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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi 1 Remerciements Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mon Directeur de mémoire Madame Maria GRAVARI-BARBAS. Je la remercie de m’avoir encadré, orienté, aidé et conseillé. J’adresse mes sincères remerciements à tous les professeurs, intervenants et toutes les personnes qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions et ont accepté à me rencontrer et répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie mes très chers parents, Taieb et Raoudha, qui ont toujours été là pour moi, « Vous avez tout sacrifié pour vos enfants n’épargnant ni santé ni efforts. Vous m’avez donné un magnifique modèle de labeur et de persévérance. Je suis redevable d’une éducation dont je suis fier ». Je remercie mes frères Elyes et Fares, et ma sœur Cyrine pour leur encouragement. Je remercie très spécialement Eya, Sana, Safa et Youssif qui ont toujours été là pour moi. Je tiens à remercier Maya et Hemmem, pour leur amitié, leur soutien inconditionnel et leur encouragement. Enfin, je remercie tous mes Ami(e)s que j’aime tant, Ahlem, Caro, Dhia, Farid, Hamouda, Hichem, Ikram, Irina, Jenaina, Lyna, Maher, Malek, Med Ali, Med Salah, Monica, Naro, Néjah, Rached, Ramy, Slim, Sulbin, Sylvana, XiangPour leur sincère amitié et confiance, et à qui je dois ma reconnaissance et mon attachement. À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.

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Remerciements

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mon Directeur de mémoire Madame Maria GRAVARI-BARBAS. Je la remercie de m’avoir encadré, orienté, aidé et conseillé. J’adresse mes sincères remerciements à tous les professeurs, intervenants et toutes les personnes qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions et ont accepté à me rencontrer et répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie mes très chers parents, Taieb et Raoudha, qui ont toujours été là pour moi, « Vous avez tout sacrifié pour vos enfants n’épargnant ni santé ni efforts. Vous m’avez donné un magnifique modèle de labeur et de persévérance. Je suis redevable d’une éducation dont je suis fier ». Je remercie mes frères Elyes et Fares, et ma sœur Cyrine pour leur encouragement. Je remercie très spécialement Eya, Sana, Safa et Youssif qui ont toujours été là pour moi. Je tiens à remercier Maya et Hemmem, pour leur amitié, leur soutien inconditionnel et leur encouragement. Enfin, je remercie tous mes Ami(e)s que j’aime tant, Ahlem, Caro, Dhia, Farid, Hamouda, Hichem, Ikram, Irina, Jenaina, Lyna, Maher, Malek, Med Ali, Med Salah, Monica, Naro, Néjah, Rached, Ramy, Slim, Sulbin, Sylvana, Xiang… Pour leur sincère amitié et confiance, et à qui je dois ma reconnaissance et mon attachement. À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.

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SOMMAIRE Introduction : p.4 Problématique : p.5 Méthodologie : p.6

CHAPITRE 1 : TOURISME ET PATRIMOINE p.7

1. Relation entre Tourisme et Patrimoine : p.8 1.1. Le tourisme culturel : 1.2. Promotion et préservation de l’architecture et du patrimoine : p.11

2. Patrimoine des centres historiques : p.12 3. Patrimoine des médinas du monde Arabe :

3.1. Cas de la médina de Marrakech, Maroc: p.17 3.2. Cas de la médina d’Alep, Syrie : p.26 3.3. Cas de la médina artificielle « Yasmin Hammamet », Tunisie : p.28

4. Synthèse : p.31 CHAPITRE 2 : LA MEDINA DE TUNIS p.33

1. Introduction : p.34 2. Présentation : 3. Dimensions historique et culturelle de la médina de Tunis : p.36

3.1. La médina : la ville arabo-musulmane : 3.2. Inscription au patrimoine mondial : p.39

4. Organisation et hiérarchie urbaine et professionnelle : p.41 4.1. Le cadre urbain : 4.2. Les souks et l’artisanat : p.43

5. Etat du patrimoine de la médina de Tunis : p.44 5.1. Aperçu général : 5.2. L’état du bâti : Espaces résidentiels : p.46

6. La gestion de la médina : 6.1. Restauration et patrimoine : « Enfin nous nous occupons de la vieille ville de

Tunis ! » : Opérations pilotes : 6.2. Restauration et décoration des façades : p.48

7. Synthèse : p.49 CHAPITRE 3 : MISE EN TOURISME DE LA MEDINA DE TUNIS p.50

1. La fréquentation touristique de la médina : vers un tourisme culturel ? p.51 1.1. Les usagers actuels de la médina : 1.2. La médina vue par les guides touristiques :

2. Mise en tourisme de la médina de Tunis : p.56 2.1. Fréquentation du patrimoine : p.57 2.2. Qu'est-ce qui se passe à la médina, le soir ? Festival de la médina et festival

des arts contemporains : p.58 2.3. Les circuits touristiques et les visites culturelles: Parcours culturels et

touristiques: p.61

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2.4. Réaffectation des monuments et dimension sociale: p.64 3. Rapport de la population de la médina avec le tourisme: p.66

3.1. Rapport Habitant / Touriste : 3.2. Les habitants dans la mise en tourisme de la médina: p.72 3.3. Gentrification, qu’est devenue la population tunisoise d’autre fois ? p.79 3.4. Les commerçants et les Souks : interaction artisanat / tourisme : p.86 3.5. Problématique des guides touristiques : p.90

4. Les acteurs : entre discours et réalités : p.93 4.1. L’Institut National du Patrimoine : 4.2. L’Association de Sauvegarde de la Médina : 4.3. La municipalité de Tunis : 4.4. Le Ministère de la culture : L’Agence de Mise en valeur et de Promotion du

Patrimoine Culturel : p.96 4.5. Relation entre acteurs : Discours et réalités :

5. Synthèse : p.101 Conclusion Générale : p.102 Bibliographie : p.104 Annexes : p.111

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Introduction

Le tourisme est un secteur qui prend de nos jours des proportions de plus en plus importantes à travers le monde, se présentant comme une activité économique et humaine à grande échelle. Or, ces dernières années en Tunisie, les acteurs concernés ont privilégié l’aspect économique à travers un tourisme de masse essentiellement balnéaire. Ils se sont rendus compte récemment des limites de ce choix. L’aspect culturel qui devrait être pris en considération dans leur politique pour que le développement soit durable a été négligé au profit des retombées financières immédiates, malgré les recommandations des instances internationales telles que l’UNESCO et ICOMOS. Ils sont arrivés aux conclusions que le tourisme ne peut être conçu et développé sans les spécificités culturelles du pays, en l’inscrivant en même temps dans la perspective d’un développement global. Ce n’est point le tourisme balnéaire à lui seul largement exploité par les voyagistes qui va favoriser la découverte des valeurs culturelles des pays, la communication et l’échange entre les peuples. Dés les années quatre vingt, les acteurs concernés par cette activité ont pris conscience et ont commencé à développer de nouveaux produits en s’appuyant sur les richesses culturelles des pays visités. Les richesses culturelles et les vestiges historiques de ces pays, dont la Tunisie, sont d’une renommé mondiale qu’il faudrait présenter dans les motifs d’incitations touristiques. Conscients du fait que le modèle commercialisé ne peut plus représenter un argument fort d’attractivité touristique, les responsables ont adopté dés lors un plan de développement d’un tourisme culturel se basant sur l’exploitation rationnelle de leur héritage patrimonial, riche et diversifié du point de vue architectural, artistique, archéologique, naturel et historique. La stratégie suppose la diversification du produit touristique, par une action de conservation, de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine qui est perçu comme un facteur dynamique, et un moyen de progrès et de développement. Tourisme et patrimoine sont liés l’un à l’autre. Pour diversifier ses produits, le tourisme culturel a besoin du patrimoine. Ce dernier a aussi besoin du tourisme pour financer les actions de sauvegarde. Inscrite par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial en 1979 compte tenu de sa valeur historique, ses richesses architecturales et monumentales, la médina de Tunis est l’un des éléments qui pourrait répondre à ce besoin de contribuer à la promotion du tourisme culturel à travers une exploitation judicieuse de son patrimoine architectural et artistique.

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Problématique Depuis quelques années, nous assistons à un débat sur la médina de Tunis et sur l’intégration du tourisme culturel dans les projets de sauvegarde et de restauration. La question posée au départ était de savoir si le tourisme culturel participe à la conservation et la mise en valeur du patrimoine de la médina de Tunis. La confrontation des idées des différents acteurs concernés par l’évolution, la sauvegarde et la valorisation de la médina avec le vécu des habitants et les pratiques des touristes nous aiderait à comprendre l’évolution de cet espace historique et ses articulations avec notre problématique. Cette dernière prend tout son sens à partir de l’impact que pourrait avoir le tourisme culturel dans la conservation et la sauvegarde de la médina de Tunis. Cet investissement par le tourisme à la médina de Tunis amène encore plus de touristes mais en contre partie, nous assistons parfois à la marginalisation de la population existante. Peut être, en étudiant le vécu et les intentions futures des habitants actuels par rapports à leurs demeures, nous devrions limiter le tourisme en fin de compte et conserver ces populations pauvres et leurs améliorer le bâti grâce aux aides de l’état afin de ne pas tomber dans l’exemple de la médina de Marrakech, où nous assistons à « une vente » d’un grand pourcentage du bâti historique à des étrangers. Peut être il faudra aussi étudier la volonté de la population tunisoise qui est partie un jour de la médina et comment s’est passée cette gentrification. Ce travail propose alors d’étudier aussi le degré d’importance des activités locales en rapport avec tourisme, et voir si elles contribuent à la préservation de ce patrimoine. Est-ce que ce tourisme culturel contribue à la préservation du patrimoine architectural de la médina de Tunis ou il est entrain de la détruire? Est-ce qu’il y a d’autres mouvements locaux de patrimonialisation ? Quelles sont ces transformations touristiques à la médina ? Qui sont ces gens qui participent aujourd’hui à ces transformations ? Compte tenu de ces préoccupations énoncées, nous proposons de vérifier les hypothèses qui nous semblent concentrer les différentes étapes de notre travail, et que nous pouvons les formuler de cette manière :

- Le tourisme tunisien a un besoin impératif du tourisme culturel. La médina de Tunis constitue un produit potentiel pour ce tourisme culturel.

- Le patrimoine, l’artisanat et l’animation culturelle sont susceptibles de justifier le choix de la médina en tant que produit du tourisme culturel. Cerner la part des touristes dans la patrimonialisation de la médina par rapport à d’autres mouvements qui émanent des élites locales, qui s’adressent à un public plus large et des politiques qui émanent des locaux à destination des touristes.

- Habitants de la médina, d’hier ou d’aujourd’hui, tunisois ou ruraux ont un rôle important dans la survie de la médina. Ces habitants, par leurs vécus, passés, pratiques, contribuent à l’évolution de cet espace social. Certains Bourjois qui ont quitté la médina commencent à y revenir s’installer, d’autres transforment leurs anciennes demeures héritées en musées, restaurants… D’autres l’ont quitté pour toujours… Comment se passent toutes ces transformations ?

- La valorisation culturelle et historique de la médina est à même de lui donner une seconde vie. Comment le monde associatif et les acteurs locaux se mettent en place ?

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Méthodologie

Afin de commencer d’étudier le cas de la médina de Tunis, nous devons connaitre cette médina. Le travail de terrain étant important, nous sommes allés sur place, à Tunis pendant trois mois. L’enquête primitive avait pour but de mieux connaitre les caractéristiques architecturales, urbanistiques et sociales de cet espace, et approfondir les rapports avec les usagers de la médina ainsi que les différents acteurs agissant dans cet espace. Pour cerner les différents groupes d’acteurs, nous nous sommes intéressés au plus représentatifs avec lesquels, nous avons entrepris des entretiens approfondis afin de connaitre leurs rôles et définir leurs champs d’actions dans la médina. En plus des entretiens, ma recherche s’appuie sur l’observation participante, l’analyse des documents relatifs à notre thème, que ce soit des documents historiques, architecturaux, socio-urbanistiques ou administratifs à travers les statistiques, réflexions ou anciennes enquêtes. Parallèlement à cela, nous avons pu élaborer les esquisses d’entretiens pour les usagers de la médina. Nous avons préféré des entretiens et pas des questionnaires formalisés. En effet, nous avons préféré laisser la discussion aller dans le sens des propos des interlocuteurs. Les entretiens étaient différents, mais nous avons pu élaborer environ 120 entretiens entre les acteurs et responsables, les habitants actuels, les habitants qui sont partis, les commerçants, les artisans et les touristes. Dans ces entretiens, nous avons essayé de tenir compte des niveaux d’instructions et d’implications des interlocuteurs dans la médina. Les questions étaient différentes bien sur pour chaque catégorie. Nous avons essayé de donner aux entretiens un fil conducteur, à travers des questions ouvertes tout en laissant la liberté d’expression à la personne interloquée. La majorité des entretiens ont été enregistrés, et les personnes étaient libres de répondre aux questions qu’elles voulaient.

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CHAPITRE 1 : TOURISME ET PATRIMOINE

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1. Relation entre Tourisme et Patrimoine : 1.1. Le tourisme culturel :

Intéressant à ses débuts des personnes aisées et à haut niveau intellectuel, animées par le motif de découverte, ce phénomène a continué à se développer et a fini par s’étendre à toutes les autres catégories sociales. « Le tourisme culturel est défini comme un déplacement, dont la motivation principale est d’élargir ses horizons, de rechercher des connaissances et des émotions au travers de la découverte d’un patrimoine et de son territoire 1». Dans cette définition, la découverte d’un patrimoine et de son territoire est liée à l’identité de toute société humaine. Le tourisme culturel renvoi aux composantes patrimoniales matérielles et immatérielles de cette identité. Le matériel s’exprime à travers les bâtiments et les sites consacrés à la culture classés par l’Unesco tels que les musées reconnus, les monuments, les lieux de mémoires, les sites archéologiques et préhistoriques, les parcs et les jardins, et même certaines villes et villages… Et l’immatériel se manifeste à travers les foires et les fêtes locales, les festivités traditionnelles, les spectacles réguliers, le savoir faire et les événements ponctuels… Le tourisme culturel a évolué à partir d’un tourisme réservé à une certaine catégorie sociale. En effet, dés le début, le tourisme est né culturel, à travers le grand tour, qui était réservé aux élites au 19éme siècle, aux jeunes premiers touristes de l’aristocratie anglaise. Encore, le champ du tourisme culturel était aussi le pèlerinage. Un déplacement de millions de pèlerins vers les sanctuaires. Ces deux cas sont considérés sans doute comme un tourisme culturel, motivé par la découverte et l’élargissement des connaissances. A partir des années 1930, le tourisme a cessé de se développer dans ce contexte « culturel » et il y a eu un développement des autres formes du tourisme. Bien sur, parallèlement à cela, le tourisme culturel a continué son expansion et sa diversification, en répondant aux exigences d’une clientèle très variable. Une clientèle qui se distingue aux autres par son « capital culturel », son héritage et son niveau d’éducation, et qui veut, à travers le voyage, prolonger ses pratiques culturelles permanentes et pluridisciplinaires. Cette motivation culturelle joue un rôle important dans l’arrivée massive sur les sites dédiés à la culture, qui parfois peut poser certains problèmes. Ce type de tourisme est bien attractif, suite à la volonté de lui offrir l’image d’une culture vivante et créative, de la présentation du patrimoine dans son contexte humain et historique mais aussi à travers les musées, monuments, châteaux… Généralement, le séjour en ville peut être une autre forme du tourisme culturel. En effet, la ville concentre une densité et une variété d’opportunités culturelles : musée, monument, promenade, spectacle… Mais aussi, la ville concentre plusieurs autres formules de tourisme culturel, tels que les séjours linguistiques, le tourisme gastronomique, les festivals, les stages artistiques et artisanaux… Plusieurs centres historiques sont un lieu de mise en scène, à travers leurs ruelles, visites des sites, restauration… Ce qui prouve que la ville se présente comme un ensemble, en regroupant l’architecture, l’art, la religion, la qualité de vie… Par 1 Claude Origet DU CLUZEAU, Le tourisme culturel, Que sais-je ? puf, Octobre 2007, p.8.

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contre, la mise en tourisme de ces lieux patrimoniaux reste un véritable défit pour les collectivités locales. Le tourisme culturel est crée autour du patrimoine. Ce dernier joue un rôle économique et culturel très important. Or tourisme et culture sont deux univers différents. Entre authenticité et efficacité économique, ce type de tourisme serait il destructeur ? Etant pratiqué à la fois par des visiteurs assidus et occasionnels, le tourisme culturel présente une grande diversité croissante des thèmes et des centres d’intérêts de ces visiteurs. Ces derniers, quelques soient leurs connaissances de la destination ou leurs niveaux d’éducation, ont une attente commune : la découverte de l’identité du territoire ainsi que son patrimoine, composé d’histoire, d’arts, de savoir faire, de sciences et techniques locales, donc l’identité de l’autre, mais aussi l’identité de soi. Le fait que certains sites culturels ne sont pas accessibles à tout le monde, plusieurs contraintes apparaissent, tels que l’accessibilité, les prix, les horaires, manques d’informations. Ces contraintes font que le tourisme culturel reste réservé à une certaine élite. Dans ce cadre, certaines démarches doivent être appliquées à la mise en tourisme du patrimoine, telles que les signalisations, la clarté des informations, les accueils… Or visiblement, ces points causent des problèmes dans la conservation, donc il faut vérifier qu’un lieu patrimoniale est apte à recevoir cette fréquentation sans dommages, qu’il soit flexible aux différentes attentes. L’Unesco « souhaite mettre en œuvre des projets et des politiques touristiques respectueuses des identités culturelles et de l’environnement du patrimoine culturel qui favorise le dialogue entre les cultures tout en apportant des solutions durables aux besoins de développement des populations 2». Nous nous rendons compte que la culture et le tourisme ont besoin l’un de l’autre. Ils se complètent dans le cadre d’un intérêt mutuel, bien qu’ils aient des conceptions différentes au niveau des objectifs, le tourisme parle en termes économiques tels que « clients, marché, concurrence, profit », or la culture s’exprime en terme de « publics, qualité artistique, et enrichissement individuel 3 ». A première vue, nous pouvons considérer que le patrimoine suit plutôt une logique de préservation à long terme et transmission de ce que nous avons hérité des générations précédentes aux générations futures et le tourisme suit une logique de valorisation touristique et un développement économique, dans un soucis de transmission immédiate. Du coup tourisme et patrimoine peuvent sembler être deux notions contradictoires, mais deux logiques complémentaires, dans une logique de transmission, qui se nourrissent l’une de l’autre, mais aussi s’opposent et se combattent4. Sans doute, le tourisme est un facteur qui contribue à l’apparition et la mise en valeur du patrimoine dans le monde. Or la frontière entre conservation et mise en tourisme d’un patrimoine reste ambigüe et pas claire. En effet, le rôle du tourisme peut être « à la fois un

2 Hervé BARRE, Le patrimoine de l’autre, le tourisme culturel, Acte du forum international organisé à Hammamet, du 23 au 25 Octobre 1997, L’Unesco, 1997, p.13. 3 Henri MARCHAL, Le patrimoine de l’autre, le tourisme culturel, Acte du forum international organisé à Hammamet, du 23 au 25 Octobre 1997, L’Unesco, 1997, p.239. 4 Edgar MORIN, Mobilité Erasmus et communication interculturelle: une recherche-action pour un parcours de formation, 2001, p.18.

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élément catalyseur de la mise en valeur et facteur de destruction d’éléments « authentiques » 5». Le tourisme culturel constitue certainement une ressource essentielle qui peut contribuer à la préservation et la modernisation des anciennes réalisations. Ces dernières constituent un patrimoine culturel qui reflète l’identité d’une société donnée et lui permet de se construire et de s’exposer au public. Nous notons bien sur que cette relation entre tourisme et patrimoine est liée aux changements politiques, économiques et sociaux d’une collectivité, qui peut avoir parfois intérêt à développer le tourisme autour de son patrimoine afin de favoriser la rencontre avec l’autre et la découverte de sa propre identité. Dans ce cas, l’activité touristique peut favoriser donc le patrimoine. Et cette relation tourisme-patrimoine peut être considérée comme logique et naturelle. Le tourisme culturel s’appuie alors sur un patrimoine qu’il peut valoriser ou dans certains cas le menacer. Depuis 1980, le tourisme culturel s’est imposé comme une activité économique crédible qui a bénéficié au patrimoine et a permis « l’attribution de crédits à des programmes de valorisation accentuant les fonctions éducatives et identitaires, tout en renforçant son utilité économique et sociale 6». Dans cette logique, le tourisme favorise le patrimoine, et la protection de ce patrimoine se fait grâce au tourisme. Nous constatons alors que le rôle du tourisme est important dans la préservation du patrimoine, mais aussi dans la conscience identitaire des populations locales. Les acteurs du tourisme ont un rôle important dans le processus de patrimonialisation. Selon F.Ged, « ces acteurs sont de « véritables prescripteurs » de patrimonialisation d’éléments susceptibles d’intéresser le marché 7». Mais le tourisme n’est pas toujours vu en tant qu’élément positif dans la démarche de

patrimonialisation, Madame Inchirah Habbabou, Architecte et Consultante en patrimoine en

Tunisie nous affirme : « Je trouve que c’est très dommage de rattacher la sauvegarde au

tourisme, je pense personnellement que le tourisme a tué le patrimoine. Le patrimoine et

la sauvegarde du patrimoine passe par l’économique et le social (…). Donc moi je crois que

de toute façon ils sont rattachés, obligatoirement, mais que pour l’heure, le tourisme a tué

un peut sa poule d’or, parce que lui le tourisme ne vit que du patrimoine, mais il le tue

parce qu’il ne le respecte pas, parce qu’il utilise, il prend et il ne donne rien, et s’il veut

donner, il donne à son image, par rapport à son besoin. Quand il y a tourisme, il doit lui,

s’adapter au patrimoine et pas le contraire, mais ils sont rattachés malheureusement,

malheureusement ou heureusement je ne sais pas, ils sont rattachés, mais il faudrait que

dorénavant le tourisme s’adapte au site dans le quel il s’installe et pas le contraire 8».

Plusieurs enjeux s’articulent aujourd’hui autour de la construction patrimoniale. Ces enjeux répondent aux trois fonctions fondamentales du patrimoine : légitimante, qui renvoie à des

5 Maria GRAVARI-BARBAS, Sylvie GUICHARD-ANGUIS, Regardes croisés sur le patrimoine dans le monde à l’aube du XXIe siècle, PU Paris Sorbonne, Octobre 2003. 6 PATIN, 1992. 7 Olivier LAZZAROTTI et Philippe VIOLIER, Tourisme et patrimoine, un moment du monde, Presses de l’Université d’Angers, p.49. 8 Entretien avec Inchirah HABBABOU, Architecte et Consultante en patrimoine.

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enjeux territoriaux, identitaire, ou mémoriel, nous pouvons construire plusieurs identités partagées et valorisantes, qui renvoient à des enjeux économiques. Aujourd’hui, avec la mondialisation des échanges, le patrimoine est devenu un enjeu majeur. Face à cela, les acteurs du tourisme jouent un rôle important dans la patrimonialisation des territoires, vu l’importance de la demande de la clientèle internationale. Cette dernière se déplace afin de chercher les traces matérielles des civilisations visitées. La perception patrimoniale des autochtones se transforme alors suite aux regards touristiques portés par les visiteurs qui deviennent à la fois des agents de patrimonialisation et un enjeu majeur. L’acte de transmission est important. Il permet au patrimoine de jouer le rôle de « ciment identitaire » d’un groupe9. Cela forme un patrimoine commun à un groupe d’individus qui s’y identifient à ce patrimoine. Ce dernier est donc étroitement lié à des conflits entre groupe sociaux, qui cherchent à se placer, contrôler des territoires et à construire la société. Les stratégies du développement local s’appuient aujourd’hui sur une modernisation, mais aussi la sauvegarde du riche patrimoine local, en tant qu’atout, qui prend un sens très étendu à travers l’architecture, les manifestations, l’héritage des traditions… Le tourisme peut exercer des effets positifs et négatifs sur le patrimoine culturel et bâti. Une « touristification » extrême de l’élément patrimonial peut avoir parfois lieu.

1.2. Promotion et préservation de l’architecture et du patrimoine : S’agissant du patrimoine comme image culturelle et historique d’une collectivité, sa promotion contribue à mieux l’identifier dans le temps et dans l’espace, afin d’en faire une source de développement économique à travers une gestion intégrée, en « renforçant l’identité sociale d’une communauté spécifique et en augmentant l’identité et l’attraction pour les touristes et les visiteurs en leur permettant également de créer un lien en une image ou simplement une idée et une région spécifique10 ». Objectif de cette stratégie est d’exploiter le patrimoine à travers une gestion saine, en s’appuyant sur les éléments esthétiques et historiques, afin de contribuer à l’amélioration de son sort et celui de la collectivité par une meilleure conservation des ressources locales. Certains pays disposent d’un patrimoine riche et varié pouvant répondre au développement du tourisme culturel à travers le monde, et à une demande de plus en plus persistante pour la culture. La promotion du patrimoine se propose de mieux le présenter et le faire connaitre par le public. Il s’agit de le mettre en valeur par une politique de conservation adéquate, lui définir des projets touristiques et culturels appropriés et rentabiliser son exploitation à travers une gestion saine et rigoureuse. Il s’agit de mettre en application à cet effet une politique commerciale assurant un accueil remarquable et des services de qualité, dans le but d’attirer une clientèle locale et étrangère avide de culture ou attirée par la curiosité et la découverte. L’objectif est d’améliorer la fréquentation et de dégager des bénéfices permettant la poursuite des opérations de sauvegarde et d’entretien du patrimoine.

9 Olivier LAZZAROTTI et Philippe VIOLIER, Tourisme et patrimoine, un moment du monde, Presses de l’Université d’Angers, p.49. 10 DELTA, Promotion et marketing territorial : des identités locales au tourisme, p.1.

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2. Patrimoine des centres historiques : « Protéger les monuments historiques architecturaux qui nous ont été légués par les générations qui nous ont précédés, c’est maintenir présente aux yeux du plus grand nombre la genèse historique du monde, et plus particulièrement de la nation et la culture aux quelles on appartient et dont on se réclame11 ». Le patrimoine est des biens légués par les ancêtres, naturellement, et consensuellement adoptés par les descendants. Le patrimoine, qu’il soit naturel ou bâti, est très important pour l’histoire et l’identité des peuples et l’enrichissement de la mémoire de l’humanité. Etant considéré comme l’œuvre des pères, le patrimoine permet l’union des différents générations. Il est le résultat de négociations, d’ajustements, d’adaptations, de déchirements continus et pas de transmissions passives. Ce qui prouve que c’est une véritable construction, mais qui ne cesse d’être menacée, par plusieurs facteurs économiques. Ce qui peut causer la perte d’un héritage culturel et la destruction de ce patrimoine, en effet « Cultural heritage is under threat. Under the impact of relentless natural factors and of even worse damages induced by people caused processes, much is being lost forever. It is true that the loss of material heritage is not a novel occurrence. What is new is that the recent economic circumstances combine dangerously with natural causes to increase the magnitude and speed of this destruction, with irreparable consequences for present and future generation. The materiel heritage is a perishable public good, and states and nations have a compelling responsibility for preserving it12». A partir de la fin des années 80, beaucoup de villes du monde se sont lancées dans la sauvegarde et la réhabilitation totale de leurs patrimoines. Cette prise de conscience a permis de définir des démarches de restauration des centres historiques. « Au cours des années 90, la question de récupération des centres historiques est véritablement devenue l’une des préoccupation majeure du débat sur la ville 13». Et cela en impliquant les différents acteurs privés et publics. Bien sur une implication de la population locale est importante. Or, les centres historiques sont des lieux de patrimoine, habités par des populations d’origines sociales différentes. Plusieurs liens peuvent alors être crées entre ces espaces et ces occupants. « Habiter le patrimoine suppose la construction de relations particulières tant vis-à-vis de l’espace considéré qu’avec les autres. Il suppose aussi des liens de proximité, voir souvent des liens d’affectivité 14».

3. Patrimoine des médinas du monde Arabe : Dans plusieurs cités, villes, pays, la vieille ville est devenue le centre historique. Elle devient le symbole d’une identité locale, voir nationale. Les arabes comptent parmi les rares peuples ayant laissé autant de traces historiques à travers la multitude des villes ou médinas

11 Maria GRAVARI-BARBAS, Sylvie GUICHARD-ANGUIS, Regardes croisés sur le patrimoine dans le monde à l’aube du XXIe siècle, PU Paris Sorbonne, Octobre 2003. 12 The World Bank, Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, June 2001, p.6. 13 Catherine PAQUETTE et Clara SALAZAR, Habiter le patrimoine, les résidents âgés des centres historiques de Mexico face aux transformations de leur espace de vie, p.75. 14 Maria GRAVARI-BARBAS, Habiter le patrimoine, enjeux, approches, vécu, Presses Universitaires de Rennes, p.21.

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construites, les médinas de Tunis, Kairouan, Marrakech, Fès, le Caire, Damas, Alep, Bagdad, Tlemcen, en sont encore le témoignage. La typologie des villes arabo-musulmanes ne suivent pas les mêmes plans d’aménagements malgré qu’elles fassent partie de la même civilisation. En effet, ces métropoles arabes ont été fondées à des périodes différentes. En dépit des différences d’aménagements et d’organisations, la majorité de ces villes a pu survivre durant des siècles, en gardant les mêmes principes urbanistiques, architecturaux et fonctionnels. Généralement, la ville arabe apparait comme enfermée à l’intérieur de sa muraille et de ses remparts. Ces derniers constituent l’élément de protection et de défense de la ville, et assurent ainsi les liaisons et les échanges de la médina avec l’extérieur à travers les axes principaux. L’accès se fait par des portails appelés « Beb ». Une des caractéristiques principales de la ville arabe est la centralité. Elle se matérialise par la concentration des noyaux urbains autour de la grande mosquée, occupant le centre de la ville, suivant une organisation qui distingue les parties publiques des parties privées. Les parties publiques regroupent les espaces économiques, culturels et religieux avec les principaux souks qui sont spécialisés et hiérarchisés suivant l’activité et le degré de pollution. Le pouvoir qui se trouvait au début à proximité de la mosquée a fini par se localiser dans des citadelles ou kasbah. La partie privée rassemble les quartiers résidentiels qui sont aussi hiérarchisés par rapport à la centralité suivant les critères d’ordres social, ethnique ou religieux : les élites se trouvent au centre, les populations plus ou moins démunies s’installent dans les quartiers les plus éloignés. La fonctionnalité des villes arabes a prouvé le succès de ce modèle durant des siècles. Malgré cette apparence qui peut sembler anarchique, la ville arabe est harmonieuse. En effet, tous les éléments qui la constituent remplissent parfaitement leurs fonctions. Tous les habitants qu’elles que soient leurs différences mènent leur vie communautaire conformément à des valeurs partagées et appréciées par tous. La ville arabe est marquée par une empreinte religieuse qui structure tout l’espace urbain. L’influence de l’islam est perceptible à travers la structure urbanistique et architecturale, à travers les ruelles et impasses hiérarchisées, pour desservir les commerces, les artisanats et les espaces résidentiels privés, ainsi qu’à travers les relations que les hommes entretiennent avec les femmes. « La structure sociale est caractérisée traditionnellement par la répartition sexuelle de l’espace médinal (les espaces publics, la rue aux hommes, les maisons, cours intérieurs, terrasses aux femmes), par un espace domestique introverti, par une mixité sociale au sein des impasses, non visible sur les façades extérieures des maisons sobrement décorées… La religiosité des lieux, la proximité entre voisins, l’intimité préservée par des maisons repliées sur elles-mêmes, le bouillonnement des artères commerciales et artisanales font de cet espace habité un espace identitaire »15. Les médinas renvoient certes à une richesse historique et une mémoire collective, mais depuis des années, elles sont devenues des espaces populaires, dégradés et parfois dévalorisants spécialement dans les pays du Maghreb. Ceci est suite à l’évolution d’une

15 Anne Claire KURZAC, Ces riads qui vendent du rêve, Patrimonialisation et ségrégation en médina, Habiter le patrimoine, p.467.

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multitude de facteurs démographiques et économiques qui ont causé de grands changements menant parfois à une mort lente. « Encore essentiellement pauvres et mixant les fonctions résidentielles et commerciales, les centres anciens des grandes villes du Sud, restent des espaces populaires bien que convoités et riches en merveilles architecturales (…) La prise en considération de l’architecture vernaculaire comme patrimoine ainsi que l’attention de plus en plus marquée pour le patrimoine immatériel sont des orientations récentes qui visent à donner une importance renforcée aux fonctions résidentielles, aux cadres de vie, aux pratique quotidiennes, loin de l’image sclérosée de la ville musée 16». La banque mondiale a proposé un programme d’action en Juin 2001 dans le cadre de ces problématiques sociales et culturelles qui sont menaçantes pour le futur des médinas et de l’héritage culturel du moyen Orient et du Nord Afrique en général. Dans ce sens, Jean Louis Sarbib, le vice président de la banque mondiale en 2001 a dit : « The wealth of cultural heritage endowments of the Middle East and North Africa countries is not only a testament to the importance of the region’s contributions to humanity’s history. It also represents an enormous capacity to support and inspire the development of the region’s countries into the future. Many of the region’s innumerable cultural jewels are threatened, in some case by overuse, in others by neglect, and in many simply by the pressures of economic development and striving toward a better future. The presence of these highly valuable cultural endowments in all the region’s countries opens up major opportunities for development, providing a major source of employment, and therapy contributing to the reduction of poverty and the decrease of chronic joblessness. There is still much to learn with respect to integrating cultural heritage management into development»17. Suite à ces menaces, plusieurs stratégies et projets de reconquête des médinas ont été présenté. Mais, elles restent peu développées et mises en pratiques. La préservation de ces centres anciens, avec leurs tissus urbains, leurs compositions sociales et l’architecture de leurs monuments est devenue une nécessité, plutôt un enjeu essentiel, qui demande une forte implication financière des acteurs publics. Les gouvernements des pays du Nord Afrique, les sociétés civiles, l’Unesco ainsi que les comités internationaux ont sonné le signal d’alarme à plusieurs reprises face à la situation détériorée des médinas et de leurs patrimoines. Nous avons trouvé dans le rapport Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, de la Banque Mondiale, un résumé des causes de la détérioration et la dégradation continue des médinas du Maghreb qui sont:

«Population densities have increased, mostly in urban settlements, in medinas of cultural value, accelerating the wear and tear on historic buildings. Demographic growth generates large amounts of solid and liquid waste decreases maintenance, and triggers illegal construction and illegal demolition of the built heritage.

16 Elodie SALIN, La réhabilitation des centres anciens dans les grandes villes du Sud : Entre maintien des populations pauvres et tentative de gentrification. Habiter le patrimoine, p.281. 17 Jean Louis SARBIB, Cultural heritage and development : A framework for action in the middle East and North Africa, The Word Bank, June 2001, p.7,8.

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Tourism, which is intended to celebrate the historic patrimony and may contribute to saving it, can have destructive effects when it is commercialized beyond normal carrying capacities, bringing pollution, waste, and sometimes vandalism.

Looting, illegal excavations, and theft from sites, medinas and museums are among the most vicious forms of heritage destructions. “Grave robbers” are an old breed of enemies of the patrimony. According to one international expert “the destruction of heritage art in the last four decades represents a cultural disaster probably unmatched at any time in history, which has accelerated in the last ten years” Melikian 1997. MENA, p25.

Neglect and ignorance. Last, and not least, lack of awareness of what is irreplaceable heritage and why it must be preserved also causes much loss. Many millions of people actually live in or use buildings that are part of the cultural patrimony, without being aware of it or of the sensitivity of the buildings to particular conditions. The result can be unwitting damage to the heritage (Amahan 1999).

The need for reform: Improving the governance of the cultural patrimony is task of national importance for every country. In sum, this analysis documents on a sector wide basis the need to overcome weaknesses in institutional and organizational capacities (central and local) and in the updating of policy and legal frameworks 18».

La conservation du patrimoine historique des médinas du monde arabe, et spécialement du Maghreb est confrontée à une multitude de difficultés et problèmes tels que la pauvreté des ressources matérielles, organisationnelles et socioculturelles. La situation de la dégradation du patrimoine est différente d’un pays à l’autre. Dans le cas du tissu urbain de Monastir, en Tunisie, il a été complètement détruit. En Alger, il est resté abandonné, face à la dégradation continue. Du coup, il y a eu une apparition d’une multitude de mouvements et d’actions, parfois inefficaces face aux nombreux facteurs économiques, sociaux, politiques, aux problèmes financiers, au désengagement de l’état. « La politique de sauvegarde n’est ni une priorité économique ou sociale, mais constitution de dynamiques sectorielles ou des évolutions locales des questions urbaines et d’expériences amenant les pouvoirs publics à encourager la prise en compte des valeurs architecturales et urbanistiques et à esquisser la définition d’une législation sur le patrimoine 19». Donc, les résultats de ces politiques ne sont pas satisfaisants, mais, elles ont pu quand même sensibiliser certaines couches sociales à l’importance de ces centres historiques. Ces opérations ont participés alors à la gentrification des médinas, et dans certains cas l’arrêt temporaire du processus de dégradation. Des associations de sauvegarde et de rénovations ont été crée dans plusieurs villes, comme l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis. « Dans l’organisation institutionnelle, la Tunisie se présente comme étant le pays le plus avancé. Cela est du à ses organismes de rénovations et ses associations de sauvegarde qui mènent depuis des années des opérations de réhabilitations et d’inscriptions de la notion du patrimoine dans les discours et débats sur la ville. Ces programmes et ces actions indiquent une volonté de protéger le patrimoine

18 The World Bank, Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, June 2001, p.21. 19 URBAMA, Les médinas, passé, présent et avenir, Fascicules scientifiques, Tours, 1982.

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afin de valoriser le tourisme, mais aussi l’identité. Tout cela lui confère des expériences opérationnelles et institutionnelles qui peuvent servir pour l’ensemble des pays du Maghreb 20». La sauvegarde de certains centres historiques a une valeur mémorielle, et cela permet de favoriser le développement de liens avec le passé. La médina devient alors une question d’identité et d’appartenance. C’est le cas de la médina d’Alger. « La Casbah d’Alger reste dans la mémoire collective l’essence de la ville, sa mémoire et son identité. Témoin d’un passé communautaire idéalisé, c’est aussi un patrimoine objectif et un enjeu pour les pouvoirs publics. Son intérêt réside dans la restauration de la mémoire de la construction de l’identité urbaine autour des valeurs portées par ce patrimoine 21». Cette mémoire construite autour de ce centre historique par exemple, devient un enjeu culturel important. L’identité, dans les pays arabes, et en Alger en particulier est liée au nom que l’on porte, à l’appartenance familiale. Cette mémoire est construite par les habitants mythiques de la médina qui sont les autochtones, appelés les Beldyias, et les migrants d’origines rurales, installés dans ces espaces, et qui participent aussi à la construction d’une identité locale. Le Maroc a connu une démarche différente. Les médinas maghrébines présentent un cas exceptionnel. Elles ont connus un embourgeoisement et un réinvestissement par des étrangers. Elodie Salin, dans son article la réhabilitation des centres anciens dans les grandes villes du Sud : Entre maintien des populations pauvres et tentative de gentrification, montre que la ville ancienne a été dévalorisée, au niveau de son patrimoine, mais aussi socialement, et que pour les marocains, spécialement les élites, la médina devient l’espace du pauvre, de la saleté, de l’étouffement. Face à cela, la préservation du patrimoine s’est faite suite à une politique d’investissements touristiques. Des acteurs privés étrangers sont venus transformer, réhabiliter et s’installer dans les médinas, une démarche qui « s’inscrit rarement dans une politique plus générale de conservation. Il est essentiel et primordial de souligner que les acteurs premiers de conservation et de sauvegarde de la médina sont des étrangers 22 ». Ces opérations ont permis la réhabilitation d’anciennes grandes demeures et des Riad, qui se sont transformés en des résidences pour touristes. A Fès par exemple comme à Tunis, la marginalisation de la vieille ville a été lors du protectorat, après la création de la ville coloniale, accolée à la médina. Il y a eu un départ important des Fassis vers la nouvelle ville. Les demeures se sont vidées. Et il y a une vague de migrants ruraux et pauvres qui se sont installés dans ces maisons. Ce qui a contribué à la dégradation du bâti. « Le tissu social urbain s’effrite et perd inéluctablement son identité originelle. Le problème se situe dans le fait que ces nouvelles villes satellites manquent d’âme et souffrent d’une grande crise urbaine qui se manifeste dans une déstructuration identitaire de la population, le manque d’infrastructures et la défaillance des grands intégrateurs sociaux 23».

20 Maria GRAVARI-BARBAS, Sylvie GUICHARD-ANGUIS, Regardes croisés sur le patrimoine dans le monde à l’aube du XXIe siècle, PU Paris Sorbonne, Octobre 2003. 21 Nassima DRIS, Monde en marge et identité urbaine, la Casbah d’Alger ou le refuge des exclus, Habiter le patrimoine, p.94. 22 Elodie SALIN, La réhabilitation des centres anciens dans les grandes villes du Sud : Entre maintien des populations pauvres et tentative de gentrification. Habiter le patrimoine, p.283. 23 Anas TALBI, La Médina marocaine, entre développement durable et touristification inévitable, Colloque international, les 28 et 29 Novembre 2009, p.2.

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Depuis les années 70, 80, plusieurs études et projets ont été proposé pour la sauvegarde de la médina de Fès, mais aucun d’entre eux n’est devenu opérationnel. « La multiplicité d’acteurs et les quelques opérations qui ont été réalisées, bien qu’elles aient permis le développement de la connaissance, ont contribué à faire de la sauvegarde de la médina de Fès une question problématique qui dépasse les seules contraintes physiques24 ». En effet, plusieurs contraintes sont exercées sur la médina de Fès, au niveau des infrastructures, le foncier, les accès etc. La complexité des problèmes physiques mais aussi sociaux ont fait que les acteurs n’ont pas réussi à définir une politique de sauvegarde opérationnelle. « Il y a eu deux logiques d’interventions, la première à travers des restaurations ponctuelles à l’identique de certains palais et belles demeures de Fès, et l’autre la rupture de la tradition par la modernisation et l’adaptation de la modernité à la culture locale. Une opposition entre conservatisme et modernisme au sujet de la sauvegarde 25». « Le cas de la médina de Fés montre d’ailleurs de manière exacerbée les difficultés de prise de décisions et de mise en place d’un projet de sauvegarde : entre l’élaboration des plans à long terme et au bout du compte irréalisables, et les opérations de rénovation radicale voir tout simplement de démolition, on réalise les difficultés de gestion efficace et continue d’un patrimoine prestigieux mais délabré 26».

3.1. Cas de la médina de Marrakech, Maroc: Au Maroc, plusieurs médinas ont été délaissées en état de ruines et à l’abandon. Le cas de la Kasbah de Tamesholt prés de Marrakech, un site prestigieux redécouvert par des élites locales et des personnalités étrangères. Ce qui fait naitre un rapport assez complexe entre cette élite étrangère et la société locale. La dernière tente d’associer les habitants dans la mise en place d’un projet patrimonial, ce qui n’est visiblement pas évident. Mais Les médinas marocaines, dans leurs ensembles, ont été investies par des étrangers qui s’y séjournent pour des vacances courtes ou s’établissent dans des résidences secondaires. Ce qui fait que ces espaces sont en mutations continues grâce à cette mise en tourisme. Dans le cas de Marrakech, l’apport des forces externes était important dans la patrimonialisation de la médina. A première vue, la société locale a réussi à intégrer les habitants dans un projet de revitalisation économique.

La médina de Marrakech a été sujette de transformations grâce à une coopération entre les pouvoirs publics et privés. Ces derniers sont essentiellement des touristes dont le nombre n’arrête pas d’augmenter. « Between 1995 and 2006, the number of tourists arriving by airplane jumped from less than 700,000 per year to over 2,600,00027 ». Les quartiers touristiques de la médina de Marrakech sont de véritables espaces d’échanges et de cohabitations entre touristes et résidents marocains. Plusieurs étrangers ont reconquis les anciennes résidences et Riad avec patios et se sont appropriés une grande partie de la

24 Alexandre ABRY, Habitat et intégration patrimoniale dans la médina de Fès: Quelles politiques, quels enjeux, p.227, 228. 25 TAGEMOUATI-CURZAC, dans Habitat et intégration patrimoniale dans la médina de Fès: Quelles politiques, quels enjeux, Alexandre ABRY, 2001. 26 Maria GRAVARI-BARBAS, Les acteurs, Habiter le patrimoine, p.147 à 149. 27 Anthony.G.BIGIO, the Word Bank, The Sustainability of Urban Heritage Preservation: The case of Marrakesh, August 2010, p.12.

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médina. Du coup, il y a une « invasion étrangère » permanente qui se fait dans un centre historique riche d’une identité culturelle spécifique. « Les émigrations des élites étrangères vers les médinas sont de nature multiple, suivant les époques. Les artistes ont constamment été attirés par les centres anciens du Maroc. Leur installation, pour y vivre et y travailler, date des années 1950, peu après l’Indépendance pour les premiers, tels que l’artiste peintre allemand Hans Werner Geerdts et le collectionneur néerlandais Bert Flint. Dans les années 1960’ et 1970’, les mouvements hippies amènent de nombreux étrangers à vivre à plus ou moins long terme en médina de Tanger, de Marrakech et d’Essaouira (Jimmy Hendrix, Mick Jagger), de nombreux acteurs, des décorateurs (Bill Willis) et des créateurs de mode (les héritiers Hermès, Yves-Saint-Laurent) et de parfums (Serge Lutens) achètent des grandes demeures en médina, des riads avec de grands jardins intérieurs »28. Les autochtones se méfient face à ces changements et surtout face à la presse locale et internationale qui offre une vision négative de cette conquête rapide de la médina qui est réinvestie par des occidentaux fascinés par les décors de l’orient. La médina attire de plus en plus de touristes qui investissent dans l’immobilier et deviennent propriétaires dans les plus beaux quartiers de la Vieille Ville, donc des acteurs économiques locaux qui cohabitent avec les résidents marocains. Suite au délaissement de la médina, elle est devenue un sujet de valorisation patrimoniale pour le tourisme, mais aussi un espace identitaire à préserver. En effet, la conscience patrimoniale des Marocains s’est développée avec cette mise en tourisme de leur médina. Dans un article dans le magasine Space and Architecture, les auteurs retracent l’évolution de la fréquentation de la médina de Marrakech : « A fascination with the oriental aura, the colors, the fragrances, the year-round warm climate, the reasonable cost of living, and expectations of Dionysiac joys contributed to the expansion of the community. By the mid-80s, the number of western foreigners in the Medina had risen to several dozen, but it remained a manageable quantity. By the mid-90s, Europeans had become increasingly interested in buying houses in the old town. At this time, the first inns (maison d’hôtes) and several exclusive restaurants were built. During the final years of the 20th century, the real estate business boomed in the old town. The demand for real estate has especially exploded in the last two years, and supply has been extended 29». Dans les routards, déjà apparut en 1960, nous retrouvons dans la médina des hôtels bon marché à proximité de la grande place Jemaa el-Fna. Ces hôtels sont réussis et ont beaucoup amélioré leurs services30. Ceci montre une volonté ancienne d’habiter temporairement à la médina afin d’être plus proche de la vie locale de ses habitants. Depuis les années 1990, des palais et des riads ont été restaurés par des étrangers et transformés en hôtels ou chambres d’hôtes pour une clientèle plus exigeante et aisée. Ces types d’hébergements répondent à une demande touristique diversifiée et plus diffuse dans la médina. En effet, une des caractéristiques urbanistiques des médinas sont les impasses et rues étroites au tracé compliqué, appelées

28 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Représentations et usages renouvelés des médinas gentrifiées du Maroc. 29 Anton.J.ESCHER et SANDRA PETERMANN, Neo-colonialism or Gentrification in the medina of Marrakech, Space and Architecture, ISIM Newsletter 5/00, p.34. 30 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4.

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derb au Maroc. Ces derb, loin des grandes places, sont devenus des espaces de fréquentations touristiques. Les touristes pénètrent de plus en plus en profondeur dans les rues de la médina, que ce soit pour des balades, ou pour s’héberger. Mais ce derb peut il créer des conflits dans les relations sociales entre autochtones et étrangers ? Or, certaines études montrent que les relations du voisinage dans les derb ont été modifiées bien avant l’arrivée des touristes et des habitants occidentaux. « Les familles se sont repliées sur elles-mêmes avec l’évolution des modes de vie et une plus grande mobilité résidentielle 31». Ceci n’empêche pas que ces nouveaux habitants étrangers qui sont là en général pour des courts séjours, ne participent pas à cette perte des relations de voisinage. Tout simplement car ces étrangers n’ont pas les mêmes pratiques sociales, plutôt des relations neutres avec l’entourage, mais amicales avec des élites du même milieu social. Le derb perd alors de son caractère semi privé et devient un espace d’échanges et de fréquentations par les étrangers. Cela confirme la mise en tourisme de l’espace résidentiel de la médina suite à ces implantations des maisons d’hôtes. Comme la majorité des médinas, des maisons et demeures ont été délaissé, et parfois détruites. Le rachat de ces anciennes constructions s’est fait surtout par des étrangers qui viennent y séjourner comme étant leurs résidences secondaires et parfois même principales grâce à la mondialisation du patrimoine. L’attractivité de ces maisons demeure dans la quête des occidentaux de la culture et des traditions des vieilles villes marocaines, d’un temps ancien et de la richesse de ce patrimoine. « On est venu retrouver ce qu’on a perdu d’important en France, la beauté et l’authenticité, une vie simple et sociale, une certaine vérité dans la répétition des gestes et dans les rapports humains », souligne une gérante d’une maison d’hôtes. Le témoignage d’une Française âgée illustre également l’importance de la dimension sensorielle des lieux : « Marrakech est une ville extraordinaire. Il n’y a que Marrakech qui offre cette possibilité-là. C’est à la fois le Moyen Âge, c’est à la fois le monde moderne, c’est tout mélangé, on passe du magnifique au désagréable en permanence. Tous les sens sont en éveil du matin au soir. C’est une ville extraordinaire. Tout simplement 32». La médina forme visiblement « un tout urbain » authentique, vieux et séduisant. A.Bourdin avait déjà relevé sur les centres anciens en Europe : « des espaces ressentis comme pleins d’humanité, qui renvoient à l’idée d’une ville équilibrée, spatiale et sociale, une certaine harmonie 33». La médina a attiré des investisseurs étrangers qui sont principalement Français mais aussi Allemands, Américains, Hollandais, Anglais et Espagnols. Par contre, peu de Marocains réinvestissent le patrimoine résidentiel de la médina suite à la gentrification qu’a connue la médina. Les autochtones l’ont quitté pour chercher la modernité. Et leur retour demeure improbable. Parallèlement à cela, les étrangers n’ont pas un attachement spécifique à la

31 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 32 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 33 A.BOURDIN, 1984, p.7.

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médina, mais ils ont été déjà propriétaires depuis 1960. Les Français installés sont ainsi estimés en 2005 à 5 00034. Ces investisseurs, conscients de leurs valeurs patrimoniales, achètent les anciennes demeures et les rénovent pour une utilisation à titre individuel, ou commercial en les transformant en restaurants, galeries d’art et surtout des maisons d’hôtes, ce qui attire encore plus les touristes. Or suite au développement du tourisme depuis les années 1950, certaines familles marocaines ont effectué des transformations de leurs maisons pour en faire des restaurants ou des bazars, mais ce n’était pas dans les derb ou ruelles étroites de la médina. C’était concentré plutôt dans les grands axes.

Ces propriétaires des maisons d’hôtes ne se sont pas contenter des grands axes, mais ils sont allés loin bien à l’intérieur de la veille ville pour vendre « une médina à vivre » et faire profiter les hôtes des lieux typiques, des terrasses intimes, des riads, et donc, il y a une utilisation commerciale du mode d’habiter en médina. Ce qui participe à sa revalorisation touristique et donc sa patrimonialisation. Ceci prouve que le tourisme puis la mondialisation ont permis une nouvelle cohabitation de la population locale avec les étrangers avec une multiplication des zones de fréquentations touristiques, comme certains lieux spécifiques : les derbs, les épiceries, le hammam, dans les quelles les étrangers côtoient et partagent le quotidien des locaux.

Ces investisseurs étrangers sont dotés de grands moyens financiers. Ce qui a causé une inflation des prix des biens immobiliers. Les spécialistes de l’immobilier parlent d’une hausse de 15% annuels35 avec un pic entre 2001 et 2003 de 30 %. En 2001, le prix au mètre carré d’un riad rénové est de 10 000 dirhams (DH) et 2 000 DH pour un bien à rénover. À la même date le mètre carré dans les zones de villas de la ville nouvelle valait 1 500 à 2000 DH et 8 000 DH/m² en zone immeuble du centre-ville moderne36. En 2005, le prix du mètre carré rénové dépasse les 12 000-15 000 DH, celui du non-rénové est estimé à près de 8 000 DH/m² en agence. Parmi les conséquences c’est l’augmentation des prix face à une forte demande. Mais aussi cela a encouragé la population locale de vendre leurs biens familiaux souvent délaissés en état dégradé et aller s’installer dans la ville moderne. De plus, dans le cas d’une famille nombreuse, la vente représente le seul moyen de départager les héritiers. C’est comme cela que plusieurs anciennes demeures ont été mises sur le marché, puis ont été acquises par des étrangers. Ces derniers ont participé à la transformation de la composition sociale de la médina. Ce phénomène s’est développé sur moins de deux décennies, ce qui a causé sa surreprésentation par la presse nationale et internationale. Ces derniers affirment que cette cohabitation peut parfois générer des tensions sociales. « Hollywood films, TV reports,

34 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 35 L’ECONOMISTE, 26 Octobre 2001. 36 L’ECONOMISTE, enquête de J.P.TAGORNET, 30 Mars 2001.

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magazines, newspapers, and the Internet add to the subjective conveying of information about the Medina of Marrakesh and to the promotion of living in a riyad37 ».

Mais encore, l’absence de lois juridiques concernant l’acquisition des biens immobiliers par les étrangers et leur réouverture au public inquiète les professionnels du tourisme. Les étrangers ont effectués des transformations dans les anciennes maisons, parfois des agrandissements, surélévations et aménagements de terrasses selon le dossier de L’Économiste « Razzia sur les riads », daté du 29 Mars 2002. « Face à cet engouement, autochtones et autorités locales semblent être pris de court. Pour les premiers, les ruelles des vieilles médinas ont tout simplement été envahies et, pour les seconds, aucun moyen de contrôle n’est possible, puisqu’il n’existe pas, à ce jour, de réglementation pour ce type d’établissement. C’est donc le règne de l’ « anarchie », comme le soulignent certains professionnels 38».

L’Opinion, un journal marocain a publié des articles qui montrent la colère des professionnels du tourisme et de la restauration par rapport à ce phénomène. Or, il peut s’agir juste d’exagérations et surreprésentations des étrangers vu que l’ensemble des étrangers présents par leur résidence ou leur activité en médina de Marrakech ne dépasse pas 2000 individus. Dans le quartier Mouassine, un seul derb est occupé à 75% par des étrangers, le derb El Ouartani (qui comporte huit maisons), les autres ont un taux d’occupation inférieur à 25 %. « On peut citer le phénomène que la médina de Marrakech est en train de vivre ; celui de l’envahissement de cette perle par de nouveaux habitants étrangers aux usages et coutumes du pays (...). Certaines parties de la médina de Marrakech (ou certains derb) sont actuellement à 60% vendus par les autochtones et occupés par les étrangers. Ce qui a justifié le dire du reste des occupants marocains, se croisant avec des Anglais, des Italiens, des Français dans leurs quartiers39 ». Les étrangers ont certainement une responsabilité dans la transformation du tissu social. Parfois, leur rôle est beaucoup plus important que de vendre juste des chambres aux hôtes. Ils font travailler la population locale, ce qui peut plaire à un certains nombre d’habitants marocains. En effet, les étrangers apportent des devises, du travail de gardiennage, des services et peuvent contribuer à la relance des activités artisanales. Ainsi, l’éditorial de la revue spécialisée Architecture du Maroc, dans un numéro consacré aux maisons rachetées en médina, pose-t-il cet étonnement en ces termes : « Mais que diable viennent-ils chercher ? Ont-ils compris quelque chose qui nous échappe à nous autres, enfants du pays ? Cette fièvre acheteuse à l’égard de la maison traditionnelle commence à faire figure de vrai phénomène. Devons-nous l’accepter comme inéluctable, faisant partie d’une mutation globale ?40 » La deuxième revue marocaine spécialisée en architecture Labyrinthe a consacré un numéro spécial à la ville de Marrakech intitulé : Marrakech, un nouveau souffle. L’article « Les riads,

37 Anton.J.ESCHER et SANDRA PETERMANN, Neo-colonialism or Gentrification in the medina of Marrakech, Space and Architecture, ISIM Newsletter 5/00, p.34. 38 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 39 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 40 Revue Architecture du Maroc, n°17, 2004.

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une mode en marche de la jet-set » reprend des idées qui cantonnent les nouveaux habitants à la jet-set et à ses pratiques mondaines : « Les nouveaux colons de la médina (qui) vivent comme des émirs... Certains propriétaires viennent à Marrakech pour se rapprocher du cercle doré de la jet-set qui leur est inaccessible à Paris. Certains, pour assouvir leurs fantasmes, espèrent remporter le « jack-pot » à Marrakech et amorcer la vie de seigneur (...). Les occupants s’intéressent rarement à leurs voisins et sortent très peu de leurs demeures sauf pour faire une partie de golf ou pour une virée au Comptoir, « bar branché » de la ville. Ils organisent des soirées des mille et une nuits et des fêtes somptueuses pour réaliser leurs rêves et vanter leurs biens : à qui les meilleures demeures, la meilleure décoration, la meilleure cuisine. L’on pourrait se demander si cette richesse clinquante et ce faste au milieu d’une pauvreté criarde ne conduiraient pas à une rupture du dialogue et à un choc culturel ? Plusieurs riads se trouvant dans des rues boueuses, abritant mendiants, éclopés, enfants des rues, vendeurs de tripes 41».

Cela génère sans doute un rapport difficile entre autochtone et étranger dans un espace identitaire marocain. Nous avons pu retrouver ces propos : « La présence des étrangers dans le tissu social de la médina n’est pas une chose normale. Elle n’est pas perçue et vécue comme telle par la population des derb de Marrakech. Un étranger qui se bouscule avec le petit peuple, et qui veut aussi marchander pour acheter ses légumes à l’unité (2 tomates, 3 patates, etc.) au marchand du coin du quartier, attire tout de suite les regards sur lui, sans oublier que la plupart de ces nouveaux intrus apportent leurs propres façons de vivre et de se comporter en société. Beaucoup arrivent avec leurs vices et empoisonnent l’atmosphère sociale avec toutes sortes de comportements malsains, dont leur tendance à l’homosexualité et à la pédophilie, pour ne citer que ces deux... La pauvreté et l’ignorance aidant dans la médina, on peut deviner les conséquences néfastes et dangereuses de tels intrus à la médina 42».

On voit que la présence de l’étranger dans le tissu social marocain est problématique. La tenue vestimentaire des touristes est parfois remise en cause ainsi que certaines pratiques sexuelles. Ils voient en cela une menace à l’égard de la morale. Mme Bassima Hakkaoui, député et membre du secrétariat général, évoque ainsi la position du parti : « C’est bien d’avoir des touristes mais ce n’est pas bien qu’ils apportent le sida ou transforment Marrakech en un lieu où s’exercent la pédophilie, le proxénétisme et la prostitution. Nous ne voulons pas devenir une autre Thaïlande 43». Or, « ces pratiques sociales territorialisées des nouveaux habitants en médina sont le reflet d’une géographie de l’enchantement que recherche ces occidentaux dans le cadre d’un espace urbain différent et dépaysant44 ». Certains évoquent même une nouvelle forme de colonialisme. Mais ceci peut offrir de nouvelles expériences et échanges culturels aux enfants marocains qui veulent découvrir une autre société et être ouvert à l’occident. Parfois, il existe aussi chez une partie des Européens en situation de sur classement une propension à imaginer pouvoir tout acheter. « L’Européen croit pouvoir tout acheter et

41 Revue Labyrinthe, Les riads, une mode en marche de la jet-set. Marrakech, un nouveau souffle, n°7, 2003. 42 La revue Opinion, 17 Octobre 2001. 43 Bassima HAKKAOUI, Le Monde diplomatique, n°641, Aout 2007. 44 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Représentations et usages renouvelés des médinas gentrifiées du Maroc.

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l’habitant de la médina a le sentiment que celui-ci, après avoir acquis tout un quartier, prend sa population à son service 45». Cela est en rapport avec un certain exotisme de l’image de l’orient pour les occidentaux. « Depuis l’Antiquité, l’Orient est assimilé à un lieu de fantaisie, d’exotisme, de souvenirs et de paysages obsédants et d’expérience extraordinaire 46». Encore plus, les travaux réalisés dans les demeures rénovées peuvent causer certains conflits avec le voisinage quand parfois l’intimité n’y est plus. Ces voisines voient que leur environnement est modifié et fragilisé par la construction en béton, les aménagements et les piscines sur les toitures par exemple qui causent des infiltrations. N’en parlons pas des travaux sans autorisations. « A Marrakech quand les gens ont besoin d’un grand riad, ils achètent, une maison, trois, cinq pour en faire un grand riad, et le reste on le fait des piscines et des jardins, c’est un grand danger pour le tissu urbain, c’est des fantasmes orientalistes plutôt, on casse et on reconstruit dans un style moyen mille et une nuits, ce n’est pas vraiment une restauration authentique 47». Certaines pratiques sociales en médina ne sont pas connues chez les étrangers. Ceci est une source de tensions et de conflits aussi, mais cela ne nie pas que ces étrangers ont un rôle important dans la revalorisation du centre historique et l’entretien des ruelles. Mais le problème majeur réside dans l’absence d’une législation sur la protection du patrimoine. Plus généralement, les espaces centraux autour de la place Jemaa el Fna sont à caractère patrimonial, commercial et très touristique. Mais ceci décroit vers les périphériques et les petites ruelles à caractère résidentiel moins fréquentées par les touristes. Il y a une modification du paysage urbain de la médina à travers l’installation de nouveaux mobiliers urbains, tels que les abris de bus, les pergolas en bois, des poubelles « modernes », des kiosks… Ceci contribue à changer le paysage de la médina et dégrade l’image du patrimoine de la ville et son environnement. Car la transformation des revêtements existants et l’installation de nouveaux éclairages et les vendeurs aux charrettes avec les fruits peut plaire aux touristes, mais contredit le caractère patrimonial de la médina.

45 BERRIANE, 2003. 46 E.SAID, L’orientalisme, L’orient crée par l’occident, Le Seuil, Paris, 1980, p.392. 47 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte et directeur adjoint en architecture et urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina.

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Carte 1: Les maisons d’hôtes : Diffusion spatiale d’un mode d’investissement prioritairement étranger dans la médina de Marrakech48.

48 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4.

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Du coup, il y a une incohérence entre l’image et la réalité de la médina de Marrakech, qui normalement doit véhiculer une identité culturelle nationale. Or, vraisemblablement, nous assistons à une perte des valeurs locales suite à la réappropriation du patrimoine bâti et de la mémoire des lieux. Une élite marocaine revendique en parallèle une conscience patrimoniale face à cette arrivée massive et rapide des étrangers qui viennent pour y vivre et travailler. Certaines longues disent en se moquant, qu’il y aura bientôt un visa pour entrer dans la médina, tellement il y a d’étrangers, comme quoi s’ils achètent toutes les maisons, ils pourront fermer les remparts et l’accès sera limité au marocains. Nous nous retrouvons face à une sorte de colonisation, une domination des européens avec leur culture imposée aux marocains dans leur médina. Comme le souligne M. el Faïz, « Malgré le caractère limité du phénomène, il risque de générer des ondes de choc difficilement maîtrisables sur le plan sociologique et humain. Car, il s’agit souvent de l’insertion d’îlots de prospérité dans des quartiers à très faible niveau de vie49 ». Certains vieux habitants affirment aussi qu’il y a une grande ouverture de la médina aux étrangers : « Le maréchal Lyautey avait interdit les Français en médina et les Marocains ont autorisé les Français en médina 50». Et ils comparent cela même à l’occupation des israéliens aux territoires palestiniens ! Ce qui témoigne du grand attachement des Marocains à leur médina. Conclusion Les étrangers installés dans la médina diffèrent des touristes qui sont de passages. « Marrakesh has long been the focal point of most European real estate investment in Morocco and properties in the Medina are at the top of the list51 ». Ce qui peut causer une confusion. Ces étrangers deviennent des acteurs importants dans la vie sociale et économique dans la médina. Mais cela leur donne t-il le « droit » de tout posséder à la médina ? Parallèlement, les familles marocaines qui ont vendu ou délaissées leurs biens pour partir s’installer à la ville moderne mettent d’une certaine manière, en danger le patrimoine national. Et le retour dans ces lieux reste improbable, sauf pour quelques rares investisseurs marocains, artistes et intellectuels ou ressortissants à l’étranger qui viennent s’y installer pour des courts séjours. « Si on prend le cas de la Vieille Ville de Marrakech, la plus investie, on recense environ 2800 riad dont seulement une centaine qui est de grande valeur architecturale. Ces riad appartiennent rarement encore à de grandes familles marocaines, ils sont possédés par une élite internationale qui les a conservés consciencieusement en très grande majorité, ou ils sont habités de façon morcelée par une population pauvre et entassée 52». Enfin, la relation autochtone/touriste demeure ambiguë. La conscience patrimoniale des autochtones est mise en avant et développée grâce à la présence d’étrangers. La

49 M.FAIZ, dans Représentations et usages renouvelés des médinas gentrifiées du Maroc, Anne Claire KURZAC-SOUALI, 2004, p.32. 50 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 51 Anthony.G.BIGIO, the Word Bank, The Sustainability of Urban Heritage Preservation: The case of Marrakesh, August 2010, p.12. 52 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4.

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patrimonialisation de cette médina s’est faite automatiquement par une mise de tourisme, parfois excessive, qui mène à un danger de perte d’identité locale. « Le tourisme donne de la valeur au lieu par sa reconnaissance autant qu’il peut le fragiliser par le détournement qu’il peut en faire pour satisfaire les visiteurs, au détriment parfois de ce qu’en attendent les habitants »53.

3.2. Cas de la médina d’Alep, Syrie : La ville d’Alep est une des plus anciennes villes encore habitées au monde. Sa médina est d’une surface de 400 hectares. Elle est inscrite à la liste du patrimoine mondial depuis 1986. « Ses composants reflètent, d’un côté le « pouvoir militaire arabe du XIIe au XIVe siècle » à savoir, la citadelle, les murailles et les portes, de l’autre côté, le développement urbain et économique qui marque le mode de la vie, à savoir les mosquées, les églises, les souks, les khans, les ateliers artisanaux, les hammams, les bâtiments des fondations d’intérêt commun, les bâtiments résidentiels et les ruelles et les impasses 54 ». Entre l’Orient et l’Occident, Alep est caractérisée par son emplacement au carrefour des civilisations qui lui a permit d’occuper une grande place dans les axes commerciaux entre les continents. Dans sa médina, chaque souk est hiérarchisé et spécialisé par une sorte de marchandises. Les khans sont des espaces que les commerçants utilisaient pour s’héberger dans la médina, et pour y mettre leurs marchandises. Ils se trouvent un peut partout dans la médina d’Alep, ils représentent l’importance historique du développement commercial qu’a vécu la médina. D’ailleurs, les souks d’Alep sont décrits dans un article de Jean Claude David comme ce qui suit: « Les souks du centre ville ancien à Alep plus encore qu'à Damas ou ailleurs au Moyen-Orient sont le produit de l'accumulation des transformations et des aménagements, perceptibles dans des vestiges, des espaces et des architectures complexes, mais aussi peut-être une certaine mémoire, des souvenirs, des histoires, des comportements, des rapports sociaux et des pratiques commerciales. Ils sont encore habités par une vie très active et dynamique. Ils sont vécus, entretenus, aménagés comme espaces de vie quotidienne et d'activités commerciales, mais non pas systématiquement restaurés ou réhabilités comme monuments historiques 55». Autres que les khans, les hammams aussi sont des espaces très importants à la médina d’Alep et très convoités par des autochtones, mais aussi des étrangers. Ce sont des espaces de bains avec toute une canalisation d’eau chaude, jouant le rôle de salles de bains publics, vu qu’il n’y avait pas de salles de bains privés dans les anciennes maisons de la médina. Le hammam joue un rôle important dans l’imaginaire des étrangers sur la médina, d’ailleurs c’est une tradition pratiquée par plusieurs touristes. Ces khans et hammams en particulier, et l’espace de la médina d’Alep en général ont connu plusieurs dégradations. Plusieurs instituts syriens et étrangers, notamment français se sont intéressés à la sauvegarde du patrimoine historique de la médina d’Alep, spécialement pendant la période de mandat français. Or pendant cette période, tous les efforts des

53 Anne Claire KURZAC-SOUALI, Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : L’étranger où on ne l’attendait pas, La Découverte, Hérodote, 2007/4. 54 Youssef HAMMAMI, Le régime touristique de la vieille ville d’Alep, 2010, p.39. 55 Jean-Claude DAVID, Le patrimoine, architectures et espaces, pratiques et comportements : Les souks et les khans d’Alep, Revue du monde musulman et de la Méditérrannée, n°73,74, 1994, p.190.

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institutions locales ont été concentrés sur le développement de la ville nouvelle, juxtaposée à la médina. Cette dernière a été complètement délaissée avec son bâti, ses structures économiques, culturelles et sociales. Du coup, la restauration des khans et des habitations étaient faits spontanément par les occupants de ces espaces, que ce soit habitants ou commerçants. Face au délaissement et la dégradation du bâti, la médina d’Alep a connu, elle aussi un dépeuplement. Les élites et les grandes familles ont quitté la vieille ville pour la ville nouvelle. Mais, face à des politiques conservatrices lancées par les acteurs locaux, les habitants n’ont pas le droit de vendre leurs maisons. Cette interdiction a pour but la préservation des constructions avec leurs ornementations et décors, qui souvent sont à caractères historiques. Les maisons sont alors délaissées, ni habitées, ni rénovées et restaurées. Suite à toutes ces contraintes et problèmes, un projet de la réhabilitation de la vieille ville d’Alep a été lancé en 1992. « Il est le fruit d’une coopération internationale entre le Ministère Allemand de Coopérations Techniques et le Conseil Municipal de la ville d’Alep. Le projet a pour objectif de supporter le développement, le financement et l’exécution d’un ensemble d’interventions globales et équilibrées qui portaient sur la conservation urbaine et le développement de centre historique 56». Dans ce projet, les acteurs ont essayé de prendre en compte les enjeux économiques et aussi sociaux tel que l’amélioration de la qualité de vie des habitants afin de consolider l’identité culturelle de la médina d’Alep. Face à un état dégradé et une situation alarmante de la médina, ce projet de conservation avait comme but la création de deux fonds. Le premier était pour la restauration et sauvegarde des monuments, mosquées… Le second était destiné aux habitants, en leur donnant des prêts, pour la conservation de leurs habitations. Les habitants de la médina sont de véritables acteurs privés qui ont joué un rôle important dans la conservation du patrimoine vivant de leur médina. Ces démarches permettront la conservation de la vieille ville, organisée autour de la citadelle. Mais, une donnée essentielle était négligée dans le fait que la majorité de ces habitants ont des revenus faibles, un niveau d’éducation pas très développé. Ceci engendre une faible conscience culturelle et patrimoniale et une incapacité à conserver et à restaurer les habitations. Parallèlement à cela, le nombre d’habitants, donc des maisons a diminué à l’intérieur de l’enceinte de la médina, en faveur des activités commerciales et administratives. Ces activités sont devenues beaucoup plus importantes qu’avant, avec l’augmentation du nombre des commerçants, des souks couverts, l’existence de la citadelle et de zones d’affaires. Les anciennes maisons ont été vidées et délaissées. De nouvelles fonctions les ont été attribuées par les anciens habitants, ou encore les nouveaux venus. Ces espaces sont utilisés en tant qu’ateliers de fabrication artisanale, du commerce et des dépôts. Ce développement commercial et l’augmentation en nombre de ces ateliers et dépôts ne font que pousser encore les habitants à quitter la médina en délaissant leurs maisons. Ceci a engendré un changement dans la structure socioculturelle de la médina. Les ateliers sont polluants et ont des nuisances sonores, ce qui a contribué au changement de la vie dans la médina.

56 Kamal BITTAR, La coopération internationale et le rôle local pour la réhabilitation de la vieille ville d’Alep, p.52.

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L’inconvénient de ce projet de réhabilitation de la vieille ville d’Alep est qu’il n’a pas peut être étudié les vrais besoins des habitants en matière de conservation. En effet, la majorité des habitations ont besoin de plusieurs changements, parfois fonctionnels pour s’adapter au minimum à la vie moderne, par exemple y intégrer les sanitaires. Or, même avec des prêts, les habitants ne peuvent pas faire des changements à cause des lois de conservations. Autre inconvénient est que ce projet de réhabilitation n’intègre pas la composante touristique dans la mise en valeur et la sauvegarde de la médina d’Alep. Aucun acteur touristique ne participe à ce projet de développement. Malgré que deux pratiques touristiques sont présentes à la médina d’Alep, le tourisme d’affaire et le tourisme culturel. « La majorité de touristes culturels des monuments et de musées en Syrie sont des occidentaux qui font un circuit organisé par les agences touristiques locales, nationales et/ou internationales dans un programme de voyage incluant la visite de la Syrie et souvent la Jordanie et parfois le Liban pendant 8-20 jours. Cependant, la part d’Alep de ces itinéraires est une journée ou deux tout au plus57 ». Comme nous avons vus, la conservation du patrimoine exige la restauration et le maintien permanant et durable des grandes maisons et des édifices historiques. Pour ceci, il faut bien avoir des ressources financières, chose qui n’est pas possible pour les habitants et la direction la vieille ville d’Alep. La transformation et la réhabilitation de ces demeures à caractères historiques en hôtels peut représenter une solution pour la préservation de ce riche patrimoine. Cela permettra de créer plus d’attractivité touristique. Mais en un nombre limité et ça ne pourra pas développer des grands flux touristiques vu l’absence de structures nécessaires de capacités d’accueil des groupes touristiques. « Les obstacles principaux devant la mise en place d’un projet du développement touristique dans la vieille ville d’Alep sont la centralisation forte et l’existence d’un système financier trop centralisé qui limitent la capacité et les initiatives de la municipalité, l’absence de la coordination entre les autorités locales et enfin l’absence donc du rôle des habitants en raison de l’absence des initiatives locales58 ». En résultat, le régime touristique actuel stagne à cause de la faiblesse des flux touristiques, la population locale continue à quitter la médina. Malgré tous les efforts de conservation, beaucoup de monuments et demeures sont dans un état dégradé.

3.3. Cas de la médina artificielle « Yasmin Hammamet », Tunisie :

En Tunisie, nous assistons à plusieurs actions de sauvegarde et restaurations des médinas spécialement celle de Tunis. Le développement touristique de ces lieux patrimoniaux est ainsi récent. Il y a même eu le développement d'une "médina" complètement artificielle dans la nouvelle station balnéaire de Yasmin Hammamet en 2005. C’est une médina complètement commerciale, destinée spécialement aux touristes. Est-ce que nous pouvons parler de patrimonialisation d’une médina construite ex nihilo?

57 Mohamed BERRIANE, Tourisme, Culture et Développement dans la région arabe, UNESCO. 58 Youssef HAMMAMI, Le régime touristique de la vieille ville d’Alep, 2010, p.39.

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Fig.1 : Vue aérienne de la médina de Yasmin Hammamet.

« Fruit de l'initiative d'un entrepreneur bien connu en Tunisie, Abdelwaheb Ben Ayed, patron du groupe Poulina, la "Médina Méditerranéa" est sans doute le projet phare de la toute nouvelle station touristique intégrée de Yasmin Hammamet. Située à quelques km au sud de Hammamet, cette destination des grands voyagistes ouverte depuis 2002 s'étale sur 278 ha sur un front de mer long de 4 km et comprend 32 hôtels (plus de 11 000 lits), ainsi qu'une marina dotée d'un port de plaisance de 740 anneaux59 ». La médina de Yasmin Hammamet est une médina complètement commerciale, dédiée au tourisme. Or, dans les discours des promoteurs, le terme authentique a été utilisé afin de valoriser cette médina. Bien sur il s’agit d’une médina ex nihilo, sur un site qui était complètement vierge il y a quelques années. Ils ont voulu créer une « ville mémoire » qui soit une reconstitution de la ville arabe andalouse60. La superficie totale est de 10 hectares et comprend la « médina » sur 5,4 ha (110 000 m² de plancher) et un parc à thème à fondement patrimonial nommé « Carthageland » sur 4,6 hectares. La médina est composée de plusieurs résidences pour se loger à court ou à long terme, des espaces de divertissement tels qu’un casino, un bowling, des piscines, des discothèques, des hammams, des espaces de congrès à travers des salles polyvalentes de conférences et de culture, un musée des religions, une maison du tapis, un moulin à papier médiéval, quatre galeries d’art…. Ainsi que plusieurs espaces publics tels que des souks, et des grandes places.

59 Pierre ARNAUD BARTHEL, Enchantement, réenchantement du monde ? Représentations, mise en scène, pratiques et construction des territoires, Communication au congrès de l’AFEMAN, Atelier n°4, 2 Juillet 2004. 60 Site Web Médina Méditerranéa, http://www.medina-mediterranea.com/.

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Fig.2 et 3: La médina de Yasmin Hammamet.

Afin d’enchanter les touristes à travers une médina idéale, ce projet représente un espace touristique qui regroupent plusieurs fonctions. D’un site ex nihilo, il y a eu la fabrication d’un lieu hyper touristifié à travers du « collage » de plusieurs formes de médinas tunisiennes, tels que la médina de Sousse, Kairouan, et d’autres hauts lieux touristiques, comme Sidi Bou Saïd, et encore Séville, mais aussi de plusieurs réalisations architecturales des pays méditerranéens. En second, il y a un assemblage de plusieurs lieux connus, tels que des cafés historiques et des lieux de rencontres artistiques tels que le café al àalia de Sidi Bou Saïd, ou encore l’image de la roue avec son chameau situés à la Marsa. Cette médina est un univers touristique avec pleins de symboles et de références à un patrimoine architectural, urbanistique et immatériel. Mais ceci a été fait dans un style éclectique qui peut renvoyer à un imaginaire orientaliste. Cette médina touristique représente un espace clos et sécurisé, fondé sur le principe de l’enclave touristique. Les espaces résidentiels sont situés à l'écart des commerces et des lieux animés. Ces résidences sont inspirées de l’architecture perse et andalouse, mais aussi de l’architecture du village tunisien Sidi Bou Saïd, où nous retrouvons le principe des ruelles étroites et impasses pour accéder aux appartements dont chacun est organisé autour d’un patio. Les principes de l’urbanisme arabe traditionnel ont été appliqués avec une architecture qui s’inspire des modèles espagnol et arabe. Des maisons avec patio qui reflète l’habitat introverti en médina. La commercialisation des appartements a commencé en 2002 et les premiers acheteurs ont été des familles originaires des pays du Golfe et du Liban.

Cette fabrication de lieux touristiques est certes à fondement patrimonial, mais cette médina peut véhiculer une image fausse et artificielle de la médina. Donc les consommateurs de ces espaces sont différents, ainsi que leurs pratiques ce qui pourra opposer un tourisme élitiste pratiqué dans les médinas historiques et un tourisme de masse dans ce genre de médinas qui sont considérées comme artificielles.

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Or, la médina artificielle de Yasmin Hammamet a été « fabriquée » sous le fondement de consommation culturelle et revalorisation du patrimoine. Ce qui peut être contradictoire avec l’authenticité des autres médinas. Ce qui fait que le patrimoine est mis en scène. Il y a une reconfiguration des lieux. Fig.4 : Vue sur l’espace central de la médina. Le maître d’ouvrage tiens à la revalorisation du patrimoine dans cette médina et il est allé jusqu’à créer des ouvrages spécifiques à cette médina touristique qui reflètent les ambiances d’une médina historique, avec une architecture arabe et andalouse. Nous avons retrouvés un récit qui se passe au début du 17ème siècle, à l'heure où les derniers Maures sont expulsés d'Espagne et viennent se réfugier en Tunisie : « Dispersés pendant leur fuite, les familles des réfugiés cherchent à se regrouper, alors que les Espagnols et les Turcs se disputent la domination de Tunis. Ces rescapés de l'Inquisition, se trouvant au milieu d'une nouvelle guerre, se mettent ainsi à la recherche d'une ville de paix et de tolérance. Ils vont la trouver à Yasmin Hammamet, où surgit une ville fantastique répondant aux aspirations de paix et de sérénité de l'humanité 61 ». Avant même son ouverture aux touristes, le promoteur s'est ainsi attelé à la tâche de construire une véritable mythologie qui puise dans l'imagerie orientalisante la plus consensuelle qui soit !

4. Synthèse : Dans l’exemple de Marrakech, la protection du patrimoine porte sur des espaces, qui sont surtout des demeures et des Riads, sur le bâti en général, mais de façon souvent déconnectée du contenu social de ces espaces et de ses habitants, avec une « intrusion » étrangère importante. Ces étrangers participent non seulement à la transformation de l’espace architectural, mais aussi du tissu social. Le cas de la médina d’Alep est bien différent. La composante touristique a été écartée des projets de réhabilitation. Les habitants quittent encore aujourd’hui, de plus en plus la médina en délaissant leurs demeures, qui à cause des lois de conservations, n’ont pas le droit de les vendre. Ils sont transformés alors en commerces et dépôts. Face à la quête du patrimoine et de la mémoire culturelle, nous assistons à d’autres démarches qui peuvent apparaitre sous un caractère patrimonial, le cas de la médina artificielle de Yasmin Hammamet. Une médina complètement touristique, construite dans un site ex nihilo. Or ces démarches, malgré leurs différences, ont un rôle important dans le développement

61 Abdelwaheb BRAHEM, Kobet Ekher Ezzemene (Le dôme de la fin des temps), site Web Médina Méditerranéa.

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culturel dans ces médinas. « Urban development projects can aim at supporting rehabilitation work in medinas to achieve a triple impact: added jobs, improved services and living standards, and salvaging of urban architectural assets under threat. Such projects can improve road networks around medinas and service roads inside old towns to facilitate economic revitalization. They can also relocate out of the medinas the polluting industries that adversely affect the inhabitants and damage patrimony assets. Many benefits generated by the existence of Cultural Heritage are produced in the patrimony sector, but in practice, these benefits are being captured and accounted for in other sectors, such as tourism 62». Voila pour quoi j’estime, dans cette série de travaux, que travailler sur la médina de Tunis est important vu que cette dernière n’a pas encore atteint le développement touristique qu’a connu Marrakech, mais elle est entrain d’être restaurée et rénovée en tenant compte de la population locale, ce qui lui donne des spécificités architecturales et sociales particulières. Dans le l’introduction du livre Habiter le patrimoine de Maria Gravari Barbars, certains questionnements nous ont interpellé. « Comment une société dans son ensemble, mais aussi dans sa diversité prend elle en charge le cadre matériel auquel elle attribue une valeur patrimoniale, et dans lequel, elle est appelée à évoluer, à circuler, à travailler, à construire, à consommer et à produire ? Comment concilier les besoins du confort moderne avec les exigences de la conservation des monuments historiques ? De quelle manière la société adapte ce cadre patrimoniale à ses besoins63 ? ». Ce qui nous a encore poussés à travailler sur la médina de Tunis, en pensant que ces questions touchent de pré le cas de cette médina.

62 The World Bank, Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, June 2001, p.21. 63 Maria GRAVARI-BARBAS, Habiter le patrimoine, enjeux, approches, vécu, Presses Universitaires de Rennes, p.21.

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CHAPITRE 2 : LA MEDINA DE TUNIS

Fig.5 : Un tableau présentant une ruelle de la médina.

« Etincelante de chaux sur les collines basses, voici mes minarets, mes dômes, mes terrasses, s'engrenant vers le lac qui miroite au soleil. Je suis Tunis, mon nom luit dans l'azur en fête, on m'appelle la blanche et burnous du prophète, et mon charme à celui d'une amante est pareil 64». 64 Arthur PELEGRIN, Le vieux Tunis.

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1. Introduction : La Tunisie compte parmi les pionniers du tourisme dans la région sud de la méditerranée avec 6,5 million de visiteurs,65 et une infrastructure touristique concentrée en majorité sur le littoral, commercialisant les atouts de la mer et du soleil. La manifestation « Tunis capitale culturelle 66» en 1997 décidée par l’Unesco est à ce niveau l’image de ce que doit être le tourisme culturel en Tunisie. La Tunisie a aussi développé des slogans, tels que « Ne pas bronzer idiot » au festival de Tabarka, ou encore « La Tunisie carrefour des civilisations 67» pour montrer l’intérêt quelle porte au tourisme culturel. Dans cette perspective et afin de préserver et augmenter sa part du marché, les responsables tunisiens conscients de la nécessité de trouver les solutions adéquates aux besoins du tourisme culturel, ont opté pour le patrimoine comme meilleur support. «The government of Tunisia, after a long and mixed experience with piecemeal donor support for one or another of its historic monuments, concluded that it was in the country’s best interest to adopt a national program. This approach consists of developing a countrywide strategy for cultural heritage preservation and management, defining criteria for site selection, and piloting the feasibility of each strategy objective on a suitably chosen site. Tunisia’s relativity strong institutional and legal framework justified the adoption of this countrywide approach 68».

2. Présentation : La Médina de Tunis, vieille de 13 siècles, a une superficie totale d’environ 300 Hectares. Le nombre d’habitants est estimé à plus de 100.000 habitants. La Médina de Tunis est non seulement un témoignage du passé mais aussi un immense quartier en évolution. Elle est souvent considérée comme l’une des plus belles médinas existantes au monde. De forme urbaine typique du monde arabe, la conservation de la vieille ville de Tunis lui a valu d'être inscrite au patrimoine mondial.

65 Statistiques de l’Office National du Tourisme, 2006. 66 Hervé BARRE, Le patrimoine de l’autre, le tourisme culturel, Acte du forum international organisé à Hammamet, du 23 au 25 Octobre 1997, p.11. 67 Ridha TLILI, Le tourisme culturel : réflexions et approches, Acte du forum international organisé à Hammamet, du 23 au 25 Octobre 1997, l’UNESCO, 1997, p.154. 68 The World Bank, Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, June 2001, p.42.

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Carte 2 : Plan de la médina de Tunis et ses faubourgs, 188769.

Les anciens remparts ont disparu, seules quelques portes existent encore. Toute la médina s'organise autour la grande mosquée Ezzitouna, l’ancien grand centre religieux de Tunis. Un véritable labyrinthe de ruelles tortueuses et étroites, dans un tissu urbain très serré, qui desservent une multitude de souks et d’artisanats. Ces derniers sont implantés à partir du centre autour de la grande mosquée jusqu'aux limites de la médina en fonction de leur noblesse et les nuisances qu'ils engendrent. La médina de Tunis recèle de nombreux monuments tels que des mausolées, palais, médersas... En tout environ 700 monuments et 15000 logements, avec un grand nombre de petits restaurants populaires et chics. Les terrasses de certains bâtiments publiques ou privés sont accessibles. Elles offrent des vues panoramique sur les toits de Tunis.

69 ENCYCLOPEDIE de L'AFN, Plan Tunis, ville, http://encyclopedie-afn.org.

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Fig.6 : Vue générale sur la médina de Tunis, 1960.

3. Dimensions historique et culturelle de la médina de Tunis :

3.1. La médina : la ville arabo-musulmane : Cette grande ville de plusieurs ethnies centralisait à l’intérieur de ses remparts et tout autour de la mosquée toute la structure qui compose la vie quotidienne : le commerce, l’artisanat, le culte, l’éducation, l’habitat et le pouvoir. La ville arabe traditionnelle s'ordonne sur un plan ovoïde, comme à Tunis, ou plus souvent rectangulaire. Elle est ceinturée d'une épaisse muraille en pierre ou en brique, complètement démolie aujourd’hui dans le cas de Tunis. Ces remparts sont percés d'un nombre limité de portes (beb), fermées la nuit et le vendredi, par crainte d'une attaque lors de la grande prière hebdomadaire. La casbah, résidence fortifiée du souverain ou du gouverneur, aménagée dans un angle des remparts, domine la médina et renforce ses défenses. Le cœur de cette ville close est occupé par les édifices publics : la Grande Mosquée, les autres fondations et centres d'enseignements religieux (zaouïas et medersas), les commerces et activités artisanales regroupés par corporation (souks), les caravansérails où séjournèrent pèlerins, voyageurs et marchands de passage (fondouks), les fontaines et les bains publics (hammams). Les ruelles couvertes qui cernent la Grande Mosquée abritent les commerces nobles (bijoutiers, tailleurs, libraires, drapiers, etc.), tandis que les activités bruyantes et polluantes, comme la teinturerie et la ferronnerie, sont écartées à la périphérie. Autour de ce cœur religieux et commerçant, nous retrouvons les quartiers résidentiels. Comme la demeure romaine, la maison arabe tourne le dos à la rue pour mieux protéger ses habitants des bruits de l'extérieur et de la chaleur. Seules, au fond des impasses, des portes en bois peints parfois cloutées et rehaussées d'un encadrement de pierre sculptée signalent l'entrée des demeures. « Tout, dans ces maisons mystérieuses, gravite autour de la notion d’intimité : caractère introverti, façades nues ou encorbellement et fenêtres protégées du regard par des moucharabiehs, patios éloignés des portes extérieures, accès par des filtres

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alternant espaces sombres et éclairés, portes à plusieurs degrés d’ouverture et heurtoirs avec sons différents, indiquant si le visiteur est homme ou femme, enfant ou adulte … 70». La grande mosquée va poser les jalons d’une grande cité arabo-musulmane s’inspirant du même principe d’organisation spatiale de la ville arabe, qui a continué à évoluer à travers l’histoire et la succession des différentes civilisations régnantes, jusqu'à devenir la capitale des hafsides.

Fig.7 : Dar El Bey.

Toutefois, cet essor va être freiné par la guerre opposant les espagnols aux turcs qui finit à l’avantage de ces derniers vers le XVIIème pour voir la médina reprendre sa vie jusqu'à la fin du XIXème avec l’instauration du protectorat français. Cette date marqua le début de dégradation de la ville. Durant les 13 siècles d’histoires et la conjugaison du double impact des invasions et des migrations, la médina a pu constituer un patrimoine très riche, par des monuments et des habitats d’une valeur architecturale et historique incontestables. Si certains monuments qui nous sont parvenus datent depuis le VIIème siècle de l’islam, ainsi que d’autres du XIème et XIIIème siècle, il n’en est pas de même pour l’architecture domestique, celle qui a pu subsister n’est que du XVIIème siècle à l’exception de quelques cas tel que : Dar Haddad datant du XVème siècle. La médina a continué à évoluer ainsi que son architecture. Chaque période a laissé ses traces et son influence. Nous notons la sobriété de la maçonnerie des hafsides, la technicité des andalous, la grande influence des ottomans arrivés au XVIIème siècle laissant de nombreux monuments et habitations. Nous citons à ce titre « Dar Lasram », « Dar Ben Abdallah », où l’art de la décoration est devenu plus varié se prolongeant jusqu’au XIXème siècle avec l’instauration du protectorat français. Cette période est marquée par l’arrivée d’une population française et la création d’une nouvelle ville moderne à l’extérieur de la médina, ce qui déclencha en partie la détérioration de son habitat par l’abandon des anciens notables de la ville et de leurs habitations. Ceci était parallèle à l’immigration d’une

70 Zoubeir MOUHLI, Les maisons de la Médina de Tunis, Richesse et diversité, article parut à Archibat, n°15, Décembre 2007, p.46.

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population rurale qui s’est accentuée après la deuxième guerre mondiale. Ce qui va contribuer d’avantage à la dégradation des lieux. Ce phénomène s’est poursuivi jusqu’à l’avènement de l’indépendance par le départ des grandes familles vers des habitations modernes et dans les banlieues chics suite au départ des étrangers, ce qui a déclenché le processus de « l’oukalisation », l’exode rural n’a fait que l’intensifier71. Si malgré les modifications subies par les structures urbaines, la médina a pu se conserver presque dans son intégralité, elle représente toujours un joyau architectural et un modèle d’urbanisme arabo-musulman exceptionnel. En dépit des effets du temps et de l’action humaine, la médina a conservé quand même un nombre appréciable de monuments qui font sa richesse. En 1969, nous dénombrions 670 monuments dont 100 palais. L’inventaire effectué par les ministres de la culture et des domaines de l’état n’en recensait que 409 en 1998 dont certains ont eu la chance de voir le jour de nouveau, ce qui lui a valu son inscription par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial. Fig.8 : Palais Dar Hussein, la médina de Tunis. Dans un mélange de style Arabo-mauresque, Turc, Italien, l’art décoratif de la médina se caractérise par sa variété, ses motifs, la richesse de ses couleurs et la diversité des matériaux. Généralement le décor extérieur est très discret, celui de l’intérieur des maisons est par contre très riche, il laisse apparaitre l’influence de la culture musulmane. « Les signes de la richesse, d’opulence et du luxe sont exprimés par la richesse des matériaux utilisés dans la construction et de l’ornementation 72». En parcourant les artères de la ville au pavage en pierre taillée, les façades murales sont généralement enduites à la chaux blanche ne laissant apparaitre qu’un décor de portes encadrées en pierre sculptée ou en marbre, avec parfois des fenêtres. Les portes diffèrent dans leur taille et leur décor, dans leur intimité. Nous pouvons reconnaitre la maison modeste ou la demeure d’un notable. Le cloutage des portes et leur encadrement démontrent la maitrise du métier et la finesse du savoir-faire. Les vestiges des grands portails de la ville, comme nous les voyons actuellement à Beb Bhar sont symbole de la sécurité d’autrefois. Des Medersas, des hammams, des zaouïas, sont reconnaissables à la peinture de leur porte de couleur verte, rouge, blanche ou bleue. Les zaouïas sont surmontées d’un dôme qui est

71 Faika BEJAOUI, Médina de Tunis : Patrimoine social, Patrimoine monumental. 72 Abdesselem MAHMOUD, Tunis, architecture et urbanisme, d’hier à demain, Centre de publications universitaires, p.25.

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parfois couvert de tuile ou simplement peint, avec inscription à leur façade rappelant le nom du saint. On peut passer au-dessous d’une ganaria, richement décorée, qui rappelle le statut social élevé, elle permet une vue discrète sur l’extérieur. La ganaria est en bois ouvragé en moucharabieh, elle tempère le climat à l’intérieur de la maison. On croise sur son chemin un pilier d’angle dans une intersection qui rappelle un lieu de culte de Mesjed, très discret au milieu d’un quartier. Au niveau d’une couverture voûtée au dessus du passage, nous découvrons un souk, percée au milieu du haut ou de côté par des lucarnes qui assurent l’aération et la lumière du jour. Dès que l’espace le permet à la vue, un minaret surgit somptueusement au dessus des constructions, de formes géométriques différentes et de décors variés, ils rappellent le culte et le style de ces constructeurs. A l’image des maisons des notables récupérées, décor intérieur est somptueux, dans un cadre architectural spécifique aux maisons à patio, la distribution de l’espace est hiérarchisée et fonctionnelle. Nous découvrons de la céramique, du bois sculpté ou peint, du revêtement aux murs, des plafonds décorés en stuc : en Nakch Hdida, des solives en bois aux couleurs vives. Les colonnes, les arcades et les voûtes soutiennent la structure, agencent l’espace et agrémentent l’aspect. Fig.9 : Décor d’un plafond d’une maison. 3.2. Inscription au patrimoine mondial : La médina de Tunis est plus qu’un lieu d’histoires, avec son architecture spécifique et ses ruelles animées de commerces en tout genre. Sous le règne des Almohades et des Hafsides, du XIIe au XVIe siècle, cette médina a été considérée comme l'une des villes les plus importantes et les plus riches du monde islamique. Les quelques 700 monuments dont des palais, des mosquées, des mausolées, des medersas et des fontaines témoignent de ce remarquable passé. Elle a été classée par l’Unesco sur la liste du Patrimoine Mondial en 1979 : « Comme un témoignage vivant de l’urbanisme musulman, les quartiers résidentiels de la médina se présentent sous une forme presque inchangée depuis la fin du XVIIIème siècle. Au vu de son incidence sur le développement de l’architecture et des arts décoratifs… dans toute la partie orientale du Maghreb, et de sa richesse monumentale : environ 670 monuments (mosquées, medersas, zaouïas, palais et demeures) 73».

En effet, les 3 critères approuvés sont : Le critère 2 : Témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de

73 Panel : André CHASTEL, Henry MILLON, Jean TARALON, Propositions d’inscription à la liste du patrimoine mondial, fiche critique, Médina de Tunis, Tunisie, n°36.

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paysages. En effet, le rôle de relais qu’a joué la médina de Tunis entre le Maghreb, le Sud de l'Europe et l'Orient a favorisé les échanges d'influences dans le domaine des arts et de l'architecture, et ce pendant des siècles. Le critère 3 : Apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue. En tant que ville importante et capitale de différentes dynasties, depuis les Banu Khurassan, jusqu'aux Husseinites, la Médina de Tunis offre un témoignage exceptionnel sur les civilisations de l'Ifriqiya essentiellement à partir du Xe siècle. Le critère 5 : Etre un exemple éminent d'établissement humain traditionnel, de l'utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d'une culture (ou de cultures), ou de l'interaction humaine avec l'environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l'impact d'une mutation irréversible. La médina de Tunis est un exemple d'établissement humain qui a conservé l'intégrité de son tissu urbain avec toutes ses composantes typo-morphologiques. Les effets des mutations socio-économiques rendent vulnérable cet établissement traditionnel qui doit être intégralement protégé74.

Fig.10 : La tombée de la nuit à la médina.

74 UNESCO/CLT/WHC, Médina de Tunis.

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4. Organisation et hiérarchie urbaine et professionnelle : 4.1. Le cadre urbain : La médina de Tunis a pu survivre et s’imposer jusqu’à nos jours dans sa structure entière malgré l’effet des temps et des hommes. Fortes de sa richesse artistique, de son architecture authentique elle a pu s’imposer comme patrimoine mondial. « Dés le XVIIIe siècle les Andalous musulmans commencent à venir d’Espagne, par vagues successives. La dernière vague arrive en 1609. (…) Cette colonie a participé aux transformations qu’à connu la médina, c’est alors que Tunis prend ses proportions et son aspect actuels 75». A première vue nous relevons un ensemble architectural ceinturé par des voies de circulation qui se sont substituées aux remparts de la ville. Cet ensemble est traversé par deux axes principaux presque orthogonaux d’Est en Ouest et du Nord au Sud. Ils relient les quatre principales portes de la médina, soit de la « porte de France » à « la kasbah » et de « Beb Souika » à « Beb Jedid ». Ce sont les deux principaux faubourgs de l’ancienne ville. Ces deux voies aboutissent de chaque point à la mosquée Ezzitouna, à partir desquelles s’enchevêtrent une suite de rues secondaires et de ruelles quadrillées par des entités compactes ou noyaux urbains.

Fig.11 : Vue aérienne de la mosquée Ezzitouna. Fig.12 : Vue sur une des entrées de la mosquée Ezzitouna. « De part et d'autres des éléments de l'ossature urbaine, s'étend un réseau viaire ramifié, plus ou moins irrégulier, aux venelles de plus en plus étroites 76». En effet, le réseau viaire est fortement hiérarchisé. Nous pouvons distinguer :

- Les parcours principaux, nous y trouvons les activités communes et publiques. - Les parcours secondaires, qui mènent aux premiers. Ils ont une fonction de raccord

et de desserte. - L'impasse, destinée uniquement à la desserte des habitations et ne comporte aucun

équipement public ni de commerce. La médina avec toute sa structure architecturale a été conçue suivant une logique qui se réfère à des concepts d’ordres : religieux, sociaux, climatiques, économiques, culturels et juridiques. Les quartiers se développent tout autour d’une mosquée, tout près d’une entité commerciale qui groupe les commerçants et les artisans. L’ensemble des quartiers constitue

75 Mustapha CHERIF, La médina de Tunis, p.174. 76 Jaouad MSSEFER, Villes Islamiques, cités d’hier et d’aujourd’hui, 1984.

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la texture urbaine de la médina. Ces quartiers sont souvent organisés par communautés, mais sans différenciation : quartier Français, Italiens, Juif. L’occupation de l’espace s’effectue selon deux types d’îlots, l’un intraverti qui concerne l’habitat, le lieu de culte et l’artisanat. L’autre extraverti qui compose le grand commerce (souk), les services publics et administratifs, les Mesjeds ou Hammams. L’ensemble est desservi par des réseaux de circulation qui résultent de la texture urbaine des différents éléments qui la constituent. D’autres voies secondaires font la liaison entre les différentes directions. Les relations des habitants avec l’intérieur et l’extérieur se font à travers ces réseaux pour tout ce qui concerne la vie quotidienne. Tous les éléments qui composent la médina sont complémentaires les uns aux autres dans une harmonie parfaite. Ils témoignent de plusieurs siècles d'histoire. Certains de ces monuments sont considérés comme des chefs-d’œuvre et possèdent une valeur universelle, telles que les mosquées Ezzitouna, El Ksar, la zawiya de Sidi Mehrez... D'autres monuments sont remarquables par leurs architectures, leurs décors ou par leurs fonctions. Ces édifices majestueux constituent le patrimoine monumental de la médina et de toute l'agglomération tunisoise. Ils illustrent divers types d'architectures :

- L’architecture religieuse : medersas, kouttebs et mosquées : ces dernières sont généralement reconnaissables par leur architecture et leur centralité par rapport aux autres composants dont les souks. Elles sont le lieu de la spiritualité et la pratique du culte. Nous pouvons citer la mosquée Ezzitouna qui a acquis une grande notoriété en tant qu’institution universitaire, rôle conservé jusqu’aux années soixante et repris il y a deux mois, ainsi que le complexe des trois medersas.

- L’architecture publique : hammams, fondouks, souks, oukalas : généralement c’est une juxtaposition de cellules en linéaire et en face à face et de part et d’autre d’un axe formant un couloir qui est en même temps la voie de passage et d’exercice du commerce. Relié directement à la mosquée, tournant le dos aux éléments accolés, il rassemble les activités artisanales et commerciales. C’est aussi le lieu du savoir-faire et de l’échange de la ville et du pouvoir économique. Il est en relation très étroite avec le fondouk (petite industrie, dépôt, hébergement). Les souks sont spécialisés et hiérarchisés.

- L'architecture funéraire : Zawiyas, tourbas, marabouts, mausolées, cimetières, tel que Tourbet El Bey, cet espace appartient à la famille du Bey depuis des siècles.

- L'architecture militaire : casernes, portes, forts, borjs. - L'architecture privée : palais, demeures bourgeoises ou ordinaires.

Monsieur Zoubeir Mouhli, Architecte, Directeur Adjoint chargé de l’architecture et de l’urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina décrit la médina : « La médina c’est 300 hectares, c’est 100 000 habitants, c’est un centre ville et un centre de vie ou la majeure partie des monuments se trouve, donc la médina a une vocation très forte :

- Une vocation politique, imagines il y a au moins 9 ministères à la Kasbah à la médina.

- Une vocation administrative, avec toutes les administrations qu’il y a avec l’hôtel de ville qu’il y a, c’est très symbolique.

- Une vocation éducative, avec tous les lycées, toutes les institutions d’enseignement.

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- Une vocation commerciale et artisanale, le réseau de Souks est très important et toute la vie économique dans la médina etc…

Donc ce n’est pas vraiment uniquement un musée pour visiter quelques pierres et partir 77». De cette diversité de constructions, édifiées durant plusieurs siècles, persiste encore une grande partie jalonnant les rues de la médina. L'autre partie est tombée en ruine tels que les borjs et les forts. Fig.13 : Rue des Andalous, vers 1890.

4.2. Les souks et l’artisanat :

« L’islam est par excellence le pays des marchés surpeuplés et des boutiques urbaines étroites groupées par rues et par spécialité, visible aujourd’hui encore dans les souks célèbres des grandes villes »78.

Fig.14 : Souk El Berka 1976.

Généralement, les souks ont occupé l’espace central dans la médina arabo-musulmane engendrant en même temps le développement urbain. Ils regroupent l’ensemble des activités économiques parallèlement à d’autres fonctions économiques et socioculturelles de certains édifices tels que : mosquée, medersa, foundouk, oukala, zaouïa.

Fig.15 : Souk Et Trouk.

77 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte, Directeur Adjoint chargé de l’architecture et de l’urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 78 Ferrand BRAUDEL, Les structures du quotidien, 2ème partie : les jeux de l’échange. Edition Armand Colin, Paris 1993, p.119.

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La répartition des souks est conçue en fonction de la valeur de l’activité commerciale, de l’espace nécessaire à sa pratique et les nuisances liées à leurs activités. Plus elles sont sales et bruyantes. Plus elles prennent place vers l’extérieur ou à la périphérie des médinas, tout en s’éloignant de la mosquée tels que « potiers, teinturiers, tanneurs », ainsi que les marchés ruraux et ceux de l’alimentation. Au centre se concentre le commerce de luxe par exemple « orfèvres, libraires, parfumeurs, textiles 79… ». « La grande mosquée Ezzitouna, qui en demeure le symbole, reste au centre des principales activités citadines, et conserve, pressés contre ses murs, les anciens et nouveaux souks des commerçants et artisanats 80».

Chaque corps de métier se concentre dans une partie du souk. Les commerçants et les ateliers sont regroupés en corporations, par spécialité et nature de l’activité exercée et des produits fabriqués. Chaque autorité corporative possède des règles et une hiérarchie professionnelle qui régissent l’ensemble des transactions commerciales et des relations entre les hommes. Nous distinguons, l’Amine, le maître, l’apprenti, le compagnon. Les espaces de commerce sont distincts de ceux de l’habitat bien qu’ils soient solidaires géographiquement. Les institutions religieuses et culturelles sont en grandes parties fiancées par les revenus provenant des activités commerciales dans les souks tels que zaouïa, medersa, mosquée.

Différents ethnies cohabitent ensembles : musulmans, chrétiens ou juifs, chacun apporte ses compétences, son savoir-faire tout en respectant les valeurs de l’autre sans qu’il y ait la moindre allusion à leur appartenance religieuse. C’est le cas des juifs qui participaient à l’activité économique de la même manière que les musulmans.

Dans la médina, l’infrastructure des souks demeure presque inchangée, mais les souks ont perdu de leurs spécificités. Certains commerces ont conservé leurs activités, d’autres se sont reconvertis ou même changés de nom ou d’affectation, allant parfois jusqu’à la fermeture des lieux. Certains ont même migré vers les axes principaux où les flux de circulation sont plus importants. Cette transformation a subi les conséquences des produits manufacturés d’importation, de l’introduction de la machine dans la production artisanale et le changement des traditions. L’artisanat s’est alors orienté beaucoup plus vers les produits destinés aux besoins d’une nouvelle clientèle touristique.

5. Etat du patrimoine de la médina de Tunis : 5.1. Aperçu général :

Aux premières années de l’indépendance, les autorités tunisiennes n’ont pris conscience de la gravité de l’état de la médina que vers les années 60. « Elle a réussi à échapper aux destructions massives, aux grands projets de démolition et aux percées qui la menaçaient de disparition. Elle a également, évité la momification et le piège du ghetto culturel, on n’y va pas comme dans un musée mais comme un centre ville et centre de vie 81». Un projet de percée de la médina à travers l’axe de Beb Bhar et la kasbah a été programmé. Un boulevard de 45 mètres de large aurait peu être pu exister aujourd’hui au milieu de la médina ! Un mouvement de défense s’est crée est s’est opposé face à cette démarche. Un bel exemple de la part de la population à l’égard de son patrimoine.

79 Claudie BARON, Souk, édition Flammarion, collection déclinaison d’art de vivre, Paris, 2003, p.12. 80 Jacques REVAULT, Palais et demeures de Tunis (XVIe et XVIIe siècles), 1980, p.446. 81 Zoubeir MOUHLI, Les maisons de la Médina de Tunis, Richesse et diversité, article parut à Archibat, n°15, Décembre 2007, p.42.

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Ce qui a même donné naissance à une Association de Sauvegarde de la Médina (ASM). Fig.16 : La percée de la médina.

Aussitôt, une étude faite par cette dernière a relevé les réalités suivantes :

- L’habitat n’est plus approprié pour une population dense et pauvre. - Un nouveau mode de production et de commerce s’est substitué aux activités

initiales traditionnelles pour répondre aux besoins de cette nouvelle population. - Le commerce moderne à l’extérieur a commencé à ramper à l’intérieur de l’enceinte

de la ville ancienne en affectant les structures de l’artisanat.

Assistée par l’Unesco, l’ASM a proposé « un plan de sauvegarde et de mise en valeur de la médina en vue de son développement entre 1970-1974 82 ». Grace à cela, plusieurs tentatives ont été faites afin de sauver certains monuments de la ruine et de la dégradation, tels que des mosquées, des medersas et d’anciennes demeures de notables abandonnées. La plupart des monuments restaurés ont été réaffecté à des nouvelles fonctions culturelles. Ainsi, nous passons du simple concept de la restauration en vue de la conservation, à celui d’interventions dans le cadre d’un développement.

Parallèlement à cela, il y a eu des lois de classement et de protection des sites et des monuments historiques et culturels. Mais, malgré tous les efforts et les moyens engagés au départ, ces opérations de sauvegarde ont été destinées au patrimoine monumental. Or il fallait tenir compte de toutes les composantes de la ville, à savoir « le patrimoine monumental et le patrimoine immobilier social 83» assurant aux habitants toutes les commodités nécessaires en équipements et infrastructures. En effet, les structures de la ville nécessitent des interventions au niveau de l’habitat et du cadre bâti traditionnel, pour assurer un cadre de vie agréable aux habitants, qui doivent à leurs tours respecter les règlements de constructions dans la médina.

Fig.17 : Entrée d’une mosquée.

82 Mounir BOUCHNAKI, Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis, Célébration du 20ème anniversaire du classement de la médina sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité 1979-1999, 1999, p.10. 83 Sémia AKROUT-YAICH, Stratégie de sauvegarde et problématique de restauration/reconversion à travers l’expérience de la médina de Tunis, p.23.

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5.2. L’état du bâti : Espaces résidentiels : La première impression qui se dégage de la médina est l’état global vétuste des éléments de structures du bâti, du décor et des équipements. C’est la conséquence visible d’une exploitation massive et anarchique du patrimoine. En effet, la profitabilité des espaces à été privilégiée sans aucun souci de sa valeur culturelle et historique. Cette surexploitation a engendré la dégradation générale de la médina et spécialement des espaces résidentiels. L’aspect architectural authentique a été parfois défiguré par le recours à des matériaux non appropriés, ou des agencements inadéquats. « Ce n'est pas seulement la forme de la maison ou de la rue qui change, c'est aussi l'atmosphère. Aux sons rauques de l'arabe, à la mélopée des écoles coraniques aux cris des âniers et des porteurs dans les rues étroites, à l'odeur des épices, à la circulation feutrée de grands burnous blancs, à l'entassement des marchands dans les souks indigènes débordant, à la disparition des visages féminins sous des voiles plus ou moins stricts , au grouillement des petits marchands, à la prolifération des enfants, la ville européenne oppose trait pour trait d'autres images : l'intense circulation automobile, le bruit des klaxons et l'odeur de l'essence, les larges trottoirs devant des devantures richement pourvues, une population vêtue de sombre ou de teintes vives, aux silhouettes plus libres où éclatent les visages féminins. Mais les mœurs et les coutumes occidentales se répandent, la ségrégation est parfois plus une affaire de niveau économique et d'ancienneté d'implantation urbaine que de race, et on peut se demander si l'occidentalisation des villes d'Afrique du nord ne continuera pas dans cette orientation déjà largement amorcée 84». L'occidentalisation est donc remarquable aussi bien au niveau de l'urbanisme qu'au niveau des nouvelles populations. Ces dernières sont de différentes catégories sociales et de différentes origines essentiellement rurales. Fig.18 : Dégradation du bâti résidentiel. 6. La gestion de la médina : 6.1. Restauration et patrimoine : « Enfin nous nous occupons de la vieille ville de Tunis

! » : Opérations pilotes : La municipalité de Tunis a commencé à acquérir des palais et des demeures de valeur pour les réhabiliter depuis les années 80. Par exemple Dar Haddad, le siège actuel de l’INP, ou encore dar Lasram, le siège de l’ASM. Ils ont commencé aussi à valoriser les quartiers où se trouvaient ces demeures à travers quelques projets. Par exemple, toutes les canalisations des eaux usées ont été refaites, ce qui a réduit l’effet des inondations dans les saisons pluvieuses. La médina a connu plusieurs rénovations et restructurations de monuments mais aussi de quartiers entiers tels que l’exemple du quartier de la Hafsia. Il s’agit d’un ancien quartier populaire. « The Hafsia quarter of Tunis’s old medina offers an early and successful example of including a historic city rehabilitation program in “regular” urban development 84 J.Beaujeu GARNIER, Extrait de la médina de Tunis, de J.ABDELKEFI, Presses de CNRS, Paris, 1989.

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programs, one of which was assisted by the World Bank. The program was financially profitable and restored Hafsia’s livability, land and house values, and economic dynamism, it also earned the Aga Khan architectural award (1983) 85». Ce projet combine plusieurs interventions, à savoir la rénovation, la réhabilitation des bâtiments anciens, la restauration des monuments et la remise en état de l’infrastructure et les voiries et réseaux divers afin d’attirer plus de touristes vers le cœur de la médina. Un des objectifs de ce projet était la réhabilitation des constructions existantes après dé-densification. Il visait à assurer une surface habitable indépendante de 40m² pour chaque famille, avec un point d’eau et une cuisine86. Un projet d’intervention sur un site historique réussi et primé à deux reprises. « La Hafsia a montré également qu’un travail typologique n’était pas incompatible avec la modernité architecturale et qu’il était plus profitable de réfléchir sur la structure du bâtiment traditionnel pour l’adapter aux conditions de vie actuelles que de construire des HLM à l’européenne fussent-elles agrémentées des signes de l’architecture arabo-musulmane 87». Ce projet a réussi à réhabiliter plusieurs de ces habitations en ruine et améliorer l’infrastructure du quartier. « L’approche cohérente du projet de restructuration du quartier Hafsia a réussi à inverser le processus de dégradation engagé depuis le début du XXè siècle 88».

Fig.19 : Etat du quartier Hafsia avant les travaux. Fig.20 : Le quartier Hafsia en cours de travaux. Mais encore, en 1990, il y a eu l’opération de réhabilitation des immeubles insalubres dans la médina, le projet nommé « oukalas ». En effet, l’un des thèmes centraux de la politique de la ville de Tunis est la réhabilitation du logement social suite à sa dégradation lors de l’exode rural depuis les années 1930. Il s’agit d’un projet d’assainissement de l’habitat insalubre et sur densifié de 600 « oukalas » abritant 15 000 personnes. Nous notons que ce projet a été complètement maitrisé par la municipalité de Tunis et mené conjointement par les concessionnaires publics (Steg, Onas, Sonede, Télécom…). Si l’Association de Sauvegarde de la Médina est tenue de restaurer façades, monuments, souks et placettes publiques, c’est bien la caisse de la protection des zones touristiques qui se charge du financement des

85 The World Bank, Cultural heritage and development: A framework for action in the Middle East and North Africa, June 2001, p.6. 86 Zoubeir MOUHLI, La médina de Tunis aux années 2000 : Patrimoine, paramètres environnementaux et urbanisme opérationnel – une équation nouvelle, Journées d’étude de l’IRMC, du 29 au 30 Janvier 2010. 87 Jean Louis GAILLEMIN, La Médina de Tunis, article paru dans l’Information Immobilière n°62, 1997. 88 Sémia AKROUT-YAICHE, Le rôle des acteurs locaux dans la gestion urbaine : L’expérience de la ville de Tunis, Revue internationale des sciences sociales, n°172, février 2002, p.276.

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travaux. Quant aux concessionnaires, ils prendront à charge leurs propres interventions (rénovation des réseaux, re-calibrage, enfouissement des câbles électriques…). Mais aussi la restauration d’une douzaine de souks, dans la zone commerciale centrale. Ces souks sont eux-mêmes en complémentarité avec l’embellissement de la mosquée Ezzitouna. Pour cela, la municipalité a contracté un prêt de 15 millions de Dollars du FADES (Fonds arabe de développement économique et social)89. « Ce projet marque une étape importante dans l’évolution de la politique urbaine de la Tunisie, qui s’oriente aujourd’hui vers la récupération des centres villes comme des parcs immobiliers existants et remplissant un rôle social important 90». Fig.21 : Une oukala à la médina.

Fig.22, 23 et 24: Restaurations dans le cadre du projet Oukala. 6.2. Restauration et décoration des façades : Des centaines de monuments ont été certes restaurés, mais ce n’était pas le cas pour les façades. Une ville délabrée aux façades enlaidies et défigurées sur lesquelles pendillent des câbles torsadés, des auvents et des devantures de magasin en rupture totale avec l’architectonie environnante accentuée par une intrusion de couleurs dont la vieille ville aurait bien pu se passer. Nous pouvons bien protéger et restaurer des cités, faire renaître de leurs cendres les vieilles demeures et leur donner une nouvelle fonction et une nouvelle âme, la médina, dans l’ensemble et vue du dehors, reste bel et bien « laide ».

89 Zoubeir MOUHLI, La médina de Tunis aux années 2000 : Patrimoine, paramètres environnementaux et urbanisme opérationnel – une équation nouvelle, Journées d’étude de l’IRMC, du 29 au 30 Janvier 2010. 90 Sémia AKROUT-YAICHE, Le rôle des acteurs locaux dans la gestion urbaine : L’expérience de la ville de Tunis, Revue internationale des sciences sociales, n°172, février 2002, p.277.

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Fig.25 : Restauration de la mosquée El Ksar. Fig.26 : Embellissement des façades. C’est dans ce cadre que les associations et la municipalité ont voulu changé ce décor en rénovant certaines façades avec de magnifiques moulures art déco et des frises d’art nouveau. Mais la rénovation a été faite aussi au niveau des piliers en pierre, des tuiles couleur terre et de grès coquillé dans les diverses gammes du beige apparaissent sous la lumière du jour. Les menuiseries ont été décapées. Elles apparaissent sous plusieurs tons et dans différentes couleurs : bleu de Prusse, jaune, ocre, vert, câpres, rouge …

Les angles à chaque coin de rue et les encadrements des portes ont été traité. Enfin, les murs des bâtiments de la place Romdhane Bey ont été repeints en blanc et les portes et fenêtres des commerces en bleu foncé. Ce qui a donné plus de valeur aux gannaraya (moucharabieh) et sabbats comme s’ils étaient sculptés dans la pierre. Tout cela a crée un endroit convivial et chaleureux. 7. Synthèse : La médina de Tunis présente des caractéristiques architecturales et urbanistiques spécifiques. La création de l’Association de Sauvegarde de la Médina est une étape très importante dans l’histoire de la médina. Suite à l’installation des populations rurales à la médina, plusieurs maisons et espaces ont été détériorées. Face à la dégradation continue du bâti, cette association a joué visiblement un rôle important dans la restauration de certains quartiers de la médina. Cela a été fait à travers le projet de la réhabilitation du quartier Hafsia, ou encore le projet oukala, où il y a eu la réhabilitation et la restauration des espaces sur densifiés. Il y a eu aussi la restauration de certains monuments et l’embellissement des façades extérieures afin de donner une nouvelle image de la médina.

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CHAPITRE 3 : MISE EN TOURISME DE LA MEDINA DE TUNIS

Fig.27 : Un passage couvert à la médina de Tunis.

« Au bout de l'avenue enfin, s'ouvre la « plus belle médina d'Afrique » qu'admirait Chateaubriand, la richesse de Tunis. Il faut dépasser les souks plus touristiques, proches de la porte de France, pour se perdre dans les ruelles calmes, voir vivre Tunis intime, ses cafés, ses palais, ses artisans silencieux... 91».

91 ASM, Présentation de la médina de Tunis.

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1. La fréquentation touristique de la médina : vers un tourisme culturel ?

La médina de Tunis compte parmi les sites historiques retenus par les autorités pour le développement du tourisme culturel dans le cadre des actions de diversification des produits par l’exploitation du patrimoine. Ce choix réside dans ses valeurs architecturales et urbanistiques qui font d’elle un centre d’attractivité touristique et culturelle indéniable.

La dégradation progressive de son aspect risque de ne plus ternir son image attractive, qui peut entrainer la diminution de l’affectation touristique, sachant que les recettes du tourisme sont en partie indispensables pour sa survie, notamment à travers le financement des programmes de sauvegarde et de mise en valeur des monuments historiques et de réhabilitation de la structure globale de l’urbanisme.

1.1. Les usagers actuels de la médina : Dans la médina, nous sommes face à une nouvelle image, le reflet d'un espace social distinct de l'original. « Dans une ville les éléments qui bougent, en particulier les habitants et leurs activités, ont autant d'importance que les éléments matériels statiques 92». Donc en premier, il a été nécessaire de définir les usagers de cet espace historique. Certes, les usagers actuels de la médina ont changé par rapport à autres fois. La médina dont les fonctions initiales étaient le commerce et l'habitat, assure aujourd'hui, d'autres fonctions très diverses pour des usagers de plus en plus exigeants. - Ceux qui y habitent : ce sont en grande partie, des familles locataires, d'origine rurale et à faible revenus et quelques autochtones. - Ceux qui y travaillent : ce sont les commerçants, les fonctionnaires des administrations ou des institutions (privées ou publiques), les artisans, les ouvriers, les vendeurs déambulant... - Ceux qui y circulent : ce sont les touristes, les acheteurs ou des simples passants. A chacun de ces consommateurs de l'espace urbain médinal, un comportement très particulier et qui se lit directement sur le paysage urbain de la médina. Donc nous avons voulu voir par la suite les valeurs attribuées à la médina par les architectes et les acteurs en général, touristes, commerçants, si elles sont les mêmes des habitants. 1.2. La médina vue par les guides touristiques : Afin de voir ce que représente la médina de Tunis dans les guides et les supports d’informations pour les touristes, nous avons essayé de voir ce qu’était dit à travers six différents guides. Pour la 6éme édition du GEOGUIDE consacré à la Tunisie, les essentiels à visiter sont la mosquée Ezzitouna en premier, le complexe des trois medersas, Dar Ben Abdallah, Toubet El Bey, et flâner dans le souk El Blat et prendre un thé au café M’Rabet. Ces monuments cités en premier représentent les essentiels à visiter, ainsi que les seuls monuments avec des entrées payantes à part le complexe des trois medersas. Ensuite nous trouvons quelques monuments à visiter, tels que la mosquée de Hammouda Pacha, et celle de Sidi Youssif, la Rachidia qui est une école de musique andalouse fondée en 1934, installée dans une belle demeure. Par la suite quelques demeures, tels que Dar

92 Saliha CHOUGUIAT-BELMALLEM, Zones périurbaines et marginalité sociale, cas du quartier de Sidi Mabrouk supérieur.

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Bouderbela, reconvertie en galerie d’art, et Dar El M’Nouchi, et aussi la place du gouvernement à la kasbah. Bien entendu les Souks en citant seulement quelques spécialités qui peuvent intéresser plus les visiteurs, tels que le Souk Chawachine, de la chéchia, Souk El Blat, des herbes, ou encore Souk El Berka, des bijoux. En parallèle à cela, le guide propose plusieurs activités, tels que du shopping, et des endroits pour boire du jus frais, des cafés ou consommer de la chicha. Par la suite nous retrouvons encore des noms de demeures à visiter mais dans un découpage Nord Sud de la médina. En effet, au Sud, nous retrouvons Dar Bech Hamba et Dar Othman à visiter, et encore une fois Dar Ben Abdallah, le musée, et Tourbet El Bey. Pour la partie Nord, Dar Lasram, siège de l’Association de Sauvegarde de la Médina et son club culturel, le musée Dar Kheireddine et la mosquée Sidi Mehrez. Malgré l’existence de plusieurs portes, certains d’entre eux sont encore dressées. Nous remarquons qu’il y a une importance donnée à la porte de Beb B’har par rapport aux autres portes existantes, appelé Porte de France sous le protectorat, elle sépare la ville nouvelle de la médina. Ce guide présente au début les monuments les plus importants qui sont à entrées payantes sans le mentionner. Ensuite plusieurs d’autres monuments et demeures dispersées dans la médina. Dans le guide du ROUTARD 2011, collection Hachette, quand nous arrivons à la partie médina de Tunis, nous pouvons lire : « Exceptionnelle. Un monde à elle toute seule. La médina de Tunis constitue l’un des plus beaux ensembles de mosquées, medersas (écoles coraniques), Tourbet (tombeaux d’une famille), zaouia (mausolet) et dar (grandes demeures) du bassin méditerranéen. D’ailleurs, l’Unesco l’a inscrite au patrimoine culturel de l’humanité. Sa visite est une fascination, incursion dans le temps, et une leçon d’histoire vivante». Ensuite, la pénétration de la médina se fait par n’importe quelle porte, mais la plus fréquentée est celle de Beb Bhar. Dans ce guide, nous y retrouvons tout un paragraphe qui s’intitule « autour de la grande mosquée ». En effet, dans la présentation des monuments, l’auteur commence bien sur par la mosquée Ezzitouna, ensuite Toubet ElBey, mosquée Hammouda Pacha, mosquée Sidi Youssef et le complexe des trois medersas. Fig.28 : Beb Bhar, l’entrée principale de la médina. Comme au guide précédent, il y a deux parties à la médina. La partie Sud, abrite Dar Bach Hamba et Toubet El Bey, le musé Dar Ben Abdallah et Dar Othman. Et dans la partie nord, la rue Dar EL Jeld est mentionnée. Une rue où se trouvent plusieurs galeries, restaurants et belles demeures. Ensuite Dar Bouderbela et Dar Lasram avec son club culturel. Par la suite

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une présentation générale des souks de la médina. Et ils disent une seule journée est essentielle pour visiter, plus si possible. Le Routard présente au début les monuments, ensuite les demeures pour finir avec les souks, mais le fait de mentionner qu’une seule journée suffit pour la visite est-il justifier ? Dans le guide LES EDITIONS DU JAGUAR de 2005, la Tunisie aujourd’hui, nous trouvons tout un texte décrivant la médina comme fascinante et met en avant sa structure urbanistique à travers ses ruelles labyrinthiques. « Il ne faut pas craindre de s’y perdre, car c’est en revenant plusieurs fois sur ses pas, que se révèlent toutes les beautés cachées ». Dans ce texte, plusieurs monuments sont énumérés. L’entrée principale de la médina est celle de Beb Bhar. Ensuite nous y retrouvons la mosquée Ezzitouna et la rue adjacente, Tourbet El Bey, des souks et de belles demeures. Nous y retrouvons une carte sur laquelle sont indiquées tous les monuments, dar et Medersa, qui ne sont pas tous cités. Les monuments qui y sont cités sont, en ordre : Place de la victoire, où se trouve Beb Bhar, la grande mosquée, le complexe des trois medersas, souk El Attarine (des parfumeries), souk El Trouk (meubles, et vêtements artisanaux), souk Essakajine (maroquinerie), souk El Laffa (tapis), souk El koumech (tissus), souk Echawachia (chéchia), souk El Balghajia (chaussures) et souk Ennhass (cuivre). On y retrouve aussi Dar El Bey, des petites mosquées telles qu’El Ksar et El Casba qui n’ont pas été mentionnées dans d’autres guides. Dans le quartier Nord, nous retrouvons la place Bab Souika, les mosquées Sahib Ettabàa et Sidi Mehrez, la Zaouïa de Sidi Brahim et le plais de Kheireddine. Dans le quartier Sud, nous retrouvons la mosquée des teinturiers, Dar Othman, Dar Ben Abdallah, Tourbet El Bey. Ce guide est bien détaillé, en énumérant par écrit ou sur une carte la majorité des monuments de la médina de Tunis. Nous sentons que ce guide est destiné à une certaine catégorie de touristes, en quête de culture et traditions à travers l’énumération de plusieurs souks, mais aussi de monuments. Le guide EVASION, Tunisie, collection hachette, présente la médina de Tunis avec une carte ancienne, sur laquelle sont concentrés quelques monuments, avec un texte général présentant la médina. Nous y retrouvons en premier la mosquée Ezzitouna, ensuite les mosquées Youssef Dey et Hammouda Pacha. Dans la partie Sud, complexe des trois medersas, Dar Ben Abdallah, Dar Othman et Tourbet El Bey. Dans la partie Nord, la mosquée Sidi Mehrez, et pour une foi, le quartier El Hafsia, l’ancien quartier juif, en indiquant qu’il a été réhabilité dans les années 1950. Tout ceci est accompagné de photos anciennes des rues de la médina et des croquis présentant des vues avec des minarets. Ce guide à l’air bien simplifié en présentant les monuments essentiels à visiter avec le quartier réhabilité de la médina. Dans le guide suivant, ENCYCLOPEDIE DU VOYAGE, GALLIMARD, dans le volet médina, nous pouvons lire en grands : « Les souks et la grande mosquée », et nous trouvons juste après la présentation, une première question, combien de temps pour visiter la médina ? Et là, c’est écrit qu’il faut compter deux bonnes heures ! Et le meilleur moment de la visite est le matin. Ensuite la visite commence par Beb Bhar, la rue Jemaa Ezzitouna, la grande mosquée, les différents souks, le complexe des trois medersas, et la place de la casbah. Après cette présentation nous trouvons un aperçu historique sur la médina de Tunis, les souks et les quartiers d’habitations, la seule foi où nous trouvons citée la rue Sidi Ben Arous, avec la

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mosquée Hammouda Pacha, et des belles demeures de parts et d’autres. Ensuite au Sud de la médina, nous retrouvons rue Hussein et rue du Dey, qui n’ont pas été évoqué dans d’autres guides. Ensuite Tourbet El Bey et Dar Ben Abdallah, la mosquée des teinturiers, et Dar Othman. Et au Nord les rues dar El Jeld, de la Driba et Sidi Ben Arous Dans ce guide, plusieurs rues ont été citées, quelques monuments, mais le temps de la visite est estimé à seulement deux heures ! Est-ce que nous pouvons visiter toute une médina en seulement deux heures ? Enfin, dans le dernier guide que nous avons consulté, qui est GUIDES BLEUS, Tunisie, Hachette tourisme, la médina est présentée en tant que « La ville musulmane », à travers une description générale. Ensuite la mosquée au cœur de la ville, en premier. Nous pouvons trouver ensuite des descriptions générales pas détaillées sur les souks, les quartiers d’habitations, la rue Sidi Ben Arous (celle qui a été rénovée et intégrée dans le parcours culturel). Ensuite dans le sud de la médina, nous trouvons écrits « palais et tombeaux », avec l’exemple de Dar Haddad, Dar Hussein, Dar Ben Abdallah, Dar Othman, Tourbet El Bey mais surtout les noms de plusieurs rues à visiter. Pour la partie nord, il y a aussi que des noms de rues et ruelles à visiter ! Une démarche que nous n’avons pas trouvée dans les autres guides ! Nous avons essayé dans ce qui suit, de rapporter ces informations sur une carte de la médina, en utilisant différentes couleurs. Ceci est fait afin de savoir l’emplacement des monuments, souks et rues à visiter d’après les guides touristiques. Et voir s’il y a des points communs ou pas.

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Carte 3 : Une carte avec les monuments et espaces à visiter cités dans les guides93.

93 LOOK VOYAGE, Plan de la médina de Tunis.

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Sites proposés par tous les guides.

Sites proposés par le ROUTARD 2011, collection Hachette.

Sites proposés par la 6éme édition du GEOGUIDE consacré à la Tunisie.

Sites proposés par le GUIDES BLEUS, Tunisie, Hachette tourisme.

Sites proposés par le guide EVASION, Tunisie, collection hachette.

Sites proposés par le guide ENCYCLOPEDIE DU VOYAGE, GALLIMARD.

Sites proposés par le guide LES EDITIONS DU JAGUAR de 2005, la Tunisie aujourd’hui. Nous remarquons que les sites proposés par tous les guides sont les sites connus, tels que la mosquée Ezzitouna, Tourbet El Bey, Dar Ben Abdallah, la mosquée Hammouda Pacha, le complexe des trois medersas et Beb Bhar. Les Guides Bleus et le guide Evasion sont les seuls à proposer tout un quartier à visiter. Ils incitent plus qu’aux autres à visiter plusieurs rues et ruelles de la médina. Pour les autres, c’est plutôt les souks, les monuments et les belles demeures tels que Dar Othman, Dar Hussein etc... Mais nous remarquons que la majorité des sites à visiter sont concentrés dans la partie Ouest de la médina. Car la partie Est correspond plus aux quartiers pauvres de la médina de Tunis. Mais si les monuments, rues, circuits à visiter sont bien précis dans les guides, qu’en est t-il de leurs fréquentations touristiques ? 2. Mise en tourisme de la médina de Tunis : La création en 1967 de l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM) à l’initiative de la municipalité a été le point de départ de toute réflexion sur le devenir de cette médina. Cette médina était un quartier déserté par les touristes. Elle souffrait de la dégradation progressive de son architecture et l’abandon de ses monuments suite à des bouleversements socio-économiques et au désintérêt d’une politique de réaménagement et de mise en valeur. A l'heure où la politique touristique a misé sur la diversification de l'offre, la médina est devenue, aux yeux des pouvoirs publics et des professionnels du tourisme tunisien, l'espace patrimonial par excellence, paré de toutes les vertus pour y développer un tourisme de consommation culturelle. Naturellement, le tourisme en médina n'est pas nouveau en Tunisie. La médina s’est ouverte aux touristes, quasi exclusivement étrangers, dès l'entre-deux-guerres. A Tunis, l'investissement public et privé en médina pour des projets touristiques à valeur culturelle et patrimoniale est par contre récent, et ne peut se comprendre sans la politique de sauvegarde du patrimoine qui s'est développée à partir plusieurs années. La restauration de la médina de Tunis fait son chemin depuis vingt ans, que ce soit sur un plan matériel, en

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intervenant sur le bâti qui s'accompagne d'une requalification souvent à contenu touristique, soit sur un plan idéel, à travers la recréation d'un imaginaire positif.

2.1. Fréquentation du patrimoine : La visite des sites et musées de la médina se fait soit en groupes ou individuellement. Ce dernier type de visite est fréquent. On peut voir le nombre des entrées dans les musées à travers les données de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine Culturel (AMVPPC), grâce aux nombres de visites payantes.

Site 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Medina de Tunis

36 552

43 155

39 722

32 220

24 205

20 151

3644

Table 1 : Le nombre des entrées payantes par an dans la médina de Tunis94. L’année 2006 présente le plus grand nombre de touristes venus visiter la médina. Mais à partir de cette date, le nombre de visiteurs a commencé à diminuer de plus de 5000 visiteurs par an. Pourquoi la fréquentation de la médina de Tunis est entrain de diminuer ? Pourquoi après avoir atteint le nombre de 43 000 visiteurs en 2006, nous arrivons à moins que la moitié, 20 000 visiteurs seulement en 2010 ? L’année 2011 est bien sur exceptionnelle, suite à la révolution tunisienne en Janvier 2011, le nombre de visiteurs a été estimé à 3644 visiteurs. Ces estimations donnent juste une idée sur seulement les entrées payantes à la médina, tout en sachant qu’un grand nombre de touristes ne fait que flâner dans la médina. Alors, aujourd’hui serait-il le moment nécessaire pour changer de politique touristique pour redémarrer de nouveau ? La fréquentation des musées évolue lentement, cette lente croissance peut s’expliquer par le manque de valorisation de ces monuments, au niveau des accès, d’indications, de la publicité… Et même parfois l’incompétence de certains guides. Nous remarquons une absence totale de stratégies de marketing. La demande touristique semble ne pas être étudiée. Une mise en œuvre d’une politique touristique qui doit accorder au patrimoine une plus grande place. En dehors de certains lieux éparpillés dans la médina, le tourisme culturel est presque inexistant. Même l’animation culturelle n’y est plus, surtout après la révolution.

Musée 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Dar Ben Abdallah

3 100 2 709 2 746 2 886 640 0 0

Mosquée Ezzitouna

29 495 35 212 31 954 25 399 19 571 15 569 2 844

Tourbet El Bey

3 957 5 234 5 022 3 935 3 994 4 582 800

Table 2: Nombre des entrées payantes par site et par an. Ce tableau présente la fréquentation des trois monuments payants de la médina, qui est de moins en moins importante durant les 6 dernières années. Le monument le plus fréquenté est la grande mosquée Ezzitouna. L’année 2006 présente une année exceptionnelle avec

94 Résumé des statistiques de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine Culturel.

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plus de 35 000 visites. Le nombre a diminué, moins que la moitié, avec plus de 15 000 visites en 2010. Ce chiffre a chuté après la révolution. Le musée Dar Ben Abdallah présente une situation plus au moins stable au niveau des entrées, jusqu’au milieu de l’année 2009, où il y a eu la fermeture du musée pour des travaux, jusqu’à aujourd’hui. Les visites à Tourbet El Bey ont atteint les 5 234 en 2006. L’année de la révolution, il y a eu seulement 800 visiteurs. Le responsable de Tourbet El Bey depuis 6 ans, affirme concernant le nombre de visiteurs : « Pas beaucoup, car le monument n’est pas connu, en plus il est un peut loin des autres monuments de la médina, en plus c’est un monument funéraire, il abrite les anciens beys, il y a quelques visites, quelques personnes qui viennent avec des guides ou avec des visites organisées 95». Le nombre de visiteurs n’a pas cessé de diminuer depuis 2006. L’année 2011, celle de la révolution présente une date importante et marquante dans l’évolution du tourisme à la médina de Tunis. Fig.29 : Vue intérieure de Tourbet El Bey.

2.2. Qu'est-ce qui se passe à la médina, le soir ? Festival de la médina et festival des arts contemporains :

Vraisemblablement, différentes opérations de restauration, de restructuration, ont été faites pour contribuer à la préservation du patrimoine de la médina. A cet objectif s'est associée l'idée de développer un tourisme culturel dans la médina. Cette idée est matérialisée par l'adoption du festival de la médina et la mise en place d'un circuit touristique. Des panneaux directionnels reliant quelques monuments historiques ont été posés. Un embellissement des façades donnant sur ce circuit a été fait.

Fig.30 et 31 : Festival de la médina.

95 Entretien avec le responsable de Tourbet El Bey.

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La valorisation culturelle de la médina constitue une condition essentielle pour son retour en vie. Il y a des actions publiques avec la création de quelques animations culturelles proposées par la maison de la culture. Le festival de la médina est surtout programmé pour le mois de ramadan. « La ville à cette période (le mois de ramadan) étincelle de lumières : les enseignes, devantures illuminées des cafés et des salles de concerts, les guirlandes de lampes multicolores (…). Il y en a pour tout les gouts et toutes les bourses 96». Une des actions d’envergure et qui vise un public plus large, est la création en 1983 de l’Association du Festival de la Médina offrant des spectacles tous les soirs du mois du Ramadan dans différents espaces restaurés de la médina (Palais, Medersas, Zaouïas, animation de rues….). Cette activité est devenue le rendez-vous important de la population tunisoise le long du mois saint. Cette association appuyée par la Commune de Tunis contribue énormément, à faire redécouvrir le chemin de la médina et du patrimoine architectural et musical à un public large qui serait appelé à coopérer d’avantage dans la revitalisation et la préservation du centre historique, un lieu de mémoire collectif. Dans ce cadre la presse écrite et audio-visuelle participe énormément à la mise en œuvre de la sensibilisation de ce public. Sur la base d’un financement des Fonds de l’amélioration de l’environnement touristique, ces festivals et ces soirées pendant le mois de ramadan ont été organisés afin de favoriser des projets mixant culture et tourisme. Le festival de la médina était instauré en 1982, face à la détérioration de l’image de la médina surtout que cette dernière compte à son actif une multitude de monuments qui peuvent servir de lieux d’animations culturelles pour un public varié. Ces animations se font à travers des spectacles et des projections dans des zaouïas, medersas ou des demeures, des lieux jusque là ignorés par les visiteurs de la médina. Ceci a pour but de valorisation de l’espace architectural matériel, mais aussi immatériel à travers les chants, les expositions… Il y a eu l’ouverture pendant ce festival de la médina des restaurants, des galeries d’art, l’hôtel de charme « Dar El Mdina », le Diwen Dar El Jeld et ses vitrines d’artisanats. En collaboration avec les ministères du Tourisme, du commerce et de l’artisanat, la médina a été animée par des parcours bien éclairés, accessibles et confortables pour les piétons, mais aussi par des concerts de Jazz à la place de Tribunal, des chants à la place de la Hafsia, de luth à la place Romdhane Bey, et la sortie de « tabbal », un homme portant la tenue traditionnelle avec le tambour pendant l’heur du S’hour (début de jeun). Des peintres se sont installés sur plusieurs sites de la médina avec leurs pinceaux et couleurs, d’autres ont exposé leurs tableaux et leurs créations. Cette mise en tourisme de la médina, à travers ces festivités était riche en couleurs, en danses ethniques, en chants lyriques et des spectacles de magie et de cirque. Il y a aussi un deuxième festival récent qui est celui des arts contemporains. C’est des installations d’art modernes lors de certains événements culturels organisés par des institutions nationales et internationales. Cette vieille ville a connu des expositions d’art contemporain et plastiques sur les placettes et des projections de vidéos et courts métrages sur les murs en pierre des prestigieux palais et demeures de la Médina.

96 Jamila BINOUS, Fatma BEN BECHR, Jellal ABDELKAFI, Tunis, Collection Villes du monde arabe, Sud éditions.

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Cet événement se passe dans des monuments et demeures pas forcément restaurées. Le but est de ramener les visiteurs dans des espaces où les gens n’ont pas l’habitude d’y aller, des espaces souvent « cachés ». Cela s’inscrit dans une démarche de sensibilisation du visiteur pour le patrimoine, mais aussi sensibiliser l’habitant en ouvrant des parties de leurs maisons qui deviennent un lieu d’exposition ouvert à tout le monde. Fig.32 : Chants lors du Festival d’Art Contemporain. L’objectif de ce programme était de présenter les multiples monuments à caractère architectural de la médina de Tunis qui sont un vecteur essentiel d’attraction des touristes et d’animation pour le tourisme intérieur. Au final, il s’agit de redonner un souffle de vie à la médina en lui conférant un nouveau mode d’expression conjuguant à la fois modernité et identité. Pendant notre enquête sur terrain, nous n'avons pas pu nous empêcher de tenter l'expérience et de demeurer dans la médina jusqu'au soir. J'étais très impressionné à voir les souks se fermaient tôt. Au bout de quelques temps, un silence régnait après toute l'agitation des vendeurs, des acheteurs et des passants. Nous n’avons pas retrouvé cette animation.

Les quartiers résidentiels plongeaient dans un long sommeil. Nous étions envahis par l'angoisse d’être volé et nous cherchions à quitter très vite la médina. Or pendant les nuits ramadanesques, c’est complètement différent. La médina pouvait sortir de son sommeil très paisible pour fêter ce festival qui lui rend hommage chaque année. Faut-il que ce festival, qui est la seule grande manifestation qui tient lieu dans la médina, se prolonge sur toute l'année pour garantir l'animation et par-là la valorisation de la médina ?

A part les festivals, il y a des jours où les habitants de la médina célèbrent quelques fêtes religieuses ou traditionnelles, tels que l’aïd, le jour de la naissance du prophète, la journée de l’habille traditionnel…« Chaque année amène le retour périodique des fêtes religieuses aux quelles s’ajoutent les fêtes familiales, circoncision, mariage, réunissant, à l’occasion de ces réjouissances, familiers et amis 97». Il est évident que le but de toutes ces interventions est de sensibiliser le citoyen à ce patrimoine, faire découvrir et communiquer au visiteur la richesse de cet héritage culturel.

97 Jacques REVAULT, Palais et demeures de Tunis (XVIe et XVIIe siècles), 1980, p.446.

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2.3. Les circuits touristiques et les visites culturelles: Parcours culturels et touristiques:

Fig.33 : Circuit touristique : Itinéraire A. Fig.34 : Circuit touristique : Itinéraire B.

Depuis un certain temps, un ensemble d’actions spécifiques a été entrepris en faveur de la médina et a consisté à restaurer ses lieux phares afin de les mettre en tourisme. Un nouveau circuit culturel a été créé par l’Association de la Sauvegarde de la Médina. Cette opération pilote avait pour objectif la revalorisation de la ville et de son patrimoine, la restauration urbaine et la mise en valeur de ce circuit culturel qui sera accompagné d’un circuit touristique réhabilitant les monuments et parcours culturels. Il s’agit de mettre en valeur, et en tourisme certains sites oubliés et délaissés. L’accès aux ruelles et à des endroits parfois inconnus ou mal signalés de la médina a été facilité. C’est dans ce cadre que ce nouvel itinéraire culturel et touristique a été programmé. L’ASM a tenu aussi à la création d’un équilibre, d’une continuité avec les circuits existants dans la partie sud, à savoir le circuit de «Dar Ben Abdallah». Ces deux circuits sont enrichis par la visite des souks de l’artisanat, qui ont déjà bénéficié d’une attention particulière de la part des responsables du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine ainsi que de celle du Tourisme et de la municipalité de Tunis aux cotés de l’ASM. Cet itinéraire s’est étalé sur l’axe qui relie la grande mosquée Ezzitouna à la zaouïa de Sidi Ibrahim Riahi. Il passe par les rues de Sidi Ben Arous, du Pacha, de la Hafsia et du Tribunal. L’intérêt accordé à ce circuit tient au fait que cet itinéraire reçoit un nombre important de touristes et de visiteurs dont une grande partie fréquente les espaces culturels qu’abrite cette partie de la médina. Parmi ces espaces culturels les plus prisés, nous citons la médersa de Bir Lahjar, Dar Ben Achour, le palais Kheireddine, la Maison du poète, la place Romdhan Bey et celle de la Hafsia.

Cette opération a pour objectif la promotion des atouts culturels de la médina, tout en sensibilisant sa population à la valeur de l’habitat, de cette vieille cité qui peut être une

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nouvelle vitrine du tourisme culturel et même du tourisme d’affaire. D’autre part, le projet peut devenir profitable à l’économie locale. On peut trouver inscrit sur la medersa Bachia, une des trois medersas de la médina sur une dalle en marbre scellée au dessus du linteau de la porte d’entrée, en arabe le texte suivant : « Au nom de Dieu le bienfaiteur, le miséricordieux. Que la bénédiction et la paix de Dieu soient sur notre seigneur Mohammed et sa famille Contemples les superbes œuvres façonnées à la main, et discerne le secret de cette beauté dans la disposition. Achemines toi vers ces constructions, tu y es invité par ces colonnes effilées ; Tu découvres un paradis qui ne déplait pas au regard, Et qui ne repousse pas le visage agréable. Celui qui promène son regard entre ces colonnes, Désire les revoir, dés que son regard en a fait le tour, Harmonieuse construction, il suffit de l’examiner, Tous ses éléments sont de splendides perles dans un collier. Si elle était dotée de la faculté de langage elle dirait avec sincérité : « Je suis honorée par le Pacha qui est en ma seule possession ». Alî qui n’a pas son équivalent98 ». Ce texte a été traduit à la langue française et affiché devant l’entrée pour mettre en valeur le monument et la médina. Le visiteur, que ce soit étranger ou tunisien peut alors bénéficié lors de sa visite d’informations spécifiques à chaque bâtiment. Ainsi, il a été prévu de mettre en valeur des façades, la réfection des pavages et de l’éclairage public, la résolution du problème des câbles torsadés en collaboration avec la Steg (Société Nationale d’Electricité et de Gaz), ainsi que d’autres câbles apparents avec les organismes concernés, la réhabilitation des sabbats, des arcs-boutants et des colonnes d’angle. D’autre part, les places ponctuant le parcours ont été restaurées. Un éclairage artistique a été aussi installé sur ce parcours. Sa lumière est visible de loin par les visiteurs nocturnes de la médina. A travers ce circuit, le visiteur peut profiter d’une visite culturelle de plusieurs monuments et espaces récréatifs. Sur cet axe, les lieux culturels à visiter sont le Mesjed El Mehras, l’Eglise Saint Croix, la bibliothèque Nationale, la mosquée Ezzitouna et Midha Essoltan en passant finalement par le café M’Rabet. Selon l’ASM, l’ambition de ce projet est « d’encourager un tourisme éclairé, respectueux de la culture locale dans ses formes les plus modestes 99». Un projet qui rendrait aux piétons les ruelles de la médina qui sont devenues véhiculaires. Cela est en créant un plan de circulation et de stationnement dans les limites, et de gérer les horaires d’approvisionnement. Mais nous attendons encore que ce projet voit le jour ! Les visites culturelles constituent un autre produit touristique qui se développe depuis peu. Des parcours précis sont construits par des guides, qui offrent une visite commentée. Ceci

98 Ahmed SAADAOUI, Tunis ville ottomane, trois siècles d’urbanisme et d’architecture, Centre de Publication universitaire, p.199, 200. 99 Zoubeir MOUHLI, La médina de Tunis aux années 2000 : Patrimoine, paramètres environnementaux et urbanisme opérationnel – une équation nouvelle, Journées d’étude de l’IRMC, du 29 au 30 Janvier 2010.

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constitue une mise en espace du tourisme qui est fondée sur la présentation d'un certain nombre de monuments jugés patrimoniaux. Tout ceci a eu des effets sur les visiteurs de la médina, qui viennent pour le plaisir de revisiter et revivre la médina. En 2000, une simple annonce dans le journal La Presse Tunisienne d’un journaliste Tahar Ayachi et environ 300 personnes de tout âge et sexe, venus de Tunis et de ses banlieues pour la découverte de la médina et ses monuments. Ils ont parcouru les ruelles de la médina, pour visiter les monuments, les mosquées, les zaouias… Parfois en journée, parfois la nuit, trois visites ont été organisées. Les visiteurs que ce soit des tunisiens ou touristes ont été fascinés et enchantés par cette visite, commenté par un historien, un guide spécialisé. Une découverte passionnante de l’objet patrimonial.

Fig.35 : Soirée nocturne sur une terrasse à la médina. Fig.36 : Visites culturelles organisées. Le cas de Jamila Binous, historienne et urbaniste à la retraite, qui a choisi d'organiser chaque samedi matin depuis l’an 2000 une visite de la médina. Elle fait découvrir à ses clients les ruelles étroites de la médina en leurs proposant une image globale de ce patrimoine. Son public est composé généralement d'une vingtaine de personnes, dont la majorité est des étrangers, et touristes résidents en Tunisie. Son parcours se décompose en trois séquences :

- Le secteur de la Kasbah, où nous trouvons les attributs du pouvoir en Tunisie. - La grande mosquée Ezzitouna et ses abords composés des souks. - Les quartiers résidentiels.

Cette spécialiste en urbanisme et histoire donne à la médina une image patrimoniale en présentant les demeures qui ont été restaurées comme Dar El Jeld ou Dar Hammouda Pacha, qui sont des lieux à la fois patrimonialisés et marchands. Mais, aujourd’hui, visiblement ces parcours sont désertés par les touristes et les tunisiens.

Absence totale d’animation a mené un commerçant à dire « Il y a un moment, ils ont fait

des animations, les gens venaient pour voir la rue Sidi Ben Arous. Et on a bien travaillé !

Pas au point de s’enrichir, mais on rentrait satisfait, on arrivait à payer le loyer, l’électricité

sans problèmes. Aujourd’hui, le parcours est sans animation. Ils ont même mis des tapis

sur ce parcours. Il y avait un homme qui chantait aussi, mal, mais il chantait, avec un micro

et il est devenu connu. Des gens de haute classe venaient le voir. Tu pouvais voir les

chaussures à 500 Dinars (250 euros), et les robes d’un million de dinars (500 euros), des

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gens classes qui venaient et pas des gens pauvres 100». Aujourd’hui, surtout après la

révolution, aucune visite de ce genre n’est programmée à la médina.

2.4. Réaffectation des monuments et dimension sociale: Nous avons pu constater à travers les observations sur terrain et les entretiens que la dimension sociale existe dans les projets de restauration de la médina, et que, la différence par rapport à d’autres démarches de restaurations dans le monde arabe est que le coté social est très important dans le cas de la médina de Tunis, et qu’il n’y a aucune volonté de faire de cet espace un musée, au contraire, les acteurs tiennent compte des spécificités sociales de cet espace vivant. Nous avons pu remarquer que la fonction de plusieurs monuments a été changée après leurs restaurations. La restauration de certaines demeures délaissées et le fait de leurs donner d’autres fonctions peut développer l’action culturelle et touristique en offrant au visiteur d’autres espaces inconnus et aménagés. Par exemple le cas de la medersa Montasiria, avant c’était une medersa avec une fonction précise qui est l’enseignement du coran. Cet espace a été restauré et est devenu un jardin d’enfant. En effet, le changement de fonction, peut être bénéfique. Car pour restaurer un monument, il faut bien de l’entretien quotidien. En plus, dans ce cas, ce changement de fonction a permis au monument de continuer à vivre, qu’il ne soit pas fermé, mais aussi de répondre à un besoin social de la population du quartier : « La dimension sociale y est à tout point de vue même pour un monument. Quand je restaure un monument et de lui donner une nouvelle fonction, la dimension sociale elle y est parce que j’ai étudié dans le quartier, ce dont les gens ont besoin, par exemple la medersa Montasiria, on la reconverti en jardin d’enfants par ce que c’est un quartier qui est essentiellement résidentiel, et les gens ont besoin d’avoir un jardin d’enfants (…) donc même le programme pour la reconversion est étudié selon, et en tenant compte de ce dont a besoin le quartier 101». La medersa Slimania aussi a été réhabilitée et transformée en une organisation de santé. Madame Bejaoui affirme encore « cela est la meilleure solution de faire vivre le monument et d’être intégrer dans le processus de développement socioéconomique, parce que bon, je restaure et je perds, bon je peux faire un musée ! Mais au contraire, on est dans une médina vivante, et je dois continuer sur la même lancée ». Fig.37 : La medersa Slimania.

100 Entretien avec un artisan bijoutier (5) à la médina. 101 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina.

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Une autre ancienne medersa a été reconvertie en une école et un centre de formation des métiers artisanaux par l’Institut National du Patrimoine. Elle est aujourd’hui un lieu d’apprentissage. La spécialité de la formation a privilégié ce lieu pour y être installée. Etudiants et professeurs, mais aussi différents visiteurs tunisiens et étrangers sont les utilisateurs de cet espace. La responsable de la formation affirme : « Elle est faite pour la population locale, mais les touristes viennent visiter, ils veulent voir et ils entrent pour voir, car c’est un monument historique, on les laisse entrer bien sur, ils demandent des questions, on essaye de répondre, malgré que c’est souvent pendant les heures de cours 102». Il y a aussi l’Ecole de musique traditionnelle tunisoise La Rachidia qui est installée dans un monument. Le directeur de cette école affirme qu’ils ont des locaux partout, et qu’ils peuvent s’installer n’importe où à Tunis, mais pour eux c’est primordial de lier l’histoire de la musique tunisoise à son espace qui est la médina de Tunis. Et cela participe à la conservation de ses monuments en leurs donnant une autre vie. Les exemples de ce genre sont nombreux, déjà l’Institut National du Patrimoine est installé dans l’ancienne demeure du Bey, un des plus beau palais de la médina, une sous administration de l’INP est aussi installée dans la maison Dar Othman, un joyau architectural en plein cœur de la médina. L’exemple de Dar Lasram aussi est important, une très belle maison à patio, avec ses annexes qui est aujourd’hui complètement restaurée et ouverte au public en abritant le siège de l’Association de Sauvegarde de la Médina.

Fig.38 et 39 : Entrée et patio de l’Ecole de musique La Rachidia.

Ce changement de fonction, est certes bénéfique, mais il doit s’adapter au bâtiment, pour que ça soit fait d’une manière durable. Madame Inchirah Habbabou, Architecte et Consultante en patrimoine affirme : « Leur donner une deuxième vie tout en adoptant la fonction au bâtiment et le bâtiment à la fonction de façon subtile, oui bien sur c’est comme

102 Entretien avec Selwa M, Responsable du centre de formation des métiers d’artisanats.

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ça qu’on les protège, c’est la meilleure façon de les protéger à mon sens 103». Madame Radhia Ben Mbarek, responsable à l’Institut National du Patrimoine confirme que la reconversion d’un monument est étudié afin de s’intégrer durablement dans le bâtiment en lui même: « On essaye le maximum, de restaurer, d’y mettre une fonction qui ne nuit pas au caractère architectural et historique du bâtiment 104».

Fig.40 et 41 : Siège de l’ASM à Dar Lasram et sa galerie d’exposition.

En effet, le premier souci dans la restauration à la médina est l’habitant. Dans ce sens, Madame Bejaoui continue : « Nous notre premier soucis c’est les gens qui vivent dans la médina, et puis après le touriste aussi bien sur… De toutes les manières on fait un jardin d’enfants ou un siège d’une association, ça n’empêche pas le touriste de visiter. Les deux ils sont là, mais ma priorité c’est l’habitant 105». On remarque qu’il y a un véritable effort de sauvegarde du patrimoine de la médina. Ces reconversions ne doivent pas être nuisibles aux monuments. Le choix de la fonction a attribuer est très important car cela implique parfois l’obligation de procéder à des changements ou des aménagements dans le bâtiment. « Préserver le passé et exprimer dans un registre contemporain le réemploi d’un bâtiment passe par la recherche s’un équilibre bien que difficile, entre le restaurer, le réhabiliter, le restituer, l’adapter et le rénover 106». 3. Rapport de la population de la médina avec le tourisme: 3.1. Rapport Habitant / Touriste : A première vue, les touristes à la médina sont d’origines différentes. Nous avons remarqué qu’il y a beaucoup de Français, d’Espagnols et d’Australiens, quelques Américains et Anglais. Nous avons pu détecter 3 types de touristes :

- La majorité des touristes sont là dans le cadre d’un tourisme de masse, pour une journée, une matinée et même parfois quelques heures. Des bus les déversent

103 Entretien avec Inchirah HABBABOU, Architecte et Consultante en patrimoine. 104 Entretien avec Radhia BEN MBAREK, Responsable de la conservation de la médina à l’Institut National du Patrimoine. 105 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 106 Zoubeir MOUHLI, Les maisons de la Médina de Tunis, Richesse et diversité, article parut à Archibat, n°15, Décembre 2007, p.47.

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devant les portes de la médina, des groupes entiers venant des croisières. Ils viennent pour parcourir les souks, les grands axes de la médina et suivent les guides tunisiens. « Même les quelques touristes qui viennent aujourd’hui, sont ceux qui ont des mauvaises situations dans leurs pays. Peut être on n’est même mieux qu’eux ! Ils leurs disent, dans leurs pays « allez en vacances pas chères, allez changer d’air ». Et ils viennent pour 200 euros à Tunis, qu’est ce que tu veux qu’ils achètent de moi ! Ils vont chez le Ayarai (le rural) qui vend des œufs, de la tabouna (du pain), et ils achètent une bouteille d’eau de chez l’épicier. C’est ça le tourisme qu’on a aujourd’hui. Là ils nous ramènent des touristes en excursion, ils les emmènent en bateau, et ils leurs font un tour dans la méditerranée, et ils arrivent à Tunis pour 3 ou 4 heures. Et ils ont un temps précis, pour se retrouver plus tard, ils ne passent pas la nuit, au maximum, ils vont acheter un paquet de cigarettes, ou un café, ou une bouteille d’eau 107», affirme un artisan.

- Une deuxième catégorie, mais très limitée, ce sont des touristes en quête de culture et de traditions. Ils sont logés dans la médina. La majorité dans l’hôtel Dar El Mdina, ou à l’auberge de jeunesse. Ils sont là pour une période de 2 jours à une semaine. Ils utilisent des cartes, ils visitent les monuments ou ils flânent, ils marchent. Nous les retrouvons souvent loin des souks, dans les circuits culturels où les petites ruelles.

- Des touristes qui visitent Tunis, pour des conférences, du travail, ou ils viennent passer des vacances chez des amis. Ils profitent de venir flâner dans la médina pour une journée. Ils viennent souvent accompagnés par un ami tunisien, ou étranger résident à Tunis. La majorité d’entre eux ont déjà visité la médina avant, et ils reviennent pour flâner.

Le choix de la médina de Tunis comme destination est encore justifié soit par le fait que le visiteur a déjà visité plusieurs médinas du monde arabe et pas celle de Tunis, soit par hasard. Pour une grande partie, la visite de la médina de Tunis s’inscrit dans le cadre d’une visite en croisière ou avec d’autres villes, donc c’était intégré dans un circuit. Mais il y a quand même ceux qui viennent de loin, qui ont déjà entendu parler de la Tunisie, de la médina et qui sont à la recherche d’authenticité, de culture et de traditions. Le cas d’une touriste américaine venue pour quelques jours, qui n’a jamais entendu parler de la Tunisie, seulement après la révolution de 2011. Elle s’est documentée et elle a éprouvé une envie de venir visiter le patrimoine de ce pays, à commencer par la médina de Tunis. La majorité des touristes questionnés trouvent que la médina est belle, fascinante, spéciale et surprenante… Mais ils ne font généralement que flâner, marcher, observer… Les maisons avec des grandes portes monumentales sont fréquentes à la médina. Les habitants affirment qu’il y a beaucoup de touristes qui viennent photographier les portes. En effet, beaucoup de touristes avec qui nous avons eu des entretiens nous ont affirmé que la chose qui les intéressait le plus à la médina est les portes ! Mais pas tous ont la curiosité d’entrer et voir ce qui se trouve à l’intérieur. Ceux qui entrent sont soit des touristes venus spécialement pour voir les maisons, soit ils connaissent les propriétaires, en tant qu’amis ou collègues de travail. Il faut dire aussi que certains habitants sont des personnes âgées, seules, et ils ont peur de faire entrer des inconnus chez eux. Pour les touristes questionnés, rares sont ceux qui sont entrés dans les monuments. Certains ont visité la mosquée

107 Entretien avec un bijoutier artisan (5) à la médina.

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Ezzitouna, mais pas Tourbet El Bey, ni le musée Dar Ben Abdallah. Mais ils affirment que ce qui leur plait c’est un tout, composé d’architecture, de la population, de l’ambiance.

Fig.42 : Porte de Dar Lakhoua, rue du Pacha. Fig.43 et 44 : Portes à la médina. La femme de ménage de l’auberge de jeunesse de la médina affirme que les clients de l’auberge sont « surtout les Français et Italiens. Là les clients de cette auberge depuis un mois sont surtout des Allemands et de l’Europe de l’Est (…). La majorité veulent découvrir la médina, apprendre la langue arabe. Ils sont très bien intégrés, parfois mieux que nous. Ils travaillent, voyagent et apprennent les langues. Un des clients est entrain d’apprendre l’arabe littéraire ! 108». Un touriste nous disait ce qu’il lui plaisait est « la vie dans la médina, la variété des boutiques, les gens qui travaillent, les gens qui y vivent, les enfants qui sortent de l’école. Tout… Tout… 109», ou encore « ce mélange de culture avec la vie d’aujourd’hui, on trouve tous les commerçants ensembles, ce mélange d’épices 110». Une touriste libanaise, décoratrice nous a affirmé qu’elle a visité plusieurs sites à la médina : « Je suis allé à la mosquée Ezzitouna, elle est très connue dans le monde, j’ai visité Tourbet El Bey aussi, et beaucoup de medersas, il y en a plusieurs. Et j’ai rencontré beaucoup de tunisiens, ils sont très gentils, et j’ai visité leurs maisons, c’est une expérience très agréable. Et je me suis baladé dans les rues de la médina, les souks, j’ai beaucoup aimé, elle est très belle 111». Sa démarche s’inscrit dans un but touristique et culturel. Elle était à la médina pour y passer dix jours et découvrir la beauté des lieux. Cette touriste est la seule qui a pu visiter plusieurs monuments de la médina. Elle affirme qu’elle est venue uniquement pour ce but. Les réponses d’une touriste Américaine nous ont aussi interpellés quand elle nous disait qu’elle aimait le son de l’appel à la prière de la mosquée le matin. Elle aime les odeurs aussi : « J’adore vraiment la médina de Tunis, elle est vraiment spéciale pour moi, en plus le son qu’on entend le matin venant de la mosquée (pour appeler à la prière), c’est comme quelqu’un qui chantait ! J’ai beaucoup aimé car ça me réveillait chaque matin, j’adore aussi les odeurs qu’il y a, la médina a une senteur spéciale, je ne sais pas si c’est de

108 Entretien avec la femme de ménage (4) de la seule auberge de jeunesse de la médina. 109 Entretien avec un touriste Anglais (3) à la médina. 110 Entretien avec un touriste Allemand (11) à la médina. 111 Entretien avec une touriste Libanaise (20) à la médina.

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la nourriture, ou autre chose, d’où elle vient, mais c’est vraiment spécial. Et il y a beaucoup de gens, c’est plein et c’est vivant 112». Cette touriste a passé deux nuits à la médina. Elle est là pour découvrir et surtout essayer de vivre à la manière de la population locale. Ses propos montrent cette sensibilité à la religiosité des lieux. Pour s’orienter dans la médina, les touristes utilisent des cartes, ou ils suivent les guides (hommes) ou les personnes accompagnatrices. Un ou deux touristes questionnés affirment qu’ils utilisent un guide bleu. Mais nous avons remarqué qu’il est difficile pour les touristes de se repérer sur les cartes. « Non, mais pour le repérage dans la médina, ça serait bien une petite carte de temps en temps, par ici, l’Avenue Bourguiba par là… Quelques points de repères ça serait bien, car c’est vrai qu’une fois, on était complètement à coté 113». Rares sont ceux qui trouvent leurs chemins, ou l’endroit qu’ils veulent visiter à la médina facilement. « Je trouve que les monuments ici ne sont pas signalés 114», « ce n’est pas bien indiqué, c’est dommage 115». Les cartes sont claires bien sur, mais il n’y a aucune indication dans la médina.

Nous y retrouvons seulement quelques panneaux indiquant les entrées de différents monuments, les noms des rues, mais pas d’indications précises. « J’ai été perdue, j’avais une carte, mais je n’ai rien compris, c’était tellement compliqué pour moi. J’étais perdue plusieurs fois, je demandais aux gens pour pouvoir aller à l’hôtel. C’était très drôle 116». Ceci présente un point négatif dans la visite des touristes à la médina, à cause de cela, ils abandonnent vite la visite des monuments et ne font que flâner. Nous remarquons aussi l’absence de structures d’accueil et d’information aux entrées principales de la médina et le long des circuits. Les touristes ne disposent que d’une idée générale et d’une image vague des lieux que donnent les cartes. L’absence de signalisation directionnelle rend difficile l’accès aux différentes étapes de la visite.

Fig.45: Carte de la médina de Tunis présentée sur un mur. Le visiteur ne peut pas se repérer et identifier les différents monuments et leur dispersion à travers la géographie de la ville surtout au cours d’une visite non guidée. Aucune aide n’est disponible pour le visiteur afin de mieux découvrir la ville à travers son histoire.

112 Entretien avec une touriste Américaine (21) à la médina. 113 Entretien avec un couple Français (14) à la médina. 114 Entretien avec un touriste de la Nouvelle Zélande (16) à la médina. 115 Entretien avec un touriste Anglais (17) à la médina. 116 Entretien avec une touriste Américaine (21) à la médina.

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Les aménagements urbains et la réhabilitation des quartiers, font partie des moyens visant à améliorer l’attractivité. Ils portent en priorité sur les voies principales de passage, et aux alentours des monuments historiques importants. Les monuments historiques auxquels le visiteur peut accéder par hasard, ou à travers les guides, ne peuvent jouer leur rôle de promotion culturelle, que par une mise en valeur rationnelle et judicieuse. Il est nécessaire de faciliter leur accessibilité et leur identification à travers les moyens de signalisation directionnelle et de localisation, afin d’améliorer leur attractivité par des aménagements intérieurs et extérieurs, dans le cadre de la politique de sauvegarde et de redynamisation.

Nous avons remarqué tout de même des écriteaux et des plaques d’identification des monuments et des demeures historiques sur la devanture. Mais cela ne suffit pas aux visiteurs et ne satisfait pas leurs attentes face à cette présentation jugée froide.

Fig. 46, 47 et 48 : Indications et signalisations des monuments à la médina. Ce qui fait que le touriste préfère flâner, car même s’il fait l’effort de chercher un tel endroit, il doit toujours demander à un passant ou un commerçant. Dans ce cas, nous avons remarqué qu’il y a des échanges culturels entre les touristes et les commerçants ou habitants. Ces derniers les aident souvent à retrouver un musée, un endroit à visiter, une mosquée ou la sortie de la médina, généralement bénévolement et sans contre partie. Une touriste nous disait : « l’architecture est belle, les gens sont sympas, les gens parlent beaucoup de langues ; ils essayent de vendre leurs trucs, c’est beau 117». Car pour eux, il s’agit d’un geste d’hospitalité de rendre service à un visiteur de la médina, ce que certains touristes le perçoivent comme une agression. « Il y a des espèces de gens qui nous sautent 117 Entretien avec un couple de touristes Polonais (9) à la médina.

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dessus, qu’on ne connait pas, c’est de l’agressivité, ce n’est pas le même fonctionnement en France, les gens des magasins ne te parlent pas comme ça, c’est bizarre, ça me surprend 118». Certains touristes aussi ont remarqué la saleté et les poubelles qui se trouvaient dans quelques rues de la médina. Un touriste anglais nous a affirmé avec un ton pas content qu’il ne reviendra plus à la médina : « Non, je ne pense pas, je suis venu à la médina de Tunis car c’était intégré dans le circuit. Je ne pense pas y revenir, vous avez besoin de nettoyer la médina 119». Quelques uns aussi ont remarqué qu’il y a des différences entres les parties restaurées et les autres délaissées de la médina. « Il y a une grande différence entre les quartiers, ici c’est tout pauvre, l’autre coté c’est plus riche, ici il y a beaucoup de saleté, il y a une grande différence entre les parties 120».

Fig. 49, 50 et 51 : Etat de la médina. Les touristes veulent bien revenir visiter encore une fois la médina de Tunis mais ne pas y vivre. « J’adore l’ambiance, l’architecture, l’aspect général, je prends toujours du plaisir à y revenir 121». Trois personnes sur 30 nous ont affirmé leur volonté de venir s’installer dans la médina mais pour eux ce n’est pas possible pour le moment. Une grande partie des touristes ont visité avant d’autres pays du monde arabe, notamment le Maroc. Nous en avons profité pour demander une petite comparaison entre la médina de Tunis et celle de Marrakech pour ceux qu’ils l’ont visité. Une grande préférence va vers Marrakech. Ils affirment que l’ambiance est meilleure, et l’état du bâti aussi. Ils ont l’impression de se retrouver dans un grand musée. « J’ai visité la médina de Marrakech, Fès, Sanaa, j’aime plus Marrakech, c’est complètement différent l’atmosphère, c’est ça ce qu’on cherche, comme aller dans un théâtre 122». Mais là, nous nous posons la question si en fin de compte les touristes qui sont là dans le cadre d’un tourisme culturel, sont-ils entrain de chercher la ville « musée » sans tenir compte de ses composantes sociales ? Peut être que dans ce cas l’exemple de Marrakech

118 Entretien avec un touriste Français (28) à la médina. 119 Entretien avec un touriste à la médina. 120 Entretien avec un touriste Anglais (23) à la médina. 121 Entretien avec une touriste (15) à la médina. 122 Entretien avec un touriste Anglais (17) à la médina.

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peut être considérer comme une réussite, dans le fait de transformer la médina en un espace résidentiel habité en majorité par des étrangers ? Les touristes, sont-ils entrain de chercher un espace où la dimension sociale est écartée ? 3.2. Les habitants dans la mise en tourisme de la médina: Pour enrichir ce travail, il est indispensable de faire une enquête auprès de la population de la médina, qu’elle soit d’origine Beldi ou rurale, et de rallier le facteur économique au facteur social. En effet, « on a trop souvent pris l’habitude, dans le monde arabe comme ailleurs, de considérer le noyau ancien comme une entité historique, architecturale, sociale mais d’en négliger et d’en sous-estimer le rôle socio-économique 123 ». L’habitant est l’un des usagers les plus importants de la médina. Il était nécessaire pour nous de voir comment les habitants vivent la médina et quelles sont leurs pratiques, afin de comprendre s’il existe des liens entre l’habitant et l’espace. « L’appropriation du patrimoine est essentielle. Un lieu patrimonial ne peut être habité qu’aux prix de changements et de modifications et de transformations. Ceci crée la possibilité de profiter durablement ou non, d’un cadre qui par ses caractéristiques historiques et architecturales attire des individus sans liens préalables avec le bien considéré 124». La maison à patio représente le lieu majeur où nous avons pu rencontrer la majorité des habitants. «… Mais seule la maison peut livrer les secrets les plus profonds, lorsqu’on a la chance d’y accéder. La maison tunisoise est toute tournée vers l’intérieur, conçue pour être en parfaite harmonie avec les habitudes sociales et familiales125 ». Pour entrer à la maison, il faut traverser un espace de transition, qui est la Skifa, ou Driba, qui séparent les espaces intérieurs et extérieurs de la maison. Cette notion d’intimité est importante chez les habitants de la médina. Fig.52 : Un noyau résidentiel à la médina. (Patios en bleu) Une habitante affirme concernant la perte de l’intimité suite au fait que les touristes montent sur certaines terrasses pour observer la médina : « Beaucoup font maintenant comme l’hôtel de Sidi Ben Arous (Hôtel dar El Mdina, hôtel de charme), c’est bien, mais il y a aussi des inconvénients pour les habitants. Par exemple il a fait un café sur les terrasses en haut. Comment ça se fait ! Je ne sais pas comment ils ont eu l’autorisation 126».

123 Jean-Marie MIOSSEC, Présent et avenir des Médinas, E.R.A 706, dans Méditerranée, troisième série, Tome 50. Dynamique spatiale de la population dans les pays méditerranéens, p.111. 124 Luc BOSSUET, Habiter le patrimoine au quotidien, selon quelles conceptions et pour quels usages ? p.27. 125 Jamila BINOUS, Fatma BEN BECHR, Jellal ABDELKAFI, Tunis, Collection Villes du monde arabe, Sud éditions. 126 Entretien avec une habitante de la médina.

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« Restaurer ou moderniser présuppose le choix d’un mode de vie, mais aussi d’un rapport différent à l’histoire et à la culture, s’adapter à la structure d’un bâtiment, respecter ses matériaux sans vouloir trop les transformer implique un renoncement à une partie du confort, dit moderne 127». Or, nous avons l’impression que les habitants de la médina n’ont pas toujours respecté les demeures de la médina. Cette dernière a présenté un vaste lieu d’accueil de population pauvre. Certaines familles bourgeoises ont permis la location à la pièce de la maison traditionnelle, mais aussi les oukalas et les foundouk. Ce qui fait que les densités atteignent parfois dans certains quartiers des chiffres record128, spécialement après l’indépendance. « Durant l’indépendance, la négligence de l’habitat ordinaire s’est perpétuée et la dégradation s’accentue d’une manière occulte 129». Il y a 3 catégories majeures d’habitants :

- Les Beldis, les autochtones, ils sont là depuis des générations. - Les ruraux installés dans la médina depuis plusieurs années, parfois allant jusqu’à la

génération des pères. - Les nouveaux migrants, qui sont venus s’installer à la médina depuis quelques

années, ou quelques mois. Les Beldis, la population d’autres fois. Un nombre, bien que limité, est resté vivre dans la médina. Nombreux sont les témoignages de la vivacité de la mémoire de la médina chez eux. Ils vivaient avec des principes. Ils étaient et sont encore reconnaissables. Nous pouvons les reconnaitre aujourd’hui surtout à travers leur manière de parler, le dialecte raffiné, l’usage de certains mots, dont ils sont les seuls à les utiliser. « Le calme était la caractéristique du citadin tunisois, le Beldi. Ce dernier ne chantait, ni mangeait dans la rue. Il avait un mode de vie très raffiné. Il fait attention à lui-même en marchant dans les rues de Tunis. Par contre, les citadins se caractérisaient par leurs hautes voix en marchant dans les rues de Tunis 130». Les Beldis qui sont encore présents aujourd’hui, ont vécu toute leur la vie à la médina en tant que propriétaires, leurs parents et arrières grands parents aussi. Et les seules d’entre eux qui ont changé de maisons, c’est les femmes, pour quitter la maison familiale et aller à la maison du mari, mais toujours en médina. Il y en a ceux qui ont étudié, d’autres non, mais rares sont ceux qui ont dépassé le niveau du baccalauréat. Première caractéristique de l’urbanisme de la médina de Tunis est le fait que tous les habitants, peu importe leurs catégories sociales, vivent dans la même unité d’habitation de base, qui est la maison à patio. Les palais voisinent avec les maisons modestes, pas de ségrégations visibles. Toutes les personnes, que ce soit des beldis ou pas, affirment que l’état de la médina est « lamentable, catastrophique, elle fait pleurer, elle n’a plus d’âme, elle s’est mélangée, un peut morte, pauvre, caractère originel perdu, cachet entrain de disparaitre 131», mais la phrase qui a été prononcé le plus : « Elle a beaucoup changée ! ».

127 Nathalie ORTAR, Restaurer sa maison à l’ombre d’un patrimoine, p.42. 128 M. CALLENS, L’hébergement traditionnel à Tunis, dans les cahiers de Tunisie, IHE, Tunis, n°10, 1955, p.169. 129 Faiza MATRI, Tunis sous le protectorat, Histoire de la conservation du patrimoine architectural et urbain de la Médina, Centre de Publications Universitaires, 2008, p.446. 130 Abdesselem MAHMOUD, Tunis, architecture et urbanisme, d’hier à demain, Centre de publications universitaires, p.22, 23. 131 Extraits de différents entretiens avec les habitants de la médina.

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J’en profitais toujours pour demander ce qui a changé ? La majorité des personnes répondaient que ce sont les gens qui ont changé. Parfois l’ambiance, le charme, mais surtout les gens, qui n’ont pas grandit à la médina et qui sont venus s’y installer. Une image nous a été donnée par un habitant de 43 ans, en parlant de l’état de la médina. Il nous disait : « La pauvre… Je vois que le corps de la médina est malade, il doit être soigné, plusieurs virus se sont incrustés dans ce corps, ce qui l’a rendu stérile. Je la vois stérile la médina. La modernité a changé le mode de vie et à détruit la médina, on aurait pu avoir recours à la modernité et l’utiliser en tout ce qui est bien, et pas comme ça jusqu’à la destruction 132».

Fig.53 et 54 : Etat de lé médina.

Il y a quand même un certain regard porté sur les « nouveaux arrivants » ou les ruraux qui se

sont installés dans la médina depuis peu, par les habitants Beldi. Un habitant nous disait :

« Les gens du Sud et les gens qui habitent dans les oukalas etc, ils iront habiter ailleurs et la

médina va revenir comme elle était 133». Ou encore : « Les gens de la médina sont sortis, et

les personnes qui sont venus s’y installer ne connaissent pas la valeur de ces demeures, et

ils ramenaient leurs cousins, et ils mettaient des moutons dans le patio. Regarde cette

maison, elle est Dar Belhssan, il y a 113 chambres dedans, elle donne de l’autre coté, mais

regarde son état, elle est dégradée, mais la municipalité ne fait rien, ça peut être un

monument ça ! On ne peut pas la laisser comme ça, elle ne tient plus, il y avait du marbre,

des toitures très belles, qui ont été volés… 134».

132 Entretien avec un habitant (16) à la médina. 133 Entretien avec un habitant (14) de la médina. 134 Entretien avec un artisan menuisier (25) à la médina.

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Ces migrants ne partagent forcement pas les mêmes valeurs que les autochtones. Ces derniers affirment qu’il y a un grand manque de respect, qu’ils ne saluent pas les voisins, ne répondent pas aux « bonjours » des passants, qu’ils croient que tout est permis, une sorte de rivalité est née. Pour les autochtones, ces nouvelles populations venues d’ailleurs ne connaissent pas l’importance de la médina, ainsi que sa valeur. Un habitant Beldi a affirmé : « Il y a des gens qui se sont installés et qui ne connaissent pas la valeur des choses 135». Un autre habitant affirme : « Il y a certaines personnes qui interdisent ces gens (les touristes) à entrer chez eux. Ce sont des personnes qui viennent de Dwiret, de Tataouine (Ville au sud de la Tunisie). Ces personnes ont repris les grandes maisons des Beldyias suite à la mort des « grands » (des personnes nobles). Et quand les Beldyias partaient à la plage en été, ils laissaient des gardiens dans leurs maisons qui étaient ces gens là. Ces ruraux vivaient en mangeant du pain et de l’Harissa et mettaient de l’argent à coté, dans des sacs en tissus, même pas dans les banques. Et ils achetaient plus tard les maisons. Et aujourd’hui, ils interdisent les visites dans leurs demeures 136». La communication entre ces deux types de populations semble être difficile. Or dans d’autres cas, quand nous avons parlé avec ces habitants venus d’ailleurs, nous retrouvions parfois le même discours des Beldis. Un habitant venu s’installer à la médina depuis 1959 nous dit « Il faut la propreté. Nous les gens du Sud, on ne demande pas. On veut que la médina soit calme, propre ». Ces ruraux affirment aussi que la médina a beaucoup changé. Et ils n’apprécient guère cela. Il nous a semblé qu’à un certain moment tout le monde veut se faire Beldi, et tout le monde se dit avoir tant vécu à la médina. Nous avons retrouvé alors ce passage qui a beaucoup résumé cette situation : « Le boniment dans le langage, la courtoisie dans les relations, le raffinement dans le costume et le logis, sont des valeurs qui persistent malgré l’éclatement actuel de la société. Dans cette société, la grandeur des familles se mesurent au nombre des siècles passés au sein de la capital. Mais quelle famille peut se prévaloir d’avoir été là au moment de la fondation de la ville ? (…) Celle qui s’enorgueillit d’avoir hérité d’un palais dans la médina, ou d’une échoppe au cœur des souks, et regarde d’un air condescendant et tant soit peu narquois, ceux qui viennent de s’installer ? Qu’importe, puisque même ceux là, feront bientôt leurs les attitudes des « beldias » et, comme s’ils avaient toujours fait partie de cette caste, ils ne tarderont pas à conspuer l’exode rural et à exprimer leur étonnement devant l’état de la ville où « jadis on vivait entre gens biens » 137». Toul les habitants, sans exceptions, font leurs courses des marchés de la médina, où nous trouvons des produits plus frais et moins cher qu’ailleurs. En sortant de chez eux vers les marchés, certains habitants croisent quelques touristes, surtout dans les artères principales, mais la majorité des passants sont des tunisiens. Les touristes ont des circuits spécifiques et n’entrent pas dans le cœur des zones résidentielles. Les habitants affirment qu’ils ne voient plus autant de touristes depuis plusieurs années, spécialement les années 2000, et encore plus après la révolution. Nous avons remarqué que la majorité des habitants qui entretiennent leurs maisons, font des travaux annuels, tels que badinage à la chaux, peinture… Ils sont généralement des gens

135 Entretien avec une habitante Beldi (1) à la médina. 136 Entretien avec une habitante (2) de la médina. 137 Jamila BINOUS, Fatma BEN BECHR, Jellal ABDELKAFI, Tunis, Collection Villes du monde arabe, Sud éditions.

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d’un certain niveau social et qui ont quelques moyens. Et ils sont conscients de l’importance de leur maison, en tant que patrimoine. Nous avons pu entendre un dicton que nous avaient dit les habitantes âgées de la médina au moins 4 fois, quand nous demandions s’ils faisaient des travaux ou pas. Elles nous disaient « Comme on dit pour la maison traditionnelle : « une cuillère pour toi et une cuillère pour elle » 138». C'est-à-dire que l’argent qu’un habitant possède, il doit être dépensé pour la vie de l’habitant et la vie de sa maison. Mais une grande partie des habitants interrogés affirment qu’ils vivent dans des conditions moyennes, et que l’état de leurs bâtisses est très dégradé. Ils ont des problèmes d’humidité, de peinture, d’enduits décollés, d’infiltrations, parfois même de structures de planchers qui s’effritent en dessus de leurs têtes. « Sur les 110 000 habitants que comptait la médina et ses faubourgs selon les recensements de 1984, environ de 22 000 ménagers ont un revenu inférieur ou égal au SMIG 139». Ces revenues ne permettent pas d’entrevoir une amélioration du bâti. La totalité des habitants interrogés affirment qu’ils ont des problèmes, que les travaux doivent être faits annuellement. Certains les font, mais la majorité non. Le problème de tout le monde est le facteur financier. En plus de cela, plusieurs affirment qu’ils sont locataires. Donc ils payent un loyer fixe et pour eux, c’est nécessaire de faire des travaux, mais c’est à la charge des propriétaires. Du coup ils ne font rien, et ils continuent à vivre dans des espaces dégradés. Et comme ils existent certains problèmes fonciers, ils préfèrent ne pas réparer ou restaurer. Ils ont peur qu’ils leurs fassent sortir un jour de leurs maisons. « Oui, dans le futur, mais je ne vais pas le faire, car je n’ai pas d’argent, et il y a l’histoire du titre foncier, la propriété, si je répare, et demain ? On vient me faire sortir d’ici ? 140» Environ la moitié des habitants interrogés connaissent l’Association de Sauvegarde de la Médina. Et ils disent qu’ils font des travaux d’embellissement des rues, des circuits, des façades, mais ils n’entrent pas à l’intérieur des maisons. Rares sont ceux qui ont pris des prêts pour restaurer leurs maisons. C’est vrai qu’il y’en a ceux qui ont déjà eu des rapports avec l’ASM, mais ils n’ont pas réussi à avoir des prêts, parce que soit ils ne remplissent pas les conditions nécessaires, soit ils leurs font pas suite à leurs demandes selon des témoignages de certains habitants. En effet, beaucoup affirment qu’il y a des difficultés au niveau des conditions nécessaires pour l’obtention d’un prêt. Il y a souvent un problème d’héritage ou de titre foncier. « Ces gens je pense qu’ils sont plusieurs héritiers dont le nombre peut atteindre les 20 personnes. La maison appartenait à leur père ou arrière grand père. Ils sont obligés de la vendre pour n’importe quel prix. C’est pour cela, ils deviennent obligés de vendre et quitter la médina 141». Ou encore « Combien de familles tu y trouves ? Jusqu’à six familles ! Mariés, ils habitaient chaque famille dans une chambre ! Du coup, ils ont hérité une seule maison ». Et pour que l’ASM puisse donner un prêt, il lui faut un seul propriétaire, et celui qui a le plus de ressources ! Le problème du titre foncier aussi est très important. L’ASM donne une durée d’un an pour que le propriétaire puisse régulariser sa situation dans le tribunal. Une dame nous a expliqué « l’autre fois, j’ai fait des travaux pour la restauration, j’ai voulu avoir un prêt. Ils n’ont pas voulu me le donner, car je n’avais pas de titre foncier, j’ai un ancien titre. Mais la majorité des maisons ici sont avec des anciens titres ! Comme si

138 Entretien avec une habitante (4) de la médina. 139 Morched CHABBI, L’urbanisation en Tunisie, transformations et tendances d’évolution, 2005. 140 Entretien avec un habitant (29) de la médina. 141 Entretien avec un habitant (2) de la médina.

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ce type de titre ne représente pas une garantie ! On l’utilisait avant, pendant la colonisation dans les services, les banques, tout ! Mais aujourd’hui, ils ne le reconnaissent pas. Ils m’ont demandé si j’avais un titre foncier, j’ai répondu non, j’ai cette maison et je veux faire des travaux, et je veux que vous m’aidiez, mais ils n’ont pas voulu me donner le prêt 142». Madame Faika Bejaoui, Architecte et Directeur Adjoint à l’ASM nous a affirmé : « Même sans titre foncier, ils peuvent faire la procédure, l’important c’est de prouver l’appartenance du bien, je ne peux pas donner un crédit, parce que les crédits sont des contrats hypothécaires, à une personne qui n’a pas de titre de propriété, je n’ai pas le droit ! Il y a le respect de la propriété privé en Tunisie, et heureusement ! Bon il y a des cas où on peut exproprier. Mais aussi, on ne peut pas passer notre vie à demander à l’état de tout faire. Et le citoyen doit participer 143». Donc visiblement, il y a un malentendu entre les habitants et l’état. Il est à noter que les prêts que donnent l’ASM sont remboursables sur 20 à 25 ans, avec des taux d’intérêts de seulement 5%. La majorité des habitants, même s’ils connaissent l’ASM, ils n’ont jamais eu de rapports avec cette association ou n’importe quelle structure ou organisation de ce genre. Quelques uns préfèrent ne pas demander des prêts par fierté. Ils veulent restaurer avec leurs argents quand ils peuvent. « Non, non, on a jamais resté à chaise, à attendre la charité 144». Mais, cela sont-ils des excuses ? « L’état ne va pas venir vous dire viens on te donne de l’argent ! Il faut demander des prêts. Il faut restaurer. Même l’association de la sauvegarde de la médina ne peut pas tout faire 145». Certains affirment qu’il y a de la corruption, et qu’ils ne donnent pas les prêts à tout le monde, seulement si tu es bien placé, ou tu connais un responsable. Certains affirment que l’état ne prête pas aux pauvres, mais plutôt aux riches. Un grand nombre aussi n’a jamais entendu parler de l’ASM. Ces personnes sont généralement des nouveaux installées, ou depuis quelques années. Aucune autre institution ou organisation (sauf les banques) n’a été mentionné. Les habitants ont une bonne image générale sur les touristes. Ils disent qu’ils sont éduqués, disciplinés, et ils ne dérangent guère ! Pour eux, la présence des touristes est favorable, même essentielle pour la médina. Plusieurs expressions tels que « il nous faut, c’est essentiel, c’est très important, c’est très bien, c’est le principal, c’est nécessaire, c’est bénéfique, on ne peut pas vivre sans, c’est vital, c’est absolument primordial, on vit avec, ils m’intéressent, ils ne dérangent jamais, ce sont des invités 146» ont été dites par les habitants pour montrer l’importance des touristes pour eux. Ils affirment qu’ils n’ont pas vraiment de rapports avec les touristes, sauf si les derniers leurs demandent des indications, ou leurs posent des questions pour s’orienter à la médina ou entrer dans les maisons si possible. Les habitants y répondent avec plaisir, même s’ils ne connaissent pas souvent la langue, ils font des gestes avec les mains et essaient d’orienter les visiteurs. Parfois, les touristes demandent même de prendre des photos avec un homme âgé, ou une vieille femme. Sinon, pour les habitants de la médina, les touristes ne font que passer, dans les

142 Entretien avec un habitant (4) de la médina. 143 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 144 Entretien avec habitant (22) de la médina. 145 Entretien avec une habitante Beldi (1) de la médina. 146 Extraits de différents entretiens avec les habitants.

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rues de la médina, les artères principales, mais pas dans les petites rues ou les quartiers défavorisés. La population locale reconnait que le tourisme est nécessaire pour la médina. Pour eux, les touristes font marcher l’économie et les affaires, et font vivre la population de la médina. Ils sont essentiels pour que les artisans puissent travailler. En contre partie, ces touristes viennent pour voir l’histoire, la culture, l’architecture, pour sentir le vécu de la population et de la médina. Les habitants sont conscients qu’une catégorie de touristes sont là pour voir comment ils vivent, photographier les maisons, les rues, les enfants et ils n’éprouvent aucun inconvénient. Ils affirment tous que le nombre des touristes a beaucoup diminué depuis plusieurs années, et surtout après la révolution. Une habitante nous a surpris et nous a dit qu’il ne faut pas que le nombre des touristes augmente, sinon la médina va se dégrader. Cette habitante est installée à la médina depuis seulement deux ans, et ne comptes pas y rester. Certains sont optimistes quand au sort de la médina. Ils affirment que les touristes vont y revenir, et que la médina va bientôt revivre. Les habitants sont conscients que pour attirer les touristes, il faut qu’il y ait une revitalisation du centre ancien, une certaine sensibilisation pour un « nettoyage » de la médina, pour que les gens évitent de jeter leurs poubelles à la rue. Il y a beaucoup de voleurs aussi, qui volent souvent les colliers des femmes étrangères, parfois des appareils photos. La sécurité est un grand problème, surtout après la révolution. Il faut aussi changer le tourisme actuel, pour eux, beaucoup de touristes viennent avec des bus et des croisières et qui ne sont pas bénéfiques pour la médina. « Il n’y a rien, vraiment rien ! Tu sens qu’il (le touriste) a peur, il ne veut pas dépenser (…). Il n’y a pas de touristes, mêmes ceux qui viennent sont très quelconques. Ils viennent en circuit, en croisière avec les bateaux, 3000 touristes, je t’assure, que même pas 200 ou 300 d’entre eux visitent la médina 147». Or un habitant nous a affirmé que pour lui, tout est en rapport avec l’état qui doit choisir la catégorie des touristes et aller vers le haut de gamme. Beaucoup aussi sont contre le fait que des commerces de fripes ouvrent à la médina et des articles chinois se vendent dans les souks. Ils savent bien que cela est en train de détruire l’image de la médina. Beaucoup d’habitants affirment qu’ils veulent toujours rester à la médina. Ce sont surtout les habitants Beldis qui ont résisté depuis des années à la tentation de vivre ailleurs. Aucun d’entre eux ne veut sortir aujourd’hui. Il y en a même qui ont acheté des maisons dans les banlieues et ils continuent à vivre dans la médina. Les personnes âgées affirment qu’ils ne connaissent pas les autres quartiers, les transports en commun, et ils ne veulent même pas y aller. Beaucoup nous ont exprimé leurs volontés de rester toutes leurs vies à la médina, jusqu’à la mort, avec un air affirmatif et fier. Une nostalgie, un amour, une fierté sont les sentiments éprouvés à la médina, mais aussi à ses monuments tels que la mosquée Ezzitouna et aux personnes qui l’ont quitté. « … Et donc, ils l’ont quitté. Leurs enfants se sont mariés, et ont migré vers les autres quartiers. Avant la maison abritait toute la famille, plusieurs familles, chaque mère prenait une chambre avec se petite famille. Il y avait une cohabitation. Ils vivaient ensembles, et s’entraidaient dans les factures d’électricité, d’eau, dans l’entretien…148 ». Certains remontent leurs mémoires dans le temps pour nous montrer des endroits où ils jouaient quand ils étaient petits. Ils sont nés là, ils ont grandit là, vécus là, et ils ne peuvent pas quitter la médina même s’ils veulent un jour le faire !

147 Entretien avec un artisan (14) à la médina. 148 Entretien avec une habitante (4) de la médina.

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Les personnes installées depuis des dizaines d’années veulent aussi y rester. Mais pas pour un souci patrimonial ou culturel ou familial, plutôt parce qu’il y a tout à la médina, la vie n’est pas chère et ils se sentent bien. Bien sur, plusieurs habitants, venues depuis quelques années veulent quitter la médina. Pour eux c’est un lieu de passage, le temps de trouver un travail, un loyer moins cher ou même d’avoir sa part d’héritage. A travers ce discours d’une habitante Beldi de 27 ans de la médina, « son odeur est spécifique, surtout le mois de Ramadan, on est encore entrain de vivre des clichés d’autres fois, genre les enfants jouent encore avec le ballon dans la rue, ils ne disent pas les gros mots devant les filles qui passent, par respect. S’il y a un problème, il y a les jeunes qui sont là pour éviter qu’il se passe des trucs pour les filles, on respecte les hommes âgés, c’est vrai que beaucoup de choses ont changé, mais il y a beaucoup de choses qui sont restées spécifiques à la médina, malgré que ça a beaucoup changé, et on connait les chrétiens, les juifs, les athées, mais jamais on n’a de problèmes, on se respecte tous 149», nous remarquons qu’il y a un enchevêtrement entre le mythe et la réalité dans la spatialité de la médina. Nous sentons qu’il y a un renvoi vers une ambiance dominante dans le passé, qui a évolué avec le temps. 3.3. Gentrification, qu’est devenue la population tunisoise d’autre fois ? La patrimonialisation d’un espace ne se fait pas sans incidences sociales, dépeuplement et gentrification. « De 1956 à 1966, 28 000 personnes ont quitté la médina, soit un taux de décroissance de 1,8%. Entre 1975 et 1984, 30 000 personnes quittent encore la médina et ses faubourgs, ce qui représente un taux de décroissance annuel de 2.76% 150». Beaucoup de personnes, fils et filles de Beldis, ont quitté la médina suite à plusieurs raisons. En général, ces personnes sont instruites, et la majorité habite aujourd’hui dans les banlieues chics de Tunis, spécialement la Marsa, Gammarth, Sidi Bou Saïd, Menzah… En effet, avant de quitter la médina, ils ont vécu une partie de leurs vies dans les ruelles du centre ancien jusqu’à l’adolescence, parfois juste l’enfance. Beaucoup ont vu plusieurs inconvénients de vivre à la médina. Le manque d’espace pour les enfants était un des inconvénients, les femmes occupaient les patios, les jeunes ne pouvaient pas « s’extérioriser ». Mais généralement les raisons qui ont poussé ces personnes à partir sont : le changement du mode de vie, ils cherchaient plus de confort, être plus proches de la mer. Certains de ces personnes dépendaient de leurs parents, « donc l’idée est que mon père a bénéficié d’un crédit de la part de la société qui s’appelle SNIT, qui est une société mobilière nationale, qui dans les années 70 a commencé de donner des crédits aux gens sous formes de petites maisons, donc c’est un crédit, c’est une maison qui est donné à certaines personnes qui en demandent, pour leur offrir la possibilité de quitter la médina, et d’entrer dans la nouvelle ville à coté de Tunis ». Ces gens cherchaient la modernité, des maisons avec des jardins privés ou des appartements à l’européenne. L’état visiblement les a encouragés ! « L’idée de sortir nous a été offerte par les autorités, il faut le dire, il faut l’avouer, qui ont pensé à faire sortir les gens de cette médina vers l’extérieur pour occuper soit des petites villas, soit des appartements 151».

149 Entretien avec une commerçante (9) à la médina. 150 ASM, chiffres sur le site de l’ASM. 151 Taieb TRABELSI, entretien avec un habitant qui a quitté la médina (1) il y a 42 ans, à l’âge de 18 ans.

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Mais, « … pourquoi ne songent-ils plus à se faire construire des palais dans le style de leurs pères, pourquoi préfèrent-ils s’adresser à un maltais ou à un italien pour leur maison d’habitation…152 ». Bien au contraire, plusieurs facteurs ont fait que nous assistons à un « passage de l’habitation patrilocale à caractère traditionnel à l’habitation individuelle, dite moderne. L’architecture traditionnelle caractérisée par la fixité de ses formes n’apporte plus les réponses suffisantes aux nouveaux besoins qui se dessinent en matière d’habitat 153». Avant, les habitants n’avaient pas de salles de bains privés, une seule toilette pour toute la famille et un seul robinet d’accès à partir du puits. Plus encore, certains affirmaient que c’était bien d’être tous ensemble, mais l’intimité manquait un peu vu que plusieurs familles cohabitaient dans chaque maison. Pour les femmes, c’était grand et fatiguant. « La maison nécessitait des conditions énergétiques importantes 154». Le patio aussi posait un problème, l’été c’était bien, ils y passaient du temps pour cuisiner, parler, se voir, chanter… Mais l’hiver il faisait froid, et pour passer d’une chambre à l’autre, il fallait traverser le patio non couvert. La majorité des personnes questionnées affirment qu’ils ont quitté la médina suite à un changement du mode de vie, en quête de modernité. Ils voulaient aussi se rapprocher plus de la plage. Vers 1940, ils ont quitté la médina vers Hammam Lif, la Marsa… Ils suivaient le mouvement du Bey en quelques sortes et allaient s’installer dans leurs résidences secondaires. Ils affirment aussi que beaucoup de nouveaux gens sont venus s’installer dans la médina et qui ne partagent pas les mêmes valeurs. Le problème d’héritage est un facteur qui a poussé beaucoup de gens à quitter la médina. Ils se retrouvaient plusieurs familles à posséder une grande maison. Chaqu’un veut sa part d’héritage, du coup la vendre était la meilleur solution. Et ils éprouvent tous une grande nostalgie par rapport à la vie dans la médina, au passé qu’ils ont vécu là-bas, aux gens qu’ils sont restés vivre et n’ont pas délaissés leurs maisons. « Elle était belle la vie, tout le monde unis comme une seule famille, chez mon père on vivait tous ensemble, il y avait toujours des personnes qui venaient, son neveu et sa nièce, c’était le lieu où se retrouvait toute la famille. C’était sur deux étages, toute la grande famille se retrouvait là-bas. Les célébrations de mariages se passaient là-bas, tout… Oui il y a une nostalgie pour tout ça, c’était très beau…155 ». Un homme de 85 ans, qui a vécu son enfance à la médina nous disait : « Et dans le temps, il n’y avait pas de voiture bien entendu. Il y avait des carrosses qui passaient dans les impasses, pas de grandes rues comme aujourd’hui, donc le cheval et la carrosse entraient en marche arrière pour ramener ma grand-mère, ensuite ils partaient en marche avant. On ne marchait pas à pieds pour aller au hammam ou autre… On avait des hommes qui nous travaillaient, un ouvrait la porte, l’autre allait faire les courses au marché, l’autre accompagnait les enfants à l’école. On était 3 à 4 familles dans notre maison, chacun avait sa chambre, on était ensemble, on mangeait ensemble et c’était très bien 156».

152 R.CAGNAT et H.SALADIN, Voyage en Tunisie, Paris, 1894. Extrait du livre de Leila AMMAR, Histoire de l’architecture en Tunisie, de l’antiquité à nos jours, p.208. 153 CORPUS, Architecture Traditionnelle Méditerranéenne, maison de la médina de Tunis, p.4. 154 Entretien avec un habitant qui a quitté la médina (6) il y a 17 ans, à 21 ans. 155 Entretien avec une habitante qui a quitté la médina (3) il y a 51 ans, à l’âge de 17 ans. 156 Mustapha SEBAI, entretien avec un habitant qui a quitté la médina (4) il y a 65 ans, à l’âge de 20 ans.

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Mais ils ne regrettent pas leurs choix en général. Pour eux la médina est devenue très sale. La voiture est devenue nécessaire, et ils ne pouvaient pas rester à la médina. Ils cherchaient le confort, la modernité. Ils partaient étudier et travailler à l’étranger. « On suivait les autres, c'est-à-dire toi tu quittes la médina, moi aussi, c’était comme la contagion d’une maladie. C’est comme ça qu’on est sorti, et de nouveaux gens sont venus s’installer à notre place, ça c’est très important, avant les gens étaient connus, mais après beaucoup de nouveaux visages. Avant c’était calme, tout était silencieux, il n’y avait pas de bruits, de cris 157». Ils sont installés dans des villas, sur les banlieues côtières, de 15 à 20 kilomètres maximum de Tunis. « On ne peut plus vivre comme ça, chaque femme veut l’indépendance de son foyer. On n’a plus besoin de la grandeur de la maison, on préfère plus de confort 158». En effet, l’état de la médina aujourd’hui peut se résumer dans les propos d’un des anciens habitants de la médina : « L’aspect de l’agencement et de concept agréable, et de pratique lugubre, à savoir que, certains points sont tellement encombrés par la population, je fais allusion aux points qui séparent la ville moderne à la vieille ville, ils sont tellement encombrés par les touristes bon marché, par les vendeurs à la sauvette, par le trafic d’une rue à l’autre, fait qu’il devient désagréable d’une part, d’autre part un manque de civisme très prononcé de la part des riverains et des vendeurs à la sauvette surtout, pas de la part des habitants 159». Ces Beldis qui ont quitté la médina se sentent bien où ils sont aujourd’hui, et ils vont souvent à la médina, pour voir de la famille, des cousins, ou même pour flâner et se ressourcer le temps d’un café. Ils y vont aussi pour assister à un spectacle ou un festival lors du Festival de la médina le mois du Ramadan. Mais il y a certains d’entre eux qui n’envisagent pas d’y revenir s’installer un jour, ils se sont « trop » habitués à la vie et la ville modernes. Mais, aujourd’hui, face à ce mouvement, il y a plusieurs questionnements : « Est-ce qu’ils

quittent toujours déjà ? Parce que là il y a eu des enquêtes anciennes qui ont montré que

les gens partaient, aujourd’hui est ce que les gens partent ? C’est une question, parce que

moi ce que je vois aujourd’hui c’est qu’il y a des gens qui y retournent, on sent quand

même une certaine dynamique et je ne suis pas sur que maintenant il y est les départs qu’il

y a eu dans les années 70, c’est quand même des investisseurs, c’est des promoteurs

culturels, quelques habitants privilégiés, des artistes, d’une population ouverte 160». Depuis

quelques années, nous pouvons dire que nous assistons à un retour progressif d’une

certaine population, qui est les enfants des personnes qui ont quitté la médina il y a des

années. « On a beaucoup de belles demeures. Il y en a certains qui sont devenus des

hôtels, des restaurants, je sens que les gens bougent un peu depuis la révolution.

D’ailleurs, ils ont fait la restauration de la médina en partie sur la rue Arous jusqu’à la

place du Tribunal. Vraiment, c’est beau ça ! Et ils pensent terminer d’autres parties. Mais

on pense que ça va bien marcher 161». En effet, nous avons pu remarquer un nouvel intérêt

porté à la médina encouragé par les rénovations et actions d’embellissements faites ces

dernières années. Plusieurs personnes ont pu alors restaurer les maisons de leurs pères ou

157 Mustapha SEBAI, entretien avec un habitant qui a quitté la médina (4) il y a 65 ans, à l’âge de 20 ans. 158 Entretien avec une habitante qui a quitté la médina (3). 159 Mohamed-Salah TOONEY BARGAOUI, entretien avec un habitant dont la famille a quitté la médina (6). 160 Entretien avec Inchirah HABBABOU, Architecte et Consultante en patrimoine. 161 Entretien avec une habitante Beldi (1) de la médina.

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ancêtres pour y vivre ou faire des projets commerciaux. Ils ont parfois racheté même de

nouvelles demeures. « On ne peut pas dire que les gens continuent à quitter la médina. Et

là, au contraire, il y a des gens qui reviennent. Il y a plutôt des gens qui reviennent. Et les

gens qui sont là ainsi que ceux qui reviennent, on est entrain de les encourager bien sur. Il y

a déjà le fait qu’ils peuvent discuter, de leur offrir notre assistance technique, par ce que

quand on a un chantier, et on vient nous demander de leur donner un avis, on est là ! Tout

ça on le donne gratuitement. Il y a ça, donc on ne peut pas nier que l’aide qu’on est entrain

de donner est une aide matérielle 162». Selon l’ASM, parmi les raisons qui poussent ces gens

à revenir est l’embellissement de la médina, et des parcours. Les gens sont alors tentés de

revenir s’installer vu que l’infrastructure a été améliorée. Et la catégorie sociale de ces

personnes a changé, et cela permet de changer la composition sociale de la médina. En plus

de ça, ces « nouveaux » gens sont encouragés au même titre que les habitants. Ils ont accès

aux prêts et à l’aide technique des professionnels de l’ASM. « Les gens quittent très

rarement la médina aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui partent et reviennent ce que

j’appelle changement de la nature de la population qui cherche à s’installer aujourd’hui à

la médina. Ce n’est plus les gens pauvres qui étaient venu chercher du travail après

l’indépendance. C’est pour ça qu’on trouve beaucoup de jeunes, beaucoup d’universités,

des artistes, des gens intellectuels. Il y a aussi des investisseurs qui viennent pour monter

des projets, pour faire des restaurants, des galeries d’art 163».

Plusieurs cas nous ont interpellés lors de cette enquête. Nous avons essayé dans ce qui suit de présenter certains d’entre eux, les plus qui nous ont marqué. En premier, l’hôtel Dar L’Mdina est un bon exemple de ce retour vers la médina. En effet, cet hôtel appartient à une famille Beldi de la médina. C’était une maison familiale que les propriétaires l’ont transformé en un hôtel de charme en 2005. Il y a 17 ans, les enfants du propriétaire de cette demeure ont quitté la médina suite au changement du mode de vie. Le propriétaire affirme qu’il n’avait pas où garer la voiture, les ambulances n’avaient pas un accès dans les rues de la médina pour transporter les personnes âgées par exemple, absence de bon établissements scolaires pour les enfants. Donc plusieurs raisons ont poussé cette famille à quitter la médina. Mais après 10 ans, un des propriétaires a décidé de revenir et transformer la maison familiale en un hôtel de charme. « On a restauré la demeure familiale en gardant l’esprit authentique 164». Le gérant affirme qu’il a reçu une aide équivalente à 5% du montant total des travaux de la part de l’ASM.

162 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 163 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte et Directeur Adjoint en architecture et urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 164 Entretien avec le gérant et un des propriétaires de l’hôtel Dar El Mdina.

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Fig.55 et 56 : Hôtel Dar L’Mdina. La clientèle de cet hôtel est essentiellement des étrangers, des Français et beaucoup d’anglo-saxons, notamment des Américains et des Australiens. Un nombre assez important fréquente cet hôtel. Ce sont des touristes qui viennent spécialement pour passer quelques nuits dans la médina de Tunis, en quête de culture et traditions. Dans un article de magazine La Presse en Tunisie, parut en Octobre 2007, nous pouvons lire « On peut dater précisément la renaissance de la médina de Tunis avec l’ouverture, milieu des années 80, du restaurant Dar EL Jeld, dans la rue du même nom. Le succès du pari par la famille Abdelkafi, qui a transformé sa propre résidence en restaurant gastronomique tunisois a enclenché un processus, qui progressivement a bénéficié à d’autres opérateurs. Les acquisitions (ou la réhabilitation par leurs propriétaires originels) de locaux anciens se sont multipliés et diverses activités, de la galerie d’art au commerce d’artisanat 165». Dans la même rue de Dar El Jeld, Dar el Behi présente un bel exemple de restauration. Une maison racheter et restaurer par la famille Behi après qu’elle soit restée fermée pendant sept ans. Encouragée par leurs filles, artiste peintre, la famille Behi a récupéré une maison qui appartenait à leurs ancêtres, acte qualifié par la propriétaire d’un retour aux sources. La famille a procédé à la restauration de la maison. Ils ont eu des prêts de la part de l’ASM. Ils affirment que le rôle de l’ASM était très important car ils les ont aidé dans le coté technique, avec les suivis du chantier mais aussi au niveau des conseils. La famille habitait à l’étage. Le rez-de-chaussée, composé de patio et de chambres servait comme salon, galerie d’exposition des tableaux, et un lieu de rencontre avec une formule unique. Les gens viennent seuls, ou en groupes pour discuter, chanter, visiter, manger ou même boire un Thé. Cette belle demeure est fréquentée par des tunisiens et des touristes, beaucoup de jeunes, curieux et cultivés, viennent pour voir et demander des questions. Même aujourd’hui, il y a des gens qui viennent, un peut moins qu’avant la révolution, mais il y a une grande fréquentation. Des hommes d’affaires viennent pour des séminaires, des journalistes, des touristes, des représentants d’ambassades, « on a reçu même un parent de la reine d’Angleterre » affirme la propriétaire.

165 Article sur Dar El Jeld, parut au journal La Presse, Octobre 2007.

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Fig.57 et 58 : Dar El Behi.

Sur le site internet « Expédition », nous pouvons lire le texte suivant : « Se réunir dans le cadre enchanteur et moresque qu’est Dar El Behi, pour écouter et se délecter d’histoires autour de thèmes pertinents. Déguster un thé à la mente et aux pignons et savourer des pâtisseries tunisoises faites maisons, dans le patio autour d’une fontaine murmurante. Découvrir le charme d’un palais arabe regorgeant d’histoire, de culture et d’art. Nous vous offrons tout cela à travers nos causeries de Samedi 166». Avec un programme de chant, de sujets de discussions, en français pour chaque samedi à 17h. Nous avons retrouvé une autre publicité de ce type d’événements dans la même maison Dar El Behi sur le site internet « L’agenda culturel de la semaine » où nous avons retrouvé la même formule, une soirée nocturne, autour d’histoires, de chants et de dégustations, ou encore regarder des diaporamas sur l’histoire de la médina. Dans un reportage, paru dans le magazine hebdomadaire de « La Presse », nous voyons écrit en gros « On y remonte le temps… pour se souvenir… et réapprendre », et contrairement à ce que nous pensions, c’était une manifestation nocturne : « Il était prés de 21h30, la Casbah regorgeait de voitures, mais que vient faire ici tout ce beau monde ? Une soif d’identité ! Un besoin de se ressourcer dans quelque chose qu’on n’a pas connu, peut être qu’on n’a pas vécu, ici vous ferez voyage dans le temps 167». C’est le vernissage d’une exposition de la fille peintre des propriétaires de Dar El Behi. Le propriétaire affirme que tout cela s’inscrit dans le cadre d’une démarche de mise en valeur de la médina et son tourisme. Les touristes ne doivent pas venir juste habiter dans les hôtels, mais plutôt voir le vrai visage de la médina, la manière dont les gens vivent. Il y a eu la possibilité de transformer cette demeure en des chambres d’hôtes pour la promotion d’un tourisme culturel. Cela permet aux propriétaires de s’occuper et surtout restaurer continuellement leur demeure. Le restaurant « Dar Hammouda Pacha » a aussi été aménagé dans une ancienne maison traditionnelle historique. Le gérant affirme que la clientèle a diminué par rapport à avant, surtout après la révolution, mais il ne se plaint pas. La clientèle est composée de « touristes, des tunisiens, des banques, des ambassades, des associations. Les tunisiens sont très présents, que ce soit des individuels ou des groupes 168». Le gérant affirme que l’état de la

166 Abdessattar AMMAMOU, annonce sur le site Expédition. 167 Raouf KHALSI, Dar El Behi, magazine culturel, La Presse, Tunisie, 2006. 168 Entretien avec le gérant du restaurant Hammouda Pacha.

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médina ne cesse de se dégrader, de la saleté partout, des ordures dans la rue, et que le nombre des touristes qui viennent au restaurant a diminué par rapport à deux ans en arrière. Une action de sensibilisation de la population locale doit être entreprise.

Fig.59 : Restaurant Dar Hammouda Pacha.

Nous avons rencontré aussi un habitant qui a transformé sa maison familiale en une bibliothèque gratuite et ouverte à tout le monde grâce à une annonce dans le journal « La Presse ». Apres avoir quitté la médina à l’âge de 18 ans pour aller étudier à l’étranger, ce propriétaire est retourné à la médina après 27 ans d’absence. En effet, en 2007, il est revenu y habiter définitivement, dans la maison de ses parents. Il dit que l’amour pour la médina l’a poussé à venir reprendre la maison léguée par les parents pour l’entretenir, la faire revivre et en faire une bibliothèque. Il a fait quelques réaménagements en rez-de-chaussée pour que ça devienne une bibliothèque ouverte à tout le monde et un lieu de rencontre de différentes associations. Il a aussi introduit le chauffage et la climatisation dans les chambres au premier étage où il vit actuellement. « Les touristes viennent ici à la maison, c’est pour avoir un aperçu de l’histoire de la ville de Tunis, de l’histoire du quartier, des souks, c’est un peut ça, ou pour voir les spécimens de livres anciens 169». Le propriétaire trouve qu’il manque beaucoup d’animations à la médina, et c’est parfois triste. A part quelques festivités le long du mois de Ramadan, la médina est « morte ». Ceci présente un bon exemple, à notre avis de restauration et de mise en valeur de la culture, à travers cet espace de rencontre, de discussion et de consultation d’ouvrages rares sur la médina de Tunis en particulier, et toute la Tunisie généralement. Nous rappelons que tout cela est gratuit et ouvert à tout le monde. Plusieurs autres projets ont été réalisés par des « revenants » à la médina depuis les années 2000. Des galeries d’arts ont été ouvertes dans les anciennes maisons, des cafés, des hôtels de charme sont en cours de constructions dans un but de développement économique mais surtout une valorisation culturelle et touristique de la médina. Ces personnes veulent rester à la médina car cela représente pour eux un retour aux sources, et ça leurs permet de marcher sur les traces de leurs ancêtres.

169 Entretien avec un habitant qui est revenu à la médina il y a 5 ans.

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3.4. Les commerçants et les Souks : interaction artisanat / tourisme : L’importance économique de l’artisanat contribue à l’essor de la médina et certainement à l’enrichissement du tourisme culturel. Nous nous ne pouvons pas envisager la médina, dans sa dimension historique et culturelle sans les souks et plus particulièrement l’artisanat, dont le principal facteur de production est l’homme. Or visiblement, le public touristique est le premier qui permet de faire vivre les artisans. « De même qu’une opinion encore très répandue ne voit dans la cité historique qu’un amas d’immeubles insalubres autour de monuments fameux, on a tendance, quelques fois à imaginer que la vie commerciale s’y réduit à un marché de sous-prolétaires doublé d’un bazar pour touristes pressés. En réalité, la médina est un centre artisanal et commercial actif et relativement diversifié, elle joue un rôle économique très important pour l’agglomération entière 170». Avec ces quelques 3000 magasins, la médina de Tunis réalisait, en 1973, le quart du chiffre d’affaires de l’activité commerciale de l’agglomération tunisoise, loin devant les activités de production171. Les souks font partie de la structure de la médina en tant qu’élément urbain et centre économique. Ils doivent leur renommé à un artisanat riche et varié. Ils étaient avant organisés en espaces spécialisés et par corporations. Les artisans alliaient à la fois fonctionnalité et esthétique selon un savoir faire hérité de leurs ancêtres qu’ils sont tenus de préserver et pérenniser. L’artisanat assurait la vitalité des souks et leur équilibre économique. Les artisans produisaient tous ce qui subvenait aux besoins en produits nécessaires à l’usage quotidien des habitants. S’engager dans ces souks pittoresques, c’est se déambuler à travers des rues et des ruelles sinueuses parfois couvertes, d’une architecture particulière. Les souks vous attirent à première vue par des couleurs vives. Une ambiance qui stimule les sens, où se mélangent les odeurs des parfums, des produits de beauté et du cuir. Le martelage des ciseleurs se mélange aux tumultes des commerçants et des passants. C’est un monde de convivialité et de contact, qui tend à perdre son originalité jour après jour.

Fig.60 et 61 : Souks de la médina de Tunis.

Le nombre des clients d’artisanat a beaucoup diminué. En effet, le nombre des touristes a diminué depuis quelques années, spécialement après la révolution. « Je ne vois plus de

170 Extrait de « Les souks », sur le site de l’Association de Sauvegarde de la médina, www.asmtunis.com. 171 Chiffres et statistiques de l’Association de Sauvegarde de la médina.

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touristes comme avant ! Déjà je ne les vois plus depuis 4 à 5 ans. Avant on les voyait souvent. Ils s’arrêtaient pour regarder, voir… 172». Les artisans passent parfois des journées entières sans vendre aucun article. Les touristes sont à la recherche de produits de très bas prix, donc de basses qualités. Du coup, les bijoux et tout artisanat ou autre article de bonne qualité ne se vendent plus à la médina. Ce qui fait que la majorité des artisans ne travaillent plus avec les touristes. Certains artisans travaillent qu’avec la population locale, tels que les menuisiers, ou les artisans spécialisés dans les vêtements traditionnels. Ils ont gardé quelques clients depuis des années, leurs nombres ont beaucoup diminués aussi. Les commerçants en général contestent les problèmes d’hygiène, de saleté, de désordre et d’insécurité pour les touristes dans la médina. Madame Faika Bejaoui, Directeur Adjoint à l’ASM affirme concernant ces problèmes : « On essaye de faire de notre mieux, mais bon là c’est toute la Tunisie qui souffre de ça, c’est le 14 Janvier (la date de la révolution), on n’est pas plus braqué dans la médina qu’ailleurs dans la ville. Donc on ne peut pas dire ça. Il n’y a pas plus de poubelles et de saleté dans la médina que dans d’autres quartiers de la ville, non il n’y a pas de différences 173». Ce relâchement est surtout du à l’instabilité politique après la révolution. La municipalité de Tunis est incapable pour le moment d’avoir de l’autorité suite à tous les événements récents en Tunisie. Mais les artisans n’admettent pas que les touristes viennent pour voir l’état dégradé et la saleté partout. Ils sont contre le fait de les faire monter sur les terrasses pour voir la médina d’en haut, mais en réalité ils sont entrain de voir, des bouteilles d’alcool jetées, des poubelles et de la saleté partout. Ils affirment qu’il n’y a plus de souks structurés, les fripes existent partout, les restaurations rapides ouvrent dans tous les coins de la médina. Et tout cela engendre des pollutions visuelles, sonore, olfactive… « Les artisans se font de moins en moins nombreux dans le quartier des souks, où les ateliers de fabrication cèdent la place à des magasins de vente. Ainsi le cœur de la médina a pris l’aspect d’un vaste bazar (…) auquel se mêlent des produits de l’artisanat marocain ou indien 174». Nous sommes allés demander quelques questions à une vendeuse de fripes, elle nous a répondu avec les mêmes propos. « Je pense que ça ne marche pas pour tout le monde depuis la révolution, avant on était mieux. Mais depuis la révolution ; en vérité, ça a changé. Ils disent que ça va s’arranger, mais on n’a rien vu. Tout le monde se plaint, dans n’importe quel endroit de la médina, ils te disent que le souk est « mort », il n’y a pas de travail, en plus ce n’est pas de grands capitaux, c’est des petits magasins qui souffrent, ce n’est plus comme avant 175». L’état dégradé du commerce dans la médina est général pour tout le monde. Mais, quand nous avons parlé avec Monsieur Lassàd Ben Slimen, Architecte à l’ASM, ses propos nous ont un peut surpris : « Ce genre de choses, on peut les gérer mais à titre consultatif. Par exemple on relève toutes les infractions et on les signale à la municipalité. Et on fait cela régulièrement, avec un reportage photographique. Les problèmes de délinquances apparaissent aussi de temps en temps. On écrit des rapports. Ces problèmes sont abordés dans les réunions aussi. On dit qu’il y a un tel investisseur ou un propriétaire veut faire quelque chose. Quand on a fait le parcours, on a traité le problème de la sécurité, avec des membres de la police. Ils étaient présents avec nous, avec

172 Entretien avec un artisan à la médina. 173 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 174 Paul SEBAG, Tunis, histoire d’une ville, L’Harmattan Histoires et perspectives méditerranéennes, p.657. 175 Entretien avec une commerçante (17) à la médina.

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le maire qui voulait les sensibiliser contre les problèmes de délinquances 176» Or, ceci est bel est bien intéressant, mais ça s’est resté uniquement sur le plan théorique. Aujourd’hui, il n’y a aucune mesure concrète. Pour les commerçants, les touristes sont essentiels, pour faire travailler la population locale. C’est primordial pour le développement de l’économie de la médina. Même s’ils n’achètent pas, les artisans préfèrent qu’ils viennent au moins pour voir, regarder. Pour eux cela présente une chaine, le touriste va acheter de chez le commerçant, ce dernier va acheter des vêtements de chez un artisan, l’artisan va pouvoir acheter plus de marchandise etc… Fig.62 : Etat du commerce. Les commerçants sont conscients aussi, qu’à part les raisons économiques, les touristes doivent venir à la médina pour connaitre l’histoire et découvrir l’architecture et la manière dont la population locale vit. Mais, plusieurs corporations disparaissent suite à l’importation massive des produits manufacturés spécialement après le protectorat. En effet, il y a une introduction massive des produits divers, de qualités et d’origines différentes, « la marchandise chinoise nous a tuée ! Le travail était très bien avant la révolution, mais ça a empiré depuis l’entrée de la marchandise chinoise dans le marché 177». Même un touriste anglais nous a dit : « J’ai vu toutes les choses de Chine et tout ça, on veut des choses locales 178». Ce qui a défiguré davantage la particularité des souks, et porter un réel préjudice à son artisanat traditionnel. Nous nous retrouvons face à des produits dégradés, de mauvais gout, de basse qualité et de bas prix, loin d’être cet objet souvenir authentique. « Depuis un moment, ici, ils ramènent de la marchandise de la Chine ! Une cage d’oiseau par exemple, typiquement tunisienne, ils envoient une commande en Chine et demandent 1000 pièces, et ces cages sont très bien travaillés, et pas chères… 179». La faute est certes des dirigeants, ou de la politique qui était suivi à un moment précis, mais Madame inchirah Habbabou explique que les artisans aussi ont leur part de responsabilité dans tout cela, « ils n’ont pas à accepter, c’est à cause d’eux, c’est cette anarchie là de ramener tout et n’importe quoi, même eux même les artisans, ils ramènent du marocain, ils ne sont pas entrain de vendre du tunisien, ils ne sont pas entrain de vendre de l’artisanat tunisois à Tunis et de l’artisanat Djerbien à Djerba, ils sont entrain de faire du mélange donc ils sont aussi impliqués que ceux qui ramènent du chinois 180».

176 Entretien avec Lassàd BEN SLIMEN, Architecte à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 177 Entretien avec un artisan (2), chaussures à la médina. 178 Entretien avec un touriste Anglais (17) à la médina. 179 Entretien avec un artisan (10) à la médina. 180 Entretien avec Inchirah HABBABOU, Architecte et Consultante en patrimoine.

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Si le tourisme est pensé comme une possibilité de revitalisation des souks, quelle image est présentée aux visiteurs à travers ce nouveau commerce ? Cette dégradation « est souvent synonyme d’escroquerie du client contraire à l’éthique du commerce 181». Les artisans affirment que ce qu’ils gagnent par mois ne suffit pas ni pour vivre, ni pour payer le loyer et les charges. En effet, la majorité des commerçants sont locataires. Ils ont un loyer à payer, des factures d’eau et d’électricité, la marchandise etc… Et surtout, ils doivent faire vivre leurs familles, qui généralement sont des familles nombreuses. Ils affirment que depuis un moment, ils ne s’en sortent pas. « Au lendemain de l’indépendance, les vieux corps de métier de la capital ont vu leurs difficultés s’aggraver. Le vent de modernisme qui soufflait sur le pays amena de larges couches de la population citadine à répudier leurs tenues traditionnelles pour s’habiller à l’européenne, et cette mutation affecta gravement toutes les corporations qui concouraient à la production des divers éléments du costume masculin, et féminin 182». Mais, la révolution est une autre date qui marqua l’histoire de la Tunisie et de la médina. A partir de cet événement, si important dans l’histoire du pays, la médina a plongé dans un état critique. Les artisans ont fermé, les commerçants ont abandonné leurs locaux. Il n’y a plus de touristes, donc de clients, donc d’argent, donc de marchandises… Une phrase d’un artisan spécialisé dans les tissus des fauteuils résume cette situation : « C’est mort, c’est mort depuis que ça s’est passé la fameuse chose (la révolution) 183». Un artisan sculpteur sur bois nous a expliqué l’état des artisans dans la médina de Tunis aujourd’hui : « Donc c’est notre cas, on est bien aimé ici, mais pas très connus, on arrive à faire vivre nos famille, avec de la fatigue, mais mieux que rien 184». Les conditions de vie, de travail ont visiblement beaucoup changé depuis une dizaine d’années, mais surtout après la révolution. On peut déduire que la dégradation de l’artisanat est causée par :

- La stagnation de la demande interne. - Une demande touristique décroissante. - Le manque de contrôle de la qualité des

produits artisanaux. Aujourd’hui, plusieurs artisanats tels que la chéchia doivent leurs existences aux touristes. « Nous étions des artisans de la chéchia. Et c’est mort, j’ai fermé, depuis un an et demi. Depuis la révolution, ça a empiré. Je travaillais un peut avant. Il y avait des groupes qui venaient. Des croisières avec des touristes pour la journée. Il y avait des choses, mais depuis la révolution non 185». Mais comment faire si ces objets artisanaux ne sont plus consommés ? Fig.63 : Local d’un artisan en chéchia.

181 Mustapha CHERIF, Tourisme culturel et développement, étude en sociologie, 2005, p.237. 182 Paul SEBAG, Tunis, histoire d’une ville, L’Harmattan Histoires et perspectives méditerranéennes, p.656. 183 Entretien avec un artisan (12) de la médina. 184 Entretien avec un artisan sculpteur (13) à la médina. 185 Entretien avec une habitante (1) de la médina.

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La qualité du tourisme culturel dans la médina se perçoit dans la qualité de l’objet souvenir acheté. Le touriste emmène avec lui l’image de la médina, et donc du pays. L’artisanat et les souks exercent une attraction du visiteur pour la médina. Visiblement, le commerce et l’artisanat ont beaucoup changé par rapport à avant. Beaucoup affirment qu’il y a une perte de valeurs. En plus c’était un des secteurs tenu et monopolisé par la famille Trabelsi, de l’ex président Ben Ali. Et après la révolution, ça a du mal à redémarrer. Malgré tout cela, plusieurs commerçants et artisans affirment leur volonté de rester travailler à la médina, et qu’ils n’envisageraient guère de partir ailleurs. Car malgré toutes ces difficultés, ce secteur continue à faire travailler une grande population, de la médina, et de l’extérieur de la médina. Ce coté nostalgique est très présent, même s’il n’y a pas de travail, la majorité préfère rester, travailler en espérant que les jours à venir seront meilleurs. Un artisan Beldi, vendeur de tout ce qui est nécessaire pour les fêtes de mariages, circoncisions et obsèques nous a exprimé sa volonté de rester à la médina par ces mots : « Parfois je ne vends aucun article pendant toute la journée, et je suis quand même heureux. Mais je deviens triste le jour quand je ne viens pas et je n’ouvre pas la boutique 186». D’autres sont assez pessimistes. Un bijoutier nous a exprimé sa volonté de quitter la médina en nous disant : « Les conditions ne permettent pas que je reste, je sens que l’homme n’a plus de valeur ici 187». Peut être que les artisans sont les plus affectés et les plus qui ont besoin aujourd’hui de « sauvegarde et mise en valeur ». Mais dans les discours des acteurs, notamment l’ASM, il y a une volonté profonde de développer l’artisanat pour qu’il puisse reprendre son essor d’avant, Madame Faika Bejaoui, Directeur Adjoint de l’ASM affirme : « Il y a des métiers qui risquent de disparaitre par exemple au niveau du tissage de la soie et on a des tisserons qui font des merveilles… Mais aussi l’axe de la mosquée Ezzitouna, on voudrait qu’il revienne à ce qu’il était, que les commerçants proposent des articles intéressants. Et intéressant de point de vue d’une production tunisienne, et ça c’est un travail à faire avec l’office de l’artisanat, et on n’a pas arrêté d’indiquer à l’office de l’artisanat, de s’installer, au moins installer une structure seule dans la médina, comme ça moi je vois l’artisan, et je sais qu’en arrivant à la médina, en tant que tunisienne, je peux aussi faire certaines courses que je ne peux pas trouver ailleurs 188». Ceci est resté juste un discours, pour le moment. 3.5. Problématique des guides touristiques : L’assistance de guides compétents et responsables, associés à des outils de guidages, de signalisation et d’identification sont d’une grande importance pour des visites réussies à la médina. Les plans existants et les panneaux de direction sont presque inappréciables et ne sont pas mis en valeur. Nous avons l’impression que les touristes fuient ce « labyrinthe » urbain pour suivre seulement l'axe des souks. Le centre historique ne réussit toujours pas à retenir le visiteur et à lui communiquer ses richesses patrimoniales. Après plusieurs semaines d’enquêtes, nous nous sommes rendu compte qu’il y a un véritable problème avec les guides touristiques présents à la médina qui ont une relation particulière

186 Entretien avec un artisan (14) à la médina. 187 Entretien avec un artisan bijoutier (5) à la médina. 188 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’ASM.

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avec certains commerçants. Ces derniers ne sont pas affectés par le manque de touristes à la médina et pour eux, les affaires marchent bien ! Un des commerçants nous a dit « Maintenant le guide les ramène pour faire un tour dans la

médina, ensuite directement à son ami (commerçant) avec qui il a un intérêt. Le guide

mène ces touristes comme des moutons, pour les emmener directement à son ami. Ce

dernier lui dit, ramènes moi les touristes et je te donnerai une telle somme pour chaque

article vendu. Donc, ce n’est pas clair ce qui se passe. Or le guide normalement son rôle est

de montrer le chemin, lui expliquer l’histoire de ces lieux, ceci date de quand, ceci était fait

par qui, qui a fait la mosquée Ezzitouna, celle de Hammouda Pacha, qui habitait dans cette

rue, au touriste qui vient et qui ne connait pas le pays. Je trouve que c’est ça le rôle du

guide, mais pas dans le commerce, il ne doit pas entrer dans cela. Il est devenu quelqu’un

qui ne cherche qu’avoir de l’argent. L’autre jour, j’ai vendu un collier à 100 Dinars, (50

euros), et le guide a dit au touriste 200 Dinars, ensuite il l’a accompagné, et il est revenu

pour prendre son argent (100 Dinars)… (Avec des soupires) Moi je l’ai vendu, j’ai des

charges etc, et lui c’est un ambulant dans la rue, et il n’a ni badge, ni rien du tout, il a

gagné plus ce que j’ai gagné. J’ai regretté, je l’ai vendu et j’ai regretté ! Mais quand on a

besoin d’argents, je me suis dis ce n’est pas grave, tant pis. En étant encore dans le bus, le

guide demande aux touristes de n’entrer à aucun magasin, c’est lui qui va les emmener au

meilleur, car il y a des gens qui vendent avec des prix très chers, et de mauvaises qualités,

de l’imitation, ils vont vous piéger, ils vont vous vendre des faux métaux, qui vont détruire

vos peaux, n’entrez pas sauf si je vous le dit ! Et il passe avec eux devant les yeux de tout le

monde, moi et les autres, et ils ne les fait pas entrer, et il les ramène à son ami, ou à celui

qui va lui donner le plus d’argent. 189».

Un autre artisan bijoutier, qui n’habite pas à la médina et n’y est jamais vécu nous explique

comment se font les affaires avec les guides : « les guides ont un rôle important, par

exemple le lendemain un bateau va arriver avec un grand nombre de touristes, je sais pas

combien, le guide appelle et informe ses amis qui ont des boutiques ici, il leurs disent que

demain un bateau arrive à telle heure, il lui dit de préférence à 8h du matin tu sois dans ta

boutique, et il ramène directement les touristes à cette boutique, et il prend un

pourcentage, et ce n’est pas 20, ou 30 Dinars, c’est des centaines de dinars, 200, 300

dinars, le guide dit au touriste, que cette boutique est bien, son propriétaire est quelqu’un

de confiance, et le produit qui coute 100 dinars, il le lui vend à 150, 200 dinars, et imagines

combien il gagne de chaque client, et le propriétaire prend 100 dinars, le guide 50, fois le

nombre des acheteurs, et il les prends en caches, et pas devant les touristes, il les note,

ensuite il revient les chercher. Et les touristes ne vont seulement qu’à cette boutique 190».

Le fait que le guide influence le choix du touriste ou encore son parcours dans la médina est ressenti de la part des habitants. Un habitant nous a affirmé : « Je sens que le touriste qui vient pour voir et visiter a peur. Avant, on sentait que le touriste était content, il se

189 Entretien avec un artisan bijoutier (5) dans la médina. 190 Entretien avec un artisan bijoutier (23) à la médina.

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promenait, parlait, observait, photographiait… 191». En effet, une matinée nous avons repéré beaucoup de touristes à la médina. Apres plusieurs tentatives de les aborder pour leurs poser quelques questions, nous avons abandonné, après 3h30 d’efforts. Aucune personne n’a voulu nous parler. Les seuls qui nous ont répondu, ils nous ont dis soit qu’ils sont pressés et ils ont un bus à prendre, soit ils sont dans un groupe et ils ne peuvent pas nous parler. Plusieurs fois, nous avons entendu des guides qui disaient aux touristes, « n’achetez rien d’ici, l’autre c’est mieux, il a tout… ». Ceci a augmenté notre curiosité et nous avons essayé de les suivre discrètement. Le guide les a emmenés à un magasin qui n’a aucune différence visible avec les autres. Ils ont pu acheter quelques souvenirs. Le guide a bien parlé avec le commerçant d’un air discret. Cela nous confirmait les propos des commerçants déjà questionnés. Nous avons essayé de parler avec le guide, mais il ne répond même pas. Il n’a pas de temps à nous accorder, ou même nous regarder… Nous avons pu revenir un autre jour pour faire un entretien avec le commerçant qui est directement en rapport avec ces guides. Il a accepté, mais des réponses qui ont été complètement différentes aux réponses des autres commerçants ou artisans. C’était un vendeur de parfums, propriétaire de son magasin, affirme qu’il n’y a pas eu de changements dans la médina. Encore plus, il arrive à avoir entre 5 et 10 clients par jour, sans parler des groupes de touristes qui viennent des croisières ! Pour ce vendeur, même si le nombre des touristes a diminué par rapport aux années précédentes, il affirme que ce qu’il gagne par mois est bien suffisant pour lui. Toutes ces affirmations sont contradictoires avec l’ensemble des réponses des autres commerçants à la médina. Et quand nous lui avons demandé sa position par rapport au tourisme à la médina, il nous a répondu : « C’est bien comme ça, il ne faut pas changer, il ne faut pas changer la catégorie des touristes aussi… Mais les clients sont les mêmes, on ne les change pas. Car on ne peut pas travailler avec les touristes des pays du golf par exemple. Tout notre travail se fait avec les européens en majorité 192». Tous les commerçants ne faisaient pas de ségrégation entre les touristes arabes ou européens. Au contraire, pour eux, vu qu’il n’y a plus d’européens qui viennent, il faudra peut être développé le marché avec les touristes maghrébins et venant des pays du golf. Nous nous demandions alors pourquoi il veut travailler seulement avec les européens ? Peut être car ils ne comprennent pas la langue… Et cette histoire de guides « corrompus » ne marcherait pas avec les touristes arabes… Suite a cet entretien, nous avons revu le voisin de ce commerçant, artisan avec qui nous avons déjà effectué un entretien et il nous a dit : « Celui là travaille directement avec la société de navigation, il leur paye pour qu’ils lui envoient des touristes. Le matin il avait entre 45 et 50 touristes. S’ils achètent, déjà le guide perçoit de l’argent. Normalement le guide n’a pas le droit de toucher de l’argent, il n’a pas le droit de ramener des touristes à cette boutique ou à ce magasin 193». Nous avons suivi encore une fois un groupe de touristes avec leur guide. Nous avons repéré le commerce et nous y sommes revenus plus tard pour faire un entretien avec le commerçant. Il s’agit d’un artisan, vendeur de Jebba depuis 50 ans. Il est locataire. Nous nous sommes présentés en tant qu’étudiant et nous lui avons expliqué le but de notre

191 Entretien avec un habitant (2) de la médina. 192 Entretien avec un commerçant (21) en rapport avec les guides touristiques. 193 Entretien avec un commerçant à la médina.

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entretien sans lui parler de la problématique des guides. Il a hésité au début à nous parler mais il nous a affirmé par la suite qu’il ne travaille qu’avec les tunisiens pour vendre des vêtements traditionnels seulement lors des festivités et événements. Or il nous a semblé que nous avons vu un groupe de touriste entrer dans cette boutique le matin. Et quand nous avons essayé de passer à la question suivante, qui était de savoir si les affaires marchaient et ce qu’il pensait de ce qu’il gagnait par mois, nous avons eu comme réponse : « Non, ça s’est devenue autre chose… Non je ne veux plus y répondre… je déteste ces choses, des journalistes, non ça me suffit… Sortez… Sortez… 194». Il a refusé de terminer de répondre à toutes les questions malgré que nous lui avons réexpliqué que nous ne sommes pas journaliste. Il nous a demandé de sortir de la boutique… Les guides présentent un grand problème dans la médina. Ils ont été cités par plusieurs commerçants. Le guide a perdu sa vraie fonction de « guider » le touriste et devient un acteur économique qui ne cesse de devenir de plus en plus important. Il négocie les prix, il choisit le commerçant avec qui il a plus d’affinités et lui ramène les touristes. Il prend sa commission qui dépasse parfois le prix de l’article vendu. Un phénomène qui s’accentue jour après jour sans aucune réaction de la part des autorités concernées. 4. Les acteurs : entre discours et réalités : Le patrimoine médinal, par sa diversité, sa densité et son bon état général, bien qu’insuffisamment valorisé, présente un facteur certain d’enrichissement culturel de la médina. Il a été primordial pour nous d’avoir des entretiens avec les acteurs et quelques représentants d’institutions nationales. Nous notons que le rendez vous fixé avec un responsable à l’Office du Tourisme tunisien a été annulé à la dernière minute. Il n’a pas été possible de le rencontrer. 4.1. L’Institut National du Patrimoine : L’Institut Nationale du Patrimoine (INP) est un acteur très important. Il est plutôt axé sur la restauration et sauvegarde des monuments, des opérations ponctuelles à la médina, qui peuvent durer jusqu’à 3 à 4 ans. Nous avons pu rencontrer Madama Radhia Ben Mbarek, responsable de la conservation de la médina au sein de l’INP. Elle affirme qu’il y a souvent des opérations urgentes de restauration, sinon il y a toujours un besoin d’intervenir dans plusieurs monuments. C’est une structure étatique, et leurs interventions se font seulement aux niveaux des monuments, mosquées, zaouias, medersas, mais pas d’interventions au niveau des maisons ou des espaces résidentiels. Mais l’INP ne cesse de sensibiliser les habitants qui viennent la voir pour déposer un permis de construire ou juste à titre consultatif. 4.2. L’Association de Sauvegarde de la Médina : L’Institut Nationale du Patrimoine est certes l’opérateur légal qui gère tout ce qui est restauration dans la médina. Mais l’Association de Sauvegarde de la Médina a acquis de l’expérience et de la crédibilité à travers le temps. Elle est dotée d’un bureau d’étude et d’une entreprise de qualité reconnue à l’échelle nationale et internationale. Depuis sa création, l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM) joue un rôle très important dans la sauvegarde et mise en valeur de la médina de Tunis. « Son action de sensibilisation a attiré les tunisois et les investisseurs privés, lesquels manifestent un 194 Entretien avec commerçant (22) à la médina.

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intérêt croissant pour le vieux Tunis. Depuis sa création, les activités et les rôles de cette association ont considérablement évolué avec l’appui de la municipalité qui lui consacre une part importante de son budget 195». En effet, « pendant les 8 ou 10 premières années de l’ASM, il y a eu une espèce de diagnostique, une radiographique qui a été faite sur la médina, pour comprendre ce que c’était la médina donc il y a eu après une compilation de toutes les analyses, de tous les diagnostiques, de toutes les études pour faire sortir un règlement d’urbanisme et un PSMV avant l’heure, un plan de sauvegarde et de mise en valeur avant qu’il soit promulgué dans le code de patrimoine en Tunisie, ça n’a été fait qu’en 1994 196». Les actions de l’ASM dans la médina sont résumés dans ce qui suit par Mme Faika Bejaoui, Architecte et Directeur Adjoint de l’ASM : « Déjà il y a eu comme projet au départ la restauration de certains monuments, puis après on est passé à une réflexion à l’échelle de la médina. C’est là où on a commencé à faire des réflexions pour faire des interventions au niveau des quartiers, surtout des quartiers des plus démunis tels que le projet de restructuration du quartier Hafsia, et la réflexion qui a été faite au niveau du ministère de l’équipement à l’époque par rapport à la restructuration du quartier Beb Souika Halfaouine, et puis bon une grande opération qui concerne l’habitat insalubre et densifié qui est le projet Oukala, on a fait même une réflexion par rapport à la ville du 19ème/20ème siècle, il y a eu beaucoup de réalisations, puis ce qui est important à dire, au niveau des interventions, il y a toujours une réflexion étroite entre ce qu’on appelle la pierre et l’homme, dans toute réflexion sur un projet, on tient compte du coté patrimonial, c’est très important, mais aussi de la sociabilité, du coté social 197», à part la restauration d’une centaine de monuments historiques et la restauration de la grande mosquée et ses environs. Mme Faika Bejaoui affirme que chaque bâtiment, chaque projet a un caractère spécifique, donc il est traité séparément même si ça rentre dans un cadre global d’un projet précis. Les projets prévus pour le futur s’inscrivent plutôt dans une logique de continuité des projets

déjà en cours, tels que la restauration de tous les sabbats de la médina. Monsieur Lassàd

Ben Slimen affirme que « l’ASM a dépassé le statut de décorateur, elle anticipe les projets,

c’est elle qui donne des idées, c’est une usine de fabrication d’idées. Le parcours ça était

fabriqué par l’ASM 198». Et tout cela est aussi dans un but touristique. Par exemple, une

partie du financement du circuit touristique réalisé à la médina est un don de l’Office du

Tourisme. Mme Faika Bejaoui affirme que l’ASM est entrain d’encourager le fait qu’il y est de

nouveaux hôtels, des restaurants, mais aussi d’aménager une chambre dans les demeures

pour les touristes afin d’encourager d’habiter chez l’habitant. « La notion de l’hôtel de

charme n’existait pas avant, habiter chez l’habitant, la maison d’hôtes, tout ça c'est des

catégories qui existent aujourd'hui, on a beaucoup poussé à ça parce que pour nous un

tourisme culturel c'est avant tout un hébergement spécifique dans le cycle lui même. C'est

une manière de recevoir, c'est une manière de s'occuper du client, c'est une manière de

195 Sémia AKROUT-YAICHE, Le rôle des acteurs locaux dans la gestion urbaine : L’expérience de la ville de Tunis, Revue internationale des sciences sociales, n°172, février 2002, p.274. 196 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte, Directeur Adjoint chargé de l’architecture et de l’urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 197 Entretien avec Faika BEJAOUI, architecte, directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 198 Entretien avec Lassàd BEN SLIMEN, architecte à l’Association de Sauvegarde de la Médina.

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faire touché le client à la culture locale et ça a encouragé des maisons à devenir des

maisons d’hôtes, encourager les habitants à réaménager des bâtiments pour recevoir des

touristes culturels. Le tourisme culturel ce n’est pas des gens qui passent dans le Souk

comme dans un zoo et regarder les animaux comment ils vivent… Ce n’est pas un tourisme

de masse 199».

Mais c’est plutôt un tourisme culturel qui participe à la mise en valeur de la médina. Visiblement, l’acteur majeur qui est l’ASM ne veut plus d’un tourisme de masse, mais plutôt d’un tourisme qui s’inscrit dans une durabilité fondée sur du respect et du partage entre les habitants et les touristes. « Il y a une vision d’un tourisme qui est plutôt plus culturel dans un cadre général qui est un développement durable. Dans ce sens là qu’on voit le tourisme. On ne veut pas d’un tourisme agressif, un tourisme avec un flux très important et après on voit la décadence de la médina, ce n’est pas le propos, mais on est entrain d’encourager, mais il ne faut pas que le touriste chasse l’habitant, ni l’habitant chasse le touriste. Il faut qu’il y est ce rapport là, il faut savoir comment trouver le moyen pour réussir ce défit. (…) Notre principe par rapport à la réflexion de tourisme c’est un tourisme culturel, on ne veut pas qu’on fasse descendre les touristes à la porte de France ou à la Kasbah, et ils vont au parcours, et on leur fait visiter des étages de boutiques. Ce n’est pas qu’on ne veut pas qu’ils rentrent dans des boutiques, au contraire, nous on voudrait bien qu’ils achètent, parce que ça permet au commerçant qui est un habitant de la médina de vivre, mais aussi on lui demande d’apporter un produit de meilleure qualité et notre propos c’est le tourisme culturel, on voudrait qu’ils visitent les souks, qu’ils achètent un produit de la médina, qu’ils visitent la médina 200». Mais il semble que ce travail n’a pas encore été fait. Pour Madame Bejaoui, cela représente toute une chaine, et c’est entrain de se faire. Monsieur Lassàd Ben Slimen, Architecte à l’ASM nous a affirmé « qu’on est entré dans une nouvelle page, qui est le tourisme culturel, ce n’est plus le tourisme de masse, ou balnéaire, donc on veut que les touristes découvrent la médina, découvrent ses richesses, notre patrimoine… 201». Or ceci est bien la volonté de l’acteur principal qui est l’ASM, et c’est plutôt théorique. Sur terrain, c’est loin d’être le cas. Mais les actions de l’ASM restent parfois limitées. Madame Faika Bejaoui affirme « on ne peut pas prétendre avoir tout résolu, non ! 202». Quand nous lui avons demandé quels types d’aides peuvent bénéficier les habitants, elle nous a répondu : « non, il n’y a pas d’aides financières, il y a des crédits, il y a aussi une aide technique, au niveau de l’assistance technique. Les services offerts par les architectes de l’ASM sont gratuits, on visite la maison, on fait les constats et leur dire ce qu’il faut faire, on le fait gratuitement. Mais il y a le code du patrimoine qui stipule, mais il y a encore des textes d’application qui manquent, donc on ne peut pas parler d’aides 203».

199 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte, Directeur Adjoint chargé de l’architecture et de l’urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 200 Entretien avec Faika BEJAOUI, architecte, directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 201 Entretien avec Lassàd BEN SLIMEN, architecte à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 202 Entretien avec Faika BEJAOUI, architecte, directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 203 Entretien avec Madame Faika BEJAOUI, architecte, directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina.

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4.3. La municipalité de Tunis : Les actions de sauvegarde de la municipalité sont à travers l’ASM. En effet, cette association

est ralliée à la municipalité. Donc tout ce qui est propositions de projets et de travail sur

terrain ça leur appartient. A la municipalité, c’est plutôt le coté réglementaire et la révision

des plans d’aménagements. Monsieur Khirallah Ben Hfaiedh, Urbaniste en chef de la

municipalité de Tunis a affirmé qu’au niveau des réglementations, l’application manque, et

que peut être aujourd’hui il est nécessaire de dépasser le plan d’aménagement vers un plan

de sauvegarde et de mise en valeur. Il affirme : « Il y a la conservation et la spécificité du

patrimoine est acquise, mais au quotidien, malheureusement surtout après la révolution, il

y a beaucoup de dérapages, beaucoup de consommations qui sont nuisibles à la médina,

des espaces qui sont destinés pour la création artisanale et tout ce qui est commerce ont

changé, il y a tout un changement qui n’est pas encadré par la réglementation et qui

échappe d’ailleurs, même au niveau de la construction, il y a beaucoup de bâtiments qui

sont construits de façons illicites sans autorisations de construire etc… Malheureusement

en ce moment, il y a un décalage entre le vécu tunisien et la réglementation qui n’est pas

encadrée 204».

La délégation de Tunis, installé dans la médina affirme aussi avoir un rôle juste observatoire. Elle peut contribuer aussi à l’aide dans l’assistance technique auprès des habitants. 4.4. Le Ministère de la culture : L’Agence de Mise en valeur et de Promotion du

Patrimoine Culturel :

Le ministère de la culture est un acteur présent dans la mise en valeur de la médina à travers

l’Agence de Mise en valeur et de Promotion du Patrimoine Culturel (AMVPPC), son Directeur

explique le rôle de cette agence dans ce qui suit : « Notre rôle est essentiellement un rôle

d’exploitation et de mise en valeur du patrimoine archéologique et historique, et des

musées, participer à développer le tourisme culturel avec les partenaires concernés et

l’organisation des grandes manifestations culturelles. On a un rôle indirect qui est d’aider

les associations de sauvegarde, n’empêche que l’agence peut travailler sur certains projets

d’études, comme le projet du circuit culturel de la médina 205». L’AMVPPC est visiblement

une institution à cheval entre le tourisme et la culture, elle travaille sur certains projets

d’études et sur l’organisation de différents événements culturels dans la médina, mais elle

n’intervient pas directement au niveau des habitants.

4.5. Relation entre acteurs : Discours et réalités : Madame Inchirah Habbabou, Architecte et Consultante en patrimoine affirme avoir travaillé au sein des administrations du ministère plusieurs années. La majorité des restaurations qui ont été faites étaient dans le cadre de missions avec l’état et des appels d’offres. Les démarches de sauvegarde de l’Institut National de patrimoine sont plus orientées vers les monuments de la médina. L’ASM sous tutelle de la municipalité de Tunis s’occupe plutôt de

204 Entretien avec Khirallah BEN HFAIDH, urbaniste en chef au sein de la municipalité de Tunis. 205 Entretien avec Lotfi BOUZOUITA, Architecte et Directeur de l’Agence de Mise en valeur et de Promotion du Patrimoine Culturel, sous tutelle de ministère de la Culture.

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tout ce qui est public. Elle permet généralement la mise en valeur de l’infrastructure générale, la création et réhabilitation de circuits dans la médina, l’embellissement des façades et des parcours… L’INP intervient dans ce qui est en rapport avec l’état et surtout les monuments. L’action du ministère de la culture, à travers l’Agence de Mise en Valeur et la Promotion du Patrimoine Culturel se fait plutôt au niveau de l’organisation des festivals et événements culturels. Mais les espaces résidentiels présentent un problème à ce que nous avons pu constater. Les actions envers les maisons sont absentes. A part les prêts et les aides techniques et suivis de chantier qu’offrent l’ASM, il n’y a pas d’actions concrètes de sauvegarde des espaces résidentiels. Il faut noter que certaines demeures, sont en très mauvais état, et ces maisons sont décrites par quelques habitants de la médina en tant que monuments historiques, qui sont entrain de se perdre. Madame Faika Bejaoui, Directeur Adjoint à l’ASM nous affirme : « Il ne faut pas oublier qu’ils sont des propriétés privées. On est entrain d’encourager les propriétaires privés. On est entrain de donner des crédits, pour que les gens puissent réhabiliter. Et quand on donne des crédits, c’est une assistance technique et graphique que l’ASM offre aux habitants s’ils ont un problème. Bon il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de problèmes au niveau foncier, des ennuis au niveau des héritages, ils ne se mettent pas tous d’accord ni pour vendre, ni pour réhabiliter. C’est des choses qui mettent du temps malheureusement 206». Et bien sur, pour l’ensemble des acteurs, le plus gros défaut de ces démarches est les moyens financiers. Monsieur Zoubeir Mouhli affirme : « Il n'y a pas une politique de prêt pour une aide de la réhabilitation dans les centres anciens, on a toujours réclamer très fort, c'est pour ça qu'ils ne veulent pas classer les maisons, parce que si on les classe comme monument national ou historique, l’état normalement s'appelle à aider les propriétaires à faire les travaux, hors comme le ministère de la culture n'a pas d'argent il préfère ne pas le classer, et classer tout ce qui est public et ce qui est restauré déjà qui est contraire à l’esprit de classement 207». Un autre problème se présente à part le manque de moyens, qui est le manque de gens spécialisés et formés dans la restauration, Madame Radhia Ben Mbarek affirme : « il n’y a pas forcement assez de budget disponible, il y a aussi les spécialistes, aussi bien les architectes, les différents intervenants qu’aussi les ouvriers, déjà on n’a pas d’entreprise spécialisée, on n’a pas suffisamment d’ouvriers pour intervenir sur tous les biens historiques qui existent 208». Et elle affirme aussi qu’il n’y a pas d’aides au niveau de l’INP pour la conservation du bâti résidentiel : « Non, on n’a pas de rapport avec les privés, juste au niveau des permis de bâtir (…). Nous c’est beaucoup plus une administration étatique, et ceux qui ont le plus de contacts avec le privé, c’est surtout l’ASM et la municipalité, nous c’est plus si une personne vient, on la conseille, la sensibilise ». Une grande différence est visible entre les discours des acteurs et la réalité des choses. Tous les acteurs affirment qu’ils sont entrain de sensibiliser la population locale. Mais faut-il peut être dépassé le stade de la sensibilisation ? Monsieur Lotfi Bouzouita affirma aussi : « Le code du patrimoine dit normalement que les monument classés peuvent bénéficié d’une aide quand ils précisent les caractéristiques monumentales, mais

206 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 207 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte et directeur adjoint en architecture et urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 208 Entretien avec Radhia BEN MBAREK, Responsable de la conservation de la médina à l’Institut National de Patrimoine.

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réellement sur le plan pratique, aucune mesure n’est faite, et théoriquement ils ont droit de recevoir une aide de l’état, cette aide n’a pas été définie c’est quoi sa forme, et comment la mettre en application, ça n’a pas été fait 209». Pour ces différents acteurs, la médina de Tunis, en aucun cas n’est entrain de suivre l’exemple de Marrakech et devenir une médina habitée que par les étrangers. Elle est certes entrain de retrouver un nouveau souffle grâce aux efforts entrepris depuis les années 80. Madame Faika Bejaoui affirme : « On ne travaillera jamais dans ce sens là ! On est entrain de faire tout notre mieux pour que les gens restent. Pour moi l’exemple de Marrakech c’est pas du tout un exemple à suivre, je n’ai pas envie d’avoir une médina réhabilitée d’un point de vue matériel, les murs, mais elle n’est pas réhabilitée socialement et économiquement, ce n’est pas notre propos 210». Monsieur Lassàd Ben Slimen la rejoint sur ces propos en affirmant : « Mais non, la médina de Tunis ne sera pas comme celle de Marrakech. On est exigeant sur ce point, les étrangers n’ont pas le droit d’acheter dans les médinas! Imagines dans toute la médina, il y a seulement 4 ou 5 étrangers qui y sont installés ! Et ils ont du vraiment faire beaucoup d’efforts et convaincre les autorités pour avoir des permissions. Donc, à Tunis, on n’a pas donné la possibilité aux étrangers d’acheter des maisons dans la médina, la priorité est aux tunisiens, c’est clair. Et c’est un choix qui est justifié. On ne veut pas que ça devient comme Marrakech 211». Les étrangers ne peuvent pas facilement acheter des biens immobiliers à la médina de Tunis. Cela est réglementé par un décret. On peut lire sur le site de l’Association Démocratique des Français à l’Etranger que « l’autorisation d’achat du bien immobilier, donnée par le gouverneur, est obligatoire. La politique foncière varie suivant les gouvernorats ; les gouvernorats interdisent parfois aux étrangers l’achat de biens situés dans les médinas ; le gouvernorat de Djerba, celui de Tozeur, leur interdit tout achat ; celui de Tunis est très souple, sauf pour la médina 212». En effet, la sauvegarde de la médina de Tunis semble être beaucoup plus encadrée par l’administration et la municipalité. « La médina n’est pas du tout un ghetto culturel, elle continue à être vivante, et même ceux qui veulent faire des projets culturel ou touristique sont à 99% des tunisiens, c’est différent de Marrakech, ça c’est très important, ce n’est pas du tout la même démarche, pour Marrakech il y a 600 ou 700 hôtels qui sont revendus pour la troisième fois maintenant, ce sont des affaires, c’est la spéculation, c’est le bisness, ce n’est pas du tout le cas en Tunisie 213». A la médina de Tunis, la démolition n’est pas autorisée facilement comme à Marrakech, malgré qu’il y ait parfois des opérations très dégradantes. Donc, pour le cas de Tunis, il faut bien trouver un équilibre. C’est loin de devenir un ghetto touristique, la médina de Tunis ne veut pas devenir un lieu d’application d’exotisme et d’orientalisme par des étrangers. Elle reste ouverte aux investissements pour la valorisation de son patrimoine, mais elle n’est pas prête pour changer son image, afin de plaire aux touristes.

209 Entretien avec Lotfi BOUZOUITA, Architecte et Directeur de l’Agence de Mise en Valeur et Protection du Patrimoine Culturel. 210 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et directeur adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 211 Entretien avec Lassàd BEN SLIMEN, Architecte à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 212 ADFE, Association Démocratique des Français à l’Etranger, Questions immobilières. 213 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte et Directeur Adjoint en architecture et urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina.

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Pour les différents acteurs, il n’y a pas de modèle à suivre. La médina de Tunis a ses propres

spécificités. « Il y a des choses positives et négatives, mais quand même c’est une

expérience osée qui a traité tous les problèmes au même temps, on reconnait

l’interdisciplinarité au niveau des interventions 214». Il s’agit d’une démarche patrimoniale

qui a travaillé en parallèle avec l’aspect social pour offrir un bien être aux habitants. Ce qui

n’a pas été le cas de plusieurs médinas du monde arabe dans lesquelles « malheureusement

il y a de beaucoup de restaurations Disney-landaise, pour faire ancien 215». Chaque société

est différente, les cultures aussi même entre les pays du Maghreb. Chaque médina reflète

les pratiques et le vécu de la société. Donc, même s’il y a des ressemblances au niveau du

tissu ou de la hiérarchie urbaine, chaque médina présente un cas d’étude spécifique et

particulier.

Il y a eu une prise de conscience des décideurs de l’importance de la sauvegarde du patrimoine de la médina. Ceci a été matérialisé par la promulgation du code du patrimoine, la révision du code de l’urbanisme et la création d’un « plan de développement des municipalités ». D’autres circuits touristiques sont étudiés, d’autres restaurations de monuments aussi. Madame Inchirah Habbabou affirme : « On ne peut pas réfléchir sauvegarde si on ne réfléchit pas le social, l’économique, le culturel et le cultuel, ils vont ensembles, c’est un tout ». Avec toute une équipe de spécialistes, elle a proposé une étude pour aider les gens à la restauration à travers des aides, des subventions et des textes de lois convenables, mais ils espèrent que cette étude ne finisse pas dans les tiroirs des administrations concernées. « L’étude est finalisée réellement, elle est terminée, mais est ce qu’on va l’utiliser ? Il y a des textes qui sont proposés, qui doivent être réécrits par l’administration, à approuver etc… Est-ce qu’ils vont le faire ? Est ce qu’il va y avoir de l’argent pour mettre en place une forme de subvention ? Tout ça on ne le sait pas, mais la sauvegarde du patrimoine existant passe par là, et elle ne pourrait passer que par là 216». Monsieur Lotfi Bouzouita, Directeur de l’Agence de Mise en Valeur et de Promotion du Patrimoine Culturel affirme que « pour changer ce comportement, il faut beaucoup de travail, il faut l’intervention de tous les partenaires de la vie économique et culturelle, de l’office du tourisme, des autorités locales, des équipements, de l’artisanat, tous les aspects de la ville, et il y a un plan d’action qui est destiné à ça, et donc il faudrait créer des structures, et une inertie entre les différents acteurs pour que le tourisme soit différent à l’échelle humaine, ceci ça lui faut un grand travail à long terme, il faut aussi que la société tunisienne soit partie prenante et active dans ce type de structures culturelles et de tourisme culturel de manière générale, et qui eux-mêmes créent cette dynamique, et ce changement intérieur dans ce type de tourisme, car le grand problème c’est la mise en synergie de l’ensemble des acteurs 217». Des actions sectorielles ainsi qu’une planification juridique du code du patrimoine sont nécessaires. Et peut être il faudra dépasser le stade de « mémoire » de la médina de Tunis, Monsieur Fakher Kharrat dit dans ce cadre : « peut être il faut retrouver les lieux de

214 Entretien avec Faika BEJAOUI, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 215 Entretien avec Zoubeir MOUHLI, Architecte et Directeur Adjoint en architecture et urbanisme à l’Association de Sauvegarde de la Médina. 216 Entretien avec Inchirah HABBABOU, Architecte et Consultante en patrimoine. 217 Entretien avec Lotfi BOUZOUITA, Architecte et Directeur de l’Agence de Mise en valeur et de Promotion du Patrimoine Culturel.

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mémoire plutôt de retrouver la mémoire et les offrir dans un accès moderne de reconnaissance de toute son histoire plutôt que de faire des choix 218». « Entre ces différents acteurs, il n’y a pas forcement de consensus en terme de représentation patrimoniales. Il n’y a pas toujours de consensus en termes de gestion, de pérennisation ou de transmission du patrimoine en question (…). Moi je crois que nous n’avons pas réussi à tirer profit de la qualité patrimoniale historique de la médina et offrir un cadre propre et opportun pour le tourisme qui rend compte de la qualité de la médina, donc il y a beaucoup de zones d’ombres 219». Mais les travaux en ce moment sont gelés. Il n’y a pas un grand avancement depuis la révolution. En plus de cela, la famille Trabelsi, la famille de l’ex président Ben Ali monopolisait le marché, tout passait par eux. Or aujourd’hui la Tunisie se trouve dans une situation nouvelle. Donc beaucoup de travaux sont gelés pour le moment en attendant un cadre de travail plus clair et plus réglementaire et une coordination plus efficace. Monsieur Khirallah Ben Hfaidh, Urbaniste en chef à la municipalité de Tunis dit que « même le circuit touristique est lâché par les autorités, ils écrivent sur les murs, ils y mettent de la poubelle, c’est les suites de la révolution, mais il y a un coté qu’il faudrait peut être réactivé, c’est l’engagement de la population 220». « L’environnement naturel et le cadre bâti de Tunis post-révolution sont victimes ces derniers mois, d’actes de vandalisme et de comportements irresponsables. Démolitions dans un but de reconstruction spéculative, extensions de maisons ou interventions sur les façades sans autorisation, agression à l’espace public et atteintes aux centres historiques, ont entrainé une dégradation sérieuse du cadre bâti à laquelle la société civile est appelée à réagir par tous les moyens et surtout à travers l’éducation environnementale 221». Il nous a fallu passer notre dernier entretien avec Madame M.J.F, une historienne, architecte et enseignante pour se rendre compte qu’il y a effectivement beaucoup de zones d’ombres dans la gestion de la médina. Elle nous a confirmé que « le patrimoine est une arme a double tranchons, il y a beaucoup de « problèmes » avec les acteurs (…). Il y a de bonnes volontés, mais il faut des études très approfondies et on n’est pas entrain d’aller très loin,

on a la structure administrative, on peut trouver l’INP, l’ASM etc, et il n’y a pas de coordination entre eux, entre les structures de recherches et d’architecture, l’ASM en elle-même a été crée pour aider les gens, mais c’est une arme a double tranchons, elle aide certaines personnes, d’autres non 222». « En fin de compte, le problème en Tunisie, les institutions n’aident pas à l’investissement, surtout pas les banques, elles n’aident pas à l’investissement, la phrase qui dit qu’on ne prête qu’aux riches est très actuelle, et malheureusement, les banques ne voient que les intérêts et l’argents qu’ils peuvent en tirer… la municipalité ne joue pas son rôle, d’orienter les gens à faire vraiment du tourisme de qualité, et quand je parle de tourisme de qualité, ils autorisent les boutiques d’ouvrir et de vendre n’importe quoi, mais ça doit être vraiment

218 Entretien avec Fakher KHARRAT, Architecte, spécialiste dans l’étude et la restauration des monuments, directeur de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis. 219 Maria GRAVARI-BARBAS, Les acteurs, Habiter le patrimoine, p.147 à 149. 220 Entretien avec Khirallah BEN HFAIDH, Urbaniste en chef à la municipalité de Tunis. 221 Zoubeir MOUHLI, Le droit au patrimoine, article paru au journal La Presse, du 13 Février 2012. 222 Entretien avec M.J.F, Architecte, historienne et enseignante à l’Université.

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très encadré, et de les inciter à voir la boite tunisienne artisanale qui marche très bien, et qui malheureusement n’est pas bien présentée 223». Cela prouve que les efforts entrepris pour la mise en valeur de la médina ne sont pas

souvent complémentaires. Les stratégies de restauration sont absentes, les moyens pour

faire des stratégies n’existent pas. Enfin, Monsieur Fakher Kharrat affirme : « On n’a pas des

indicateurs sur la situation actuelle, je crois qu’il faut mettre à jours toutes les études

socio-économiques et même des diagnostics de la situation que ce soit sur l’aspect social,

urbain et architectural pour pouvoir planifier, parce que le problème est l’immensité de la

tache, il n’y a pas jusqu’à maintenant une planification efficace ou bien parce qu’il y a un

manque de moyens ou bien un manque d’information 224».

5. Synthèse : « Indépendamment de la valeur architecturale des éléments qui composent une médina (palais, mosquées, medersas, Tourbet ...), celle-ci de par le contenant et le contenu, mérite de compter comme une valeur monumentale et un patrimoine à sauvegarder ... Toutes ces médinas et bien d'autres recèlent des monuments prestigieux destinés au culte, à l'enseignement, à la résidence mais ce qu'elles ont de plus remarquables, c'est l'intégralité de leur tissu urbain. Ces monuments ne sont point des vestiges dégagés de leur environnement et présentés aux touristes comme des œuvres architecturales isolées, mais sont bien dans leur contexte et leur échelle d'origine, tous imprégnés du milieu qui les a engendré 225».

La politique de sauvegarde et de réhabilitation a été appréhendée d’une façon globale dans la médina mais pas dans la totalité des quartiers. La réussite est estimée du fait que le principe même de la sauvegarde de la médina est devenu central et directionnel de la pensée publique et de la gestion urbaine dans la partie ancienne de la ville. Le bilan des sauvegardes effectuées pendant les vingt dernières années dans la médina, met en évidence l’énorme travail accompli en faveur non seulement de la préservation et de la réhabilitation du patrimoine architectural, mais aussi de l’amélioration des conditions de vie de ce quartier emblématique. Un sérieux effort doit être fourni pour la réhabilitation des espaces résidentiels. Il reste encore beaucoup à faire pour répondre à la demande des habitants et des artisans de la médina. L’état de l’artisanat est inquiétant aujourd’hui, plusieurs métiers d’artisans sont entrain de disparaitre. Il y a une prise de conscience d’une certaine catégorie d’habitants instruits dans la médina, mais aussi en dehors de la médina qui sont entrains d’y revenir pour s’installer et monter des projets et des investissements.

223 Entretien avec le gérant et un des propriétaires de l’hôtel de charme Dar El Mdina. 224 Entretien avec Fakher KHARRAT, Architecte, spécialiste dans l’étude et la restauration des monuments, Directeur de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis. 225 Jamila BINOUS, La gazette touristique de Tunisie, Octobre 1986.

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Conclusion Générale

En analysant la médina dans sa structure actuelle, nous nous rendons compte de la complexité des problèmes qui se sont accumulés à travers plus d’un siècle sur le plan politique, économique et social.

La médina de Tunis constitue un produit potentiel pour un tourisme culturel, et même d’affaires. Le développement du tourisme culturel est supposé apporter une nouvelle vie et participer à la sauvegarde de la médina. Cela demande le déploiement de moyens énormes en capitaux humain, technique et financier avec une implication des autorités et des acteurs du tourisme et de la culture.

La population doit être plus sensibilisée à son bien collectif et privé. La préservation de ce patrimoine est une responsabilité partagée. Et pour cela, il faut « œuvrer à une bonne compréhension scientifique des phénomènes, améliorer les pratiques de l’urbanisme et d’architecture, ouvrir les débats politiques, assurer la responsabilité civique devraient permettre une meilleur appropriation de l’espace par les différents acteurs sociaux en présence : dans une telle perspective, les discontinuités spatiales et les ségrégations sociales pourraient probablement s’estomper 226».

Nous pouvons constater qu’il y a une situation contradictoire, entre le tourisme de masse visible sur le terrain, et le discours des acteurs pour promotion d’un tourisme culturel. La part du tourisme culturel dans la sauvegarde de la médina est négligeable. L’interaction artisanat tourisme culture est essentielle pour la promotion de ce tourisme culturel. Il faut orienter plus le tourisme vers une pratique qui repose sur une volonté de découverte et d’échanges. La mise en valeur des structures de l’activité artisanale est une nécessité pour les adapter aux nouveaux modes de commerce qui répondent à un tourisme culturel de qualité. L’artisanat doit s’imposer et reprendre sa position. Il doit être au service d’un tourisme culturel pour promouvoir ce savoir faire. Sa promotion doit être basée sur des produits de qualités et authentiques. Un contrôle des produits proposés doit être instauré dans la médina.

Il y a un ensemble de mouvements parallèles émanant des politiques locales, qui permettent la sauvegarde et la mise en valeur de la médina, s’adressant à un public beaucoup plus large et pas seulement les touristes. Ces mouvements de sauvegardes sont multiples et ont une part importante dans la réhabilitation du patrimoine de la médina de Tunis. La médina et son patrimoine sont entrain de regagner de l’intérêt par un grand effort entrepris par les différents acteurs. Mais cet effort semble être freiné par le manque de coordination entre les intervenants et organismes à la médina. Tout ceci nécessite une coordination plus importante, large et plus régulière. Un dialogue doit se mettre en place entre les représentants des différents secteurs économique et touristique. Il faut peut être œuvré vers des projets communs de réhabilitation de la médina, ses monuments et son

226 Jalel ABDELKAFI, La médina de Tunis, éditions du CNRS, p.139.

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artisanat. Il faut dépasser peut être le stade de la mise en place de projets individuels déconnectés des autres disciplines. Un effort de concertation doit être entrepris entre ces institutions et la population habitant et travaillant à la médina. Une sensibilisation de la population locale est nécessaire car nous avons l’impression que certains ne sont pas conscients de l’importance de la préservation du cadre bâti de la médina malgré tout l’attachement qu’ils peuvent y manifester. A travers la transmission des savoirs et la séduction d’images héritées, la médina reste marquée par la nostalgie d’une époque dorée et mythifiée.

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Documentaires :

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

110

- Figure 37 : LAHBIB Taher, les tunisois, Les tunisois, el-beldia, publiée le 28/03/2012, consultée le 19/06/2012.

- Figures 38 et 39 : Photos personnelles, prises le 02/05/2012. - Figures 40: WIKIPEDIA, Fichier: Salle Dar Lasram.jpg,

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Salle_Dar_Lasram.jpg, consultée le 19/04/2012. - Figure 41: TRIPADVISOR, Dar Lasram, http://www.tripadvisor.ie/Attraction_Review-

g293758-d1790968-Reviews-Dar_Lasram-Tunis_Tunis_Governorate.html, publiée le 17/04/2012, consultée le 20/06/2012.

- Figure 42 : EZ-ZANSFOURI Traki, Les tunisois, el-beldia, publiée le 05/01/2009, consultée le 19/06/2012.

- Figures 43 et 44 : Photos personnelles, prises le 19/04/2012. - Figures 45 à 48 : KAMMOUN Mohamed Zaher, Visite virtuelle à la médina de Tunis,

http://tunisienature.canalblog.com/archives/2011/08/27/21873640.html, publiées le 27/08/2011, consultée le 21/06/2012.

- Figures 49 à 51 : Photos personnelles, prises le 29/03/2012. - Figure 52 : AMMAR Leila, Histoire de l’architecture en Tunisie, de l’antiquité à nos

jours, p.208. - Figure 53 et 54 : Photos personnelles, prises le 01/04/2012. - Figure 55 : MAGICLUB VOYAGES, Hôtel de Charme Dar El Médina

Tunis / Tunisie, http://www.magiclub.com/magiclub/fr/tunisie_tunis_dar_el_medina.htm, consultée le 12/06/2012.

- Figure 56 : TNECNOC, Hôtel Dar El Medina, guide voyage, http://guidevoyage.org/trouver-hotel-tunis/, consultée le 12/06/2012.

- Figure 57 et 58 : EL BEHI, Dar El Behi, Panoramio, http://www.panoramio.com/photo/16914764, consultées le 12/06/2012.

- Figure 59 : RESTOS TUNISIE, Dar Hammouda Pacha Tunis, http://www.resto-tunisie.com/restaurant-dar-hamouda-pacha-,tunisie,345.html, consultée le 12/06/2012.

- Figure 60 : MW2, Les Souks De la médina de Tunis, http://guidevoyage.org/voyage-tunis-souk-medina/, consultée le 12/06/2012.

- Figure 61 : DOCK EVENTS TUNISIE , SOUK MEDINA DE TUNIS, http://dockevents.blogspot.fr/2010_10_01_archive.html, publiée le 05/10/2010, consultée le 12/06/2012.

- Figure 62 : Photo personnelle, prise le 04/04/2012. - Figure 63 : LLA MANENA, Les tunisois, el-beldia, mosquée Ezzitouna, publiée le

11/05/2009, consultée le 19/06/2012.

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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Annexes

Annexe 1 : Aperçu historique : Evolution urbaine: Période Préislamique : La configuration de Tunis Préislamique est tout à fait incertaine vu le manque de preuves archéologiques et de documents historiques. Tout ce que nous pouvons déduire des textes historiques, c'est que Tunis était pourvue d'une enceinte fortifiée dans le 4ème siècle av J-C. Période Islamique : « Ce n'est qu'avec la conquête musulmane qu'elle sortit de ces siècles obscurs pour un rôle dont les auteurs arabes n'ont pas négligé de souligner l'importance ». Les premiers travaux entrepris par les Arabes avaient un intérêt défensif. Ils se résumaient en la création d'un port et d'un arsenal, la fondation de la Ezzitouna en 703 et le creusage d'un fossé circulaire servant à la défense. Autour du sanctuaire, le quartier des souks prenait place. A partir de l'époque Aghlabide le paysage urbain se précise de plus en plus, grâce à l'identification de nombreux édifices très variés. Tout autour de la cité, s'allongeaient des cimetières repoussant la zone urbanisée vers le centre de la Médina où l'habitat se concentrait entre les deux axes Nord-Sud. Avec les Banù Khorassan, la cité s fermait sur elle-même et redevient une sorte de ville-citadelle communiquant avec la compagne par trois portes. La mosquée Ezzitouna s'ouvre largement sur les souks par l'aménagement de nouvelles portes, ce qui atteste l'extension urbaine de cette époque. Une extension urbaine qui donnait naissance aux deux faubourgs, qui semblaient acquérir une certaine importance. En 1317, les Hafsides édifiaient les remparts des faubourgs. La multiplication des portes constituait l'une des manifestations les plus révélatrices de l'explosion urbaine de la Médina. Après la fondation de la Kasbah, la ville devait s'ouvrir d'avantage et de nouvelles portes s'installaient : Bab Jedid et Bab Benat. Les Hafsides ont marqué leur époque par l'édification de plusieurs medersas et zawiyas. De nouveaux souks se sont groupés autour de la Ezzitouna : souk El Qoumech et souk des parfumeurs. De nouveaux fondouks ont été édifiés. « Dès la fin de l'époque Hafside, Tunis, par ses fonctions et son armature urbaine semble prendre le visage qu'elle gardera jusqu'à nos jours ». Sous les Turcs le tracé urbain global n'a pas connu d'évolution remarquable.

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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Tandis que, plusieurs nouveaux édifices ont vu le jour : les mosquées au rite Hanifite de style nouveau, les tourbas, des nouveaux souks ... Le quartier aristocratique des Turcs prenait place au Nord-Ouest de la Médina. Enfin, les changements dans la ville, pendant l'époque turque, n'ont pas entraîné une extension territoriale de la Médina : les mosquées, les souks, les palais s'élevaient là ou se trouvaient les quartiers des époques précédentes.

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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Annexe 2 : Entretiens :

A. Entretiens avec les acteurs : Entretien 1 avec : Mme Faika Bejaoui, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis. Entretien 2 avec : Mr Lassàd Ben Slimén, Architecte à l’Association de Sauvegarde de la Médina. Entretien 3 avec : Mr Zoubeir Mouhli, Architecte et Directeur Adjoint à l’Association de Sauvegarde de la Médina. Entretien 4 avec : Mme Inchirah Hababou, Architecte, Enseignante à l’Ecole d’Architecture de Tunis, Consultante en patrimoine, restauration et réhabilitation. Entretien 5 avec : Mme Radhia Ben M’barek, Architecte, Responsable de la conservation de la médina au sein de l’Institut National du Patrimoine. Entretien 6 avec : Mme Salwa Fatnassi, Responsable du centre de formation d’artisanat. Entretien 7 avec : Mr Mohamed Chari, Responsable administratif dans la délégation. Entretien 8 avec : Mr Salah Ayadi, Responsable de Tourbet El Bey. Entretien 9 avec : Mr Lotfi Bouzouita, Architecte et Directeur à l’Agence de Mise en Valeur et de Promotion du Patrimoine Culturel (AMVPPC). Entretien 10 avec : Mr Khirallah Ben Hfaiedh, Urbaniste en chef au sein de la municipalité. Entretiens 11 avec : Mme M.J.F, Architecte, Historienne, enseignante chercheur à l’école d’architecture. Entretien 12 avec : Mr Fakher Kharrat, Architecte, Spécialiste dans l’étude et la restauration des monuments, Directeur de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis. Questions posées :

1. Quelle est votre situation professionnelle ? 2. Depuis quand ? 3. Est-ce qu’il y a des opérations de sauvegarde et de restauration de la médina ? 4. Depuis quand ? Comment vous procédez ? 5. Qu’est ce qui a été déjà réalisé comme opérations de sauvegarde ? Monuments ?

Circuits ? 6. Qu’est ce que vous envisagez de restaurer dans le futur ? 7. Pourquoi un tel espace (monument) et pas un autre ? Comment vous procédez dans

vos choix ? 8. Est-ce que cet espace à une dimension sociale ? 9. Pour vous, est ce que cette institution et l’existence de ce centre dans la médina met

en valeur la médina ou pas ? 10. Comment vous luttez contre la dégradation du bâti, spécialement des maisons et

espaces résidentiels ? 11. Face aux personnes qui quittent la médina, est ce que vous agissez pour leurs

permettre de garder leur patrimoine ? 12. Est-ce qu’il y a des aides pour les habitants pour la sauvegarde de leurs biens ? 13. Quels types d’aides ? 14. Est-ce que tout ceci a un rapport avec le tourisme ? 15. Comment voyez-vous ce rapport ? 16. Est ce qu’il y a d’autres mouvements locaux de sauvegarde et de mise en tourisme

de la médina?

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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17. Est-ce que vous intégrez la population locale dans vos démarches de sauvegarde ? 18. J’ai remarqué que vous avez donné beaucoup de fonctions à des monuments, tels

que la délégation, la medersa Rachidia. Est-ce que c’est votre choix à vous ? Où comment ça se passe ? Ca permet de faire vivre le bâtiment ?

19. Pourquoi ce choix de s’installer dans ce monument ? 20. Y-a-t-il des visiteurs, des touristes ? Quel est le but de cette restauration de cet

espace, est il destiné uniquement aux touristes ? Aux habitants ? 21. Quelle est devenue la population tunisoise qui a quitté autrefois la médina ? 22. Est-ce qu’ils sont entrain d’y revenir ? 23. Quelle est votre volonté par rapport à cette population ? 24. Quelle est votre volonté par rapport à la population actuelle ? 25. Est-ce que la médina, ce lieu de mémoire et de culture, est entrain de retrouver un

nouveau souffle ? 26. Est-elle entrain de devenir un pôle d’activités culturelles et touristiques

incontournable ? Où elle va suivre l’exemple de Marrakech et devenir une médina habitée que par les étrangers ?

27. Est-ce que vous avez un modèle de médina dans le monde arabe à suivre ? Pourquoi ?

28. La majorité des touristes à la médina appartient à la catégorie tourisme de masse, est ce que vous avez des projets de valorisation d’autres types de tourisme ?

29. Beaucoup de problèmes existent dans la médina, le tourisme de masse, les guides, les articles chinois, manque de sécurité, la saleté… Comment vous vous positionnez par rapport à tout cela ?

30. Comment faire face aux problèmes de sécurité, de saleté dans la médina?

B. Entretiens avec les habitants actuels la médina :

1. Quel est votre âge ? 2. Quel est votre métier ? 3. Quel est votre niveau d’études ? 4. Quel était le lieu d’habitation de vos parents ? 5. Quelle était la profession de votre père ? 6. Où habitez-vous actuellement ? 7. Êtes-vous locataire ou propriétaire ? Depuis quand ? 8. Combien de temps avez-vous vécu à la médina ? 9. Comment vous voyez la médina aujourd’hui ? 10. Qui fréquente votre demeure ? 11. Quel est leur nombre ? 12. Où faites-vous les courses ? 13. Qui croisez vous devant votre demeure / dans les rues adjacentes ? 14. Si des touristes, qu’est ce que vous pensez de leur présence ? 15. Quel est votre position par rapport au tourisme dans la médina ? 16. Comment voyez-vous le tourisme ? 17. Quels sont les rapports que vous avez pu avoir avec les touristes, quels types de

transactions ? 18. Quelles connaissances avez-vous du touriste et tourisme en médina ?

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

115

19. Quelles sont vos représentations par rapport aux touristes ? Est ce que ça vous intéresse ou pas ? Pourquoi ?

20. Est ce que vous pensez qu’il est nécessaire de faire des travaux ? 21. Si oui, quand allez-vous les faire ? 22. Si non, pourquoi ? 23. Existent-t-ils des organisations ? des aides financières pour la restauration ? 24. Quel est votre rapport avec l’état et ces organisations ? 25. Par rapport aux politiques locales, dans le sens que ces politiques jouent un rôle

dans la rencontre habitant/touriste, est ce qu’il y a d’autres aides de la part des autorités pour les populations qui souhaitent partir afin qu’ils envisagent de rester ?

26. Qu’est ce que ces habitants attendent des autorités pour qu’il y ait un véritable projet de mise en valeur de la médina par les habitants et les touristes ?

27. Voulez vous rester toujours à la médina ou vous comptez partir un jour ? Pourquoi ?

C. Entretiens avec les habitants qui ont quitté la médina :

1. Quel est votre âge ? 2. Quel est votre métier ? 3. Quel est votre niveau d’études ? 4. Où habitez-vous actuellement ? 5. Quelle était la profession de vos parents ? 6. Quel était le lieu d’habitation de vos parents ? 7. Combien de temps avez-vous vécu à la médina ? 8. Comment avez-vous vécu les inconvénients de vivre dans la médina ? 9. Quels sont les raisons qui vous ont poussés à quitter la médina ? 10. Qu’est ce qu’il aura fallu avoir de plus pour que vous y restiez ? 11. Est-ce qu’il y a une nostalgie ? Si oui, Quels sont les éléments de cette nostalgie ? 12. Comment vous voyez la médina aujourd’hui ? 13. Est-ce que vous y aller de temps en temps ? Pour quelles raisons ? 14. Envisagez-vous d’y revenir s’installer ? Pourquoi ?

D. Entretiens avec les habitants qui ont quitté la médina, et y sont revenus avec des projets :

1. Quel est votre âge ? 2. Quel est votre métier ? 3. Quel est votre niveau d’études ? 4. Où habitez-vous actuellement ? 5. Quelle était la profession de vos parents ? 6. Quel était le lieu d’habitation de vos parents ? 7. Combien de temps avez-vous vécu à la médina ? 8. Comment avez-vous vécu les inconvénients de vivre dans la médina ? 9. Quels sont les raisons qui vous ont poussés à quitter la médina ?

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LA MEDINA DE TUNIS : Tourisme, Patrimoine et Gentrification Mohamed Trabelsi

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10. Qu’est ce qu’il aura fallu avoir de plus pour que vous y restiez ? 11. Quels sont les raisons qui vous ont poussés à y revenir ? 12. Quand êtes vous revenus ? 13. Comment vous voyez la médina aujourd’hui ? 14. Vous y êtes aujourd’hui dans la même demeure familiale ou avez vous achetez une

autre ? 15. Avez-vous restaurez votre demeure en revenant ? 16. Quel était le montant des travaux effectués ? 17. Avez-vous reçu de l’aide financière de l’état ou d’autres organisations ? 18. Avez-vous changé la fonction de votre demeure ? 19. Si oui, en quoi ? Et pourquoi ? 20. Si c’est du commerce, est ce que ça marche ? 21. Qui fréquente votre demeure ? 22. Quel est leur nombre ? 23. La médina est elle la même avant et aujourd’hui ?

E. Entretiens avec les touristes à la médina :

1. Quel est votre âge ? 2. Quel est votre métier ? 3. Quel est votre niveau d’études ? 4. Quel est votre lieu d’habitation actuel ? 5. Est-ce que vous avez voyagé avant durant votre enfance ? 6. Si oui, où ? Quand ? Comment ? 7. Où habitez-vous à la médina ? Depuis quand ? 8. Vous y êtes provisoirement, ou à long terme ? 9. Qu’avez vous visiter à la médina, des demeures ? des monuments ? des musées ? 10. Qu’est ce que vous faite pendant tout le temps que vous passez à la médina ?

Quelles sont vos pratiques ? 11. Pour ces visites, vous suivez des guides, des circuits ? Ou au hasard ? 12. Comment trouvez-vous la médina ? 13. Qu’est ce qui vous intéresse le plus à la médina ? 14. Pourquoi avoir choisi de venir à la médina de Tunis et pas une autre médina du

monde arabe? 15. Pensez-vous y revenir un jour ? et pour combien de jours ?

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F. Entretiens avec les commerçants de la médina :

1. Quel est votre âge ? 2. Quel est votre métier, depuis quand ? 3. Quel est votre niveau d’études ? 4. Quel est votre lieu d’habitation actuel ? 5. Êtes-vous locataire ou propriétaire de votre magasin ? Depuis quand ? 6. Avez-vous habité à la médina ? Si oui, combien de temps ? 7. Quelle était la profession de votre père ? 8. Comment vous voyez la médina aujourd’hui ? 9. Depuis combien de temps travaillez-vous ici ? 10. Est-ce que vos conditions de travail ont changé ? 11. Qui fréquente votre magasin ? Qui sont vos clients ? 12. Quel est leur nombre par jour ? 13. Qu’est ce qu’ils consomment ? 14. Qu’est ce que vous pensez de ce que vous gagnez par mois ? 15. Que pensez-vous de la présence des touristes à la médina ? 16. Y a-t-il plus de touristes par rapport à vos débuts ? 17. Est-ce que les affaires marchent mieux maintenant ? 18. Pourquoi ? 19. Quel est votre position par rapport au tourisme dans la médina ? 20. Voulez vous rester toujours à la médina ou vous comptez partir un jour ? Pourquoi ?