La Mégère apprivoisée - Mélanie Leray

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vou La Mégère Apprivoisée de William Shakespeare traduction Delphine Lemonnier-Texier adaptation et mise en scène Mélanie Leray DOSSIER PEDAGOGIQUE Du 8 au 17 janvier 2015, salle Jean Vilar au TNB © Christian Berthelot

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Dossier pédagogique - MC2: Grenoble

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La Mégère Apprivoisée de William Shakespeare traduction Delphine Lemonnier-Texier adaptation et mise en scène Mélanie Leray

DOSSIER PEDAGOGIQUE Du 8 au 17 janvier 2015, salle Jean Vilar au TNB

© Christian Berthelot

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La Mégère Apprivoisée (Ou comment dompter l’insoumise)

DE William Shakespeare

Durée 2h15 environ

La traduction de Delphine Lemonnier-Texier est publiée aux Éditions de l’Arche.

SOMMAIRE

Production déléguée Théâtre National de Bretagne/Rennes Coproduction Association 2052 ; Théâtre de la Ville – Paris ; MC2:Grenoble ; Théâtre de Saint Quentin en Yvelines/Scène nationale ; Maison de la Culture de Bourges ; Maison de la Culture d’Amiens

Traduction Delphine Lemonnier-Texier

Adaptation et mise en scène Mélanie Leray

Avec Peter Bonke Baptista Ludmilla Dabo La Veuve Laetitia Dosch Catherine

David Jeanne-Comello Hortensio Clara Ponsot Bianca

Yuval Rozman Lucien Jean-Benoît Ugeux Grumio Vincent Winterhalter Petruccio Jean-François Wolff Gremio Dramaturgie Delphine Lemonnier-Texier Scénographie David Bersanetti Lumières Christian Dubet Vidéo Cyrille Leclercq, David Bersanetti Costumes Laure Mahéo Son Jérôme Leray Régie générale Tugdual Tremel Assistants à la mise en scène Magalie Caillet-Gajan, Vincent Voisin

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I – PRESENTATION ......................................................................................................................... 4

Notes sur l’adaptation de La Mégère Apprivoisée ........................................... 4

Notes de mise en scène de Mélanie Leray ........................................................... 6

Mélanie Leray et son équipe ...................................................................................... 8

II – PISTES PEDAGOGIQUES ..................................................................................................... 14

A la découverte de la pièce ....................................................................................... 14

Analyse de la mise en scène La Mégère Apprivoisée .................................... 17

III – CORPUS POUR UNE ETUDE EN CLASSE ...................................................................... 19

1-Une femme à dompter, quelques conseils : ...................................................... 19

2- Femme adorée, femme abhorrée : ....................................................................... 23

3- La révolte des femmes ............................................................................................... 30

III – DOCUMENTS ANNEXES ...................................................................................................... 33

Annexe n°1 : William Shakespeare ........................................................................ 33

Annexe n° 2 : La place de la femme dans la société ...................................... 35

Annexe n° 3 : Définition de la mise en abyme ................................................ 40

Annexe n° 4: Le monologue de Catherine dans l’acte V .............................. 41

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I – PRESENTATION Notes sur l’adaptation de La Mégère Apprivoisée

La société de l’époque de Shakespeare est fondamentalement patriarcale. À tous les niveaux, la femme est assujettie à l’homme. Pourtant, dans les premières pièces historiques qu’il écrit au début des années 1590, Shakespeare joue avec les stéréotypes en développant des rôles féminins forts, autour desquels l’action gravite. La Mégère apprivoisée prend pour sujet la figure de la femme insoumise, en rébellion contre l’autorité : elle refuse de se cantonner au rôle social que lui dicte la norme en vigueur, celui de l’épouse dont le devoir est, par excellence, de s’enfermer dans le silence. Ces femmes qui refusent de se taire sont qualifiées de mégères et des punitions publiques leurs sont infligées (port d’une bride de mégère, exposition publique sur des charrettes, sévices divers…). Face à cette violence faite à la femme et à son corps, Shakespeare prend le parti de la comédie.

La langue de la mégère de Shakespeare : un sens inné de la répartie

Le personnage de Catherine détonne. Le cadre imposé par les conventions sociales (une fille doit se marier et épouser celui que son père choisit) ne lui convient pas, et elle le rejette, soulignant le côté convenu en dénonçant son artificialité et le jeu social (et théâtral) dont il relève. C’est une femme qui manie parfaitement la rhétorique et l’humour, qui a un sens inné de la répartie, qui sait jouer avec le langage et avec les mots. Elle fait donc peur à tous les hommes, et se retrouve isolée et rejetée. Ce n’est qu’avec Petruccio, initialement intéressé par la richesse de sa famille, qu’elle trouve, enfin, un partenaire de jeu, de dialogue, à la hauteur de son talent. La première rencontre des deux personnages est un festival de réparties, toutes plus vives et drôles les unes que les autres. La logique est donc l’inverse exact des punitions infligées aux mégères à l’époque de Shakespeare : la langue de la femme insoumise est la source vive d’un moment de théâtre jubilatoire pour le spectateur autant que pour les deux protagonistes.

Le régime imposé à Catherine

Catherine, contraire de la femme idéalisée, presque éthérée - elle a les pieds sur terre, et elle a un solide appétit - est mise au régime par Petruccio, qui la sèvre de viande (comme on sèvre un rapace pour le dresser à chasser pour l’homme). Il empêche, dans un premier temps, sa nouvelle épouse de se livrer à son activité favorite, récriminer, ronchonner, râler, crier et tempêter. En prenant littéralement le rôle de la mégère, il en prive Catherine. Alors qu’elle assénait à tous ce type de discours, c’est maintenant elle qui doit les écouter et les subir. Jusqu’au moment où elle comprend qu’il joue…

L’apparente tyrannie du tyran se déjoue aisément dès lors que l’on a compris qu’il faut entrer dans son jeu. Catherine a intégré la leçon, l’élève se hisse à la hauteur

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du maître, et jubile autant de lui que des bons tours que cela leur permet de jouer aux autres.

L’école de Petruccio

De retour à Padoue, Petruccio lance une compétition pour voir lequel des autres hommes récemment mariés aura l’épouse la plus obéissante, récompense en or à la clé. Catherine, complice, montre le visage de l’obéissance la plus parfaite et s’offre le luxe de faire la leçon aux deux autres épouses, dont sa sœur que toujours on a placée au-dessus d’elle. Le discours qu’elle prononce et qui met en parallèle l’obéissance au monarque et celle de l’épouse est aussi celui qui lui donne le premier rôle. Sa plaidoirie pour l’obéissance conjugale est prononcée avec toute l’emphase d’un discours trop énorme pour ne pas être ironique. Elle monopolise la parole et un certain type de discours pour mieux piéger son auditoire. Elle joue le rôle de la femme soumise pour extorquer à son propre père une coquette somme d’or tout en faisant passer sa sœur pour une idiote avec tout le talent et la jubilation à jouer un rôle qu’elle a appris de Petruccio ; loin de réduire Catherine au silence, la fin de la pièce la met de plus en plus au centre. Consciente que tout discours est affaire de circonstances et d’auditoire, et que les mots prononcés n’ont de valeur que relativement à ce que la manipulation de l’auditoire permet d’obtenir, elle vole la vedette à tous les autres personnages, masculins comme féminins.

L’école de Petruccio, où les futurs maris apprendraient à dresser leur femme, n’existe que dans l’imagination des hommes de Padoue. La véritable école de Petruccio n’a qu’une seule élève, Catherine, et c’est l’école du théâtre.

Monter cette pièce aujourd’hui

Les « lieux » que Shakespeare fait visiter au spectateur sont des clichés, des lieux communs (poétiques, dramaturgiques) des relations entre hommes et femmes : femme-image, femme-objet inaccessible, amour au premier regard (coup de foudre) qui rend idiot, amours contrariées par le vieillard têtu (aux airs de Pantalone de la commedia dell’arte) qui sert de père à la jeune femme. Ces archétypes contrastent violemment avec Catherine, qui refuse d’entrer dans ce rôle réservé à la femme, et Petruccio, qui est trop formidable (au sens premier du terme, à savoir énorme, hors norme) pour entrer dans le cadre conventionnel. Tout l’enjeu de la pièce est de mettre ces deux personnages en présence l’un de l’autre, rencontre où chacun trouve un adversaire à sa démesure…

Au cœur de cette comédie, l’enjeu est celui du pouvoir, de l’oppression et de la liberté de la femme. Les thèmes que parcourt la pièce sont intemporels : masculin/féminin et guerre des sexes, normes sociales, conventions et liberté de parole et de pensée, identité sociale et jeu de rôles, conformisme et manipulation. La comédie est un moyen de rire de l’oppression, de la tyrannie, de démonter un certain type de discours normatif en exposant ses rouages et en soulignant sa théâtralité, sans jamais oublier que les armes supposées de la femme (la langue et les larmes) sont aussi l’essence même de l’art du comédien.

Delphine Lemonnier-Texier

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Notes de mise en scène de Mélanie Leray

Shakespeare décontextualise sa pièce de l'Angleterre à l'Italie, pays de l'amour. Je propose de transférer le monde patriarcal et riche de Padoue de la fin du XVIème siècle dans un monde contemporain luxueux et clinquant pour mettre en avant la vulgarité de la situation de départ : un père qui vend ses deux filles aux enchères. Nous réfléchissons à un espace plus qu’un décor. Il sera fait d’éléments qui évoquent le casino, le hall d’hôtel, voire le bar de nuit. Un univers de jeux, d’alcool, de plaisir et d’argent. L’univers musical sera fait, entre autres, de reprises de chansons interprétées par une chanteuse et actrice. C’est une comédie où il fait chaud, où le désir, les allusions et les blagues sexuelles sont omniprésents. Le corps des femmes, mais aussi celui des hommes, est au centre de la pièce ; des corps prêts à danser qui se montrent, se regardent, s’exhibent... Les vêtements seront contemporains et très été.

Je veux réinterroger cette comédie d’un point de vue féminin, en particulier celui de Catherine, l’insoumise, celle qu’on a réduit dans la langue française à l’état de « mégère apprivoisée ». Le prologue ne sera pas celui de Shakespeare mais celui de 3 actrices, dont l’une dira le discours d’Elisabeth 1ère à ses armées en 1588. Elle y rappelle à ses soldats sa force, la leur, mais s’excuse d’habiter « le corps d’une faible femme », tout en affirmant qu’elle a le courage d’un roi.

Nous utiliserons la vidéo en direct sur le plateau pour aller chercher des visages en gros plan. Par instants essayer de saisir ce qui n’est pas dans les mots pour regarder celle ou celui qui se tait, comment il éclaire une situation ou la rend plus complexe. La pièce interroge en permanence la question de la représentation, du langage, du faux et du vrai, comment se jouer de l’autre, faire semblant, se déguiser, se mettre en scène, mettre l’autre en scène. Tout est comédie. Les caméras et l’image en direct pourront être aussi un accessoire de jeu pour montrer cela.

Bianca, l’objet de toutes les convoitises, sera beaucoup filmée et dans chacun des plans, sublimée : le pouvoir de l'image. Le grand pouvoir de la beauté et de la jeunesse, celui-là qui ôte la raison et envoûte celui qui regarde.

Les amoureux Lucien et Bianca sont moqués par l’auteur; leur amour est fait de l’attirance qu’ils ont, de leur image, de leur jeunesse. C’est un amour inconsistant, qui s’arrête à la surface.

En contraste, Petruccio et Catherine s’affrontent, rivalisent, se répondent de manière jubilatoire : ils détiennent le pouvoir des mots, et c’est cela qui les attire l’un vers l’autre. En faisant de Catherine une aussi grande « actrice » que lui, Petruccio achève son éducation en lui enseignant les clés de la manipulation et

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nous donne une leçon sur le pouvoir, la manipulation, et en même temps sur l'art du comédien.

Catherine souffre, s’insurge, elle est insatisfaite. Son statut de femme lui commande de se taire alors qu’elle voudrait dénoncer l’injustice, celle qui la frappe, mais aussi celle qui frappe les autres. C’est également une femme blessée parce qu’elle n’a aucun prétendant, à l’inverse de sa sœur qui les multiplie.

« J’ai beau en faire le vœu, rien ne me changera en homme Je ne peux pas être homme simplement parce que je le désire, Je dois donc rester femme et souffrir jusqu'à en mourir. »

Béatrice (Trop de bruit pour rien)

Petruccio est le premier à laisser Catherine parler et à ne pas craindre de lui donner la réplique. Ensemble, ils parlent librement et il la fait rire, elle le fait rire.

Un des enjeux principaux de la pièce serait-il l’amour ? Pas un amour de surface, d’apparences, mais une véritable complicité d’esprit, une relation d’égale à égal qui, si elle ne peut s’affranchir complètement des codes (le mariage), les renouvelle et permet l’épanouissement et la revanche de ceux qui n’avaient ni la beauté, ni la jeunesse idéale. Mariage arrangé par excellence, couple improbable pris dans le carcan oppressif du mariage vu comme domestication de la femme par l’homme, le couple Petruccio-Catherine a tout pour échouer et rien pour réussir. Pourtant, c’est l’inverse qui se produit, et des trois couples que présente la pièce, c’est le seul qui fonctionne. Cette complicité, cette affection et ce plaisir d’échanger avec l’autre viennent les prendre par surprise et assurent à l’un comme à l’autre un semblant d’être qu’ils ne cessent de rechercher dans leur insoumission au monde.

Avec Delphine Lemonnier Texier, la traductrice, nous avons veillé à garder au maximum la beauté de la langue tout en s’assurant que l'humour soit bien perceptible. Car, même si au cœur de la pièce l'enjeu est celui du pouvoir, de l'oppression et de la liberté de la femme, La Mégère apprivoisée est une comédie, grivoise et moqueuse.

Mélanie Leray

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Mélanie Leray et son équipe

Mélanie Leray est comédienne, metteuse en scène et auteure. Elle est formée à l'école du Théâtre National de Bretagne de 1991 à 1994. Elle travaille comme actrice avec le Théâtre des Lucioles et Christophe Lemaître, Jean Deloche, Gilles Dao, François Rancillac, Patricia Allio, Pierre Huyghe… Au cinéma, elle a tourné avec Manuel Poirier (prix du Jury du Festival de Cannes 1997), Xavier Beauvois, Marion Vernon, Benoît Jacquot, Roch Stephanik, Christophe Jacrot, Pascale Breton, Hubert Grillet, Fred Pell, Jalil Lespert etc. Elle obtient en 2001 le Lutin de la meilleure actrice pour Les filles du 12 de Pascale Breton. Elle tourne également pour la télévision des films avec Edouard Niremans, Lou Genet, Hervé Baslé, Jean Larriaga, Claude D'Anna, Sisser, David Delrieux, Florence Strauss, P. Poivre D’Arvor, Pascale Dallet... Elle met en scène au Centre Pénitentiaire de Rennes avec le TNB, des femmes de la prison et des artistes extérieurs : Voir et être vu (B. Strauss et Sarah Kane, 2000) et J'étais dans ma maison et j'attendais... d'après le texte de Jean-Luc Lagarce (2001). Avec Pierre Maillet, elle met en scène deux pièces : Automne et Hiver (2004) et La Veillée (2005) de Lars Norén. Elle crée au Festival Corps de Texte à Rouen Erma et moi de Mario Batista (2006), au Théâtre du Rond Point à Paris la Chaise de Florian Parra (2006) et au Théâtre National de Bretagne à Rennes deux spectacles qui rencontrent un grand succès : Leaves de Lucy Caldwell (2009 & 2011) puis Contractions de Mike Bartlett (2012), repris en 2014.

© Christian Berthelot

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Peter Bonke étudie au Conservatoire Royal de Copenhague, et débute sa carrière de comédien au Danemark, son pays natal. Titulaire d’une bourse d’études, il s’installe à Paris ; il fait aussitôt ses débuts au cinéma dans Barocco de Téchiné, aux côtés de Gérard Depardieu et Isabelle Adjani. Suivront plus d’une vingtaine de longs-métrages : aux côtés d’Alain Delon sur Le Toubib de Pierre Granier-Deferre, Trois hommes à abattre de Jacques Deray et Le Choc de Robin Davies, puis sous la direction de Gérard Oury L’As des As, Lewis Gilbert Moonraker, Robert Aghion Pédale Douce, Robert Enrico De guerre lasse, Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic Dancing et L’Autre, avec Dominique Blanc, Krzystof Zanussi Contrat, Marcel Bluwal Le plus beau pays…

A la télévision Peter Bonke tourne, entre autres, sous la direction de José Dayan Tourbillons, Marcel Bluwal L’Affabulatrice, A droite toute, Jeanne Labrune La Digue, Luc Beraud Les croix sur la mer et apparaît de manière récurrente dans Un Village Français.

Il développe parallèlement une carrière au théâtre : Le récit de la servante Zerline de Hermann Broch par Klaus-Maria Gruber avec Jeanne Moreau, Les Revenants d’Ibsen par Olivier Werner, avec Edith Scob, Liaison transatlantique de Simone de Beauvoir par Patrice Kerbrat, avec Marie-France Pisier, La double inconstance de Marivaux et le Tartuffe de Molière dans des mises en scène de René Lyon, Richard II par Jean- Baptiste Sastre avec Denis Podalydès, Les Juifs de Lessing sous la direction d’Olivia Kryger… Peter Bonke aborde également un répertoire musical avec Labyrinthe Hotel (opéra de chambre) par Luc Ferrari et Farid Paya, ainsi que l’Opéra de Quat’sous de Bertolt Brecht musique de Kurt Weill avec Jean-Louis Martin-Barbaz.

Ludmilla Dabo est formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique où elle a notamment pour professeurs Dominique Valadié, Alain Françon, Jean-Damien Barbin, Guillaume Gallienne et Michel Fau. Au théâtre, elle joue entre autres pour : Bernard Sobel (Théâtre de la Colline), Irène Bonnaud (Théâtre du Nord, Comédie de Reims entre autres), Jean Philippe Vidal (au Théâtre de l'Ouest Parisien et la Comédie de Reims entre autres) Philippe Grandrieux et Pavel Hak (Montévidéo Marseille), Saturnin Barré (Théâtre d'Auxerre), Denis Moreau ( Parole Errante - La Maison de l'Arbre, Montreuil ), Lena Paugam (Confluences,

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Théâtre 95), Malgorzata Kaspzycka (Mexique). Elle est membre de la Compagnie JTLE crée par Simon Gauchet en 2007 et de la Compagnie Volcano Song crée par Malgorzata Kaspzrycka et destinée à des formes performatives et visuelles axées à la fois sur le théâtre et sur la musique. Elle met en scène Le jugement denier d'Odon Von Horvath et une comédie musicale Eunice Kathleen Wamon ou la vie de Nina Simone (Théâtre du Conservatoire), L'Enfant d'or et l'enfant d'argent (spectacle jeune public), elle met en scène et joue dans Misterioso-119 de Koffi Kwahulé (Théâtre Gérard Philippe - Saint Denis). Elle joue actuellement dans Afropéennes, une mise en scène d'Eva Doumbia qui se jouera en février 2015 au Carreau du temple à Paris.

Laetitia Dosch a été étudiante à la classe libre du Cours Florent ainsi qu'à l'École Périmony, puis part en Suisse pour entrer à la « Manufacture ». Elle a joué au cinéma avec Frédéric Mermoud pour Complices (2010), Justine Triet pour Vilaine Fille, Mauvais Garçon (2011), puis encore La Bataille de Solférino (2012) de la même réalisatrice, puis avec Maiwenn, Catherine Corsini, Guillaume Senez et Christophe Honoré. Elle joue le rôle récurrent de Daphné dans la série Ainsi soient-ils, saison 2, coproduite par Arte.

Au théâtre Lætitia Dosch a notamment joué Isabelle dans le Mesure pour mesure de Jean-Yves Ruf, avec Eric Ruf. Dans la danse contemporaine, Lætitia Dosch a travaillé à plusieurs reprises avec le chorégraphe Marco Berrettini, et avec la chorégraphe espagnole La Ribot. Elle est aussi metteuse en scène et auteure de théâtre, notamment de Lætitia fait péter… (titre évolutif) qu'elle joue à Beaubourg et, au festival Artdanthé, Klein à la Ménagerie de Verre. Actuellement Lætitia Dosch travaille à sa nouvelle création Un Album (Théâtre Arsenic, festival ActOral) avec Yuval Rozman comme collaborateur artistique.

David Jeanne-Comello est un acteur formé à l’école du Théâtre National de Bretagne, Il est co-fondateur du Théâtre des Lucioles. Avec Pierre Maillet, Marcial di Fonzo Bo, Mélanie Leray, et Frédérique Loliée, il participe à la mise en jeu d’auteurs contemporains, (R.V.Fassbinder, Leslie Kaplan, Ingmar Bergman, Alberto Moravia, Valère Novarina, , Lars Noren, ,Martin Crimp…).

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Il travaille également avec les metteurs en scène : Marc François, Dominique Pitoiset, Guy Delamotte, Dominique Terrier, Mathieu Cruciani, Max Denes... Il participe à des projets chorégraphiques en tant que danseur avec K. Reynolds, collabore en tant que chanteur au groupe « les portugaises ensablées ». Il joue et possède une expérience dans une dizaine de courts, longs métrages, et prête sa voix à la radio pour des documentaires historique ainsi que des fictions. David Jeanne-Comello travaille actuellement et met en scène « La Campagne » de Martin Crimp, et « Face de cuillère » de Lee hall.…

Clara Ponsot est une actrice française née en 1989. Elle a étudié au Conservatoire National Supérieur d'Arts Dramatiques. Clara Ponsot fait ses premiers pas au cinéma dans Bus Palladium de Christopher Thompson(2009) et Poupoupidou de Gérald Hustache-Mathieu (2010), avant de se faire remarquer en petite amie étudiante de Gilles Lellouche dans Les Infidèles de Jean Dujardin (2012). En mars 2012, elle interprète le personnage d'Emmanuelle Béart jeune dans le film Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, puis elle tourne pour Danièle Thompson Des gens qui s'embrassent (2013). On la verra en 2015 dans Peur

de rien de Danielle Arbid. Pour le théâtre, elle a joué dans : Le Misanthrope de Molière, mise en scène David Géry, Théâtre de la Commune (2006), Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot, Théâtre Les Déchargeurs (2010), Faites avancer l'espèce d'après Wystan Hugh Auden et Shakespeare, mise en scène Bruno Bayen, CNSAD (2012), Le jeu de l'amour et du hasard de Marivaux, mise en scène Laurent Laffargue, Théâtre de l'Ouest parisien (2014).

Après des études au Conservatoire National d'Art Dramatique de Tel-Aviv & New-York, Yuval Rozman (né en 1984), crée l'ensemble Voltaire en 2010 et, présente ses propres travaux en France, en République Tchèque, aux États-Unis et en Israël. L'Ensemble a reçu les félicitations du jury et le premier prix du C.A.T International Théâtre Festival de Tel-Aviv 2011 pour la pièce Cabaret Voltaire

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© Béatrice Cruveiller

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Il collabore également avec des chorégraphes, réalisateurs et plasticiens internationaux. En 2013, il a présenté une mise-en-espace de Je crois en un seul dieu de Stefano Massini au théâtre du Merlan - Scène Nationale, et en 2014, il a présenté une mise-en-espace de Sight is the sense that dying people tend to lose first de Tim Etchells, dans le cadre du festival ActOral à Marseille. Actuellement, il vit à Paris, et travaille sur sa nouvelle pièce Tunnel Boring Machine (Théâtre de l'Odéon, festival ActOral, théâtre de Vanves) avec Laetitia Dosch qu’il retrouve aussi comme collaborateur artistique sur sa nouvelle création Un Album (Théâtre Arsenic, festival ActOral). Au cinéma on le voit dans : Sans Titre, long métrage

de Maïwenn, Cupcakes, long métrage d'Eytan Fox, Le fils de l'autre, long métrage de Lorraine Lévy au Festival international de Jérusalem, Epilogue, long métrage d'Amir Manor au Festival de Venise et de Jérusalem, A word, court métrage de Yoav Inbar prix du meilleur film au Festival international du film de Tel-Aviv, au Festival de Londres, Sous d'autres cieux, long métrage d'Ariel Templer. Il joue dans Itamar et moi, série dramatique réalisée par Oren Yaniv. Pour le théâtre Yuval Rozman joue dans: Le lait et le miel mis en scène par N.Kerszenbaum, Incendies de W.Mouawad mis en scène par M.Ronen, L'Idiot de Dostoïevski (le prince L.Mychkine) mis en scène par Misha Lorya, suicidé de N. Erdman mis en scène par Uri Paster.

Jean-Benoît Ugeux est un acteur de théâtre et de cinéma Belge. Avec une réelle prédilection pour les créations contemporaines avec des compagnies étrangères - souvent dans des langues qui le sont tout autant. Il travaillera donc avec des metteurs en scène ou des compagnies telles que Wayntraub, Ivan Vrambout, Wim Vandekeybus, Rodrigo García, BERLIN, Blitz Theater Group... Au cinéma, on le voit dans une flopée de films belges et étrangers avec une prédilection pour les projets ambitieux et/ou casse-gueule et/ou sans budget. Il

travaille pêle-mêle avec Joachim Lafosse, Emmanuel Marre, Cédric Bourgeois, François Pirot, Xavier Seron, Matthieu Donck... le duo Amachoukeli / Burger, Brigitte Sy. Il a également réalisé et monté un triptyque expérimental appelé: "VALEURS". Il est aussi un peu photographe et (fût) un peu musicien électro-acoustique. Il s’oriente actuellement plutôt vers le cinéma et produit un film-tryptique intitulé "Avant-Terme", réalisé par cinq réalisateurs Belges.

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Vincent Winterhalter se forme auprès de Nicole Mérouse, et d’Herbet au Studio/New York, et à l’école de Cirque Fratellini. Au théâtre, il travaille avec Jean-Gabriel Nordmann, François Rancillac, Robert Cantarella, Jean-Paul Delore, Jorge Lavelli, Georges Lavaudant, Hélène Vincent, Jacques Nichet, Gildas Bourdet, Laurent Laffargue, Didier Bezace, Jacques Vincey… et aux Etats-Unis avec Larry Collins et Bo Brinkman. Dernièrement, on a pu le voir dans Le Roi Lear de William Shakespeare, mise en scène Christian Schiaretti, Stuff Happens de

David Hare, mise en scène Bruno Freyssinet et William Nadylam, Mary Stuart de Friedrich Von Schiller, mise en scène Stuart Seide, 14-18, Le temps de nous aimer mise en scène de Patrick Pineau. Il a mis en scène Phèdre de Racine et Jack’sFolies de Robert Desnos. Au cinéma, on a pu le voir notamment dans Aux yeux du monde d’Eric Rochant, L’instinct de l’ange de Richard Dembo, La nouvelle Eve de Catherine Corsini, Une pour toute de Claude Lelouch, Parenthèse de Bernard Tanguy, Du sang sur la croix de D.Othnin-Girard, JP Rappeneau, Éric Woreth. A la télévision, on le retrouve dans différentes séries : Le boiteux, Fais pas ci fais pas ça, Nicolas Le Floch, Engrenages, Maigret…

Jean-François Wolff est un acteur formé au Conservatoire de la Ville de Luxembourg. Le théâtre de Molière lui donne l’occasion de jouer Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme et Arnolphe de l'Ecole des Femmes. Il interprète Titus dans Titus Andronicus de William Shakespeare. En rôle-titre dans le théâtre contemporain, on le voit dans Orphelins de Lyle Kessler et Quelqu’un va venir de Jon Fosse. Au cinéma il tourne pour Jeanne Labrune dans Sans queue ni tête, Philippe Claudel Avant l’hiver, Bouli Laners Les Géants, Sandrine Bonnaire J’enrage de son absence, Frédéric Fonteyne La femme de Gilles et en international pour Julian Farino Byron, Michael rathford The merchand of Venice et récemment dans la série The missing pour la BBC.

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II – PISTES PEDAGOGIQUES A la découverte de la pièce

Aborder l'œuvre → Réfléchir sur le titre de la pièce – faut-il lire The taming of the shrew comme une pièce misogyne ? Propos de Mélanie Leray recueillis par Adèle Duminy : « Je suis arrivée à ce texte par le titre français, qui est une aberration. En anglais, « The Taming of the Shrew » signifie « Comment dompter l’insoumise ? ». Et « shrew » est autant féminin que masculin. Donc, dans la traduction, « insoumise » est traduit par « mégère ». Tout un programme ! Entre « insoumise » et « mégère », il y a une différence... Au moment de l’écriture par Shakespeare, le système patriarcal domine. La femme est gouvernée par l’homme, qui est gouverné par le père, qui est gouverné par le roi, lui-même gouverné par Dieu. Mais la grande contradiction de tout ça, c’est qu’à la tête de l’Angleterre, c’est une femme, Élisabeth I, qui est célibataire et qui refuse d’avoir des enfants, qui se dit vierge et qui ne veut pas se marier. Tout le contraire de ce que doit être une femme à l’époque ! J’ai envie d’envisager La Mégère sous cet angle. Pour moi, le parcours de Catherine c’est celui d’une femme vers la liberté et la compréhension. Catherine est une très jeune femme insoumise qui se demande pourquoi elle ne serait pas l’égale des hommes. Personne ne veut lui donner la réplique parce qu’elle ne veut pas se soumettre à l’ordre établi. Donc, ce que j’ai envie de raconter, c’est comment cette femme va rencontrer Petruccio, le premier homme à lui donner la réplique, et comment il va lui apprendre, malgré lui, que c’est en maniant la langue qu’elle va pouvoir faire son chemin. Que ce n’est pas en étant en colère mais plutôt en composant avec l’état du monde qu’elle va pouvoir exister. Petruccio lui apprend à manier les mots qu’on attend d’elle. Catherine, en jouant parfaitement son rôle de femme, à la fin devient libre de faire ce qu’elle veut. » Référence mythologique : Le terme Mégère est d'abord le nom d'une des furies, incarnation de la vengeance. Mégère a pour mission de semer parmi les hommes les querelles et les disputes. C'est elle aussi qui poursuit les coupables avec le plus d'acharnement. C'est de ce personnage que découle l'acception moderne : femme acariâtre et méchante.

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→ Analyse d’un extrait de l’œuvre : le prologue « Mon peuple bien-aimé, Nous avons été persuadée par ceux qui prennent soin de notre sécurité, de veiller à ne pas nous présenter devant la multitude armée, de crainte d’une trahison ; mais je vous l’assure, je me refuse à vivre en me défiant de mon peuple fidèle et aimant. La peur est l’affaire des tyrans, pour ma part j’ai toujours fait en sorte, à la grâce de Dieu, de placer ma plus grande force et ma confiance dans le cœur et la bonne volonté de mes sujets. C’est pourquoi je suis venue parmi vous, comme vous le voyez, à cette heure, non pas pour y trouver plaisir ou distraction, mais parce que je suis résolue, au milieu et au plus fort de la bataille, à me battre et à mourir à vos côtés. À risquer mon honneur et à verser mon sang pour Dieu et mon royaume, et pour mon peuple, même si je devais mordre la poussière. Je sais que j’ai le corps d’une femme, faible et faillible ; mais j’ai le cœur et l’estomac d’un roi, et d’un roi d’Angleterre, et peu m’importe que le prince de Parme ou le roi d’Espagne ou quelque autre prince d’Europe ose envahir mon royaume. Plutôt que de risquer le déshonneur, je préfère prendre moi-même les armes et être moi-même votre général, votre juge et celui qui récompensera chacune des vertus dont vous aurez fait preuve au combat. Je sais que votre bravoure appelle déjà des récompenses et des honneurs. Et nous vous donnons notre parole de prince qu’on vous honorera comme il se doit. D’ici là, mon lieutenant en chef prendra ma place, c’est le plus noble et le plus méritant sujet qu’un prince ait jamais eu sous ses ordres. Ne doutant pas de votre obéissance à mon général, grâce à la bonne entente dans le camp et votre valeur sur le champ de bataille, je sais que nous ne tarderons pas à remporter une victoire retentissante sur ces ennemis, les ennemis de Dieu, de mon royaume et de mon peuple. »

Discours d'Elisabeth I aux troupes à Tilbury, 1588 → Faire le point avec les élèves sur le théâtre élisabéthain Évoquer le mélange des registres que l'on trouve dans ce théâtre, entre tension dramatique et bouffonnerie. « Même si au cœur de la pièce l'enjeu est celui du pouvoir, de l'oppression et de la liberté de la femme, La Mégère apprivoisée est une comédie, grivoise, moqueuse » Mélanie Leray. « La ligne de partage qui détermine le degré de proximité ou de distance avec le spectateur réside avant tout dans la langue utilisée. Il est essentiel que la langue ne soit pas un obstacle à l’immédiateté de la comédie, ne fasse pas obstacle à l’humour ; il faut qu’elle soit aussi limpide, vive et immédiate que l’est celle du texte anglais, y compris pour le spectateur d’aujourd’hui. Il faut rendre aussi toute l’amplitude de l’éventail de la comédie que Shakespeare y déploie, les scènes de farce et les chapelets d’injures cohabitant avec des effets d’incongruité, de parodie et de caricature. » Delphine Lemonnier Texier.

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Le théâtre Élisabéthain avait en effet l'ambition de satisfaire des publics extrêmement variés, aux attentes et aux références culturelles souvent opposées. On trouve ainsi dans ce théâtre des scènes poétiques alternant avec des passages triviaux. Le rôle du bouffon, du pitre est primordial dans ce théâtre, instaurant une distance salutaire avec l'intensité du spectacle. La comédie permet de plus d'aborder des thèmes graves avec légèreté, et de transmettre le message avec plus d'efficacité. → Relever avec les élèves les éléments qui, dans la mise en scène de Mélanie Leray, incarnent ce caractère comique. Qu'apportent-ils à la pièce ?

→ Rappeler que le théâtre élisabéthain n'était joué que par des hommes. Les rôles de femmes sont ainsi tenus par de jeunes acteurs, conseillés par des acteurs plus expérimentés qui leur apprennent le métier. On peut ici faire le parallèle entre la situation de ces jeunes acteurs apprenant les ficelles de leur métier, et Catherine, qui, par les conseils de Petruccio, apprend à se conformer à la société de son époque.

→ Faire un point sur l’influence de la commedia dell’arte dans le théâtre shakespearien

On pourra proposer aux élèves de faire des recherches sur la commedia dell'arte et d'effectuer un rapprochement avec les personnages de La Mégère apprivoisée.

Le site Commedia dell'arte d'Arlequin à Molière (http://paularbear.free.fr/commedia-dell-arte/heritage/personnages.html) constitue un support accessible et clair.

Shakespeare tire le sujet de sa pièce de I Suppositi (Les Méprises), une pièce d'Arioste qui fut représentée à Londres, à partir de 1566. On reconnaît dans La Mégère apprivoisée les personnages de la femme acariâtre et de son prétendant, incarnés par Catherine et Petruccio. Autre inspiration majeure, la commedia dell'arte, et en particulier les masques italiens qui ont visiblement influencé la création des personnages secondaires : Baptista peut être rapproché du docteur Lombardi, Grémio de Pantalone, Lucentio de Lélio et les valets Tranio, Biondello et Grumio des célèbres Scapin, Brighella et Arlequin.

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Analyse de la mise en scène La Mégère Apprivoisée → Étudier avec les élèves le concept de la mise en abyme. (définition document annexe n°3). La Mégère apprivoisée commence d'abord par un prologue dans lequel un lord anglais revenant de la chasse tombe sur un homme saoul. Lui et ses compagnons de chasse décident de l'emmener et de lui faire croire qu'il est riche. Ils lui présenteront une femme (l'un d'entre eux déguisé) comme la sienne et lui conteront l'histoire de La Mégère apprivoisée. L'histoire de Catherine est donc présentée comme un récit de pure fiction. C'est un personnage créé par d'autres personnages de la pièce. Le spectateur est donc prévenu de la dimension fictive de ce récit et peut prendre une distance vis à vis de lui. Mélanie Leray a choisi de ne pas garder ces deux scènes de prologue. Pourtant, pas le biais de cette création, elle conserve la mise en abyme initiale. En plaçant sa pièce sous l'égide des discours d'Elisabeth I et de Catherine, elle met par ailleurs en exergue la dualité de la condition féminine, entre revendication d'émancipation et soumission, feinte ou assumée. → Proposer aux élèves d'interpréter eux aussi un extrait de la Mégère sur le mode de l'audition. Quels conseils le metteur en scène pourrait-il donner ? Quelles pourraient être les différentes interprétations d'une même scène ? → Demandez aux élèves de décrire les costumes des trois femmes du premier tableau de la pièce. Quel message ces tenues transmettent-elles ? Proposer aux élèves une recherche internet sur les costumes élisabéthains.

Queen Elizabeth

(Darnley Portrait)

1575

Le site Elizabethan costume propose une multitude d'articles et d'illustrations sur les costumes de l'époque élisabéthaine ainsi que quelques conseils pratiques (comment amidonner sa fraise, par exemple): http://www.elizabethancostume.net/ (site en anglais). On montrera aux élèves une page en particulier qui constituera un clin d’œil

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amusant, « dressing Cecily »: http://www.elizabethancostume.net/doll/index.html Cette page nous propose d'habiller une femme nue, sur le mode des modèles de papier, avec les vêtements de notre choix parmi la sélection proposée. Le rapprochement que l'on peut faire entre ce jeu et certaines scènes de la pièce ne manque pas de sel !

Présentation de la mode de la fraise des années 1560 à l'an 1600 1 On abordera également avec les élèves la présence de la bride de mégère, présente dans cette première scène (voir passage sur la condition des femmes et document annexe page 19). → Le décor : « Shakespeare décontextualise sa pièce de l'Angleterre à l'Italie, pays de l'amour. Demander aux élèves de décrire les différents éléments du décor qu'ils ont identifiés. A quels univers ces éléments font-ils référence ? Quel rapprochement peut-on faire avec la pièce ? → La vidéo : Quel usage est fait de la caméra ? Pourquoi passer par ce médium ? Faire remarquer aux élèves que le film permet au spectateur de considérer différemment la personne filmée, en intégrant le point de vue de la personne qui se tient derrière la caméra.

1http://lecostume.canalblog.com/archives/collerette__pour_femme_/index.html

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III – CORPUS POUR UNE ETUDE EN CLASSE

Quelques propositions de textes complémentaires pour étudier la pièce dans le cadre d'une séquence sur l'argumentation. Trois pistes sont proposées : l'éducation des femmes par les hommes, les portraits de mégères et l'émancipation féminine. Les textes vont de l'antiquité au XXème siècle et mêle différents genres littéraires.

1- Une femme à dompter, quelques conseils :

Xénophon, L’Économique (autour de 362 av JC)

Ischomaque rapporte à Socrate ses conseils pour tenir au mieux une maison. Il aborde entre autres le rôle de l’épouse et ses devoirs.

«Un jour, Socrate, je la vis toute couverte de céruse afin de paraître plus blanche qu'elle ne l'était, et de rouge pour se donner un faux incarnat. Une élégante chaussure semblait ajouter à sa taille. «Réponds, ma femme : si je te montrais l'état de mes biens au plus juste, sans te rien exagérer, sans te rien cacher, consulterais-je mieux nos intérêts communs, me trouverais-tu plus digne de tendresse que si j'essayais de te tromper en te disant que j'ai plus que je ne possède, en te montrant de l'argent de mauvais aloi, des colliers de bois recouvert en métal, de la pourpre que je donnerais pour vraie, tandis qu'elle serait de mauvaise teinte? — Que les dieux t'en préservent ! Si tu étais l'homme que tu me dépeins, de la vie je n'aurais une sincère affection pour toi. — En nous unissant, ma femme, ne nous sommes-nous pas fait un don mutuel de nos corps? — C'est ce que disent les hommes. — Me recevrais-tu plus amoureusement dans tes bras, si, au lieu de te donner un corps sain, fortifié par l'exercice et d'une belle carnation, je me présentais à toi frotté de vermillon, les yeux peints, te faisant illusion, et te donnant, au lieu de ma personne, du vermillon à voir et à toucher? — Certes, j'aimerais mieux te toucher que du vermillon, voir la couleur de ton teint et le vif éclat de tes yeux que des couches de fard. — Crois, ma femme, que je ne préfère pas la céruse ni le rouge à tes véritables couleurs. Les dieux ont voulu que le coursier plût à la jument, le taureau à la génisse, le bélier à la brebis : les hommes croient aussi qu'un homme est très agréable lorsqu'il n'emploie aucun fard. Des étrangers peuvent bien être dupes de pareilles supercheries; mais des époux qui vivent toujours ensemble se trahissent nécessairement s'ils essayent de se tromper. Ils se surprendront au sortir du lit avant la toilette; une goutte de sueur, une larme décèlera l'artifice, ou bien ils se verront au bain dans toute la vérité de la nature.» — Et que te répondit-elle? — Elle se corrigea; elle se montra devant moi avec une parure simple et modeste : ce fut sa réponse. Elle me demanda pourtant si je pourrais lui indiquer le moyen non seulement de paraître, mais d'être

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véritablement belle. Je lui conseillai de ne pas rester continuellement assise comme les esclaves. Elle assisterait en bonne maîtresse aux travaux des femmes; avec l'aide des dieux, elle s'efforcerait ou de leur enseigner ce qu'elle saurait mieux, ou d'apprendre ce qu'elle saurait moins bien; elle aurait l'œil à la boulangerie, serait présente aux mesurages de la femme de charge, ferait sa ronde pour examiner si tout est bien en place. Ce serait pour elle une promenade en même temps qu'un acte de surveillance. Détremper le pain et le pétrir, battre et serrer les habits et les tapisseries, voilà encore un bon exercice. Un tel régime, disais-je, fera l'assaisonnement de ses mets, lui donnera une meilleure santé, une plus belle carnation. D'ailleurs, si son air contraste avec celui d'une esclave, si elle est plus proprement et plus convenablement vêtue, elle n'en sera que plus séduisante, surtout si c'est d'elle-même et non malgré elle qu'elle cherche à lui plaire. Quant à ces épouses continuellement assises avec un air de fierté, qu'on les range dans la classe des femmes amies de la parure et de l'artifice. Apprends, Socrate, qu'aujourd'hui la mienne suit les leçons que je lui ai données, et se conduit comme je viens de te dire.»

Molière, L'école des femmes, Acte 1 scène 1 (1662)

ARNOLPHE. Épouser une sotte est pour n'être point sot. Je crois, en bon chrétien, votre moitié fort sage ; Mais une femme habile est un mauvais présage ; Et je sais ce qu'il coûte à de certaines gens Pour avoir pris les leurs avec trop de talens. Moi, j'irois me charger d'une spirituelle Qui ne parleroit rien que cercle et que ruelle, Qui de prose et de vers feroit de doux écrits, Et que visiteroient marquis et beaux esprits, Tandis que, sous le nom du mari de Madame, Je serois comme un saint que pas un ne réclame ? Non, non, je ne veux point d'un esprit qui soit haut ; Et femme qui compose en sait plus qu'il ne faut. Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime, Même ne sache pas ce que c'est qu'une rime ; Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon Et qu'on vienne à lui dire à son tour : « Qu'y met-on ? » Je veux qu'elle réponde : « Une tarte à la crème ; »

En un mot, qu'elle soit d'une ignorance extrême ; Et c'est assez pour elle, à vous en bien parler, De savoir prier Dieu, m'aimer, coudre et filer. CHRYSALDE. Une femme stupide est donc votre marotte ? ARNOLPHE. Tant, que j'aimerois mieux une laide bien sotte Qu'une femme fort belle avec beaucoup d'esprit. CHRYSALDE. L'esprit et la beauté... ARNOLPHE. L'honnêteté suffit. CHRYSALDE. Mais comment voulez-vous, après tout, qu'une bête Puisse jamais savoir ce que c'est qu'être honnête ? Outre qu'il est assez ennuyeux, que je croi, D'avoir toute sa vie une bête avec soi, Pensez-vous le bien prendre, et que sur

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votre idée La sûreté d'un front puisse être bien fondée ? Une femme d'esprit peut trahir son devoir ; Mais il faut pour le moins qu'elle ose le vouloir ; Et la stupide au sien peut manquer d'ordinaire, Sans en avoir l'envie et sans penser le faire. ARNOLPHE. À ce bel argument, à ce discours profond, Ce que Pantagruel à Panurge répond : Pressez-moi de me joindre à femme autre que sotte, Prêchez, patrocinez jusqu'à la Pentecôte ; Vous serez ébahi, quand vous serez au bout, Que vous ne m'aurez rien persuadé du tout. CHRYSALDE. Je ne vous dis plus mot. ARNOLPHE. Chacun a sa méthode. En femme, comme en tout, je veux suivre ma mode. Je me vois riche assez pour pouvoir, que je croi, Choisir une moitié qui tienne tout de moi, Et de qui la soumise et pleine dépendance N'ait à me reprocher aucun bien ni naissance. Un air doux et posé, parmi d'autres enfans, M'inspira de l'amour pour elle dès quatre ans ; Sa mère se trouvant de pauvreté pressée, De la lui demander il me vint la pensée ; Et la bonne paysanne, apprenant mon désir,

À s'ôter cette charge eut beaucoup de plaisir. Dans un petit couvent, loin de toute pratique, Je la fis élever selon ma politique, C'est-à-dire ordonnant quels soins on emploîroit Pour la rendre idiote autant qu'il se pourroit. Dieu merci, le succès a suivi mon attente ; Et grande, je l'ai vue à tel point innocente, Que j'ai béni le Ciel d'avoir trouvé mon fait, Pour me faire une femme au gré de mon souhait. Je l'ai donc retirée ; et comme ma demeure À cent sortes de monde est ouverte à toute heure, Je l'ai mise à l'écart, comme il faut tout prévoir, Dans cette autre maison où nul ne me vient voir ; Et pour ne point gâter sa bonté naturelle, Je n'y tiens que des gens tout aussi simples qu'elle. Vous me direz : Pourquoi cette narration ? C'est pour vous rendre instruit de ma précaution. Le résultat de tout est qu'en ami fidèle Ce soir je vous invite à souper avec elle ; Je veux que vous puissiez un peu l'examiner, Et voir si de mon choix on me doit condamner. CHRYSALDE. J'y consens. ARNOLPHE. Vous pourrez, dans cette conférence, Juger de sa personne et de son innocence.

Fénelon, De l'éducation des filles (1687), Instruction des femmes sur leurs devoirs, Chapitre XI.

« Venons maintenant au détail des choses dont une femme doit être instruite. Quels sont ses emplois? Elle est chargée de l'éducation de ses enfants; des garçons jusqu'à un certain âge, des filles jusqu'à ce qu'elles se marient, ou se fassent religieuses; de la conduite des domestiques, de leurs mœurs, de leur service; du détail de la dépense, des moyens de faire tout avec économie et honorablement: d'ordinaire même, de faire les fermes, et de recevoir les revenus.

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La science des femmes, comme celle des hommes, doit se borner à s'instruire par rapport à leurs fonctions; la différence de leurs emplois doit faire celle de leurs études. Il faut donc borner l'instruction des femmes aux choses que nous venons de dire. Mais une femme curieuse trouvera que c'est donner des bornes bien étroites à sa curiosité: elle se trompe; c'est qu'elle ne connaît pas l'importance et l'étendue des choses dont je lui propose de s'instruire.

Quel discernement lui faut-il pour connaître le naturel et le génie de chacun de ses enfants, pour trouver la manière de se conduire avec eux la plus propre à découvrir leur humeur, leur pente, leur talent, à prévenir les passions naissantes, à leur persuader les bonnes maximes, et à guérir leurs erreurs! Quelle prudence doit-elle avoir pour acquérir et conserver sur eux l'autorité, sans perdre l'amitié et la confiance! Mais n'a-t-elle pas besoin d'observer et de connaître à fond les gens qu'elle met auprès d'eux? Sans doute. Une mère de famille doit donc être pleinement instruite de la religion, et avoir un esprit mûr, ferme, appliqué, et expérimenté pour le gouvernement.

Peut-on douter que les femmes ne soient chargées de tous ces soins, puisqu'ils tombent naturellement sur elles pendant la vie même de leurs maris occupés au dehors? Ils les regardent encore de plus près si elles deviennent veuves. Enfin saint Paul attache tellement en général leur salut à l'éducation de leurs enfants qu'il assure que c'est par eux qu'elles se sauveront. »

George Bernard Shaw, Pygmalion (1914)

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Le sujet : À la suite d'un quiproquo, l'un d'eux, Henry Higgins, phonéticien réputé, fait la connaissance d'un collègue, le colonel Pickering, et d'une pauvre fleuriste, Eliza Doolittle. Après s'être vanté de pouvoir, par des leçons de prononciation, faire passer Eliza pour une duchesse, cette dernière finira, grâce aux leçons de son Pygmalion, à prendre le pouvoir et à s'émanciper de sa condition.

Extrait de l'acte 1 (p. 17, éd. de l'Arche)

LE PRENEUR DE NOTES: « Une femme qui émet des sons aussi attristants et aussi inconvenants, n'a aucun droit d'être où que ce soit. Elle n'a pas le droit de vivre. N'oubliez pas que vous êtes une créature humaine, avec une âme et le don divin du langage articulé ; que votre langue natale est la langue de Shakespeare et de Milton, et de la Bible ; et puis ne restez pas ici à glousser comme un pigeon en colère.

[…] Vous voyez cette créature avec son anglais de trottoir ; l'anglais qui la maintiendra dans le ruisseau jusqu'à la fin de ses jours. Eh bien, monsieur, en trois mois, je pourrais faire passer cette fille pour une duchesse dans une garden-party d'ambassade. Je pourrais même lui trouver une place comme femme de chambre ou demoiselle de magasin, ce qui exige le meilleur anglais. »

2- Femme adorée, femme abhorrée : Charles Perrault, Les Fées, Contes, 1695.

Double vision de la femme dans cet extrait où seule la femme docile est récompensée. « Il était une fois une veuve qui avait deux filles : l'aînée lui ressemblait si fort d'humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses, qu'on ne pouvait vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son père pour la douceur et l'honnêteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eût su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée, et, en même temps avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse. Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât, deux fois le jour, puiser de l'eau à une grande demi-lieue du logis, et qu'elle rapportât plein une grande cruche. Un jour qu'elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui lui pria de lui donner à boire.

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-" Oui-dà, ma bonne mère, " dit cette belle fille ; et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu'elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit : " Vous êtes si belle, si bonne et si honnête, que je ne puis m'empêcher de vous faire un don ; car c'était une fée qui avait pris la forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'où irait l'honnêteté de cette jeune fille. Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse. " Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine. " Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d'avoir tardé si longtemps " ; et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants. " Que vois-je là ! dit sa mère toute étonnée ; je crois qu'il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D'où vient cela, ma fille ? (Ce fut-là la première fois qu'elle l'appela sa fille.) La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants. " Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don ? Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. - Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine ! - Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l'heure. " Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d'argent qui fut au logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine, qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C'était la même fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l'air et les habits d'une princesse, pour voir jusqu'où irait la malhonnêteté de cette fille. " Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ? Justement j'ai apporté un flacon d'argent tout exprès pour donner à boire à Madame ! J'en suis d'avis : buvez à même si vous voulez. - Vous n'êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! Puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud. " D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria : " Eh bien ! Ma fille ! - Eh bien ! Ma mère ! Lui répondit la brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds. - O ciel, s'écria la mère, que vois-je là ? C'est sa sœur qui est en cause : elle me le paiera " ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s'enfuit et alla se sauver dans la forêt prochaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, al rencontra et, la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule et ce qu'elle avait à pleurer ! " Hélas, Monsieur, c'est ma mère qui m'a chassée du logis. " Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, lui pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi en devint

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amoureux ; et, considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en mariage à une autre, l'emmena au palais du roi son père, où il l'épousa. Pour sa sœur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après avoir bien couru sans trouver personne qui voulut la recevoir, alla mourir au coin d'un bois. »

Juvénal, Satires, VI, 435-458 (entre 90 et 127)

Juvénal nous présente dans cette satire sa vision d'une "femme savante" :

« Plus assommante est cette autre qui, à peine à table, loue Virgile, justifie Didon prête à mourir, met les poètes en parallèle, les compare, suspend dans la balance Virgile d'un côté, Homère de l'autre. Les grammairiens mettent bas les armes, les rhéteurs s'avouent vaincus, tout le monde fait silence. Impossible à un avocat, à un crieur public, à une femme même, de placer un mot, tant est dru le flot de ses paroles. On dirait un tintamarre de chaudrons et de clochettes. Plus n'est besoin de tourmenter les trompettes et les cuivres : à elle seule, elle saura secourir la lune en détresse (=éclipse de lune).

[...] Puisse la femme qui partage ta couche n'avoir pas de style à elle, ne pas décocher en phrases arrondies l'enthymème (=sorte de raisonnement) tortueux, ignorer quelque chose en histoire et ne pas comprendre tout ce qu'elle lit. J'abhorre une femme qui reprend et déroule sans cesse la Méthode de Palaemon, sans manquer jamais aux règles du langage : qui, férue d'érudition, me cite des vers que je ne connais pas, et qui relève chez une amie ignorante des fautes auxquelles des hommes ne feraient pas attention. Je veux qu'un mari puisse se permettre de lâcher un solécisme. »

Molière, Les femmes savantes, Acte I, scène 1, 1672 .

Etre savante ou s’occuper de son ménage ? C’est sur ce thème que s’affrontent deux sœurs, Armande et Henriette.

ARMANDE « Mon Dieu, que votre esprit est d'un étage bas! Que vous jouez au monde un petit personnage, De vous claquemurer aux choses du ménage, Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants Qu'un idole d'époux et des

marmots d'enfants! Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires, Les bas amusements de ces sortes d'affaires; À de plus hauts objets élevez vos désirs, Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs, Et traitant de mépris les sens et la

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matière, À l'esprit comme nous donnez-vous toute entière. Vous avez notre mère en exemple à vos yeux, Que du nom de savante on honore en tous lieux: Tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille, Aspirez aux clartés qui sont dans la famille, Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs Que l'amour de l'étude épanche dans les cours; Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie, Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie, Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain, Et donne à la raison l'empire souverain, Soumettant à ses lois la partie animale, Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale. Ce sont là les beaux feux, les doux attachements, Qui doivent de la vie occuper les moments; Et les soins où je vois tant de femmes sensibles Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles. HENRIETTE Le Ciel, dont nous voyons que l'ordre est tout-puissant, Pour différents emplois nous

fabrique en naissant; Et tout esprit n'est pas composé d'une étoffe Qui se trouve taillée à faire un philosophe. Si le vôtre est né propre aux élévations Où montent des savants les spéculations, Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre, Et dans les petits soins son faible se resserre. Ne troublons point du Ciel les justes règlements, Et de nos deux instincts suivons les mouvements: Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie, Les hautes régions de la philosophie, Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas, Goûtera de l'hymen les terrestres appas. Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire, Nous saurons toutes deux imiter notre mère: Vous, du côté de l'âme et des nobles désirs, Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs; Vous, aux productions d'esprit et de lumière, Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière » Molière, Les femmes savantes, Acte I, scène 1, 1672

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Charles Perrault, Les Souhaits Ridicules

« Si vous étiez moins raisonnable, Je me garderais bien de venir vous conter La folle et peu galante fable Que je m'en vais vous débiter. Une aune de Boudin en fournit la matière. Une aune de Boudin, ma chère ! Quelle pitié ! c'est une horreur S'écriait une Précieuse, Qui toujours tendre et sérieuse Ne veut ouïr parler que d'affaires de cœur. Mais vous qui mieux qu'âme qui vive Savez charmer en racontant, Et dont l'expression est toujours si naïve, Que l'on croit voir ce qu'on entend ; Qui savez que c'est la manière Dont quelque chose est inventé, Qui beaucoup plus que la matière De tout Récit fait la beauté, Vous aimerez ma fable et sa moralité ; J'en ai, j'ose le dire, une assurance entière. Il était une fois un pauvre Bûcheron Qui las de sa pénible vie, Avait, disait-il, grande envie De s'aller reposer aux bords de l'Achéron : Représentant, dans sa douleur profonde, Que depuis qu'il était au monde, Le Ciel cruel n'avait jamais Voulu remplir un seul de ses souhaits. Un jour que, dans le Bois, il se mit à se plaindre, À lui, la foudre en main, Jupiter s'apparut. On aurait peine à bien dépeindre La peur que le bonhomme en eut. Je ne veux rien, dit-il, en se jetant par

terre, Point de souhaits, point de Tonnerre, Seigneur demeurons but à but. Cesse d'avoir aucune crainte ; Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte, je faire voir le tort que tu me fais. Ecoute donc. Je te promets, Moi qui du monde entier suis le souverain maître, D'exaucer pleinement les trois premiers souhaits Que tu voudras former sur quoi que ce puisse être. Vois ce qui peut te rendre heureux, Vois ce qui peut te satisfaire ; Et comme ton bonheur dépend tout de tes vœux, Songes-y bien avant que de les faire. À ces mots Jupiter dans les Cieux remonta, Et le gai Bûcheron, embrassant sa falourde, Pour retourner chez lui sur son dos la jeta. Cette charge jamais ne lui parut moins lourde. Il ne faut pas, disait-il en trottant, Dans tout ceci, rien faire à la légère ; Il faut, le cas est important, En prendre avis de notre ménagère. Ça, dit-il, en entrant sous son toit de fougère, Faisons, Fanchon, grand feu, grand chère ; Nous sommes riches à jamais, Et nous n'avons qu'à faire des souhaits. Là-des jus tout au long le fait il lui raconte. A ce récit, l'Epouse vive et prompte Forma dans son esprit mille vastes

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projets ; Mais considérant l'importance De s'y conduire avec prudence : Blaise, mon cher ami, dit-elle à son époux, Ne gâtons rien par notre impatience ; Examinons bien entre nous Ce qu'il faut faire en pareille occurrence ; Remettons à demain notre premier souhait Et consultons notre chevet. Je l'entends bien ainsi, dit le bonhomme Blaise ; Mais va tirer du vin derrière ces fagots. À son retour il but, et goûtant à son aise Près d'un grand feu la douceur du repos, Il dit, en s'appuyant sur le dos de sa chaise : Pendant que nous avons une si bonne braise, Qu'une aune de Boudin viendrait bien à propos ! À peine acheva-t-il de prononcer ces mots Que sa femme aperçut, grandement étonnée, Un Boudin fort long, qui partant D'un des coins de la cheminée, S'approchait d'elle en serpentant. Elle fit un cri dans l'instant ; Mais jugeant que cette aventure Avait pour cause le souhait Que par bêtise toute pure Son homme imprudent avait fait, Il n'est point de pouille et d'injure Que de dépit et de courroux Elle ne dît au pauvre époux. Quand on peut, disait-elle, obtenir un Empire, De l'or, des perles, des rubis, Des diamants, de beaux habits,

Est-ce alors du Boudin qu'il faut que l'on désire ? Eh bien, j'ai tort, dit-il, j'ai mal placé mon choix, J'ai commis une faute énorme, Je ferai mieux une autre fois. Bon, bon, dit-elle, attendez-moi sous l'orme, Pour faire un tel souhait, il faut être bien bœuf ! L'époux plus d'une fois, emporté de colère, Pensa faire tout bas le souhait d'être veuf, Et peut-être, entre nous, ne pouvait-il mieux faire : Les hommes, disait-il, pour souffrir sont bien nés ! Peste soit du Boudin et du Boudin encore ; Plût à Dieu, maudite Pécore, Qu'il te pendît au bout du nez ! La prière aussitôt du Ciel fut écoutée, Et dès que le Mari la parole lâcha, Au nez de l'épouse irritée L'aune de Boudin s'attacha. Ce prodige imprévu grandement le fâcha. Fanchon était jolie, elle avait bonne grâce, Et pour dire sans fard la vérité du fait, Cet ornement en cette place Ne faisait pas un bon effet ; Si ce n'est qu'en pendant sur le bas du visage, Il l'empêchait de parler aisément, Pour un époux merveilleux avantage, Et si grand qu'il pensa dans cet heureux moment Ne souhaiter rien davantage. Je pourrais bien, disait-il à part soi, Après un malheur si funeste, Avec le souhait qui me reste, Tout d'un plein saut me faire Roi. Rien n'égale, il est vrai, la grandeur

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souveraine ; Mais encore faut-il songer Comment serait faite la Reine, Et dans quelle douleur ce serait la plonger De l'aller placer sur un trône Avec un nez plus long qu'une aune. Il faut l'écouter sur cela, Et qu'elle-même elle soit la maîtresse De devenir une grande Princesse En conservant l'horrible nez qu'elle a, Ou de demeurer Bûcheronne Avec un nez comme une autre personne, Et tel qu'elle l'avait avant ce malheur-là. La chose bien examinée, Quoiqu'elle sût d'un sceptre et la force et l'effet, Et que, quand on est couronnée, On a toujours le nez bien fait ; Comme au désir de plaire il n'est rien qui ne cède, Elle aima mieux garder son Bavolet Que d'être Reine et d'être laide. Ainsi le Bûcheron ne changea point d'état, Ne devint point grand Potentat, D'écus ne remplit point sa bourse, Trop heureux d'employer le souhait qui restait, Faible bonheur pauvre ressource, A remettre sa femme en l'état qu'elle était. Bien est donc vrai qu'aux hommes misérables, Aveugles, imprudents, inquiets, variables, Pas n'appartient de faire des souhaits, Et que peu d'entre eux sont capables De bien user des dons que le Ciel leur a fait. »

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3- La révolte des femmes

Aristophane, Lysistrata, 507-538 Lasses d'une guerre interminable, Lysistrata et ses amies veulent obliger leurs maris à conclure la paix. Elles ne supportent plus d'être, à la maison, réduites au silence et tenues à l'écart de la vie politique, dans la Cité. LYSISTRATA - Nous, durant les premiers temps de la guerre, nous avons, avec la modération qui est nôtre, tout supporté de vous, les hommes, quoi que vous fissiez, car vous ne nous permettiez pas d'ouvrir la bouche. Et pourtant, vous n'étiez pas précisément pour nous plaire ; mais nous, nous sentions bien ce que vous étiez, et maintes fois, étant chez nous, nous apprenions vos résolutions funestes sur une affaire importante. Alors, bien qu'affligées au fond, nous vous demandions avec un sourire : "Qu'a-t-on décidé d'inscrire sur la stèle au sujet de la paix, à l'Assemblée d'aujourd'hui ?" _" Qu'est-ce que cela te fait ?" disait le mari, "tais-toi". Et je me taisais. CLEONICE - Oh! Mais moi, jamais je ne me taisais. LE COMMISSAIRE - Alors, qu'est-ce que tu prenais si tu ne te taisais pas ! LYSISTRATA - Aussi, moi, je me taisais-je. C'était, d'une fois à l'autre, quelque pire résolution que nous apprenions de vous, et nous demandions : "Comment pouvez-vous, mon homme, agir avec si peu de sens ?" Mais lui, aussitôt, me regardant en dessous, de me dire : "Si tu ne tisses pas la toile, la tête te cuira longtemps. "La guerre sera l'affaire des hommes"(1) LE COMMISSAIRE - Il avait raison, par Zeus, celui-là. LYSISTRATA - Raison ? Comment, malheureux ? Vous preniez des résolutions funestes, et il ne nous était même pas permis de vous conseiller ? Mais quand nous vous entendions publiquement dire dans les rues : "N'y a-t-il pas un homme dans ce pays ?" et un autre répondre : "Non, par Zeus, il n'y en a pas", alors nous résolûmes sur l'heure, dans une réunion de femmes, de travailler de concert au salut de l'Hellade. Car, qu'aurait servi d'attendre ? Si donc vous voulez écouter à votre tour, quand nous vous conseillons sagement et, à votre tour vous taire, comme nous vous faisions, nous serions un correctif pour vous. LE COMMISSAIRE - Vous, pour nous, C'est trop fort, ton langage m'est intolérable. LYSISTRATA -Tais-toi. LE COMMISSAIRE - Me taire pour toi, maudite ? pour toi qui portes un voile sur la tête ? Plutôt cesser de vivre. LYSISTRATA - Si c'est là ce qui t'arrête, je te le passe, ce voile, prends-le, tiens, et ceins-en ta tête, puis tais-toi. CLEONICE - Prends encore ce fuseau, et la petite corbeille que voilà. Puis rassemble les plis de ta ceinture et file la laine en croquant des fèves. ... "La guerre sera l'affaire des femmes" (1) parole d'Hector à Andromaque, Iliade VI, 492

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→ Quel verbe, répété huit fois dont trois à l'impératif, résume l'injonction masculine qui pèse sur les femmes ? Quels sont les deux objets qui symbolisent la condition féminine ? Si vous êtes touché par la révolte de Lysistrata, prenez sa défense.

Henrik Ibsen, Une maison de poupée, 1879 2

Nora et Torvald Helmer sont mariés depuis huit ans et ont trois enfants. Après des années financièrement difficiles, le ménage peut enfin mener une vie confortable avec le nouveau poste de Torvald qui devient directeur de banque. Nora se contente en apparence d'être une épouse délicieuse et frivole que personne ne prend au sérieux, surtout pas Torvald. Mais pour sauver son mari malade qu'elle aimait, alors qu'ils manquent d'argent pour aller le soigner en Italie, elle n'a pas hésité à agir à son insu en contractant une dette et pire, en faisant un faux en écriture. Elle s'est tue pendant huit ans, jusqu'au jour où son débiteur menace de tout révéler à son époux.

Extrait : « Torvald : Nora, comme tu es ingrate ! N’as-tu pas été heureuse ici ?

Nora : Non ; je ne l’ai jamais été. Je le croyais ; mais je ne l’ai jamais été.

Torvald : Non… pas heureuse ?

Nora : Non ; seulement gaie. Et tu as été toujours si gentil avec moi. Mais notre foyer n’a jamais été rien d’autre qu’une chambre à jouer. J’ai été ici ta femme-poupée, comme chez papa j’étais son enfant-poupée. Et les enfants, à leur tour, étaient mes poupées. Je trouvais que c’était agréable, quand tu me prenais et jouais avec moi, comme ils trouvaient que c’était agréable, quand je les prenais et jouais avec eux. Voilà ce qu’a été notre mariage, Torvald.

Torvald : Il y a du vrai dans ce que tu dis,… Si exagéré, si outré que ce soit. Mais il en sera autrement désormais. Le temps du jeu est fini ; maintenant va venir celui de l’éducation.

Nora : L’éducation de qui ? La mienne ou celle des enfants ?

Torvald : A la fois la tienne et celle des enfants, ma Nora chérie.

Nora : Hélas ! Torvald, tu n’es pas homme à m’élever de façon de faire de moi une véritable épouse pour toi.

Torvald : Et c’est toi qui dis cela ?

2http://chroniques-d-isil.over-blog.com/article-une-maison-de-poupee-ibsen-68121419.html

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Nora : Et moi,… comment suis-je préparée à élever les enfants ?

Torvald : Nora !

Nora : Ne l’as-tu pas dit toi-même tout à l’heure,… tu n’oserais pas me confier cette tâche.

Torvald : Dans un moment d’emballement ! Comment peux-tu en tenir compte ?

Nora : Si ; tu avais grandement raison. C’est une tâche que je ne peux remplir. Il y a une autre tâche à remplir d’abord. Je dois tâcher de faire ma propre éducation. Ça, tu n’es pas homme à m’y aider. Il faut que je sois seule pour cela. Et c’est pourquoi maintenant je te quitte. »

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III – DOCUMENTS ANNEXES Annexe n°1 : William Shakespeare

Né à Stratford-on-Avon (Angleterre), probablement le 23 avril 1564 (puis baptisé le 26 avril 1564), William Shakespeare est considéré comme l'un des dramaturges les plus grands de tous les temps, mais sur qui l'on a le moins de précisions biographiques. Fils de commerçant aisé, il épouse à dix-huit ans Anne Hathaway, mais ne semble pas avoir été heureux en ménage. Nous perdons ensuite la trace de Shakespeare pendant près de dix ans. On ne sait rien de ce qu'il fit au cours de cette période, mais l'on sait qu'il quitta Stratford pour rejoindre Londres (sans doute vers 1587), et que sa femme accoucha de plusieurs enfants : Susanna, en mai 1583 ; ainsi que des jumeaux, Hamnet et Judith, en février 1585 (Hamnet mourut jeune, en août 1596). Shakespeare trouve du travail dans un théâtre et révèle son talent en « arrangeant » des pièces achetées aux auteurs. Il prend les dramaturges de son époque tels que Marlowe, Greene et Peele comme modèles. Peines d'amour perdues (1590 ?) est considéré comme sa première pièce originale, suivie de plusieurs poèmes galants (Vénus et Adonis, le Viol de Lucrèce). Le poète conquiert l'amitié de ses camarades et la bienveillance des grands seigneurs, et surtout l'estime de la jeune reine Elisabeth I qui marque pendant toute sa vie une préférence pour l'œuvre de Shakespeare. Il entame sa carrière en reprenant des pièces à sujet historique, puis compose des pièces inspirées de l'Antiquité. Un autre « groupe » de pièces est celui des tragédies, parmi lesquelles figurent en tête Roméo et Juliette (1595), puis Hamlet (1602), Othello (1604), le Roi Lear (1606) et Macbeth (1606). La Tempête (1611), est considérée comme la dernière pièce de l'auteur qui se retire à Stratford, riche et apaisé, à l'âge de quarante-sept ans. La fin de vie de Shakespeare est un peu agitée : assigné en justice pour avoir clôturé ses terres, privant de revenus de nombreux paysans ; on accuse son futur gendre d'avoir eu des relations sexuelles avec une autre personne que Judith, sa fiancée. Shakespeare meurt à l’âge de 52 ans. Des trente-sept pièces qui lui sont attribuées, seize seulement furent publiées de son vivant. Notons que deux œuvres ne sont pas parvenues jusqu'à nous : Peines d'amour et peines gagnées (mais il s'agit peut-être d'un autre nom de la pièce Beaucoup de bruit pour rien.), et Cardenio, une pièce composée en collaboration avec un autre auteur. Enfin, il existe des textes, écrits au XVII° siècle, dont Shakespeare est peut être

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l'auteur, mais nous n'en avons aucune preuve. Certains érudits ont contesté l'existence de Shakespeare, y voyant un prête-nom pour quelque grand seigneur ou bien attribuant à Bacon la paternité, alors qu'aujourd'hui on croit généralement au vrai Shakespeare. On n’omettra pas de signaler l’existence d’une biographie de William Shakespeare écrite par Victor Hugo.

http://www.atramenta.net/authors/william-shakespeare/360

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Annexe n° 2 : La place de la femme dans la société

→ La condition de la femme au XVIème siècle Dans cette société patriarcale, la femme est considérée comme une éternelle mineure et passe de l'égide paternelle à l’égide maritale. Son éducation se limite généralement aux arts d’agrément.Elle est cantonnée à une minorité civique, sociale, culturelle. Elle est, selon la Genèse, l'inférieure de l'homme (Eve sortie de la côte d'Adam) et considérée comme étant responsable de la chute ce qui attire sur elle suspicion et défiance. Une femme ne peut acquérir de reconnaissance sociale en dehors du mariage. La femme n'a pas de statut de citoyenne. Toute femme soupçonnée d'actes ou même d'avoir une attitude répréhensible pouvait être « corrigée » par le biais de méthodes dégradantes et violentes. On fera cependant remarquer aux élèves que si Baptista considère le mariage de ses filles comme seule issue envisageable, au point de sacrifier le bonheur de Catherine, il les a cependant dotées d'une éducation complète et humaniste. Les femmes de cette pièce sont loin d'incarner une caricature de la femme: elles savent manier les mots et occupent dans la pièce une place centrale. C'est d'ailleurs à Catherine que revient la plus longue réplique de toute la pièce. → Le théâtre élisabéthain Elisabeth 1ère (1558 - 1603), reine très cultivée et amatrice d'art, protestante modérée, protège le théâtre contre les attaques des protestants puritains qui considèrent le théâtre (qu'ils appelaient " la maison du diable") comme une école du vice et de la débauche. Ainsi en Angleterre, le théâtre est-il très florissant. Le drame liturgique est très vite abandonné au profit d'un théâtre profane, beaucoup plus ludique et surtout davantage consacré à l'histoire de l'Angleterre. En effet, aux histoires sacrées, le public préfère les histoires des rois du passé et des faits divers qui ont marqué leur règne.

Comme au Moyen-Âge, le théâtre est mobile, on construit des " mansions roulantes" qui se déplacent de ville en ville. On joue sur les places publiques et après le spectacle, on fait la quête : c'est le début du théâtre payant. Puis on décide de rassembler toutes les mansions en seul lieu, dans une cour d'auberge par exemple, et de faire payer l'entrée, dès lors, le peuple le plus démuni est exclu des représentations. C'est à partir de cette idée que va naître le théâtre fixe, appelé "théâtre à ciel ouvert", dès 1575, tels le Rideau, La Fortune, les Blackfriars. Les théâtres étaient construits à l'extérieur de Londres en raison du décret de 1574 qui interdisait toute représentation théâtrale intramuros. Néanmoins, certains réussissent à contourner la loi et on voit se développer des théâtres privés qui s'installent dans des palais.

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Les théâtres étaient construits en bois, tel le Globe, construit en 1594 au bord de la Tamise. Ils sont de forme circulaire ou polygonale ; au centre on trouve un espace vide. C'est dans ce théâtre que la plupart des pièces de Shakespeare furent jouées. Mais en 1613, au cours de la représentation d' Henry VIII, les canonniers chargés de tirer les coups de canon (placés sous le toit) pour saluer le roi, n'ont pas prêté attention aux étincelles et le feu ravagea le théâtre, sans pour autant faire de victimes. Il fut alors reconstruit mais le chaume du toit fut remplacé par des tuiles.

Devenu payant, le théâtre est moins démocratique et distingue deux catégories de spectateurs : les plus modestes, ceux du parterre, qui restent debout et les plus aisés qui sont assis dans des loges ou sur des gradins. Les spectateurs entourent les trois côtés de la scène ce qui permet une relation étroite entre les acteurs et les spectateurs.

Le statut des acteurs évolue, on compte de moins en moins d'acteurs amateurs et de plus en plus d'acteurs professionnels : c'est la naissance des troupes de théâtre convoitées par les grands seigneurs qui jouent en quelque sorte le rôle de mécène, tel Lord Chamberlain qui permit à Shakespeare de fonder la " Lord Chamberlain's Company of actors" en 1594. Seuls les hommes pouvaient être acteurs, aussi les rôles féminins étaient-ils joués par des jeunes hommes (n'ayant pas encore mué si possible) travestis en femme. (cf à ce sujet le film Shakespeare in love)

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Les spectacles se jouaient en matinée et étaient souvent suivis de numéros d'acrobates

Agencement du lieu scénique : - l'avant-scène, ou scène en éperon (the apron stage) où se déroulaient les batailles, les duels et les monologues. Le public, le plus souvent debout entourait ce plateau sur trois côtés. - l'arrière scène, fermée par un rideau, où se déroulaient les scènes d'amour et les agonies, c'est là que se situait le tombeau de Juliette. Ce lieu servait aussi de salle du trône. - le balcon (upper stage), lieu où se situe la scène nocturne entre Roméo et Juliette (acte II, scène 2) - la scène proprement dite (main stage), où se déroulaient toutes les autres scènes, c'est à dire, la plus grande partie.

http://elisabeth.kennel.perso.neuf.fr/le_theatre_au_temps_de_shakespea.html

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Instruments de répression des mégères (Documents extraits de http://susaufeminicides.blogspot.fr/2014/05/bride-ecossaise.html)

Scold's bridle, Germany, 1550-1800 A branked scold in New England, from an 1885

lithograph - Engraving of a scold's bridle and New England street scene in A Brief History of the United States

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→ Définition de la femme au XIXe siècle par Pierre Larousse (1817-1875) Grand dictionnaire universel du XIXème siècle

FEMME s.f […] Femelle de l'homme, être humain organisé pour concevoir et mettre au monde des enfants : Une belle FEMME. […] - Collectiv. Femmes en général, ensemble des personnes du sexe féminin : J’ai trouvé la FEMME plus amère que la mort (Ecclésiaste) […] - Epouse, femme en puissance de mari : Sa FEMME vient d’accoucher.[…] - Encycl. Anat. Et Physiol. […] Le corps de la femme atteint un bien moins grand développement que celui de l’homme : c’est ce qui fait qu’elle est plus précoce et que ses fonctions vitales sont beaucoup plus rapides. Sa constitution corporelle se rapproche de celle de l’enfant ; c’est pourquoi elle est, comme celui-ci, d’une sensibilité très vive, se laissant facilement impressionner par les divers sentiments de joie, de douleur, de crainte, etc. ; et, comme ces impressions agissent sur l’imagination sans être accompagnées d’ordinaire par le raisonnement, il s’ensuit qu’elles sont moins durables, et que la femme est plus sujette à l’inconstance. […] Si l’on examine l’organisation de la femme dans les divers climats du globe, on trouve qu’elle est beaucoup plus sujette que l’homme aux influences de température et d’alimentation. Ainsi, les climats tempérés, un heureux état de liberté sociale, des habitudes douces, un air pur, une nourriture saine, une éducation soignée, contribuent au plus haut degré au développement des formes extérieures de la femme et en font la digne compagne de l’homme civilisé ; tandis que, dans les régions polaires et dans les pays brûlés par les ardeurs du soleil, où la femme est réduite à l’état d’esclave et soumise presque toujours à une alimentation insuffisante, elle présente une dépravation physique et morale qu’on ne trouve jamais dans les contrées d’Europe. La dégénération comme l’amélioration des races commence toujours par le sexe féminin ; et les Turcs et les Persans, d’origine tartare, ne doivent d’avoir effacé leur laideur originelle qu’aux fréquentes unions qu’ils ont contractées avec les belles Géorgiennes.

Nouveau petit Larousse illustré, 1956

Femme [fam] n.f. (lat.femina). Compagne de l’homme ; épouse. Celle qui est ou a été mariée. Femme de chambre, personne attachée au service intérieur d’une personne de son sexe. Femme de charge, celle qui a soin du linge, de l’argenterie … d’une maison. Femme de ménage, femme chargée du soin d’un ménage dans une famille, et qui est payée à l’heure ou à la journée. Bonne femme, femme âgée ; femme sans prétentions.

Petit Larousse en couleurs, 1988 Femme. [fam.] n.f (lat.fémina). 1. Etre humain du sexe féminin (par opp. A homme). La loi salique excluait les femmes de la possession de la terre. 2. Adulte du sexe féminin (par opp. à fille, à jeune-fille). C’est une femme maintenant. 3. Epouse. Il nous a présenté sa femme. 4. (Qualifié). Adulte du sexe féminin considéré par rapport à ses qualités, ses défauts, ses activités, ses origines, etc. Une brave femme. Une femme de parole. Une femme de lettres […]

→ Comparez les articles des dictionnaires ainsi que l’article du dictionnaire de l’académie. Commentez.

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Annexe n° 3 : Définition de la Mise en abyme (Dictionnaire International des Termes Littéraires)

7. (Poétique, d'après André Gide). Procédé consistant à insérer dans un texte un fragment qui le représente. La mise en abyme est une autoreprésentation diminutive.

Figuration de l'écrivain par lui-même en train de composer son oeuvre; certains romanciers par exemple ont ainsi présenté dans leur récit un écrivain qui écrit.

Dans le cas du théâtre dans le théâtre, le spectateur peut voir des acteurs jouant des personnages qui jouent eux-mêmes un rôle.

[...]

8. (Narratologie). Dispositif insérant un récit (sous-texte) dans le récit principal ou primaire reproduisant les caractéristiques du récit primaire lui-même, l'illustrant, l'expliquant, le contredisant, le prolongeant comme contrepoint.

Selon Mieke Bal, la fabula principale et la fabula enchâssée se paraphrasent mutuellement grâce à l'élément ou aux éléments qu'elles ont en commun. La fonction du sous-texte est d'être un signe du texte principal ou primaire. V. les articles FABULA, PARAPHRASE, SOUS-TEXTE.

9. (Théâtre). Pièce dans la pièce. La mise en abyme la plus célèbre du répertoire dramatique est probablement dans la tragédie de Shakespeare la pièce qu'Hamlet fait jouer devant le roi reproduisant les circonstances de l'assassinat du frère du roi par le roi lui-même.

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Annexe n° 4: Le monologue de Catherine dans l’acte V

« CATHERINE : Allons, allons, arrête de froncer les sourcils comme ça, Et ne jette pas ces regards noirs et méprisants Pour blesser ton seigneur, ton roi, ton capitaine. Cela gâche ta beauté comme la morsure du gel brûle la prairie, Cela gâche ta réputation comme la tempête brise les bourgeons Et cela n’est ni convenable ni plaisant. Une femme en colère est comme une fontaine aux eaux troubles, Impure, laide, sans finesse, et sans attrait. Et tant qu’elle reste ainsi, aucun homme, fût-il mort de soif Ne daignera la toucher, en boire ne serait-ce qu’une gorgée, ni même une goutte. Ton époux est ton seigneur, ta vie, ton gardien, Ton chef, ton souverain : c’est lui qui prend soin de toi Et te donne ce dont tu as besoin ; il ne ménage pas sa peine, Il met son corps à dure épreuve, sur terre comme en mer, Il veille la nuit dans la tempête, il veille le jour dans le froid, Pendant que toi tu es au chaud chez toi, à l’abri des menaces et du besoin, Et pour récompense de tous ces efforts, tout ce qu’il demande, C’est ton amour, ta beauté et ta vraie obéissance— Ce n’est pas cher payé pour une dette aussi grande. Un sujet a envers un prince les mêmes devoirs qu’une épouse envers son mari ; Si elle est impatiente et insoumise, si elle a l’air boudeur ou qu’elle est pleine d’aigreur, Si elle refuse des caresses qui n’ont rien de déshonorant, Alors c’est une infâme rebelle, une ingrate et une traîtresse envers son maître qui l’adore. J’ai honte de voir que les femmes peuvent manquer d’esprit Au point de faire la guerre alors qu’elles devraient à genoux déposer les armes. Elles cherchent à avoir de l’autorité, du pouvoir, de la superbe, Alors qu’elles sont nées pour servir, aimer et obéir. Pourquoi avons-nous un corps doux, faible et lisse, Inapte au labeur et trop frêle pour les dangers de ce monde ? C’est pour que notre douceur de caractère et de cœur Soit en parfaite harmonie avec notre aspect extérieur. Misérables vermisseaux que vous êtes ! Afin de rendre mot pour mot et trait pour trait, Mon esprit a été aussi grand que le vôtre, Mon cœur est aussi noble que le vôtre, Ma raison peut-être encore davantage, Mais je sais maintenant que nos armes sont des brins de paille, Nos forces sont dérisoires et nos faiblesses immenses, Et nous avons l’air d’être le plus ce que nous sommes le moins.

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Alors ravalez votre orgueil, il ne sert à rien du tout, Posez vos mains à terre, au pied de votre époux. Moi aussi je fais ce geste, et s’il le souhaite À son bon plaisir, ma main est prête. »

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Les pistes pédagogiques ont été réalisées par Julie Fouqué, professeur conseiller relais DAAC de l’Académie de Rennes : [email protected] En collaboration avec Lucie Benquet et Servane Jarnier, chargées des relations avec les publics scolaires du 1er et 2nd degrés et avec la participation d’Estelle Rouillon et Mélanie Jouet.

Remerciements à Delphine Lemonnier-Texier.

Théâtre National de Bretagne 1, rue Saint-Hélier – CS 54007 – 35040 RENNES CEDEX

Contacts :

Lucie Benquet – relations avec les publics (lycées, théâtre amateur, relations internationales universitaires)

02.99.31.55.33 / [email protected]

Servane Jarnier – relations avec les publics (publics jeunes : écoles primaires, collèges, centres de loisirs, formation enseignants)

02.99.31.55.33 / [email protected]

Gwenola Drillet – Secrétaire générale adjointe – Direction des relations avec les publics

02.99.31.55.33 / [email protected]