La manière douce - et moins douce - d’inspirer la bonne décision

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La manière douce - et moins douce - d’inspirer la bonne décision Les techniques de marketing appliquées à la campagne de dépistage du cancer du sein Rachel Campergue No Mammo? Enquête sur le dépistage du cancer du sein (Max Milo, 2011)

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La manière douce - et moins douce - d’inspirer la bonne décision

Les techniques de marketing appliquées à la campagne de dépistage du cancer du sein

Rachel Campergue

No Mammo? Enquête sur le dépistage du cancer du sein

(Max Milo, 2011)

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« Les campagnes de santé publique sont une forme de publicité comme une autre et utilisent les mêmes moyens »

Francesco Panese et Vincent Barras (Pouvoir médical et santé totalitaire, PUL, 2009)

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Pourquoi s’intéresser à ce sujet quand tout va bien?

• Comment passe-t-on du Grand Bleu à une critique d’Octobre rose ?

• Pourquoi entreprendre des recherches?

• Pourquoi No Mammo ?

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Réponse d’Agnès Buzyn :

« Il est dommage de mettre de l’idéologie et de l’affect dans cette question. Mais j’entends son malaise et je prends en compte son impression d’avoir subi une pression médicale comme un frein potentiel au dépistage de certaines femmes. » (20 minutes, Oct 2011)

Est-ce la bonne réponse?

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• Agnès Buzyn fait référence la réaction d’un gynécologue lorsque j’ai refusé la mammographie à l’âge de 42 ans, réaction évoquée dans l’introduction de No Mammo ?

« C’est de l’inconscience ! »

• Les réactions d’intolérance de la part des gynécologues face à mon refus se sont succédées.

• Intolérance => curiosité => recherches• Découverte des travaux de Peter

Gotzsche, Gilbert Welch, Bernard Junod• Nous avons la réponse à la 1ere question :

« Pourquoi les recherches ? »• Mais pourquoi No Mammo ?

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Avril 2009, retour en France…

• Retour à la civilisation, les musées, la culture….

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Octobre 2009: premier Octobre rose Découverte du roman-photo La Lettre

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Prise de conscience de l’existence d’un gouffre…

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En principe les gouffres sont signalés…

Le gouffre entre les conclusions des recherches et le message délivré aux femmes ne l’était pas…

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Et quand un gouffre n’est pas signalé…

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• En ce qui me concerne, je m’étais informée et savais à quoi m’en tenir : j’étais protégée contre les messages simplistes d’Octobre rose.

Mais les autres femmes ????

=> No Mammo?

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THE QUESTION:

Une fois constatée l’existence de ce gouffre entre données scientifiques et message délivré au

grand public,

quelles solutions pour le combler?

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Solution N°1

• Se tourner vers l’INCa et prendre un ton moralisateur :

« Ce n’est pas bien de ne pas informer loyalement les femmes sur la mammographie. Serait-il possible de corriger rapidement cet état de fait afin qu’elles puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause?»

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… puis s’installer confortablement pour attendre…Pourquoi?

1/ Conflit d’objectifs

L’augmentation de la participation au dépistage fait partie des buts à atteindre mentionnés dans le contrat d’objectif signé entre l’INCa et l’Etat.

2/ On s’adresse à un cancer de femmes… qui sont, comme chacun sait, incapables de gérer une information complexe

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Solution N°2… plus réaliste

Elle nous est fournie par Jean-Eugène Robert Houdin, illusionniste français du XIXè.

« Eclairez les dupes, il n’y aura plus de fripons »

Fort bien, mais comment éclairer les dupes (nous)?

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• Simple au premier abord : apporter les faits aux candidates au dépistage.

• Solution nécessaire mais insuffisante.

• Ce n’est pas la réalité de la mammographie qui compte, mais sa perception.

• Perception façonnée par une communication qui va s’appuyer sur nos faiblesses et nos croyances pour nous amener à adhérer au dépistage.

• => Même si les faits nous sont placés sous les yeux, nous ne les verrons pas.

• Entre les faits et nous, existe un filtre déformant.

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Premier constat : nous sommes influençables…

Nous pensons tous être au-dessus des manipulations

Discours classique : « ça marche sur les autres, mais pas sur moi »

Mathjis von Bocxel : « Le sentiment d’être différent des autres est commun à nous tous ».

Cette prétention ne nous sert pas car on ne peut lutter contre une influence que l’on ne perçoit pas

=> La première étape pour se libérer des influences consistera à reconnaitre que nous sommes influençables, vulnérables à la manipulation.

Une faiblesse reconnue est un pouvoir de plus.

Les professionnels de la persuasion connaissent très bien un certain nombre de « boutons » chez nous sur lesquels il suffit d’appuyer pour enclencher une réaction automatique. Ils savent exactement par quelles grosses ficelles nous amener à agir dans un sens qui les arrange.

Vers qui nous tourner pour comprendre quelles ficelles on tire? Sur quels boutons on appuie?

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Vers les vendeurs de voiture…

Et, accessoirement, vers les psychologues sociaux qui s’en sont inspirés.

Ce sont les mêmes grosses ficelles qui sont utilisées dans la publicité, en politique… et dans les politiques de santé publique.

Quelles sont-elles???

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Notre tendance à la conformité(la preuve sociale)

La preuve sociale dit qu’en cas de doute sur l’action à mener, nous allons nous baser sur ce que fait l’autre.

Très exploitée dans la pub:« Faites comme moi, utilisez X »« Comme des milliers de

consommateurs, faites confiance à Y»

Comment est-elle utilisée dans le dépistage du CS ?

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Réponse (assez claire)

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La règle de la sympathie(méthode Tupperware)

Nous accédons plus facilement aux requêtes de quelqu’un qui nous est proche. Comment refuser?

Comment est-elle utilisée dans le cadre d’Octobre rose ?

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Réponse (assez claire là aussi)

« Mobilisez les femmes que vous aimez » : le dépistage un geste d’amour

« Les médias et les différents acteurs intervenant dans le champ de la santé publique diffusent et mettent à la disposition des femmes des informations susceptibles de les faire changer d’avis. Toutefois, ils n’auront jamais la force de conviction que peut avoir un proche – une fille, un fils, une amie, un mari…- auprès des femmes qui hésitent encore à se faire dépister » (DP INCa 2010).

Si le dépistage est « un geste d’amour », cela signifie-t-il que la fille qui ne pousse pas sa mère à se faire dépister ne l’aime pas ?

L’INCa a recyclé la méthode Tupperware, mais les risques dans ce cas sont d’un tout autre ordre que de se retrouver les placards encombrés de petites boites en plastique.

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L’appel à la peur

« Chaque année, 52 000 femmes sont touchées par le cancer, 11 000en meurent. »

Le dépistage est présenté juste derrière et passe donc pour LA solution au problème du CS (manœuvre dite du pompier pyromane)

Risques : la peur est une émotion puissante et toute émotion shunte la réflexion => risque de décision erronée en matière de santé

« La peur de la mort se révèle parfois mortelle » (Joseph Addison, homme d’état et écrivain anglais du XVIIè)

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La recherche du sensationnel, plus vendeur

• Moyenne d’âge d’un diagnostic de CS : 61 ans.

• Abus de femmes jeunes dans les visuels = > dramatisation.

• Que le CS soit un fléau est indéniable, mais n’y aurait-il pas des maladies qui tuent autant, voire plus? Le CS est-il la première cause de mortalité chez les femmes en France ?

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Non: ce sont les maladies cardiovasculaires

• En se basant sur le BEH de l’INVs L’INCa lui-même nous dit que « si chez les hommes les tumeurs représentent la première cause de mortalité devant les maladies cardiovasculaires, chez les femmes, c’est le contraire, les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de décès devant les tumeurs ».

• « Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes ménopausées. Elles tuent une femme sur trois. Elles provoquent quatre fois plus de décès que le cancer du sein et on n’en parle pas. » 

dixit le Pr Claire Mounier-Véhier, chef du service de médecine vasculaire et d’hypertension artérielle au Chru de Lille et vice-présidente de la Fédération française de cardiologie.

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L’appel à l’autorité

• Les titres nous impressionnent. Nous débranchons notre esprit critique.

• Brigitte Fanny Cohen (Télématin) présente le Pr David Khayat :

« Professeur (1), vous êtes le chef de service de cancérologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (2), spécialiste reconnu du cancer du sein (3), vous avez fondé l’Institut national du cancer (4), dont vous êtes Président d’honneur (5). »

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Variante: l’appel à l’autorité illégitime (les people)

Ex : Animateurs de France-Télévision à qui on va demander de nous demander de quand date notre dernière mammographie.

On parle d’appel à une autorité illégitime lorsque l’autorité en question n’est absolument pas une autorité dans le domaine dans lequel elle cherche, grâce à

sa notoriété dans un autre domaine, à nous influencer.

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Les risques de l’instrumentalisation des peopleDans la pub…

Risques : un savon en plus

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Dans la campagne de dépistage …

Risques: un sein en moins

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Le pseudo-sondage indicateur de la bonne conduite à tenir

• Dépêche APM suite aux 33è journées de la Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire (SFSPM), Marseille, novembre 2011 :

• « Du côté des patientes, selon des propos recueillis par le Dr Pascale Romestaing de Lyon auprès de femmes par l'intermédiaire de l'association Europa Donna France, la notion de surtraitement et de surdiagnostic est compréhensible mais ne semble pas les inquiéter car elles ne se sentent pas personnellement concernées. Si elles souhaitent connaître les avantages et les inconvénients, elles insistent sur la relation de confiance créée avec le médecin et ne demandent pas à être responsable de leur traitement. »

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Le poison et l’antidote…

Le poison : Insinuer dans l’esprit des femmes

qu’elles ne devraient pas se sentir concernées.

L’antidote : Gaëlle-Marie Zimmermann,

chroniqueuse au Nouvel-Obs : « Je revendique ainsi avec le soutien

de mes seins – qui me paraissent tout de même concernés par le sujet – le droit er l’aptitude à faire mes propres choix, n’en déplaise aux chatouilleux oncologues qui, hier encore, ont voulu me remettre dans le droit chemin (celui de la mammographie systématique). »

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L’appel à la solidarité, au sacrifice(marche particulièrement bien avec les femmes)

• Dr Marie-Hélène Dilhuydy et Nicolas Brugère dans le bulletin de l’URPS (Union Régionale des Professionnels de Santé) n° 55 :

• «Ce ne sont pas les mêmes femmes qui encourent les effets délétères du dépistage et qui en recueillent les bénéfices. Les premières sont plus nombreuses, les dernières bénéficient beaucoup puisqu’elles ont la vie sauvée. Ainsi pour que certaines femmes soient sauvées, il faut que les autres, plus nombreuses, acceptent de ne recueillir du dépistage que des inconvénients, dont la plupart sont mineurs (sensation désagréable au moment de l’examen, angoisse…), d’autres sont délétères (faux négatifs, faux positifs, biopsies inutiles, surdiagnostic). Cette notion de solidarité, sans certitude que l’on puisse soi-même espérer des retombées positives, doit faire partie de l’information claire et loyale dispensées aux femmes, sans céder à la tentation d’une démarche purement incitative….. Les femmes sont capables de comprendre et lorsqu’elles adhèrent, elles le font en toute connaissance de cause. »

• Il s’agit-là d’une forme d’ étiquetage manipulatoire

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L’antidote…

Attitude tout de même plus saine…

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Instauration d’un sentiment d’obligation

• « Nous n’avons pas le droit de passer à côté du dépistage », Marie-Claire, Octobre 2011

• « La mammographie doit devenir un passage obligé comme le contrôle annuel chez le dentiste ou l’ophtalmologiste », présidente du Comité féminin Gironde

• Le dossier de presse Octobre rose 2012 de l’INCa nous parle « d'installer la mammographie comme un réflexe dans le parcours de santé des femmes »

• Dr J Salvat « Depuis 2004 et l’instauration du dépistage obligatoire et gratuit des cancers, nous constatons une diminution de la gravité des tumeurs opérées, etc. » (Le Messager 1/03/2012)

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Conséquence: culpabilité +++

• Dialogue extrait de la « vidéo de sensibilisation » du Comité féminin pour la prévention et le dépistage des cancers Hérault.

• « - Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que vous y alliez plus facilement?

• - Non c’est moi quoi… on fait tout ce qu’il faut pour que j’y aille… non, c’est ma faute, c’est tout! »

• Message : passer ses mammographies va de soi. Ne pas le faire doit engendrer un sentiment de culpabilité

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Détournement du sens des mots

Usage cosmétique de certains mots qui ont une « charge positive » très importante.

Confucius :

« Quand les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. »

Quels sont ces mots ?

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« Prévention »Amalgame constant Prévention/Dépistage

«Dépistage. Aidez, relayez, Adhérez. Agissez ensemble pour rester en bonne santé et aider les femmes autour de vous en les sensibilisant à la prévention » (Comité féminin savoyard)

« Beaucoup de femmes ont accès aux messages de prévention mais pensent qu’elles ne sont pas concernées. Il faut les inciter à franchir le pas » (présidente du comité féminin parisien)

La Dépêche 12/11/2012 :« Cancer du sein : il n’est jamais trop tôt pour prévenir, Il n’est jamais trop tard pour participer au dépistage organisé du cancer du sein »

La Dépêche 6/10/2012: « L’objectif [d’OR] est de convaincre les femmes âgées de 50 à 74 ans de participer au dépistage préventif du cancer du sein

L’INCa « Vous ne participez pas au DO: Laissez-vous convaincre » Raison invoquée par la 14è fiche « Je ne crois pas en la prévention »

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Or, la prévention selon Le Petit Robert c’est…

• Lit: l’action de devancer• Prévenir : Eviter (une chose considérée comme gênante) en prenant les devants.• La véritable prévention consiste donc à éviter le cancer et non à le constater

• En braquant le projecteur sur le dépistage comme une forme de prévention, ne l’aurait-on pas détourné de la prévention véritable???

• Un exemple parmi d’autres: en 2007, un rapport du Silent Spring Institute (SSI), publié en supplément de la revue Cancer, a identifié 216 substances chimiques associées à une augmentation des tumeurs mammaires (1).

• Une approche gouvernementale possible serait de prendre des mesures pour limiter l’exposition des citoyens à ces carcinomes mammaires, en particulier lors de la petite enfance et in utero, qui représentent des fenêtres de vulnérabilité particulières concernant l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

• (1) Ruthann A. Rudel et al, « Chemicals Causing mammary Gland Tumors in Animals Signal New Directions for Epidemiology, Clinical Testing, and Risk Assessment for Breast Cancer Prevention », Cancer 2007; 109 (12 suppl):2635-66

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« Informer »

• Dans le cadre de la campagne de dépistage, « informer » veut dire « convaincre ».On retrouve constamment les deux frères ennemis dans la même

• phrase

• « Le Comité Féminin a pour objet d’informer, sensibiliser, rassurer, accompagner et convaincre les femmes dans toutes les actions de dépistage et de prévention du cancer du sein. » (CFA)

• « En 2011, nous avons informé et incité plus de 18.000 femmes du département à effectuer ce dépistage » (itw du Dr Muriel Schroeder, chargée du dépistage du cancer du sein au Centre de Recherches Epidémiologiques de Dépistage et de Prévention, La Nouvelle République)

• « Nombre de nos confrères, médecins généralistes et gynécologues, consacrent beaucoup de temps non rémunéré à informer loyalement et convaincre leurs patientes de participer au DO. » Dr Jean-Luc Deheane, radiologue, président de l’ADNC

• Que veut-on: informer loyalement ou convaincre?• On peut s’interroger sur l’objectivité de l’information apportée lorsqu’il s’agit de

convaincre.

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Bénéficier« Bénéficier d’une mammographie gratuite »

• « Bénéficier »: vraiment?2 PB majeurs1/avant la ménopause, les seins sont denses, donc

radiologiquement « blancs » => mammos plus délicates à interpréter => risque d’erreurs accru

2/Des seins non ménopausés sont plus sensibles aux effets délétères des rayons X

Quelques avis sur la mammo avant 50 ans• Prescrire 2007: « La balance penche du côté des

effets indésirables: surtout les faux positifs avec l’angoisse et les explorations qu’ils entrainent, et l’irradiation répétée des seins. »

• Depuis Nov 2009, l’USPSTF 2009 ne recommande plus la mammo avant 50 ans. La décision de se faire dépister devient la responsabilité individuelle de chacune

Le Pr Hélène Sancho-Garnier, Santé publique, exprimant son désaccord avec les dernières recos de la HAS : « Le déremboursement de l’acte de DI devrait surtout comprendre les femmes de moins de 50 ans non à haut risque. ».

Même les plus fervents promoteurs de la mammo après 50 ans ne souhaitent pas se voir associés à sa promotion avant cet âge

Agnès Buzyn 2011 : Il n’existe pas à ce jour d’éléments justifiant l’extension d’un programme généralisé de DO à cette tranche d’êge 40-50 ans, au regard de la balance bénéfice-risques.

En 2012, au sujet du risque de cancer radio-induit : il faut certainement limiter le nombre de mammographies avant 50 ans en l’absence de facteurs de risque (BIONM jf2012)

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L’équité« Le dépistage correspond à un souci d’équité »

On joue de la fibre sociale en apportant le dépistage aux femmes des milieux défavorisés.

• Mais le problème de fond n’est-il pas à la base l’existence de milieux défavorisés? Et pas seulement d’un point de vue moral puisqu’il est démontré que les déterminants sociaux ont un impact majeur sur la santé (plus vous êtes pauvres, moins vous êtes en bonne santé)

Margaret McCartney, GP UK:• « S’attaquer réellement aux inégalités est le

domaine où les résultats seraient les plus spectaculaires, et non pas en suivant notre modèle actuel qui consiste à s’acharner à dépister des gens bien-portants, de façon à leur poser des diagnostics dont ils n’ont pas besoin, et dont ils ne retireront aucun bénéfice. »

Autre pb: ne fait-on pas à ces femmes-là un cadeau empoisonné dans la mesure où l’annonce d’un diagnostic de cancer du sein aura des conséquences encore plus dramatiques que pour des femmes des milieux plus aisés?

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Les mots à charge négative, qui dénigrent

• Ceux qui demandent l’ouverture d’un débat sur le bien fondé du dépistage sont diabolisés. On parle « d’opposants », de « détracteurs », de « polémique » au lieu de « débat ».

• Agnès Buzyn : « Je crois qu’il ne faut pas trop entrer dans la polémique. »

• Elle, octobre 2011 : « Cancer du sein : la fausse polémique. »

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Récupération des valeurs nobles 1/ L’éthique

• Une fois un cancer à l’avenir incertain détecté, on déclare : « Il serait beaucoup trop risqué et contraire à l’éthique de ne pas intervenir ». La décision est prise en amont des femmes, qui n’ont, pour l’immense majorité, pas conscience de ce qu’implique concrètement le surD ni avant, ni après la mammographie. Il y a récupération de l’éthique pour excuser la confiscation de la prise de décision. Or paternalisme et éthique ne s’accordent pas..

• Par contre, est-il bien éthique de ne pas informer pleinement une bien-portante des risques qu’elle encourt en passant une mammographie? S’il y a faux positif ou surD, cela représente un tort pur puisque, dans un dépistage, par définition, nous nous adressons à des personnes non-malades. La moindre des choses serait donc d’informer loyalement ces personnes qui, jusque-là, se portent fort bien.

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2/ Le féminisme

• [visuel Marie-Claire]

Utilisation de toute une rhétorique très positive d’affirmation de soi. On parle « d’oser passer une mammographie », « oser montrer ses seins », de « prendre soin de soi », « d’ouvrir les yeux », de « briser les tabous ». Passer une mammographie semble constituer le plus haut degré de rébellion qui soit.

Les authentiques féministes ne sont pas dupes: Barbara Erhenriech, dans Welcome to Cancerland

« Où sont la révolte et la passion? En fait, mis à part le sentiment diffus de fraternité qu’offrent les groupes de soutien sur internet, il n’y a rien de très féministe –dans son sens idéologique ou activiste – dans le courant majoritaire de la Breast Cancer Culture aujourd’hui. »

Et comme on s’occupe d’un cancer de femme, l’accès pour toutes à la procédure passera d’autant plus pour féministe.

Dr Nortin Hadler, dans Le dernier des bien-portants, titre un des chapitres: « Le CS et ce que le mouvement féministe à compris de travers »

« la revendication selon laquelle la réparation des injustices d’antan passe par la fourniture de soins comporte elle-même son propre risque. Bien qu’il faille réparer les torts du passé, les tentatives intempestives peuvent ne pas profiter à ceux qui se considèrent mal servis. »

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L’attaque ad hominem… contre Que Choisir

.

« Curieusement, c'est le moment choisi [OR] par certains détracteurs du dépistage pour le critiquer sévèrement. Volonté de nuire, dénigrement peu élégant, où cancer du sein et garage automobile se partagent la première page d'un mensuel bien peu scientifique […] On aurait donc pu espérer plus de retenue et de prudence de la part de la rédaction d'un journal dont la compétence médicale et scientifique n'est pas établie »

• Dr J-L Dehaene, radiologue, président de l’ADCN (Association pour le Dépistage des Cancers dans le Nord)

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…contre les épidémiologistes

Le surD a été révélé par les épidémiologistes. Ils sont souvent les premiers à repérer l’effet pervers d’une politique de santé publique. Il n’est donc guère étonnant qu’ils ne soient guère aimés des décideurs.

Arthur Holleb, président de l’ACS à la fin des années 1970 qualifiait déjà l’épidémiologie de « pratique de la médecine sans les pleurs ».

On va jouer de la mauvaise image des statisticiens auprès du grand-public et valoriser l’expérience personnelle au détriment des statistiques, démarche bien peu scientifique

Un grand classique de 2012 : « Ceux qui critiquent le dépistage sont des épidémiologistes qui n’ont jamais touché un malade »

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Notre amour des belles histoires

• Très exploité dans toutes les formes de marketing.

• Nous achetons un produit parce que nous aimons l’histoire qui va avec.

• Nous adhérons au dépistage parce que l’histoire de la survivante sauvée par la mammographie et qui retrouve une vie « normale » après nous séduit.

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« We all love tits, take care of them! »Raison de plus pour ne pas les couper pour rien!

La belle histoire : « Le dépistage précoce permet un traitement

plus conservateur, moins invalidant »

La réalité :   «Le dépistage du cancer du sein par

mammographie est associé à une augmentation notable des taux de chirurgie pour cancer du sein. Par opposition à ce qui est affirmé dans les brochures envoyées avec les invitations au dépistage ou par les institutions gouvernementales ou par de nombreuses associations, le dépistage ne permet pas une réduction des taux de mastectomies. » (1) 

• 1) Surhke P, Mæhlen J, Schlichting E, Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Zahl PH: Mammography screening and surgical breast cancer treatment in Norway: comparative analysis of cancer registry data. BMJ 2011, 343:d4692

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La belle histoire… et la réalité

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« Détectés à temps, 9 cancers sur 10 guérissent »

• La réalité: Cette statistique ne tient pas compte du surD. Il est évident que des cancers qui n’étaient pas destinés à évoluer ne peuvent que « guérir ». Deux citations:

• « Comme il est impossible de distinguer les vrais cancers de la pseudo-maladie, tous les diagnostics de cancers sont inclus dans le calcul de la survie à 5 ans, ce qui lui donne bien meilleure mine qu’auparavant » (1)

• « Le surD a donné l’illusion de l’amélioration du pronostic vital par les traitements ( entre autres chirurgical) du CS » (2)

• (1)Gilbert Welch « Dois-je me faire tester contre le cancer? Peut-être pas et voici pourquoi », PUL, 2007

• (2) Colloque d’onconlogie, Hôpital St Antoine, mai 2010

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ConclusionQue faut-il dire aux femmes???

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• Va-t-on simplement modifier la direction de la flèche? Remplacer un paternalisme par un autre?

• Ou va-t-on tenter d’initier une autre approche dans la gestion des problèmes de santé publique concernant les femmes?

• Approche qui consisterait à fournir loyale et laisser l’individu décider par lui-même. Et donc…

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…cesser de dire aux femmes quoi faire

Deux niveaux à distinguer: Au niveau national • La campagne de dépistage

systématique telle qu’elle est pratiquée actuellement est anachronique et ne se justifie plus au regard des conclusions des dernières recherches.

Au niveau individuel• La mammographie doit rester

disponible pour celles qui le souhaitent. A chaque femme de décider en fonction de ses propres valeurs. Cette décision doit donc rester personnelle et le concept de consigne unique pour toutes est dépassé.

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• « Donnez au peuple les faits et laissez-le décider » Abraham Lincoln

• La réponse à la question : « Dois-je me faire dépister ? » dépend des valeurs personnelles de chacune.

• « La conception que nous avons de notre santé est un choix : nous pouvons estimer être en bonne santé tant que le contraire n’est pas démontré, ou bien penser avoir un problème tant qu’on n’a pas fait la preuve de son absence. » Gilbert Welch, Dois-je me faire tester contre le cancer?

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A méditer pour terminer…

« Il y a deux choses qui nous tuent davantage que le cancer: notre peur de lui et notre refus de l’incertitude »

Margaret McCartney, The Patient Paradox

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Je vous remercie…

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@RCampergue