’un expert (pour une définition de la notion de charge cognitive, voir Bannert, 2002). Cependant, pour un novice qui n’a qu’une compré-hension partielle de la représentation, la distance entre celle-ci et l’objet étudié laisse l’élève se débattre âprement avec des informations qu’il ne sait relier. C’est une recette idéale pour commettre des erreurs (Perkins & Unger, 1994), et pour donner à cette représentation une signification qu’elle n’a pas.

Le saut de pH oriente apparemment l’esprit de l’apprenant plus vers le volume équivalent que vers la réaction de titrage. Il y a donc, de leur part, erreur sur l’objet étudié. Cependant, le texte de l’activité, avec les questions sur les points A et B, pointe du doigt l’objet « réaction chimique ». On peut se poser alors la question de savoir pourquoi l’élève, même dans ces conditions, n’utilise pas mieux les mesures. La réponse se trouve en partie dans les différents travaux sur les mesures qui ont montré que les élèves étaient capables d’ignorer des données, s’ils n’avaient pas eux-mêmes impliqué un modèle dans leur raisonnement (Millar & Lubben, 1996). La courbe de pH, entre l’origine et le pied du saut, augmente et l’étudiant qui l’a relevé pourrait prendre en compte que le pH ne conserve pas sa valeur initiale. Hélas, les mesures correspondantes sont ignorées, ce qui est en accord avec le fait que le modèle de la réaction chimique est resté largement implicite. Expliciter le modèle plus encore que ce qui fut proposé eût probablement requis un temps incompatible avec la durée de la séance. La multiplicité des objets d’étude que les activités proposées mettent en scène, par nécessité, empêche que l’élève passe le temps nécessaire sur chacun qui permettrait d’effectuer avec profit un travail sur la modélisation. Bien sûr, les enseignants voudraient que les activités

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qu’ils proposent à leurs élèves soient aussi riches que possible, mais certaines situations, impliquant une grande distance entre l’objet et l’idée sur l’objet, doivent inciter à réduire les ambitions pédagogiques d’une même séance.

Les élèves qui ont vu des courbes de titrages n’en conservent parfois qu’une idée partielle, comme le montrent les travaux de Nakhley et Krajcik (1993). Dans une étude similaire à celle de 1994 déjà mentionnée, ces auteurs firent tracer le graphe pH = f(V) à des élèves qui venaient de réaliser un titrage colorimétrique, c’est-à-dire sans mesures, excepté celle du volume équivalent au moment du changement de couleur de l’indicateur. Il en ressort le graphe commence à 0 (et non à 2 ou 3), et tend vers 3 après l’équivalence (et non 12 ou 13, en tout cas largement supérieur à 7). Seule fut conservée l’allure sigmoïde de la courbe. En l’absence de mesure, la grandeur pH ne prend pas de sens parce que sa valeur n’est pas assez liée à l’objet étudié.

L’utilisation de la conductimétrie peut paraître délicate tant sur les plans expé-rimental que cognitif. Sur le plan expérimental, les lycées français ont fait un effort pour s’équiper, car ils ne l’étaient pas avant l’introduction de cette technique dans le programme de 2001 en 1re S. Cette innovation technologique a été possible à moindre frais en n’achetant que des cellules, en les branchant sur des générateurs basses fréquences, et en effectuant des mesures avec un voltmètre et un ampère-mètre dont les établissements étaient déjà équipés. Sur le plan cognitif, il était à craindre de voir apparaître la conception maintes fois décrite d’une conduction électronique en solution (Allsop & George 1982 ; Ogude & Bradley 1994 ; Garnett & Treagust 1992a, 1992b ; Sanger & Greenbowe 1997). Cela n’est pas apparu et nous nous sommes posés la question de savoir pourquoi. Les différents travaux cités mettent tous en œuvre de l’électrochimique basée sur des réactions d’oxy-doréduction, pour lesquels les transferts d’électrons entre réducteur et oxydant sont explicites. Dans le cas de la conductimétrie mise en œuvre pour suivre un titrage acide base, la particule échangée est l’ion H+ pendant la réaction, et non l’électron. Ce dernier n’ayant pas à être mis en jeu dans l’interprétation de la réaction chimique, il ne l’a pas non plus été pour interpréter la conductance de la solution. La conductimétrie semble donc une bonne technique de mesure, au moins de ce point de vue.

Kozma (1997) a postulé que, au moins pour certains apprenants et certaines tâches, les systèmes symboliques variaient par les traits de surface avec lesquels les élèves mettaient en valeur certaines caractéristiques du concept qu’ils représen-taient. Étendons cette hypothèse aux systèmes de représentations des mesures par des courbes dans le cas d’un titrage. La courbe issue de la pH-métrie, avec son saut, met en valeur le moment de l’équivalence. En revanche, celle issue de la conducti-métrie, avec ses deux segments de droite, met plutôt en valeur le fait qu’il y a deux types d’évolution du système chimique : celui avant l’équivalence qui correspond à l’objet d’étude (la réaction chimique) et celui après l’équivalence qui correspond à

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l’excès de réactif titrant versé, et qui possède moins d’intérêt. Le choix de l’une ou de l’autre des représentations, donc le type de mesures mis en œuvre, et donc le choix de tout l’enseignement qui précède l’étude des titrages, peut être déterminé en termes de trait de surface le plus adapté à ce que l’enseignement juge important : la détermination d’une concentration inconnue (pH-métrie) ou la réaction chimique (conductimétrie).

9. Implication pour l’enseignement et conclusion

La chimie est régulièrement connotée de science difficile à apprendre, et de nombreuses conceptions sont présentées pour défendre cette idée. Nous avons, dans cet article, montré par une approche épistémologique qu’une des difficultés liée à cette discipline était la grande distance entre la mesure et les grandeurs de réaction, au premier rang desquelles la grandeur avancement. Dans la chaîne, parfois longue de relations, entre la grandeur mesurée et l’avancement, de nombreuses interprétations erronées peuvent se glisser. Nous avons en priorité montré l’influence des traits saillants des graphes rassemblant les données d’un titrage acide-base. Ces traits peuvent être réellement contreproductifs pour l’apprenant. Pour autant, l’instrumentation et la mesure sont indissociables de l’activité scientifique et il faut continuer de faire expérimenter avec les deux dimensions qualitative et quantitative. La mesure peut permettre la caracté-risation et l’identification de grandeurs et de modèles, l’élaboration de lois chez le scientifique, mais aussi chez l’élève, avec une acceptation plus molle et plus locale de la notion de modèles et des lois. Il faut donc accepter que l’élève soit induit momentanément en erreur et même qu’il utilise pendant un temps ces erreurs. Cette position est hélas difficilement acceptable par le corps enseignant pour qui, l’image de la science est souvent ancrée dans la vérité et non dans l’erreur. Il faut donc, pour lui faire accepter cette position éloignée de ses pratiques, être en mesure de lui fournir des données didactiques qui montrent l’intérêt pour l’élève de passer par de tels stades. En ce qui concerne l’activité de mesure, prévenir l’enseignant qu’avec telle activité expérimentale, les élèves vont faire momenta-nément certaines erreurs bien répertoriées est une façon de lui faire accepter une démarche qui conduit l’élève à se tromper. Il faut également préciser au professeur qu’il doit accompagner certains apprentissages à risque. Par exemple, les titrages pH- métriques doivent être doublés d’un réel travail sur la modélisation de la partie initiale du titrage. L’erreur d’interprétation des élèves aura ainsi une chance d’être comprise et corrigée. Il en est de même de l’usage de la méthode des tangentes qui doit être plus qu’un jeu géométrique pour éviter que les étudiants ne renfor-cent leur conceptions faisant correspondre saut de pH et moment de la réaction de titrage. Une autre difficulté liée à la réaction de titrage dans sa phase initiale provient du fait que l’ajout d’un des réactifs est en permanence interrompu pour faire place à la mesure. Un tel découpage contribue certainement à faire perdre

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l’unité de ce concept ce qui désoriente l’élève dans la prise en compte de l’objet d’apprentissage. Comme il n’est pas possible de réaliser un titrage autrement, c’est à l’enseignant d’adapter son discours pour redonner de l’unité à la réaction chimique étudiée.

Nous avons montré, sur l’exemple des titrages, la variété des types de mesures qui pouvaient être utilisées : pH-métrique évidemment, mais aussi conductimé-trique ou calorimétrique. Faire usage d’une telle variété doit permettre à l’élève de rencontrer des données différentes, ce qui évite de le confronter aux mêmes représentations graphiques, et donc risquer de tomber sur les mêmes obstacles didactiques sans jamais se donner les moyens de les effacer. Le titrage pH-métrique se retrouve souvent du lycée jusqu’à l’université et les apprenants, outre la faible motivation de retrouver sans cesse les mêmes dispositifs de mesure, risquent de n’avoir pas l’impression de rencontrer des dispositifs plus complexes, alors que par ailleurs, il leur est demandé d’être de plus en plus performants.

Dans l’enseignement, l’objet d’étude lié à un TP est rarement unique. Par exemple, dans le cas expérimenté ici, il y a clairement l’objet « détermination d’une concentration inconnue » en même temps que l’objet « étude d’une réaction chimique acide base ». L’expert peut se faire une idée de chacun d’eux avec les mêmes mesures, mais qu’en est-il du novice ? Dans le cas de la pH-métrie, la plupart des étudiants sont passés à côté de l’objet réaction et ont limité leur intérêt à la détermination de la concentration de la solution inconnue. Un travers incontournable de l’enseignement est probablement de s’intéresser à trop d’objets simultanément ou bien l’un après l’autre dans un temps rapproché, ce qui revient sans doute au même pour l’élève. Tout ce qui peut orienter l’attention de l’élève sur un objet plutôt qu’un autre est profitable pour éviter que son intérêt soit distrait. Dans le cas étudié ici, l’élément de distraction est la forme sigmoïde de la courbe qui oriente le regard de l’élève vers le volume équivalent, et donc qui centre son attention sur la détermination de la solution inconnue et non sur la réaction qui a permis cette détermination. L’élève n’est jamais trop aidé quand il s’agit de lui expliciter le travail qu’il doit réaliser.  ■

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Annexe 1. L’origine du saut de pH lors d’un titrage

L’origine du saut de pH tient à la relation logarithmique qui lie le pH et la concen-tration en ions H+ : pH = – log[H+], ce qui va être illustré sur un exemple numérique commenté. Considérons en effet 10 mL d’une solution d’acide chlorhydrique de concentration CA = 0,10 mol.L– 1 (soit une quantité de matière nH

+ introduite égale à 10– 3 mol) titrée par une solution basique d’hydroxyde de potassium de même concentration. Admettons que la solution initiale ait été diluée à 100 mL pour pouvoir négliger l’influence de la dilution due à l’ajout de base. Le tableau ci-dessous donne les valeurs calculées de quelques grandeurs pour différents ajouts VHO

– de base. L’objectif du calcul est de montrer que la courbe contient une partie quasiment plate suivie d’un saut. Ce calcul se limite à ce qui se passe avant l’équivalence. Il faudrait un calcul identique au-delà, il n’est pas fait ici.

VHO– ajouté/mL 0 9 9,9 9,99

nH+ introduit/mol 10– 3 10– 3 10– 3 10– 3

nHO– ajouté/mol 0 0,9.10– 3 0,99.10– 3 0,99.10– 3

nH+ restant/mol 10– 3 10– 4 10– 5 10– 6

CH+ = nH

+/V/mol.L– 1 10– 2 10– 3 10– 4 10– 5

pH 2 3 4 5

Avancement/mol 0 0,9.10– 3 0,99.10– 3 0,99.10– 3

Taux d’avancement 0 90 % 99 % 99,9 %

Ce tableau montre que l’évolution du pH est d’une unité pour les 90 premiers pourcents du taux d’avancement, et qu’il y a également une unité pour 0,9 % d’évolution de ce taux entre les deux dernières colonnes du tableau. Il y a donc bien une phase initiale où la courbe bouge peu et une ou il apparaît un saut.

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Annexe 2. Le titrage conductimétrique

Dans le programme Français de 1re S de 2001, la réaction acide-base et le titrage correspondant sont introduits au moyen de la conductimétrie, et non de la pH-métrie. La même réaction de titrage acide-base est étudiée, mais l’outil avec lequel les mesures sont effectuées diffère. Dans la solution aqueuse étudiée, deux lames métalliques de quelques centimètres carrés sont plongées et soumises à une tension alternative (U) voisine de 0,4 V. Est également mesuré le courant qui traverse le circuit, c’est-à-dire la solution aqueuse. La conductance de celle-ci G = I/U peut donc être calculée. Elle est reliée aux constituants ioniques de la solution par la relation

G = k| ∑i = tous les ions

λi [Xi]

dans laquelle k est une constante qui dépend des caractéristiques du dispositif, en particulier de l’aire immergée des lames et de leur distance, Xi est le ie ion présent en solution, [Xi] est sa concentration, λi est sa conductivité molaire, une constante qui dépend de la mobilité de l’ion soumis à un champ électrique en solution aqueuse.

Dans le cas du titrage de l’acide chlorhydrique par la soude étudié dans notre expérimentation, cette combinaison linéaire concerne les trois ions Cl–, Na+, et H+ avant l’équivalence, et Cl–, Na+ et HO– après. Les élèves ont été préparés, dans le cadre du programme officiel, à donner du sens à cette relation dans les semaines qui ont précédé l’introduction du titrage.

La relation entre les mesures effectuées par l’élève et la réaction chimique diffère de la pH-métrie pour plusieurs raisons. Dans le cas de la pH-métrie, seul l’ion H+ est concerné par la mesure, alors que dans le cas de la conductimétrie, c’est l’ensemble des ions qui apparaissent dans la combinaison linéaire donnant la conductance. Cet aspect tend à rendre la méthode plus complexe. En revanche, la cette relation est linéaire et non logarithmique ce qui est plus simple. Les élèves doivent donc :

– mesurer I et U ;

– en faire le rapport, ce qui donne G ;

– porter G en fonction du volume versé ;

– donner du sens à la courbe (figure 4).

Il pourrait être demandé aux élèves de retrouver la valeur de G au moyen de la combinaison linéaire pour chaque volume de base ajouté puisque les conducti-vités molaires sont connues et que k pourrait l’être simplement. Cette approche fastidieuse n’a pas été envisagée. En revanche, les conditions initiales du titrage (qui n’est plus un véritable titrage du coup) sont fournies, et l’élève constate que la réaction du titrage s’achève pour un volume ajouté identique à celui du point singulier de l’expérience qu’il a réalisé. La méthode de titrage est ainsi validée.

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Annexe 3. Méthode des tangentes

La méthode des tangentes permet de déterminer avec précision le pH (donc l’ordonnée) du point équivalent E. Celui-ci a généralement une abscisse qui se détermine avec une bonne précision puisque la courbe est très verticale, mais son ordonnée, pour autant qu’elle soit utile, nécessite une détermination particulière. Cette méthode s’enseigne très largement en France et en Tunisie bien que l’in-formation à laquelle elle conduit soit d’un intérêt discutable du point de vue expérimental. Son principe est rappelé sur la figure ci-dessous.

Dans notre expérimentation, il semble que les étudiants de la deuxième caté-gorie positionnent les points A et B là où ils auraient placé la tangente. Cela n’a pas été vérifié par une interview, mais ces points à faible rayon de courbure semblent très attirants à bien des égards.

Figure de l’annexe 3. État d’une copie suite à l’utilisation de la méthode des tangentes dans le cas d’un titrage pH-métrique