La mariée ingénue

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COLLECTION "PSCHITT"

N'est-ce pas Buffon qui disait : « Le Pschitt est le propre de l ' h o m m e » ? Cette collection n 'a point d 'autre but que d'illustrer cette pensée profonde et de se réclamer, elle aussi, d 'un nouvel humanisme !

La collection PSCHITT, qui ne veut retenir du champagne que les bulles, de la vague que l 'écume et du rhinocéros que la corne, est assurément la plus légère, la plus ailée, la plus spirituelle des collections.

Collection de quoi exactement ? de timbres- postes ? de papillons ? Très exactement : Collection de rires.

Dans ces temps abusifs que nous traversons, temps de pesanteur sans la grâce, est-il besoin de souligner combien le rire (qui prend ici toutes les nuances sans jamais tomber dans la vulgarité) est l ibérateur ? Ce qui explique le succès et la large audience de la collection PSCHITT : elle répond à une nécessité de l 'heure.

D e p u i s s a c r é a t i o n

l a C o l l e c t i o n « P s c h i t t »

A O B T E N U 5 P R I X

1951. — P r i x S c a r r o n :

13 à l a D o u z a i n e

1952. — P r i x d e l ' h u m o u r :

E l l e e t Lu i

1953. — P r i x d e l ' h u m o u r :

A C a t h e r i n e p o u r l a v i e

1954. — P r i x C o u r t e l i n e :

L a M a r i é e e s t t r o p b e l l e

1956. — P r i x C o u r t e l i n e : S m o k i n a d e r i q u e u r

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LA MARIÉE INGÉNUE

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ODETTE JOYEUX

L a

m a r i é e

i n g é n u e

r o m a n

É D I T I O N S P I E R R E H O R A Y 22 bis, PASSAGE DAUPHINE, PARIS-6

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Tous droits de reproduction, adaptation cinématographique, théâ- trale, radiophonique, télévisée, reproduction photographique et

tous procédés réservés pour tous pays, y compris la Russie. © by Editions Pierre Horay 1956.

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En guise de générique Who's who, et mots clefs

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Who's who...

CATHERINE, dite Chouchou, 25 ans, cover-girl n° 1. L'enfant chérie de L'Amour de Vivre. Sois belle et tais-toi. Donc, c'est à elle que nous donnerons la parole.

MICHEL, 32 ans. Directeur de L'Amour de Vivre, écrivain distingué, brillant journaliste. Généreux, courageux, valeureux, talen- tueux, amoureux, etc., etc., etc.

JUDITH, 32 ans. Directrice de L'Amour de Vivre. Chef d'entreprise. Une femme forte qui a un faible pour Michel. Le journal est leur œuvre, et leur vie est à la page. Conseille plus d'un million de lectrices. L'amie de toutes et la bonne amie de quelques-uns.

PATRICE, 28 ans. Cover-boy pour les beaux yeux de Chouchou. Un mannequin qui a de l'étoffe, celle d'un jeune premier. I l a été le partenaire de Chouchou au journal.

Sa vocation d'acteur lui fait aimer les bons rôles, même s'il faut en souffrir (voir La Mariée est trop belle, page 158). Ce que Michel est naturellement dans la vie, Patrice le sera, et avec quel talent, à l'écran, et qui sait si les prévisions de Judith. . . mais, chut!

TONI, artiste, esthète. L'as des photographes et des amis.

AGNÈS exquises. Tantes de Chouchou: une mère YVONNE pour la jeune fille. SANTINE, la servante au grand cœur.

LA PETITE JULIETTE, fille de la précédente. SAUVAGE, le prince, le chat.

Et tous les personnages secondaires appelés à jouer des rôles de premier ou de dernier plan.

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...et mots clefs

MARIAGE : il y a mariage et mariage. Sous une robe de mariée peut battre un cœur de femme, et les mannequins ne sont pas tous de bois, ni d'osier.

24 JUIN : le jour où la mariée faillit être trop belle. Une noce à la campagne pour mettre en valeur tout le chic parisien. Un « clou » de L'Amour de Vivre.

L'AMOUR DE VIVRE : un titre et un programme, égal: 1 200 000 exemplaires par semaine. Les évangiles ménagers du sentiment, de la beauté et de la cuisine. S'adressent aux midinettes comme aux femmes du monde et du demi-monde. Chouchou vous y a révélé (presque) tous ses secrets. Un tour de passe-passe: on change de mari pour rire et on se retrouve mariée pour de bon.

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La mariée était trop belle

J U D I T H M E T I E N T P A R

contrat. Je dois m'exécuter. Parce que je me suis engagée à raconter un jour de ma vie, me voilà condamnée à raconter ma vie.

Vingt-quatre heures de la vie d'un mannequin. Vous vous rappelez ? Chouchou se marie, et le truquage devient réalité. Artifice ou sortilège, féerie à la mode d'un jour, le 24 juin, bien que ce fût mon vingt-cinquième anniversaire, m'a en quelque sorte vu naître puisque ce jour-là j'ai découvert la seule forme d'esprit qui puisse venir aux filles et qui s'appelle l'amour. Quand

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je dis « esprit », nous nous comprenons. Bref, enchaînons.

Après avoir fait un tardif mais fulgurant départ, me revoilà au même point. Judith a beau dire qu'il faut toujours aller de l'avant, moi je me retrouve en arrière. Pourtant, on peut dire que l'idée de Judith a fait son chemin, et moi avec. Et quel chemin !... enfin, plutôt un chemin de ronde... Mais, n'ayez pas peur, je ne vais pas rabâcher et répéter ce que vous savez déjà.

Toujours obéissante, je vais aller de l'avant pour vous ramener en arrière — ça, c'est plus fort que moi, plus fort que Judith — c'est le destin : je suis bouclée.

Judith m'avait prévenue : « Ma petite, tu peux tout te permettre parce que tu ne te rends compte de rien. » Maintenant que je me suis permis beaucoup de choses, je commence à me rendre compte de beaucoup d'autres. Par exemple, en signant avec la Di rec t ion de L'Amour de Vivre l'exclusivité de mes Mémoires d'un jour, je m'étais engagée à leur donner une suite. Je me croyais quitte ; pas du tout ! Heureusement qu'il m'est arrivé beaucoup de choses avant cette expiration. Sinon, vous imaginez mon embarras : je ne saurais que dire. C'est que L'Amour de Vivre ne se contente pas seulement de fiction ; il lui faut du solide, des tranches de vie, du document. Il paraît que je

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suis un exemple ; ça ne veut pas dire que je sois un modèle. Vous avez peut-être déjà remarqué mon peti t air désinvolte ? Vous me comprenez : c'est que je n 'en mène pas large. C'est aussi que j 'ai de l'expérience, et l'expérience, ça complique tout. En racontant vingt-quatre heures de ma vie, je me suis aperçue que j 'avais quand même une vie, et j 'ai bien été obligée de considérer mon existence et, par contrecoup, celle des autres. P lu tô t mal que bien, j 'ai fait comme tou t le monde : je me suis mise à vivre et il m'es t venu des idées, des pensées. Oui, oui, ne souriez pas, soyez indulgents : je pense. Me voilà bien loin de cette héroïne de Courteline qui disait: «Moi, je ne pense jamais, ça me fatigue. » L'héroïne prenait un temps, réfléchissait et concluait : « Ou quand je pense, je ne pense à rien. »

Donc pour L 'Amour de Vivre, Jud i th m 'ava i t fait raconter ma petite histoire. Les lectrices en ont été ravies ; les lecteurs aussi, car notre journal, selon sa formule célèbre, s'adresse aussi bien à « elles » qu'à « eux ».

Illustrées de photos en tous genres, découpées, corrigées mais respectées, les « vingt-quatre heures de la vie d 'un mannequin » ont paru pendant douze semaines dans le plus grand hebdomadaire féminin dont le tirage, déjà formidable, s'en est t rouvé augmenté, c'est vrai. Après quoi, j 'ai eu une surprise. J ' a i reçu un livre, vous entendez bien, un livre avec une

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jolie couverture qui portai t non seulement ma silhouette vêtue de la robe magique, mais aussi mon nom. Un vrai livre et qui, pourtant , se vend comme des petits pains. Judi th exultait et ma commentatrice att i trée avait ajouté : « E t ce n 'est pas fini. Tu es lancée, Chouchou. On a fait quelque chose de toi. Tu vas devenir quel- qu'un. Tu verras ! »

E t j 'ai vu. J 'a i vu d'abord mon éditeur — un type

épatant , bien connu pour l ' intérêt qu'il porte à la jeunesse. En mon absence, car je me suis absentée (et ce sera l 'un des meilleurs souvenirs de mon histoire), Judi th, à qui j 'avais confié tous mes pouvoirs littéraires, avait traité pour l 'édition de mes Mémoires — et, là encore comme dans L 'Amour de Vivre, mon œuvre faisait un boum. D'ailleurs, la preuve d 'un boum, c'est de pouvoir t rouver l 'ouvrage dans toutes les gares et dans les kiosques à journaux, première caté- gorie, cela s 'entend. On m 'y trouve, ou plutôt on le trouve.

J ' a i eu également les honneurs de la R. T .F . De même qu'il existe le feuilleton littéraire, il existe le feuilleton radiophonique. C'est son frère jumeau : l 'un s'adresse à l'œil, l 'autre s'adresse à l'ouïe. En principe, ils ont pourtant le même but. Pendant plusieurs jours, une actrice rompue à la lecture des œuvres les plus solides ou les plus subtiles (mes prédécesseurs

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étaient Graham Greene et Cecil Saint-Laurent) , une actrice, dis-je, a lu des extraits de la vie d'un mannequin.

Enfin, et quand je dis enfin, c'est vra iment une façon de parler, car vous pensez bien que ce n'est pas fini puisque jus tement je commence, j 'ai fait une apparit ion à la Télévision qui dépend, comme chacun le sait, de la R. T. F. déjà citée. C'était une émission sérieuse puis- qu'elle concerne la l i t térature. Il y avai t avec moi un explorateur au beau visage. Les explo- rateurs ont d'ailleurs presque toujours un beau visage. Celui-là ne faisait pas exception. Il revenait d 'un pôle ou de l 'Amazonie : ce sont les régions qui nourrissent le mieux les explo- rateurs. Il y avait aussi un jeune romancier très célèbre dont j 'ai oublié le nom. Le sourire sarcastique, un peu joufflu déjà, des petites manières insolentes et une façon de baiser la main ! Attention, je peux mordre !... qui donnait le frisson.

Nous étions accueillis et questionnés par deux messieurs très gentils, pleins de connais- sance et d'esprit, y compris celui de se taire. E n a t tendant le démarrage de l'émission, t ou t ce beau monde bavardai t , plaisantait , faisait des mots. Fidèle à moi-même, je ne disais rien. J 'avais quand même le souci de ma présence. J e suis toujours consciencieuse dans le moindre de mes gestes. Pour la circonstance, j 'avais donc

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revêtu une tenue adéquate, genre étudiante : chemisier, béret et souliers plats, le tout venant de la boutique du grand D. Mais cette tenue estudiantine ne me rendait pas pour cela plus savante. Le jeune romancier me snobait carré- ment. Il devait me trouver stupide et mépriser mon petit ouvrage. Moi, ça ne me formalisait pas. Quant à l 'explorateur, entre deux péro- raisons, il me jetai t de temps en temps de longs regards de mousmé, souvenirs de voyage sans doute, et semblait, le sourire en coin et l'œil langoureux, tout prêt à se jeter dans de nouvelles mais peu lointaines explorations.

Ce qui me rassurait, c 'étaient les caméras, de grosses caméras blanches qui me regardaient avec de bons yeux, et le personnel du studio qui se fichait pas mal de nous, les intellectuels.

Puis, tou t le monde a été prié de faire silence, ce qui a provoqué un certain bruit. On nous a fait entrer dans « le champ » pour parler le langage « prises de vues ». Là, je me suis sentie chez moi. La photographie n 'a rien de redou- table pour une cover-girl, au contraire ; c'est devant l'objectif qu'elle doit se sentir dans son élément, tou t comme le peintre devant son chevalet, l 'acteur devant la rampe et le poisson dans l'eau.

Chacun à son tour, l 'explorateur, le roman- cier et moi, la romancière, nous avons dû prendre la parole... quand on nous la donnait.

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Le jeune romancier l 'a mal prise e t lui qui ne craint personne ba t t a i t en retraite devant les grosses caméras qui, impitoyables et ronron- nantes, clignant de leurs yeux rouges et verts, avançaient pour le cerner et démontrer en gros plan la déroute de ses idées.

Rien de pareil pour l 'explorateur. Il possé- dait comme une science infuse le secret de la

photogénie et, très disert, il faillit se lancer dans une conférence comme chaque fois qu'il revient d 'un pôle. Mais les grosses caméras et le micro l 'ont abandonné pour se braquer sur moi. Je me trouvais en pleine lumière. J ' a i mouillé ma lèvre inférieure d 'un pet i t coup de langue professionnel et j 'ai bombé le torse. Après m'avoir présentée, les messieurs m 'on t demandé de bien vouloir résumer mon livre en trois mots.

Je leur ai gentiment répondu qu'il m 'é ta i t difficile de résumer en trois mots ce que j 'avais pris la peine d'écrire en deux cent c inquante pages. Là-dessus, j 'ai dédié aux téléspectateurs un sourire et un regard qui en disaient long. C'était le moment du gros plan et l 'expérience m'a appris qu 'un bon portrai t est aussi éloquent qu 'un beau discours.

Et , après la télévision, vous avez deviné : le cinéma. E h oui, le cinéma ; ça, c'est le bouquet, et je peux vra iment dire avec une certaine amertume que la mariée étai t t rop belle. Je suis

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dépassée non pas par les événements mais par moi-même.

Si j 'étais un philosophe, je pourrais mar- mot te r : un bonheur ne vient jamais seul. Le succès, l 'argent, l 'amour. Au fait, au fait. Jud i th brûle d'impatience. Il y a un creux dans les événements internationaux : pas de star en passe de devenir princesse — pas d 'enfant prodige soulevant les grands problèmes de la poésie et du mystère intellectuel — même pas une héroïne saisonnière genre Marie-Chantal et, pour comble de malheur, le feuilleton annuel de la romancière à la mode de L'Amour de Vivre, la fameuse Claude Monségut, n 'est pas encore au point. Ça, ce sont les éléments de base du journal, avec le courrier du cœur, bien entendu. Donc, il faut boucher un trou. Je ne puis refuser ce service à Judi th , d ' au tan t moins que léga- lement je suis tenue à le lui rendre. E t puis, j 'ai l 'habitude des « extras ». C'est vraiment le mot

qui convient car je continue (et pour cause) à me sentir ailleurs, même quand je suis là, installée devant un gros cahier aux feuillets bleus que je vais remplir de mes aventures qui ne sont rien que de la petite histoire. D'ici là, l 'Empire britannique nous aura sûrement gratifiés d 'un nouveau best-seller de la bibliothèque rose et historique.

Donc, je poursuis mes confidences, mais les temps ont bien changé. Je suis devenue quel-

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qu'un. Quelqu'un qui peut parler gloire, amour, argent, puisque ces beaux mots sont la monnaie courante de ma vie.

Reprendre les choses dans l'ordre, c 'est encore ce qu'il y a de plus simple. La rédaction du Journal s ' impatiente. Ce que je n 'ai pas le droit de dire, c'est que ce cahier ne sera pas, cette fois, dédié à L 'Amour de Vivre, mais à l 'Amour t ou t court. La mariée étai t t rop belle. Il para î t pour tan t qu'elle ne l 'est jamais trop. Je suis en train de découvrir quelque chose à quoi je n'avais pas pensé : c'est qu'il ne suffit pas d'aimer, il faut encore savoir aimer. Je croyais avoir t a n t appris, fait t a n t de progrès ! En vérité, je rétrograde car je suis... comme j'étais.

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Pour le meilleur

et pour le pire

Ç A N'A PAS ÉTÉ LONG. LES bans ont été publiés le lendemain du jour... de ma nuit dé noces. La joie régnait à Fontaine , mais une joie silencieuse qui contrastait avec le tapage et le désordre précédents. La maison avait retrouvé son rythme, mais la fameuse mise en scène du journal, une noce à la campa- gne, avait porté ses fruits et le bonheur naissait, indicible et réel. Pourtant, les sortilèges étaient déjà loin. Le fabuleux trousseau avait regagné Paris. Tout s'était bien passé. Les compagnies d'assurances pouvaient respirer. Les bijoux et

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l'argenterie étaient retournés chez les orfèvres. La vaisselle et la cristallerie devaient avoir repris la parade dans leurs vitrines de luxe. La lingerie, les cadeaux, les accessoires étaient retournés dans leurs maisons d'origine. La robe de mariée était repartie, intacte, pour triompher à nouveau dans la collection du grand D.

Fontaine ne souffrait pas d'être débarrassé de tout cet attirail publicitaire qui avait pris l'allure d'une féerie — c'est que la vieille maison repre- nait, délivrée, tout son charme auquel s'ajou- tait celui, irrésistible, du bonheur. Rien n'avait servi, sinon qu'à créer une ravissante illusion : celle d'un mariage idéal qui ferait rêver les lectrices et qui activerait sans nul doute le commerce des épousailles. Judith, notre fou- gueuse directrice, et Toni le grand photographe, avaient regagné Paris eux aussi, emportant comme un trésor un stock de clichés. Il ne restait donc rien de la comédie, sauf les marionnettes essentielles : un couple timide et passionné, et qui allait s'unir pour le meilleur et pour le pire.

En attendant cette ultime formalité, tante Agnès et tante Yvonne reprenaient leurs tra- vaux : jardinage et tapisserie. Elles souriaient comme des jeunes filles devant une nièce toute neuve qui était enfin devenue une femme. Quant à Santine, aidée de sa fille, elle astiquait, cirait et, pour la circonstance, se distinguait plus que jamais devant son fourneau.

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Le temps étai t très beau. Ju in s 'achevait , mais les jours n 'en finissaient pas. Ils s ' a t ta r - daient en des crépuscules chatoyants que la Loire reflétait jusqu 'à la nui t tombée — et alors, mystérieusement, les couleurs du ciel semblaient sourdre de la royale vallée qui lui rendait, diffus et atténués, tous ses reflets.

Certes, j 'avais bien autre chose à faire qu 'à m'engourdir en contemplant le paysage, mais je ne pourrai jamais me dissocier de Fontaine et j 'ai t rop peu de relations véritables avec les êtres pour ne pas me sentir, par contrecoup, en contact permanent avec la nature et les choses. Même si je n 'y jetais que des regards éblouis, la beauté du pays qui m'entourai t , exaltée par la lumière, participait à mon bonheur.

Les longs jours du début de l'été faisaient les nuits très courtes, t rop courtes ; nous les pro- longions dans ma chambre où Michel le conqué- rant, le roi, le maître , pénétrai t encore avec une timidité d'adolescent et où je l'accueillais avec des pudeurs de rosière. J ' a i lu dans un livre qui m 'a paru très beau que « plus on s'est gardé pur et sain, plus la passion est folle quand elle vous saisit ». Dans les bras de mon futur époux, j 'éprouvais la miraculeuse impression de naître, de venir au monde, et quelle chance de pouvoir perdre sa pureté pour en retrouver une plus grande : celle de l 'amour qui permet tout .

Ma sagesse passée m'apparaissai t comme une

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Odette Joyeux s'est mariée, il y a deux ans, à la Collection PSCHITT. Le fruit de cette union a été LA MARIÉE EST TROP BELLE : enfant joyeux (naturellement), baptisé sur-le-champ au champagne du Prix Courteline.

L'on se souvient des aventures de « Chouchou », petite fille toute simple et toute fraîche, encore étudiante, et qui fait le mannequin pour le grand journal féminin L'AMOUR DE VIVRE. Comment, lancée dans un reportage ayant pour thème « un mariage à la cam- pagne» et devant figurer elle-même la mariée elle prend subite- ment feu pour Michel, son partenaire improvisé, lequel le lui rend bien, à la fureur de Judith, sa maîtresse, qui a organisé, la pauvre, ce redoutable incendie...

Odette Joyeux nous donne aujourd'hui, avec La MARIÉE IN- GÉNUE, la suite de cette piquante histoire. Chouchou est devenue célèbre grâce à son reportage. De gros producteurs s'intéressent à sa petite personne. Elle se marie réellement cette fois avec Michel, délivré de Judith... Elle va tourner un film. Ce film... mais, psschut ! ne dévoilons pas — c'est le cas de le dire — notre ingénue.

Plus encore peut-être que dans son livre précédent, les qualités de l'auteur sont manifestes : duel mené tambour battant entre la drôlerie et l'émotion. On pourrait avancer d'Odette Joyeux qu'elle est le Pirandello du PSCHITT, tant elle mêle avec bonheur, fiction et réalité, tant cette réalité devient plus inimaginable que la fiction !

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