La medecine ayurvédique

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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2012) 12, 273—282 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com DONNÉES FONDAMENTALES Médecine ayurvédique et prévention du vieillissement : de la vérité révélée aux exigences de la science moderne, une doctrine médicale pleine de vitalité Ayurvedic medicine and anti-ageing prevention: From divine truth to modern scientific standards, a medical principle full of vitality D. Lefebvre Docteur en médecine. Fondateur et gérant de m-eden. Agence conseil en communication santé, 3, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, France Disponible sur Internet le 31 juillet 2012 MOTS CLÉS Ayurvéda ; Médecine ayurvédique ; Prévention du vieillissement Résumé La médecine ayurvédique, principale médecine traditionnelle indienne, a créé la première approche holistique préventive du vieillissement pathologique. Cette doctrine médi- cale est fondée sur une philosophie —– qui voit l’homme comme un système ouvert en continuité avec la nature —– et s’est structurée grâce à l’éclosion de la logique indienne des vii e et vi e siècles avant notre ère. Ce qui explique qu’elle privilégie la prévention au traitement. Elle offre à chaque individu, caractérisé par une biotypologie morpho-psychologique, une démarche per- sonnalisée sinon vraie, à tout le moins rationnelle vers le bien vieillir. Le médecin ayurvédique va s’attacher à harmoniser les différentes forces vitales de l’individu dont les déséquilibres sont à l’origine des maladies. Il met en œuvre une intervention multidomaine à l’aide de la diététique, de l’hygiène, du yoga et des massages et dispose d’une pharmacopée traditionnelle particu- lièrement riche qui lui permet de gérer l’être dans sa totalité. Aujourd’hui, cette approche stimule une recherche pharmacologique et clinique particulièrement vivace, au sein d’un cou- rant désireux d’intégrer les connaissances scientifiques modernes. L’objectif de cet article est d’expliquer les fondements rationnels de cette médecine préventive qui font qu’elle traverse les révolutions de la pensée, d’en décrire les principales caractéristiques et de faire le point sur les recherches actuelles au travers d’une revue de la littérature récente sur PubMed. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Article rédigé dans le cadre du Diplôme d’université de prévention du vieillissement pathologique 2011—2012 (Bicêtre—Paris Sud). Adresse e-mail : [email protected] 1627-4830/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2012.06.006

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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2012) 12, 273—282

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

DONNÉES FONDAMENTALES

Médecine ayurvédique et prévention duvieillissement : de la vérité révélée aux exigencesde la science moderne, une doctrine médicalepleine de vitalité�

Ayurvedic medicine and anti-ageing prevention: From divine truth to modernscientific standards, a medical principle full of vitality

D. Lefebvre

Docteur en médecine. Fondateur et gérant de m-eden. Agence conseil en communicationsanté, 3, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, France

Disponible sur Internet le 31 juillet 2012

MOTS CLÉSAyurvéda ;Médecineayurvédique ;Prévention duvieillissement

Résumé La médecine ayurvédique, principale médecine traditionnelle indienne, a créé lapremière approche holistique préventive du vieillissement pathologique. Cette doctrine médi-cale est fondée sur une philosophie —– qui voit l’homme comme un système ouvert en continuitéavec la nature —– et s’est structurée grâce à l’éclosion de la logique indienne des viie et vie sièclesavant notre ère. Ce qui explique qu’elle privilégie la prévention au traitement. Elle offre àchaque individu, caractérisé par une biotypologie morpho-psychologique, une démarche per-sonnalisée sinon vraie, à tout le moins rationnelle vers le bien vieillir. Le médecin ayurvédique vas’attacher à harmoniser les différentes forces vitales de l’individu dont les déséquilibres sont àl’origine des maladies. Il met en œuvre une intervention multidomaine à l’aide de la diététique,de l’hygiène, du yoga et des massages et dispose d’une pharmacopée traditionnelle particu-lièrement riche qui lui permet de gérer l’être dans sa totalité. Aujourd’hui, cette approchestimule une recherche pharmacologique et clinique particulièrement vivace, au sein d’un cou-rant désireux d’intégrer les connaissances scientifiques modernes. L’objectif de cet article estd’expliquer les fondements rationnels de cette médecine préventive qui font qu’elle traverse

les révolutions de la pensée, d’en décrire les principales caractéristiques et de faire le pointsur les recherches actuelles au travers d’une revue de la littérature récente sur PubMed.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Article rédigé dans le cadre du Diplôme d’université de prévention du vieillissement pathologique 2011—2012 (Bicêtre—Paris Sud).Adresse e-mail : [email protected]

1627-4830/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2012.06.006

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KEYWORDSAyurveda;Ayurvedic medicine;Anti-ageingprevention

Summary Ayurvedic medicine, the major traditional Indian medicine, has founded the firstsystemic preventive anti-ageing approach. This medical principle is based on a philosophy,which considers human beings as an open system in line with nature and has been structuredthanks to VIth and VIIth century Indian logic. Therefore, Ayurveda gives priority to prevention.Each individual, determined by a morpho-psychological bio-typology, has a corresponding if nottrue, at least rational, customized anti-ageing program. An Ayurvedic practitioner is dedicatedto preventing disharmony between the individual’s vital strengths that could lead to illness. Thepractitioner implements a multidimensional interventional program dealing with nutritional andlifestyle prescriptions, yoga, and massage, reinforced if needed by the Indian pharmacopeia.The Ayurvedic doctor treats human beings from every angle. Today, this approach has stimulateda strong pharmacological and clinical research program, initiated by a trend willing to integratemodern scientific knowledge. The objective of this review is to explain the rational foundationsof this preventive medicine, which could explain its persistence over the Ages, to describe itsmajor characteristics and to summarize recent PubMed references.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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e « bien vieillir » occupe une partie centrale dans laédecine ayurvédique, la plus importante médecine tradi-

ionnelle de l’Inde classique. Ses fondements remontent àa période védique, entre les xve et xie siècles avant Jésus-hrist, son apogée se situe lors de la dynastie des Gupta,ux environs des 320—500 après Jésus-Christ [1]. La méde-ine ayurvédique va structurer progressivement, pendant000 ans, une des toutes premières approches médicales sys-émiques de l’être humain, dont on ne trouvera d’équivalentu’avec la médecine chinoise. Aujourd’hui encore, la méde-ine ayurvédique occupe une place importante en Inde etntéresse de plus en plus l’Occident où elle est souventonsidérée à tort comme une médecine douce [1].

Ayurvéda, terme sanskrit, peut se traduire par le savoirveda) sur l’élan vital (âyur), mais encore par la scienceveda) du temps, de la durée de vie (âyus). Ce systèmeohérent est le fruit d’un mélange original de textesévélés, les Védas, d’esprit critique et d’observation,insi que de concepts philosophiques. Un système dont’acuité et l’intuition scientifique seront à l’origine de nom-reux concepts médicaux reconnus de nos jours, comme’homéostasie, la chronobiologie, la systémique, la méde-ine environnementale. . . tous liés au maintien de la vie enonne santé.

L’approche holistique de la médecine ayurvédique couvre la fois les aspects physiques, psychologiques, cognitifs,ociaux et moraux de l’être humain, via des prescriptions’hygiène et de mode de vie, d’alimentation et de diété-ique, le yoga et les massages [2]. Le médecin ayurvédiquentique, l’atharvan, était un guide de l’homme total : cor-orel, psychique, social et spirituel [2]. Il avait aussi àa disposition tout le savoir du Rasâyana-tantra, une desuit branches de l’Ayurveda consacrée spécifiquement à lacience des toniques capables de renforcer l’organisme, deonserver la jeunesse, de préserver l’intelligence et de pro-onger la vie.

Sur quel édifice conceptuel et, sinon vrai, du moins

ationnel s’est constituée cette véritable gérontologie pré-entive antique ? Quelle en était sa finalité ? Qu’en est-ilujourd’hui à l’ère de la science moderne et des exigencesn termes de recherches pharmacologiques et cliniques ?

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’objectif de cet article est de faire le point sur touteses questions, en faisant appel à l’ethnomédecine, ainsiu’à une revue de la littérature, des dernières publica-ions de recherche pharmacologique et clinique indexées surubMed.

l’origine, le respect du bon ordre duonde était le garant de la longévité

u commencement, la médecine de l’Inde est en partie sur-aturelle et magique. Elle s’inspire des Védas, textes révélésux sages (rishi) et colligés en sanskrit au cours de la secondeoitié du iie millénaire av. J.-C. Le médecin védique soignear le son, en appliquant des formules rituelles (mantra),ont l’effet est renforcé par des filtres et des amulettes. Leédisme considère la parole, de par ses vibrations, commen instrument de puissance. Les formules des hymnes sup-licatifs médicaux se trouvent en partie dans le Rigveda1500 av. J.-C.) et surtout l’Atharva-veda. Ce dernier men-ionne déjà des milliers de plantes médicinales [1,2].

Pour les Aryens, la nature du monde, fondée sur le dua-isme fondamental dévorant-dévoré, apparaît comme unerpétuel sacrifice, dont la répétition est le fondementécessaire au bon maintien de l’Ordre cosmique. Selon cetteonception, tous les gestes des êtres humains doivent êtren conformité avec le dessin harmonieux de l’Univers, sinonare aux conséquences [3,4]. La vie des êtres à l’époqueédique est donc occupée par la répétition de rites censésaintenir le bon ordre du monde, le rta, qui deviendra leharma de la pensée hindouiste. Les maladies résultent d’unanquement au rituel, d’erreurs commises lors de leurs réa-

isations ou encore du non-respect des bonnes règles deie. Elles sont les représailles des dieux qui se lavent desalissures générées sur le coupable [2].

Le médecin est alors un prêtre d’une caste brahmaniqueédicale, les Taittirîya, digne de sacrifier. Il côtoie le bhi-

haj, prescripteur ambulant de plantes et considéré commempur. Les plantes ne deviendront efficaces qu’après leuronsécration religieuse, véritable transsubstantiation pen-ant laquelle les pouvoirs divins viennent les habiter [2].

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Vaïsheshika (particularité) étudie l’objet de la connais-sance : l’aspect perceptible et destructible du créé. Cettedoctrine établit la liste statique des constituants du monde :

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5 éléme nts grossiers

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Nature fond amentalenon manifes tée

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5 se ns d’ape rcep�on(ouïe, toucher, vue, goût, odo rat )

Manas (me ntal)

Médecine ayurvédique et prévention du vieillissement

De la magie à la doctrine médicalesavante : le rôle de l’observationraisonnée et de la philosophie classiqueindienne

Progressivement, l’Ayurvéda va s’organiser en une théoriemédicale complexe en lien avec les principes philosophiquesfoisonnants de l’Inde des viie et vie siècles avant notreère ; un système que Jean Filliozat, médecin indianiste,qualifiera de « dogmatisme interprétant l’expérience ». Lesmédecins—prêtres deviennent des médecins—philosophessoucieux d’asseoir diagnostic, pronostic et thérapeutiquesur une base rationnelle solide, alliance de considérationsthéoriques et empiriques. Les colloques médicaux sontd’ailleurs nés à cette époque [1,2].

Les « prescriptions » censées assurer la longue vie sont lefruit des différentes écoles brahmaniques d’appréhender lemonde (les darshanas). Elles découlent principalement dedeux « points de vue » : le point de vue expérimental (Vaï-sheshika) et sa méthode, la logique (Nyâya), le point devue cosmologique (Sâmkhya) et sa méthode, la perceptionsupramentale directe (le Yoga) [1,4].

L’homme est un système ouvert, uncontinuum entre le psychique, le sensorielet le physique selon Sâmkhya [1,2,5,6]

Sâmkhya (le dénombrement) fournit une explication évo-lutive de la structure cosmique (parinâma), avec sesconstituants et les lois constantes qui les régissent. « Ce quiexiste » est divisé en 25 réalités élémentaires (tattva), dontdeux éternelles, immuables qui se font face : la nature uni-verselle (prakriti) et l’âme universelle (purusha). Le mondeévolue irrémédiablement par périodes alternatives de créa-tion et de résorption. À partir de Prakriti, les différentséléments constitutifs du monde procèdent les uns des autreset deviennent accessibles aux sens. Ils se manifestent selonun ordre immuable, un continuum psychique et matériel quiva du simple au complexe, de l’indifférencié au différenciéet du subtil au grossier selon la théorie de la causalité (leproduit existe dans la cause, Fig. 1).

Le monde nous apparaît selon trois qualités (guna) :sattva (ce qui est lumineux), rajas (ce qui est actif), tamas(ce qui est obscur). Ces trois qualités régissent prakritiet toutes ses manifestations. Alors qu’elles sont à l’étatd’équilibre dans l’état indifférencié de prakriti, c’est leurdéséquilibre, en présence de purusha, la conscience témoin,qui engendre le processus de création du monde par le fluxpermanent de transformation des tattva. La superpositiondes trois qualités, en perpétuelle évolution dans des pro-portions variées donne naissance à la perception de toutesles nuances de la vie quotidienne.

Sâmkhya se comporte comme une doctrine du salut.Le flux des transformations est aussi flux de souffrance etd’altérations. Prakriti crée un voile d’illusion qui cache

l’essence pure, la conscience inaltérée de purusha qui estnon-souffrance. Il est possible de lever ce voile par laconnaissance, la discrimination et ainsi de se libérer de lasouffrance [6]. F

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Selon Sâmkhya, le corps ne définit pas l’individu, car il estn lieu de changement permanent. Seule sa conscience, unetincelle individuelle de purusha emprisonnée dans chaquendividu (le Soi), reste inchangée [6]. Sâmkhya fourniran support idéal à la greffe brahmanique ultérieure de lahéorie du karman et de la transmigration des âmes (sam-âra). Si la mort détruit l’homme physique et psychique, lesraces du souvenir des actions passées (les vasana, littéra-ement « parfumage ») suivent l’âme individuelle au fil deséincarnations. Elles s’organisent en complexes inconscientssamskâra) au sein du mental de l’individu (manas, Fig. 1)t infléchiront son comportement [2].

Sâmkhya fournit la base philosophique et conceptuelle duoga. La voie de la connaissance est celle du Yoga. Aux tra-ers de techniques d’entraînements psycho-physiologiques,e yoga ne se limite pas seulement à réaliser l’harmonientre le corps et l’esprit. Il vise, dans sa phase ultime,

atteindre la connaissance discriminative de prakriti eturusha. On est loin de la simple pratique de postures :our échapper à la transmigration et réaliser la délivrancemoksha), il s’agit de supprimer le dépôt karmique de sonnconscient et d’arriver à ne plus confondre son ego et leoi.

vec Vaïsheshika et Nyâya, la logiqueermet aux médecins ayurvédiques detructurer rationnellement leursbservations [1,2]

(espace, ve nt, feu , eau , terre)

igure 1. Les 25 constituants du monde selon Sâmkhya.

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ix réalités objectives, neuf substances physiques et psy-hiques, dont les cinq éléments fondamentaux du mondeatériel (panchabhûta). Les éléments fondamentaux sont

onstitués de combinaisons d’atomes infiniment petitsparamânu), formées par addition ou réaction chimique. Ilsossèdent diverses propriétés, au nombre de 24. Nyâya,pparenté à la logique d’Aristote, définit les moyens dea connaissance, donc les différentes étapes qui consti-uent un raisonnement correct et les critères de jugementour arriver à la connaissance validée (prâma). L’écoleyâya va permettre aux médecins d’appliquer la raison à

eurs observations et ainsi de créer une nosologie, de codi-er le diagnostic, le pronostic et la thérapeutique. Desoncepts philosophiques Vaïsheshika, les médecins ayur-édiques déduiront les notions médicales de synergie etyssynergie, la pratique du traitement par antagonistes ouontraires. La notion de réaction chimique leur permettrae décrire les phénomènes digestifs au cœur de la physio-ogie ayurvédique de transformation. Enfin, une des neufubstances élémentaires du monde selon Vaïsheshika, leemps, facteur éternel et insurpassable devient une cons-ante incontournable de la pratique médicale. Il régit toutt influe sur tout. Les prescriptions alimentaires et compor-ementales doivent être impérativement synchronisées avece temps qui passe, celui des saisons, qualifié « d’objectif »,ais aussi avec le temps « subjectif » du patient, des diffé-

entes étapes de sa vie et des phases de sa maladie.

a bonne santé est un équilibreynamique selon la physiologieyurvédique

n continuité avec ses fondements conceptuels, l’Ayurvédaonsidère que le corps humain est constitué des cinq mêmesléments fondamentaux grossiers qui constituent l’universréé : la terre, l’eau, le feu, le vent et l’éther (espace). Cesléments ont des qualités (comme le sucré, l’acide. . .) et desouvoirs (chaud, froid. . .). Leurs combinaisons forment lesept substances différenciées de l’organisme, les dhâthu :e chyle, le sang, la chair, la graisse, les os, la moelle et leperme [7—9].

Les aliments ingérés, provenant de la nature,ontiennent les mêmes éléments que l’être humain.a digestion va les libérer, ainsi que leurs propriétés.

e résidu (mala) est expulsé. Le liquide nutritif completoble, appelé le âbharâ-rasa, se répand ensuite dansout l’organisme : il lui apporte à la fois de nouveauxonstituants, mais aussi la force vitale (ojas) [1,2].

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Tableau 1 Fonctions, actions secondaires et correspondance

Dosha Dynamique Les 5 actions secondairesdosha

Vâta Ce qui met enmouvement

Sonorisation, respirationcirculation, évacuation

Pitta Ce qui transforme Cuiseur, colorant, réalisailluminateur

Kapha Ce qui maintient Humidification, coaptatiogustation, soutien

D. Lefebvre

À l’image des trois forces cosmiques qui régissent laature primordiale, les êtres humains sont parcourus parrois principes dynamiques, les dosha : vâta (ce qui met enouvement), pitta (ce qui digère, transforme), kapha (ceui assure la cohésion). Ils répondent aux principes du vent,u feu et de l’eau. Ces forces gouvernent l’ensemble desonctions et manifestations vitales, assurent l’intégrité de’organisme, son maintien en bonne santé, en équilibrant laynamique de renouvellement des constituants et les rap-orts entre les tissus et le résidu de la digestion (Tableau 1).es trois dosha réalisent non seulement l’homéostasie bio-ogique et physique, mais aussi psychique : pitta préside aurocessus de perception, kapha à la résistance psychique etâta au processus de compréhension. Ainsi est défini ce quiera qualifié de théorie « humorale » de l’Ayurvéda ; une tra-uction couramment utilisée qui, comme celles de « bile »our pitta et « flegme » pour kapha, se réfère maladroite-ent à la théorie médiévale des humeurs et à la théorie desuatre éléments d’Aristote [1,2,10].

Toute cause capable d’entraîner un déséquilibre dépas-ant les limites des variations physiologiques installe unubstratum humoral nécessaire à l’éclosion de maladies.n déséquilibre en entraîne un autre et finit par créer uneombinaison pathogène. La Carakasamhitâ en décrit 62 [2].

’Ayurvéda réalise une biotypologie etlasse les individus selon une variété deempéraments

ppliquant ses conceptions philo-physiologiques à leursbservations, les médecins ayurvédiques vont réaliser uneescription méticuleuse des divers types humains morpho-hysiologiques et psychologiques. Déterminé in utero etnfluencé par son environnement, chaque être a son tem-érament humoral propre, fonction non seulement de laroportion de vâta, pitta, kapha, mais aussi de rajas, sattva,amas. En effet, comme tous les constituants du monde,es trois dosha peuvent suivre les trois modalités des guna.ux critères constitutifs déterminés par les trois dynamiquesitales, la répartition des guna surajoute une typologiesychologique, définie à partir de trois extrêmes : le typeattvique (bon, éclairé), le type rajasique (passionné, actif),e type tamasique (négligent, paresseux) [2,10]. Les com-

inaisons peuvent être complexes, multihumorales. C’estout l’art du médecin ayurvédique d’en faire la cartogra-hie individuelle et de définir les limites entre normalité etéséquilibre.

cosmique des dosha.

de chaque Élémentcorrespondant

Principecosmique

, activation, Souffle Vent

teur, voyant, Feu Soleil

n, lubrification, Eau Lune

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Médecine ayurvédique et prévention du vieillissement

Tableau 2 Quelques éléments simples de la caractéro-logie du caractère dominant Vâta [2].

Dosha Principe dynamique Dominance deGuna

Vâta Sujets plutôt maigres etnerveux, inconstants, àl’esprit toujours enmouvement. Peuvent êtretrès intelligents, d’excellentsmusiciens, mais aussi« touche à tout », infidèles.Le défaut de vâta provoquela dépression, la diminutionde la clairvoyance. Son excèsentraîne l’amaigrissement,l’insomnie, les palpitations,l’âpreté. Vâta s’accumulependant la saison estivale ets’agite dès la saison despluies. Les aliments sucrés,salés, acides, onctueux etchauds calment l’excès de

Rajasique etsattvique

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Ces quatre domaines sont l’alimentation et la diététique,

Vâta.

Pour chaque humeur, les médecins ayurvédiques éta-blissent des descriptions des tendances physiques etpsychiques dominantes et la liste des facteurs qui vont lesaggraver ou les diminuer [1]. Chaque tempérament donc

peut avoir les défauts de ses qualités (Tableau 2).

Les tendances dominantes influent sur les désirs sponta-nés, les préférences individuelles pour certaines saveurs, les

lvm

Tableau 3 Exemple d’approche préventive globale de régula

Saveurs conseillées Amère, douce et astringente

Saveurs déconseillées Salée, acide

Aliments conseillés Beurre allégé, thé noir, banane,carotte, radis, marmelade deroses, ananas, noix de coco,dattes, amandes, orge, lait,raisin, citron, mangue,gingembre, grenade, blé, riz,petits pois, pomme, coriandre,concombre, melon, chou-fleur

Aliments déconseillés Oignon, aubergine, yaourt,cannelle, millet, moutarde,cumin, ail

Plantes conseillées Racines de réglisse, bois desantal, camphre, coriandre,myrobolan, séné, fenouil

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ourritures, les traits de caractères, les attitudes compor-ementales et deviennent la source d’une dysharmonie quiffectera la résistance naturelle du corps et de l’esprit. Leerme d’une maladie peut donc être à la fois physique et/ousychologique. L’intervention du médecin ayurvédique va seoncentrer sur la recherche et l’optimisation à long terme’un équilibre humoral dynamique.

« Vâta, pitta, kapha, à l’état normal, font que l’homme,vec ses facultés intactes, doué de vigueur, de bonne minet de santé, arrive à une grande longévité. . . Mais rendusnormaux, ils le mènent à une grande adversité » (Caraka-amhitâ, Sûtrasthâna, XII, 14) [1].

Ainsi s’explique pourquoi la médecine ayurvédique pri-ilégie la prévention par rapport au traitement, accordantne importance primordiale à l’alimentation, l’hygiène,a recherche d’une harmonie entre le corps, l’esprit et’environnement [1,2].

es quatre domaines d’interventionersonnalisée de la gérontologieréventive ayurvédique

uatre domaines d’intervention prophylactiques vont per-ettre au médecin ayurvédique d’agir, de structurer une

ntervention multidomaine personnalisée, visant à suppri-er les causes de déséquilibre « constitutionnel » de chaque

ndividu et en appliquant au besoin les antagonistes et lesontraires (Tableau 3).

’hygiène et le mode de vie, les massages, le yoga, auxquelsiendront s’ajouter la prescription de cures de rajeunisse-ent.

tion de l’humeur pitta [10].

Comportementsdéconseillés

Jeûne, colère, sudationexcessive, fatiguessexuelles, insomnie,alcoolisme

Comportementsconseillés

Rechercher le calme

Thérapies naturelles Laxatifs et purgatifslégers, massage desextrémités et du thoraxavec des baumes frais,bains frais

Yoga Shavasana (posture ducadavre), Padmasana(lotus ou semi-lotus),exercices derespiration légers

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’alimentation et la diététique

elon le principe que nous sommes constitués des mêmesléments et propriétés que la nature, la médecine pré-entive ayurvédique accorde une place centrale à laiététique. Les règles diététiques sont extrêmement éla-orées. La quantité, la qualité, la saveur des alimentsngérés importent. Les textes médicaux recensent touteses variétés de produits comestibles en fonction de leursonstitutions, leurs saveurs, leur énergie (guna), leurs dif-érentes capacités régulatrices, activatrices ou apaisanteses dosha. Cette taxinomie ayurvédique se caractérise para subtilité. Les propriétés des aliments peuvent variern fonction de la quantité ingérée, du tempérament duonsommateur, de son état de santé, de son comporte-ent avant et après les repas. Les règles s’étendent au

ieu où l’aliment a été cultivé, à son mode de prépara-ion (utilisation de feux différents, d’épices, nature desstensiles), au moment de la journée et à la saison où ilst consommé. Les aliments recommandés pour certainesonstitutions en été seront fortement déconseillés en hiver.renons la courge, par exemple : petite, elle détruit vâtat excite l’appétit ; moyenne, elle peut apaiser les troisosha ; cuite, elle apaise pitta, nettoie la vessie. Le concom-re stimule kapha, on l’évitera donc chez les personnes

prédominance kapha pour ne pas créer un déséqui-ibre. Contrairement à une croyance répandue en Occident,a viande a toute sa place dans l’alimentation indienne,orsque l’état de santé l’exige ; de même pour les boissonslcoolisées, mais toujours à petites doses. La diététiqueyurvédique réserve une place de choix aux épices, par-iculièrement réputées pour leurs propriétés préventives.elon les traités, le curcuma protège du cancer, la coriandret le gingembre protègent des affections cardiaques, leumin et la cannelle du diabète, l’ail de l’athérosclérose11].

’hygiène et le mode de vie

’hygiène et le mode de vie font l’objet d’une multitude deonseils. Le corps et le psychisme se règlent l’un sur l’autreCarakasamhitâ, Sârîrasthâna, IV, 36) ; de plus, le psychismest chargé des existences antérieures [11]. Hygiène corpo-elle (usage des parfums), hygiène buccale (usage de lahique de bétel), hygiène sexuelle (Kâmasûtra), hygiènees sens (instillations quotidiennes auriculaires et nasales),estion appropriée du sommeil, évitement des passionsncontrôlées et des manquements à l’éthique personnelleu collective, hygiène morale (non-violence) : ce sont lesuteurs ayurvédiques qui fournissent le code le plus complett minutieux de la bonne conduite [7—9]. L’exercice phy-ique régulier, raisonnable, en toute saison est recommandé.

es massages prophylactiques

es massages prophylactiques occupent une place essen-ielle, en transférant l’énergie du masseur, dans le maintienrophylactique d’un bon état physique. Ils participent à

’équilibration des dosha, dynamisent de nombreuses fonc-ions vitales et sont effectués avec des mélanges d’huilesonstitués eux aussi en fonction du tempérament et de l’âgee l’individu, mais aussi de la saison [10].

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D. Lefebvre

e yoga

nfin, le yoga est indissociable de l’Ayurvéda. Principale-ent connu des Occidentaux par l’école du Hatha yoga,

l est un outil indispensable de prévention. Le Hatha yogaomprend de nombreuses postures, exercices respiratoirest de relaxation à visée prophylactique. Par exemple, la pos-ure de Matsyendra est réputée pour stimuler le feu digestif.a technique respiratoire rafraîchissante shitalî apaise lesffets nocifs de pitta. Les postures (âsanas) peuvent se pra-iquer à tous les âges. Elles s’effectuent lentement, dansne attitude méditative. Elles ont un effet positif à la fois sure physique (souplesse articulaire) et sur le mental, par voieirecte (détente, relaxation) et indirecte (meilleure imagee son corps).

Il existe différentes écoles de yoga à la disposition desndiens, comme par exemple le raja yoga (yoga royal)ui ajoute une forte composante méditative aux posturest exercices respiratoires, le mantra yoga (récitations deantra), le karma yoga (le yoga du service et du désin-

éressement), le bhakti yoga (plus dévotionnel), le jnanaoga (yoga de la connaissance). Ces pratiques privilégientifférentes combinaisons de stimulations physiques, psy-hiques, cognitives et même sociales. Elles offrent unepproche personnalisée, à même de répondre aux aspi-ations de chaque Indien, en fonction de sa situationociale et de sa volonté de s’engager plus ou moins loinans la voie de la discrimination, voire de la libéra-ion.

ien vieillir, un objectif particulièrementngageant car il importe non seulemente mourir au bon moment, mais aussi deieux renaître, voire même de ne plus

enaître du tout

e but de l’Ayurvéda est de préserver l’espèce humaine, deaintenir la vie humaine à son plus haut. Au niveau indivi-uel, il s’agit de créer une santé durable à l’individu, afinu’il puisse jouir pleinement de sa vie. Tous les individusont concernés et le médecin ayurvédique doit s’occuper dehacun, hommes, femmes, aînés, amis, indigents, ascètes. . .

1,2,10].Il s’agit pour l’individu de mourir en son temps, après

ne vie pleine et complète. La bonne mort résulte d’uneonne vie [3]. Le médecin ayurvédique aide chaque indi-idu à réaliser les trois buts de l’existence selon la traditionndienne : artha (une activité professionnelle ou gouverne-entale réussie), kâma (la satisfaction légitime des sens) etharma (la conformité aux règles du Bon Ordre Universel).a réalisation de ces buts s’effectue en quatre étapes suc-essives chez les hindous (enseignement, fondation d’uneamille et d’une descendance, renoncement, ascèse). Cetteie réussie prépare au mieux la suivante et crée les condi-ions d’une réincarnation dans une meilleure situation. Les

ndividus les plus ambitieux doivent se créer les conditionsptimales de santé pour jouir du temps nécessaire et parti-ulièrement long pour parvenir à la connaissance et réussir

couper le cycle des réincarnations [4,5,10].

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Médecine ayurvédique et prévention du vieillissement

L’aide des cures de rajeunissement

Pour faciliter cette voie, l’Ayurvéda offre différentes curesde préservation de la jeunesse, voire de rajeunissement.Le Rasâyana-tantra y est consacré et de nombreusesrecherches pharmacologiques actuelles se concentrent surles différents élixirs décrits.

À la limite du prophylactique et du thérapeutique, le pan-chakarma représente le modèle par excellence de la curedestinée à rétablir l’harmonie entre les principes vitaux.Elle consiste à appliquer cinq techniques de « purification » :la vomication, la purgation, les lavements, les errhines etles saignées. Elle s’effectue de facon privilégiée pendantles mois de juillet et d’août et peut durer, en fonction desobjectifs, entre une à deux semaines [11]. Dans la sociétéindienne traditionnelle, plus structurée par la distinction dupur et de l’impur que par la trifonction de Dumézil (prêtres,militaires et paysans), ce type de nettoyage complet ducorps trouve un écho particulier [12].

Les traités décrivent des cures redoutablement effi-caces et/ou des rasâyana, le brahmâ-rasâyana par exemple,réservés uniquement à certains ascètes. La descriptiondes résultats obtenus nous laisse rêveurs et dubitatifs :« Le corps brille d’un éclat divin, resplendit comme lesoleil de la mi-journée et prend les apparences des êtrescélestes. Les oreilles entendent le moindre bruit et lavision s’étend jusqu’à l’invisible. . . » [2]. Le corps atteintl’harmonie céleste et devient pur sattva. Il rayonne. Lespeintures indiennes représentent d’ailleurs de tels corpstoujours auréolés, comme les saints chrétiens ou les bod-dhisattvas.

L’approche préventive de l’Ayurvéda aucrible des critères de la recherchemédicale actuelle

Retour au présent : que donne aujourd’hui une rechercheMedLine sur la thématique de l’Ayurvéda et de la préventiondu vieillissement ?

L’approche préventive multidimensionnellene semble pas avoir fait l’objet d’étuded’intervention

D’un point de vue diététique, des analyses rétrospectivesmettent en évidence l’efficacité d’un régime ayurvédiqueadapté aux différentes constitutions pitta, kapha et vâtasur la perte de poids [13]. Ce sont essentiellement desrecherches expérimentales réalisées chez l’animal qui sontpubliées [14—16]. Unani, la fleur de pomégranate, activa-teur PPR alpha/gamma, réduit l’insulinorésistance liée àl’âge chez la souris. Chez le rat, des mélanges à base deracines de Glycyrrhiza glabra, Withania somnifera, Aspara-gus racemosus, Chlorophytum borivilianum et de graines deSesamum indicum améliorent le profil lipidique et les capa-

cités anti-oxydantes du foie et du plasma (ces composés sontriches en phytostérols, polyphénols, flavonoïdes et acideascorbique). Emblica officinalis augmente la durée de vie,la fécondité et la fertilité des drosophiles [17].

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La littérature clinique est beaucoup plus riche sur leoga. D’un point de vue prophylactique, l’effet du yoga sures fonctions cognitives, la fatigue, l’humeur et la qualitée vie a été évalué dans une étude randomisée, contrô-ée, chez 135 seniors sains, hommes et femmes, entre 65 et5 ans [18]. Ils étaient divisés en trois groupes (G1 : Hathaoga, G2 : exercice physique, G3 : contrôle). La durée de’intervention était de six mois. L’évaluation se faisait parne batterie de tests cognitifs, de l’humeur, le SF-36, leMS, le Multidimensional Fatigue Inventory (MDFI) et desesures physiques (dont le test du maintien unipodal). Cet

ssai n’a pas démontré d’amélioration significative des fonc-ions cognitives chez les sujets des groupes Hatha yoga ouxercice physique versus le groupe témoin. En revanche,ne amélioration significative de la qualité de vie et desesures des capacités physiques a été démontrée dans le

roupe Hatha yoga versus les groupes exercice physique etontrôle.

D’autres effets significatifs du Hatha yoga chez deseniors ont été mis en évidence dans d’autres essais’intervention : amélioration des capacités de marche,aisse du BMI, amélioration des capacités respiratoirest enfin diminution de la consommation médicamenteuse19—21].

Une étude comparative, réalisée chez 30 adultes mascu-ins, d’âge plus jeune (25—35 ans) a évalué les effets de laratique de trois mois de Hatha yoga [22]. Une améliorationignificative des performances cardiorespiratoires et de laensation de bien-être psychologique a été retrouvée ver-us le groupe témoin, mais pas pour les pressions artériellesystoliques et diastoliques. Dans le groupe Hatha yoga,’augmentation du pic nocturne de mélatonine était corré-ée significativement avec le score de bien-être (r = 0,71,

< 0,05).Enfin, plusieurs études d’imagerie (IRM fonctionnelle) ont

émontré que la récitation de mantra et la méditation acti-aient l’hippocampe et le cortex préfrontal [23].

es recherches pharmacologiques sur lesifférents constituants des rasâyana sont trèsombreuses

es anciens traités ayurvédiques mentionnaient déjà pluse 2000 plantes. Aujourd’hui, plus de 7500 sont utilisées24]. Elles font l’objet de différents programmes de scree-ing, comme celui du Central Drug Research InstituteCDRI) à Lucknow [25] et de programmes de recherches,omme ceux du India’s Council for Scientific and Indus-rial Research (ICSIR) et du Central Council for Researchn Ayurveda and Siddha (CCRAS). Rappelons que c’est entudiant la pharmacopée ayurvédique que la réserpine

été isolée pour la première fois de Rauwolfia ser-entina (sarpagandha en sanskrit) et introduite pour leraitement de l’hypertension en 1953. Certaines plantesont particulièrement suivies pour leur activité hypocho-estérolémiante (comme Commiphora wightti, Asparagusacemosus, Cedrus deodara), ou encore pour leur richesse

n psoralène (Psoralea corylifolia). De multiples rasâya-as sont étudiés pour leurs propriétés anti-oxydantes etont l’objet de nombreuses revues dans la littérature26—28].
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e champ des différents remèdes utilisésour traiter ou prévenir les complicationses maladies chroniques et dégénératives

u niveau du système nerveux central

es effets bénéfiques d’Allium sativum Linn. (l’ail) ontté démontrés dans une étude pilote chez 32 patientsépressifs ; il existe aussi des études pilotes positivesour la formule Brahmi et la thérapie nasale Nasya dans’anxiété, ainsi que la procédure du Panchakarma danses troubles du sommeil. Dans la maladie d’Alzheimer,lusieurs Medhya Rasâyana, à base de plantes réperto-iées dans les anciens traités pour stimuler les fonctionsognitives, ont été testés [29]. Les racines de Ashwa-andha (Withania somnifera Dunal ou ginseng indien)ont tout particulièrement étudiées pour leurs proprié-és anticholinestérasiques et neurorégénératives (liées auxithanolides), ainsi que pour leur possible effet préven-

if de la formation des plaques amyloïdes [30—32]. BrahmiBacopa monnieri Linn.), un rasâyana très populaire, estctuellement examiné au vu de ses capacités à améliorera mémoire.

De nombreuses plantes comme Sida cordifolia Linn,ynodon dactylon Linn, Evolvulus alsinoides Linn recom-andées dans les traités d’Ayurvéda pour prévenir des

roubles neurologiques dégénératifs liés à l’âge ont révélées propriétés anti-oxydantes puissantes et doivent fairerochainement l’objet d’explorations plus poussées en cli-ique [33]. D’autres plantes comme Anacyclus pyrethrum,hlorophytum borivilanum sont étudiées pour leurs proprié-és immunomodulatrices [34].

u niveau cardiovasculaire

es effets antihypertenseurs de Bacopa monnieri, Convolvu-us pluricaulis, Withania somnifera, Nardostachys jatamansiC. et Hyoscyamus niger Linn se portent à la foisur la pression diastolique et systolique. Dans unetude pilote, ils ont permis aux patients de diminueres doses de leur traitement pharmacologique habituel35].

iabète

ans l’Ayurvéda, le diabète est déjà décrit sous les appel-ations de Prameha et Madhumeha. Plus de 15 extraits delantes sont actuellement étudiés, en raison de leurs pro-riétés hypoglycémiantes ou régulatrices de la glycémie36].

osmétologie

a cosmétologie ayurvédique est particulièrementiche en produits destinés à prévenir les effets duieillissement cutané. Un fruit, Emblica officinalisamla) est particulièrement reconnu pour ses pro-

riétés anti-oxydantes et protectrices vis-à-vis desffets délétères des UVB. Plus d’une centaine deroduits contenant ce fruit sont déjà commercialisés37—39].

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D. Lefebvre

rocessus d’inflammation, tumorigenèse,iffusion des métastases et angiogenèse

’Ayurvéda a particulièrement décrit le processus’inflammation, ainsi que les différents stades de laumorigenèse (granthi, arbuda), de la diffusion de méta-tases (adyarbuda, dwiarbuda) et de l’angiogenèse [40].u-delà des cures de purification, plus de 50 extraitségétaux étaient utilisés par les médecins ayurvédiquesour prévenir ou traiter les cancers. Les études actuellesur ces composés n’en sont qu’aux phases précliniques41]. D’un point de vue préventif, Triphala, une formu-ation à base de 3 fruits de la famille des myrobolansPhyllanthus emblica L. ou Emblica officinalis Gaeretn.,erminalia chebula Retz. et Terminalia belerica Retz.) aémontré in vitro et dans des études précliniques chez’animal des propriétés cytotoxiques, chimioradioprotec-rices, et anti-oxydantes, mais n’a pas fait encore l’objet’investigations cliniques [42,43]. Emblica officinalisamla) est un fruit particulièrement intéressant, de para très forte concentration en vitamine C et la présence’acides gallique, ellagique, chebulique, chebulinique,e corilagine, pedunculagine, emblicanin A et B, etivers flavonoïdes (quercétine, kaempférol) : un véritableocktail de composés aux propriétés anti-oxydantes etntinéoplasiques.

Tout ce potentiel pharmacologique explique la virulenceécente de l’Inde vis-à-vis de la biopiraterie et la défensee sa propriété intellectuelle sur les extraits de plantes indi-ènes, répertoriés depuis des millénaires dans les traités deédecine ayurvédique. Sa bataille récente pour la recon-uête de son appellation riz basmati dans le domaine de laiététique en est un exemple frappant.

Enfin, nous terminerons cette revue de la littératurear une mention du développement de l’AyuGenomics ete projet de recherche « Genomic Variation Analysis andene Expression Profiling of Human Dosha Prakriti basedn Pinciples of Ayurveda » à la recherche d’un fondementénétique possible de la théorie humorale des dosha etes différents tempéraments. Des premières corrélationsux niveaux des allèles HLA, la mise en évidence de gènesonditionnant les réactions individuelles à l’environnementomme l’altitude, ou la régulation du métabolisme cel-ulaire (coenzyme A) témoignent du dynamisme de cetteecherche [44—47].

onclusion

ortée par l’intuition que le microcosme est tel que leacrocosme (Yatha pinde, tatha brahmande) [1], il sembleue l’Ayurvéda s’apprête à traverser les révolutions dea pensée, qu’elle soit religieuse, philosophique ou scien-ifique. Compte tenu du vieillissement de la populationondiale et du développement des maladies chroniques, larimauté accordée par la médecine ayurvédique à la promo-ion du bien vieillir, son approche personnalisée, holistique

t écologique, son savoir ancestral accumulé sur les végé-aux suscitent un intérêt sans cesse renouvelé, de l’Asie

l’Occident. Elle stimule une recherche pharmacologiquet clinique au sein d’un courant désireux d’intégrer les

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Médecine ayurvédique et prévention du vieillissement

connaissances scientifiques modernes. Elle offre à chacunla possibilité de s’engager dans une gestion préventive etmultidimensionnelle de son capital santé qui rend encorebeaucoup de services en Inde. Pour certains, elle pour-rait être complémentaire de l’approche biomédicale de lamédecine occidentale. Il y a encore bien des barrières àfranchir pour qu’un tel syncrétisme médical soit effectif.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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