La loi du desir, T2.Sur ta peau -...

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Ecrire,ReginaKylesaitquec’estsondestindepuiscemerveilleuxjouroù,âgéededixans,ellearemportélepremierprixd’unconcoursdenouvelles.Si,durantlajournée,ellemetsontalentauservicede la justice américaine pour laquelle elle rédige des documents légaux, c’est la nuit, face à sonordinateur, qu’elle laisse le champ libre à son imagination en donnant vie à des héros délicieusementtroublants.

Chapitre1

LorsqueGabeNelson jugea venu lemoment idéal pour faire sa demande, il se sentit soudain labouchesisèche,lalanguesipâteusequ’illuiparutimpossibledeselancerdanslepetitdiscoursqu’ilavaitpréparépourl’occasion.Ildécidadoncdefairesimple.

—Veux-tum’épouser?Retenantsonsouffle,ilseleva,fitletourdelatableettenditunpetitécrindeveloursbleusombre.

Il l’ouvrit.Un superbe diamant étincela dans la lumière des lustres de cristal qui ornaient la salle ducélèbrerestaurantnew-yorkaisleRainbowRoom.

KaraHumphries,sapetiteamiedepuissixmois,fixalabague,l’airhorrifié.—Je…jenesaisquedire.Gabeavalasasalive,lagorgenouée.Ellen’avaitpasréellementditnon.Ildevaitbienexisterun

moyendelaconvaincred’acceptersaproposition.—Situnesaisquedire,disoui.Ilsaisitsamainparfaitementmanucurée,laportaàseslèvres,enembrassadélicatementlapaume,

laissantseslèvresglissersensuellementsursapeaupourplusd’effet.Iln’avaitpasserviquatreansdansles services juridiques de lamarine ni atteint le poste d’avocat le plus élevé auprès du procureur dudistrictdeNewYorkpourrenoncersanssebattre.

Karaôtasamainetlaposasursesgenoux.—Jesuisdésolée,Gabe.Tuesunhommemerveilleux.Vraiment.Jesuiscertainequebeaucoupde

femmesrêveraientdet’épouser.Mais…Lecoupétaitpourlemoinsdirect.Gaberegagnasaplaceetserassit.Lesmainsmoites,ilreferma

lepetitécrinetleglissadanslapocheintérieuredesavestedecostume.Soncœurbattaitàtoutrompresouslecotonimmaculédesachemise.

—Beaucoupdefemmesenrêveraient,maispastoi,c’estça?Ettuvasmedirequecelan’arienàvoiravecmoi,quec’esttoi.C’estcequ’onacoutumedediredanscescas-là,non?

—Enfait…,commençaKara.Ellebaissalatête,manipulauninstantsaserviettesursesgenoux.Puis,auboutd’unmomentquilui

parutuneéternité,ellelevalesyeuxverslui.—C’esttoi.Etmoi.—Etc’estcensévouloirdirequoi?Ils’efforçaitdenepasparaîtreblessé,maiscen’étaitpasfacile.Lorsqu’ilsefixaitunobjectif,il

avaitpourhabitudede l’atteindre.Et,pour lui, cettedemandeenmariagen’étaitpas trèsdifférentedutypedenégociationsqu’ilconduisaitrégulièrementavecsesclients.

Karaetluiétaientfaitsl’unpourl’autre.Iln’yavaitplusqu’àconclurelemarché.

Ellelevalamain,effleuraduboutdesdoigtssescheveuxblondcendréimpeccablementcoiffésetlareposasursesgenoux.

—Nousaimonstousdeuxlejazz,lesorchestressymphoniques,lavoile,lestrèsbonsvins.—C’estexact.Il leva sa coupe de Veuve Clicquot 1998, la bouteille hors de prix qu’il avait choisie tout

spécialementpourcélébrerleurfutureunion,etenbutunegorgée,fixantKarapar-dessusleborddesacoupe,un légersourireaux lèvres.Une lueurd’espoirvenaitdenaîtreen lui.Laremarquede la jeunefemmeallaittoutàfaitdanssonsens.

—C’estcequ’onappelleunetrèsgrandecompatibilité.Jenevoispasoùestleproblème.—Ilestlà,précisément.LavoixdeKarasebrisa.Ellepritunegrandeinspiration.—Iln’yapasd’étincelle,depassionentrenous.Jet’adore,Gabe,etj’espèrequenousresterons

amis. Mais ce soir je voulais justement te dire que nous devrions cesser de nous voir. Nous nousressemblons trop. J’ai besoin d’un homme qui m’oblige à me dépasser, à m’ouvrir à de nouveauxhorizons.Unhommequimefassedécouvrirdenouvelleschoses.

Gabesepenchaverselle,étudiaattentivementsestraits.Lepremierchocsedissipait,laissantplaceàunmélangededéterminationetdecuriosité.

—Jepeuxêtrecethommequiteferadécouvrirdenouvelleschoses.Pourquoipas?Sielleavaitbesoind’aventure,illuiendonnerait.Ilpouvaitêtretoutaussidrôleet

spontanéquen’importequi.Sionluilaissaitjusteassezdetempspours’organiser.—Oh!Gabe,tuesadorable.Maisl’aventure,pourtoi,c’estdeboireduvinrougeaveclepoisson

plutôt que du blanc. Je te parle de la vie, vivre, prendre des risques, pas les sempiternelles chosesennuyeusesquenousrépétonstoutletemps.

Gabesentitsamâchoiresecrisper.Ilcroisalesmains.—Jesuisdoncennuyeux,sijecomprendsbien.—Pasexactement.Seulementprévisible.Karaseleva,posasaservietteàcôtédesonassietteetlissasajupe.—Jesuisdésolée,Gabe.J’avaisenviequecelamarcheentrenous.Vraiment.Maisjenepeuxplus

fairesemblant,tenterderessentirquelquechosequin’existepas.Unjour,turencontreraslafemmequ’iltefaut.Cen’estpasmoi,c’esttout.

Karaquittalatableettraversalerestaurant,suscitantnombredemurmuressursonpassage.C’étaitinévitablelorsqu’onétaitlafilled’unsénateuret,quiplusest,l’undesbienfaiteurslespluséminentsetlesplusrichesdeNewYork.

Gabedemeuraassis,trèsmalàl’aise,fixantsonassiettedetempuradegambas.Ques’était-ilpassé,aujuste?C’étaitinsensé.Ilavaitpourtanttoutprévu.

Lelieuidéal.Letimingidéal.Lafemmeidéale.Oudumoinsl’avait-ilcru.Ilavaittrenteans.Ilvoulaituneépouse,desenfantsavantd’êtretropâgépourenprofiter.Detoutes

lesfemmesaveclesquellesilétaitsorti,Karaétaitlaseuleaveclaquelleilluiavaitparuenvisageabledepartagersaviesur le long terme.Lapartenaire idéaleà touspointsdevueetquiserait toujoursàsescôtéslorsdesréceptionsetdesgalasdebienfaisance.Ill’imaginait,recevantlesinvitésousedétendantauprèsdeluiaprèsunejournéeharassante,enlisantouenécoutantduJohnColtranesursatoutedernièrechaîne,summumdelatechnique.D’accord,physiquement,cen’étaitpaslapassiondébridée.Maiscelaviendraitensontemps,non?

Maisellevenaitdedirenon.Deprétendrequ’ilétaittropprévisible.Cequi,àsesyeux,signifiaitennuyeux,quelsqu’aientétéseseffortspourenroberlachose.

—Votreaddition,monsieur.

Gabelevalatête.Lemaîtred’hôtelleregardait,l’airgêné.Ilétaitévidentqu’ilavaitétéletémoindecettescèneregrettable.

Gabesaisitl’étuidecuirqu’illuitendait.Ilyglissasacartedecréditsansmêmevérifierlemontantdel’addition.

Lemaîtred’hôtels’éloigna,lelaissantseuldenouveau.Iljetauncoupd’œilautourdelui,croisalesregardscompatissantsdeplusieursbienfaiteursquis’empressèrentdedétournerlesyeux,témoinseuxaussidesonhumiliation.

Sonhumiliationpublique.Auboutd’untempsqu’iltrouvainterminable,lemaîtred’hôtelrevintavecsacartedecrédit.—Voilà,marmonna-t-ilaprèsavoirgriffonnésasignature.Puisilvidasacoupedechampagne,seleva,ettraversalasallederestaurant.Uninstantplustard,il

sefondaitdanslanuitnew-yorkaise.Son appartement ne se trouvait qu’à quelques rues de là,mais il prit la direction opposée, vers

CentralPark.Cen’étaitpasl’endroit leplusrecommandéàfréquenterlanuit,maisilnesesentaitpasprêtà rentrerchez lui. Il avaitbesoinde respirer,de réfléchir, et ilneconnaissait riendemieuxpours’éclaircir les idéeset faire lepointquedecourirdans leparc.Cesoir,encostume, il lui faudrait secontenterdemarcher,cequinel’empêcheraitpas,ilenétaitcertain,d’arriverennageàsonappartementtantlanuitétaitmoite.

Ilcontournait lebassindesvoiliers,s’efforçantdecomprendrepourquoi ilsesentaitpluschoquéque réellement chagriné par le refus deKara lorsqu’une voix aiguë provenant de derrière le hangar àbateauxlefitsursauter.

—Enlèvetessalespattesdelàoujevaisteflanqueruncoupdegenou,situvoiscequejeveuxdire.

Gabefonçaendirectiondelavoix.Une jeune femme lui tournait le dos, les poings serrés. Son agresseur gisait, recroquevillé à ses

pieds,tentantdereprendresonsouffle.—Non,c’estnon,espècedecrétin!Letypepoussaungrognementetlajeunefemmesepenchaverslui.Lemouvementfitremontersa

minijupe,découvrantunpeuplusseslonguesjambeseffilées,harmonieusementmuscléesethabilléesdeDocMartensrosevif.

—C’estbon,j’aicompris.Tun’avaispasbesoindefrapperaussifort,salopefrigide!Gabesortitdel’ombre.—Soignetonlangage.Ettunebougespas.J’appellelapolice.Il sortaitdéjà son téléphoneet s’apprêtait à composer lenuméro lorsque la jeune femme l’arrêta

d’ungeste.—Non,paslapolice,s’ilvousplaît.Gabe entrevit un tatouage à son épaule. Il représentait une sorte d’elfe et lui était vaguement

familier.—Freddiedevenaitjusteunpeutropentreprenant.Maisjel’airemissurledroitchemin.Ellepoussal’hommedel’extrémitédesachaussure,luiarrachantunnouveaugrognement.—N’est-cepas,Freddie?Gabesentitsonestomacseserrer.—Devin?Lajeunefemmeseretournalentement,écarquillantdegrandsyeux.—Oh!non.

***

DetoutcequeNewYorkdevaitcomptercommehérosprêtsàsauverunebelle,pourquoifallait-ilquecesoitprécisémentGabeNelsonquiaitvoléàsonsecours?

DevinPadillapoussaunsoupirexcédé.—Ravidevousvoirégalement,ditGabe.Ellecroisalesbrassursapoitrine.—Quefaites-vousici?—Jerentrechezmoi.Cequevousseriezbienaviséedefaireaussi,ilmesemble.Laréprobationétaitclairedanssavoixtandisqu’illadévisageait,n’appréciantguère,sansdoute,la

façon dont elle était habillée. Certes, son petit haut de dentelle moulait un peu trop ses seins, et saminijupe, la rondeuraguichantede ses fesses.Maiselleétaitbarmaid,pasastrophysicienne.Commentétait-ellecenséerécoltersuffisammentdepourboirespoursubveniràsesbesoinsetmettre,enplus,del’argent de côté pourVictor si…Non,quand elle le retrouverait. Si elle ne jouait pas un peu sur laséduction, ce ne serait pas son bagout ni ses reparties pleines d’esprit qui suffiraient à remplir sespoches.

—Voustravaillezdansunesortedetroquetducentre-ville,ilmesemble?—Cen’estpasunesortedetroquet,maisilsetrouveeffectivementaucentre.Ilm’arrive,enplus,

defairedesextraauMarkpourrendreserviceàunami.Devinnerefusaitjamaislapossibilitédegagnerunpeud’argentsupplémentaire,etc’étaitauMark,

cethôtelbardel’UpperEastSide,qu’ellelefaisait.—Hé,appelasoudainunevoix.Ilyaunhommeblesséàterre.—Lève-toi,Freddie,ditDevin.Tun’espasblessé.Jet’aiàpeinetouché.—Vousconnaissezcethomme?demandaGabe.—C’estundemesclients.Ilm’aproposédemeraccompagneraumétro.Devin lui jeta un regard noir. Il n’était qu’un numéro de plus dans la longue liste des losers qui

l’avaientdraguéeaucoursdessixderniersmois.C’étaitcommesielleportaitenpermanenceunpanneauindiquant:«Attention,lesgars.Sivousêteséquilibré,sivousavezunemploirémunéréetsivousêtesplutôtséduisant,alorspassezvotrechemin.»

—Lemétro,Freddie,etpasautrechose.Paslegenred’épisodesordidequetuavaisentêteenmecoinçantderrièrelehangaràbateaux.

Freddiesehissaavecpeineàgenoux.—C’esttafaute.Tun’arrêtespasdem’envoyerdessignauxcontradictoires.—Dessignauxcontradictoires?Devin le visait déjà de sa Doc Martens. Il se fit aussitôt un bouclier de ses bras. Elle racla

rageusementlesolàquelquescentimètresdeluietilreculapromptement,teluncrabeaffolé.—Etça,c’estunsignalcontradictoire,minable?Gabeposaunemainsursonépaule.— Tout va bien. Et te voilà libéré de ton obligation, Freddie. C’est moi qui raccompagne la

demoisellechezelle.—Sûrementpas.D’ungestebrusque,Devin sedébarrassade lamainposée sur sonépaule. Iln’étaitpasquestion

qu’ellepasseuneminutedeplusavecSuperman.Aussisexysoit-il.—Lemétron’estqu’àdeuxminutes.Jepeuxparfaitementmedébrouillerseule.—Jen’endoutepas.Maisungentlemans’assuretoujoursquelajeunefemmeaveclaquelleilsort

estbienrentréechezelle.GabeôtasavesteetlaglissasurlesépaulesdeDevin,soustrayantsesseinspigeonnantsauregard

concupiscentdeFreddie.

—N’est-cepas,Freddie?— Je ne sors pas avec vous. Et encore moins avec lui, lança Devin, les fusillant tous deux du

regard.—Jevousenprie,ditGabe,lamainfermementposéeaucreuxdesesreins.Acceptezquejevous

raccompagne.Le trouble auquel elle n’avait pas voulu prêter attention lorsqu’il avait glissé la veste sur ses

épaulessemanifestadenouveau,luidonnantl’irrésistibleenviedesuccomberàlachaleurdecettemaind’homme.

LamaindeGabeNelson.—Faitescommebonvoussemble,ditFreddie.Ilseleva,reculaprudemment.—Maisjevousassurequecettefillenepeutquevousattirerdesennuis.Devinallaitdenouveauseprécipitersurlui,maisGabelaretint.Aucontactdesesmains,ellese

sentittoutentièreparcourued’unfrisson.Qu’yavait-ilchezlefrèredeHolly,cethommecolletmontéetprétentieux,quipuisselamettreinstantanémentdansuntelétat?

Ce ne pouvait pas être ce corps sublime qu’il dissimulait sans nul doute sous ses costumes decréateurs : épaules larges, torse solide,hanchesétroiteset longues jambesmusclées.Ni sesyeuxd’ungrisd’orageauregardintense,mystérieux,etquinelaissaitrienparaîtredecequisetramaitdanssonesprit.Nidavantagesaboucheauxlèvrespleines,sensuelles,quipromettaitdesbaisersenivrants.

—C’estunrisquequejevaisdevoirprendre,réponditGabe,laissantsamainglisserjusqu’àsoncoude.

Devinfrissonnadenouveaudelatêteauxpieds.—Jevousauraiprévenu!lançaFreddieavantdedisparaîtredansl’obscurité.—Saletype!DevinsetournaversGabe.—J’apprécievotreaide.—Maisvousn’enavezpasbesoin.J’aicompris.Elleôtalavestedesesépaulesetlaluilança.Puiselletournalestalonsetpartitendirectiondu

métro.Ellen’avaitpasfaittroispasqueGabelarejoignait.—C’estbienessayé,maisvousnevousdébarrasserezpasdemoiaussifacilement.J’étaissérieux

endisantquejevousraccompagnaischezvous.Uneétincellebrilladanssonregard.Etait-cedelacolère?Delafrustration?LepoulsdeDevinse

mitsoudainàbattreplusfort.LaisserGabeNelsonlaraccompagnern’étaitpeut-êtrepasunemauvaiseidée,après tout.Elle l’imaginaitdéjà laprenantcontre lemurdusalon.Oubiensur lecomptoirde lacuisine.Oubienencore…

—Deplus,masœurmetueraitsielleapprenaitquejevousailaisséeseuledansCentralPark,aubeaumilieudelanuit.

Maisoui,biensûr.Sasœur.Lamissiondontilsesentait investi.Cen’étaitpaspardésirqu’ilagissait.Mercipourladouchefroide!

—D’accord,ditDevin,sèchement.Maisonprenduntaxi.Etàvosfrais.—Avecplaisir.Illapritparlebras,l’entraînaversla5eAvenueoùilhélauntaxi.Illuiouvritlaportière,donna

son adresse au chauffeur. Il la connaissait très bien. Jusqu’à une date récente, sa sœur habitaitl’appartementjusteau-dessousdusien.

—CommentvaHolly?demandaDevinpourromprelesilencegênéquis’étaitinstalléentreeux.Ilyaplusd’unmoisquejenel’aipaseueautéléphone.Depuisqu’elleestpartieavecNickpourIstanbul.

—Elleseplaîtbeaucouplà-bas,réponditGabe.Il desserra sa cravate, dégrafa les deux premiers boutons de sa belle chemise blanche, laissant

entrevoiruntriangledetoisonsombre.—Maismesparentssefontbeaucoupdesoucipourelle.Jenepeuxpascroirequesonmédecin

l’aitautoriséeàvoyagerdanssonétat.Devin avala sa salive et se tourna vers la vitre. Elle avait tatoué sans sourciller bon nombre

d’hommessuperbes,magnifiquementmusclés.Etvoilàque,pourquelquescentimètrescarrésde toisonbruneàpeineentraperçus,elleparvenaitàpeineàrespirer.

C’étaitpathétique.—Flash d’information ! lança-t-elle lorsqu’elle eut enfin retrouvé son souffle.Holly n’accouche

quedanscinqmois.Ilyadenombreusesfemmesquivoyagentsansproblèmeàquatremoisdegrossesse.EtNicks’estassurélesservicesd’ungynécologueobstétricienetd’uneinfirmière.

Avectout l’argentqu’ilpossédait, ilpourraitmêmeluioffrirunematernitéavecsonpersonnelaucomplet.Devinnedoutaitpasuninstantqu’illeferaitsiletournagedesonfilmseprolongeaitau-delàdeladateprévue.Elle n’avait jamais vudeux êtres aussi attachés l’un à l’autre.Leur exemple lui auraitpresquefaitoublierquellefarcegrotesquel’amourpouvaitêtre.

Presque.Lesilenceretomba.Levisagetournéverslavitre,Devinregardaitdéfilerlesimmeubles.Maiselle

avaitbeauessayerdeseconcentrer,elleneparvenaitpasàignorerGabe,assisàquelquescentimètresd’elle.Toutenluilatroublait,lecontactdesacuissequiavaitfrôlélasiennelorsqu’ilavaitchangédeposition,leparfumdesoneaudetoilette,mélanged’agrumesetd’unepointedecèdrequinecessaitdetitillersesnarines.

Deplusenpluspathétique.—Jepeuxvousposerunequestion?demanda-t-ilbrusquement,avecuneétrangeurgencedansla

voix.—Oui,réponditDevin,setournantverslui.Enfin,j’imagine…—Diriez-vousquejesuis…Ilpassaunemaindanssescheveuxbrunscoupéstrèscourt.—Quejesuis…quejesuisennuyeux?Devinfaillits’étouffer.Ennuyeux,lui?Sérieusement?Detouslesadjectifsdontelledisposaitpour

décrireGabeNelson,ennuyeuxétaitbienledernierauquelelleauraitpensé.Colletmonté,unpeutropsérieux,renversanttellementilétaitsexy,maisennuyeux?

Jamaisdelavie.Elleétaitsurlepointdeluirépondrelorsqu’ileutungestevaguedelamain.—Inutile.Votrehésitationenditlong.Sonvisages’étaittendu.Ilsedétourna,fixalepaysagequidéfilaitparlavitre.Oh!non!Maisquesepassait-ilaveccethommepourqu’elleperdeainsisesmoyensetseretrouve

à dire ou faire systématiquement ce qu’il ne fallait pas ? Elle se sentait pareille à une adolescente,follementamoureusedufrèredesameilleureamie,hommeirrésistibleettotalementinaccessible.

Etc’étaitexactementcequ’elleétait.Adolescentemiseàpart.Avantqu’elleaiteuletempsdetrouverunmoyend’arrangerleschosesavecGabesanspourautant

perdresafierté,letaxisegaraitdevantchezelle.Ildescendit,vintluiouvrirlaportière.—Laisseztournerlecompteur,dit-ilauchauffeur.Jerevienstoutdesuite.Devin descendit, passa devant lui, ignorant lamain qu’il lui tendait. Il la suivit jusqu’à la porte

d’entrée.—Merci,dit-elle,fouillantdanssonsacàlarecherchedesesclés.

Maisoùétaient-elles?Ellen’avaitqu’uneenvie,rentrerauplusvitechezelle,sechanger,enfilerunvieuxT-shirtetsejeterensuitesursaglacepréférée,chocolatetnoisettescaramélisées,pouroublierlaterriblehumiliationdetoutecettesoirée.

—Ecoutez, commença-t-elle, à propos de la question que vousm’avez posée dans le taxi, vousn’êtespasennuyeux.Justeunpeucoincé,peut-être.

—Coincé?—Oui.Jeveuxdire…vieuxjeu,conservateur.Devinneput retenir unpetit cri lorsqu’il l’attrapabrusquementpar les épaules, la retourna et la

plaquacontrelemur.—Etça,c’estuneattitudecoincée?«Ça»,c’étaientsesmainsreferméessursesépaules,ses lèvresécrasant lessiennes.Devinétait

sous le choc, mais déjà elle s’abandonnait. Son sac glissa de ses mains, la recherche des cléspromptementoubliée.Elle referma lesbrasautourdesoncouet, lesmainsenfouiesdanssescheveux,elleleserraplusfortcontreelleetentrouvritleslèvres.Ilneperditpasuninstantetpritl’avantage,lescaressantdelapointedesalangueavantdeplongerdansladouceurdesabouche.

Devinchavira.Ellenes’étaitpastrompéeausujetdeseslèvres.Ellesétaientextraordinairesetellesavaitdéjàqu’ellepourraitlesembrasserpendantdesheures,desjours,même.Etsalangue…Oh,monDieu,salangue…

Elle raya mentalement l’adjectif « coincé » de la liste le concernant et plongea tête baissée,répondantaucoupparcoupàsesassauts,léchant,mordillant,faisantcourirsalanguesursesdentsavantdelaplongerdanssabouche,d’yretrouverlasienne.

Il poussa un grognement, glissa un genou entre ses jambes et les écarta. Elle sentit soudain lesmusclesdursdesacuissepresserintimementsachair.

Elle allait refermer une jambe sur sa taille et se hisser contre lui, impatiente, avide, lorsqu’ilinterrompitabruptementleurbaiser.

—Bonsang,Devin,je…Elleposalesmainssursontorse,résistantàl’enviedesaisirdanssespoingssabellechemisesi

bienrepasséeetdel’attireràelle.—Sivousosezdirequevousêtesdésolé,jevous…Ils’écarta,laregarda.—Vousallezmefairetâterdevotregenou?—Quelquechosecommeça,oui.—Alors,jevaismecontenterdevoussouhaiterbonnenuit.Unsourireeffleurauninstantseslèvres.—Faitesdebeauxrêves.Devins’adossaàlaporte,lesjambesflageolantes,tandisqu’ilgrimpaitdansletaxi.Elleleregarda

s’éloigner et ce n’est que lorsque ses feux eurent disparudans la nuit qu’elle se laissa glisser au sol,cherchantsonsacàtâtons.

Supermanvenaitdefairecequ’aucunhommen’avaitfaitavantlui.Ilétaitparti,lalaissanttotalementsursafaim.

Chapitre2

—Hé,Nelson,lebossveuttevoir.—Uneminute.Davecontinuadetapotersursonclavier,leregardfixésurl’écrand’ordinateur.—J’aipresqueterminéaveccetterequête.—Lebossadittoutdesuite.Gabe leva les yeux vers son collègue, Jack Kentfield, son second dans le bureau des affaires

relativesàl’enfancemaltraitée.—Queveut-il?—Aucuneidée.Entoutcas,tuesattenduau7eétage.—Super.Gabepressalatouchesauvegarde,fermaledocumentetrepoussasonfauteuil.Etreconvoquéchezlebossnepouvaitsignifierquedeuxchoses.Optionnuméroun,ilavaitcommis

uneerreuret ilallaitsefairepasserunsavon.Optionnumérodeux, ilavaitpluenhaut lieuet ilallaitrecueillirdeséloges.

Aujourd’hui,ilnesesentaitd’humeurnipourl’unnipourl’autre.—Bonnechance ! lui lança Jack tandisqu’il gagnait l’ascenseur.Si tun’espas revenudansdix

minutes,j’envoieuneéquipeàtarecherche.Oujelanceunesouscriptionpourunmonumentàtamémoire.Lesportes de l’ascenseur s’ouvrirent etGabe s’y engouffra.Tandis qu’il gravissait les étages, il

songeaàcequil’attendaitlà-haut.Ilnevoyaitvraimentpascequ’ilavaitpufairequipuisseluivaloirunrappelàl’ordre.Cecidit,pourêtretoutàfaithonnête,iln’avaitpasvraimentl’espritautravaildepuissarencontreavecDevin,dansleparc.Etsurtoutaprèscequis’étaitpassédevantsaporte.

Leurbaiseravaittoutsimplementétéexplosif.D’uneintensitésansrapportavectoutcequ’ilavaitpuvivrejusque-là.Luiquis’enorgueillissaitdepouvoirgarderlecontrôleentoutescirconstancesetdetoujours réfléchir avant d’agir, il avait vu tout cela s’évaporer en un instant, lorsque Devin s’étaitabandonnéedanssesbras,ouvrantses lèvresdoucespour lui, soncorpschaudauxcourbesenivranteslovécontrelesien.

A cette seule évocation, il sentit son sexe réagir. Il secoua la tête.Du calme, ce n’est pas lemoment.Penseàautrechose.Réunionimportanteenvue.

Ilfermalesyeux,pressasespaupières.Ils’étaitcomportécommeuncrétin,impulsifetégoïste,enselaissantalleràl’embrasser!Maisilenétaitaumoinssortiunebonnechose.Ilcomprenaitàprésentpourquoi lerefusdeKara l’avait laisséplussonnéquetriste. Il l’avaitdemandéeenmariagepourdesraisonsquin’étaientpaslesbonnes,pensantpouvoirchoisirunepartenairepourlaviesurlaseulebase

degoûtsetd’intérêtscommuns.Ils’étaitditquelapassionviendraitplustard,qu’elleseconstruiraitpeuàpeu.

Cene seraitpas le cas. Iln’enallait jamaisainsidans lavie.Et l’épousern’aurait pas été fairepreuved’honnêteté,nienversellenienverslui.

Lesportesdel’ascenseurs’ouvrirentetGabepénétradanslesanctuaireduprocureurdeNewYork,ThaddeusHolcomb.Teddypoursesamis,etM.Holcombpoursessubalternesdu1HoganPlace.

—Gabe.Doris,sasecrétairedepuistoujours,luifitsigned’approcher.—Ilvousattend.Elle l’introduisit dans une vaste pièce, trois fois plus grandeque celle qu’il occupait.En lieu et

placedubureau réglementaire enmétalgris, leprocureur était installé àun imposantbureaude chênesombre.Desbibliothèques,ellesaussienchêne,tapissaientlesmurs,contenantdegrosvolumesdedroitauxcouverturesbleuvifetdestraitésdelois,letoutartistiquementdisposéauprèsdeplaques,trophées,distinctionsetphotos.

—Vousvouliezmevoir?demandaGabe.Ils’avança,pritplacedansl’undesfauteuilsdecuirréservésauxvisiteurs.Holcombrefermaledossierqu’ilétaitentraindelire.—Beautravailsurl’affairePatterson.Cen’étaitpassimplefaceaujugeMorrison.Bravo.—Merci.Gabesedétenditunpeu.Ilsemblaitqu’onsoitplutôtpartipourl’optionnumérodeux.—Vousavezuneidéeduverdict?—Ilserarendujeudiprochain.—Parfait.Tenez-moiaucourant.Holcombs’éclaircitlavoix.Gabeseprépara.Iln’allaitpastarderàsavoirquelleétaitlavéritable

raisondecepetittête-à-tête.Holcombfitglisserledossierdanssadirection.— La nuit dernière, la police a procédé à une arrestation dans l’affaire de l’homicide de Park

Avenue.Gabe hocha la tête. Les médias ne parlaient que de cela, ce matin. Un employémunicipal était

accusé d’avoir agressé et assassiné une femme âgée et l’infirmière qui habitait chez elle. Un témoinl’avaitvuquitterl’appartementpeudetempsavantquelescorpssoientdécouverts.

—Ilseratraduitenjusticedemain.C’estKentfieldquisuitl’affaire.Holcombsecoualatête.—Jeveuxquevouslarepreniez.Toutelapressevasejeterdessus.Gabefronçalessourcils.Jackétaitpeut-êtreuncrétindepremière,maisilétaittoutaussicapable

queluidegérerlapresse.Ildevaityavoirautrechose.—Qu’est-cequevousnemeditespas?demanda-t-il.—Rien.Holcombhaussalesépaules,arborantunairinnocentquiachevadeconvaincreGabequ’ilavaitune

idéederrièrelatête.—Vousêtesmonmeilleurprocureuradjoint.Voussuivrezcetteaffaire,c’esttout.Gabe s’empara du dossier et se leva. Il savait quand il était opportun de discuter et quand il

convenaitdenerienfaire.—Trèsbien.—Jen’aipasencorefini,ditHolcomb.IlfitsigneàGabedeserasseoir.—Ilyaunautresujetdontnousdevonsparler.—Ilyaunproblème?demandaGabe,brusquementinquiet.

—Jecroisquevoussongezàbriguermonpostelorsquejeprendraimaretraite,l’annéeprochaine.—Eneffet,monsieur.Se présenter à une fonction d’Etat était une suite logique dans le plan de carrière de Gabe.

Procureur, tout d’abord, et pourquoi pas le Congrès ensuite ? Gabe pensait devoir attendre encorequelques années avant d’envisager une telle ascension.Mais, en annonçant qu’il ne briguerait pas untroisièmemandat,Holcombavaitquelquepeuaccélérélamarchedeschoses.

—J’imaginequevoussouhaitezrecevoirmonappui.—Jel’espérais.Holcombvenait justededéclarerqu’ilétait sonmeilleurprocureuradjoint.Celanedevraitdonc

pasposerdeproblème.— Vous êtes un excellent élément, Gabe. Le plus jeune à être parvenu à la tête du secteur de

l’enfancemaltraitée.Holcombsecalacontresondossieret lecœurdeGabesemitàbattreplus fort.Voilà.Sonboss

allaitluidonnerlefeuvert.Et,avecsonappui,ilseretrouveraitenpolepositionpourleposte.—Maisjenepeuxpasvoussoutenir,déclaraHolcomb.Comment?Quevenait-ildedire?Le«merci»deGabedemeuracoincédanssagorge.Iltoussa.—Jenecomprendspas.—Lafonctiondeprocureurneselimitepasàinstruiredesaffaires.Vousincarneztoutunsecteur.

Vousêteslereprésentantdesapopulation.—Etvouspensezquejenesuispasprêtpourcela?Holcombfittournerlachevalièreenorqu’ilportaitaupetitdoigt.—JenepensepasquelapopulationdeManhattansoitprêteàcequevouslareprésentiez.—Quevoulez-vousdire?Gabeglissaunemainàsanuqueetlamassadiscrètement.Ilmenaitcroisadepourlajusticedepuis

son plus jeune âge. Au collège, il s’était fait nommer responsable de classe pour mettre fin auharcèlementetauxbrimadesquiavaientlieuàl’insudesenseignants.Encetinstant,ilavaitlasensationquesonavenirbienorchestréluifilaitentrelesdoigts,etc’étaitcommeunbrouillardquil’enveloppait,glacial,menaçant.

—Laissez-moivousexpliquer,ditHolcomb.Iljoignitlesmainssoussonmenton.—Vousvousrappelezl’inaugurationduCentredejusticefamiliale?Gabefrémit.Commes’ilavaitpul’oublier.Cette cérémonie avait été la seule et unique occasion où Holcomb lui avait demandé de le

remplacer.Etcelaavaitétéundésastredudébutà la fin.Tousses talentsd’orateursemblaient l’avoirdéserté,cejour-là.Ils’étaittrompésurlenomdel’adjointaumaire,ilavaitoffensésanslevouloirlafemmedugouverneur,puis laissé tomber lesciseauxgéants ridiculesens’efforçantdecouperce fichuruban.

Maiscen’étaitpaslepire.Lepireétaitvenuplustard,lorsdelaréception,lorsqu’illuiavaitfallusemêlerauxinvités,fairelaconversation,semontreravenant.

Ilavaitessayé.Maisplusils’yefforçait,plusildevenaitemprunté,etlaconversation,pesante.Ils’étaitrévéléàpeuprèsaussiavenantqu’uneportedeprison.Finalement,ilétaitpartitôt,prétextantlapréparationd’unprocèspourlelendemain.

IlpouvaitaffrontertouslesjugesenrobenoiredelaCoursuprêmeouunjurycomposédesespairs.Maisqu’onluidemandedeparleràdesétrangersentêteàtêteetc’étaitlacatastrophe.

—Vousnesavezpasdépasservoslimites,sortirdevotrezonedeconfort.Holcombfitpivoterson fauteuilpourattraperun livre,dans labibliothèquederrière lui, ignorant

Gabe.

— Serrer les mains et embrasser les bébés n’est pas votre fort. C’est pourtant une qualitéindispensableaumétierdeprocureurquedesavoirlefaire.

—Jepeuxapprendre,insistaGabe.Laissez-moiunechance.Holcombsetournadenouveauversluietl’observaattentivement.—D’accord.Dansquelquessemaines,ceseralafêtedeSanGennaro.—Eneffet,oui.Toutlemondeconnaissaitcettefêteitalienne.C’étaitl’undesévénementslesplusimportantsetles

pluspopulairesdeNewYork.—Jemetsunpointd’honneuràm’yrendrechaqueannée.Accompagnez-moi.Prouvez-moiquevous

êtescapabledevousmêleràlafoule,devousintégrer,etjereconsidérerailaquestion.—M’intégrer?— Oui. Rencontrer les gens, leur parler, me montrer que vous êtes tout à fait capable de les

convaincredevoterpourvous.—Marchéconclu,ditGabe.Ilseleva.Holcombl’imita,luitenditlamain.—Bonnechance.—Merci.De la chance, Gabe allait en avoir besoin. Il lui restait moins d’un mois pour apprendre à

«s’intégrer»àlafoulequiparticipaitàcettefête.Etiln’avaitpaslamoindreidéedelafaçondontilallaits’yprendrepouryparvenir.

***

—Pasenservice?C’estça!Devinraccrochad’ungesterageur.Sonpatronetmentor,LeoZambrino,levalesyeuxdutricepsqu’ilétaitentraindetatouer.—Tuterendscomptequetuparlesàuneboîtevocale,j’imagine?—Cetruanddedétectiveprivéadébranchésontéléphone.Devin fit le tour du boxqu’elle occupait auParadiseTattoo, le salon de tatouage du quartier de

Washington Heights, au nord de Manhattan, dans lequel elle travaillait depuis l’âge de dix-huit ans.C’étaitlàqueLeol’avaitdécouverte,unbeaumatin,entraindesquatterlaréserve.Aulieudelamettreàlaporte,ill’avaitpriseenapprentissageets’accommodaitdepuisdesonsacrécaractère,mêmedesjourscommeaujourd’hui.Heureusementquesonclientsuivantétaitenretard.Dansl’étatdenervositéoùellesetrouvait,elleauraitcarrémentpuleblesseravecsonaiguille.

—Cedétectiveprivé,c’estceluiquet’arecommandéManny?demandaLeo.Ilépongeaunegouttedesangsurlebrasdesonclientàl’aided’unecompressestérileetobserva

sontravail.Lecontoursombred’unphénixrenaissantdesdécombresdestoursjumellessedétachaitsurlapeaumatedeHector.

—Lepetitamidelasœurd’uncopaindesoncousinouquelquechosecommeça?— Exact, répondit Devin. Cet escroc m’a arnaquée. Il a pris ma provision de mille dollars,

m’assurantqu’ilétaitsurunepistedesplusfiables,puisiladisparu.DevinarpentaitlapièceentresonboxetceluideLeo,cherchantunmoyendesecalmer.Absorbée

danssespensées,ellefaillitheurterlestérilisateuretrenversertouslesinstrumentssurlesol.—Mannynepeutpasleretrouver?LeurgarçondecoursesconnaissaittoutsurtoutlemondedanslequartierdesHeights.Devinsecoualatête.

—Ilaessayé.Ilm’aditqu’ilavaitplaquésacopineilyatroisjoursetsautéensuitedansunavionpourMiami,premièreétape,sansdoute,avantdefilerenAmériqueduSud.CommentjevaisfairepourtrouverVictor,maintenant?Ceque j’aientrepriscommerecherchesdemoncôtén’a riendonné.Et jen’aipaslesmoyensdem’offrirlesservicesd’unautredétective.Ilm’adéjàfalludesmoispourréunircesmilledollars.

Devinserralespoings.Cen’étaitpasseulementunequestiond’argent,bienqueperdremilledollarsnesoitpasuneminceaffaire.Non,c’étaitpire.Jamais,depuisdesannées,ellen’avaiteu lesentimentd’être aussi prochede retrouver son frère, et soudain elle avait vu tous ses espoirs s’envoler.Elle sesentaitvide,déprimée,etfollederagecontrecetarnaqueurdedétectiveprivé.

EtpuisilyavaiteucetarticledansleTimes,quelquessemainesplustôt,ausujetd’unfoyerpourpersonneshandicapéesmentalesdans leBronx. Ilavaitétéferméaprèsquedesreportersd’unechaîned’information locale avaient découvert que ses résidents étaient maltraités, molestés, affamés. Et sijamaisVictorsetrouvaitdansunfoyercommecelui-ci?

—Jetejureque,siceminableosereparaîtredanslequartier,je…—Tuvasluiflanqueruncoupdegenou?Leosouritetseremitautravail.—Commetul’asfaitpourFreddie?—Pire.Jeluiarrachelatête.—Tusais,jepourraisteprêter…— Non. Il est hors de question que j’accepte ton argent. Tu crois que tu ne m’as pas déjà

suffisammentaidée?—C’est moi qui te suis redevable, aujourd’hui. Tu es une tatoueuse très douée. Plus que cela,

même,tuesgéniale.Jem’attendsàcequetumelaissestomber,unjour,pourallertravaillerdansundecessalonsbranchésquisesontouvertsenpleincentredeManhattan.

—Queveux-tuquejetedise?J’adorelesbobosvieillissantsquirêventencored’êtredeshéros.—Etmoi,j’aiunfaiblepourlesmuchachasàlalanguebienpenduequineveulentenfairequ’à

leurtête.Leo posa son aiguille, essuya de nouveau le tatouage de son client. Puis il le protégea avec un

bandage.—C’est fini pour aujourd’hui,Hector.Nous nous attaquerons aux ombres la semaine prochaine,

mêmeheure.—C’estd’accord.Merci.Hectorposaquelquesbilletssurlecomptoir.—Alasemaineprochaine,lança-t-ilavantdesortir.Leoôtasesgants,lesjetadanslapoubelleréservéeauxdéchetsmédicaux,puisilgagnalepetitcoin

cuisine.—Tuveuxuncafé?demanda-t-il,saisissantunetasse.—Non,merci,réponditDevin.Elle jeta un coup d’œil à la pendule. 15 h 25. Son client avait plus d’une demi-heure de retard.

Encoreunquiavaitdûmanquerdecourageauderniermoment.—Jesuisdéjàsuffisammenttenduecommeça.Leohaussalesépaulesetsefitcouleruncafé.—Donctuneveuxpasdemonargent.Tufaisquoi,maintenant?Tuvasvoirlesflics?Devineutunpetitriresarcastique.—Aquoibon?Cesalauddoitêtreloin,maintenant,etlesflicsnevontpasselanceràsapoursuite

pourmillemalheureuxdollars.—EtlefrèredeHolly?

—Gabe?Lamachineàcafécessadegargouiller.Leopritsatasse,rajoutaunepointedelaitetbutunelongue

gorgée.—Ilnetravaillepasaubureauduprocureur?Devin lui tourna le dos, vida le stérilisateur et le remplit de nouveaux ustensiles, heureuse de

trouverceprétextepourdissimulerlerougequiluiétaitsoudainmontéauxjoues.—Si.Etalors?—IlavoléàtonsecoursdansCentralPark,lasemainedernière.Peut-êtrequ’ilpeutencoretevenir

enaide.—Iln’apasvoléàmonsecours.Ilpassaitetm’asimplementraccompagnéechezmoi.C’étaittoutcequeDevinavaitracontéàLeo.Etencore,ellen’auraitmêmepasfaitmentiondecette

histoires’iln’avaitpasposédequestionausujetdesecchymosesquimarquaientsesépaulesetsesbras,làoùcetobsédédeFreddiel’avaitattrapée.

Devindénouasaqueue-de-cheval,puisellerassembladenouveausescheveuxetlesattachaaveclechouchouqu’elletenaitentresesdents.

—Jemedébrouillaistrèsbientouteseule.EtavecFreddie.Supermanauraitdûcomprendrequ’ilpouvaitrentrertranquillementchezlui.

—Entoutcas,ilsembleraitqueSupermansoittameilleurechancederécupérertonargent.Etpeut-êtremêmederetrouverVictor.

Devin s’immobilisa, la main sur la poignée du stérilisateur. Elle savait qu’elle ne récupéreraitjamaissonargent.Maisilneluiétaitmêmepasvenuàl’espritqueGabepuissel’aideràretrouversonfrère.

—Commentça?demanda-t-elle.—Ilestspécialisédansl’enfancemaltraitée,non?Ilconnaîtsûrementdumondedanslesservices

sociaux.Bonsang.Pourquoin’yavait-ellepaspenséplustôt?Maisilyavaitunproblème,etnondesmoindres.Elleseraitredevableàunhommesurlequelelle

avaitenviedesejeterchaquefoisqu’ilpassaitprèsd’elle.Unhommequ’elleauraitdûfuircommelapeste.

Lefrèredesameilleureamie.Unhommeinaccessible,beaucouptropbienpourelle.Cen’étaitpasuniquementsarelationàHollyquirendaitGabeintouchable.Iln’yavaitpasbesoin

d’êtremédiumpourcomprendrequecethommeétaitfaitpours’investirdansunerelation.Poursemarier,avoirdesenfants,unesuperberésidencedanslabanlieuehuppéedeScarsdale,aunorddeNewYork.Etleparcquiallaitavec.

EtDevinétaitexactementl’opposédeça.Ellemitlestérilisateurenmarcheetpoussaunsoupir,faisantvolerlespetitesmèchesdecheveux

qui,déjà,s’échappaientdesaqueue-de-cheval.—Jeconnaiscetair,ditLeo.Il s’adossa au comptoir, posa sa tasse dessus.Devin le regarda.Derrière lui, des photos de ses

tatouagesetdeceuxdeLeoétaientexposéessurlemurd’unbeaujauned’or,luirappelantsanscessetoutlecheminqu’elleavaitparcourudepuiscejourfatidiqueoùLeol’avaitsortiedelarue.Maiscen’étaitpasencoresuffisantparrapportàunhommeaussiélégantetsophistiquéqueGabe.

—C’esttonair«jesuisunroc».Celuiquetuprendslorsquetuveuxfairefuirlesgensetqu’ilscomprennentquetupeuxtedébrouillertouteseule.

Oui.Parfait.Marchonspourcetteversion,songeaDevin.—Iln’yapasdehonteàs’appuyersurtesamis,detempsentemps,hermanita.Leos’approchad’elleettirasursaqueue-de-cheval.

—C’estàçaqu’ilsservent.Devinseradoucit.Elleaimaitquandil l’appelaitparlesurnomqu’il luiavaitdonné.Hermanita.

Petitesœur.—Jesais.C’estjusteque…—Tun’aspasl’habitudededépendredequiquecesoit.Jelecomprends.Maisc’estVictordontil

s’agit.Tonfrère.Quetun’aspasvudepuis…combien,déjà?Douzeans?Devin sentit son cœur se serrer au souvenir des derniers instants passés ensemble. La rage qui

s’étaitemparéed’elle, les insultesqu’elleavaithurléesà l’assistantesocialequiavaitemmenéVictor.Elle le revoyait, serrantcontre luisondoudou,unvieux lapinenpeluche toutpelé,sonvisagesidouxtrempédelarmes.Ilsétaientterrifiéstouslesdeux.

—Çafaitquinzeans.—Quinzeannéesdetrop.Laclochettede laported’entrée tinta soudain etLeo sedirigeavers l’évier afinde se laver les

mainspoursonnouveauclient.—Situneveuxpasdemonargent,promets-moiaumoinsqueturéfléchiraspourGabe.Devin sentit sa gorge se nouer à la seule pensée de se retrouver de nouveau face à lui.Mais ce

n’étaitrienencomparaisondel’angoissequ’elleéprouvaitdèsqu’ellesongeaitquesonfrèresetrouvaitpeut-êtredansunfoyeraussihorriblequeceluidécritdanslejournal.

—D’accord.Tuasgagné.Commed’habitude.Elles’avançapouraccueillirleclientdeLeo.—Jevaisyréfléchir.Etpourquoipas,aprèstout?songea-t-elle,s’efforçantdesourireauclient.Cen’étaitpascommesi

cettedémarchel’obligeaitàpenseràGabe.Elleypensaitdéjàtoutletemps.

Chapitre3

Costumes de créateurs, jupes droites et escarpins,mines affairées :Devin était cernée de jeunescadresdynamiques.Ilsauraientdûporterdespanneaux.«Attention,Smartphonesenaction».

Elleralentitl’allureens’approchantdunuméro1,HoganPlace,quiabritaitlebureauduprocureur,etjetauncoupd’œilàsatenue.Ellel’avaitchoisieaussisagequepossible,comptetenudelagammeassezlimitéedesagarde-robe.UnT-shirtnoiruni,unpantaloncargokakietdesDocMartensnoires.Letoutpropre,net,impeccablementrepassé.MaisdanscetuniversdeclonesdeWallStreet,elledétonnaitpourlemoins.

—Vousentrezouvoussortez?Unjeunehommeencostume,sansdouteenretardpourquelqueréunionimportante,labousculaau

passage,luiarrachantsonsacdel’épaule.—Merci,crétin!marmonnaDevin.Elleparvintàlerécupéreravantdesefairepiétinerparunepairedetalonsaiguillesrougevif.Cen’étaitvraimentpasunhasardsielledétestaitlequartierdesaffaires.Danssonquartier,GreenwichVillage,etmêmedansWashingtonHeightsoùsetrouvaitlesalonde

tatouage,l’atmosphèreétaittrèsdécontractée,lesgens,sympathiquesetoriginaux.Certes,ilstravaillaientbeaucoup,mais ils savaient également s’amuser, prendre du bon temps. Ici, tout lemonde était sur labrèchevingt-quatreheuressurvingt-quatre.Mêmelesmomentsdedétenteétaientencoredutravail.Alapiscine,ilfallaitfaireplusdelongueursdebassinquelevoisin,lebattreausquashouautennis,êtrelemeilleursurleterraindegolf.Bref,êtrelemeilleurentout.Lacompétitionnes’arrêtaitjamais.

Une raison encore qui faisait que toute relation avec Gabe serait vouée à l’échec. D’accord, ilembrassait comme un dieu.Mais, cecimis à part, il avait sérieusement besoin de se décoincer. Il nedevaitpassavoircequevoulaitdireleverbe«semarrer».Ou,toutdumoins,ilnedevaitpasavoirlamêmefaçondesemarrerqu’elle.

Et,aprèsavoirpassésavieàsebattre,Devinn’aspiraitplusqu’àprendredubontemps.Mais pas tout de suite. Si elle se trouvait ici, c’était pour une seule et unique raison : retrouver

Victor.Ellepoussa la lourdeportedechêneornéedecuivre.Lafraîcheurde l’airconditionné l’assaillit

aussitôttandisqu’elletraversaitlehalld’entréeendirectiondel’accueil.—Lebureauduprocureur,s’ilvousplaît?—Troisièmeétage,réponditl’employé,indiquantd’ungestelesascenseursderrièrelui.—Merci.Les boots deDevin résonnèrent sur le sol demarbre. Elle ignora les regards appuyés de l’élite

BCBGquicroisaitdanslehalltandisqu’ellepressaitleboutondel’ascenseur.Ellepoussaunsoupirde

soulagementlorsquelesportess’ouvrirentetqu’elleputseréfugierdanslacabine,heureusementvide.Elles’adossaàlaparoietregardadéfilerlesnumérosdesétages,repassantpourlamillièmefois

danssatêtelepetitdiscoursqu’elleavaitpréparé.Bonjour,Gabe.Mercid’êtrevenuàmonsecours,dansleparc,l’autresoir.Mêmesijen’enavais

pas réellement besoin. Est-il possible de vous demander encore un service ?Un tout petit service.M’aideràretrouvermonfrèredontj’aiétéséparéelorsquejemetrouvaisenfamilled’accueil,quandj’avaistreizeans.

Nul.Cen’étaitpasplusconvaincantquelorsqu’ellel’avaitrépétéchezelle,danssonstudio.Maisellenevoyaitpastropcequ’elleauraitpudired’autre.

Devinpoussaunsoupir.Elledétestaitdemanderdel’aide.Surtoutlorsqu’ellen’avaitrienàoffrirenretour.Enfin,rienqu’unhommecommeGabepuissedésirer,entoutcas.

Elletentaencoredetrouverquelquesvariantesàsondiscours,maisellen’étaitpasbeaucoupplusavancéelorsquelesportess’ouvrirent.

—Puis-jevousaider?UnejolieréceptionnistetrèspimpanteaccueillitDevin.—JesuisvenuevoirGabeNelson.—Vousavezrendez-vous?Ellevérifiadanssonordinateur.—Jenevoisriendeprévudanssonplanningavantledéjeuner.—Jen’aipasrendez-vous.Jesuisuneamiedelafamille.Laréceptionnisteeutunlégerfroncementdesourcils.—Jevaisvoircequejepeuxfaire.Quidois-jeannoncer?—Devin.—JusteDevin?demandalajeunefemme,sceptique.Devinremontalalanièredesonsacsursonépauleetcroisalesbras.—Ilsauraquic’est.LaréceptionnistedésignaunerangéedechaisesetDevinallas’asseoirtandisqu’elles’entretenaità

voixbasseau téléphone.Quelquesminutesplus tard,Gabeapparutà l’angleducouloir,plussexyquejamais en costume anthracite, chemise gris pâle et cravate prune. Ses lunettes bordées d’écaillerenforçaientsoncôtésérieux,distant.

—Devin.Qu’est-cequivousamène?Toutvabien?Devinseleva,essuyasesmainsmoitessursonpantalon.—Pourrions-nousparlerenprivé?La dernière chose qu’elle voulait, c’était que tout le bureau soit au courant de son histoire

dramatique.C’étaitdéjàsuffisammentdifficilededevoirenparleràGabe.—Biensûr.Il laprécéda,passadevant la réceptionniste,puiss’engageadans l’étroitcouloirquiconduisaità

sonbureau.Lapièceétaitspartiatemaistrèsfonctionnelle.Unbureaustandardgrismétallisé,deuxchaisespour

lesvisiteurs,desmeublespourrangerlesdossiersettouteunesériedephotos.DevinaperçutHolly,lesparentsdeGabe,sajeunesœurNoëlleetunejeunefemmequ’ellesupposaêtreIvy,lasœurjumelledeGabe,photographedemodequivoyageaitdanslemondeentierpoursesséancesphoto.Ilsformaientunegrandefamille,sourianteetheureuse.Unbonheurqu’ellen’avaitpaseulachancedeconnaître.

Gabegagnalepetitréfrigérateurinstallédansunangleetensortitunebouteilled’eau.—VousenvoulezouvouspréférezquejedemandeàStephaniedevousapporteruncafé?—Del’eau,çairatrèsbien,réponditDevind’unevoixrauque,étranglée.

Lanervositéavaitd’étrangeseffets,parfois.Ellevousrendaitlesmainsmoites,maisvousasséchaitlagorge.

Illuitenditlabouteilleetensortitunepourlui.Puisils’assitàsonbureauetluifitsignedeprendreplaceenfacedelui.

—J’imaginequ’ilnes’agitpasd’unevisitedepolitesse.Il ouvrit sa bouteille d’eau et en but une longue gorgée, la tête légèrement renversée en arrière.

Devinobservasoncou,lemouvementdesapommed’Adam,etunpetitfrissonparcourutsesreins.Elle ferma les yeux un instant. Ce n’était pas possible ! La toison de son torse dans le taxi et

maintenant son cou. A quoi allait-elle réagir, la prochaine fois ? Sur quoi allait-elle se mettre àfantasmer?Sesorteils?

—J’aiquelquechosepourvous,dit-elle.Elleplongea lamaindans songrand sac.Unpetit cadeaupour tenterde s’assurer ses faveursne

pouvaitpasfairedemal.—C’estpourvousremercierpourl’autresoir.Gabepenchalatête,unpetitsourirepleindesous-entendusauxlèvres.—Pourletaxi,s’empressad’ajouterDevin.ElleplaqualeTupperwaresurlebureau.—Rizaupoulet.C’estfaitmaison.—Vouscuisinez?demandaGabe.—Jen’aipasditdansquellemaison.Ilrit.Unrireprofond,troublant.—Vousavezfaittoutletrajetjusqu’icipourm’apporteràmanger?Elleôtalebouchondesabouteilleetbutàpetitesgorgées.L’eauapaisasagorge,maisfutsanseffet

surlefeuquicouvaitenelle.—Sivousn’envoulezpas,jepeuxleremporter.Gabeposaaussitôtsamainsurlaboîteetlafitglisserverslui.—Mamèrem’atoujoursditqu’ilétaittrèsimpoliderefuseruncadeau.Devin baissa les yeux et fit semblant de s’absorber dans la contemplation de ses ongles pour

dissimuler la tristesse qui s’était soudain emparée d’elle lorsqu’elle l’avait entendu évoquer samère.Toutcequesamèreluiavaitappris,àelle,c’étaitcommentroulerunjoint,préparerunevodkamartinicommedanslesfilmsdeJamesBond.Oh!etaussiquerienneduretoutelavie.

Gabeseleva,portalaboîtedansleréfrigérateuretrevints’asseoiràsonbureau.—Bien.Nousvoilàseuls,allez-vousmedirequelleestlavéritableraisondevotrevisite?Devins’avançajusqu’auborddesonsiègeetlevalesyeuxverslui.Oh!ceregard…cesyeuxd’un

grisd’oragesitroublants.Sombres,distants,mystérieux.Ellecillapourromprelecharme.—Je…j’aibesoin…Lesmotsrestèrentbloquésdanssagorge,etellerecommença.—J’aibesoindevotreaidepourretrouvermonfrère.Etvoilà!Ellenes’enétaitpassimalsortie.Gabeneditrien, immobile, leregardimpénétrablederrièreseslunettes.Lesilenceétaitretombé,

rompuseulementparlelégerbourdonnementduréfrigérateur.Passimalsortie?Unecatastrophe,oui.

***

Bonsang.

Elleavaitunfrère?Etenplusellenesavaitpasoùilsetrouvait?Gabeenétaitencoreàdigérerl’informationlorsquelaportes’ouvritbrusquement.Unetêteapparut

dansl’encadrement.—OùestledossierRasmusson?Iln’yavaitqueJackpoursepermettred’entrerainsisansfrapper.Iln’yavaitquelui,également,

pourfoncerdirectementsurDevin,telunmissilesursonobjectif,etrapprocherunechaisepours’asseoirtoutàcôtéd’elle.

—Jel’aidonnéàStephanie,réponditGabe.Etmaintenant,duvent!—Hé,bonjour,beauté!GabefulminaintérieurementlorsqueJackexaminaDevindelatêteauxpieds,s’attardantunpeutrop

longtemps sur le tatouage que laissait entrevoir le décolleté en V de son T-shirt. Un oiseau ? Unpapillon?Laconnaissant,ilimaginaitplutôtuneflècheaccompagnéedesmots«posezleslèvresici».

—Gabemecachequelquechose,jelesens.JesuisJackKentfield,lecerveaudecesecteur.Gabes’efforçadeconserversoncalme.Iln’allaitpaspouvoirsedébarrasserdesoncollègueaussi

facilementqu’illepensait.—Doucement,Casanova.Etsimademoiselleétaitunevictimeouuntémoin?Jackeutunhaussementd’épaules.—Impossible.Tulesreçoistoujoursdanslasalledeconférences.Devinluitenditlamain.—DevinPadilla.JesuisuneamiedeHolly,lasœurdeGabe.—LesamiesdeHollysontmesamies,rétorquaJack.IlportalamaindeDevinàseslèvresetyposaunbaiser.Gabesecrispa.—Oh!jet’enprie,Jack.Combiendefoisas-turencontrémasœur?Deuxfois?—Trois.Maisqu’importelenombre.—Cen’estpasmoiquicompte,c’esttoi.Gabepinçaleslèvres,luttantcontrel’enviefurieusedeluicollersonpoingdanslafigure.Devin,

elle,ledévisageaitd’unregardcondescendant.—Maintenant, reprit-il, si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’étais sur le point d’emmenerDevin

déjeuner.—Ahbon?s’exclamaDevin,surprise.—Trèsbien,ditJack.J’aicompris.Ilseleva,gagnalaporte.Aumomentdesortir,iljetaundernierregardpar-dessussonépaule.—Tusais,Gabe,Holcombtetrouveraitcertainementmoinscoincés’ilsavaitquetufréquentesune

bombecommeDevin.Ilappuieraitsansaucundoutetacandidature.—Quellecandidature?demandaDevinsansréfléchir.—Peuimporte,réponditGabe.Ilôtaseslunettes,sepinçal’arêtedunez.IlfallaitdonctoujoursqueJackouvresagrandegueule.

Commentavait-ilsucequis’étaitditdanslebureaudeHolcomb?Cetypeavaitledondedénicherlesragots.Siseulementilavaitpulefairetransférerdansunautreservice!

Ilseleva.—Allons-y,dit-il,gagnantleportemanteau.Ilpritsaveste.Devinlesuivit.—Vousn’êtespasobligédem’inviteràdéjeuner.—Jen’aipasenvied’êtreinterrompudenouveau.NidedonneràJackl’opportunitédefaireencorelejolicœur,songea-t-il.—Jen’aipasvraimentlatenuequiconvientpourunendroitchic.

—Vousêtesparfaitepourlelieuauqueljepense.Une demi-heure plus tard, ils étaient installés, en face l’un de l’autre, à une table duBigApple

BurgerBar.Devinmorditdanssonburger,fermalesyeuxetpoussaungémissementdeplaisir.Unpetitfiletde

juss’échappadesabouche.Ellevoulutlerattraperdelapointedesalangue,maisnefutpasassezrapideet il coula le long de sonmenton. Gabe agrippa le bord de la table, les doigts crispés à en devenirdouloureux,résistantàl’enviequil’assaillaitdel’essuyerou,mieuxencore,delelécher.Ilyavaitchezune femmequi prenait du plaisir à déguster la nourriture quelque chose de très érotique qui l’excitaitterriblement.

Devinouvritlesyeuxettapotasonmentonavecsaserviette.—QuiestHolcomb?demanda-t-elle.Etpourquoivoustrouve-t-ilcoincé?—Peuimporte.Noussommesicipourparlerdevous.Etdevotrefrère.Gabemorditunebouchéedesonburger.IlvitDevinpasserlapointedesalanguesurseslèvreset,

denouveau,ledésirassaillitsesreins.—Jefiniraibienparvousarracherl’information,ditDevin.Voussavezquej’yparviendrai.—Jerelèveledéfi.Mais,d’abord,parlez-moidevotrefrère.Enquoipuis-jevousaider?—Vousconnaissezdesgensdanslesservicessociauxàl’enfance,non?—Oui.Biensûr.Pourquoi les services sociaux à l’enfance ?Les interrogations allaient bon train dans l’esprit de

Gabe.Sonfrèreétait-ilmineur?Avait-ilfugué?Avait-ilsubidessévices?Avait-ilétéabandonné?Devinpritunefriteetlagrignota.—Victoretmoi,nousavonsétéséparéslorsqu’onnousaplacésenfamilled’accueil.Ilavaitdix

ans,etmoi,treize.Jenel’aipasrevudepuis.Ilestlaseulefamillequimereste.J’airempliunedemandeauprèsdubureaudesadoptions…

—Sansrésultat,j’imagine.Gabe ne connaissait que trop bien le problème.Cela ne pouvaitmarcher que si les deux parties

étaientd’accordpourlarecherche.—Eneffet.Et jenesuismêmepascertainequ’ilaitétéadoptéouqu’il soit restédans lamême

familled’accueil jusqu’àdix-huitans.Quantaudétectiveprivéque j’aiengagé, ilaétéendessousdetout.

—Etmaintenantvousattendezdemoiquejetrouvequelquechose.—Enunmot,oui.—Jeferaimonpossible.Gabe se frotta la joue. Il se doutait queDevin avait eu une enfance difficile,mais il n’avait pas

imaginéàquelpoint.Celaneluidonnaitquedavantageenviedel’aider.S’illepouvait.—Maissivotrefrèreaétéadoptéetl’adoptiondûmentconclue…—Jesais.C’estunparcoursducombattant.Maisilfautquejeletrouve.Ilabesoindemoi,insista-

t-elle.Samain tremblait lorsqu’elle saisit sonverred’eauetelleen renversaunpeusur la table.Gabe

fronçalessourcils.Elleneluidisaitpastout.Ilyavaitautrechose.Quelquechosequ’ellenevoulaitpasounepouvaitpasluidire.Maisilétaittroptôtpourtenterd’ensavoirdavantage.

Il tendit lamainpar-dessuslatable, laposasurlasienne.Ledésir, telleunedéchargeélectrique,irradiasoncorps.

Seigneur.Queluiarrivait-il?Cettefemmeétaitenpleinedétresseet ilsecomportaitcommeunadolescent

surexcitéàsonpremierrendez-vous.Gabepressasamainetlalâcha.

—Jeferaidemonmieux,jevouslepromets.Jevaisdonnerquelquescoupsdefil,demain,et jevoustiendraiaucourant.

—Merci.Devinluiadressaunpetitsouriretristeetilsmangèrentensilencependantquelquesminutes.—Bon,dit-elle finalement,posant sonverre sur la table.Maintenantquec’estd’accord, jeveux

toutsavoirdecettehistoired’hommecoincé.Bonsang.Etluiquipensaitqu’elleavaitoublié.Ilauraitdûsedouterquenon.—Cen’estpastrèspassionnant.Pasplusqu’ilnel’étaitlui-même,enfait.—Laissez-moienjugerparmoi-même.Ellerepoussasachaise,étenditseslonguesjambesetcroisalesbrassursapoitrine,attendantqu’il

commence.—Trèsbien.Maisvousnevousenprendrezqu’àvoussijevousennuie.Ilsembleraitquecesoit

unreprochequ’onm’adresseassezsouvent,cesdernierstemps.Gaberegrettaaussitôtcequ’ilvenaitdedire.—Ah,nousyrevoilà,dit-elle.Elle se mordit la lèvre, geste presque aussi troublant que lorsqu’elle y passait la pointe de sa

langue.—Ecoutez,ausujetdel’autrenuit…—Vousnemedevezaucuneexplication,ditGabe.—Si.Letondesavoix,fragile,etoùsemêlaientl’urgenceetletrouble,l’arrêta.Ilposasonburger.—Vousn’êtespas ennuyeux,Gabe.Et si c’estHolcombquivous l’adit, qui qu’il soit, c’est un

crétin.—Ilestmonpatron.Jenemanqueraipasdeluifairepartdevotrepointdevue.Jesuiscertainque

celavatoutchanger.Gaben’avaitaucuneenviedementionnerquesonex-petiteamiefaisaitelleaussipartiedesonfan-

club!—J’essaiejusted’aider.Inutilededevenirhargneuxavecmoi.Devinselevabrusquement,sachaiseraclantlesol.Ellesepenchapourattrapersongrandsac.—Devin,attendez.Ilsedressa,saisitsonpoignet.Mieuxvalaitcourirlerisqued’êtremissensdessusdessousparle

contactdesapeauplutôtquedelalaissers’enallerfâchée.Ellehésita.—Jesuisdésolé,dit-il,voustouchezunpointsensible.Elleserassitlentement,posasonsac.—Excusesacceptées.Etmaintenantquepuis-jefairepourvous?—Rien.Elleécarquilladegrandsyeux.Desyeuxcouleurdebleuetquicontrastaienttotalementaveclereste

desapersonne,sonteintmat,sescheveuxnoirsdejais.—Cen’estpascequevotreamiJackavaitl’airdepenser.—Iln’estpasmonami.Etiln’étaitpasfranchementenétatdepenser.—Voussouhaitezquevotrepatronvousapportesonsoutienpourquelquechose,non?poursuivit

Devincommes’iln’avaitriendit.Gabebutunegorgéedebièreethochalatête.—Pourlepostedeprocureur,lorsqu’ilprendrasaretraite.—Etilneleferapasparcequ’ilvoustrouvetropdistant,tropcoincé.

—Exactement.—Danscecas,c’estpartipourvousdécoincer.— Me décoincer ? s’exclama Gabe, si fort que plusieurs personnes se retournèrent pour les

regarder.Sonembarrasfuttotal.Quesepassait-il,encemoment,pourqu’ilsoitainsirégulièrementhumilié

enpublic?Peut-êtredevrait-ilévitertoutbonnementlesrestaurantspouruntemps.—Vousdécoincer,absolument,réponditDevin.Elleseleva,fitletourdelatable,ledévisageantsoustouslesanglescommes’ilétaitunanimalde

concours.Pourunpeu,elleluiauraitfaitouvrirlabouchepourregarderl’étatdesesdents.—Vousêtesunexcellentmatériaudebase.Jepeuxtravailleràpartirdeça.Etautantvoirlaréalité

enface,jesuiscertainementlapersonnelaplusdécontractéequevousconnaissez.Etdeloin.Unexcellentmatériaudebase?Maisoùsecroyait-elle?Auconcoursde«Missjedécoinceleplus

coincédesmâles»?—Merci,maisc’estnon,rétorquaGabe,sèchement.—Jen’aipasl’intentiond’accepterunrefus.Devinserassitfaceàluietlefixadesesyeuxbleus,soudainplussombres,presqueindigo.—Considérezcelacommeundédommagement.PourVictor.—Jenel’aipasencoretrouvé.—Maisvousavezacceptédelechercher.C’estdéjàquelquechose.—Vousêtesl’amiedeHolly.L’amiedeHollyet,depuisleurbaiser,l’objetdetoussesfantasmes,raisonsupplémentairepourne

pasacceptersaproposition.—C’est lemoins que je puisse faire et je n’ai nul besoin d’être payé de retour. Je tenteraima

chanceàlafêtedeSanGennaro.Devinglissasescheveuxderrièresonoreille,découvrantquatrepiercings.—Qu’est-cequecettefêteaàvoiravecleproblème?Nomdenom.Acroirequelaregarderannihilaittoutecapacitéàcontrôlersesparoles.—Holcombveutquejel’accompagne.Quejeluiprouvequejepeuxmemêleràlafoule,discuter

avecl’hommedelarue,convaincrelesélecteursdevoterpourmoi.—Celanouslaisse…DevinsortitsonSmartphoneetconsultasoncalendrier.—Presquesixsemaines.Nousavonslargementletemps.—Letempspourquoi?demandaGabe,repoussantsonassiette.Elleplongealamaindanssonsac,ensortitunpetitcarnetetunstyloetsemitàécrire.—Letempspourvousdécoincer.

Chapitre4

—Vousvoulezm’emmeneroù?Gabes’adossaauchambranledelaporteetcroisalesbras.Troisjourss’étaientécoulésdepuisque

Devinavaitannoncésonplanpourle«décoincer»et,pourdiretoutelavérité,ilespéraitqu’elleavaitcomplètementoubliécettehistoire.Maisellevenaitdedébarqueràsonappartementpourluidirequ’ellel’emmenaità…

—Une rave, répéta-t-elle, ajustant lepetit haut à frangesqu’elle avait choisi deporter avecuneminijupeenjeanetdessantiagsblanches.

LemouvementfitpigeonnersapoitrineetgrimperlatempératuredeGabe.—C’estunefêteoùl’ondansetoutelanuit,précisa-t-elle.—Merci.Jesaiscequ’estunerave,rétorquaGabe.Ilm’arrivedesortirdematanière,detempsen

temps.Deplus,ilavaitjustementsuiviuneaffaireimpliquantunerave,quelquesannéesauparavant.—Ehbien,danscecas,allons-y.Gabe jetauncoupd’œilàsonT-shirtet sonpantalonde treillis.Sielleétaitarrivéedixminutes

plustard,ellel’auraittrouvénu,satenuepourallersecoucher.—Vousnemetrouvezpashabilléunpeutropsportpourlacirconstance?Ellesecoualatête,seslongscheveuxnoirsretenusparunbandeauàfleursbalayantsesépaules.—Toutestpossibledanscegenredefêtes.Gabe fit la grimace. Il se souvenait de l’affaire dont il s’était occupé. Adolescents, substances

illégalesetmusiquetechnopouvaients’avéreruncocktailfatal.—C’estcequej’aientendudire,eneffet.—Sivousvoulezparlerdedrogueetdesexe…Gabelevaunsourcilétonné.Devinlefixa,l’airtrèssérieux.—Mecroyez-vousassezstupidepourcourirlerisquedecompromettrevotrecarrière?—Non,jenevoustrouveabsolumentpasstupide.Devin n’avait peut-être pas fait d’études universitaires, à la différence de la plupart de ses

collègues,mais son expérience de la vie lui permettrait largement de semesurer à eux enmatière deconnaissanceslivresques,ilenétaitcertain.

—Touteslesravesnesontpasdesrepairesdedébauche.Lavéritablephilosophiedesraves,c’estd’encouragerlapaix,l’unité,lerespect.Lebutestdepouvoirs’exprimer,chacunàsamanière,dansunlieuoùl’onnecraintpasd’êtrejugéetoùl’onnerencontrequetoléranceetjoiedelapartdesgensquinousentourent.

Gabeeutunpetitrireironique.

—Peaceandlove.Çasonnefranchementcommeunslogandesannéessoixante-dix.—Très drôle.Vous avez besoin de vous décontracter.Cette rave va vous permettre de sortir de

votremilieu,devotrezonedeconfort,derencontrerdesvotantsplusjeunes.Devinbattitlesoldelapointedesasantiag.—Maintenant,arrêtezdetergiverseretallons-y.Piégé.Gabeprit ses clés et sonportefeuille sur la consolede l’entrée et la suivit.Holcomb l’agaçait à

vouloirabsolumentqu’ilchange,maisiln’avaitguèrelechoix.EtDevinétaitlà,toutàfaitdéterminéeetparfaitementcapabledel’aideràs’exprimerdavantageetàcommuniquer.Alors,autantenfinirtoutdesuite.

—Oùallons-nousexactement?Elleleprécédadanslecouloir.—DansunentrepôtdésaffectéduMeatpackingDistrict.Lequartierdesabattoirsesttrèsbranché,

aujourd’hui.Gabelasuivit,admirantlegalbedesesfessesmouléesparsapetitejupeenjean.Pourquoifallait-il

quelesfillesproblématiquessoienttoujoursaussiséduisantes?—Commentêtes-vousaucourantdecegenred’événements?Ilexistedessitesspécialisés?—Ilexistedesblogsetdesforums.Laportedel’ascenseurs’ouvritetDevins’yengouffra.—Maisc’estpardesamisquej’aiapprisl’existencedelaravedecesoir.C’estcommeçaqueje

saisqu’elleestOK.Gabeentraàsontouretpressaleboutonrez-de-chaussée.—Doncpasdesouciàmefairepourmaréputation.Maisjenevoistoujourspasenquoiassisterà

cetteravevapouvoirm’attirerlesfaveursdeHolcomb.—Ilveutquevoussoyezplusabordable,plusspontané,pluslibéré.Devin esquissaunpetit pasdedansequi amena son joli petit postérieur dangereusement prèsde

Gabe.—Etiln’yariendepluslibérateurqueladanse.Ohoui,iln’endoutaitpasuninstant.Encoreunpetitdéhanchementcommecelui-làetillaprenait

là,debout,dansl’ascenseur.Ilpressadenouveauleboutonrez-de-chausséecommesicelapouvaitaccélérerladescente.Cette

soiréeallaitêtreunevéritabletorture.Etdeplusd’unemanière!Lorsque la porte de l’ascenseur s’ouvrit, Gabe en sortit comme un diable d’une boîte. Peut-être

qu’enmettantunpeudedistanceilauraitunechancedepouvoirluirésister.Biensûr.Etilauraitaussiunechanced’obtenirunposteàlaCoursuprêmedesEtats-Unis!Devinsepenchapourtirersursasantiag,cequieutpoureffetdefaireremontersajupeetplonger

sondécolleté.Gabemarmonnaunjuron.Commesicequ’ellemontraitdéjànesuffisaitpas!—Jevaisnouschercheruntaxi,dit-iltrèsvite.Il traversa lehall àgrandesenjambéeset émergeadans la rue, lebras levé.Plus tôt cette soirée

commencerait,plustôtelleseterminerait.—Passivite!lançaDevin,lerejoignant.Ellelepritparlebras,l’entraînaversCanalStreet.—Cesoir,ons’encanaille!Elledésignalastationdemétro,auboutdelarue.—Pourvous,prendrelemétro,c’ests’encanailler?s’exclamaGabe.—Non,paspourmoi.J’imaginaisplutôtpourvous.—Ilm’arrivedeleprendre,voussavez.

Devinseretourna,luifitface.—C’étaitquand,ladernièrefois?—Bon,d’accord,c’étaitilyapasmaldetemps,jel’admets.Maisseulementparcequ’aveclebeau

tempsjemesuismisàallertravailleràvélo.Devinlaissasonregardglisserlelongdesoncorpseteutunepetitemoueadmirative.—Çasevoit.Elleleprécédadansl’escalierquidescendaitàlastation,luioffrantdenouveauunevueimprenable

sursoncorpsdélié,ses longues jambes,ses joliesfesses. Ildemeurauninstant immobile,bouchebée.Seigneur,ellen’avaitpasfroidauxyeux!Jamaisunefemmenel’avaitdévisagédecettemanière,avecunetelleaudace.Iln’étaitpascertaind’aimercela…

Bon,d’accord.Ilmentait.Ilaimaitcela.Etbeaucoup,même.Déjà,lesimagesassaillaientsonesprit.Ils’imaginaitglissantlamainsouscettepetitejupeenjean,

larelevant.Sapeauétaitdoucesoussesdoigts.Ils’aventuraitet…—Vousvenez,ouiounon?appelaDevin,dubasdel’escalier.Gabechassatrèsvitelesimagesdesonespritetdévalalesmarches.—J’arrive.Letrajetenmétrosepassasansévénementmarquant.SaufàconsidérerqueDevinchantantavecun

musicien des rues ou aidant un homme déguisé en Spiderman à trouver son portable soient desévénements notables. Le tout en seulement trois stations. Lorsqu’ils sortirent du métro, elle conduisitGabeàquelquesruesdelà,jusqu’àunénormebâtimentenbrique.

—C’estlà?demanda-t-il,surpris.Iljetaunregardtoutautour.L’endroitétaitcalme,désert.—Attendez.Devinfrappaàlalourdeportedemétal.Elles’entrouvrit.Ungrandtypechauveetbaraquéapparut.—Dev!s’exclama-t-il,laprenantaussitôtdanssesbras.Maisoùétais-tupassée?—Icietlà.Tuasencoredelaplacepourdeux?—Pourtoi,toujours.Ilouvritplusgrandlaporte.—C’estqui,tonami?—Carlos,jeteprésenteGabe.Ilestvierge,ajouta-t-elleenluidécochantunclind’œil.Gabefaillits’étouffer.—Vierge?—Elleveutdirequec’estvotrepremièrerave.Carloslesfitentreretrefermalaporte.—Nevousinquiétezpas,dit-ilàGabe.Devestunevraiepro.Ellevas’occuperdevous.—C’estbiencequejecrains,marmonnaGabe.Carloslesprécédalelongd’ungrandcouloir,puisdansunescalier.Tandisqu’ilsdescendaient,le

rythme insistantde lamusique technose fitdeplusenplusnet,plus fort,vibrantdans lessemellesdeGabeetrésonnantdanstoutsoncorps.

Ilsepenchaàl’oreilledeDevin.—Lemomentestvenu,jecrois,devousavouerquejesuisunpiètredanseur.—Pasdesouci.Jevousmontrerai.Ellelepritparlamain.—Venez,suivez-moi.La musique était assourdissante, maintenant, et Carlos dut crier pour se faire entendre lorsqu’il

ouvritlaporteaubasdel’escalier.—Amusez-vousbien,lesenfants!

Gabe se contenta d’acquiescer d’un hochement de tête. PuisDevin et lui pénétrèrent dans ce quiressemblaitàuneautredimension.

L’immenseespaceétaitremplidegensdetousâges,dulycéenaubaby-boomer.Certainsportaientdesvêtementsdeville,d’autres,toutessortesdetenues,minishortshypermoulants,tutus,soutiens-gorgeàpaillettes, perruques fluo, chapeaux et lunettes délirants. Gabe aperçutmême une femme dont la robesemblaitentièrementfaitederubanadhésif.

A l’autre extrémité de la salle se trouvait une immense scène sur laquelle un DJ s’affairait auxmanettes d’un véritablemur d’équipement électronique.Des écrans géants diffusaient les images d’unspectaclelasertrèsélaboré.

—Venezdanser,ditDevin,entraînantGabeaumilieudelafoule.Cefutcequ’ilcrutcomprendre,toutdumoins.Onn’apprenaitpasàliresurleslèvresàl’université

Columbia.Etpasdavantageàl’écoledesofficiersdemarine.La foule des danseurs se referma sur eux, si compacte qu’ils se retrouvèrent pressés l’un contre

l’autre, poitrine contre poitrine, hanches contre hanches.Devin rit et leva les bras. Puis elle semit àbouger,sebalançant,ondulantcontreGabe,etsonsexeenérectionpressasifortsabraguettequ’ilcrutqu’elleallaitexploser.

—Quefaites-vous?articula-t-il.Devinsourit,glissaunbrasautourdesoncouetl’attiraplusprèsencore.Invraisemblablementprès.

Ilsentitsoncorpssecrisper.Iln’étaitpaspossiblequ’elleignorelapressiondesonsexetenduetdurcontreelle.

Seigneur.Qu’était-iladvenudesonlégendaireself-control?Gabeserralesdentsetseconcentrasurunpointau-delàdel’épaulegauchedeDevin.Ilnedevait

pluslaregarder,penseràlafaçondontsesseinsbougeaientsoussonpetithautmoulant.Brusquement,ilsentitlamaindeDevinseposersursataille.—Bougezvoshanches,cria-t-elle.Vousêtesaussiraidequ’unestatue.Laremarquenemanquaitpasd’humourpourquelqu’unquisetrouvaitenpleineérection.—Jevousl’aidit,jenesaispasdanser,hurla-t-ilenréponse.Devinsehaussasurlapointedespiedspouratteindresonoreille.—Imaginezquevousfaitesl’amour.Debout,touthabilléetenpublic.Elleluidécochaunsouriremutin.—Vouspouvezfaireça?—Jepeuxessayer,répondit-il,luirendantsonsourire.—Bien.Elle se remit à onduler, se servant de lamainposée sur sa taille pour le faire bouger avec elle.

Progressivement,Gabesedétendit,selaissaalleraurythmedelamusique,guidéparlapressiondoucemaisinsistantedelamaindeDevin.Achaquepas,chaquefrottementdesapoitrinecontresontorse,sonpoulss’accélérait,sarespirationsefaisaitplusrauque.

Ils’obligeaàdétournersonregardd’elleet lepromenasurlafoule.C’étaitçaouilnerépondaitplusderien.Iln’allaitpaspouvoircontinueràmimerainsil’amour.Ilallaitfinirparcraqueretsejetersurelle,là,surlapistededanse,aubeaumilieudelafoule.

A quelques danseurs d’eux, un homme, entièrement vêtu de cuir, faisait une démonstration demoonwalk.

Lorsqu’il se retourna, son regard croisa celui de Gabe. Un sourire sardonique s’épanouit alorslentementsurseslèvrestandisqu’illevaitlamain,tendaitdeuxdoigts,simulantunearme.IllapointasurGabepuissurDevinavantdepresserlagâchetteimaginaire.

Gabe connaissait cette tête patibulaire. Il l’avait vue à la cour, chaque jour, durant troismois. Ilavaitsenticeregardbraquésursanuque,duhautdelagalerie,lorsquelejuryavaitluleverdict,etle

juge,prononcélasentence.Prisonàvie,sanslibertéconditionnelle.GabeôtaaussitôtlebrasdeDevindesoncou.—Venez,nousdevonspartirimmédiatement,hurla-t-il.Toutdesuite.—Qu’est-ceque…—Plustard,lesquestions.Il l’entraîna, fendant la foule, s’éloignant le plus rapidement possible du tireur improvisé et,

malheureusement,aussidelaporteparlaquelleilsétaiententrés.—Vousconnaissezuneautresortie?demanda-t-il.—Parici,réponditDevin,sefrayantunpassageendirectiondelascène.Commel’aditCarlos,je

suislaproquis’occupedevous.

***

—C’estquoi,cettehistoire?demandaDevinlorsqu’ilsseretrouvèrentenfindehorsetqu’ellen’eutplusàs’égosillerpoursefaireentendre.

Uneminuteplustôt,elleavaitvuGabesurlepointdelâcherprise,des’abandonneraurythmedelamusiqueetàcetourbillondedésircomplètementfouquis’étaitcrééentreeux.Puis,soudain,ilavaittoutarrêtéetdemandéàsortirauplusvite.

—Jevousexpliqueraiplustard,répondit-il.Ilregardaautourdelui,repéraunepetiteimpasselelongdel’entrepôt.—Venez,dit-il.Nousallonsattendrelàquelquesminutes.Jeveuxm’assurerquenousn’avonspas

étésuivis.—Suivis?IlsemitàcouriretDevincourutàsontourpourlerattraper.—Ontourneunépisodedesériepolicière?—Malheureusement,non.Gabes’engouffradansl’impasse.IlattrapaDevinparlebras,l’entraînadansl’ombredumur.—Lasituationestbienréelle,jevousassure.Letondesavoixluidonnalachairdepoule.—Ques’est-ilpasséàl’intérieur?demanda-t-elletoutbas.—Rien.Inutiledevousinquiéter.— Je suis en train de me cacher dans une impasse, à 1 heure du matin, et je ne dois pas

m’inquiéter?Gabeposaunemainsurlemurdebriqueets’autorisaenfinàsouffler.—Disons,pourfairesimple,quej’aivuquelqu’unquejepréféreraisnepasavoirrencontré.Devinjetauncoupd’œilàlapoubelledébordantd’ordures,auréfrigérateurabandonné,àlaflaque

quiluisaittoutprèsdesonpiedgaucheetquin’avaitnil’apparencenil’odeurdel’eau.Ilfallaitquelasituationsoitvraimentsérieusepourquele«beau»Gabel’entraînedansuntelcloaque.

—Ilfautvraimentquevousenvouliezàcetypepourpartircommeça.Qu’est-cequ’ilvousafait?—C’estplutôtcequemoijeluiaifaitquiimporte.Gabesetournaverselle.—J’aienvoyésonjeunefrèreenprison.—Ah,quandmême.Devinhochalatête.—Jecomprendsqueçaneluiaitpasplu.—Ilétaitcoupable.—Jeveuxbienvouscroire.Maisj’imaginequelegrandfrèren’apasétéaussifacileàconvaincre.

Devinplissalenez,l’airdégoûté.—Nous allons devoir rester ici encore longtemps ?Ça sentmauvais. Et je crois bien avoir vu

quelquechosebouger,là,souscettepiledejournaux.—Unpeudepatience,réponditGabe.Ilsepencha,jetaunrapidecoupd’œilàl’extérieuretrevintseplaquercontrelemur.—Jeveuxjustem’assurerquelavoieestlibre.Devinfitbougersesorteilsdouloureuxdanssesbottesetcherchaduregardunendroitoùs’asseoir.

Le choix était limité. Une vieille cagette en plastique défoncée, un bidon sale ou la pile de journauxsuspecte.Ellerenonçaets’adossacontrelemur,àcôtédeGabe.

—Cen’estpasexactementcequej’avaisprévupourcesoir,dit-elle.Maisvoilàquivoussortaumoinsdevotrezonedeconfort.

—Lasoiréetoutentièreaétéhorsdemazonedeconfort.Devinsetournaversluietlesurpritentraindel’observer.Quelquechosedanssonregardluicoupa

lesouffleetilluifallutquelquessecondesavantd’êtrecapabledeformerunephrasecohérente.—Jenesuispasd’accord,j’aitrouvéquevousvousdébrouilliezplutôtbien.Quelquesminutesde

plusetonnevousarrêtaitplus.Oui,quelquesminutesdeplusetilluisautaitcarrémentdessusaubeaumilieudelapistededanse.Devin s’efforça de se convaincre que ce qu’elle ressentait pour Gabe était purement physique.

C’étaitunhommeextrêmementséduisant,toutsimplementirrésistible.Ilauraitfalluêtredemarbrepournepasavoirenviedelui.C’étaitsansdoutecequiexpliquaitqu’elleaitlesjambesencotonetlecœurquibattaitàtoutrompre.Amoinsquecenesoitàcausedupetitsprintqu’ilsavaientpiquépourgagnerl’impasse.

MaisDevinsentaitqu’ilyavaitdavantagequecela.Elleappréciaitcethommeetseplaisaitensacompagnie.Lorsqu’elle avaitdébarquéchez lui, sansprévenir,vêtuecommeune revenantedesannées1960,elles’attendaitpresqueàcequ’illuiclaquelaporteaunez.Aulieudecela,ilavaitjouélejeu,acceptésonplanunpeu fou,et il l’avait laissée l’entraîner sur lapiste,aumilieude la fouledecetterave,toutpiètredanseurqu’ilétait.Et,cerisesurlegâteau,elles’étaitamuséecommeunefollejusqu’àcequ’ill’entraînesoudainementdanssonfilm.

—Quelquesminutesdeplusetonnem’arrêtaitplus?Qu’est-cequeçaveutdire?Ilserapprocha,posasamainsurlemur,au-dessusdesatête.L’odeurfétidedel’alléesedissipa

soudain,remplacéeparleparfumgrisantdesapeaumêléauxnotesboiséesdesoneaudetoilette.—Çasepassed’explications,non?Devinavalasasalive.Elleavaitlagorgesèche,brusquement.—Vous…—Chut!dit-il,levantsoudainlamain.—Qu’est-ceque…Il posa un doigt sur ses lèvres. Un bruit de pas se rapprochait et, avec lui, des bribes de

conversation.—Onl’aperdu,ditsoudainunevoixbourrue.—T’essûrquec’étaitlui?demandaundeuxièmehommed’unevoixdefausset.—Evidemment,quej’ensuissûr.Tucroisvraimentquejepeuxoublierlevisagedusalopardquia

faitcoffrerFranck?—Qu’est-cequ’unprocureurviendraitfaireici?—Commenttuveuxquejelesache?Ilestpeut-êtrelàclandestinement.LebruitdepascessaetDevindistinguasoudaindeuxsilhouettesimposantes,postéesàl’entréede

l’impasse.Lesdeuxhommesleurtournaientledos,massifs,énormes.Onlessentaitdangereux,capablesdefrapperfort,defairetrèsmal.

Décidément,leschosesdégénéraient.DevinretintsonsouffleetserapprochadeGabe.Ilsaisitsonpoignet,l’entraînaunpeuplusloinau

fonddel’impasse.Lecraquementd’uneallumetterompitsoudainlesilencemoitedelanuit.—T’asvulafillequiétaitaveclui?Beaupetitcul,hein?LesangdeDevinnefitqu’untour.Elleallaits’élancer,maisGabelaretint.Unbrasglisséautourde

sataille,illaplaquacontresontorsesolide.Ellefermauninstantlesyeux,lecœurbattantàtoutrompre,lecorps toutentierparcourudefrissons.Lapeurd’êtredécouvertesemêlaitauplaisir intenseque luiprocuraitl’étreintedeGabe,soncorpschaudpressécontrelesien.

—Rentreça,dit l’hommeà lavoixbourrue.C’estpas lemomentdefumerunclope,onapas letemps.Ilsontpaspuallerbienloin.Ramène-toi.

Lesdeuxhommess’éloignèrent,lebruitdeleurspasetdeleursvoixsefondantpeuàpeudanslanuit.

—Seigneur,ils’enestfalludepeu!murmuraDevin,laissants’échapperl’airqu’elleretenaitdanssespoumons.

Untremblementagitasoudainsoncorps.Gaberefermalesbrassurelleetl’attiraplusprès.—Vouspensezqu’onpeutsortirentoutesécurité,maintenant?—Attendonsencoreunpeu,répondit-il,sabouchecontresonoreille,sonsoufflechaudsursapeau.

Laissons-lesprendredel’avance.—Oui,ditDevin,profondémenttroublée.Cethommeétaittroptentant,tropproche,etl’attirancequ’ilexerçaitsurelle,tropfortepourqu’elle

puisserésister.Ellesetournaverslui,sesseinspressantsontorse.—Vousavezuneidéedelafaçondontnouspourrionspasserletemps?—Oh!j’enaibeaucoup.Ildesserrasonétreinte,vouluts’écarter,maiselleleretint,unbrasglisséautourdesoncou.—Laissez-moitrouver,dit-elle.Nouspourrionsjouerauxdevinettes…Elleglissa lesdoigts sur sanuque,dans sescheveuxcoupés trèscourt, et le repoussadoucement

contrelemur.—Oupeut-êtreàquelquechosedebeaucoupplus…intime?—Noussommesdanslarue,n’importequipourraitnousvoir.Çaabienfailli,d’ailleurs.Devinritdoucementetfitvirevoltersescheveux,faisantjaillirsoudainleseffluvesdesonparfum.

ChanelNo5.PlébiscitéparMarylinMonroeetcensérendreleshommesfous.Etait-cecequ’elleavaitentête lorsque,cédantàunpetit capricededernièreminute,elleenavaitmisunegouttederrièrechaqueoreille?

Ellepréféraitnepassavoiretlaissaundoigtglisserlelongdesonbras.—Qu’onpuissenousvoirn’avaitpasl’airdevousgêner,lepremiersoir,devantmaporte?—Jen’étaispas…moi-mêmecesoir-là.Ellelaissasondoigts’aventurerlelongdesontorse,puis,lentement,elledégrafalepremierbouton

desonpolo.—Etvousl’êtes,aujourd’hui.?—Jenesaisplustrèsbien.Elleglissaunejambeentrelessiennes,selovacontrelui.Gabeneputretenirungrognement.—Vousmerendezfou.—Çapeutêtreintéressant,ça…Ellepenchalatête,laissaseslèvrescourirlelongdesamâchoire.—Etmêmetrèsbien.

—Outrès,trèsmal,murmura-t-ildoucement,d’unevoixunpeurauque,presqueunecaresse.—J’ycomptebien.Dansungrognement, il tourna la têteet leursbouches se trouvèrent, avides, ivresdedésir.Gabe

emprisonnasonvisageentresesmains,pressiondoucemaisferme,tandisqu’ilprenaitsabouche.Devinneputretenirunsoupirets’abandonnacontrelui.Sesjambes,soudain,nelaportaientplus.

Elleavaitallumélefeu,maisc’étaitluiàprésentquilecontrôlait.Ellen’avaitpaspourhabituded’êtredominée, mais avec Gabe c’était différent. Elle sentait confusément qu’elle pouvait se laisser aller,qu’ellenerisquaitrien.C’étaitàlafoisextraordinaireetterriblementeffrayant.

ElleavaitperdutoutenotiondutempslorsqueGabelibérasonvisage.Ilrefermalesmainssursesépaules et son baiser se fit plus doux, plus tendre. Elle laissa samain s’aventurer sur son torse et laglissaitdéjàdansl’échancruredesonpololorsqu’unfroissementfurtifl’interrompit.

—Qu’est-cequec’est?demanda-t-elle,inquiète.—Rien.Unvisiteuraffamé,sansdoute.Lapiledejournauxbougeasoudain.—Nousferionspeut-êtremieuxdepartiravantquecettenuitvireaucauchemar,non?Gabeglissaundoigtsoussonmenton,levasonvisageetplongeasonregarddanslesien.Ilybrillait

unelueurmalicieuse.—Dommage,c’étaitbien.Etpuisjesuistellementimpatientdesavoircequevousavezprévupour

moiensuite.Ensuite?Ilétaitsérieux?—Maispascesoir.Gabe prit sa main et ils quittèrent l’impasse sombre, émergeant bientôt dans la lumière des

réverbères.—Jecroisquej’aieumoncontentd’émotionspourunesoirée.

Chapitre5

—Qu’est-cequit’arrive?demandaCadeHardestyenselaissanttombersurlesgradins,àcôtédeGabe.

UnpeudebièregicladesongobeletencartonetaspergealesmocassinsdeGabe.— Il n’y a pas un nuage dans le ciel, les Yanks ont trois points d’avance et tu fais la tête de

quelqu’unquivientdeperdresonmeilleurami.Gabesepenchaetépongealabièreavecuneservietteenpapier.—Jesuispeut-êtredevenuunsupporterdesSox.—Çarisque!Depuisledébutdumatch,tuasl’espritailleurs.Tuaseuunesemainedifficile?—Onpeutdireça.L’affaire ParkAvenue tournait au casse-tête. Pas de preuves tangibles, pas demobile, et le seul

témoin qui pouvait attester de la présence du suspect sur place, à l’heure du crime, ne cessait de lesmenerenbateau.Ceseraitunmiracles’ilparvenaitàconvaincreunjury.

Iln’avaitpaseudavantagedechanceavecVictor. Ilétaitparvenuàretrouver l’assistantesocialequis’étaitoccupéedelui,maisellenerépondaitpasàsesappels.Ilserendraitpeut-êtreauxservicessociaux,lundi,pourtâcherdelavoir.ToutplutôtquededécevoirDevin.

Devin.Ils’étaittrouvédeuxfoisseulavecelle,etlesdeuxfoislerésultatavaitétélemême.Ilavaitété

incapabledesemaîtriser,excitécommeunfou, irrésistiblementattiréparelle. Ildevaitabsolumentsemettre en tête, une bonne fois pour toutes, que leur arrangement ne concernait que le travail et riend’autre. L’attirance réciproque qu’ils éprouvaient n’était qu’une complication de plus. Et la dernièrechosedontilavaitbesoindanssavie,encemoment,c’étaientdescomplications.Surtoutlorsqu’ilétaitsiprèsdegravirunnouvelécheloncrucialpoursacarrière.

—Tuveuxenparler?Cadebutsadernièregorgéedebièreetfitsigneàlajeuneetjolieserveusequiarpentaitlesgradins.

Elles’approcha.Ildemandadeuxbièresetluifitunclind’œilenluitendantunbilletdevingtdollars.Ellerougit,luirenditlamonnaieetlesbières.IlenpassauneàGabetandisqu’elles’éloignait.

—Dixdollarsqu’àlaprochainetournéeellemedonnesonnumérodeportable.Gabesecoualatête.—Jerefusedeparier.Iln’étaitpasidiot.Cadeattiraitirrésistiblementlesfemmes.Ilavaituncharmenaturel,uneaisance

qu’il lui enviait.Deplus, il avait toutdu surfeurcalifornien : lebronzage, les cheveuxblondset l’airperpétuellement heureux. Aux antipodes exactement de ce qu’était Gabe, qui avait été surnommé

Heathcliff, le héros sombre et taciturne desHauts de Hurlevent, par une étudiante en littérature trèsperspicaceaveclaquelleilétaitsorti.

—Çavautmieux,rétorquaCade.Ilbutunelonguegorgéedebière.—Jeseraisdésoléd’enrajoutersurtasemainedéjàdifficile.Gabe s’apprêtait à lui répondre vertement lorsque son téléphone vibra dans sa poche. Il posa sa

bièresoussonsiège.Ilavaitunmessage.DeDevin.Il hésita aumoment de le lire. Voulait-elle programmer leur prochaine petite aventure ?Ou tout

annulerdéfinitivement?Iln’auraitsudirecequ’ilespérait.— Devin ? s’exclama Cade, penché par-dessus son épaule. Pourquoi Elvira, Maîtresse des

ténèbres,t’envoie-t-elleunmessage?GabetiquaenentendantCadeaffublerDevindecesurnomqu’ilsluiavaientdonnélorsqueHollyla

leur avait présentée, la première fois. Elle leur avait rappelé l’héroïne de ce film d’horreur avec sesgrandsyeux, sabouchepulpeuseet ses longscheveuxnoirs.Et elle secomportaitunpeucommeelle,également,lointaine,sombreetmystérieuse.

Maisellen’étaitpasdutoutcommecela,enfait.Pasvraiment.D’accord,elleétaiteffrontée,assezvirulenteetincroyablementsarcastique.Maiselleétaitaussilumineuse,pleinedevie…

—Tuvasl’ouvrir,cemessage,outuvasresteràfixertonécrandetéléphone?demandaCade.—Jel’ouvre.Gabe fut reconnaissant à Cade de l’avoir arraché à des pensées en passe de franchir la zone

dangereuse.Lestades’enflammabrusquementsurunesuperbeactiond’unjoueur.Lepublicselevadansuneovation.GabeselevaaussietenprofitapourlirelemessagedeDevin.

Phase2.Demain.19heures.Chezmoi.

—Phase2dequoi?demandaCade,lesyeuxrivéssurl’écran.—Arrête.C’estindiscret,protestaGabe.Ilsedétournapourrépondre.

Oùm’emmenez-vous,cettefois?

Laréponsearrivaaussitôt.

C’estunesurprise.Jesuiscertainequ’ellevousplaira.Etpasdedanse,cettefois.Voilàquiestrassurant.Etcommentdois-jem’habiller?J’aitoutprévu.Venezetnesoyezpasenretard.

Gabehochalatête.Ilglissaletéléphonedanssapocheetserassit.—Alors,tuvasenfintedécideràmedirecequisepasseentreDevinettoi?—Rien.Devantl’airdubitatifdeCade,ilajouta:—Jet’assure.—Trèsbien,rétorquaCade,croisantlesbrassursapoitrine.Nedisrienàtonamidetoujours,à

celuiqui s’estdénoncépour toi lorsque tuascassé leprécieuxvaseanciende tamère,qui t’aaidéàemménagerdanstonpremierappartement,cinqétagessansascenseur,enjuilletetsansclim,etqui…

—C’estbon,arrête,ditGabe.J’aicompris.Il réfléchit trèsvite à cequ’ilpouvaitdire. Iln’évoqueraitpas sa contrepartiedumarchéconclu

avecDevin.Ilavaitlesentimentquepeudegensdevaientêtreaucourantdel’existencedesonfrèreetil

nevoulaitpasrisquerdecommettrelemoindreimpairàcesujet.—Ellem’aidepourunproblèmedetravail,dit-il.—Unsamedisoir?Chezelle?Cadesecoualatêteetbutunegorgéedebière.—Elleestdevenueavocate?Auxdernièresnouvelles,elleservaitdansunbarettatouaitdesgros

bras.—Oui,c’estcequ’ellefait.Etnon,ellen’estpasdevenueavocate.Gabe attrapa sa bière, posée sous son siège.Au diable les boissons de luxe, les excellents vins

français.CertainescirconstancesnécessitaientunebonnevieilleBudweiser.Etunmatch,parunechaudesoiréed’été,enétaitune.

—Alors,dis-moienquoielleestcenséepouvoirt’aider,insistaCade.Pendantquelquessecondes,Gabesuivitdesyeuxl’actiond’unjoueursurleterrain.—Jemeprésenteaupostedeprocureur.J’aifaitactedecandidaturelasemainedernière.—Mais c’est fantastique, ça ! s’exclamaCade, lui donnant une grande tape dans le dos. Je suis

certainquetupeuxfaireunexcellentprocureur.CeseraitunechancepourNewYorkquetusoisélu.—Merci.SeulsHolcombetDevinétaientaucourant.Gaben’enavaitmêmepasparléàsafamille.Lesoutien

deCadesignifiaitbeaucouppourlui.Malheureusement,cen’étaitpascequiluirapporteraitdesvoix.—Le problème, c’est que je n’aurai aucune chance d’être élu si je n’obtiens pas le soutien de

Holcomb. Il veut que je devienne plus abordable, plus proche des électeurs, plus représentatif de lapopulation.C’estlàqueDevinintervient.

—Qu’est-cequ’ellevafaire?Fairedetoiunemarionnettepolitique?—Biensûrquenon.Ellevajustemedécontracterunpeu.—Tusais,ilexistedesgensdontc’estlaprofession.Desconseillersenimage,jecroisquec’est

commecelaqueças’appelle.—Jesais.J’aisongéunmomentàcontacterunprofessionnel.Etpuisj’airencontréDevinetellea

proposédem’aider,alors…Lepublics’enthousiasmasoudainpourunenouvelleaction,annihilantparsesacclamationslapiètre

excusequeGabes’apprêtaitàdonner.—Faiscommetuveux,ditCadeavecunhaussementd’épaules,avantdereportersonattentionsur

lejeu.Maistuneviendraspasdirequejenet’aipasprévenu.Cettefillenepeutquet’attirerdesennuis.Sansdoute,songeaGabe,s’efforçantdes’intéresseràcequisepassaitsurleterrain.Illuisemblaitavoirdéjàentenduçaquelquepart.

***

—Parici.DevinfitentrerGabedans l’appartementet luiposaaussitôtunepiledevêtementsdans lesbras.

DesConversebassesbleues,unjeandélavéetunT-shirtgrisd’unjeunecréateurnew-yorkais.—Enfilezça.Gabejetauncoupd’œilsoupçonneuxauxétiquettes.—Commentavez-voussupourlataille?—Holly.Devinsedécernalamédailled’ordel’à-propos.—Vousl’avezappeléeàIstanbul?—C’étaituneurgenceesthétique.Ellelepoussaendirectiondelasalledebains.

—Maintenant,vousentrezlà-dedansetvousvouschangez.Nousavonsbeaucoupdechosesàfaireetdegensàvoir.

—Trèsbien,chèremademoiselle,réponditGabe,luidécochantunsourireàtomberàlarenverse.Puisilpénétradanslasalledebainsetrefermalaporte.Devins’adossaaumuretpoussaunsoupir.Ilfallaitqueçamarche,cettefois.Ellenepouvaitpasse

permettreunnouvel échec.Gabe risquait de rompre leur accord et, sans lui, ses chancesde retrouverVictorétaientnulles.

Elles’étaitexhortéeàlapatience,refusantdetarabusterGabepourobtenirdesinformations.Maisplusd’unesemaines’étaitécoulée.Unpetitrappelnepouvaitpasfairedemal.

—VousavezdunouveaupourVictor?demanda-t-elleàtraverslaporte.Ellesemorditlalèvre,anxieuse.—Pasencore.J’airetrouvél’assistantesocialequis’estoccupéedelui,maisellenerépondpasà

mesappels.Sijen’aipasdenouvellesd’icilundi,je…Bonsang!—Qu’est-cequisepasse?—Cejeanesttropétroit.Devinfaillitéclaterderire.—C’estcommecelaqu’ildoitseporter.—Monboxer-shortsemetenpaquets.—Enlevez-le.Devinfutparcourued’undélicieuxfrissonenimaginantGabenudanslejean.—Ceseranotresecret,ajouta-t-elle.Ilyeutunfroissementdetissudanslasalledebainsetelleespéraquecelavoulaitdirequ’ilavait

suivisonconseil.— Qu’est-ce que j’en fais ? demanda-t-il quelques secondes plus tard. Et du reste de mes

vêtements?Gagné!—Mettez-lesdans lebacà linge, réponditDevin, toutexcitée. Je les laverai.Ceserapourvous

remercierdevousmontrerbeaujoueur.C’étaitsurtoutunefaçondes’assurerqu’ellelereverrait.Laportedelasalledebainss’ouvritlentementetGabeensortit.—Çapeutaller?demanda-t-il,tournantsurlui-mêmepourluimontrerlerésultat.Si ça pouvait aller ? Devin en demeura bouche bée. Elle le trouvait déjà superbe en costume,

renversantentenuedetravaildécontractée,maisenjeandélavéetT-shirtilétaittoutsimplementsublime.Lejeanmoulaitadmirablementsesfesses,seshanchesétroites,sescuissesmusclées.QuantauT-shirt,ilmettait en valeur sa carrure large, épousait les muscles souples de son torse avant de tomberimpeccablement vers sa taille, son ventre plat. Il était clair qu’il devait fréquenter régulièrement lessallesdesport.Personnen’avaitunphysiquepareilenrestantassisàunbureautoutelajournée.Mêmeens’yrendantàvélo.

—Cen’estpasterrible,c’estça?conclutGabe.Devinsortitdesastupeur.—Euh…si,si.Vousêtesparfait,dit-elletrèsvite.Ilétaitgrandtempsqu’elleseressaisisseetl’emmèneàl’extérieur,dansunendroitpublicoùillui

seraitplusfaciledegardersonsang-froid.—Allons-y,àprésent!lança-t-elle,saisissantsonsac.Illasuivitverslaporte.—Vousavezl’intentiondememettreaucourantdecequevousavezprévu?—Nousallonsfairelatournéedesbars,dansleVillage.

Ils’apprêtaitàrépondre,maiselleneluienlaissapasletemps.—Avantquevousprotestiez, ilnes’agitpasdefaire lafêtenidedanser.J’airetenula leçon.Il

s’agitd’unemanifestationculturelle.—Latournéedesbars?J’endoute.—Ils’agitdelittérature.Desacteursnousemmènentvisiterleslieuxdanslesquelscertainsdesplus

grandsauteursnew-yorkaisontpassédutemps,àboireetàécrire,commeEdgarAllanPoeouEugeneO’Neill.Ettoutcelaauprofitd’uneassociationcaritative.

—Vousêtessérieuse?—Toutàfait.—Ehbien,Devin,c’estvraiment…Devinretintsarespiration,attendantsaréponse.—…parfait.Dequelleassociations’agit-il?Ellepoussaunsoupir,soulagée,etouvritlaporte.—Tournelapage.Nousformonsdesvolontairesquiserendentdanslesécolesettravaillentavec

lesenfantsquiontdesdifficultésdansl’apprentissagedelalecture.Enparfaitgentleman,Gabeluitintlaporteets’effaçapourlalaissersortir.—Nous?demanda-t-il.Etzut!Çaluiavaitéchappé.Commed’habitude,faceàGabe,satêtesemettaitengrève.Ellefermalaporteàcléderrièrelui.—Oui,jeleurdonneuncoupdemaindetempsentemps.C’étaitplusquede tempsen temps,mais l’heuren’étaitpasauxconfidences.Lebutde la soirée

étaitderemettreenroutel’opérationdécontraction.—Detempsentemps,vousavezdit?Çayétait,M.leprocureurcommençaitl’interrogatoire.Unemainposéesursataille,ill’escortadansl’escalier.—Jenesaispaspourquoi,maisj’ailesentimentquevousmecachezquelquechose.—Moi?Jesuiscommeunlivreouvert.Danslehall,ellesetournaverslui,écartalesbras.—Jen’airienàcacher.Jesuistellequevousmevoyez.Caractèrebientrempé.Pascompliquée.

Célibataire.—Neme racontez pas d’histoires. Vous voulez faire croire à tout le monde que vous êtes une

tigresse.Maisaufond,dit-il,pointantundoigtsursapoitrine,làoùsoncœurbattaitàtoutrompre,ilyaunchatonpleindetendresse.

—Arrêtezdediren’importequoi.Devinpoussalaportequidonnaitsurlarueetsortitsansl’attendre.Elleavaitbesoindemettreun

peudedistanceentreeux.Pourquiseprenait-il,àprétendrelaconnaîtremieuxqu’elleneseconnaissaitelle-même?Etpeuimportaitqu’ilaitraison.

—Jenedispasn’importequoi,lançaGabe,pressantlepaspourlarattraper.C’estpourcelaquevousm’aidezàconvaincreHolcomb.

— Simple marché, lança-t-elle par-dessus son épaule. Je vous aide parce que vous m’aidez àtrouverVictor.

—Etc’estpourcelaaussiquevousenseignezlalectureauxenfants.—J’aimeHarryPotter.Gabeeutunpetitrire.—Sivousledites.—Jeledis.IlsétaientparvenusàunanglederueetDevins’arrêta.

—Noussommesarrivés.—Déjà?Elledésignal’enseigneau-dessusdelaporte.—LeChevalBlanc.Le lieuprivilégiéd’icônes telsqueNormanMailer,HunterS.Thompsonet

FrankMcCourt.Etlepointdedépartdenotretournée.Gabesouritetlapritparlecoude,l’attirantlégèrementsurlecôtétandisqu’ungrouped’étudiants

sortaitducafé.—Quelestvotrerôle?Vousêtesguide?—Biensûr.Elledégageasonbras,agacéeparlespetitsfrissonsqu’ellesentaitcourirsursapeau.—Commesiquelqu’unallaitmesuivrequelquepart.—Moi,oui.C’estcequej’aifait,d’ailleurs.Jevousaisuiviejusqu’ici.Ilétaitsiprochequ’ellesentaitlesmusclesdesontorseeffleurersondos,lachaleurdesoncorps

l’envahir. Elle balbutia une réponse aussitôt avalée par le chaos, à l’intérieur du bar, tandis qu’ilsavançaientversungroupemasséaucentredelasalle.Unefemmes’endétachadèsqu’elleaperçutDevin.

—Chica!Tuesvenue,dit-elle,serrantuninstantDevindanssesbras.—Jet’avaisditquejeviendrais.Jetienstoujoursmespromesses.—Quiestleguaperas?Devintoussadiscrètement.—Ariela,Gabe.Gabe,Ariela.Gabetenditunemainqu’Arielaserraunpeutropintensémentetunpeutroplongtempsaugoûtde

Devin.Maisellen’avaitrienàdire.Celanelaregardaitpas.Gabeetellen’étaientqu’amis.Mêmepas,d’ailleurs.Seulementdesconnaissances.

Etilss’embrassaientàenperdrehaleinechaquefoisqu’ilssevoyaient.—Qu’est-cequ’unguaperas?demandaGabe.Dois-jemesentirinsulté?—Loinde là,ditaussitôtAriela, laissantglissersurGabeunregardadmiratif.Çafaitplaisirde

rencontrerenfinunamideDevin.C’estl’unedenosplusfidèlesbénévoles.Touslesmardis.C’estréglécommedupapieràmusique.

Devinjetaàsonamieunregardnoir.— Le frère d’Ariela tient le salon de tatouage dans lequel je travaille. C’est elle qui m’a fait

connaîtreTournelapage.—Touslesmardis,donc?ditGabe,unelueuramuséedansleregard.—Etlejeudiaussi,parfois,ajoutaAriela, lorsquenousdevonsremplacerquelqu’un.Devinnous

sauvelavie.Siseulementnosautresbénévolesavaientneserait-cequelamoitiédesondévouement!Arielavérifial’heuresursonSmartphone.—Ilesttempsquenouslancionsnotreopération.Jeferaisbiend’allervoiroùenestnotreguide.

Onseretrouveraplustard.—Lejeudiaussi,plaisantaGabelorsqueArielasefutéloignée.ÇafaitbeaucoupdeHarryPotter.—C’estdifficilededirenonàAriela.C’estuneforcedelanature.Unpetitgroupedebénévoles,prèsdubar,fitsigneàDevin.Ellesefrayaunchemindanslafoule

pourlesrejoindre.—Ilyaquelqu’un,ici,quevousneconnaissezpas?ditGabe,luiemboîtantlepas.—Oui,elle.Devin désigna dumenton une grande blonde d’une beauté sculpturale qui venait d’entrer dans le

café. Habillée avec nettement trop de recherche pour la circonstance. Vêtements et accessoires decréateursdelatêteauxpieds.Etpasuncheveuquidépassait.Clairementpaslegenredepersonnequi

s’abaisserait à fréquenter une tatoueuse-serveusede café, avecuneoreille couvertedepiercings et unlookvintage.

Gabeseraiditetposaunemainsurl’épauledeDevin.—Moi,jelaconnais,dit-ild’unevoixtendue.C’estmonex.

Chapitre6

LefrèreaînédeFrancklorsdelaraveetmaintenantKara.Ilnemanquaitplusquecela.—Unbourbon.Sec,précisaGabe,glissantunbilletdevingtdollarsendirectiondubarman.Dansunevillequicomptaitplusdehuitmillionsd’habitants,commentétait-ilpossibledenepas

êtreàl’abridelapoignéedepersonnesquel’onn’avaitpasenviederencontrer?—Doucement,ditDevin,seglissantàcôtédelui.Nousavonsunelonguenuitdevantnous.— Servez-m’en un double, corrigea Gabe. Et à la demoiselle, ce qu’elle voudra, ajouta-t-il,

désignantDevindumenton.Ellecommandaunwhiskysodaetattenditquelebarmanlesaitservisavantdedemander:—Laséparationaétédifficile?Gabe but une gorgée. L’alcool glissa dans sa gorge tel un velours et il sentit une douce chaleur

l’irradier.—Embarrassante,surtout.—C’étaitilyalongtemps?IlregardaKara,del’autrecôtédelasalle.Ellen’avaitpasl’airdes’ennuyer,rayonnante,entourée

d’unecourd’admirateurs.L’avait-ellevu?Sesouciait-elledelui?—Quelquessemaines,répondit-il.—Alors,cefameuxsoir,dansleparc…—Oui.Gabefittourneruninstantl’alcooldanssonverre.—Nousvenionsjustederompre.Ilsegardabiendedonnerlemoindredétail.Inutiled’enrajouterdansl’humiliation.Devins’accoudaaubar,leregardrivésursonverre.Puissoudainelleseredressa,setournavers

lui.—Attendezuneminute.Toutescesineptiesconcernantvotretempéramentprétendumentennuyeux…Bonsang.Gabenevoulaitsurtoutpasqu’elles’apitoiesurluiparcequesonexletrouvaitsinistre.Ilétaitdéjà

suffisantqu’ellesoitaucourantdecequepensaitHolcomb.—Toutça,c’estàcaused’elle?demandaDevin,fusillantKaraduregard.Quevousa-t-elledit?—Votreattention,s’ilvousplaît!Debout, au centre de la pièce, Ariela fit tinter une cuillère contre son verre, épargnant à Gabe

d’avoiràrépondre.Soulagé,ilreportasonattentionsurelle.—AunomdeTournelapage,jetiensàvousremercierd’êtrelà,cesoir,sinombreux.J’imagine

quevousêtesimpatientsdecommencervotresoirée,jeneseraidoncpaslongue.Maisjetenaisàrendre

hommageàunedonatricequiafaitbeaucouppournousetquinoushonoredesaprésence.Gabedevinaitdequielleparlait.Arielafitunsignede lamainetKara larejoignit, rejetantd’un

gesteétudiésescheveuxpar-dessussonépaule,rayonnante,sedélectantdetoutecetteattention.Pourquoin’avait-ilpasremarquécelachezelle?Maintenantqu’ilysongeait,elleavaittoujourseu

unbesoincompulsifd’êtrelecentredetouteslesattentions.Aurestaurant,danslessoirées,authéâtreouau concert. Lemonde n’était qu’une vaste scène de théâtre pour elle. Elle y jouait son rôle et, lui, iln’avaitétéqu’unacteurdepassagedanslapiècequ’étaitsavie.

Dieumerci,elleluiavaitditnon.Du coin de l’œil, il surprit la moue sarcastique de Devin. Il ne l’imaginait pas recherchant la

notoriété, les feuxde la rampe.Ellenevoulaitmêmepasdirequ’elleétaitbénévole.Et, lorsquecetteinformationluiavaitéchappé,elleavaittoutfaitpourminimisersonengagement.

—SansKaraHumphriesetlafondationcrééeparsafamille,riendetoutcecin’auraitétépossible,poursuivitAriela.

La remarqua arrachaGabe à ses réflexions, avant qu’il ait eu le temps d’analyser ce qui l’avaitamenéàcomparerDevinavec la femmeavec laquelle, ilyavaitquelques semainesencore, ilpensaitpartagersavie.

—Noussommestrèsheureuxdelesavoirànoscôtéscommesponsors,pourlapremièrefoiscetteannée,etnousespéronsqu’ilscontinuerontàsoutenirnotreactiondanslesannéesàvenir.

LesouriredeKaras’épanouitetellesalua lafouled’unpetitgestede lamaindigned’unereine.Tout le monde applaudit poliment, à l’exception de Devin, qui laissa échapper un petit rire qu’ellecouvritaussitôtentoussantderrièresamain.

Arieladésignaunjeunehomme,auboutdubar.—IlesttempspourmoidepasserlaparoleàJosh,quiseravotreguideaucoursdecettesoirée.

Régalez-vousetfaitespreuvedegénérosité.—Unevraieprimadonna,vousnetrouvezpas?—Ariela?—Non.Votreex.DevinpritGabeparlebrasetl’entraîna.—Venez,rapprochons-nousdeJosh.J’aienvied’écoutercequ’ilvaraconter.Lalégendeveutque

DylanThomasaittellementbuunsoirqu’ilenestmortetquesonfantômerevientoccuperlatableoùilavaitcoutumedes’asseoir.

Lesheuresquisuivirentfurentuntourbillondenouveauxvisages,deconversations,d’échangesetd’anecdotes littérairesdispenséespar Josh.AvecDevinà sescôtés, tandisqu’ilspassaientd’unbaràl’autre,Gabesesentaitdeplusenplusàl’aise.Ilauraitpuimputercelaàlaboisson,maisiln’enétaitrien.Ilsavaitsemodérer.

Non,quelquechosed’autreluifaisaitbaissersagarde,vaincresesinhibitions,etlerendaitcapabledenavigueraumilieud’étrangers.

Quelquechoseouquelqu’und’autre?Quelqu’und’autre.Devin.Elleavaitditd’Arielaqu’elleétaituneforcedelanature,maiselle,elleétaitl’énergiemême.Vive,

généreuse, bondissant d’un tabouret de bar à un autre, le présentant à tout le monde, relançant laconversationlorsqu’elles’épuisait.Elleétaitvraimentformidable.

—Alors,lasoiréevousplaît?demanda-t-elletandisqu’ilsprenaientunverredansleurtroisièmebar.

Un bar en sous-sol à l’atmosphère musicale et littéraire très stimulante. Un lieu qui avait étéfréquentépardesbeatnikscommeBobDylanetJackKerouac.

—Oui, j’apprécie beaucoup cette soirée et j’en suis le premier surpris, réponditGabe.Mais jedoutedemerappelerneserait-cequelamoitiédesnomsdetouscesgens,demainmatin.Enfait,j’enaidéjàoubliépasmal.

—Vousvousdébrouilleztrèsbien,ditDevin,jetantunregardnoiràKara,installéeaubar,unpeuplusloin.Ilyadel’espoirencequivousconcerne.

—Merci.Gabeluiétaitreconnaissant.Trèsreconnaissant.Etpasseulementdel’avoiraidéàromprelaglace.

Il était persuadéque c’était grâce à elle queKara se tenait à distance.Aplusieurs reprises, il l’avaitsentiesurlepointdevenirluiparler.Mais,chaquefois,Devinl’enavaitdissuadéeparunregardglacialouunemainpossessiveposéesursonbrasouglisséeàsataille.Unemainunpeutropdouce,unpeutropagréable,unpeutropfamilière.

—Quelquesminutesencoreetnousnousmettronsenroutepourlaquatrièmeetdernièreétapedenotrevoyagelittéraireetépicurien,annonçaJosh.C’étaitl’antredupoèteE.E.Cummingsetc’estlelieuoùdégusterlecélèbreburgerBlackLabel.

Gabesentitsonestomacgargouiller.Ilavaitfaim,enfait.—Jedoisfaireunsautauxtoilettes,ditDevin,posantsonverresurlebar.Tâchezdenepasvous

attirerd’ennuispendantmonabsence.Gabeluisourit.—J’attendraivotreretourpourça.IlregardaDevins’éloigneretsuivitdesyeuxlebalancementenvoûtantdeseshanchesmouléesdans

sonpetitshortenjeantandisqu’ellesefrayaitunchemindanslafouledensedubar.Lorsqu’elle eut disparu, il pivota sur son tabouret, se remémorant pour la énième fois toutes les

raisonspourlesquellescéderàl’attirancequiexistaitentreeuxseraitunevraiecatastrophe:Devinétaitlameilleureamiede sa sœur, ildevaitobtenir l’appuideHolcombet seprépareràcetteélectionquiarriveraitvite…

—Gabe,ditunevoixunpeuessoufflée,interrompantlalistedesprétextesqu’ilénuméraitdanssonesprit.

—Kara.Bonsoir.Tuasl’airenpleineforme.—Toi,enrevanche,jetetrouve…Ellel’observauninstant.—…différent.—Ilétaittempsdechangerunpeu,tunecroispas?—J’espèrequecen’estpasàcausedequelquechosequej’aiputedire.Elletripotauninstantlefermoirdesonsacdemarque.—Pasdutout.Gabesaisitsonverre,fittourneruninstantsoncontenu.Puisilbutunegorgéeetlafixa.Ilnevoulait

pas se montrer impoli, mais six semaines s’étaient écoulées au cours desquelles il s’était souventdemandécommentilréagiraits’illarevoyait.Ilconstatait,aujourd’hui,qu’iln’avaitpasgrand-choseàluidire.

Iljetauncoupd’œilàlapendule,au-dessusdubar.QuefaisaitDevin?Letempsquelesfemmespassaientdanslestoilettesdemeuraitunmystèrepourlui.

—Sérieusement,Gabe,repritKara.Jemefaisdusoucipourtoi.Elle se jucha sur le tabouret près du sien et posa unemain sur sa cuisse. Ses ongles rouge vif,

parfaitementmanucurés,formèrentsoudainuncontrasteétonnantsursonjeandélavé.—Tes vêtements, cette fille qui t’accompagne… je voulais venir t’en parler depuis unmoment.

Maisellemeregardaitavecunairtellementhargneuxquej’aicraintqu’ellesejettesurmoiavecuncrand’arrêt.

Seigneur.Avait-elle toujoursétéaussi critique, aussi conventionnelle?Encoreunnouveaudéfautqu’ildécouvrait.

—Jesuisungrandgarçon,tusais.Ilsaisitsamain,l’ôtadesacuisse,soulagédenerienéprouver.—Jepeuxparfaitementm’occuperdemoi.—Jen’endoutepas,mais…—Coucou,toi…Devinvenaitd’arriverderrièrelui.Elleglissaunbrasautourdesataille.Samainsursahanchefut

commeunedéchargeélectrique,embrasantsesreinsd’undésirviolent.—Désolée,ilyavaitunmondefou.Jet’aimanqué?Ellesehissasurlapointedespieds,pressaseslèvressurlessiennesetglissasubrepticementsa

languedanssabouche,faisantd’unbaiserenapparencesagelaplustorridedesprovocations.Gabeeutàpeineletempsderéagirqu’ellelibéraitseslèvresetpressaitsoncorpscontrelesienenluidécochantunregardquidisait:attention,çavadécoiffer.

—Pasbesoindemerépondre,susurra-t-elle.Jesensquelquechosequilefaitàtaplace.Karafaillits’étouffer,etGabe,éclaterderiredevantsonairoffusqué.— Ça n’a pas l’air d’aller, dit Devin, la fixant d’un air faussement inquiet. J’ai un brevet de

secouriste.Jeconnaislestechniquesderéanimation.Karalevalamainpourl’arrêter.—Toutvabien.Merci,ajouta-t-elled’unevoixpincée.—Alabonneheure.DevinsetournaversGabeetcaressad’undoigtlangoureuxleslettresapposéessursonT-shirt.—Quedirais-tudesauterladernièreétapedenotrecircuitetd’allerchezmoi?Jen’aijamaisété

trèsfandeE.E.Cummings,detoutefaçon.—J’hésite,réponditGabe,taquin.CeburgerBlackLabelmetentevraiment.—Jet’assurequetuneleregretteraspas…ElleposaleslèvresaucreuxdesoncouetGabesentitsonpoulss’emballer.—Danscecas…Ilsaisitsonsacposésurlecomptoiretleluitendit.—J’aiétéravidetevoir,Kara,dit-il,luiadressantunpetitsignedetête.PuisilglissaunbrasautourdesépaulesdeDevinetilssedirigèrentverslasortie.Devinglissaune

maindans lapochearrièredeson jeanetpressasa fesseavecmalice.Ledésirenflammales reinsdeGabetandisquesonespritbrûlaitd’unequestionàlaquelleelleseulepouvaitrépondre.

Etait-elle sérieuse lorsqu’elle lui avait proposé d’aller chez elle ou s’agissait-il d’une simpleprovocationdestinéeàfaireenragerKara?

***

Joueraveclefeu,voilàexactementcequeDevinétaitentraindefaire,ellelesavait.Maiselleétaitincapabledes’arrêter.

Quelquechoseavait réagienelle,àsonretourdes toilettes, lorsqu’elleavaitvulamaindeKaraposée sur la cuisse deGabe. Puis elle avait surpris ce qu’elle avait dit à son sujet, qu’elle craignaitqu’elleluisautedessusavecuncrand’arrêt.Uncrand’arrêt…Longtemps,elleenavaitpossédéun.Maisc’était du passé.Lorsqu’elle avait rencontréLeo, il l’avait convaincue qu’elle n’en avait plus besoin,qu’elleavaittrouvéunfoyerdésormaisetqu’elleétaitensécurité.

Maisencetinstantellenesesentaitpasensécurité.Ellesesentaitdéstabilisée,nerveuse.Ettrèsexcitée.

Cequiavaitcommencécommeunjeuétaittrèsvitedevenusérieuxlorsqu’elleavaitsenticontresacuisselesexeenérectiondeGabe.Etelleavaitcontinué,luiproposantquasimentdecoucheravecelle.

Quelleidiote!Qu’allait-il se passer, maintenant ? Etait-elle vraiment sérieuse lorsqu’elle avait dit qu’il ne

regretteraitpasdelasuivre?Etait-ilvraimentsérieuxlorsqu’ilavaitaccepté?Iln’yavaitqu’unechosesenséeetsansrisqueàfaire:prétendrequetoutcecin’avaitpasexisté.Et

silesmots«sensé»et«sansrisque»nefaisaientpaspartiedesonvocabulairehabituel,ellen’allaitpasdisséquerlesraisonsquimotivaientuntelchangementchezelle.

—Jemedemandecequevousavezpuluitrouver,lança-t-elle,repoussantlebrasdeGabeetôtantlamaindesapoche.

—Devin.Ellepressalepas.—Jeveuxdireendehorsdesesseinsmagnifiques,sesjambesderêve…—Devin.—Et,j’imagine,sesfessesaussi…—Stop.Letonferme,autoritairedesavoixlafits’arrêter.—Regardez-moi.Illarattrapa,luifitface.Puisilécartalescheveuxdesonvisage,glissaundoigtsoussonmentonet

l’obligeaàleregarder.—Ilfautquenousparlions.CelanefaisaitpaspartieduplandeDevin.Ellecroisalesbras,surladéfensive.—Dequoi?—Decequivientdesepasserdanslebar.—Avecvotreex?ElletremblaitlorsqueGaberefermalamainsursajoue.—Non,entrenous,dit-il,caressantseslèvresdupouce.—Il…iln’yapasdenous.—Nefaitespasça,jevousenprie.Le bruit des voitures les enveloppait comme dans un tourbillon. Devin sentait son cœur battre

follementdanssapoitrine.—Fairequoi?—Commesivousn’éprouviezpaslamêmechosequemoi,comme…attention!Illatirasoudainparlebras,évitantdejustesseuncyclistequipassaitàviveallure.—Çava?Ellehochalatête,lecœurbattantàtoutrompre.Illevalesyeuxversleciel,passaunemaindanssescheveux.—Toutceciestridicule.—C’estcequej’essaiedevousdire.—Non,pascequisepasseentrevousetmoi.Lefaitquesoyonslà,danslarue,entraind’avoir

cetteconversation.—C’estvousquiavezvouluquenousparlions.—Oui,maisj’aieutort.Jecroisqu’iln’estplustempsdediscuter.Iljetaunrapidecoupd’œilautourdelui,l’entraînadansl’embrasured’uneportetouteprocheetla

pritdanssesbras.—Demandez-le-moiencore.Devinsentitlefeuluimonterauxjoues.

—Vousdemanderquoi?—Cequevousm’avezdemandédanslebar.Ilposasonfrontcontrelesien.—Aproposd’allerchezvous.Ilétaitdoncsérieux.Ellen’avaitpasrêvé.—Voulez-vousvenirchezmoi?demanda-t-elletrèsvite,lesoufflecourt,bouleversée.MonDieu,qu’était-elleentraindefaire?Elleétaitcenséeéteindrelefeuquicouvaitentreeux,pas

l’attiser.Maisl’idéedeseconsumerdanslesbrasdecethommeluisemblaitsimerveilleuse.—Oui,répondit-il.Jenerêvequedecela.Elletendaitdéjàlamain,l’approchaitdesonvisage.Ilsaisitsonpoignet,l’arrêta.—Pasici.Pascommeça.Venez.Ill’entraîna,hélauntaxi.—Nouspouvonsmarcher,ouprendrelemétro,ilestjuste…—Non.Cesoir,jen’aiplusenviedevouspartageravecpersonne.Desimplesparolespouvaient-ellesvousfairechavirer?L’émotionétaitintense,palpabledanstout

son corps. Elle grimpa très vite dans le taxi, se glissa tout au bout de la banquette. SiGabe pouvaitattendre,elleaussi.Aconditiondegardersesdistances.

Ildonnasonadresseauchauffeuretluisourit.Unsourirerenversantquiprovoquaundésirsiviolentaucreuxdesonventrequ’elleserrainstinctivementlesjambes.

Heureusement,sonappartementnesetrouvaitqu’àquelquesminutesenvoiture.— Je vous trouve très silencieuse, ditGabe au bout d’unmoment.Etes-vous certaine de vouloir

allerchezvous?Non,ellen’enétaitpluscertaine,maisellen’avaitpasl’intentiondeleluidire.Queluiarrivait-il?

D’habitude,lorsqu’elleavaitenvied’unhomme,ellenetergiversaitpas.Ellefonçait.Pourquoiétait-cedifférentavecGabe?Elleavaitenviedelui.Ilavaitenvied’elle.Celaauraitdûêtretrèssimple.

Ils arrivaientdevant son immeuble.Lechauffeur segara, ladispensantd’avoir à répondre.Gaberéglaleprixdelacourseetluitenditlamain.Ellesortittrèsvite,avantquelecourageluimanque.Ellesesentaitparcouruedefrissons.

—Vouspouvezencorechangerd’avis,dit-il.Illâchasamain,nevoulantpasl’influencer.—Unvieiladageditquel’hommeproposeetquelafemmedispose.—C’estpossible,répondit-elle.Elleglissasamaindanslasienneetl’entraînadansl’escalier.—Maispascettefemme.Etpascesoir.

Chapitre7

L’appartementdeDevinluiressemblait.Pleindevie.Eclectique.Fascinant.Mais Gabe eut à peine le temps de remarquer la collection de figurines de bande dessinée, sur

l’étagèreau-dessusdel’évierdanslakitchenette, lapiledemagazinesdecuisinesurlatablebassedusalonouletasderomanssentimentauxprèsdelaported’entrée.Iln’avaitqu’unechoseàl’espritetuneseule.

Devin.Danssesbras.Nue.—Vousvoulezboirequelquechose?Devinpassadevantlui.—J’aidelabièreauréfrigérateuretunebouteilledemerlotquelquepart.Ouencoreducaféoude

l’eau,sivouspréférezquelquechosedenonalcoolisé.Gabelaregardas’affairerdansl’appartement,ramasserunetasseabandonnée,redresseruncadre

aumur.Elleétaitnerveuse.DevinPadilla,ladureàcuireaufranc-parler,étaitnerveuse.Ils’assitsurlecanapéettapotalecoussinàcôtédelui.—Venezvousasseoir.—Oujepeuxvouscuisinerquelquechose,sivousavezfaim.—Non,jen’aipasfaim.Etpassoif,nonplus.—J’aidesœufsetdufromage.Jepeuxvousprépareruneomelette.Gabesecalacontrelescoussinsducanapéettapotadenouveaulaplaceàcôtédelui,unsourire

amuséauxlèvres.—Venezvousasseoir.Elles’avançaverslui,lestalonsdesesbottesrésonnantsurleparquetàchaquepas.Elles’assità

côtédelui.—Parlez-moidevostatouages.Il prit doucement son poignet, le retourna, traçant du bout des doigts les lettres qui y étaient

inscrites.—Quesignifiecelui-ci?Ellehésitauninstant,déboussoléeparcebrusquechangementdesujet.C’étaitcequ’ilvoulait.—Capabled’affronterseulelemonde.Ilcaressalapeaudoucedesonpoignet,sentitsonpouls,soudainplusrapidesoussesdoigts.—Cesontlesparolesd’unechansond’undemesgroupespréférés.Cesontdesmotsquiexpriment

laforce,ladéterminationàpoursuivresaroute,quoiqu’ilarrive.Ilglissaundoigtsouslesbretellesdesonsoutien-gorgeetdesonpetithautetlesfitglisserlelong

desonépaule,dévoilantune touchede rouge,unéclatd’orangeetde jauneà lanaissancedesonsein

gauche.—Etcelui-ci?Ondiraitunoiseau.—C’estunphénix.Ilfitglisserunpeuplusbaslevêtement,découvrantletatouageenentier.—Renaissantdescendresdemafollejeunesse.—Etlapetitearaignéederrièrevotreoreille?Il laissasamainremonterle longdesoncou,soulevasescheveux.Ilsglissèrententresesdoigts,

douxcommedelasoie,libérantlasenteurfraîchedesonshampoingàl’amande.Ellepenchalatête,l’encourageantàpoursuivresonexploration.—Monpremiertatouage.J’avaisàpeinedix-huitans.J’étaisstupide,jepensaisqu’ilmedonnait

l’aird’unevraiedure.—Ilvousdonnel’airdangereux.Ilsepencha,posaseslèvressursapeauinfinimentdouce,justederrièrel’oreille,puisill’effleura

de la pointe de sa langue. Elle avait un goût de miel et il sentait sa chaleur, son odeur de femmel’envelopper.Etilvoulaitdavantage.Biendavantage.

—Etc’esttrèssexy,murmura-t-il,lavoixrauquededésir.Enreste-t-ild’autresquevouscachez?D’undoigt,elleeffleurasacuisse,remontajusqu’àlaceinturedesonjean,jouauninstantavecle

bouton.—Avousdelesdécouvrir.Gabe jetauncoupd’œilautourde lui,à la recherched’uneporteouuncouloirquimèneraità la

chambre.Ilavaitbesoind’espacepourmeneràbiencequ’ilavaitentête:prendretoutsontempspourlaséduire.IldoutaitqueMlle«Capabled’affronterseulelemonde»sesoitjamaisaccordéletempsd’enfairel’expérience.

—Oùsetrouvevotrelit?—Vousêtesassisdessus.C’estuncanapé-lit.Maisj’imaginequevousdevezêtrehabituéauluxe

d’unkingsize.—Pasd’unkingsize,maisd’ungrandlit.Ilfaudraquenousl’essayions,unjour.Ilseleva.Enquelquessecondes,lecanapéétaitdéplié,révélantlelitdéjàfait.—Pourcesoir,celui-ciseraparfait.Devin tiraitdéjàsonpetithautde laceinturedesonshortets’apprêtaità l’enlever lorsqueGabe

l’arrêta.—Non,c’estmoiquivousdéshabille.J’aienviedepartiràl’aventureetdedécouvrirunàuntous

vostatouages.Commelesseptmerveillesdumonde.Allongez-vous.—Auriez-vousl’intentiondedevenirl’IndianaJonesdubodyart,parhasard?Ellehaussaunsourcil,maisfitcequ’il luidemandait.Elles’allongeasur le litet, relevéesurun

coude,ellelefixad’unairmutin.—Jedoisvousprévenir,ilyenasept.—Jerelèveledéfi.—Etvous?Vousn’avezpasl’intentiondevousdéshabiller?—Prioritéauxdames.Ils’agenouilla,glissaunemainsousunedesesjambesetlasouleva.Ilpresadelapaumedelamain

lecuirsoupleetfraisdesabotte.—Jevousimaginenouantvosjambesautourdematailleaveccesbottes,maisjevaisdevoirles

ôter.—Uneprochainefois,peut-être…Il fit glisser doucement la botte et Devin poussa un soupir de plaisir lorsqu’il commença son

exploration,caressalaplantedesonpied,sontalon,sacheville,puislaissasesdoigtsremonterlelong

de son mollet jusqu’à l’arrière du genou, là où la peau est si fine, si douce, lui arrachant un petitgémissement.

Uneprochainefois…LesmotsrésonnaientdanslatêtedeDevintandisqu’illuiôtaitsadeuxièmebotte.Ellen’étaitpas

encoreprêteàl’admettre,maiscethommeavaitréussiàbriserlemurdedéfensesdontelles’entourait,àl’atteindre malgré cette attitude de bravade permanente qui lui permettait de maintenir le monde àdistance.

Gabeavaitsuvoirau-delàdecequevoyaientlesautres.Ilavaitcomprisquielleétait,enréalité,lorsqu’elleavaitparlédesonfrère,deLeo,ouencoredecetteactionqu’ellemenaitauprèsdesenfantspar le biais de la lecture. Et ce qu’il avait découvert n’avait fait qu’attiser sa curiosité. Il voulaitdécouvrirbiendavantagequedesimplestatouages.

Maisceseraituneexcellentefaçondecommencer.—Voyonsvoir…qu’avons-nousici?Ilexaminaunecheville,puisl’autre,caressalepetitcœurtatouésurchacune.—Uncouple?—Pasvraiment.—Dans lecœurdegauche, leD représente l’initialedemonprénom,dansceluidedroite, leV,

celledeVictor.Illaissasesmainsremonterlentementlelongdesesjambes,caressersesmolletsfermesetdoux.—Etici,iln’yarien?Ellesecoualatête.—Ilfautremonter…unpeuplushaut.—Là?demanda-t-il,insinuantunemainsouslesfrangesdesonshort.—Vouschauffez.—Etlà?Ils’aventuraunpeuplusloin,verslecreuxdesescuisses.L’airsifflaentrelesdentsdeDevin.—Vousrefroidissez.Ileffleurasahanche.—Vousbrûlez,murmura-t-elle,parcourued’unfrisson.Ildégrafaleboutondesonshort.Ladentelledesonpetitsliprougechatouillasesdoigtslorsqu’il

descenditlafermetureEclair.Illefitglisserlelongdeseshanches,desesjambesetleluiôta.Elleavaitlesjouesenfeu,lesoufflecourt.

—Jebrûle?Jecroisplutôtquec’estvousquibrûlez.Brûlerétaituneuphémisme.Devinseconsumaitlittéralement.Commentétait-cepossible?—Jevousenprie,murmura-t-elle,s’envoulantaussitôtdeformulerunetellerequête.C’était elle qui était censée mener le jeu, pas lui. Comment avait-elle pu perdre aussi vite le

contrôle?Gabes’étaitallongésurlelit,encoretouthabillé,etill’observait.Elleglissaprestementunejambe

par-dessuslessiennesetlechevaucha.Ilétaittempsqu’ellereprenneleschosesenmainavantqu’ilneluifassecomplètementperdrelatête.

—Passivite.Illarenversasouslui,laplaquasurlelit.—Jen’ai pas terminémonexploration.Si j’ai bien compté, ilme reste encore trois tatouages à

découvrir.Ellesecambrasouslui,bougeantseshanchesdemanièresuggestive.—Vousterminerezvotreexplorationplustard.Jeveuxjouir.

Siellepensait lechoquerenparlantaussicrûment,elle se trompait.Gabe lui sourit,effleurasonsexed’undoigtlégeràtraversladentelledupetitslip.

—Unpeudepatience.Chaquechoseensontemps.—Non,maintenant!lança-t-elle,secambrantdenouveau.—Faites-moiconfiance,celavautlapeined’attendre.Ilsoulevasonpetithautetelleseredressapourl’aideràleluiôter,révélantunjolisoutien-gorge

dedentellerougeassortiàsonslip.—Alors,cestatouages…Illesdécouvritunàun,ensuivitledessindesesdoigts,seslèvres,lapointedesalangue.Lapetite

étoiledemeràsahanche, l’elfeàsonomoplate, laguirlandedeminusculesmargueritesautourdesonnombriletlatêtedemortcolorée,symbolecherauxMexicainspourlafêtedesmorts,logéeaucreuxdesesreins.

Devinn’ytenaitpluslorsqu’ilsedécidaenfinàdégrafersonsoutien-gorge.—Jecroisqu’ilesttempsd’investiguerunpeuparici,dit-il,faisantglisserlesous-vêtementavec

unelenteurquilarenditfolle,commes’ilouvraituncadeauprécieux.Ilpenchaalorslatête,commepouradmirersonœuvre,leregardassombridedésir.—Etmaintenant…Lepetitsliprougerejoignitbientôtlesoutien-gorge.—Avous,àprésent,ditDevin,saisissantlaceinturedesonjean.—Jevousl’aidit…Il l’embrassa. Un baiser rapide qui la bouleversa. Le premier de la soirée, constata-t-elle,

interloquée.Puisilglissahorsd’atteinte.—Lesdamesd’abord.—Gabe,s’insurgea-t-elle,lesoufflecourt,tandisqu’ileffleuraitsesseins,lescaressaitdelapointe

desalangue,descendaitverssonnombril,puisplusbasencore.—Oh!monDieu,haleta-t-ellelorsquesonsoufflechaudbalayalatoisondoucedesonsexe.Uninstantplustard,ilglissaitundoigtenelle.Devinsecambra,éperdue,priantdetoutessesforcespourqu’iltoucheenfincepointsisensiblequi

laferaitjouir.—Doucement,dit-il.Quesepasse-t-il?Ilglissaunseconddoigtenelleetsemitàalleretvenirdoucement,àlaprendresanshâte,avecune

lenteurcalculée,sansjamaislatoucherlàoùelledésiraitsiardemmentl’être.—Aucunhommen’ajamaispriscetemps-làavecvous?Letempsdeglorifierchaqueparcellede

votrecorpsmerveilleux,des’assurerquevousêtespleinementsatisfaiteavantdepenseràlui?—Non…pasautantquejel’auraisaimé.Devinbougeasouslui,soulevaseshanches,fébrile,impatiente,lesmainsagrippéesàsesépaules,

sesonglesgriffantsapeauàtraverslecotonfinduT-shirt.—C’estceque j’aimeenvous,dit-il,cette franchise.Enmatièredesexe, toutdumoins.Pour le

reste…Ilcessauninstantsacaresse.—Maisnousyviendrons,unjour.Ellen’eutpasletempsdes’interrogersursonutilisationduverbeaimernisurcequ’ilentendaitpar

«lereste».Salangueeffleurasoudainleslèvresdesonsexeetilplongeaenelle,levisageenfouiaucreuxdesescuisses,laléchant,lasuçantavecdétermination,intensité.Devinpoussaungémissementetelles’ouvrit,laissantunejambeglisserhorsdulittandisqu’elles’offraittoutentièreàlui.

Il pressa son clitoris de la pointe de sa langue l’aspira dans sa bouche, le suça avec force,insistance,l’amenantaubordduplaisir.Maisauderniermomentillevalatêteetluisourit.

—Vousêtesencoreavecmoi?—Oui,cria-t-elle.Lesdoigtsenfouisdanssescheveux,elleattirasatêteverselle,lapressacontresonsexe.—Nevousarrêtezpas.Jesuissiprèsde…Ilrésistauninstant,puisplongeadenouveau,etd’unseulcoupdelangueillafitchavirer.Elleretint

sonsouffletandisquelesspasmesduplaisirl’irradiaient,violentscommeletonnerred’unoraged’été.Auplusfortdel’orgasme,ellecriasonnomcommesiellevoulaitsesouvenirquel’hommequ’elleavaittoujours considéré comme prude, terriblement sexy et désirable mais prude quand même, avait étéprécisément le premier à la combler, à la satisfaire au-delà de tout ce qu’elle avait connu, la laissanthagardedeplaisir.

Quelquesminutesplustard,elleouvritlesyeux.—Hum…,murmura-t-elle.C’étaitmerveilleux.Gabeseleva,ôtasonT-shirt.Lejeanmoulaitsesjambesmusclées,sonsexeenérection.—Cen’étaitqu’undébut,dit-il,sepenchantverselle.Ileffleuraseslèvres.—Es-tuprêtepourmoi?—Jelesuisdepuisledébutdelasoirée.Elles’agenouilla,saisitlaceinturedesonjean.—Jeveuxtesentirenmoi.Ilpritsabouche,l’embrassa,etellesentitsongoûtsurseslèvres.Uninstantplustard,ilavaitsaisiunpréservatifetilachevaitdesedéshabiller.Puisillarejoignit

surlelit.Devinleregardafaire,déroulerlepréservatifsursonsexetendu.Elleavaituneenviefolledelui.

—Jeteveux,toutdesuite,dit-elle,emprisonnantsonvisageentresesmains.Sabarbenaissanteluipicotalesdoigts.—Etpasqu’unefois.Ilhaussa les sourcils et sourit.Elle l’attira alors à elle et ce futundéchaînement.Leursbouches

s’unirent, avides, leurs langues se mêlèrent tandis que leurs mains impatientes et fébriles touchaient,palpaient, caressaient, s’entrechoquaientparfoisdans leur frénésie àdécouvrir le corpsde l’autre.Auboutd’unmoment,lebaisers’apaisaetGabelarenversadoucementsurlelit.

Audiable cet homme ! songeaDevin.Comment était-elle censée tenir ses émotions en laisse, sesouvenir qu’il ne s’agissait que d’une relation purement physique, une réaction chimique entre deuxadultesconsentants,lorsqu’ilsemontraitaussitendreetattentifavecelle?

C’étaitimpossible.Ellenepouvaitpas.—Gabe…,dit-elle,haletante, lorsqu’il interrompit finalement leurbaiser.Ne t’arrêtepas, s’il te

plaît.—Jen’enaiaucuneenvie.Il s’allongea sur elle et elleouvrit les jambespour l’accueillir. Il laprovoquaquelques instants,

l’extrémitédesonsexecaressantlesien.Puis,peuàpeu,avecunelenteuràluifaireperdrelatête,illapénétra,plongeadanssachairchaudeetdouce.

—Oui…,murmura-t-elle,nouantlesjambesautourdesataille,secambrantpourl’attirerplusprèsencore,plusprofondémentenelle.

Penchésurelle, lesmusclesdesesbrasetdeson torse tendus, il la regardait, sesyeuxd’ungrisardoisedevenuspresquenoirs.

—MonDieu,Devin,c’estsibond’êtreentoi.Elle se redressa, posa les lèvres sur son torse, enroula sa langue autour du petit bouton d’un

mamelon.

Ilpoussaungémissement.—Tuaimes?Elleremontalelongdesoncou,luimordillal’oreille.—Etça,çateplaîtaussi?Ilréponditenplongeantsoudainavecforceenelle,enlaprenantdetoutelapuissancedesonsexe

plantéenellejusqu’àlagarde.—Gabe,dit-elle.Jevaisjouir.Elleserraplusfortsesjambesautourdelui,secramponnaàsesbras,voulants’ancrersolidement,

tantlemondeautourd’elleluisemblaitchavirer.—Viens,dit-il,posant son frontcontre le sien, sesyeuxanthraciteplongeantenelle,commes’il

pouvaitliredanssespensées,danscettepartiesecrètequ’elle-mêmenecomprenaitpastoutàfait.Jouispourmoi.

—Seulementsitujouisaussi.—Toutdesuiteaprèstoi.Ilplongeaencoredeuxoutroisfoisenelleet,soudain,cefutcommeunbarragequiserompt,unflot

immense qui déferlait en elle, roulant son corps, vague après vague, dans un océan de plaisir, et elles’abandonnait,emportée,ballottée,oublieusedetout.

IlluisemblasoudainsentirGabesetendre,s’immobiliseruninstant.Puisillâchaprise,lesspasmesdesonplaisirserépercutantenelle,décuplantlesien.

Ilsrestèrentunlongmomentainsi,unis,corpsmoites,épuisés,comblés.PuisGaberoulasurlecôté.—Çava?demanda-t-il.—Mieuxquebien.Auneexceptionprès,ajoutaDevin.Ilfronçalessourcils.—Laquelle?Ellelerenversasurledos,seglissaàcalifourchonsurlui.Elleavaitadorélelaisserfaire.Maisà

présentc’étaitsontourdeprendreladirectiondesopérationsetelleentendaitbienlerendrefou,luifaireperdrelatêtecommeillaluiavaitfaitperdre.

Elleselaissaglisserlelongdesoncorpsjusqu’àcequeseslèvresrencontrentl’extrémitédesonsexequidéjàsedressait.Iltressaillit,poussaunpetitgémissement.

—Nousallonsavoirbesoind’autrespréservatifs,murmura-t-elle.Lanuitnefaitquecommencer.

Chapitre8

UnedélicieuseodeurdecaféréveillaGabe.Ilroulasurlecôté,tenditlamain.IlfutdéçudenepastrouverDevin,maisaussitôtrassuréenentendantl’eaucoulerdanslasalledebains.

Fairel’amoursousladouche,voilàquiseraituneexcellentefaçondecommencerlajournée.Surtoutsic’étaitaussiextraordinairequelaveillesurlecanapé,surlecomptoirdelacuisineoucontrelemur.

Maiscen’étaitpasencoreassez.Gabesautahorsdulitetseprécipitaverslasalledebains.Ilsaisitlapoignéedelaporte.Ferméeàclé.—Devin?Ouvre.J’aitrèsenviedetefrotterledos.Pasderéponse.Ilpassaunemainsursa joue. Ilavaitbesoindese raser.MaisDevinaimeraitpeut-êtresentirsa

barbenaissanteluipicoterlapeau.Ilpressasonoreillecontrelaporteethaussalesépaules.Ellenel’entendaitpeut-êtrepasàcause

del’eau.Ilregagnalesalon,ramassasonjeanabandonnésurlesol,soudainmalàl’aisedeseretrouvernuaumilieude l’appartement.Tandisqu’il l’enfilait, l’eau s’arrêtadecouleret il entendit lebruitdurideaudedouchequ’ontire.

Il imagina Devin sortant de la douche, nue, magnifique, l’eau ruisselant sur ses seins ronds etfermes.Tantpispourl’amoursousladouche.L’amouraprèsladouchepouvaitêtretoutaussijouissif.

Gabes’assitsurlelit.EnattendantqueDevinapparaisse,iljetauncoupd’œilàl’appartement.Ellepossédaitungrandnombred’œuvresd’art.Desreproductions,biensûr.Maisdebellesreproductionsquiallaientd’unedanseusedeDegasqu’ilreconnutaussitôtcarsasœurNoëlle,danseuse,possédaitlamêmeàuneminiatured’unearaignéesculptéedeLouiseBourgeois.

Quelquestoilesétaientposéescontrelemur.Ils’approcha,retournalapremièreets’éloignapourlaregarder. Il demeura stupéfait. Cette fois, il ne s’agissait pas d’une reproduction.Mais l’œuvre étaitabsolumentsuperbe.Captivante,envoûtante.Erotique.

Le regardétait irrésistiblementattiréparuncouple,unhommeetune femmeenlacés, leurscorpssaisissantsdevéritébienqu’àpeineesquissésenquelquescoupsdebrossevigoureux.Ilssetrouvaientplacésdansundécordenature,arbresetlac,traitésenteintesplusfondues,plusdiffuses.

—Tupeuxmedirecequetufais,aujuste?Gabeseretourna.Devinsetenaitdevantlui,drapéedansuneserviette,sescheveuxencorehumides

cascadantjusquedanssondos.Sonregardlançaitdeséclairs.—Jenet’aipasentenduearriver.—Detouteévidence.Ilt’arrivesouventdefouillerdanslesaffairespersonnellesdesfemmesavec

lesquelles tu as passé la nuit ?Dans quoi avais-tu l’intention de fouiller ensuite ?Mes placards ?Tu

allaispeut-êtreaussiconsulterlesmessagesdansmonSmartphone?Sesaffairespersonnelles?Celavoulait-ildirequ’elle…—C’esttoiquiaspeintcetableau?demandaGabe.Ilestextraordinaire.Ildésignad’ungestelesautrestoiles.—Celles-làaussi?Devinserralespoings.—Jecroisqu’ilesttempsquetut’enailles.—Ecoute,jesuisdésolé.Jenevoulaispasmemontrerindiscret.Laisse-moiseulementtedireque

tuesdouée.Tudevraisexposerdansunegalerieplutôtquedecachertesœuvresdanstonappartement.Gabepassaunemaindanssescheveux.—MasœurIvyauneamiequitravailledansunegalerieàChelsea.Peut-êtrequ’ellepourrait…—Non.Niamie.Nigalerie.Devinremitenplacelaserviettequiavaitcommencéàglisser,leprivantdelatrèsjolievuedeses

seinsronds,frémissants.Cettenuit,illesavaitsucés,mordillés,léchés,jusqu’àcequ’ellecriesonnometjouissedanssesbras.

Ilsecoualatête,s’efforçantdenesongerqu’àsestoilesetnonàcequ’elledissimulaitsouscetteservietteàlaquelleelles’accrochaitcommeàunebouéedesauvetage.

—Etsurtoutpasdemais!lança-t-elle.EllesebaissapourramassersonT-shirtabandonnésurlesoletleluitendit.—Ilesttempsquetut’habillesetquetupartes.Jedoisêtreàmontravaildansuneheure.—Undimanche?—Lesalondetatouageestouvertseptjourssursept.ElleluijetaleT-shirt.Ileutàpeineletempsdelerattraper.—Jenecomprendspaspourquoituperdstontempsdanscesalondetatouagealorsquetupourrais

êtreunevéritableartiste.Iln’avaitpasplustôtprononcécesparolesqu’ilsut,àl’expressiondeDevin,qu’iln’auraitpasdû.

Ellefulminait,àprésent,letoisantd’unairméprisant.—Jen’enairienàfaire,quetucomprennesoupas.C’estmavie,meschoix.Et,demonpointde

vue,jesuisunevéritableartisteetjeneperdspasdutoutmontemps.Elleramassaunedeseschaussuresetlaluilança,unsourirecondescendantauxlèvreslorsqu’illa

rattrapamaladroitement.—Maintenant,commejetel’aidéjàdit,habille-toietva-t’en!—Trèsbien.Jevaism’enaller,ditGabe.IlenfilasonT-shirt.S’ilyavaitunechosequ’il avait apprise, lorsdesa formationdans lamarine,c’étaitque foncer

n’étaitpastoujourslameilleureoption.Parfois,ilvalaitmieuxbattreenretraiteetreprendredesforcesavantdepasserdenouveauàl’action.

—Maisladiscussionn’estpasfinie,précisa-t-il.Ilneluilaissapasletempsderépondre,delecontredire.— Je t’appellerai lorsque j’aurai du nouveau pour Victor. Et j’attendrai que, de ton côté, tu

m’informesdecequeseranotreprochaineaventure.Ellecroisalesbrassursapoitrine.Ilauraitvoulucroirequec’étaitpourtenirlaserviette,maisil

savaitquec’étaitparcequ’ellenedécoléraitpas.—Nous avons vécu suffisamment d’aventures.Tu avais l’air parfaitement à l’aise avec tous ces

étrangers,hier.Jecroisquetuesprêtpourtacampagneélectorale.—Pasdutout.

Illaissatombersachaussureets’avança,lapritparlesépaules.Sapeauétaitincroyablementdouceetencoretoutechaudeaprèsladouche.

—Sij’aiétécapabled’alignertroismots,c’estparcequetuétaisenpermanenceauprèsdemoi.Tunepeuxpasmelaissertombermaintenant.

—Jenetelaissepastomber.Disonsplutôtquejetepoussehorsdunid.Sonregards’adoucit,sacolèrediminuantsoudain.— Tu es prêt à prendre ton envol, Gabe. Tu avais simplement besoin que quelqu’un te montre

commentfaire.—Et si jenepeuxpasvoler sans toi ?dit-il, pressantdoucement ses épaules.Si jen’en ai pas

envie?Ellesecoualatête.—Nedispascequetunepensespas.—C’estunechosequejenefaisjamais.—Tuesavocat.Joueraveclavéritéfaitpartiedetonmétier,non?—Jesuisassermenté.Deparmonmétier,j’aijurédefairerespecterlaloietlajustice.UnsourireeffleuraleslèvresdeDevin.—Unchevaliersanspeuretsansreproche,c’estça?—Façondeparler.Ilposaunbaisersurseslèvres.Puisilramassasachaussure,cherchal’autreduregard.Elleétait

souslecanapé.—Aprésent,sij’aibiencompris,tuasdestatouagesàréaliser.Etj’aidesdossiersàtraiter.Etilavaitsonfrèreàtrouver.—Undimanche?demanda-t-elle,ironique.—Jepréféreraislepasseraulitavectoi,maispuisquecen’estpasuneoption…pourcettefois,

toutdumoins.Devingagnasapenderieetcommençaàsortirdesvêtementsqu’elle jetapêle-mêlesur le lit.Un

hautnoiraveclelogoduParadiseTattoo,deuxpetitssous-vêtementsendentellequifirents’emballerlepoulsdeGabe.

—Cettefois?Quiteditqu’ilyenaurauneautre?lança-t-elle.—Moi.Ettoi,également.Elleseretourna,luifitface,unechaussureàtalonàlamain.—Moi?Qu’est-cequitepermetdedireça?—Lespointesdresséesdetesseins.Ellesvontbientôttranspercertaserviette.GabesebaissajusteàtempspouréviterlachaussurequeDevinlançadetoutessesforces.Puisil

sortitetrefermadoucementlaportederrièrelui.

***

—Alors,onapasséleweek-endàtravailleraubureau?lançaJackenentrantdanslebureaudeGabe.

Il n’avait pas frappé, commeà sonhabitude, et se laissa tomber sur une chaise.Gabepoussa unsoupir.C’étaitinsensé,lecinémaquecetypepouvaitfaire.

—Tuespèresquesitujouesleslèche-culsHolcombt’accorderasonappui?Gabefermaledossierqu’ilétaitentraind’étudier.—J’aidu travail,Jack.Alors,àmoinsque tuaiesunebonneraisonde te trouver ici,hormisme

casserlespiedsàproposcetteélection…—J’enaideux,dit-il,posantunépaisdossiersurlebureau.

—Qu’est-cequec’est?—Unecopiedemacandidature.Jemeprésentecontretoi.Jacksecalacontresondossier,unlargesourireauxlèvres,etposalespiedssurlebureaudeGabe.—Candidaturedéposéeàlapremièreheure,cematin.Jemesuisditquej’allaist’eninformeravant

quelesmédiasl’apprennent.Gabeeneutaussitôtdesbarresdansl’estomac.Jackn’étaitpasunmauvaisavocat,maisladernière

chosedontManhattanavaitbesoin,c’étaitqu’unopportunistedesonespècedevienneprocureur.Ilauraittôtfaitdetransformerlebureauenroyaumedelamagouille.

—C’esttrèsaimableàtoi.Gabesaisitledossieretlelaissatomberdanslapoubelle.—Maintenant,ôtetespiedsdemonbureauetsorsd’ici.—Tun’aspasenviedesavoirpourquelleautreraisonjemetrouveici?—Pasparticulièrement.Jacksepencha,fitsemblantd’époussetersonpantalon.—Holcombveutmevoiràmidi.Tusaiscequecelasignifie.Tupeuxdireaurevoiràsonprécieux

appui.—C’estpossible.Gabes’efforçaitdeprendre le ton leplusdétachépossible.Holcombpouvait trèsopportunément

oublier leur accordconcernant la fêtedeSanGennaroetmettre tout sonpoidsdans la candidaturedeJack,maisilendoutait.

—Ilexistedesmilliersdesujetsdontilpourraitavoirenviedediscuteravectoi.Qu’est-cequitefaitcroirequ’ilyaunlienavecl’élection?

—Monpetitdoigtmel’adit.—Lemêmequit’aditquej’aitravailléiciceweek-end?—Peut-êtreoupeut-êtrepas.Jacklissasescheveuximpeccablementcoiffés.—Unbonenquêteurnerévèlejamaissessources.—Il t’a retiré l’affaireParkAvenue,ditGabe jouant avec son stylo.Cen’estpas cequ’onpeut

appeleruntémoignaged’estime.—C’estuneaffairepourrie.Paslegenrequ’unfuturprocureurrêvedevoirfigureràsonpalmarès.Jackselevaetgagnalaporte.Surlepointdesortir,ilseretourna,unsouriresatisfaitauxlèvres.—Ilfautvoirlaréalitéenface,Holcombtesacrifie.PuisilbattitenretraiteavantqueGabeaiteuletempsderépliquer.Nonpasqu’ilaitgrand-choseà

dire. Jackavait raison.L’affaireParkAvenueétait tout saufuncadeau. Il avait obtenuavecpeineunemise en examen. Il n’aboutirait jamais à une condamnation s’il ne pouvait pas produire mieux qu’untémoinoculairepeufiable.

Gabe étouffa un juron et jeta son stylo. Puis il décida d’appeler l’inspecteur qu’il avait envoyépasserlesecteuraupeignefin.Ilétaitsurlepointdes’emparerdutéléphonelorsqu’ilsonna.

—GabeNelson.—MonsieurNelson,GenevieveBrewer, desServices de protection de l’enfance.Vous cherchez

desinformationsconcernantVictorPadilla,jecrois?—C’estexact.— J’ai son dossier sous les yeux. La bonne nouvelle, c’est qu’il a été adopté en 2001,mais je

regrettedenepaspouvoirvousendireplus.—C’estcequejecraignais.Gabeôtaseslunettesetsefrottal’arêtedunez.—Pouvez-vousmecommuniquersadernièreadresseavantl’adoption?

ElleluiindiquarapidementuneadresseàBrooklyn.—Jesuisdésolée,j’aimeraispouvoirvousaiderdavantage.Maissansordonnancedutribunaljene

peuxrienfaire.—Jecomprends,ditGabe.Mercidem’avoirrappelé.Nouvelleimpasse.DevinenavaitconnubeaucoupdanssaquêtedeVictor.Ilallaitdevoirluidire

queçacontinuait.Amoinsque…Gabe saisit le téléphone et appela son inspecteur.Un ancien flic,DallasMurphy, son bras droit

depuis qu’il était l’assistant du procureur. Il suivait les pistes, interrogeait les témoins. Si quelqu’unpouvaittrouverVictor,c’étaitlui.

Murphyréponditàlasecondesonnerie.—Salut, boss.Riendenouveauencore.Maisvousvous souvenezde la camérade surveillance,

danslehall?—Oui.—Ellefonctionnait,enfait.Etl’entreprisechargéedelasécuritépossèdetouteslesbandesdujour

dumeurtre.—Génial.Préparezunmandat,jeleprésenteraiàunjugedèsquepossible.—C’estcommesic’étaitfait.Autrechose?—Oui.Gabeselevapourallerfermerlaporte.— Il s’agit d’une affaire privée, à traiter sur votre temps libre. Evaluez vos heures et vous

m’enverrezlanote.—Trèsbien.—Vousavezdequoiécrire?—Oui.Jevousécoute.Gabe était plus que jamais déterminé lorsqu’il raccrocha, quelques minutes plus tard. Il n’avait

peut-êtrepasderéponseàapporteràDevinendehorsdufaitquesonfrèreavaitétéadopté,maisiln’enavaitpasfiniavecsesrecherches.Loins’enfallait.

Etiln’enavaitpasfiniavecellenonplus.IlsortitsonSmartphone.Comments’appelaitlebardanslequelelletravaillait?Ilyétaitpasséune

fois,avecHolly,maisilyavaitlongtemps.Toutcedontilsesouvenait,c’étaitquelenomcommençaitparunNetqu’ilsetrouvaittoutprèsdel’immeubledanslequelellehabitait.

Quelquesclicsetilobtintl’informationqu’ilcherchait.IlavaitlaisséquelquesjoursàDevinpourfairelepoint.Maintenant,ilétaittempspourluid’agir.

Il était un peu plus de 20 heures lorsqu’il poussa la porte du Naboombu. Il avait téléphonéauparavantpours’assurerqueDevintravaillaitbiencesoir-là,raccrochantcommeungaminlorsqu’elleavaitrépondu.Pasparcequ’ilcraignaitdeluiparler,maisparcequ’ilvoulaitlasurprendre,nepasluilaisserletempsdeseréfugierderrièresonpersonnage.

Il y avait beaucoup de monde dans le bar, pour un soir de semaine. La majorité des clientsregardaientlematchdesYankeessurl’immenseécran.Gabes’assitsuruntabouretetcherchaDevindesyeux. Il l’aperçut, à l’autreboutdubar, en trainde servirdes clients.Lorsqu’elle eut terminé, elle sedirigeaverssoncôté.Lorsquesonregardcroisalesien,elleralentitlepas,sourcilsfroncés.

—Queviens-tufaireici?Ileutunpetithaussementd’épaules.—Lamêmechosequelesautresclients.Regarderlematch,boireunverre,silabarmaidveutbien

meservir.—Pourquoiici?

Elles’arrêtadevantlui.—CenesontpaslesbarsquimanquentdanstonquartierchicdeTribeca.—Tunevaspasmecroire,maisjepréfèrel’ambianced’ici.Devinletoisa.—Non,jenetecroispas.—Etsijetedisquej’aidesnouvellesdeVictor?L’atmosphèresetendit,brusquement.Gaberetintsonsouffle,attendantsaréponse.Avait-ilcommis

uneerreurenabordantlesujet?Iln’avaitriendetrèsnouveauàluidireetilnevoulaitpassuscitertropd’espoirenluiparlantdeMurphy.Maissavoirquesonfrèreavaitétéadoptéplutôtqueplacéenfamilled’accueillasoulageraitpeut-êtreunpeu.

Auboutd’unlongmoment,ellepritunverrequ’elleplaquadevantlui.—Jeterépondraiquetupeuxcommandercequetuveux.Elle se pencha vers lui, glissa ses cheveux derrière son oreille. Le parfum d’amande de son

shampoingl’enveloppa.—C’estlamaisonquioffre.

Chapitre9

LamaindeDevintremblaitlorsqu’elleservitàGabelewhiskyqu’ilavaitcommandé.—TuastrouvéVictor,alors?—Pasexactement.Illutaussitôtladéceptionsursonvisage.—Maisnousprogressons.Jesaisqu’ilaétéadopté.—Adopté?Elleduts’appuyeraubartantl’émotionétaitforte.—Quand?Parqui?—Jepeuxrépondreàlapremièrequestion.En2001.Ilbutunegorgéedewhisky.—Quantàsavoirparqui…—Laisse-moideviner,ledossiernepeutpasêtreconsulté.Gabeacquiesçad’unsignedetête.—Jesuisdésolé.Jesaisquecen’estpascequetuavaisenvied’entendre.—Mercid’avoiressayé.Devins’emparad’unchiffonetfrottaunetacheimaginairesurlebar,calculantmentalementcombien

detempsilluifaudraitpourréunirsuffisammentd’argentafind’engagerunnouveaudétectiveprivé.Etquinesoitpasunescroc.Gabepourraitpeut-êtreluienrecommanderun.

Gabeterminasonverreetlereposasurlebard’ungesterésigné.— Je regrette de ne rien pouvoir te dire de plus. Je sais combien c’est important pour toi de

retrouvertonfrère.Non, ilne lesavaitpas.Personnene lesavait. Ilnes’agissaitpasd’essayerde leretrouverpour

réaliser un rêve d’enfant et vivre ensuite heureux jusqu’à la fin des temps. Non, il s’agissait d’unequestiondevieoudemort.Oudumoinsdesécuritéetdebien-êtrepourVictor.Victorétait…différent.Particulier.Savoirqu’ilavaitétéadoptédonnaitàDevinune lueurd’espoir,maissesparentsadoptifsétaient-ils encore présents, vivants, pour s’occuper de lui ? Peut-être était-il seul, dans le genred’institutionimmondequiétaitdécritedansl’article?Ou,pireencore,seuldanslarue?

Devin secoua la tête, refusant d’envisager ces possibilités, plus horribles l’une que l’autre. Elles’arrêtadenettoyerlecomptoir,levalesyeuxversGabe.

—J’imaginequ’ilneresteplusqu’àsedireaurevoir.Gabesaisitsonbrasaumomentoùellesedétournait.—Pourquoidis-tucela?

—C’estlemarchéquenousavionsconclu,non?TuasfaitcequetupouvaispourretrouverVictor.Jet’aipréparépourtacampagne.Qu’ya-t-ildeplus?

Apartfairel’amourcommedesfous.LamaindeGabesefitplusdouce.Ilcaressasonpoignet.—Tuveuxvraimentquejerépondeàcettequestionici?Devinjetauncoupd’œilàlasalle.Hormisunhommeassisauboutdubar,écroulésursontabouret,

touslesclientsavaientleregardrivésurl’écrandetélévision.—Pourquoipas?dit-elle,provocante.Gabecontinuadecaressersonpoignet,faisantcourirdedélicieuxfrissonslelongdesonbras.—Tunediraspasquejenet’avaispasprévenue.—Jesuisunegrandefille.Ellevoulutretirersamain,maisillaretintfermement.—Tuenessûre?Ill’attiraplusprès.Ellesentitsonsoufflebalayersajoue.—Parcequejen’enaipasfiniavectoi.Loindelà.Despromesses.Toujoursdespromesses.Devinhaussalesépaules,feignantl’indifférence.—Jetel’aidit,tun’asplusbesoindemonaide.Tuesprêtpourtonélection.—L’électionn’estqu’uneinfimepartiedesraisonspourlesquellesj’aibesoindetoi.—C’estquoi,lereste?Ilsepenchaverselleetellesentitseslèvreseffleurerlelobedesonoreillelorsqu’ilparla.—Lereste,c’esttoi,nue,teslonguesjambesnouéesàmataille,tesonglesquigriffentmondos.Toi

quicriesmonnomlorsquetujouis.Tucroisquetupeuxfairecelapourmoi?—Siellenepeutpas,moi,jepeux.—Rue,salut!Devin s’écarta, rompant le contact avec Gabe et l’étrange pouvoir qu’il exerçait sur elle. Elle

ramassalechiffonqu’elleavaitlaissétomberets’emparadelabouteilledevodka.Rubyprenaittoujourslemêmecocktail.Samaintremblaitlorsqu’elleversal’alcool.

Au diable Gabe et sa façon de venir lui rappeler les moments passionnés qu’ils avaient vécusensemble!Ellesesentaitlesjambestoutesflageolantes.Oùavait-ilapprisàdiredeschosesaussioséesetd’uneaussibellemanière?

Inutiledechercher.Ellenevoulaitpassavoir.—Tuasterminéplustôt,cesoir,dit-elle.—Lesaffairesnemarchentpastrèsfort,encemoment,réponditRue.Elleremontasaminijupe,sejuchasurletabouret,àcôtédeGabe.—Amoinsquemonsieurn’acceptemaproposition.—Cen’estpasunebonneidée,rétorquaDevin,plantantunecuillèreàcocktaildanssonverre.Il

travailleaubureauduprocureur.—C’estbienmachance.—Pasdesouci,ditaussitôtGabe.Jenetravaillepasauxmœurs.—Dommage.J’auraisadoréquevousmepassiezlesmenottes,rétorqua-t-elle,battantdescils.Devinpoussaunsoupir.Undecesjours,lepatronallaits’agacerdelavoirracolerlesclientsetil

lajetteraitdehors,qu’ellesoitsonamieoupas.Devinl’adorait.Etpuisquisaitcequ’elle-mêmeseraitdevenuesansl’aidedeLeo?

—Enplus,ilestprocureuradjoint,pasflic,dit-elle.Iln’arrêtepersonne.—Pasdechance,susurraRubyd’unevoixrauque.—J’aisoif!beuglasoudainunivrogne.

Leclientvenaitdeseréveiller,àl’autreboutdubar.—Jepeuxm’enoccuper,situveux,ditGabe.—Non,j’ail’habitude.Jen’aipasbesoinqu’onm’aide.TutesouviensdeCentralPark?Jem’en

sortaistrèsbienavecFreddie.—Commetuvoudras.Mais, lorsquetuaurasfinide t’occuperdemonsieur, j’aimeraisquetume

servesunautrewhisky,parcequej’ail’intentionderesterjusqu’àlafindetonservice.—Lebarfermeà2heuresdumatin.Etjedoistoutranger.C’estmoiquifaislafermeture.—Pasdeproblème.Jeteraccompagnecheztoi.Gabedésignasavoisinedumenton.Unmiroirdepocheà lamain,elleseremaquillait labouche

d’unrougeéclatant.—SersàRubycequ’ellesouhaite.C’estmatournée.—Merci,ditRuby,refermantlemiroiretlejetantdanssonsacavecletubederougeàlèvres.Ellepritsonverre,lelevapourporteruntoast.—Jevoustrouvepasmalpourunsuppôtdel’Etat.—Cen’estpaspossible,vousêtesfous,touslesdeux,marmonnaDevin.Jenesaispascequeje

fabriqueavecvous.—Maissi,tulesais,rétorquaRuby.Moi,c’estparcequejetedistrais,etlui,parcequ’ilestbeau

commeundieu.

***

—Cen’étaitpaslapeinedem’attendre,ditDevinenentrant lecodedel’alarmedansleboîtier,prèsdelaporte.

Ellevérifiaquelaporteétaitbienbloquée.—J’habiteàcôté.Jesuiscapablederentrerseule.—Pourquoiai-jel’impressionquenousavonsdéjàeucetteconversation?demandaGabe.—Etpourquoiai-jel’impressionquenousallonsl’avoirdenouveau?rétorqua-t-elle.—Parcequec’estlecas.Noussommesplutôttêtustouslesdeux.—Parlepourtoi.Moi,jesuistrèssouple.—Situentendsphysiquement,jecorrobore.Cettesimpleévocationfitsurgirdansl’espritdeGabelesimageslesplustroublantes.—Jeneparlaispasphysiquement,ditDevin.Maismercipourlecompliment.Gabesemitàrireetluitenditlamain.Ellehésitaquelquessecondesavantdelaprendre.Marcher

main dans lamain ne faisait pas partie de ses habitudes avec les hommes avec lesquels elle sortait.C’étaittropintime,troppersonnel.Mais,encoreunefois,Gabeétaitauxantipodesdeshommesqu’ellefréquentait en général. Il était d’une espèce fondamentalement différente, une espèce que les gestestendresetintimesn’effrayaientpas.

Samainserefermasurlasienne,àlafoisfermeetdouce,etleursdoigtssemêlèrentavecnaturel,commes’ilsseconnaissaientdepuislongtemps.Devinpoussaunsoupir.L’agitationdelavilleluiparuts’éloignersoudaintandisqu’unsilenceapaisants’installaitentreeux.

Fiable,songea-t-elle.VoilàcequicaractérisaitGabe.Niennuyeuxniprévisible.Fiable.LepatrondeGabeetsonexétaientvisiblementincapablesdefaireladifférence.

Ilsétaientarrivés.Devinôtaavecregretsamaindelasienneetlaplongeadanssonsacpoursortirsesclés.

—Nousyvoilà.—Oui,réponditGabe.Nousyvoilà…denouveau.

Il la suivitdans lehall,puisdans l’escalierquimenaità sonappartement.Devinouvrit laporte,alluma la lumière. Elle avait presque atteint sa kitchenette lorsqu’elle se retourna, surprise de ne pasentendredepasderrièreelle.

—Qu’ya-t-il?Tun’entrespas?Ilsecoualatête,nebougeapasduseuil.—Pascesoir.—Çanevapasêtrefaciledenouermesjambesàtataillesituresteslà.Amoinsquetoutcequetu

asditaubarn’aitétéqueparoles.—Certainementpas,réponditGabe, luidécochantunsourirecharmeur.J’aibienl’intentiondete

fairel’amourjusqu’àépuisement.—Qu’attends-tu,alors?Elles’avançaverslui,ôtal’élastiquedesaqueue-de-chevaletsecouasescheveux.—Vendredi.—Maisc’estdansquatrejours.Quelmâlenormalementconstituéétaitprêtàattendrequatrejourspourfairel’amouràunefemme

plusqueconsentante?—Tuparlaisdemevouloirnueetcriantdeplaisirdanstesbras.—Crois-tuvraimentquejen’aipasenviedetoi?En deux enjambées, il l’avait rejointe et il la plaqua contre lui. Elle sentit son sexe en érection

pressersacuisse.—J’aitoujoursenviedetoi.Aujourd’hui,demain,après-demainetencorelejoursuivant.Toujours.—Alors,oùestleproblème?—Leproblème?Jeveuxdavantagequefairel’amouravectoi.Jeveuxunerelation.Meréveillerà

côté de toi, prendre le petit déjeuner ensemble, faire toutes ces petites choses que les couples fontensemble.Etjesuisprêtàattendrequetuenaiesenvieaussi.

Devinrecula,seheurtacontrelecomptoir.—Etsijetedisquejenev…quejenepeuxpasavoirderelation.—Jediraiquetumemens.Jet’aivueàl’œuvre.Situdécidesdequelquechose,tulefais.Ilsuffit

quetuleveuillesvraiment.Ils’avança,lacoinçacontrelecomptoir,soncorpschaud,brûlantdedésirpressantlesien.—Alors?—Alorsquoi?Elle leva lementon,nevoulantpas lâcherunpoucede terrain,nimontreràquelpointelleavait

enviedelui.Maisletremblementdanssavoixlatrahit.—Tuleveuxvraiment?—Je…jenesaispas.—Atoidedécider.Enattendant,nousenresteronslà.Ilglissaunemainàsanuqueetpritsaboucheenunbaiserprofond,intense,qu’ilinterrompittrès

vite.Lesoufflecoupé,Devinseserracontrelui,cramponnéeàsesépaules.Ilsepenchaàsonoreille.—Parcequelaprochainefoisquenousferonsl’amour,murmura-t-ild’unevoixrauque,troublante,

c’esttoitoutentièrequejeveuxetpasseulementtoncorps.Il l’embrassaune fois encore, trèsvite, lapointede sa langueglisséeentre ses lèvres.Puis il la

lâcha,gagnalaporte.—Çanemarchera jamais, lançaDevin, se cramponnant au comptoir, les jambes flageolantes, le

corpsparcourudefrissons.Noussommesàdesannées-lumière.AussidifférentsquelesMontaiguetlesCapulet.

—Jevaistemontrerquetutetrompes,jolieJuliette.Ilseretournaaumomentdesortir,lamainsurlapoignéedelaporte.—Etçacommencevendredi.—Qu’ya-t-ildesiparticulier,vendredi?—Tuleverras.UnlargesourireilluminalevisagedeGabe.—Tutravailles,vendredi?—Ausalon,jusqu’à20heures.—Parfait.Rendez-vousauMetà21heures.—L’opéra?—Non,lemusée.—Maisilestferméàcetteheure-là.Devin était bien placée pour le savoir. Elle s’y rendait souvent et attendait d’ailleurs avec

impatience la nouvelle expositionMatisse qui allait ouvrir bientôt. LeMet était l’un de ses endroitspréféréslorsqu’elleavaitenviedes’évader.Danslesilencedessalles,entouréeparleschefs-d’œuvredeBotticelli,MonetouVanGogh,ellepouvait réfléchir toutà loisir,mettre leschosesenperspective,trouverl’inspirationpoursespropresœuvres.

Ouessayer,toutdumoins.—Fais-moiconfiance,ditGabe,ouvrantlaporte.C’estunesurprise.—Jehaislessurprises.—Tu aimeras celle-là, douce Juliette. Se quitter est un si doux chagrin, que je dirai bonne nuit

jusqu’àcequ’ilfîtjour,dit-il,citantShakespeare.Puis il esquissa une révérence, un chapeau imaginaire à la main, et sortit. Devin s’adossa au

comptoiretn’eutqueletempsd’apercevoirlasilhouettedésirabledesoncorpssoulignéeparlecostumeimpeccable,avantquelaportesereferme.

Au diable cet homme, capable de vous faire aimer les costumes ! Un comble pour elle quin’appréciait d’habitudeque les hommes en jean etT-shirt, lesmotards aux allures d’aventuriers.Sansdouteparcequ’ilsnedemandaientriendeplusquedes’amuser,passerquelquesheuresagréablesaulit.

Devinpoussaun soupir.Elle avait trois joursdevant ellepour réfléchir à cequ’elledevait faireavecM.Tout-ou-rien.Maisd’abord…

Ellegagnalecanapé,s’ylaissatomber.Sesjambesrepliéessouselle,elletenditlamain,ouvritletiroirdelapetitetabled’angle.Unvieuxlapinenpeluchetoutpelélafixadesonuniqueœiltriste.Ellel’écarta, s’empara d’unpetit carnet à spirale.Le nomdeVictor était griffonné sur la couverture vertefanée.Ellel’ouvrit,laissaglissersondoigtlelongdelaliste.

Centred’apprentissageAlpine, Institutd’accueiletd’apprentissage,Programmeautogérépouradultesautistes…

Despagesetdespagesd’institutions,defoyers,derésidencesspécialisées,etàcôtédechaquenomunnumérodetéléphone.Ellelesavaitdéjàtousappelés.Certains,plusieursfois.

La nausée l’envahit à l’idée de devoir recommencer.MaisVictor avait besoin d’elle. Et elle nesavaitplusquefaire.

Dèsdemainmatin,elleseremettraitàappeler.

Chapitre10

—GabeNelson?Gabeétaitadosséàl’unedescolonnesmajestueusesduMet.Unhommevêtudel’uniformebleudes

gardes de la sécurité et qui correspondait à la description que lui avait fournieNoëlle gravissait lesmarchesencourant.

Gabeluitenditlamain.—VousdevezêtreEd.Mercibeaucouppourcequevousfaites.Monamievaêtreenchantée.Ill’espérait,toutdumoins.Edserravigoureusementsamain.—Votre sœurconnaîtdesgenshautplacés.Cen’estpas tous les joursqu’undirecteurdemusée

appelle pour me demander d’ouvrir les portes en dehors des horaires pour le frère d’une premièredanseuseetsapetiteamie.

—Jeveuxbienvouscroire.Avez-voustrouvécequ’ellealaissépourmoi?—Oui.Toutestinstallédansladernièresalle,commeellemel’ademandé.Edvérifial’heureàsamontre.—Oùestvotrepetiteamie?Nousallonsdevoircommencersivousvoulezavoirletempsdefaire

cequiestprévuavantquejecommencemaronde.—Elledevraitarriverd’uneminuteàl’autre,réponditGabe,scrutantlarue.Pasdedéessetatouéeauxlonguesjambesetauxcheveuxnoircorbeauenvue.Illuiavaitenvoyéun

message, ce matin, mais elle n’avait pas répondu. Peut-être aurait-il dû lui proposer de passer lachercher?

—Bon,voilàcequenousallonsfaire,ditEd.Ilsortitunecarteprofessionnelledesonportefeuilleetlaluitendit.—Voicimonnumérodeportable.Lorsqu’elle arrivera, faites le tour jusqu’à l’entrée, sur la 81e

Rue,etappelez-moi.Gabeglissalacartedanslapochedesavesteetseremitàattendre.Ilprenaitungrandrisqueavec

Devin.Maislesplusbellesvictoiresnes’obtenaientpassansprendrederisques.Etilavaitlesentimentqu’amenerDevinàs’ouvriràluipourraitêtrelaplusbellevictoirequ’ilaitjamaisremportée.

—Tuvienssouventici?demandasoudainDevin,toutessoufflée.Destalonsvertigineux,uneminirobenoire…Seigneur,cettefemmesavaitcomments’habillerpour

troublerunhomme.Gabes’éclaircitlavoixetluioffritsonbras.—Seulementlorsquej’airendez-vousavecunejoliefemme.Viens.Noussommesenretard.

Elleglissasonbrassous lesienet ilsdescendirent legrandescalier,ses talonsrésonnantsur lesmarches.

—Jesuisdésolée.Ilyaeuunincidentdanslemétroavecunivrogne.Lasécuritéadûintervenirpourlefairesortir.

—Toiettonmétro!ditGabeenplaisantant.—Toiettestaxis!rétorquaDevinenluisouriant.Bon,oùallons-nous?—Patience.Tuvasbientôtlesavoir.Ilss’arrêtèrentdevantl’entréedela81eRueetGabesortitsontéléphoneetlacarted’Ed.—Jet’avaisbienditquelemuséeétaitfermé,ditDevin.—Fais-moiconfiance.Gabecomposalenuméro.Edréponditaussitôt.Ilseraitlàdanscinqminutes.—Quias-tuappelé?—Unamid’ami.—Al’intérieurdumusée?demandaDevin,écarquillantdegrandsyeux.Gaberit.—At’entendre,oncroiraitqu’onestvenusdévaliserleslieux.—Cen’estpaslecas?Devinposaunemainsurlemur.Puiselleôtasachaussureetlasecoua.Unpetitcaillourebonditsur

letrottoir.—Jecomprendspourquoij’avaisdumalàmarcher.—Jepensaisquec’étaitplutôtàcausedelahauteurinsenséedetestalons.Devin massa son pied et laissa échapper un petit gémissement. Gabe sentit aussitôt le désir

embrasersesreins.Maisildevaitsemontrerstoïque,sesouvenirque,quellequesoitl’enviequ’ilavaitd’elle,ilneluiferaitpasl’amour.Pasavantd’êtreparvenuàlaconvaincrequecequiexistaitentreeuxallaitbienau-delàd’unesimplerelationsexuelle.

—Jemedemandecommentlesfemmespeuventporterdestalonsaussihauts.Etpourquoi.— Pourquoi ? Parce nous sommes parfaitement conscientes de l’effet qu’ils produisent sur les

hommes.Gabeavalasasalive.Ilavaitlesentimenttrèsnetquesarésolutionallaitêtremiseàrudeépreuve

cesoir.Laportes’ouvritsoudainetEdapparut.—Ah,jevoisquemademoiselleestarrivée.IllaissaglissersurDevinunregardàlafoisadmiratifetpleinderespect.—Celavalaitvraimentlapeined’attendre.—Devin,dit-elle,luitendantlamain.—Ed.Ravidefairevotreconnaissance.Ilesttempsd’yaller.Ilvousfaudrabiendeuxheurespour

voirtoutel’exposition.—L’exposition?demandaDevin,lefixantd’unairsoupçonneux.—Oui,l’expositionMatisse.Ils’écartapourleslaisserentrer.—Maisellen’estpasencoreouverte,ditDevin.—Pasaugrandpublic.Edleurfitsignedelesuivre.DevinsetournaversGabe,àlafoissurpriseetdéroutée.—Commentest-cepossible?Gabeétaittrèsfierdelui.Trèsfierd’êtreparvenuàl’épater.—Unmagiciennerévèlejamaissessecrets.—Maisalorsdis-moiaumoinspourquoi.

—Là,jepeuxrépondre.Parcequetuaimesl’art.Parcequetuexercesdeuxprofessionsetquetutrouvesencoreletempsd’aiderlesenfantsendifficulté,etqu’ilesttempsquequelqu’unfassequelquechosepourtoi,pourchanger.

Ellesedétournauneseconde,etGabeauraitjurélavoircillerpourretenirunelarme.PrécédésparEd,ilsgagnèrentl’entréedel’exposition,etcedernierdécrochal’embrassedeveloursrougequibarraitl’entrée.

—Voilà,elleesttouteàvous,dit-il.Profitez-enbien.Jereviendraifermerdansdeuxheures.Ilsdéambulèrentunlongmomentdansl’exposition,admirantlestoilespeintes,lespapierscollés,

lesnaturesmortesetlesnusadmirables,letoutdansdescouleursvives,expressives,parfoisdissonantes.Devin était tour à tour volubile et secrète, expliquant avec enthousiasme un détail d’uneœuvre ou lacontemplant,concentrée,silencieuse.

Lorsqu’ilspénétrèrentdansladernièresalle,elles’immobilisa,surprise.—Qu’est-cequec’est?—Unpetitrepas.Gabes’avançaverslecentredelasalleoùunepetitetableetdeuxchaisesétaientinstallées.Ony

avait disposé un seau à champagne, deux coupes, et un plat recouvert d’une cloche argentée. Noëlles’étaitsurpassée,cettefois.Gabes’assit,désignalaplaceenfacedelui.

—Jenesaispastoi,maiscontemplerdel’artmedonnetoujoursfaim.Devindemeuradebout.Ellelefixait,interdite.—Jemedemandesituexistesvraiment.—Jeconfirme.Jesuisbienréel.—Tuneressemblesàaucundeshommesquej’aiconnus.—Tantmieux.Gabesoulevalacloche,découvrantunassortimentdepetitscanapés,unepartdebrieetdesfruits.Devins’avançaets’assit.—Tut’esdonnébeaucoupdemal.Ilvaudraitmieuxnepaslaissertoutcelaseperdre.Gabeaccusalecoup.Ellepouvaitfairel’amouravecluisansseposerdequestions.Maispartager

unmomentcommecelui-ci,c’étaituneautrehistoire.Unehistoirequ’ilétaitdéterminéàréécrire.—Champagne?Ildébouchalabouteille,servitdeuxcoupes.—Merci,dit-ellelorsqu’illuitenditlasienne.Ilsenburentquelquesgorgéesensilence,puisGabesaisitunefraiseet l’approchadeses lèvres.

Ellelacroqua,fermalesyeux,poussantunpetitgémissementdeplaisir.—Ehbien,voilà.Cen’estpassiterrible,si?Ellesecoualatête.—Personnen’ajamaisfaitunechosepareillepourmoi.—Jecroisqu’ilyabeaucoupdechosesquel’onn’ajamaisfaitespourtoi.J’entendsyremédier,si

tumelaissesfaire.— Tu n’as pas besoin de te donner autant demal, tu sais. Je suis une valeur sûre. Il est couru

d’avancequejeferail’amouravectoi,ditDevin,saisissantunefraiseetlacroquant.—Jetel’aidit.Lesexenem’intéressepas.Ellelevaunsourcilamusé.—S’iln’yaquecela,précisaGabe.—J’espéraisquetuavaischangéd’avis.—Certainementpas.Sansprévenir,elleseleva,vints’installersursesgenoux.

—Alors,j’imaginequejevaisdevoirtefairechangerd’avis.Devin emprisonna son visage entre ses mains. Sa barbe naissante lui picota délicieusement les

paumes.—Etça?demanda-t-elle,pressantintimementsoncorpscontresonsexeenérection.Çanetefait

paschangerd’avis?Illasaisitparleshanches,l’immobilisa.—Arrête.—Pourquoi?Elle caressa son torse, s’émerveilla de sentir ses muscles se tendre sous le coton léger de sa

chemise.—Tutesersencoredetoncharmepourmedistraire.—Etçamarche?Elleécartasoncol,vintposerseslèvresaucreuxdesoncou.Legoûtdesapeauétaitlégèrement

salé,enivrant,ostensiblementmâle.—Tu sais pertinemment que rien neme plairait autant que d’être en toi, grommela-t-il, la voix

rauque.—Qu’est-cequit’enempêche?Ilsentaitsonsoufflechaudsursapeau,lapointedesalanguequiletitillait.—Toi,dit-ilens’écartant.Dequoias-tusipeur?—Jen’aipaspeur.Sonregardgrisardoiseplongeadanslesien.—Si.Tuaspeurdemefaireconfiance.—Cen’estcertainementpasmonexpériencedanscedomainequivam’yencourager.LeregarddeGabeseradoucitetunsourireeffleuraseslèvres.—Jenesuispascommelesautreshommesquetuasrencontrés.Tul’asdittoi-même.Devinpoussaunsoupir.—Cen’estpasfair-play.—Qu’est-cequin’estpasfair-play?Ilécartalescheveuxdesonvisage,caressasajoue,lecontourdesonoreille.—Ce…cequetuesentraindefaire.Etpuisteservirdemespropresmotscontremoi.Ilrit.Unrirechaud,profond.—Touslescoupssontpermisàl’amourcommeàlaguerre.—C’estquoi,entrenous?demanda-t-elle.—Lesdeux.Illaissaglissersamainjusqu’àsanuqueetl’attiraplusprès.Seslèvreseffleurèrentlessiennes.Il

lesmordilladoucement,lesécartadelapointedesalangue.Ellefrissonna,noualesbrasautourdesoncou,s’efforçantdésespérémentdel’attirercontreelle,d’approfondirleurbaiser.Maisilrésista,continuadelaprovoquer,delatitiller,refusantdeluidonnerdavantagequ’unaperçudecequ’ellepourraitavoirsiellecédaitàcequ’ilvoulait.

Devinpestait.Elleavaitbeaufaire,c’étaitluiquigardaitlecontrôle.Unefoisdeplus.—Alors,prêteàterendre?demanda-t-il,sabouchecontrelasienne.—Quesepassera-t-ilsijemerends?—Nouspourronsallerprolongercemomentchezmoi,loindescamérasdesurveillance.Ilpritseslèvresenunbaisertrèsbref,pleindepromesses.—Jetedemandeseulementdecroireenmoi,Devin.Ennous.—Jenesaispasfaireça.—Maissi,tusais.

Ilposasonfrontcontrelesien.—Jeneteferaipasdemal,jetelepromets.Devinfermalesyeux,respiraàpleinspoumonsleparfumdesapeau.—C’estimpossible.Personnenepeutpromettreça.—Jepeuxpromettredenejamaistefairedemaldélibérément.Illevalatête,plongeadenouveausonregardintensedanslesien.—Et,s’ilm’arrivedeteblessersanslevouloir,jeferaitoutpourmeracheter.—Pourquoim’avoirchoisie,moi?Elle se leva, regagna sa chaise. Elle avait besoin de mettre de la distance entre eux. Elle ne

parvenaitpasàréfléchirsereinementdanslesbrasdeGabe.Etréfléchirsereinementétaitunenécessitéabsoluelorsqu’ils’agissaitdelui.

—Jesuisimpossible.J’aimelesrobestropcourtes,lamusiquetropforte,lesvoiturestroprapides.Tu n’aurais aucun mal à trouver une femme qui possède plus de classe que moi, une femme quicorrespondeàtonmonde,quisoitunatoutpourtoietnonunhandicap.

—J’aidéjàdonnédans le style. Jen’aipasbesoind’undoublemaisd’unevéritablepartenaire.Quelqu’unquimerendmeilleur,etcettepersonne,c’esttoi.Tum’asapprisàregarder,sentircequ’ilyaautourdemoi,àm’ouvriraumonde.Etàêtremoins…ennuyeux.

Gabepritsamain,encaressalapaumeduplatdupouce.—Nem’abandonnepasmaintenant,justeaumomentoùleschosesdeviennentintéressantes.Ilportasamainàseslèvresetl’embrassa.UnlongfrissonparcourutDevin.Ellevoulutretirersa

main,maisillaretintfermement.C’étaitcommecela,avecGabe,songea-t-elletandisqu’ilcaressaitdenouveausapaume.Ilsecramponnaitavecforceàcequiétaitimportantpourlui.Sonmétier.Safamille.

Elle.Fiable.C’étaitcequ’ellepensaitdelui.Iln’étaitpashommeàl’abandonnercommel’avaitfaitson

père, ni à la délaisser comme l’avait fait samère.C’était un homme qui chérissait les personnes quicomptaient pour lui. Et, pour quelque inexplicable raison, elle comptait pour lui. Ce serait vraimentstupidedesapartdetournerledosàcela.

PourreprendrelestermesdeLeo,elleétaitpeut-êtretercacomounamula,têtuecommeunemule,maisellen’étaitpaspendeja,idiote.

—D’accord,dit-elle,rassemblantsoncourage.Jecapitule.—Tuacceptesdemefaireconfiance?Ilmêlasesdoigtsauxsiens,lespressadoucement.—Oui,répondit-elle,selevantpourlerejoindre.—Ettuadmetsquecequiexisteentrenousn’estpasseulementphysique,qu’ilyaautrechosede

trèsspécial?—Oui.Ellepenchalatêteversluietleursbouchess’effleurèrent.—Onpeuts’enaller,maintenant?demanda-t-elle,impatiente.Elle avait quelques idées très précises concernant la suite de leur soirée et qui ne pouvaient

s’envisagersurplace.—Que se passe-t-il ? demanda Gabe, ses lèvres caressant son cou. Tu n’as pas aimé ta visite

privée?—Jel’aiadorée.C’étaitmagnifique.Maisàprésentj’aienvied’unmomentplusintime,ajouta-t-

elle, laissantunemainglisser le longdesoncorpset joueravec laboucledesaceinture.Nousallonspouvoirnousconcentrersurlapartieplus…physiquedenotrerelation.

—Toutàfaitd’accord,ditGabe,selevantetl’entraînantaveclui.—Quefait-ondetoutça?demandaDevin,désignantlatable.

—Masœurs’enoccupera.C’estellequim’aaidéàtoutpréparer.—Holly?JelacroyaisencoreàIstanbul.—Non,pasHolly.JevoulaisparlerdeNoëlle.Gabes’arrêtapourlaregarder.—ÇateposeraitproblèmesiHollyétaitaucourantpournous?Devinréfléchituninstant.Hollyn’apprécieraitpeut-êtrepasquesonfrèrecoucheavecsameilleure

amie.Maisellen’étaitpasdugenreàlesjuger.—Jecroisquenon.Si,toi,çanetedérangepas.—Pasdutout.Noussommestousdeuxdesadultesconsentants,non?—Toutàfait.Ilsgagnèrent lasortie.Dehors,GabehélauntaxietenvoyaunmessageàEdetàNoëllepourles

avertirqueleurvisiteétaitterminée.Lorsqu’ilsgrimpèrentdansletaxi,Gabedonnasonadresseauchauffeur.—Attendez,ditDevin.Uneidéevenaitdejaillirdanssonesprit.ElleconnaissaitlemoyendeprouveràGabequ’ellelui

faisaitconfiance.—Allonschezmoi,dit-elle,seserrantcontrelui.Ilglissaunbrasautourdesesépaulesetelles’abandonna,selaissaenvahirparlaforce,lachaleur

desoncorps.—Cesoir,j’aimeraistemontrerquelquechose.—Toutcequej’aienviedevoirsetrouvedevantmoi.Elleposalatêtecontresapoitrine.Lerythmerégulierdesoncœurl’apaisa,luidonnalecouragede

franchirlepas.—Jeveuxtemontrermespeintures,dit-elle.—Alors,oùallons-nous?lançalechauffeur,quicommençaitàs’impatienter.—Vousavezentenducequ’aditmademoiselle, réponditGabe,serrant très fortDevincontre lui.

Nousallonschezelle.

Chapitre11

—Queveux-tuvoirenpremier?demandaDevin,laportedel’appartementàpeinerefermée.Monartoumoi?

Elle avait le souffle court tant ledésir la taraudait.Gabebaissa lesyeuxvers ledécolletéde sarobe,sesseinsquisesoulevaient,frémissants,aurythmesaccadédesarespiration.

—J’aimeraisavoirlanoblessedetedirequetapeinturem’intéressedavantagequetoncorps,maisj’aitropenviedetoipourcela.

Ellelepoussacontrelaporte,pressafollementsoncorpscontrelesien.—Moiaussi,jesuisimpatiente…D’ungeste, il la retournacontre laporte, l’écrasantde toutsonpoids,une jambemuscléeglissée

entrelessiennes,sontorsepressantsesseins.—Cen’estpasdujeu.Jevoulais…Il ne la laissa pas poursuivre, sa bouche pressant la sienne.Elle eut un petit gémissement qui le

bouleversa,mitlefeuàtoutsoncorps.Apeineeut-elleletempsd’entrouvrirleslèvresqu’ilplongeaitdans l’intimité de sa bouche tandis que sesmains prenaient possession de son corps, qu’il les faisaitcourirdesesépaulesàsataille,puisaucreuxdesesreinspourvenirserefermersurlarondeurdesesfesses.

Soudain,ilsesentitperdrelecontrôleetinterrompitleurbaiser.—Devin,jevoulaisallerdoucement,prendretoutletempsdeteséduire.Ellerefermaunejambeautourdesesreins,sesoulevacontrelui.—Plustard,dit-elle.Prends-moi.Maintenant.Illaportasurlelitdéjàouvert.Ellenouaalorssesdeuxjambesautourdesesreins,sesbrasautour

desoncou.Gabe ladésiraitplusqu’iln’avait jamaisdésiréaucuneautre femme. Il laplaqua sur lematelas,

l’écrasantdetoutsonpoids,etilpritsabouche.Soufflesmêlés,haletants,ilsarrachèrentleursvêtements,leursmainsfébriles,impatientes,ivresderetrouverleurscorps.Lorsqu’ilsfurentenfinnus,Devinlaissasamainglisserlelongdesoncorpsetlarefermasursonsexe.L’airsifflaentrelesdentsdeGabeetcefutcommeunsignal.

Illarenversasouslui,soulevasesjambes,pressal’extrémitédesonsexeàl’entréedusien.Ellesecambra,accrochéeàlui,soulevantleshanches,levoulantenelle,profondément,toutdesuite.

Ilfermauninstantlesyeux,résistantdetoutessesforces.C’étaitsibondelasentirainsiaccrochéeàlui,toutenmusclessouplesetcourbesdélicieuses.Iln’avaitqu’uneenvie,plongerenelle,s’immergerprofondémentdansladouceurdesachairets’abandonner.

Ilseressaisit,levalatête.

—Attends,marmonna-t-il,tendantlamainverssaveste.—Inutile,ditDevin,l’attirantdenouveauverselle.Jeprendslapilule.Ilsepencha,effleuralespointesdesesseinsduboutdelalangue.—Jeveuxtesentirenmoi.Ilrenversalatêteenarrièreetungémissementrauquemontadesagorgelorsqu’illapénétra.Elle

referma les jambes autour de lui et il sentit ses talons presser ses reins tandis qu’elle se soulevait,s’ouvraitàlui,pourqu’illaprenneplusprofondémentencore.Ilsavourauninstantcettesensation,puisilsemitàbouger.

—Oh!oui,gémit-elle,cramponnéeàsesépaules,l’exhortantàallerplusvite.Ilaccéléralerythme,lapossédaalorssansrelâche,plongeantenelle,coupsdereinsbrefs,intenses,

ivressedeleurssexesunis,chaircontrechair.—Jenevaispaspouvoirmeretenirlongtemps,parvint-ilàarticuler.—Viens,dit-elle.Jouisavecmoi.Ilpenchalatête,effleurasesseins,aspiraleurspointesdures,dressées,danssabouche.—Gabe,jevais…Elleneputendiredavantage.—Oui,maintenant,murmura-t-il.Unlongfrissonlaparcouruttoutentièreetilsentitsesongless’enfoncerdanssondoslorsqu’elle

basculasoudain,criantsonnom.Alors,dansunultimecoupdereins,illarejoignit.Lajouissancelelaissaépuisé,lecorpsennage,etils’écroulasurelle.—Tum’écrases,protestaDevin.—Désolé.Ilallaitroulersurlecôté,maiselleresserral’étreintedesesbras.—Non,reste.—Jenetefaispasmal?— Non, dit-elle, la voix embrumée, tandis que son corps s’alanguissait. Tu me fais du bien,

tellementdebien.Ellefermalesyeuxetsarespirationsefitbientôtrégulière.Illaregarda,détenduedanslesommeil,

lèvres légèrement entrouvertes, la longue frangede ses cilsombrant ses jouesdélicates.Un soupir luiéchappatandisqu’elles’étiraitsousluitelunchat,etiléprouvaunesensationétrangeetinconnuedanslarégionducœur.

C’estalorsqu’ilsut.Cen’étaitpasluiquiluifaisaitdubien,c’étaitellequiluienfaisait.

***

—Etcelle-ci?Gabetraversalapièce,s’approchadela toile,offrantàDevinlavuesuperbedesoncorpsnu.Il

était vraiment magnifique. Et incroyablement à l’aise, à déambuler ainsi dans son appartement.Visiblement,l’opérationdécontractionetlâcher-prisefonctionnaitparfaitement.

—Elleestétonnante,complètementdifférentedureste.Devinsentitsonventresenouertandisqu’ellefixaitlatoile.Elleseredressa,remontaledrapsursa

poitrine.Gabeavaitraison.Cettetoilen’avaitrienàvoiraveclesautres.Ellepeignaitgénéralementdesnus,

certains figuratifs,d’autresabstraits.Desétudesducorpshumain,dans toute sabeauté,maisaussi sesimperfections.

Un rai de soleilmatinal traversa la toile.Elle représentait un vieux lapin en peluche tout pelé àforced’avoirétécajoléettrimballé,borgneetavecunedesoreillesnetenantqu’àunfil.

LelapindeVictor.Tex.ParlerdecettetoileàGabesignifiaitluidirelavérité,toutelavéritésursonenfance,mettreànu

cetteplaieenfouie.Maisdansunmomentdefaiblesseelleluiavaitpromis,etelles’étaitpromisàelle-même,deluifaireconfiance,deluidonnerdavantagequesoncorps.Deluiouvrirsonâmeetpeut-êtremêmesoncœur.

—C’étaitlapeluchepréféréedeVictor,Tex,murmura-t-elle.Sesdoigtssecrispèrentsurledrap.—Ill’adorait.Ill’emmenaitpartout.Lorsquenotredernièrefamilled’accueill’arenvoyé,Texn’a

passuivi.Jemesuistoujoursdemandécommentilavaitpuvivresanslui.Gabereposalatoilecontrelemurets’approchapourrécupérersonboxer-shortaupieddulit.—Lafamilled’accueill’arenvoyé?—Victorétait…difficile,expliquaDevin.Ilsnes’ensortaientpasaveclui.L’assistantesocialequi

estvenuelechercheraditqu’elleallaittrouverunlieuoùonnousprendraittouslesdeux,mais…Devinbaissalesyeux.—Jenel’aiplusjamaisrevu.—Sesparentsadoptifsluienontpeut-êtreachetéunnouveau,ditGabe.Ilenfilasonboxer-short,vints’asseoiràcôtéd’elleetposaunemainsursacuisse.—Peut-être,dit-elle.Lachaleurdesamainirradiaitsapeauàtraversledrap,larassurait,l’aidaitàtrouverlesmotspour

direcequ’elleallaitdevoirdireetquiétaitsidifficile.—Maisjesaisquerienn’apuremplacerTex.Victoryétaittellementattaché.—Jecomprendscequetuveuxdire.Hollyaussiavaitundoudoudontelleneseséparaitjamaiset

ellepleuraitsijamaisonessayaitdeleluiprendre.—Ehbien,imaginelamêmechosemaisenmillefoisplusfort.—Acepoint?—Oui.—Lesenfantsautistess’attachentsouventdefaçontoutàfaitviscéraleàcertainsjouets,livresou

animauxenpeluche.—Tuveuxdireque…Devinhochalatête.Elleavaitlagorgenouée.—Oui.Victoraétédiagnostiquéàl’âgededeuxansetdemi.—Jecomprendspourquoiilestsiimportantpourtoideleretrouver.Ilpritsamain,mêlasesdoigtsauxsiensetlespressadoucement.—Non,tunepeuxpascomprendre,dit-elle.Seslèvressemirentàtrembleretelles’efforçadesecontrôler.Elleavaitpris ladécisiondelui

parler,maisellenevoulaitsurtoutpascéderàl’émotion,pleurer.Ellen’étaitplusuneenfant.—C’estmafautesinousavonsétéséparés.Jeluiavaispromisdetoujoursm’occuperdelui.Etje

l’avaisfaitjusqu’àcequel’assistantesocialel’emmène.—Quelâgeavais-tu?—Treizeans.—Tun’étais qu’une enfant.Cen’était pas à toi de le protéger.Tunepouvais pas assumer cette

responsabilité.C’étaitauxadultesdelefaire.—Victoretmoin’avonspaseubeaucoupdechancedanscedomaine.—Tesparents…

—Mon soi-disantpère adisparudèsqu’il a suquemon frère était autiste.Mamèren’apaspuaffronterlachargedenouséleverseule.J’avaisseptanslorsqu’elleacommencéàsedroguer.

Gabe ne dit rien. Il l’attira tout simplement contre lui, dans l’étreinte de ses bras, la chaleurrassurantedesoncorps.Cesimplegestefits’ouvrirlesvannesetlesparolesjaillirent.

—Herbe,héroïne,crack,elleprenaittoutcequ’elletrouvait.Jelatrouvaisparfoisentraindesepiquerdanslasalledebains.JemedébarrassaisdesaiguillespourqueVictorneseblessepas.Jevolaisdelanourriturepourquenouspuissionsmanger,maisnousavionstoujoursfaim.

—Tuauraisdûm’enparlerplustôt,ditGabe.—Aquoibon?Devinfermalesyeux,pressasespaupières,laissants’évacuerlatension.—Lepasséestlepassé.—Peut-être.Maistunedevraispasavoiràportercepoidstouteseule.Ilyadesgenssurlesquels

tupeuxt’appuyer,moi,Holly,Leo.—Cen’estpasmonfort,dem’appuyersurlesautres.—Jelesais,maisnoussommeslà,nel’oubliepas.Devinouvrit les yeux.Gabe la regardait.Un regardpleinde compassion, et dedésir, aussi. Son

cœursemitàbattreplusfort.—Quedirais-tusil’ons’habillaitetquel’onsorteprendreunbonpetitdéjeuner?—J’aiunemeilleureidée.Ellepritsamain,laposasursapoitrine.—Letraiteur,danslarueàcôté,livreàdomicile.Ilalemeilleurjambonetlesmeilleurscroissants

aufromagedetoutlequartier.Ainsi,nouspourronspasserlajournéeaulit.—Génial,ditGabe,caressantdoucementsesseinsàtraversledrap.Maisd’abord,situpermets,je

vaisallerprendreunedouche.Tum’asfaitbeaucouptranspirercettenuit.Devinpressasonvisagecontresoncou.— J’aime ton odeur d’homme. Mais vas-y, si tu veux. Je te rejoins dès que j’aurai passé la

commandeautraiteur.Gabeposaunbaisersurses lèvresetgagnalasalledebains.Unefoisencore,Devinadmirason

corps.Dèsqu’ileutdisparu,elleseleva,attrapasonportable.—Salut,Mateo, c’estDevin. Jepeuxavoirdeuxde tespetits déjeuners avecdeuxcafésnoirs ?

Euh…etmetsaussidusucreetdulait,ajouta-t-elle,serendantcomptequ’elleignoraitcommentGabeprenaitsoncafé.

—Deux?plaisantaMateo.C’estnouveau,ça!Devinrit.—Tupeuxmelivrerdanscombiendetemps?—Quinzeminutes.Maxivingt.—Trèsbien.Merci.Devinraccrochaetlançaletéléphonesurlelit.L’eaucoulaitdansladoucheetelleseréjouissait

déjà d’y rejoindreGabe, imaginant son corps nu, si tentant, couvert demousse, lorsqu’on frappa à laporte.ÇanepouvaitpasêtreMateo.Pasdéjà.Ildevaits’agirdequelqu’unquisetrompaitd’appartementoud’unvoisin.

ElleenfilarapidementsonshortetunT-shirtetallaouvrir.—Surprise!Hollysetenaitsurleseuil.Ellesejetasurelle,laserradanssesbras,sonpetitventrerondpressant

lesien.—Tuesdéjàrentréed’Istanbul?

Devin jeta un regard paniqué autour d’elle. Le pantalon de Gabe gisait sur le sol, près de latélévision,sachemiseétaitabandonnéesurunechaiseetunedeseschaussuresdépassaitdulit.

Hollylalâchaets’avançadansl’appartement.—Nickafinisontournageplustôtqueprévu.—Acepropos,oùest-il?demandaDevin,s’empressantdedissimulerlepantalonetlachemise.

Vousêtesinséparables,d’habitude.—Sonagentestenville.Ilsontrendez-vouschezPastispourunpetitdéjeunerdetravail.Hollyselaissatomberdanslefauteuil.—Jesuisépuisée.Jepréfèrenepaspenseràl’étatdanslequelcediabledebébévamemettred’ici

letroisièmetrimestre.Elle ôta ses sandales, se massa la plante des pieds. Devin soupira intérieurement. Elle n’allait

jamaispouvoir sedébarrasserde sonamie,àprésent.Etcen’étaitqu’unequestiondesecondesavantqu’elles’aperçoivequel’eaucoulaitdanslasalledebainsouqu’ellevoielachaussurequidépassaitdulit.

Iln’yavaitpastrente-sixsolutions.Elledevaitavouerqu’ilyavaitunhommechezelleets’arrangerpourqueHollys’enailleavantqu’ellenedécouvrequ’ils’agissaitdeGabe.

—Ecoute,Holly, j’ai hâtequenousdiscutions toutes lesdeux et que tume racontes tout sur tonséjouràIstanbul,maisjesuistrèsoccupée,là.

Elledésignalasalledebainsdumenton.Commeunfaitexprès,l’eaus’arrêtadecoulerpileàcetinstant.

—Oh!monDieu,ilyaunhommecheztoi!s’exclamaHolly.Jenepeuxpaslecroire.Lareinedu«jeteprendsetjetejetteensuite»aautoriséunhommeàpasserlanuitchezelle.Quiest-ce?

—Juste…unhomme.Noustenonsàêtrediscrets.—Oh ! je t’en prie, c’est toi qui dis ça, alors que tu as pratiquementmis tout un restaurant au

courantquejecouchaisavecNick!—Jeprometsdetouttedire.Tumelaissesm’occuperdeluietjeterejoinsdansnotrecafépréféré

dansdixminutes.—Parfait,onfaitcommeça.Hollyseleva,enfilasessandales.—Pourl’instant.Mais,jetepréviens,jeveuxrencontrerl’ovniquiestparvenuàtechangeràce

point.Commedansunepiècedeboulevardoùlasituations’emballebrusquement,laportedelasallede

bainss’ouvritetGabeapparut,lescheveuxencorehumidesdeladouche,uneserviettenouéeàlataille.—J’aientendudesvoix.Lepetitdéjeunerestdéjàarrivé?Hollylefixa,interdite.—Holly?Ilresserralaservietteautourdesataille.—TunedevraispasêtreàIstanbul?Devinhaussalesépaulesetregardasonamie,unsourirepenaudauxlèvres.—Surprise!

Chapitre12

DevinseglissasurlabanquetteenfacedeHolly.—Désoléepourleretard.Jen’aipaspupartiravant…Hollyl’arrêtad’ungeste.—S’ilteplaît,épargne-moilesdétailsintimesdetaviesexuelleavecmonfrère.—Commesij’allaispartagerça.J’allaistedirequej’avaisdûréglermacommandeàMateo,mais

peuimporte.—Non,paspeuimporte,ditHolly,sirotantunegorgéedesonchailatte.—Tusaiscequeditl’adage?poursuivit-elle.Unprêtépourunrendu.Tutesouvienslorsquetuas

obligéGabeàfaire tout lecheminjusquedans leConnecticutpourpouvoirmequestionnerausujetdeNick?Ehbien,c’estàtoideparler,aujourd’hui.

SiDevins’ensouvenait…DeuxheuresetdemiedevoitureavecGabe.Ellel’avaittoujourstrouvéattirant, mais c’était à l’occasion de ce voyage qu’elle avait vraiment pris conscience de lui en tantqu’hommeetmesurétoutsoncharme.Sacuissesiprochedelasienneduranttoutlevoyageetsonparfumquil’enveloppait,grisant…Elles’étaitamuséeàleprovoqueretavaitadorélevoirréagir,gêné.MaisellenerisquaitpasdeleraconteràHolly.

Elleavalaunegorgéedesoncafé.—Queveux-tusavoir?— Commence par m’expliquer comment Gabe et toi avez pu passer du stade d’ennemis à

tourtereaux,pendantlepeudetempsoùj’aiétépartie.Devinfixalevieuxposteraumur,enfaced’elle.Leslogandisait:uncafélematinettoutvabien.Siseulementc’étaitvrai.—Nousnesommespasexactementdestourtereaux.—Qu’est-cequevousêtes,alors?—Noussommes…Elles’interrompit,nesachantdéfinircequ’ilsétaientaujuste.Davantagequedeuxpersonnesayant

unerelationpurementphysique,maispasvraimentdesamants.—Nousfaisonsconnaissance,pourl’instant.—Vousaviezl’airdetrèsbienvousconnaître.—Jeneparlepasphysiquement.Ilestclairquenousavonsfranchicestade.—C’estbon,jen’aipasbesoindedétails.Hollyavaitrougi.Ellesecoualatête,envoyavolersesbeauxcheveuxbruns.— Excuse-moi, c’était méchant.Mais Gabe est mon frère et il vient juste de vivre une rupture

difficile.Jen’aipasenviedelevoirsouffrirdenouveau.

—TuveuxparlerdeKara?Hollyacquiesçad’unsignedetête.—C’estmoiquil’aiaidéàchoisirlabague.—Labague?s’exclamaDevin,manquantdes’étoufferavecsoncafé.—Unsolitaire,tailleémeraude.Pasmonstyledutout,ditHolly,montrantlasienne.Unanneauenorblancavecunminusculediamant.—Mais,d’aprèsGabe,ilfallaitaumoinscelapourKara.—J’ignoraisqueleschosesavaientétéaussisérieusesentreeux.—Oh !non ! s’exclamaHolly.Moietmagrandebouche.Connaissantmon frère, j’auraisdûme

douterqu’iln’enparleraitpas.—Continue.Tuenasdittropoupasassez.Devinsecalacontresonsiège,lesbrascroiséssursapoitrine.—Ellel’alaissétomber?—Jenesaispascequis’estpassé.Ilm’ajusteditqueçan’avaitpasmarché.—Quand?—Quandquoi?—Quandt’a-t-ilditça?— Il y a une quinzaine de jours. Je dirais…unmois à peu près après queNick etmoi sommes

arrivésàIstanbul.Une quinzaine de jours. Pile au moment où il l’avait rencontrée dans le parc, aux prises avec

Freddie.—Ilt’aexpliquépourquoi?demandaDevin.Ellesedétestaitenposantcesquestions.Ellesesentaitpirequ’unegaminejalouse.—Non, ilm’a juste dit que la relation était arrivée à son terme. J’ai cru comprendre queKara

s’ennuyaitaveclui.LesparolesdeGabeluirevinrentaussitôtàl’esprit.Cequ’ilavaitditdansletaxi,lepremiersoir,

puisdevantsaporte.«Diriez-vousquejesuisennuyeux?»—Elleneleméritaitpas,rétorquaDevin,avecplusdehargnequ’ellenel’avaitprévu.—Je sais.Un jour,Gabe l’avait emmenéeàun spectaclededanseetnousnousétions retrouvés

ensuite, pour prendre un verre avec eux, Nick et moi. Ellem’a dit quemamanucure n’était pas uneréussiteetquejedevraisfairequelquechoseàmescheveux.Tuimagines?MaisGabel’aimait.Jel’aicru,toutdumoins.Iln’apasdûêtrefacilepourluidesevoirrefusersademandeenmariage.

—Non.—Tupeuxcomprendre,àprésent,pourquoicelam’inquiètequ’ilselancedansuneautrerelation.Unerelation.Etait-cecequ’ilyavaitentreeux?Pourcela,encorefaudrait-ilqueGabesoitfrancet

honnêteavecelle,luiquil’avaitpousséeàluiconfiersessecretslesplusintimes.—Ecoute, tonfrèreetmoi,noussortonsensemble.Nouspassonsdubon temps.Ni luinimoine

voulonsd’unesituationcompliquée.A chaquemot prononcé, Devin sentait son cœur se serrer un peu plus.Mon Dieu, il était clair

qu’elleétaitentraindetomberamoureusedecethomme.Çaluiapprendraitàfaireconfiance.Mêmeàquelqu’und’aussibienqueGabe.Parcequ’auboutducompteilpartirait.Tousleshommespartaient.

Sansexception.Elleréprimal’enviesoudainedelaisseréclatersafrustration,sacolère.Commentavait-ellepuse

montrer aussi stupide ?Pendantunbrefmomentde folie, elle avait oublié les lettres inscrites sur sonpoignetetcequ’ellessignifiaient.

Capabled’affronterseulelemonde.—Devin?

LavoixinquiètedeHollyl’arrachaàsespensées.Ellelevalatête.—Çava?demandaHolly.—Çateposeunproblème,cequ’ilyaentretonfrèreetmoi?—Vousêtesadultes, libresdefairecequevousvoulez.Çamesurprend,jelereconnais,maisje

n’airiencontre.Hollytenditlamain,laposasurlasienne.—Jevousaimetouslesdeux,vouslesavez.Jeneveuxpasquel’unoul’autreseretrouveavecle

cœurbrisé.Troptard.Le portable de Devin émit un petit bip. Elle l’attrapa dans son sac. Elle venait de recevoir un

message.—Gabe?demandaHolly.—Oui.Hollyfronçalessourcils.—Iln’estpasgênédenousinterrompreenpleineconversation.Queveut-il?Devincommençaàlireensilence.

Désoléquenosprojetspouraujourd’huiaientétécontrariés.Jeteproposederattraperletempsperdu.Dîner.Chezmoi.20heures.Metstesbottesnoiresàtalons.Jerêvede…

Hollyluiarrachasoudainletéléphonedesmains.—Hé!s’exclamaDevin,lafusillantduregard.Hollybaissalesyeuxversl’écranetlutàvoixhaute.—«Mets tesbottesnoiresà talons. Je rêvede teprendreavec.»Tum’asbienditquevousne

vouliezpasd’unesituationcompliquée?Voilàquim’al’airplusquesimple,eneffet!—Rends-moicetéléphone.—Monfrèreestunvraipoète,déclaraHollyenleluitendant.—Çat’apprendraàlirelesmessagesquinetesontpasdestinés!—Tuastoutàfaitraison.Tutravailles,cesoir?—Non,maisjenedîneraipasavecGabe.—Pourquoi?—Tuneveuxpasquetonfrèreseretrouveenmorceaux?Devinterminasoncaféetreposasatassed’ungestesec.—Sijelevoiscesoir,jel’étrangle.—IlyaunechosequelemariageavecNickm’aapprise,lacommunicationestlaclédetout.HollypritlamaindeDevindanslasienneetlapressadoucement.—Vaàsonrendez-vousetparle-lui.—Cen’estpasmonfortdeparler.—Simonfrèren’apasétéhonnêteavectoiausujetdeKa…—Ilnel’apasété.—C’estqu’ildevaitavoirunebonneraison.—Jenevoispaslaquelle.—Iln’yaqu’uneseulefaçondelesavoir.Devinpinçaleslèvres.Elleconnaissaitlasuite.—Demande-le-lui.

***

Lasonneriedelaported’entréeretentitaumomentoùGabecommençaitlapréparationdelasaucepour les fettuccineAlfredo, recette transmisepar samère. Il jetauncoupd’œil à samontre.19h30.Devinétaitenavance.C’étaitbonsigne.Elledevaitêtreaussi impatientequeluiderattraper le tempsperdu.

—J’arrive!lança-t-il.Ilôtalacasseroledelaplaquedecuisson,laposasurlecomptoireninoxdesacuisinehigh-techet

seprécipitapourallerouvrir.—Tuesenavance!s’exclama-t-il.Devinsetenaitsurleseuil,magnifiquedansunhautprune,uneminijupedecuirnoiretdesboots

d’unroseflamboyant.Ilsentitaussitôtsonpoulss’emballer.—Jenem’enplainspas,bienaucontraire,ajouta-t-il.—Turisquesdechangertrèsvited’avislorsquetuentendrascequej’aiàdire,lançaDevin.Elleentrad’unpasdécidé,leheurtantaupassageavecsonsacenbandoulière.Illuiemboîtalepas,lasuivitjusqu’ausalon.—Trèsbien.Jet’écoute.—Pourquoinem’as-tupasditquetuavaisdemandéKaraenmariage?Gabesentitsonestomacseserrer.Elleavaitl’artd’allerdroitaubut.—Laisse-moideviner.C’estHollyquitel’adit.—Çanerépondpasàmaquestion.Devinétaitplantéeaumilieudelapièce,lespoingsserrés.—Jenetel’aipasditparcequecen’étaitpasimportant.—Pasimportant?Tuluiasdemandédepasserlerestedesavieavectoietcen’estpasimportant?—C’étaituneerreur.—Tunecroispasplutôtquel’erreuraétédem’embrasser,lepremiersoir?—Non.Gabes’avançaverselle,posalesmainssursesépaules.—T’embrasseraétélameilleuredécisionquej’aiejamaisprise.—Jetedemandederépondreàuneseulequestion.—Toutcequetuvoudras.—Quand?Devinlefixait,leregarddur.—Quandquoi?demanda-t-il,hésitant.—Quandluias-tudemandédet’épouser?C’étaitlesoiroùtum’asrencontréedansleparcavec

Freddie?Gabepestaintérieurement.Ellen’allaitpasaimerlaréponse.Maisiln’avaitpasl’intentiondelui

mentir.Pasaprèsavoirtoutfaitpourqu’elleluiaccordesaconfiance,qu’elles’ouvreàlui.—Oui.—Jelesavais.Ellelerepoussad’ungestebrusqueets’écarta.—Jen’aiserviqu’àteconsolerdetadéceptionsentimentale.Unpis-aller,voilàcequej’aiété.—C’estfaux.Gabes’avançaverselle,maisellel’arrêtad’ungeste.—Comment ça s’appelle, alors, une filleque tudragues juste aprèsque taprétendue fiancée t’a

laissétomber?—Ecoute,jereconnaisquecepremierbaiserétait…UnfrissonparcourutGabeausouvenirdecettepremièrefois,deslèvresdeDevinetdesalangue

provoquantlasienne,desoncorpsentresesbras,deladélicieusepressiondesacuissecontresonsexe

enérection.— C’était irréfléchi, impulsif. J’essayais de me prouver quelque chose à moi-même. Mais

seulementaudébut.Ensuite…—Arrête,s’ilteplaît,ditDevind’unevoixpleinedesarcasme.Nemedissurtoutpasqu’àl’instant

oùteslèvresonttouchélesmiennestuasentendulesoiseauxchanter,etlesanges,jouerdelatrompette,pendantquelaterresedérobaitsoustespieds!

—Cen’estmêmepaslamoitiédecequej’airessenti.Ilfitunpasverselle,soulagéqu’ellenelerepoussepas.—Cebaiseraétémaperte.Apartirdelà,jen’aipluscessédepenseràtoi.Situn’étaispaspassée

àmonbureau,c’estmoiquiseraisvenutechercher.—Commentveux-tuquejetecroie?— Ça s’appelle faire confiance. Souviens-toi, je t’ai dit que je ne te ferais jamais de mal

intentionnellementetque,s’ilm’arrivaitdeteblesser,jeferaistoutpourmeracheter.Il prit sesmains fines et douces dans les siennes. Ses doigts étaient étrangement froids et il les

massadoucement.—Viens,dit-il,désignantlecanapé.Assieds-toietlaisse-moit’expliquer.Elle le fixa un instant sans rien dire. Puis elle se dégagea, gagna le canapé et s’assit, croisant

lentementlesjambesavecunesensualitéquiembrasasesreins.—Trèsbien,dit-elle.Jet’écoute.Ilpritunegrandeinspiration,s’efforçantdecalmerledésirquiletaraudait,ets’assitàcôtéd’elle.

Ilsétaient toutproches,et leparfumd’amandedesescheveux l’enveloppa.Mais ilne s’approchapasdavantage.Ilavaitbesoindetoutesaconcentrationpourtrouverlesmots,laconvaincre.

—J’auraisdû teparlerdeKaraplus tôt.Mais j’ai suà laminute, à la secondemêmeoù je t’aiembrasséequ’ellen’étaitpas,nepouvaitpasêtrelafemmedemavie.

—Tuaseubesoind’unbaiserpourt’enrendrecompte?ditDevinsecouantlatête.Moi,ilm’asuffidelavoiragiraucoursdelasoiréedanslescafés.

—Queveux-tu?Gabeglissasonbrassurledossierducanapé,subtilemanœuvred’approche.—Jenesuisvisiblementpasunaussigrandconnaisseurdel’âmehumainequetoi.Maisj’aiquand

mêmecompris toutdesuitequequelquechosen’allaitpas,quej’avaisfaitfausserouteavecellesi jepouvaist’embrassercommeça.

—Commeça?—Oui,commeça…Gabeglissalesdoigtsdanssescheveuxsoyeuxetrefermalamainsursanuque.Puisilsepencha

verselle.Sesyeuxcouleurbleuetvirèrentaubleumarinelorsqu’ilpressaseslèvrescontrelessiennes.Après

uninstantd’hésitation,elles’ouvritàlui,luioffritsabouche,etillaprit,s’immergeadanssonparfum,ivredudésirderetrouverladouceurdesoncorps,delesentirvibrercontrelesien.

Salanguepressaavidement lasiennetandisqu’ilglissaitunemainàsa taille, l’attiraitplusprès.Elle poussa un gémissement et se laissa aller contre son torse, s’abandonna.Un désir fou embrasa lecorpsdeGabeetileutsoudainenviedecrieraumondeentierquecettefemmeétaitlasienne.

Etenunéclairunecertitudeémergeadanssonesprit,etilmitdesmotssurcequesoncœursavaitdepuislapremièrenuitqu’ilsavaientpasséeensemble.

IlétaitamoureuxdeDevin.Il leva la têtepour la regarder,brûlantde le luidire,maisconscientqu’ilétaitbeaucoup trop tôt

pourcela.Elleneferaitqueserenfermerdanssacoquille.

Leregardquicroisalesienétaitchaviréparlapassionetilsentitsapoitrinesesouleverdefiertéetdebonheurmêlés.C’étaitluiquiavaitsuscitéceregard.

—Oh!monDieu,murmura-t-elle,l’attirantdenouveauverselle.Cettefois,leurbaiserfutpluslent,plusdoux.Unbaiserchargédepromesses.—Tuvois?ditGabelorsqueleursbouchessedésunirent.Commentuntelbaiserserait-ilpossible

sij’étaisamoureuxd’uneautrefemme?—Jel’admets,ditDevin.Ellerepliasesjambessouselle,vintnichersatêteaucreuxdesoncou.Ilposasonmentonsurses

cheveux.—Puisquej’ensuisauxaveux,ilyaautrechosequ’ilfautquejetedise.—Tuasdemandéquelqu’und’autreenmariage?Ilrit.—Jenevoulaispastedonnerdefauxespoirs,maisj’aidemandéàundemesinspecteursdesuivre

quelquespistesconcernantVictor.LamaindeDevins’immobilisasursapoitrine.—Quellespistes?—Sa dernière adresse connue, tous les hôpitaux, résidences, foyers qui accueillent des patients

autistes.Devinpoussaunsoupir.—J’aidéjàfaittoutça.—Murphy a des relations que tu n’as pas. Il peut élargir le cercle des recherches et travailler

davantageenprofondeur.Etilleferait.Gabes’enétaitassurélorsqu’ill’avaitappelépourluisignalerl’autismedeVictor.Devinlevalatêteetleregarda.—C’estlégal?Vousnerisquezpasd’avoirdesproblèmes?C’estunerechercheprivée.—Illaconduitendehorsdesesheures.—Gratuitement?Commentvais-jepouvoirlepayerderetour?—Jem’encharge.IlsentitDevinsetendredanssesbras.—Pourquoifais-tuça?—Parcequec’estcequefontlesamis.Ilss’entraident.—C’estcequenoussommes,desamis?—J’aimeraislecroire.Ilposaunbaisersurleboutdesonnez.—N’est-cepasainsiquecommencenttouteslesrelationsdignesdecenom?—Jel’ignore.—Ehbien,ilestgrandtempsquetuledécouvres.Il couvrit lamainqu’elle avait posée sur son torse, la pressa contre son cœur. Il voulait qu’elle

sentecombiensoncœurbattait,qu’ellesacheàquelpointellecomptaitpourlui.—Laisse-moifairecelapourtoi.S’ilteplaît.Illuisemblaqu’uneéternités’écoulait.—D’accord,dit-ellefinalement.Maisjeterevaudraiça.Jenesaispasquandnicomment,maisje

leferai.—Jevaistedirecequetupeuxfairepourmoi.Ilrefermaunemainsursajoue,lacaressa.—Accompagne-moiaugaladebienfaisanceduNewYorkCityBallet, lasemaineprochaine.Ma

sœurNoëlledanse,cesoir-là.

—Jenevoispasenquoicelapeutêtreundédommagement.—Tun’asjamaisassistéàcegenred’événement.Çapeutêtreunevéritabletorture.—Jecroyaisquetuaimaisleballet.—Oui.Cesontlesbienfaiteursquejenesupportepas.—Tafamilleyassistera,j’imagine.Tun’aspasbesoindemoi.—C’est làque tu te trompes,ditGabe, laissant samainglisser le longdesoncou. J’ai toujours

besoindetoi.—Jen’airienàmemettre…Devinpenchalatêtelorsqu’ellesentitleslèvresdeGabeseposerdanssoncou.Ilcaressalepetit

tatouagearaignéederrièresonoreille,descenditjusqu’àlatêteduphénixdanssondécolleté.—Tupeuxportercequetuveux.—Maisdanscegenredesoiréelesgens…—Sontdesgenscommelesautres,c’esttout.Disquetuviendras,murmuraGabe,ponctuantchaque

motd’unbaisersursonépaule,soncouetfinalementseslèvres.—Serais-tuentraind’essayerdemedistraireenmeséduisant?—Jen’essaiepasdetedistrairemaisdeteconvaincre.Ilsouritcontresajoue.—Çamarche?—Hum…,soupira-t-elle.Oui,çamarche.—Tum’accompagneras,alors?Elleréponditenseglissantàcalifourchonsursesgenoux.Puiselleemprisonnasonvisageentreses

mainsetpritsaboucheenunbaiserintense,profond.Etunlongmoments’écoulaavantqu’ilneretourneàsesfourneauxpourpréparerlerepas.

Chapitre13

—Hé,Devin!Mannypassa la têtedans l’entrebâillementde laportequi séparait la salled’attenteduParadise

Tattoodel’espacedetravail.—Ilyaunlivreurquiaunpaquetpourtoi.—Dis-luidelelaisseràl’accueil,réponditDevin,sansleverlesyeuxdutatouagequ’elleétaiten

trainderéaliser.Unérablenoiretblanc,avecfeuillesetracines,etquidescendaitdelahanchedesaclientejusqu’à

songenou.—Jesuisoccupée.—Impossible.Ilditquetudoissigner.Devinjetauncoupd’œilàlapendule.14h15.Illuirestaitmoinsdecinqheuresavantderetrouver

Gabe, au Lincoln Center, et elle n’avait toujours pas la moindre idée de la façon dont elle allaits’habiller.Leoluiavaitpromisqu’ellepourraitpartirdèsqu’elleauraitfiniavecsonclient,maisellenepouvaitpassepermettrelamoindrepertedetempssiellevoulaitêtreuntantsoitpeuprésentablepourGabe.

Etsafamille.Ettoutlegratinquinemanqueraitpasd’assisteràl’événement.Zut,zutetzut!Comment avait-elle pu accepter d’accompagnerGabe ? Elle n’avait rien à faire dans un endroit

pareiletelleallaitprobablementeffrayerlesdonateursavecsestatouagesetsespiercings.Etsonmépristotalpourlesmondanités.

Iln’étaitpeut-êtrepastroptardpourfairemarchearrière.Ellepouvaittoujoursprétexterunmaldetêteetpasserlasoiréechezelle,devantsasériepréférée,encompagnied’unénormepaquetdechips.

Saufquesedéfilern’étaitpasdansseshabitudes.Elleétaitplutôtlegenredepersonneàaffronterlaréalitéet,surtout,àtenirsespromesses.EtelleavaitpromisàGabe,etàHollyaussi,qu’elleviendrait.

—Impossibledem’arrêtermaintenant,lança-t-elle,amuséeparledoublesensdesaphrase.Eneffet,ellenepouvaitpasdavantages’interrompredansledessincomplexequ’elleétaitentrain

deréaliserquerevenirenarrièresurlasoiréedegala.—Signepourmoi,dit-elle.—C’estcequej’aiproposé,maislelivreurneveutriensavoir.Ellesoufflapourécarterunemèchedecheveuxdesonfront.—C’estbon,dis-luiquej’arrive.

Mannydisparut.Elletravaillaencoreuneminute,puisposasonaiguilleettamponnasondessinavecunegaze.

—Trèsbien,Jazmin.Tenezçaenplace,jereviens.Devinarrachasesgantsetlesjetadanslapoubelleaupassage.—J’espèrequevousallezaumoinsmedirequej’aigagnélegrandprixdequelquechose!lança-t-

elle,émergeantdanslasalled’attente.—Non,désolé.Le livreur posa une longue boîte plate sur le comptoir et lui tendit une tablette et un stylet pour

signer.—MaislecolisvientdechezBergdorfGoodman,sicelapeutvousconsoler.Devindemeuralamainensuspens.Cemagasindeluxenefiguraitpasaunombredescommerces

qu’ellefréquentaitetilétaitdéfinitivementhorsbudgetpourelle.—Jen’airiencommandé.Lelivreurluipritlatablettedesmainsetvérifial’adressetandisquelesclients,intrigués,levaient

latêtedeleurmagazine.—DevinPadilla,1443St.NicholasAvenue.C’estbienvous,non?—Exact.—Signez,alors,dit-il,luitendantlatablette.—Mais…—Ahoui,uninstant,j’allaisoublier.Ilplongealamaindanslapocheintérieuredesavesteetensortituneenveloppe.—Ilyaunecarte.Peut-êtrequeçaexpliqueratout.Devinsignaetsortitquelquespiècesdesapoche,qu’elletenditaulivreur.Illaremercia,récupéra

latabletteetsortit.Ellehésita,regardanttouràtourlepaquetetl’enveloppe.Ellenesavaitlequelouvrirenpremier.—Ouvrezlacarte,ditunefemmed’unecinquantained’années,lesbrascouvertsdetatouages.—Non,laboîted’abord,intervintuneautre.Commeça,siçavousplaît,vousgardezlecadeau,peu

importequivousl’aenvoyé.—Moi,jevousconseilledenerienouvrirdutout,lançaunhommecorpulent,assisàl’autrebout

delasalled’attente.Siçasetrouve,c’estuneblague.Oubienunebombe.—Jen’aibesoindel’avisdepersonne,rétorquaDevin,sesaisissantdelaboîteetl’emmenantdans

lesalonsouslescommentairesdésapprobateursdel’assistance.—Oh-oh,c’estlelogodeBergdorf,sijenem’abuse,ditJazmin,tendantlecoutandisqueDevin

s’évertuaitàglisserlaboîtederrièreunechaise.Qu’est-cequec’est?—Jenesaispas.Devin posa la boîte et regarda l’enveloppe. Son nom était inscrit dessus, d’une belle écriture

masculine.—C’estuncadeau.Jenel’aipasouvert.—Ehbien,allez-y,ditJazmin.Qu’est-cequevousattendez?—Jeferaismieuxdemeremettreàvotretatouage.—Nousfinironslasemaineprochaine.Jecommençaisàm’engourdir,detoutefaçon,àforced’être

immobile.Jazminôtalagazeetinspectaletatouage.—Laissez-lecouvert,ditDevin,luitendantunenouvellecompresse.—Arrêtezdechangerdesujet,coupaJazmin,etouvrezlepaquet.—D’accord,d’accord.

Lesclientsdanslasalled’attenteetmaintenantJazmin?Qu’avaient-ilstousàvouloirsemêlerdesesaffaires?

Devindéchiralapetiteenveloppe.Ellesavaitdéjàdequiprovenaitlacarte.«Jesuisimpatientdetevoirlaporteràlasoirée,ettoutautantdetel’ôterensuite,chezmoi.«Toutàtoi,«Gabe.»

***

Toutàelle?Etelle,était-elletouteàlui?C’étaitdoncàcelaquemenaientlavisiteaumusée,lescadeauxinattendusetlesorgasmesàrépétition?

Horsdequestion.Devinfroissalacartedanssonpoing.Gabel’avaitpousséeplusloinqu’aucunhommenel’avaitfait

jusque-là, l’amenant à reconnaître que leur relation… oh, Seigneur, elle détestait ce mot… que leurrelationétaitdavantagequ’unesimplerelationphysique.Maisêtrel’unàl’autre,s’engagerpourlavie,imaginersesaffairesetlessiennes,ensemble?Non.Lelongtermen’étaitpasdanssonADN.

—Alors,quivousaenvoyécepaquet?demandaJazmin,l’arrachantbrusquementàsesréflexions.—Unami.—Cedoitêtreunamitrèscher,s’ilvachezBergdorf.—Pasforcément.—Jecroisquesi,àvoirlafaçondontvousavezrougi.Jazminagitaundoigtdanssadirection.—Bon,asseztergiversé,voyonscequevotrepetitamiachoisipourvous.—Cen’estpasmon…Devinfutincapablederépéterlemot.Maisàquoibonseleurrer?Gabeetellesevoyaientpresque

touslesjours.Ilsfaisaientl’amourensemble.Illuienvoyaitdescadeaux.Celafaisaitdeluisonpetitami,non?Mêmesilereconnaîtreàhauteetintelligiblevoixluifaisaitunepeurbleue.

Devinposalaboîteàplatsurlesoletsoulevalecouvercle.Elleécartalamontagnedepapierdesoieetsereleva,tenantdevantelleunesomptueuseroberougerebrodéedeperles.Droitedevant,avecdefinesbretelles,sondécolletéplongeaitvertigineusementdansledosjusqu’aubasdesreins.

—Ay,Diosmío,s’exclamaJazmin.AlexanderMcQueen!—Vousl’avezàpeinevueetvoussavezdéjàdequielleest?s’étonnaDevin.—Jeregardelatélévisionetjelislesjournauxdemode.Cetterobefaitpartiedesatoutedernière

collection.Ellevautplusdecinqmilledollars.—Quoi?LarobeglissadesmainsdeDevin.Ellelarattrapajusteàtempsavantqu’ellenesetransformeen

petittasàcinqmilledollarssurlesol.—Fantastique,ditLeo,derrièreelle.TonGabriels’estsurpassé.Devinpinçaleslèvres.—Tunedevraispasêtreentraindetravailler,toi?—J’aifini.Etmonclientsuivantn’arrivequedansunquartd’heure.Génial.Toutlesalons’ymettait,décidément.—Essayez-la,ditJazmin.—Pasmaintenant.—Oh!regardez,cen’estpastout.Jazmins’étaitaccroupieettenaitàlamainunepaired’escarpinsassortis.—JimmyChoo!s’exclama-t-elle,admirative.

—Vousavezcomprisquetouscesnomsnesignifiaientrienpourmoi,déclarafroidementDevin.—Ilsdevraient.Ilssignifientquevotrepetitamiadesgoûtsdeluxeetlesmoyensdelesassumer.Devin lui arracha les chaussures desmains, saisit la boîte et se dirigea d’un pas décidé vers la

réserve.—VoisavecJazminpourunrendez-vousendébutdesemaineprochaine, lança-t-elleàLeo,par-

dessussonépaule.J’yvais.Jeconnaisquelqu’unquivadevoirmefournirdesexplications.

***

—Hé, boss, vous avez uneminute ? demandaMurphy, passant la tête dans l’encadrement de laporte.

Gabelevalatêtedesonécrand’ordinateur.—Çanepeutpasattendre?J’aiundossieràterminer.—J’aiquelquechosequivabeaucoupvousintéresser.Nousavonsmislamainsurlesvidéosde

surveillancedel’immeubledelavictime.Gabeseleva,lesuivitendirectiondelasalledeprojection.— Qu’est-ce qui vous arrive ? demanda Murphy en l’entendant siffloter. Vous avez pris des

euphorisants?—Non,jesuisdebonnehumeur,voilàtout.Ilfaitbeau,lesoiseauxchantent,lanatureestenfleurs.

Quedemanderdepluspourêtreheureux?—J’espèrequecequejevaisvousmontrernevapasfaireéclatervotrebulledebonheur.Murphypassadevantluietallainstallerlabande.—Aucunrisque,réponditGabe.Ils’installatranquillementdansunfauteuil.Ilenauraitfallubeaucouppourl’abattre,aujourd’hui.Il

jetauncoupd’œilàsamontre.Dansquatreheuresetdemieenviron,ilretrouveraitDevinpourlasoirée.—Résumons,ditMurphy.Lapartieintéressantesesitueversminuitetdemie.—Environcinqheuresavantl’heureestiméedelamort.—Exactement.Vousêtesprêt?demandaMurphy,ledoigtsurleboutondelatélécommande.—C’estquandvousvoulez.Murphymitlavidéoenrouteetl’entréedelarésidencedeParkAvenueapparutàl’écran.L’angle

delacamérapermettaitdecontrôlertouteslesentréesetlessorties.Unhommeapparut,enjeanetT-shirtblanc,uneboîteàoutilsàlamain.

—Faitesunarrêtsurimage,ditGabe,sepenchantpourmieuxvoir.Ceneseraitpasnotrehomme?—Si,c’estlui.L’accusé.Sortantdel’immeuble,cinqheuresavantlemeurtre.Gabeselaissaretombercontreledossierdesonsiège.—Jecomprendsmaintenantpourquoinotretémoinestsifluctuant.Elles’esttrompée.—J’imaginequ’onnelevoitpasrevenir?—Exact.—Etqu’iln’yapasd’autreaccèsàl’immeuble?—Non.Gabeglissaundoigtdanssoncol.Ilavaitchaud,brusquement.—Commentavons-nouspulaisserpasserça?—Nousnel’avonspaslaissépasser.—Commentça?—Vousvousrappelez?Nousavonscruquelacaméranefonctionnaitpas.—Oui,ditGabe,lessourcilsfroncés.Ilnecomprenaittoujourspas.

—Quelqu’undecebureauavisionnélavidéodujourdumeurtre.Ilapayélegardiendeservicepourqu’ill’effaceetqu’ildisequ’ilavaitaccidentellementdéconnectélacaméra.Maislegardienaeudesremords.Ilasauvegardél’enregistrementsuruneclé.Aucasoù.

—Siquelqu’unl’asoudoyépourl’effacer,pourquoivient-ilnousl’apportermaintenant?—Parcequecequelqu’unn’estplusenchargedel’affaire.Jack.—Lesalaud!s’exclamaGabe.Ilnousabieneus.—Vouspouvezledire.Nousallonsdevoirdivulguerl’informationàladéfenseetpasserpourdes

idiots.—Ilfautannulerlaprocédure.JedoisallerparleràHolcombtoutdesuite.—Avantd’yaller,ilyaquelquechosed’autrequ’ilfautquevousvoyiez.Murphyfitavancerlavidéo.Lesimagesdéfilèrent.—Dites-moiqu’ilnes’agitpasencored’unemauvaisenouvelle.Mais que pouvait-il y avoir de pire ? Soustraire à la justice des preuves pouvant innocenter un

coupable,onnepouvaitpastomberplusbas.EtdirequeJackbriguaitlepostedeprocureur!Ilfaudraitluipassersurlecorps.—Toutdépendcommentonvoitleschoses,ditMurphy.Ilarrêtalavidéo.—17h25.—Apeuprèsàl’heureàlaquellelecrimeaétécommis,ditGabe.Murphyacquiesçaetremitl’enregistrementenroute.Pendantquelques instants, iln’yeutaucunmouvement.Puisune silhouetteapparut.Unhommede

corpulencemoyenne, le visage dissimulé par une capuche. Il s’arrêta brièvement pour glisser quelquechosedanssapocheetfonçaverslasortie.

—Notremeurtrier?demandaGabe.—Possible.—Nousn’avonspasgrand-chose.—Lapolicescientifiqueanalyselesimages.Onvatâcherd’imprimerlaplusnette.Puisonpassera

denouveautoutlevoisinageaupeignefinafindevoirsiquelqu’unlereconnaît.—Parfait.PrenezColbyetRenwickpourvousaider.Jem’occupeduproblèmeJackKentfield.Cinq minutes plus tard, Gabe avait gagné le septième étage et informait Doris, la secrétaire de

Holcomb,qu’ildevaitluiparler.IlavaitbeauhaïrJack,ladémarchequ’ildevaitentreprendren’étaitnifacileniagréable.

Ilfrappaàlaporte.—Entrez!lançaHolcombd’untonbourru.Gabepoussalaporte.—Jesuisdésolédevousdéranger…—J’espèrequec’estimportant,Nelson.J’aiuneconférencedepressedansvingtminutes.—Çal’est,monsieur.Ils’agitdumeurtredeParkAvenue.Ilsepeutquenousnoussoyonstrompés

decoupable.Holcombseredressadanssonfauteuil,fixaGabedesonregardperçant.—Quevoulezvousdire,«ilsepeut»?—Lavidéodesurveillancemontrel’inculpéquittantl’immeubledelavictime,cinqheuresavantle

meurtre,etunautrehommesortantpeuaprèsl’heureprésuméedudécès.—Etpourquelleraisonnedécouvre-t-oncelaqu’aujourd’hui?—Ça,c’estuneautrehistoire.

GabesetenaitdroitdevantHolcomb,déterminéànepasselaisserintimider.Iln’avaitrienfaitdemaletn’étaitenrienresponsabledesagissementsdeJack,mêmes’ilsetrouvaitêtresonsupérieur.

—Legardienquinousafournil’enregistrementditqu’onl’apayépourledétruire.—Payé?Qui?—Vousn’allezpasaimerlaréponse.—Unflic?Gabecroisalesmainsderrièresondos.—Non.Kentfield.—Pourquelleraisondissimulerait-ilunepreuve?Holcombréfléchituninstant.—Sommes-nouscertainsquecegardienditlavérité?—Non,admitGabe.Pasencore.—Danscecas, revenezmevoir lorsquevousserezcertainqueKentfieldest impliquédanscette

affaire.—Etenattendant?Holcombpritunstylosursonbureauetlefittournerentresesdoigts.—Faites ce que vous avez à faire.Montrez la vidéo à la police. Parlez au gardien.Essayez de

retrouverl’hommeàlacapuche.IlpointalestylosurGabe,letransperçantdesonregard.—Mais,jusqu’àpreuveducontraire,l’hommequenousavonsarrêtéresteinculpéetilnesortpas

deprison.Holcombsetournaverssonordinateur,signifiantparlàquel’entretienétaitterminé.Gabegagnaitdéjàlaportelorsqu’ill’arrêta.—Et,Gabe,tantquevousn’aurezpaslapreuveformellequequelqu’undecebureauestimpliqué,

riennefiltred’ici.GabesavaitparexpériencequeletonfroidetdurdeHolcombn’admettaitpaslacontradiction.—Jeneveuxpasvoirlapresses’emparerdecetteaffaire.—Bien,monsieur.Gabe sortit, gagna l’ascenseur. SatanéHolcomb ! Il ne voulait pas semouiller et le laissait seul

monteraucréneau.La porte s’ouvrit au moment où son portable sonnait. Il pressa le bouton du troisième étage et

décrochasansvérifierquil’appelait.—GabeNel…Ilfutaussitôtassailliparunediatribeenespagnol, lancéeparunevoixfémininequ’ilconnaissait

trèsbien.Ilsaisitquelquesmotsaupassage,vestido,costosa,estúpido.—Jevoisquetuasreçularobe,parvint-ilfinalementàcaserlorsqueDevinrepritsonsouffle.Que

sepasse-t-il?Tun’aimespaslacouleur?—Jevaistedirecequisepasse.Savoixsemblaitgrimperd’uneoctaveàchaquemot.—Elleesthorriblementchère,voilàcequisepasse.Gabefitlagrimace.Ilauraitdûsedouterquec’étaittropetqueDevinsesentiraitinsultéeparce

qu’elleconsidéraitcertainementcommeunelargesseinadmissible.Ilavaitfaillisedéciderpourunerobeplus simple, mais il avait commis l’erreur d’envoyer les photos à Holly, et cette dernière l’avaitconvaincuque la robe rougerebrodéedeperlesserait somptueusesurDevin.Etceserait lecas, ilenétaitcertain.S’ilparvenaitàlacalmeretlaconvaincredelaporter.

—Cen’estpasgrand-chose,jet’assure.

—Pasgrand-chose?Cinqmilledollars,cen’estpasgrand-chose?lança-t-elled’unevoixperçantequil’obligeaàécarterletéléphonedesonoreille.C’estpresquetroismoisdeloyer.

Paspourmoi,songeaGabe.Mais iln’étaitpasstupideaupointde le luidireetd’envenimer leschoses.

—J’apprécielegeste,poursuivitDevin,suruntonunpeupluscalme.Jet’assure.Maisjenepeuxpasacceptercetterobe.Nileschaussures.

Laportedel’ascenseurs’ouvritetGabesortit,s’effaçantpourlaisserpasserunefemmeportantunnuméroduNewYorkPostsouslebras.Ilétaitpliéàlapagepeopleetilaperçutunephotodumairedansungaladecharité,flanquédedeuxsuperbesjeunesfemmesenrobedusoir.

Cefutledéclic.—J’aiuneidée!lança-t-ilenpénétrantdanssonbureau.—Sielleconsisteàmefaireportercetterobe,c’estnon!entendit-ilclamerdanssontéléphone.—Ecoute-moiavantdeprotester.Ilyeutunlongsilence.—D’accord,ditfinalementDevin.C’estquoi,tabrillanteidée?—Portelarobeetleschaussurescesoir.—Jet’aidéjàditque…—Attends.Tulesportes,tutemêlesauxinvités,tutefaisphotographierparlapresse.Jeconnais

unphotographequitravaillepourlePostetquiseraitravidepublierdesphotosdanslapagepeople.IlsepourraitmêmequelachroniqueuseCindyAdamsendisequelquesmotsdanssarubrique.

—Etalors?—Alors?Ensuite,nousdonnonslarobeàtonamiedeTournelapage.—Ariela?Aquelleoccasionva-t-elleportercettetenue?—Ellenelaporterapas.Gabesecalacontresondossieretsourit.—Ellelavendraauxenchèresauprofitdel’association.Grandsilence.Gabeallaits’avouervainculorsqueDevinsemanifestaenfin.—C’estuneidéegéniale!Elles’interrompitaussitôt.Ill’imaginaitsanspeineentrainderéfléchirensemordantlalèvre.—Maisc’estbeaucoupd’argent.— Je déduirai la somme demes impôts, comme don à une association. Celame donnera bonne

conscience.Gabeseredressa.—Alors,qu’endis-tu?—C’estoui.DevinsetutetGabecrutuninstantqu’elleavaitraccroché.—Merci,ajouta-t-elle.

Chapitre14

Zut, zut et zut ! Devin faisait les cent pas, mal à l’aise, en observant le Tout-NewYork qui sedirigeaitversleKochCenteroùavaitlieuleballet.Elleresserralesdoigtssurlechâlefanédontelles’était couvert les épaules, en dépit de la chaleur intense de cette soirée d’août.Mais elle avait beauavoirdissimulésestatouagesetôtélamajoritédesespiercings,ellesentaitpesersurelleleregarddespassants.

Tupeuxextrairelafilledesonquartier,illuicolleratoujoursàlapeau.Elles’immobilisapourvérifierquelechâleétaitbienenplaceetdissimulaitlepetitcrânecoloré,

visiblesursesreins,aubasdudécolletévertigineuxdelarobe.Elleavaitcommisunegrossièreerreurenacceptantd’assisteràcettesoirée.Ellen’étaitpasfaitepourlesmondanités.

Elleétaitàdeuxdoigtsderenonceretdesesauverlorsqu’unevoixgravesusurraàsonoreille.—Bonsoir,Juliette.Elleseretourna.Gabeétaitlà,magnifiqueensmokingnoir,chemiseimmaculéeetnœudpapillon.Il

tenaituneroserougeàlamain.—Roméo,jeprésume?dit-elle.—Pourvousservir.Ils’inclina,luitenditlafleur.—Merci.Elleenhumaleparfumdélicieux,observantducoinde l’œil leflotdesbienfaiteursquientraient

danslethéâtre.Ilétaittroptardpourreculer,àprésent.—Jecroisquenousferionsmieuxd’yaller,dit-elle.Gabejetauncoupd’œilàsatenue.—Ilfaitpresque30°C.C’estquoi,cechâledegrand-mère?—Euh… je… j’ai pensé qu’il risquait de faire froid dans la salle, à cause de la climatisation,

réponditDevin,resserrantlechâleautourdesesépaules.Gaberegardaautourdelui.—Personnen’al’airdes’ensoucier.Deplus,tunevasjamaisfairelapagepeople,attiféecomme

ça.Devinpinçales lèvres.Ilavaitraison,biensûr.Laplupartdesfemmesquipassaientportaientde

magnifiquesdécolletés.Ladifférence,c’étaitqu’aucunen’avaitdetatouages.—Amoinsquetun’aiesuneautreraisondet’ycramponner,commeàunebouéedesauvetage.Ilposalesmainssursesépaulesetfitglisserlechâle.—Comme,parexemple,nepasvouloirqu’onvoietestatouages.Commentfaisait-ilpourtombertoujoursjuste?

—Jen’ai…jene…,bredouilla-t-elle.Iltenditlamain,caressalelobedesonoreille.—Danscecas,pourquoias-tuenlevétespiercings?—J’imaginaisquetuauraisenviequejeressembleauxautres.Enfin,autantqu’ilétaitpossible.Illuipritlechâledesmains,reculad’unpaspourl’admirer.—Tuestrèsbelle.Mieuxencore,sublime.—Maistouteslesautresicisont…—Arrête.Ileffleurasescheveux.Silégèrementqu’ellesentitàpeinesesdoigts,commesilaplusdoucedes

brisesd’étélesavaitcaressés.Ellelesavaitlaisséslibres,unedécisionqu’ellecommençaitàregretterauvudetousleschignonssophistiquésdontelleétaitentourée.

—Sijet’aiinvitée,c’estparcequej’aienvied’êtreiciavectoi,ditGabe.Etnonavecuneversionaseptiséedelafemmequetuimaginesdevoirêtre.

—Terends-tucomptequecesgenssonttesfutursadministrés?ditDevin,englobantlafouled’ungeste. Les personnes qui vont voter pour toi. Ou contre toi, si tu leur donnes une raison de le faire.Commeunepetiteamiegrencha,parexemple.

UnsourireéclairalevisagedeGabe.—J’aimebiencemot,«petiteamie».Maisqueveutdiregrencha?—Ordinaire.Vulgaire.Cequepensentlaplupartdesgenslorsqu’ilsvoientmestatouages.—S’ilssontassezsuperficielspourpensercela,jen’aiquefairedeleurvote.Gabeluitenditsonbras.—Onyva?Devinsentitlenœuddanssonestomacsedétendre.SiGabeavaitenviequ’elleaffrontecettesoirée,

s’ill’enpensaitcapable,alorsellel’affronterait.Elleacquiesçad’unsignedetête,glissalamainsoussonbras.Illuiredonnalechâle,qu’elleglissa

danssonsac.A l’intérieur, ilseurentàpeine le tempsdesaluer la familledeGabe,venueaugrandcomplet,à

l’exceptiond’Ivy, en séancephoto auBrésil, et de s’asseoir avant que les lumièresbaissent et que lerideaus’ouvre.

Auboutd’unquartd’heuredespectacle,Gabesepenchaverselle.—Alors,qu’enpenses-tu?—Tasœurestmagnifique,dit-elle,mêlantsesdoigtsauxsiens.Ilssonttousmerveilleux.—Tupourrasleleurdiretoutàl’heure,aucocktail.Ilsserontravis.Ahoui, le cocktail ! songeaDevin, brusquement tendue.Elle s’était efforcéedenepasypenser,

d’oublierqu’elleallaitdevoir faire laconversationaveccesmêmespersonnesqui luiavaient jetédesregardsnoirs,etce,avecsestatouagesbienvisibles,enplus.Lesgensnemanqueraientpasdechuchoterderrièresondos.Oupire,carrémentsoussonnez.

Moins-que-rien.Trainée.Soudain,ellecompritcequeGabeavaitdûéprouverlorsqu’ellel’avaitemmenéàlarave.Ils’était

sentihorsdesonélément,déstabilisé.C’étaituneimpressiondésagréableàlaquelleellen’avaitaucuneenviedes’habituer.

—J’aihâtedepouvoirlesféliciter,dit-elle,s’efforçantdesourire.Puis elle reporta son attention sur les danseurs qui évoluaient sur la scène, aériens, splendides.

Aussimagiquequesoitcettesoirée,Devinnepouvaitôterdesonespritlasensationoppressantequetoutcelanepouvaitqueseterminerencatastrophe.

—Qu’est-cequinevapas?demandaGabe,àl’entracte.Ils’emparadedeuxflûtesdechampagnesurleplateaud’unserveuretluienoffritune.—Tuasl’airtoutetendue.—Cen’estrien.Ellebutunelonguegorgéedechampagne.—C’estlafatigue,j’imagine.Une femme d’une cinquantaine d’années, vêtue d’une robe en lamé, fit signe à Gabe de loin. Il

répondit par un petit signe de tête et Devin croisa les doigts, espérant qu’elle ne viendrait pas lesrejoindre.Heureusement,ellefutaussitôthappéepard’autresconvives.

Gabeglissaunbrasàsataille.Ellesentitlachaleurdesamainirradiersesreins.—C’estlecocktailquiterendnerveuse,c’estça?Quiétaitcethomme,décidément?Unmédium?—Jepensaisvraimentcequejet’aidit,toutàl’heure,poursuivit-il,l’entraînantàl’écartpourun

peuplus d’intimité. Je ne veuxpas que tu essaies d’être différente de ce que tu es.Et, si les gens net’acceptentpastellequetues,c’estleurproblème.

—Maisl’élection…—Nousformonsuntout,toietmoi.C’estàprendreouàlaisser.Etilesthorsdequestionquetoute

mavietourneautourdecetteélection.L’espace d’un instant, une expression lointaine assombrit ses traits, comme si son esprit était

soudainailleurs.Puisilsecoualatête,sonregards’éclairadenouveauetill’attiradanssesbras.—Cetemps-làestrévolu.Devinn’eutpasletempsderépondre.Hollylesavaitrejointsets’extasiaitsursarobe,Nicksurses

pas. Ils passèrent ensemble le reste de l’entracte jusqu’à ce que la sonnerie retentisse, leur signalantqu’ilsdevaientregagnerleurplace.

Lesecondactefutpluscourt,etDevinseretrouvabientôtaubrasdeGabe,àfoulerletapisrougeetàsouriredanslalumièredesflashs.

—Çava?demandaGabeàsonoreille.C’estsupportable?—Unpeu aveuglant, admit-elle, clignant des yeux.Mais l’expérience vaut d’être vécue une fois

danssavie.—Ceneserapaslaseule,sijesuisélu.C’étaituneperspectivequeDevins’étaitefforcéed’ignorer.Maisellen’auraitsansdoutepasàs’en

préoccuper.Ilétaitplusqu’improbablequ’ilssoientencoreensembleàcemoment-là.Pourtant…—Gabe!Devin!Parici.Devinseretourna.Unhommeleurfaisaitface,brandissantunénormeappareilphoto.—Pourlapagepeople,dit-il,leuradressantunpetitclind’œilavantderéglersonappareil.—C’estmongrandcopainduPost,murmuraGabeàl’oreilledeDevintandisqu’ilsprenaient la

pose.C’estlaphotodusiècle.Montre-luitonmeilleurprofil.—Tousmesprofilssontbien,rétorquaDevin.—Tuasraison.J’aimetoutcequej’aivujusqu’àprésent.—Super ! s’exclamaTom. J’ai exactement cequ’ilme faut.Ce seradans lenuméroduPost de

demain.—Merci,ditGabe.—Toutleplaisirestpourmoi.J’adorephotographierlesfemmesquiontducaractère.IlsortitunecarteprofessionnelledesapocheetlatenditàDevin.—Envoyez-moiunmail.Jevoustransmettraitouteslesphotospourlaventeauxenchères.—Jen’ymanqueraipas,ditDevin.Merci.

—Etfaitesattentionàcetindividu,ajoutaTom,désignantGabe.Ilal’airinoffensif,maisc’estunvéritablebourreaudescœurs.

Comme si elle ne le savait pas déjà, songeaDevin, se laissant guider parGabevers la salle deréception.Cephotographeavaitbeaucoupd’humour.

***

—Devinal’airdepasserunebonnesoirée,ditNickenseglissantaubar,àcôtédeGabe.Gaben’avaitpasbesoinquesonbeau-frèreleluidise,illesavait.Ill’avaitobservéeàplusieurs

reprisesetl’avaittrouvéeradieuse.Unefleurexotiquedansunocéandeconformisme.Ilseretourna.Ellesetrouvaitaucentredelasalle,encompagniedeHollyetdel’épousedumaire.

La gêne qu’elle avait éprouvée au début s’était depuis longtemps dissipée et elle discutait avecanimation.

—Tuasraison,dit-ilàNick.Elleal’airheureuse.Devinn’avaitpasvouluadmettresanervosité,maisill’avaitsentietrèstendueàlaperspectivede

semêlerauTout-NewYork.Ellecraignaitqu’onlajugesurlesapparencesetellen’avaitpastort.Elleavaiteudroitauxregardsappuyésetauxmessesbasses,maisnombreusesavaientétélespersonnesquiétaient venues se présenter, curieuses de faire sa connaissance, de découvrir qui elle était. Beaucoupétaientrestéesàdiscuter,fascinéescommeill’étaitlui-même.

GabedésignadumentonleverrevidedeNick.—Tuespartantpourunautre?—Pourquoipas?—Unevodkatonicetunwhisky,s’ilvousplaît,commandaGabeaubarman.PuisilsetournaversNick.—Bon,dis-moi,commentvamasœur?—Elleestépuisée.Jeluiaiproposéderentrer,maisellen’arienvoulusavoir.Elleattendl’arrivée

deNoëlle.Gabejetauncoupd’œilàsamontre.—Ellenedevraitpastarder.—IlfautqueHollyprennesoind’elle.Aprèscequiluiestarrivéladernièrefois…Nick ne termina pas sa phrase et Gabe lut l’inquiétude sur ses traits. Cet homme était une

bénédictionpourHolly.Ill’aimaitprofondémentetilétaitauxpetitssoinspourelle.C’étaitexactementce qu’il lui fallait après le drame qu’elle avait vécu avec son ex, une brute qui la battait et avait étéresponsabledelapertedeleurenfant.

LeregarddeGabeseposasurDevinetilsourit.Ill’imaginaitenceinte,rayonnante,sonjoliventretatouédevenutoutrond.

Ilétaitfoudecettefemme.Ilimaginaitdéjàlavieavecelle,dansunemaisonpleinedejoie,deriresd’enfants,unvraifoyer.Ilneluirestaitplusqu’àtrouverlemoyendelaconvaincredeselanceravecluidansl’aventure.

—Oh!oh!ditsoudainNickenriant.Gabe,surpris,setournaverssonbeau-frère.—Quesepasse-t-il?—Jereconnaîtraiscetairentremille,ditNick.Lesourirebéat,lesyeuxdanslevague.Tuesfichu,

monvieux,ajouta-t-il,luidonnantunepetitetapesurl’épaule.Jeneseraispassurprisd’entendreparlerdemariageavantlafindel’année.

—Quisemarie?

Gabe poussa un soupir.A croire que samère possédait un sixième sens.Dès qu’il s’agissait demariage,ellesurgissait,telundiabledesaboîte.Enparticuliers’ilétaitquestiondel’undesesenfants.Hollyayanttrouvél’âmesœur,cettefois,c’étaitluiquisetrouvaitenpremièreligne.

—Personnenesemarie,dit-il,posantunbaisersursajoue.—Jen’ensuispassisûr,ditNick.Bien,jevouslaisse.Machèreettendrem’attend.—Mercipourlasolidarité,marmonnaGabedanssondos.—C’estsérieux,alors,avecDevin?demandaMmeNelson.Pluspetitequesonfilsd’unebonnetête,ellelefixaitdesonregardperçant.Elleavaitlechicpour

lui arracher la vérité, il aurait dû s’en souvenir. C’était d’elle qu’il tenait son talent à conduire lesinterrogatoires.Tousceuxquil’avaientformé,aussibiendanssesétudesdedroitquedanslamarine,neluiarrivaientpasàlacheville.

—Pourmoi,c’estsérieux,entoutcas,avoua-t-il.Elle,elleest…—Blessée,complétasamère,posantunemainsursonbras.Vas-ydoucementavecelle,Gabriel.

Soispatient.Elleviendraverstoi,lemomentvenu.—Tamèresaitdequoielleparle.Ilm’afallupresquedeuxanspourlaséduire.LepèredeGabelesavaitrejoints.Ilglissaunbrasautourdesépaulesdesonépouse.—Maisjeneregrettepasuneminutedecetteattente.Génial,songeaGabe.C’étaitquoi?Uncolloquesursavieamoureuse?Sonpèresepencha,posaunbaisersurlefrontdesamère,etellerit.Celaauraitpuparaîtreridicule

pourunefemmedecinquante-cinqans,maisçanel’étaitpas.L’agacementqueressentaitGabesedissipaaussitôt.Encet instant, ilenviaitsesparentset rêvait

d’unamourcommeleleur,mêmes’ildevaitmettredeuxansàconvaincreDevin.Commesonpèrel’avaitditpoursamère,ilétaitcertainquecelavaudraitlapeine.

—Merci,papa,dit-il.Jesauraim’ensouvenir.Ilyeutunesoudaineeffervescencedel’autrecôtédelasalle.—VoilàNoëlle,s’exclamaGabe.JevaischercherDevinetjevousrejoins.Le reste de la soirée passa commedans un tourbillon. Il fallut plus de deuxheures àGabepour

parvenirenfinàseretrouverentêteàtêteavecDevin.Ill’attiraverslui,posaunbaisersursatempe.—Quedirais-tuderentrer?—Cettesoiréeestunvéritablecontedefées.Devin écarta les bras et semit à tourner sur elle-même.Sa robevirevolta, légère, autour de ses

chevilles.—Jen’aipasenviequ’ellesetermine.Elles’élançadenouveau,maisperditl’équilibre.Gabelarattrapadanssesbras.—Lesdouzecoupsdeminuitvontbientôtsonner.Et jepensequecette jolieCendrillonaunpeu

tropbu.—Peut-êtreuntoutpetitpeutrop,dit-elle,tendantlamain,l’indexetlepoucesetouchantpresque

pourmontrerqu’ils’agissaitdetrèspeu.Gabepritsamain,l’embrassaetlaglissasoussonbras.—Allez,princesse,rentronsàlamaison!—Alamaison?dit-elle,faisantlamoue.Oh!non.Gabeécartaunemèchedecheveuxdesajoue.—Mamaison.—Oh!dit-elle,sonvisages’éclairantsoudain.Là,jesuisd’accord.Çameplaît,d’allercheztoi,et

j’adoretonlit.Ilestplusgrandetplusdouxquelemien.—Jesuistoutàfaitd’accord.

Gabe pinça les lèvres pour ne pas rire. Elle était adorable, un peu grise. Et vraiment très sexy,songea-t-iltandisqu’ellesefrottaitcontrelui,telleunepetitechattecâline.

—Tusaiscequimeplaîtaussi?dit-elle,nichantlatêteaucreuxdesonépaule.Ilrespirasonparfum.ChanelN°5,sonpréféré.—Toi!—Toiaussi,tumeplais,dit-il.Ilauraitpréférél’entendredirequ’ellel’aimait,maisilsauraitsecontenterdecettedéclaration.Ilsourit.—Aprésent,sinousyallions,avantquenotretaxisetransformeencitrouilleetquetuperdesunde

tesjolisescarpins?

Chapitre15

Devins’étiradanslelitdouxetconfortable.Puiselleroulaàplatventreetenfouitsonvisagedansl’oreillermoelleux.

Un lit confortable, un oreillermoelleux ?Où était son vieux canapé aux ressorts fatigués et sonoreillertoutplat?

Elleroulasurlecôté,ouvritunœiletdécouvritunechambrebeaucoupplusgrandequelasienne.Letempsquesesyeuxs’habituentàlapénombreetelleaperçutunfauteuildansl’angleetuneroberougesur son dossier. Sa broderie de perles scintillait, accrochant le rayon de lumière qui filtrait entre lesrideaux tirés de la grande baie vitrée.Une paire de chaussures assorties était abandonnée au pied dufauteuiletunsoutien-gorgeetunslipdedentellependaientàl’undesesbras.

Ohnon.Lesévénementsde lanuitprécédente lui revinrentsoudainenbloc.Ellepoussaungrognementet

enfouitdenouveausatêtedansl’oreiller.Deuxcocktails,c’étaittoutcequ’elleavaitbu.Deuxridiculescocktailsdefruits.Ellenepensaitpas

avoirdeproblèmesielles’entenaitàcegenredeboisson.Elles’étaitcruellementtrompée.Lebarmanavaitdûavoirlamainlourdesurl’alcool.

ElletournalatêteetsoncœurfitunbonddanssapoitrineàlavuedeGabe,étendusurledos,nu,abandonnédanssonsommeil.Unvoiledebarbeombraitses jouesetelleéprouval’enviesoudainedetendrelamain,delasentirpicotersesdoigts.

Tusaiscequimeplaît?Toi!Devindemeurainterloquéeausouvenirdesesparoles.Luiavait-elleréellementditcela?Oh!mon

Dieu!De toute façon, il était impossible de revenir en arrière. Et, si l’alcool lui avait un peu délié la

langue,cequ’elleavaitditn’étaitpasfaux.Gabeluiplaisaitbeaucoup.Etpuislasituationauraitpuêtrepire.Ilauraitpuluirireaunezouplusgraveencore…

Elleeneutlachairdepoule,brusquement.Sa langueauraitpu fourcher et elle aurait pu luidirequ’elle l’aimait.Sobreounon, ellen’avait

jamaisditcelaàaucunhomme.Devinenfouitdenouveausatêtedansl’oreiller.—Bonjour,laBelleauboisdormant!Ellerisquaunœilsurlecôté.Gaberoulaverselle.—Qu’est-ilarrivéàCendrillon?demanda-t-elle.—C’estàtoidemeledire.Elleremontaledrapsursatête.

—Elleabuets’estridiculisée.—Non,elleétaitjusteunpeugrise.Gaberit,ôtaledrapdesonvisage.—Etellen’aenaucuncasétéridicule.—Touscesgens…,commença-t-elle,repliantunbrassursesyeux.—T’ontbeaucoupappréciée.Ilpritsonbras,l’écarta,sonvisagesiprochedusienqu’ellen’eutpasd’autrechoixquedecroiser

sonregard.—Tuasétéfabuleuse.—J’endoute.LeregarddeDevinseportasurlefauteuil,larobe.—Avons-nous…?—Non.LevisagedeGabesefitgrave.—Jen’aipaspourhabitudedeprofiterdesfemmessansdéfense.Devins’endoutait.Fairel’amourdanscesconditionsnefaisaitpaspartieducodedeconduitede

GabeNelson.Ilavaitprissoind’elle,faitpassersesbesoinsavantlessiens.Ellepassaunelanguemutinesurseslèvres.—Ett’arrive-t-ildelaisserlesfemmesprofiterdetoi?—Toutdépend.—Dequoi?Gabeluidécochaunsourireàtomberàlarenverse.—Decequetuasàl’esprit.—Voyonsvoir…quedis-tudeça?Elle rejeta ledrap, se laissaglisser le longde soncorps, traçantde ses lèvres lecheminde son

torseàsonventreplat, lapointedesalanguejouantsursesmusclessouples.Puiselles’aventuraplusbas,descenditverslatoisondouce,écrindesonsexe.

—J’aimeladirectionquetuprends,dit-il,lavoixrauque.Ellerefermalamainsursonsexe,l’effleuradeseslèvres,encaressal’extrémitédelapointedesa

langue.—Jecroisquetuvasaimerencorepluscequejevaisfairemaintenant…—J’adoredéjàcequetufais.Doucement, elle se mit à le caresser, lui imprimant un petit mouvement de va-et-vient. Puis,

délicatement,ellelepritdanssabouche,enroulantsalangueautourdelui.Ilavaitungoûtdélicieux.—Tuasraison,ditGabe,secambrantsoudain,impatientdeplongerdansladouceur,lachaleurde

sabouche.C’estencoremieux.Devin le lécha encore quelques instants, par petites touches, provocante. Puis, soudain, elle

l’absorba tout entier en elle, allant et venant, resserrant ses lèvres, imprimant depetites pressions surtoutesalongueur.Ilétaitdur,bandéàl’extrême,etenmêmetempsdélicieusementdouxdanssabouche.

—Oui.Ohoui…,murmura-t-il,refermantunemainsursanuqueetpoussantdoucementsatêteversluitandisqu’ilcontinuaitdebougerenelle.

Devin continua de le lécher, de le sucer, le prenant et le déprenant avec fougue, grisée par cepouvoirqu’ellepossédaitde lui faireperdre lecontrôle.Jamaisellen’avaitconsidéréque lafellationsoitunactedesoumission.Commentaurait-ilpuenêtreainsialorsqu’elletenaitGabeàsamerci?Ivrededésir,haletant,vulnérable.

Ettoutàelle.

Elletraçadelapointedesalanguel’arêteduredesonsexetandisqu’ellerefermaitlamainsursestesticulesetlespressaitdoucement.Puisellelepritdenouveautoutentierenelle.

—Oh!monDieu,Devin.Net’arrêtepas,surtout.Continuecommeça.Ilallaitetvenaitenelle,deplusenplusvite,larespirationhaletante,lecorpscambré.Soudain,un

gémissementrauquemontadesagorgeetils’immobilisa.—Jesensquejevaisjouir.Il tentade se retirer,maiselle l’aspiraplus fort enelle tandisqu’elleglissaitunemainvers son

sexe, en écartait les lèvres humides, déjà toutes gonflées, et plongeait un doigt en elle, excitée àl’extrême.

—Jenevaispaspouvoirmeretenir,implora-t-il.Situnet’arrêtespas…Ellelelibéra,justeletempsdeluirépondre.—S’ilteplaît,dit-elle,levantlesyeuxverslui.Undésirfou,intense,brûlaitdanssonregard,refletdeceluiqu’elleéprouvait.—Laisse-moitedonnerceplaisir.Ellen’attenditpassaréponse,refermalesdoigtsàlabasedesonsexeetenaspiral’extrémitédans

sa bouche, le suçant avec fougue tandis que de son autremain elle plongeait en elle, pressait le petitboutondurcidesonclitoris.Ellejouitenmêmetempsquelui,soncrimêléaugrognementdejouissancedeGabe.

—Cen’estpasjuste,dit-illorsqu’elleremonta,rampantsurlui,explorantsoncorpsdesesmains,seslèvres.

—Tuessérieux?Tuosesteplaindreaprèscequivientdesepasser?Ellelesentitsourirecontresescheveux.—Seulementparcequecen’estpasmoiquit’aifaitjouir.—Jesuiscertainequenouspouvons remédieràcela,dit-elle, titillant sespetitsmamelonsde la

pointedel’index.Leonem’attendpasausalonavantmidi.—Midi,tudis?D’unmouvementleste,illarenversasouslui,ladévorantduregard.—Jenecroispasquecelavasuffirepourcequej’aientête.Ilpressaunbaisersursatempe,puisdescenditetdescenditencore,latitillantdeseslèvres,desa

langue,jusqu’àcequ’ilatteigneletriangledebouclesdoucesdesonsexe.—Maisjedevraispouvoirm’ensortir.

***

—Vas-tu,ouiounon,medireoùtum’emmènes?demandaDevin,enjetantuncoupd’œilàGabe,installéauvolant.

—Non,répondit-il,sansquitterlaroutedesyeux.Elleposasatêtecontrelavitreetcroisalesbras.Deuxsemainesplustôt,Gabeluiavaitoffertla

roberouge.Cethommeneretenaitdoncaucuneleçon?—Tusaisquej’aihorreurdessurprises.—Fais-moiconfiance.Tuvasbeaucoupaimercelle-là.Commetuasaimélavisiteaumusée.Etla

robeaussi,mêmes’ilm’afalluuserdebeaucoupdediplomatiepourquetuacceptesdelaporter.Il avait raison. Ses surprises avaient toutes été géniales, finalement. Surtout la robe, qui avait

rapportéénormémentd’argentpourfinancerTournelapage.Mais Devin ne pouvait s’empêcher d’être anxieuse. Avant Gabe, les surprises s’étaient toujours

révélées douloureuses. Surprise ! ton père est parti. Ou surprise ! mets tes affaires dans un sac, ondéménage.

—CedoitêtreunesurprisedetaillepourquetusoisparvenuàconvaincreLeodemedonnercongéunsamedi.

—Ils’estmontrétrèscompréhensif,jedoisdire.Devinpoussaunsoupir.EllesortitsoniPodetmitsesécouteurs.Ellen’avaitriencontrelamusique

deGabemais,vul’humeurdanslaquelleellesetrouvait,elleavaitbesoindequelquechosedeplusfort.Ellemitl’iPodenmarcheetfermalesyeux,s’abandonnanttotalementauflotdemusiquequisedéversaitdanssesoreilles.

Elleremuaitlatêteetbattaitlerythmeavecsonpiedlorsqu’ellesentitGabesecouerdoucementsonépaule.Elleôtaunécouteur.Unetrentainedeminutess’étaientécoulées.

—Noussommesarrivés?—Presque,répondit-il,quittantlarouteàquatrevoies.Elleregardaparlavitre.Desarbres.Del’herbe.Labanlieue.IlsavaientquittéManhattan,c’était

clair.—Oùsommes-nous?—LongIsland.Gabebifurquadansuneruebordéed’arbres.—Huntington.—Qu’ya-t-il,parici?—Tuvasvoir.Unpeudepatience.—Cen’estpasmonfort.—J’avaisremarqué.Gabejetauncoupd’œilverselle,unpetitsouriresatisfaitauxlèvres.—Tuverrasqueçavalaitlapeined’attendre.Devinremitl’iPoddanssonsacetfixalepaysagequidéfilaitparlavitre.Deluxueusesdemeures

entouréesdeparterresdegazonetdejardinsparfaitemententretenus.Exactementlegenredemaisonsquilafaisaitrêver,enfant.

Gabetournadansuneautrerueet,progressivement,lesmaisonssefirentpluspetites,entouréesdejardinspropretsetdebalançoirespourenfantsqu’onpouvaittrouverengrandessurfaces.Quen’aurait-ellepasdonné,mêmepourunedecelles-là?

—JenesuisjamaisvenueàLongIsland.Mieuxvalaitrévélercedétailanodinquerouvrirlesblessuresdel’enfance.C’étaitmoinsrisqué.—Si tuveux tout savoir, endehorsdenotrepetite escapadedans leConnecticut pour aller voir

Holly,jen’aijamaisquittéNewYork.—C’estvrai?—Oui.Silemétron’yvapas,jen’yvaispas.—Ilvafalloirremédieràcela.Modestementpourcommencer.Peut-êtreallerpasserunweek-end

dansleVermont,lemoisprochain.Monanciencommandantdemarinepossèdeunchaletquejepeuxluiemprunter.

Unweek-end?Dans leVermont?Partir ensemble signifiaitque leschosesdevenaient sérieuses,non?EtDevinn’étaitpasprêtepourcela.Admettrequ’elleéprouvaitdessentimentspourGabeétaitunechose,maispasseraustadesupérieur?Commenceràraisonnerentermesd’engagement,dedurée?

Ellenepouvaitpas.Ellenesavaitpasfaire.Ellerefermalesbrasautourdesapoitrine, l’estomacbrusquementnoué.SiGabeavaiten têtece

genred’inepties,quipouvaitdirecequil’attendaitaujourd’hui,auboutduchemin?—Nousyvoilà,dit-ilsoudain.Ilsegaradevantunemaisonàunétage,coupalecontactetsetournaverselle.—Tut’entires.Pourlemoment.Maisnecroispasquenousnereviendronspassurlesujetaprès…

Ils’interrompit,avalasasalive.—Aprèsquoi?demandaDevin.Elleavaitdéjàlamainsurlapoignéedelaporte,prêteàsortir,lorsqu’elles’immobilisaàlavuedu

minibusorangeetvertgarédansl’allée.—Quihabiteici?Scooby-Dooetsesamis?—Suis-moiettuledécouvriras.Il laprécédadans lapetite alléepavéequimenait à l’entrée et s’arrêtadevant laporte, ledoigt

suspenduau-dessusdelasonnette.—Tunesonnespas?demandaDevin,serrantlespoings.Qu’est-cequetuattends?Çam’angoisse.Il pressa le bouton et un son léger, carillonnant, retentit à l’intérieur. Il posa alors unemain sur

l’épauledeDevinetlapressadoucement.C’étaitungestequisevoulaitrassurantmaisquinecalmaenriensanervosité.

—Jeneveuxsurtoutpast’inquiéter.—Alorsdis-moi…Avant qu’elle ait eu le temps de terminer sa phrase, la porte s’ouvrit et une jeune femme,

sensiblementdumêmeâgequ’elle,apparutsurleseuil.Elleportaitunsweat-shirtbleumarineornéd’unlogo«LeRefuge».

—Gabe,çafaitplaisirdeterevoir.EtvousdevezêtreDevin.Nousvousattendions.DevinjetaunregardinterrogateuràGabe.—Lesgarçonssonttoutexcitésdepuiscematin.Nousnevoyonspasbeaucoupdevisagesnouveaux

ici,poursuivitlajeunefemmeavantdes’écarterpourleslaisserentrer.Lesgarçons?songeaDevin.Quelgenred’endroitest-ce,ici,unesortedeconfréried’étudiants?—C’esttoutàfaitvrai!Un garçon d’une vingtaine d’années venait d’apparaître derrière la jeune femme, vêtu du même

sweat-shirtqu’elle.—Surtoutdesvisagesaussiséduisantsquelevôtre!GabeglissaunbraspossessifautourdelatailledeDevin.—Onsecalme,Pete,ditlajeunefemmeenluidécochantunpetitcoupdecoude.Peux-tuconduire

Devinetsonamijusqu’ausalon?—Biensûr.Suivez-moi,dit-il,sedirigeantversl’escalierquimenaitàl’étage.Mais Devin demeura figée sur place dans le hall d’entrée, incapable de bouger. Les larmes

affluèrentdanssesyeuxlorsqu’ellelevalatêteversGabe.—Tul’astrouvé?Ilacquiesçad’unsignedetête.—Tuenescertain?C’estvraimentlui?Ellesesentaitprisedevertigeetsecramponnaàlabandoulièredesonsaccommeàunebouée.Elle

avaitététantdefoisdéçue,elleavaitsuivitantdepistesquin’avaientmenéàrien.Etsic’étaitlecas,cettefoisencore?

—C’estbienlui,ditGabe.Murphy,undemesinspecteurs,aretrouvésadernièrefamilled’accueil.Ellesesouvenaitquelecouplequil’avaitadoptéétaitd’OysterBay.Apartirdelà,iln’apasétédifficiledesuivresatrace.

—Excusez-moi,dit lajeunefemme,pourquoinemontez-vouspasausalon?Vousyseriezmieuxpourdiscuter.Petevousconduirajusqu’àVictorlorsquevousserezprêts.

GabequestionnaDevinduregard.Elleacquiesçad’unsignedetête,essuyantseslarmesd’unreversdemain.Ilssuivirentlajeunefemmeàl’étagejusqu’àunegrandepièceensoleillée,meubléed’unvieuxcanapé,degrosfauteuilsetd’unetélévision.

—Prenezvotre temps,dit-elle, sedirigeantvers lecouloirquidevaitconduireauxchambres. JevaisdireàPeted’attendreunpeu.

Devinselaissatomberdansunfauteuil.—Cetendroitestdonc…—Unfoyercommunautairepouradultesautistes,complétaGabe,s’asseyanten faced’ellesur le

canapé.—EtlesparentsadoptifsdeVictor?— Ils sont décédés. Mais c’étaient des gens aisés. Ils ont constitué une rente pour lui, afin de

s’assurerqu’ilseraitprisenchargelorsqu’ilsneseraientpluslà.Devin se laissa aller contre le dossier du fauteuil et ferma les yeux. Il y avait tant de questions

qu’elle aurait voulu poser à ces gens qui avaient pris soin de son frère.Etaient-ils au courant de sonexistence?Et,sioui,avaient-ilstentédelaretrouver?Oul’avaient-ilslaisséevolontairementdanssafamilled’accueil,sanssesoucierlemoinsdumonded’elle?

Mais,unefoisencore,ilvalaitpeut-êtremieuxnepasconnaîtrelaréponse.L’ignoranceétaitparfoismoinsdouloureuse.

—Victorn’adoncpluspersonne,dit-elle.Commemoi.—Cen’estpluslecas,àprésent,ditGabe.Ilt’a,toi.Devinouvritbrusquementlesyeux.—Ets’ilnemereconnaîtpas?Gabesortitunvieuxlapinenpeluchedusacqu’iltenaitàlamain.—Jecroisqueçapourraaider.—Tex!s’exclamaDevin.Commentl’as-tutrouvé?Jelecachaisdansletiroir,prèsdemonlit.—Jel’aiaperçulorsquej’aipassélanuitcheztoi,aprèsêtrevenuetechercherauNaboombu.Je

l’aiprishiermatin,pendantquetuétaissousladouche.Gabeluitenditlelapin.Elleleprit,leserracontresapoitrine.—Merci,dit-elle.Elleauraitvoulu trouverd’autresmotspour lui témoignersareconnaissance,mais l’émotionétait

tropforte.Peteapparutsoudaindansl’encadrementdelaporte.Ils’éclaircitlavoix.—Vousêtesprêteàvoirvotrefrère?Devinessuyasesmainsmoitessursonjeanetseleva.—Oui.—Ilvabienaujourd’hui.Ilparle,ilcommuniqueavecleregard.Petehaussauneépaule.—Maisj’ignorecombiendetempscelavadurer.—Oui.Jesais.Devinpoussaunlongsoupir.Ellesesouvenaitdesbonsjours,lorsqueVictorprenaitlebusàtemps,

obtenait des félicitations de ses professeurs et aidait même à servir le dîner. Et puis il y avait lesmauvais,lorsqu’ilrefusaitdes’habiller,renversaitsescéréalessurlesolets’énervait,hurlait.Lorsqueriendecequ’ellefaisaitnepouvaitl’atteindrederrièrelemurinvisiblequisedressaitautourdelui.

ElleavaitcommencéàsuivrePetelorsqu’elleserenditcomptebrusquementqueGaben’étaitpasavecelle.Elleseretourna.Ilétaitassissurlecanapé.

—Tunevienspas?—Non.Cemomentvousappartient,àtoietàtonfrère.Ilseleva,s’avançaverselleetlapritdanssesbras.— Mais ne t’inquiète pas. Je ne bouge pas d’ici. Je t’attendrai le temps qu’il faudra. Vas-y,

maintenant.

DevinsuivitPetedanslecouloir,jusqu’àuneporteàl’arrièredelamaison.—Voilà,c’estici.Vousn’avezqu’àappelersivousavezbesoindequelquechose.Jeneseraipas

loin.—Merci.Devinpritunegrandeinspirationetentra.Lapièceétaitlumineuse,ensoleillée,meubléedefauteuils

enosiercouvertsdecoussins.Dansl’und’euxétaitassisVictor,latêtepenchéesuruneconsoledejeuxvidéo.

MêmesiDevinn’avaitpassuqu’ill’attendaitlà,ellel’auraitreconnutoutdesuite.Asatignassedebouclesbrunes,àlacicatriceàsajouegauche,résultatd’unechutealorsqu’elleluiapprenaitàfaireduvélo,etàsafaçonparticulièredesemordrelalèvrelorsqu’ilseconcentrait.

Elleessuyaunelarmeettiraunfauteuilprèsdelui.Pastropprèspournepasl’effaroucher.—Bonjour,dit-elledoucement.ElleluitenditTex.—Jet’aiapportéquelquechose.Victornelevapaslatête.—C’estTex.Tutesouviensdelui?—Tex?Victorlaissatomberlaconsoledejeuxettenditlamainpourcaresserlelapin.—MonTex?—Oui,ditDevin,lagorgenouéeparl’émotion.TonTex.Etmoi,jesuistasœur,Devin.Victor serra le lapin contre sa poitrine et leva la tête vers elle, ses yeux noirs emplis dumême

étonnementquelorsqu’ilétaitenfant.—Devin?Ellehochalatête,incapabledeparler.—Devinm’apportaittoujoursdesglacesqu’elleachetaitaucamionduglacier.Devinsentitsapoitrineseserreràcesouvenirheureux.Ellesedébrouillaittoujourspourmettrede

côtédespetitespièces,glanéesçàetlà,afindepouvoiroffriràVictorsaglacepréférée,aumoinsunefoisparsemaine,enété.Ils’ensouvenait,luiaussi.

—Oui,c’estcequejefaisais,dit-elle.—Tupeuxm’enapporterunemaintenant,demanda-t-il,bondissantdesachaise.Peteavaitdûentendre.Ilpassalatêtedansl’entrebâillementdelaporte.— Je ne sais pas quel parfum tu prenais, dit-il.Mais nous avons de la glace à la fraise dans le

freezer.Tuveuxquejet’enapporte?—Qu’enpenses-tu,Victor?ditDevin.Elle avança doucement une main et la posa sur son bras, infiniment reconnaissante qu’il ne la

repoussepas.—D’accord.Sonregardcroisauninstantlesien.—Maistudoisenprendreaussi.—Biensûr.Ellehochalatête,refoulantseslarmes.—J’enaitrèsenvie.

Chapitre16

Gabeposasaqueuedebillardsurlatable.—Tuasencoregagné.—Troispartiesd’affilée!lançaCade.Tumesurprends.Etjenet’aipassouventvud’humeuraussi

maussade.Qu’est-cequisepasse?—Tuveuxfaireuneautrepartie,ouiounon?demandaGabe,commençantàrassemblerlesballes.—Non.Ettun’aspasfaittoutcecheminjusqu’àStocktonpourquejetedonneuneleçondebillard,

jeprésume?Pasplusquepourboiredelabière.Caderangeasaqueuedebillarddanslerâtelier,aumur.—Vas-y,jet’écoute.—Onn’apasledroitd’avoirenviedepasserdutempsavecsonmeilleurami?—Paslorsqu’onaunejoliepetitenanaquivousattendenville.Cadesepenchapar-dessuslebillard.—Amoinsquetuaiesdéjàbousillécetterelation.—Jen’airienbousillédutout,ditGabe,abandonnantlesballesetrangeantsaqueuedebillard.Je

laisseDevin souffler un peu.Ces deux dernières semaines, elle a passé beaucoup de temps avec sonfrère,àrenouerlesliens.

—Tulalaissessouffler?Monœil!Cadeglissaunbrasautourdesesépaulesetl’entraînaverslebar.—Tutepréparespourlachute.—Lachute?—Oui.Ladéception.Lafin,situpréfères.Gabesejuchasuruntabouretets’accoudaaubar.—Lafindequoi?—DecequetufaisavecElvira,Maîtressedesténèbres.—Jet’aidéjàditd’arrêterdel’appelercommeça.— Regarde la réalité en face. Elle a obtenu ce qu’elle voulait. Tu as retrouvé son frère. Et

maintenanttuaspeurqu’elletelaissetomber.—Hé,salut,Cade!Lajoliebarmaids’étaitapprochée.Ellesepenchapar-dessuslebar,leuroffrantunevueplongeante

sursondécolleté,sesseinspigeonnants.—Çafaisaitlongtemps,dit-elle,legratifiantd’unsourireéblouissant.Cadeeutunhaussementd’épaules.—J’aiététrèsoccupé.

Sonsourirepâlit,maiselle se ressaisitaussitôt,passaunemainparfaitementmanucuréedanssesimpeccablescheveuxblondsdécolorés.

—Qu’est-cequejevoussers?—UneBudpourmoi,ditCade,et…—Uneambréepourmoi,terminaGabe.—Uneambréepourmonamitransid’amour.Cadesortitunbilletdevingtdollarsetlefitglissersurlebar.Gabeposalamaindessusavantque

labarmaids’enempare.—Jenesuispastransid’amouretc’estmatournée.—Horsdequestion,ditCade.Ici,c’estmonbar,c’estmoiquirégale.—Sijetelaissepayer,tuprometsd’arrêterdejouerlespsychanalystes?—Turêves!Cadesemitàrire.—Jenefaisquecommencer.Labarmaidlesregardatouràtour.—Jevouslaisseréglerçaentrevouspendantquejepréparevosboissons.GaberepoussalebilletversCade.—Trèsbien.Et,puisquec’estainsi,tupaierasaussilaprochainetournée.Cadesouritetfitsemblantdeporteruntoast.—Quel’analysecommence!—J’aiunemeilleureidée,ditGabe.Sionparlaitplutôtdetoietdelabarmaid?—C’esttrèssimple.Elleestintéressée,pasmoi.Gabeeutunemouedubitative.—Blonde.Lesyeuxbleus.Desseinsgénéreux.J’auraispenséquec’étaitexactementtontype.UneombrequeGaben’auraitsudéfinirvoilauninstantleregarddeCade.—Peut-êtrequej’aichangédetype.—C’estça.Etmoijesuislepape.—Etvoilà!ditlabarmaid,plantantdevanteuxdeuxchopesmousseuses.ElleposasonregardbleusurCadeetbattitdescils.—Sivousavezbesoindequoiquecesoit,jesuislà.—D’accord,marmonnaCade.PuisilbutunegorgéedebièreetregardaGabepar-dessusleborddesachope.—Atoi,maintenant.Allez,raconte.—Iln’yarienàraconter.Devinetmoi,noussortonsensemble,c’esttout.—Doncvousêtesamis,maisaveccertainsavantages.C’estçaquetuesentraindemedire?Cadebutunenouvellegorgéedebière.—Parcequeça,çaatoujoursétémongenre,pastellementletien.—Jeleregrette,figure-toi.—Holà!J’ailanetteimpressionquecettefilletetient,piedsetpoingsliés.—Tupeuxledire.—Alors,quecomptes-tufaire?—Cequejecomptefaire?Gabe avala une longue gorgée de sa bière. Il avait besoin de se distraire de cette conversation

ridicule.—Rien.—Rien?Depuisquandes-tudevenuunemauviette?—C’estbon,Cade.Jenesuispasunemauviette.

—Etcommenttuappellesça,quelqu’unquiapeurdesemouiller,dedireàlafemmequ’ilaimecequ’iléprouvepourelle?

Gabefaillits’étoufferavecsabière.—Quiaparléd’amour?—Toi.Cadedésignalemiroir,derrièrelebar.—Regarde-toi.Tuasvucetteexpressiondechienbattu,lescernessoustesyeux?Sansparlerde

tonhumeurquines’arrangepas,c’estlemoinsquel’onpuissedire!Gabeétouffaunjuron.Etait-ilàcepointfacileàdeviner?—Alors?insistaCade,martelantlecomptoirduboutdesdoigts.Quevas-tufaire,Casanova?—Queveux-tuquejefasse?Sijefonce,ellevabattreenretraite.—Tun’ensaisrien.—Ellen’estpasfranchementpartantepourunerelationsur le longterme.Elles’est tropsouvent

brûlélesailes.—Tentelecoup.Tun’asrienàperdre.Qu’est-cequiestpire,savoirounepassavoir?Gabedétournalatête,faisantsemblantdes’intéresseraumatchretransmissurl’écran,auboutdu

bar.Iln’avaitaucuneenviedel’admettre,maisCadeavaitraison.—JecroyaisqueDevinneteplaisaitpas.—C’estvrai.Ellenemeplaîtpaspourmoi.Maispourtoi…Cades’interrompit.Lorsqu’ilreprit,sontonétaitdesplussérieux.—C’estassezcurieux,maisjevousvoistrèsbienensemble.Elleesttamoitié,leyindetonyang.

Jenesauraispasdirepourquoi,maisjelesens.Gabesetournaverssonami.—C’estundiscoursplutôtsurprenantdelapartd’uncélibataireendurci.—Quiaditquej’étaisuncélibataireendurci?Cadepoussasachopesurlebaretfitsigneàlabarmaiddeleresservir.—C’estquejen’aipasencorerencontrélafemmedemavie.Toi,oui.Quoiqu’ilensoit,elleest

nettementplusintéressantequeceglaçonquetuasfailliépouser.C’était à croire que le monde entier avait compris avant lui qui était Kara, songea Gabe.

Heureusementqu’elleavaitditnon.Sinon,iln’auraitjamaissucequec’étaitqued’êtreamoureuxcommeunfou.

—Alors,insistaCade,tuvastelancer?—Oui.Maisjetepréviens,préparetonargent.C’esttoiquirégalerassiçatournemal.—Marchéconclu.Caderepoussasontabouretetseleva.—Finilacomplicitéentremecs.Suis-moi,ilesttempsquejetedonnetaleçonauxfléchettes.

***

Gabes’avançaverslestandquiaffichait«LesBeignetsdeNonniZanetta».—Deuxzeppole,dit-il,employantletermetraditionnelquesamèreluiavaitapprispourdésigner

lesdélicieuxbeignetsdepommedeterre.Avecdelasauce,ajouta-t-il.—Moi,avecjusteunpeudesucre,corrigeaDevin.—Dusucre?plaisantaGabe.Maisquelgenred’Italiennees-tu?—Legenreespagnol.Ilsouritàsaremarque.—Regarde,dit-il,englobantlarued’ungeste.

Ilyavaitunmondefou,desgensdetousmilieux,detoutesnationalités.Beaucoupétaientvêtusdeblanc,rougeetvert,lescouleursdudrapeauitaliens,etserégalaientdepizzas,debeignetsetdeglaces.

—C’estlafêtedeSanGennaro.Aujourd’hui,toutlemondeestitalien.UnelueurdetristessetraversaleregarddeDevin.—J’auraisaiméqueVictorpuissevenir.Iladorelesbeignets.Maislemonde,l’agitation,toutce

bruitl’auraienteffrayé.—Peut-être l’annéeprochaine,ditGabe.Etnouspourrons luiapporterdeszeppole lorsquenous

ironslevoir.Devinposalamainsursoncœur.—C’estuneexcellenteidée,dit-elle.Gabesesentitsoudainimmensémentheureuxd’avoirfaitcettesuggestion.S’efforçantdedissimuler

sonémotion,ilplongealamaindanssapochepourréglerlesbeignets.Sesdoigtseffleurèrentlacléqu’ilavaitfaitrefaire,lematinmême,etqu’ilavaitaccrochéeàunporte-clésMatisse.

Il n’avait pas l’intention de demander Devin en mariage en pleine fête. De toute façon, il étaitbeaucouptroptôtpourcela.Maisilvoulaitqu’ellesachequ’ilétaitpartantpourunerelationsurlelongterme.Luidonnerlaclédesonappartementseraitunefaçondeluienvoyerclairementlemessage.

—Nelson.LavoixtonitruantedeThaddeusHolcombretentitsoudainderrièreeux.—Vousvoilà!GabetenditsonbeignetàDevin.—MonsieurHolcomb,dit-il, lesaluantd’unsignede tête.Nousavionsrendez-vousà13heures,

non?—Jesuisarrivéunpeuenavance.Apparemment,nousavonseulamêmeidée,ajouta-t-il,désignant

lestanddeNonniZanetta.Onprenddesforcesavantdeselancerdansl’action.HolcombsetournaversDevin.—Etquiestcettecharmantejeunepersonne?GabeglissasonbrasautourdelatailledeDevin.—Jevousprésentemapetiteamie,Devin.Devinsecrispa.Petiteamie?Enfait,Gaben’aimaitpastellementcemot,luinonplus.Ilavaitune

connotationunpeu tropadolescente.Mais il s’encontenteraitenattendantdeparvenirà laconvaincred’adopterunautretitre.Commefiancéeouépouse.

—C’estunplaisir.Holcomb dévisageaDevin d’un coup d’œil, notant au passage la façon dont sa jupemoulait ses

hanches, sescuisses,etdont ledécolletéenVdesonpetithaut laissaitapparaître lanaissancedesesseinsetlerouge,l’orangeetlejaunevifsdelacrêtedesontatouagedephénix.

—Jecomprendsmaintenantpourquoivouslacachiez,dit-il.Devin se crispa de nouveau. Gabe caressa discrètement son bras et fut rassuré en la sentant se

détendre.— Alors, le grand jour est arrivé ? poursuivit Holcomb. Vous vous sentez prêt à affronter la

populace?IldéboutonnalavestedesoncostumeetGaberéprimaunsourire.Holcombnesortaitjamaissans

uncostumeetunecravate.Lui-mêmeavaitsongéàporterundesescostumesArmani,maisDevinl’avaitconvaincuqu’ilparaîtraittoutaussiprofessionnelmaisnettementplusabordableenpantalonetpolo.

—Oui…,commençaGabe.—Oh!oui,ilestfinprêt,coupaDevin.J’espèrequevousavezpréparélecommuniquédepresse

stipulantquevousluiapportezvotresoutien.Holcombfronçalessourcils.

—Mademoiselleestaucourantdenotrearrangement?—Biensûr,réponditGabe.Ilsentitsapoitrinesegonflerdejoie.Devinnevoulaitpeut-êtrepasadmettrequ’ellel’aimait,mais

sonsoutienendisaitlong.—Nousn’avonsaucunsecretl’unpourl’autre,précisa-t-il.Holcombhochalatête.—C’estcharmant.Etidéaliste.—Quevoulez-vousdire?demandaDevin,léchantunpeudesucreàsalèvre.GabeauraitjurévoirHolcombcrisperlesdoigts.—Vous le découvrirez bien assez tôt, dit-il. Les campagnes électorales mettent à l’épreuve les

relationslesplussolides.Enparlantderelation,justement…Il leva la main et fit signe à une femme très élégante qui s’avançait dans sa direction d’un pas

décidé. Elle était vêtue d’un superbe tailleur-pantalon blanc, ses cheveux rassemblés en un chignonimpeccable.

—Macharmanteépouse.—Tevoilà,dit-elle,luiadressantunsourireéblouissantavantdesetournerversGabe.Vousdevez

êtreGabe.J’aibeaucoupentenduparlerdevous.Lavoixétaitpolie,parfaitementcontrôlée,commesichaquemotétaitpesé.L’épouseparfaitepour

unhommepolitique,leportraitexactdecequeseraitKaradansvingtans.—Enbien,naturellement,ajouta-t-elle.Gabe regarda Devin, sa tenue si peu conventionnelle et tellement sexy, son tatouage exposé

fièrement,entraindedégustersonbeignet.Puisilregardal’épousedeHolcomb,guindée,trèsmondaine,et il remercia le ciel d’avoir échappé à autant de convenances. Bien sûr, il avait envie de devenirprocureuretd’éliminerJackparlamêmeoccasion,maispasaupointderenonceràcequ’ilétait,niàcellequ’ilaimait.

—Ravidefairevotreconnaissance,dit-il,serrantlamaindeMmeHolcomb.Avantqu’ilaiteuletempsdeprésenterDevin,Holcombpritlesdevants.—Quediriez-vousde laisser cesdamesprofiter de la fêtependant quenous allons à la tâche ?

Inutiledelesennuyeraveclapolitique.CefutautourdeGabedesecrisper,cettefois.Commentallait-ils’ensortirsansDevin?—Toutirabien,dit-elleàsonoreille.Commelorsdelatournéedescafés.Etauballet.—Maistuétaisàmescôtés,répondit-iltoutbasafinqueHolcombnepuissepasentendre.—Jeleseraienpensée,dit-elle,plantantunpetitbaisersursajoue.—Ettoi?demandaGabe.—Ça ira trèsbien.Vas-y,maintenant.Mêle-toià la fouleet rappelle-toiquecommuniquer, c’est

davantageécouterqueparler.Lesgensontbesoindesavoirquetut’intéressesàcequ’ilsontàdire.—Ellearaison,intervintHolcomb,jetantuncoupd’œilàsamontre.Retrouvons-nousà16heures.

Celadevraitnouslaisserlargementletempsdecommuniqueraveclesmasses.DevinadressaàGabeunpetitsignejoyeuxtandisquel’épousedeHolcombl’entraînaitdanslarue.HolcombrefermaunbrasautourdesépaulesdeGabeetl’entraînadansladirectionopposée.—Nevousinquiétezpas,mongarçon.Vousêtesentredebonnesmains.Etvotrejeunedemoiselle

aussi.Gabehochalatête.C’étaitbiencequ’ilcraignait,justement.

Chapitre17

Lorsqu’ellefutcertainequeleshommesnelavoyaientplus,Devinlaissatomberlemasque.Sauverlesapparencesétaitunerudetâche.Ellecomprenaitmaintenantpourquoilesstarsperdaientparfoisleurcalmeaveclespaparazzis.

—Epuisant,n’est-cepas?déclaraMmeHolcomb,posantunemainsursonbras.—Vouspouvezledire.—Sinoustrouvionsunendroitpournousasseoiretdiscuter?Génial.Exactement ce dontDevin avait envie.Unegentille petite conversation avec l’épouse du

patrondeGabe.Elleplaquaunsouriresurseslèvres.—Trèsbonneidée.Ellessefrayèrentunchemindanslafouleetrepérèrentbientôtunpetitrestaurantavecterrasse.Une

serveusevintaussitôtàleurrencontre.Ellelesinstallaàunetableetleurtenditdeuxmenus.—Cappuccinoet tiramisu, çavous irait ?demandaMmeHolcomb, refermant sonmenu. Jevous

invite.Devinpassasalanguesurseslèvressoudainsèches.—Vousn’êtespasobligée.—Jelesais,maiscelamefaitplaisir.—Merci,madameHolcomb.—Jevousenprie,appelez-moiLouise.Pasdeformalitésentreépousesdecollèguesenpolitique.—Oh.Devineutungestebrusquequifitchancelerlatable.Elleagrippalebordpourlastabiliser.—Gabeetmoi,nousnesommespasmariés.Louisesourit.—Pasencore.Maisj’aivucommentilvousregardait.Iln’avaitpasenviedevousquitter.Cen’est

qu’unequestiondetempsavantqu’ilfassesademande.Non,nonetnon!Ellesetrompait.Ilétaitclairdepuisledépartqu’iln’yavaitriendedurabledans

cetterelation.Ellen’étaitpasvouéeàlesconduireàl’autel.— Et, d’après la façon dont vous le regardez, je suis certaine que la réponse sera oui, insista

Louise.Unserveurs’approchapourprendreleurcommande.Devinessuyasespaumesmoitessursajupe.—Nousnenousconnaissonsquedepuisquelquessemaines.—Parfois, iln’enfautpasdavantage.J’aisuqueTeddyétait l’hommedemavieànotrepremier

rendez-vous.

—Çaadûêtrequelquechose,cerendez-vous.— Ilm’a invitée au bowling. Il y a vingt-sept ans que nous sommesmariés et il refuse toujours

d’admettrequ’ilm’alaisséegagner.Vingt-sept ans ? Devin ne connaissait personne qui soit resté marié aussi longtemps. Dans son

monde,laduréed’unmariagen’excédaitjamaisunnombreàunchiffre.—Bon,ditLouise,secalantcontresondossier,avez-vousdesquestionsàmeposer?—Aquelsujet?—Laviesouslesfeuxdesprojecteurs.—Lesfeuxdesprojecteurs?—Vousn’avezpasidéedecequivousattend,n’est-cepas?Louiselaissaleserveurdéposerleurcommandeets’éloigneravantdepoursuivre.— Durant la campagne, vous serez observée au microscope. Vos paroles, vos gestes, tout sera

disséqué,analysé.Devinpritunebouchéedesontiramisu,nesachantquerépondre.—SiGabeestélu,ilincarneralesystèmejudiciairepourtoutelaville,etvousaussi,parvoiede

conséquence.—Qu’essayez-vousdemedire,quejenesuispasdetaille?Louisesouritetbutunegorgéedesoncappuccino.—Aucontraire,vousmedonnezl’impressiond’êtreunejeunefemmecapabledegérerbeaucoupde

choses.Maisilfautquevoussachiezàquoivousvousexposez.—Maisencore?—Lapressevousobservera,vosvêtements,votrecoiffure,votrestyledevie.Vousdevrezsourire,

saluer les gens, être toujours charmante. Vous ne pourrez pas répondre ni vous défendre. C’est trèsfrustrant,parfoismêmeinsupportable.Mais,sivousl’aimez,celavautlapeine.

Louisecoupaunpetitmorceaudesontiramisuetleportaélégammentàsabouche.—Etjesaisquec’estlecas.Etvoilà,c’étaitreparti.Commentcettefemmepouvait-elleaffirmercedontelle-mêmen’étaitpas

certaine?Devinallaitprotester,maisLouisel’arrêta,levantsafourchette.—Nefaitespasattentionàmoi.Jevouseffraieetcen’estpasdu toutmon intention.Parlez-moi

plutôtdevotreart,dit-elle,désignantlepetitelfesursonépaule.La discussion s’engagea sur les tatouages, dériva ensuite sur l’art en général, la musique.

Lorsqu’elleseurentterminéleurtiramisu,ellessepromenèrentparmilesstandsdelafête.DevinvitavecsurprisequedenombreusespersonnessaluaientLouise.

— C’est dû à mon action en faveur des associations caritatives, expliqua-t-elle. C’est un desavantagesdelanotoriété.Onpeuts’enservirpoursoutenirdescausesauxquellesontient.

Devins’imaginauninstant,dansunedecessoiréessipopulaires,entraindetendreàArielaundecesridiculeschèquesencartonsurdimensionnéspourTournelapage.

Elleseressaisitaussitôt.C’étaitridicule.Elleneseretrouveraitjamaisdanscettepositionetiln’yauraitpasdegroschèquepourAriela.

Louises’arrêtadevantunstanddesouvenirsitaliens,livresdecuisine,cartespostales,figurinesdufolklore.Elleattrapasontéléphone,vérifial’heure.

—Ilestpresque16heures.Jecroisquenousavonslaissésuffisammentdetempsànoshommes.Elledescenditlarue,suiviedeDevin,ladémarcheimpérialesursestalonshauts.Quelleélégance!

Aprèsavoirpassédesheuresdanscettefête,àmanger,boire,êtreaucoudeàcoudeaveclafoule,elledemeuraitaussiimpeccabledanssontailleurblancquelorsqueDevinl’avaitvuelapremièrefois.Acôté

d’elle,ellesesentaitsoudainordinaire,sansallure,dénuéedetoutcequ’ilfallaitposséderpourêtrelacompagned’unhommepolitique.

—Oùallons-nous?demanda-t-elle.Lafêteestimmense.Nousnelestrouveronsjamais.—Jeconnaismonmari,ditLouise.Venez.Devin lasuivit jusqu’àunepetiteplaceoù lesorganisateursavaientérigéunescène.Lafoules’y

pressait,écoutanttroisténorsentraindechanterOSoleMio.—Teddyadorelamusiqueitalienne.Regardez,ilssontlà.LesénateuretMmeHumphriessontlà

également.C’estunechance.Ilyauneéternitéquejenelesaipasvus.Uncouple trèsdistinguése tenaiteneffetauxcôtésdeHolcomb.Ens’approchant,Devinaperçut

GabeentraindediscuteraveclacopieconformedeLouise,enplusjeune.Unemainpossessiveposéesursonbras,lajeunefemmeriaitàcequ’illuidisait,soncarréblondimpeccablevirevoltantautourdesonvisage.

Kara.Devinralentitlepas,puiss’immobilisa,observantlascène.Cefutsoudaincommesiellevisionnait

un film muet. Le sénateur Humphries fit signe à Gabe et à sa fille de les rejoindre. On riait, on secongratulait,onéchangeaitdesmondanités.Holcomblesrejoignit,donnaunetapeamicaleàGabeetluiserralamain.Etlesfemmessouriaient,acquiesçaient,sansparler,charmantesdansledécor,commeleluiavaitdécritLouise.

LesténorsentonnaientVolare.Quelqu’unbousculaDevin.Elles’avança,déterminée.—Jesavaisquejetetrouveraisici,disaitLouiseàsonmari.Noussommesunpeuenavance,çane

tedérangepas?—Pasdutout.Ilposaunbaisersursajoueetsetournaverslesautres.—J’aperçoislegouverneur.Veuilleznousexcuserunmoment,dit-il,entraînantsonépouse.Devins’approchadeGabe,malàl’aise.—Raviedevousrevoir,Kara.—Darcy,réponditcettedernière,serrantunpeuplusfortlebrasdeGabeetsecollantcontrelui.

OuDiane,peut-être?J’aiunemémoireépouvantabledesprénoms.—C’estloind’êtreunequalitépourquifréquentelemonde,rétorquaDevin.Gabes’écartadeKaraetglissaunbrasautourdesesépaulesalorsquelesénateurrevenaitavecsa

femme.—Sénateur,madameHumphries,permettez-moidevousprésenterDevinPadilla,mapetiteamie.Cedernierfronçalessourcils.Sonépouseluijetaunregardinterrogateur.—Maisoui,papa,intervintKara,rappelle-toi.Jet’aiditquej’avaisrencontrélenouveaubéguin

deGabeàcetrucdanslesbars,tusais,pourl’associationTournelapage.MmeHumphriesregardatouràtourGabeetsafille.—Maisjecroyais…Vousallezsibienensemble,touslesdeux.Nousétionscertainsquevousaviez

résolucepetitdifférendetquetoutallaitbien,maintenant.—Jenecroispasquerefuserunedemandeenmariagepuisseêtrequalifiédepetitdifférend,dit

Devin.—Unedemandeenmariage?MmeHumphriesfixasafille,interloquée.—Tunenousasjamaisparlédecela…Karaeutl’élégancedeparaîtreembarrassée.—Jesavaisquevousnecomprendriezpas.—Jesuisdésoléequevousvoussoyezfaitunefausseidée,madameHumphries,sénateur,ditGabe.

MaisjesuisavecDevin,désormais,etj’entendslerester.

Levisagedusénateurserembrunit.—Vousêtesconscient,j’imagine,quedanscesconditionsjenepeuxpasvousapportermonsoutien

pourl’élection.—Parcequ’ilnesortpasavecvotrefilleouparcequ’ilsortavecmoi?demandaDevin.—Les deux, répondit le sénateur sans hésiter, son regard s’attardant sur la tenue deDevin, ses

tatouagesetsespiercings.JeneferairienquipuissemettreKaramalàl’aise.Etj’aidesérieuxdoutesquantàvotrecapacitéàseconderunhommepolitique.

—Jenesuispasd’accord,ditGabeavantqueDevinaiteuletempsderépondre.JesuiscertainqueDevinserauntrèsgrandatout.Ellecomprendlesgensetsaitleurparler.

—Jecrainsquelesdécideursdanscettevillenepartagentpasvotreavis.Etsansleursoutienvousn’avezpaslamoindrechancedel’emporter.

D’unpetit signede tête, il signifiaque laconversationétait terminéeetse tournaversKaraetsamère.

—Ilesttempsd’yaller,mesdames.Legouverneurnousattend.GabeglissaunbrasautourdelatailledeDevin.—Asseztravaillépouraujourd’hui,dit-il,l’entraînantdansladirectionopposée.Jemeursdefaim.

Tuveuxpartageruncalzone?—Volontiers,répondit-elle,l’estomacnoué.Lesparolesdusénateurtournaientenboucledanssonesprit,mêléesauxremarquesdeLouise.Cette

dernières’étaittrompéesurtoutcequ’elleavaitdit,saufsurunechose.Elle aimaitGabe.Elle l’aimait d’un amourprofond, sincère, qu’elle n’avait jamais ressenti pour

personneetneressentiraitprobablementplusjamais.Maisellenepourraitpassupporterlescontraintesde cette campagne électorale ni le sentiment d’être en train de briser le rêve deGabe. Son image nepourraitqueluinuire.Ilavaitbesoind’unefemmeélégante,posée,raffinée,àsescôtés.Ilavaitbesoindequelqu’uncommeKara.

Iln’yavaitqu’uneseulechoseàfaire.ElledevaitrompreavecGabe.Cesoir.

***

—Tuesincroyablementsilencieuse.Gabedébarrassalesassiettes.Ils’occuperaitderangerplustard.Ilvoulaitd’aborddonnerlacléà

Devinetl’emmenerensuitedanssachambreoùilsprendraienttoutletempsd’explorerleurscorps,defairel’amour.

—Noussommescensésfêterça.—Fêterquoi?Devinfittournersonverreentresesdoigts,commehypnotiséeparlabelleroberougeduvin.—Tuasentenduceque lesénateuradit. Ilne t’apporterapassonsoutienpuisque tuasbrisé le

cœurdesapetitefille.—Jen’aipasbrisélecœurdesapetitefille.Pasplusqu’ellen’abrisélemien.Deplus,lesénateur

Humphriesn’estpasleseulàcompterdanscettevilleetàpouvoirm’apportersonsoutien.—Jel’espèrepourtoi.—Neme dis pas que tu t’inquiètes pour ce qu’il a dit ! Il se trompe sur toute la ligne. Tu es

spontanée,sincère,originale.Lesélecteursvontt’adorer.—Tumel’asdéjàdit.Mais,Gabe…—Iln’yapasde«mais».Gabeposasontorchon.Iltiraunechaise,s’assitàcalifourchonenfaced’elle,lesbrasposéssurle

dossier.

—Holcombm’apportesonsoutien,grâceàtoi.Çasefête.Etilneserapasleseul.Alors,arrêtedetefairedusouci.

Devinposasonverre.Ellelevalentementlatêteverslui,croisasonregard.—Ilfautquenousparlions.—Jecommence,alors,ditGabe,lecœurbattantàtoutrompre.Iltâtalaclédel’appartementdanssapocheettenditsamainlibreversDevin.—Ilyaquelquechosequejeveuxtedire.—Arrête.S’ilteplaît.Elleselevasibrusquementqu’ellefaillitreversersachaise.—Jenepeuxpasfaireça.—Fairequoi?demandaGabe,fronçantlessourcils.—Cequetuvasmedemanderdefaire.—Commentsais-tuquejevaistedemanderquelquechose?—Je le lisdans tesyeux.Tuasce regardsombre,préoccupé,commesi tuavaisen têteunplan

diabolique.Devinsecoualatête.—Maislàn’estpasleproblème.Leproblème,c’estquejenepeuxplusfaireça,Gabe.Jenepeux

plusêtreavectoi.Gabesentitsonestomacsenouer.—Queveux-tudire,tunepeuxplusêtreavecmoi?Pourquoi?—Je…jenepeuxplus,c’esttout.—Cen’estpasuneréponse.Sic’estàcausedesréflexionsstupidesd’unsénateurqui…—Cen’estpasça.Devinpassaunemainsursonvisage.—Ecoute,nousavonspassédubontemps,non?Noussavionstouslesdeuxqueçanedureraitpas.—Jevaistedirecequejesais.Ilseleva,pritsesmainsdanslessiennesavantqu’elleaiteuletempsdeprotester.Puisillesposa

contresapoitrinepourqu’ellesentecombiensoncœurbattait.—Jesaisquenousnousaccordonsparfaitement,queturévèlesenmoidesaspectsdemapersonne

dontj’ignoraisl’existence.Jesuisplusdétendu,plusheureux,plusàl’écoute.Jesaisquec’esttonvisagequej’aienviedevoirlesoir,avantdem’endormir,etlematinlorsquejemeréveille.

Devinsedégageadesonétreinteavecunpetitrireamer.—CommeledisentlesRollingStones,onnepeutpastoujoursavoircequel’onveut.Gabeenfonçalesmainsdanssespoches.Ilsentitlaclécontresesdoigtsetsoncœurseserra.—Sijecomprendsbien,c’esttoutcequejevaisobtenircommeexplication.—Jesuisdésolée,ditDevin, refermant lesbrasautourdesapoitrine.Vraimentdésolée. Je…je

t’estimeénormément.Jet’assure.Etjen’oublieraijamaiscequetuasfaitpourVictor…Les paroles de Cade résonnèrent brusquement dans la tête de Gabe. « Elle a obtenu ce qu’elle

voulait.Tuasretrouvésonfrère.Etmaintenanttuaspeurqu’elletelaissetomber.»—Trèsbien.C’étaitnotreaccord.Tuastonfrère.J’ail’appuisouhaitépourmacandidature.Ilest

tempsdereprendrechacunsaroute.—Exactement,ditDevin.Il aurait juréavoirvudes larmes jaillirdanssesyeuxavantqu’elle sedétourneetdissimuleson

visagederrièreunrideaudecheveuxnoirs.Illasuivitdanslesalon.Ellesaisitsonsac,posésurlecanapé.Cemêmecanapéoùilsavaientfait

l’amourcommedesfous,àpeineuneheureauparavant.S’ilavaitsuquec’étaitladernièrefoisqu’illa

tenaitdanssesbras,qu’il l’embrassait, il auraitcontinué jusqu’àcequ’ellecèdeet reconnaissequ’ilsétaientfaitsl’unpourl’autre.

—Tuesunhommeformidable,Gabe,dit-elle.Elleglissalabandoulièredesonsacàsonépaule.—Ettuserasungrandprocureur.—Sijesuissiformidable,pourquoit’envas-tu?Devins’immobilisa,lamainsurlapoignéedelaporte,maiselleneseretournapas.—Commetul’assibiendit,nousavionsunaccord.Lecontratestrempli.Riennemeretientplus

ici.—Rien?Ils’avançaderrièreelle,écartalescheveuxdesoncouetposaunbaisersursontatouagearaignée.—Arrête,dit-elleens’écartant.Maisilavaiteuletempsdelasentirfrissonner.—Tun’aspasledroit.—Toutestpermis,enamourcommeàlaguerre.Elleouvritlaporte.—Cen’estpaslaguerreet…cen’estpasl’amournonplus.Laporteclaquaderrièreelle,ébranlantlecœurdeGabe.Ilgagnalecanapé.Ils’yassit,sortitlaclédesapoche.Iln’avaitqu’uneenvie,lajeteràtraversla

pièce,maisilsemaîtrisaetlaposadoucementsurlatablebasse.Ilrestaunlongmomentàlaregarder,abasourdi,sedemandantcommentlasituationavaitpubasculeraussivite.

Etsansexplication.IlsortitsonportableetappelaCade.—CadeHardesty,réponditunevoixensommeillée.—Tuesdegarde?—Hum.Equipedenuit.Jedorsàlacaserne.—TutesouviensdetapromessedemepayeràboiresiçatournaitmalavecDevin?—Ouais.—Ehbien,tupeuxpréparertonargent.Jevaisavoirbesoind’unremontant.

Chapitre18

22h15.LeMarkétaitpratiquementdésert,etlasoirée,déprimante,avecFreddiequitraînaitdanslesecteur,commeàsonhabitude.

Ce soir, les Yankees gagnaient haut la main. Devin jeta son chiffon dans l’évier et attrapa latélécommande,cherchantunprogrammeplusréjouissant.Ellezappasurdeuxoutroischaînesets’arrêtasoudainenentendantunevoixauxbellesintonationsgravesqu’ellereconnutaussitôt.

« JackKentfieldveutvous fairecroireque laville est encrise. Ilveutvous fairecroireque lesprédateursrôdentàchaquecoinderueetqueluiseulpeutvoussauver.Maisleschiffres,eux,nemententpas. Ilsdisentque la criminalité est endiminutionconstantedepuis les années1990.Lesmeurtresontdiminué de vingt-cinq pour-cent au cours des deux dernières années, les agressions sexuelles, de septpour-cent,etlescambriolages,dedix-huitpour-cent.»

Devin posa la télécommande, le regard rivé sur l’écran. Gabe était superbe dans son costumeanthracite,deboutsurlesmarchesd’unimposantbâtimentdemarbre,leventébouriffantlégèrementsescheveuxcourts.Mais,plusimportantencore,ilparaissaitsûrdelui,trèsàl’aise,sejouantdesquestionsdes reporters, une foule de supporters massée autour de lui. Devin aperçut Holcomb, le sénateurHumphriesetunancienjoueurdesKnicksdeNewYork.

Tuasfaitdubontravail,mafille,songea-t-elle,lecœurlourd.Ellenes’étaitpastrompée.Gabeétaitprêtàvolerdesespropresailes.

«Nousavonsconnuhuitannéesderéussitesousl’égidedeThaddeusHolcomb»,poursuivaitGabe.Ildésignasonpatrond’ungesteetcederniervintlerejoindre.«J’envisagedepoursuivresonactionenm’attelantàfairerespecterlaloietentravaillantavectous

nos partenaires afin de faire de nos rues les plus sûres de la nation. C’est la raison pour laquellej’annonceofficiellement,aujourd’hui,macandidaturepourlepostedeprocureurdeNewYork.Jevousremercie.

Quelquesreporterstentèrentunedernièrequestion,àchaquefoisengloutieparlesapplaudissementsdelafoule.Gabedescendit lesmarchesenserrantquelquesmains,puis lachaînerepassa l’antenneaustudio.

Deux nouveaux clients venaient de s’installer à une table et Devin fit le tour du bar pour allerprendre leur commande. Costume sombre, chemise blanche, cravate : des hommes d’affaires ou desavocats.LeMarkétaitundeleursrepaires.

Tandisqu’elles’approchait,elleperçutquelquesbribesdeconversation.—Jenesaispas…nerveux.—…pasdequois’inquiéter.—Etsi…

—…tel’avaisdit.—…queNelsonnepeutpasfairelelienavecmoi?Devinse figea. IldevaityavoirdescentainesdeNelsonàManhattan.Quelleétait laprobabilité

qu’ils’agissedeGabe?Ellesedissimuladerrièreunpilieretécouta,s’efforçantdenerienperdredecequisedisait.—Jegèrelasituation.Lorsquej’enauraifiniaveclegardien,pluspersonnenelecroira,mêmepas

sapropremère.Ilseraimpossibled’établirlemoindrelienentrecettevidéoetmoi.Et,s’ilsnepeuventpasfairedelienavecmoi,ilsnepourrontpasenfaireavecvous.

Letonétaitclair,tranchant,lavoix,vaguementfamilière.—Celaparaîtassezsimple,réponditledeuxièmehomme.Ilavaitunlégeraccentd’Europedel’Est.—Çal’est.Pasdesouci.Personnenesaurajamaisquenousavonsdissimulélesvidéosetquec’est

votrefilsqu’onvoitdessus.Ilsnepourrontjamaisétablirlemoindrelienaveclesmeurtres.—Commentpouvez-vousenêtrecertain?—C’est àcelaqu’ont servi lesvingtmilledollars.Moncontactau labo feraen sortequ’aucune

technologieexistantenepermetted’améliorerl’imageaupointdepouvoiridentifierPhillip.—Merci,Jack.Jevousrevaudraiça.Jack.Devindisposaitaumoinsd’unnom,maintenant.—Eh bien, vous soutenezma candidature au poste de procureur, vous financezma campagne…

offrez-moiunverreetjecroisquenousseronsquittes.Procureur?—Ceseraitvolontiers,maisilfaudraitpouvoirpassercommande.Iln’yapasdeserveurdansce

bar?Devin s’éclipsa sur lapointedespieds et seprécipitavers la réserveoù sonpatronprocédait à

l’inventaire.—Al,j’aibesoinquetumerendesunservice.Tupeuxt’occuperdesclientsdelatable3?—Jen’aipasfranchementletemps,commetupeuxlevoir.—Jetedonneraiuncoupdemain.S’ilteplaît.Devin se précipita vers le bureau et s’empara d’un carnet et d’un crayon. Il n’était pas question

qu’elledérangeGabechez lui,àcetteheure. Il fallaitabsolumentqu’ellenotecequ’elleavaitentendutantquec’étaitencorefraisdanssonesprit.

Zut,zutetzut.Pourquoin’avait-ellepaspenséàmettrelavidéodesoniPhoneenroute?Elleauraitlapreuvemanifestequecesdeuxhommesmagouillaient.Gabeallaitdevoirlacroiresurparole.Iln’étaitpasévidentqu’ilacceptedeluifaireconfiancevulafaçondontellel’avaitquitté.

—Laisse-moideviner,ditAl.Ils’agitd’unex-petitami.—Plutôtdefutursex-arnaqueurs.Allevaunsourcilétonné.—Tupeuxmedirecequit’arrive?Tuasétébizarretoutelasoirée.—Toutvabien,réponditDevin.Ellegriffonnaquelquesmotssurlecarnet.Jack.Procureur.Vidéosdesurveillance.Phillip.Meurtres.Lorsqu’elleeutterminé,ellelevalesyeuxversAl.—Alors,tuvasm’aider?—D’accord,jevaism’occuperdetatable.Ilôtasontablier,remitlecoldesachemiseenplace.—Maisdèsqueceserafaittuvasmedirecequisepasse.—Net’inquiètepas,sitoutsedéroulecommeprévu,tuenentendrasparlerdanslesmédias.

***

—Ilyaquelqu’unquidemandeàvousvoir.Gabelevalesyeuxdelaphrasequ’ilrelisaitpourlaénièmefois.—Jecroyaisvousavoirditquejenevoulaispasêtredérangé,répondit-ild’untonsec.Stephanie,sasecrétaire,pinçaleslèvres.Nomdenom.Ill’avaitencoreenvoyéepromener.IlétaitodieuxdepuisqueDevinl’avaitquitté.Il

n’arrivaitmêmeplusàtravailler.L’affaireParkAvenuepiétinait.ImpossibledeprouverquelquelienquecesoitentreJacketlavidéo.Enattendant,uninnocentrestaitenprison.

— Je suis désolé, dit Gabe. Je sais que ces dernières semaines n’ont pas été faciles. Je faisconfianceàvotrejugement.Cedoitêtreimportantsivousavezestiménécessairedemedéranger.

—Elleditquec’esturgent.—Elle?—C’estDevin.Jeluiaidemandédevouslaisserunmessage,maisellen’arienvoulusavoir.Le cœur de Gabe se mit à battre plus fort. Ce devait être extrêmement important si Devin se

déplaçait jusqu’àsonbureau.Ilavait tentéde la joindreunnombreincalculabledefoisdepuisqu’elleétaitpartie, il y avaitplusde trois semaines,mais ellen’avait réponduàaucunde ses appels. Il étaitévidentqu’ellenevoulaitplusavoiraffaireàlui.

Etait-ilarrivéquelquechoseàVictor?ALeo? Iln’osaitespérerqu’elleaitchangéd’aviset seprécipitepourlevoir,consciented’avoircommisuneénormeerreurenlequittant.

—Trèsbien,faites-laentrer,ditGabe.—Inutile,jesuislà!Devin entra dans le bureau en trombe.Elle s’assit sur une chaise, croisa ses jambes nues.Gabe

sentitsonpoulss’emballer.—Merci,Stephanie,dit-ilavecunpetitsignedetête.Ildesserralecoldesachemise,s’éclaircitlavoix,luttantcontrel’envieirrésistibledecéderàses

instinctslesplusprimairesetdeplaquerDevinsurlebureaupourluifairesauvagementl’amour.—Ilfallaitquejetevoie,ditDevin.C’esturgent.—J’aicrucomprendre.—C’estausujetdel’élection.Illâchasoncrayon.Celui-ciroulasurlebureau,s’immobilisacontresatasseàcafé.—L’élection?Devinacquiesçad’unhochementdetête,etilauraitjurésentirsoudainleparfumd’amandedeson

shampoing.—TonadversairesetrouvaitauMark,hiersoir.—Jack?—Oui.Il…Gabel’arrêtad’ungeste.—Uninstant.Ilseleva,sedirigeaverslecouloiretyjetauncoupd’œil.Personne.Ilfermalaporte,regagnason

bureau.—Explique-moi,maintenant.Devinpoussaversluilecarnetsurlequelelleavaitprisdesnotes.—J’espèrequeçavasuffire.J’auraispumeservirdemonportable,maisjen’aipaseuleréflexe

delefaire.Gabelutensilence.—Quelqu’und’autreasurpriscetteconversation?

—Non.Qu’est-cequeçaveutdire?—C’estcompliqué.MaisavectonaidejedevraispouvoircoincerJacketfairelibéreruninnocent.—Etgagnerl’élection.Gabeeutunpetithaussementd’épaules.—Ça,c’estsecondaire.Tuaspuvoirlesdeuxhommes?—Non.Etilsnem’ontpasvue.—Tucroisquetupourraisreconnaîtreleurvoix?—Probablement.Lapremièremesemblaitfamilièreet,dèsquel’autrehommel’aappeléJack,çaa

faittilt.Jel’aicroiséici,tutesouviens.L’autreavaitunaccentd’Europedel’Est.Jelereconnaîtraissijel’entendais.

Unaccentd’Europedel’Est,unfilsnomméPhillipetsuffisammentd’argentetd’influencepouravoirunassistantduprocureurdans sapoche? Il nepouvait s’agir qued’IlyaRoginsky,magnat del’immobilier et propriétaire de lamoitié deManhattan.On soupçonnait des liens avec lamafia russe.Jackn’étaitqu’unpetitjoueurencomparaison.

— Es-tu prête à jurer sous serment ? demanda Gabe. A faire une déposition auprès de moninspecteur?Atémoignerauprocès,éventuellement?

Gabeespéraitqu’ilsn’auraientpasàallerjusque-là.Mais,siceladevaitseproduire,ils’assureraitqueDevinbénéficiedetoutelaprotectionnécessaire.Siquelquechoseluiarrivait…

Ilpassaunemaindanssescheveux.Ilpréféraitnepaspenseràcedontilseraitcapable.—Jeleferais’illefaut,ditDevin.Seslèvrestremblaientlorsqu’elleajouta:—Tumecrois?—Biensûr.Pourquoinetecroirais-jepas?—Jenesaispas.Peut-êtreparcequej’airompuavectoi,quejen’airéponduàaucundetesappels

etquej’arriveicisansprévenir,avecquelquesmotsgriffonnéssuruncarnet.Gabesoufflalentementl’airqu’ilretenaitdanssespoumons.—Quoiqu’ilsesoitpasséentrenous,jesaisquetudislavérité.J’enmettraismamainàcouper.—Merci.Devindétournaleregard,fittournerentresesdoigtsl’undespetitsclousplantésàsonoreille.—Jeveuxquetusaches…Uncoupfrappéàlaportel’interrompit.—Entrez,ditGabe.C’étaitJack.—C’estquoi,cettemaniedefermerlesportes,encemoment?Oh!ajouta-t-il,apercevantDevin.

Jecomprends.Désolé.—Jen’endoutepas,ditGabe.Iln’avaitqu’uneenvie,luicollersonpoingdanslafigure.Maislarécompenseviendraitlorsqu’ille

verraitquitterlebureau,menottesauxpoings.—StephanieaditquetuavaislesminutesduprocèsReyes.—Ellesaitégalementquejeneveuxpasêtredérangé.—Oui,ellemel’avaguementlaisséentendre.Maisj’aibesoinderelireletémoignagedel’expert

deladéfense.—Jeluidemanderaidetelesapporterlorsquej’auraiterminéici.Devindécroisasesjambesetseleva.—Jevaisyaller.J’aitoutcequ’ilmefaut.SonregardcroisaceluideGabeetellehochaimperceptiblementlatête,confirmantqueJackétait

bienl’undesdeuxhommesprésentsauMark.

—Trèsbien,dit-il,laraccompagnantàlaporte.Ilsepenchaàsonoreille.—Jet’appelleraiafinquenouspuissionsenregistrertadéposition.—Gabe…LavoixdeDevinsebrisaetellereprit:—Gabe,jesuis…—Désolée,jesais.Ilouvritlaporte.Ellesetournaverslui,luiadressaunpâlesourireetsortit.Et,pourladeuxièmefoisenunmois,Gabevits’éloigner,impuissant,lafemmequ’ilaimait.

Chapitre19

—Qu’as-tudessinépournous,aujourd’hui?demandaDevin, sepenchantpar-dessus l’épauledeVictor.

C’étaitdevenuunrituel.Touslesjeudis,ellepassaitleprendreaufoyeretl’emmenaitausalondetatouage.Ilsemblaitenaimerl’atmosphèreetlesclientsbienveillants.

Sontravailterminé,Devinleramenaitaucentre.Larouteétaitlongue,deManhattanàLongIsland.Maisl’ouvertured’unfoyerétaitimminentedanslecentredeNewYork,nonloindechezelle.Ensuite,ilétaitpossiblequ’ilviennehabiterchezelle,avecuneaideàdomicileàpleintemps.

—C’estunhippocampe,réponditVictor,sansleverlesyeuxdesondessin.Ilavaittoujoursdumalàétablirlecontactparleregard.Maisilsesouvenaitd’elle,ilrépondaità

sesquestionsetlalaissaitparfoisletoucher.—C’est très beau, dit-elle, admirant les bleus et les verts dont il s’était servi pour l’animal, le

jaunepâledesalguesetlerougevifducorail.—Unenouvellecréationpournotrebook?demandaLeo,s’approchantàsontour.Ils’intéressaitdeplusenplusauxtalentsd’artistedeVictoretluiavaitfaitcadeaudepeintures,de

feutresetdepapier.—Ilsemblerait,ditDevin.Acepropos,Victor,quepenserais-tud’imaginerd’autrescréationspour

lesfêtesdefind’année?Noël avait toujours été sapériodepréférée.LePèreNoël, laneige, les traîneauxà clochettes, il

aimaittoutcela.—Etnouspourrionsaussidécorerlesalon.Victordemeuraleregardrivésursondessin,maisacquiesçad’unimperceptiblesignedetête.—Lemâlehippocampeestleseuldurègneanimalàdonnernaissanceàsespetits.—Ahbon?Commentlesais-tu?demandaDevin.—Jel’aivudansAnimalPlanet.Jesaisaussiquecesontdespoissons,qu’ilsnenagentpasbienet

qu’ilssechoisissentuncompagnonpourlavie.Victorsaisitunfeutrerougepourcolorerunebranchedecorail.—Leoesttoncompagnon?—Non,jesuissonami,réponditLeo.Etletienaussi.—Tudevraisavoirunpartenaire.Pourlavie.Commeleshippocampes,ditVictor, jetantunbref

coupd’œilàDevinavantderetourneràsondessin.EtGabe?Ilpourraitêtretonpartenaire,non?Victorn’avaitrencontréGabequ’àquelquesreprises,maisill’avaitvisiblementimpressionné,s’il

fallaitenjugerparlenombredefoisoùilparlaitdelui.

PourDevin,chaqueallusionàGaberemuaitlecouteaudanslaplaie.Ellecroyaitqueladouleursecalmerait, le tempspassant. Iln’enétait rien.C’étaitmêmepire.Presquedeuxmoisde torture,déjà,àpenseràluisansarrêt.

—Ilaraison,ditLeo.Aufait,tunem’asjamaisditcequis’étaitpasséaveclui.—C’estcompliqué.—Çal’esttoujours.—C’estmieuxainsi,detoutefaçon.—Pourqui?Excuse-moideteledire,hermanita,maisjet’aivueenmeilleureforme.Tutraverses

laviecommeunzombie.—Pasdutout.—Tuasbienfaillitetrompersurlafaçond’écrireunmotentatouantJazmin.—L’orthographen’ajamaisétémonfort.Etjem’ensuisaperçueàtemps,non?—Toutjuste.—J’aifini!s’exclamasoudainVictor.Etj’aifaim.—J’aiunebarrechocolatéedansmonsac,elletepermettrad’attendrel’heuredelafermeture.—Non,allez-y,ditLeo.Jefermerai.Detoutefaçon,j’attendsHector.Iladûoublierl’heuredeson

rendez-vous.Lecarillondelaportetintasoudain.Hectorentra,toutessoufflé,etselaissatomberdanslefauteuil.—Désolépourleretard.—Gabe,ditVictor.—Non,cen’estpasGabe.C’estHector.Ilvientpoursefairetatouersurl’épauleleloupquetuas

dessiné,justement.—Non,Gabe,insistaVictor,désignantlejournalqueHectorvenaitdeposer.Devins’ensaisit.Gabeavait fait launede lapressedepuis ladisgrâceet l’inculpationplusque

probabledeJack.Aujourd’hui,ilétaitenpremièrepage,toujoursaussiséduisant,maislestraitsfatigués.Legros titre, toutefois, neparlait pasdesmeurtresdeParkAvenue. Il disait : «Lecandidat lemieuxplacépourlepostedeprocureurpeut-êtreenpassederenoncer».

Devinselevad’unbond.—Quesepasse-t-il?demandaLeo.—Tiens,regarde,ilretiresacandidature.Toutcetravaildepréparationpourrien?Commentpeut-

ilmefaireça?—Atoi?ditLeo,levantunsourcilsoupçonneux.Oupourtoi?—Qu’est-cequec’estcensévouloirdire?— Tu as lu l’article ? Il envisage de quitter la bataille pour se consacrer à des questions plus

personnelles.Larumeurditqu’ilalecœurbrisé.Devinluiarrachalejournaletparcourutl’article.—Cen’estpasaussiclairquetuledis.—Pasexactement,c’estvrai.Maisiln’yaqu’àregarderlaphoto.Sicen’estpascelled’unhomme

dontonapiétinélecœur,alorsjenem’yconnaispas.—Jen’ai paspiétiné son cœur.Et, quoiqu’il en soit, je ne le laisserai pas renoncer, pas après

l’avoirquittépourqu’ilpuisse…Devinsemordit la lèvre.Troptard.LalueurdansleregarddeLeoendisait long.Etsonsourire

satisfaitaussi.—Ehbien,voilà,nousavançons.Hectortoussapours’éclaircirlavoix.—Quelqu’unpeutm’expliquercequisepasse?

—Devinaquittél’hommequ’elleaimeparcequ’ellecraignaitdenuireàsacarrière.Etmaintenantilrenonceàsacarrièrepourelle.

—Cen’estpasdutoutça!protestaDevin.—Ahnon?Iln’yapasbesoind’êtregrandobservateurpourcomprendre.—Pasgrandobservateur,répétaVictor.Devinsecoualatête.Cen’étaitpaspossible,ellenepouvaitpascroireàcequiarrivait.Oui,elle

aimaitGabe.Surcepoint,Leoavaitraison.Maisellerefusaitd’imaginerqu’ilpuisserenonceràcaused’elle.Ildevaityavoiruneautreraison.Etiln’yavaitqu’uneseulefaçondelesavoir.

Allerleluidemander.—J’aifaim,répétaVictor.Devinjetauncoupd’œilàlapendule.18h30.IlétaittroptardpourpasservoirGabeàsonbureau

ethorsdequestionqu’elleserendechezlui.Ilyavaittropdesouvenirs,detentationslà-bas.Etdetoutefaçon elle devait s’occuperdeVictor.Cequ’elle avait à dire àGabe attendrait demain.D’ici là, elleauraiteuletempsdesecalmeretderéfléchir.

—Allez,viens,dit-elleàVictor.—Hermanita,ditLeo,l’arrêtantaupassage.Situl’aimes,valevoiretfaiscequ’ilfautavantqu’il

soittroptard.—Etsi tuavaisraison?ditDevind’unevoixétranglée.Sic’étaitvraimentàcausedemoiqu’il

renonçait?—Alors,ilesttonhippocampe,ditVictor.Defaçontoutàfaitinattendue,Victorlevalatête,croisaleregarddeDevin.Laprofondeconfiance

etlacompréhensionqu’elleylutlabouleversèrent.—Tonpartenairepourlavie,ajoutaVictor.

***

—Jesuisdésolée,maisvousvenezjustedelemanquer,ditlasecrétairedeGabe.—Vousêtescertainedenepaspouvoirlerattraper,c’est…—Urgent,j’imagine?Unefoisdeplus.—Oui,ditDevin.C’estausujetdel’élection.—Danscecas, iln’yaplusd’urgence.Ilestsur lepointdedonneruneconférencedepresse.Il

retiresacandidature.LesangdeDevinnefitqu’untour.—C’estimpossible.Jedoisl’enempêcher.—Bonnechance!Ilestenroutepourl’hôteldeville.Letempsquevousarriviez…—Al’hôteldeville?coupaDevin.Aquelleheure?—Inutile.Vousn’yserezpasàtemps.—Aquelleheure?répétaDevind’untonsec.—Ilcommencesoninterventiondansdixminutes.—Merci.Tropaimable.Devintournaitdéjàlestalons.—Attendez…Lasecrétairesortitunbadgedesontiroir.—Tenez,ilvouspermettradefranchirlescontrôlesdesécurité.—Vousvoulezm’aider,maintenant?ironisaDevin.—J’ail’impressionqueGabeserabeaucoupplusfréquentablesivousrevenezdanssavie.—Quivousditquej’enail’intention?

—Pourquoivousprécipiteriez-vousainsipourl’empêcherdesesuiciderpolitiquement?Enplus,ilestinsupportabledepuisquevousavezrompu.Allez-y,dépêchez-vousavantqu’ilsoittroptard.

Devincouruttoutlelongducheminjusqu’àl’hôteldeville.Fortheureusement,elleavaittroquésesescarpinscontredesDocMartens.Unericheidée.Maintenant,elleallaitdevoirtrouverlesmotsjustesetlecouragedelesdire.Maisd’abordilfallaitqu’elletrouveGabedansledédaledel’hôteldeville.

Cette tâche lui fut épargnée.En tournant à l’angle de la rue, elle aperçut la foulemassée devantl’hôteldeville,l’endroitmêmeoùGabeavaitannoncésacandidature,deuxmoisplustôt.Lesvansdesprincipaleschaînesdetélévisionétaientgaréstoutautour.

Au sommet desmarches, derrière un pupitre, se tenaitGabe, en costume gris. Il était entouré deplusieurspersonnalitésdontHolcomb.

—Sinoussommesici,aujourd’hui,dit-il,c’estpourdeuxraisons.Lapremière,nousavonsprocédéàunearrestationdanslecadredel’affairedesmeurtresdeParkAvenue.

LecœurdeDevinsemitàbattreplusfort.Iln’avaitpasencoreannoncéqu’ilseretirait.Ouf!Ellen’étaitpasarrivéetroptard.Elleinspiraungrandbold’airetsoufflalentement.Elleavaitvécupasmaldemomentsdifficilesdanssavie,maiscelui-cilessurpassaittous.

Elle se fraya un chemin dans la foule tandis que Gabe poursuivait son compte rendu surl’arrestation.Unhommes’interposasoudaindevantelle,lebrastendu,lemot«sécurité»écritengrosseslettressurledevantdesoncoupe-vent.

—Seulelapresseestautoriséedanscepérimètre.Devinsouritetluitenditsonbadge.—Queljournal?Ellen’avaitpasprévucela.— The Village Voice, répondit-elle avec aplomb, citant le quotidien que de nombreux clients

lisaientausalon.Sonassurancelasauva.—Allez-y,ditlevigile.Ellesemitàgrimperlesmarches,s’arrêtaàmi-chemin,etécoutaGaberépondreauxquestionsdes

journalistesausujetdesmeurtres.Auboutdequelquesminutes, lesquestionss’épuisant,ellevitGabepasserunemaindanssescheveux,l’airsoudainplusgrave.

—Sinousenavonsfiniavecl’affaireParkAvenue,venons-enàlaseconderaisonpourlaquellejevousaiconvoquésaujourd’hui.

Ils’interrompit,letempsdeboireunegorgéed’eau.—C’estlecœurlourdetaprèsavoirmûrementréfléchiquej’aiprisladécisionde…—Non!Devin avait gravi lesmarches. Elle dépassa la première rangée de journalistes. Elle était seule,

exposée.—Nefaispascela,dit-elle.LeregarddeGabecroisa lesien.Derrièreelle,elleentendit lepasprécipitédesemployésde la

sécurité,leurstalkies-walkies.—Nerenoncepas,dit-ellelorsquedeuxgardesl’encadrèrent.Lavilleabesoindetoi.J’aibesoin

detoi…—Veuilleznoussuivre,s’ilvousplaît.—Lâchez-la,lançaGabe,dévalantlesmarches.Elleestavecmoi.IlpritlesmainsdeDevindanslessiennes.—Parle.Dis-moicequetuasàmedire.Ellepritunegrandeinspirationetsejetaàl’eau.

— Je t’aime, voilà pourquoi je ne peux pas te laisser renoncer. Je ne suis pas un atout pour lacarrièred’unhommepolitiqueetjenevoulaissurtoutpastecoûtertonrêve.C’estpourcelaquejesuispartie.

—Tunecomprendsvraimentpas?ditGabe.Monrêve,c’esttoi.Leresteimportepeusanstoi.Ilemprisonnasonvisageentresesmains,plongeasonregarddanslesien.—Sijedoischoisir,c’esttoiquejechoisirai.Jet’aime.—Etsitun’avaispasàchoisir?demanda-t-elle.—Nousn’entendonsrien!criasoudainunreporter.—Quesepasse-t-il?demandaunautre.Lesquestionsfusèrentdetoutesparts.—Quiestcettejeunefemme?—Renoncez-vousàvouslancerdanslacourse?GabesepenchaversDevin,posasonfrontcontrelesien.—C’estàtoidemeledire.—Non,tudoisrester,dit-elle.Elle s’écarta pour pouvoir le regarder et son cœur semit à battre plus fort en lisant tout ce que

reflétait son beau visage : un mélange de vulnérabilité, de détermination et, plus que tout, un amoursincère,inconditionnel.

EllesaisitGabeparlamain,l’entraînaverslepodium.—Ilrestedanslacourse,dit-elledanslemicro.Gaveposauninstantsamainsurlemicro.—Jenesuispasobligé.—Non,mais être au service du public, c’est toute ta vie.C’est ce que tu fais déjà et ce que tu

aimes.Jeneveuxrienychanger.Maisilnefaudrapasquetum’enveuillessituperdsl’électionàcausedemoietdemagrandebouche.

—Jet’aimetellequetues,murmuraGabe,l’attirantcontreluietlaserrantàl’étouffer.Etcommentpourrais-jeperdrealorsquej’aidéjàtantgagné?

—Unbaiser!criasoudainquelqu’undanslafoule.Uninstantplustard,lepublictoutentierscandaitàl’unisson:—Unbaiser!Unbaiser!—Qu’enpenses-tu?demandaGabe.Devons-nousleurdonnercequ’ilsréclament?Devinregardalepublic,puissetournaverslui.—C’esttonpublicettuesàsonservice.—Non,dit-il,seslèvreseffleurantlessiennes.Jesuistoutàtoi.Les larmes affluèrent dans les yeux deDevin et, pour la première fois de son existence, elle ne

chercha pas à les retenir. Peu lui importait queGabe les voie, que le public les voie. Elles disaientcombienelletenaitàlui.

—Embrasse-moi,murmura-t-elle.J’aihâtedepartird’icietdemeretrouvernue,danstesbras.J’aitellementenviedetoi.

Ilsouritcontreseslèvres.—Moi aussi, murmura-t-il, avant de les prendre en un baiser intense, plein de tendresse et de

promessesd’avenir.

Epilogue

—N’ouvresurtoutpaslesyeux,ditDevin,guidantGabedansl’escalier.C’estunesurprise.—Oùsommes-nous?—Sijeteledis,ceneseraplusunesurprise.Elle sortit la clé que Graham lui avait confiée et ouvrit la porte. Puis elle entraîna Gabe à

l’intérieur.—Tupeuxlesouvrir,àprésent.Ilregardatoutautourdelui,lesmursblancs,nus,lebeauparquetciré,l’espacetotalementvide.—C’est…charmant.Maisnousavonsdéjàunappartement.Devin songea avec bonheur au bel appartement de l’Upper West Side dans lequel ils s’étaient

installés tous les deux. Elle n’était plus serveuse et se consacrait désormais à ses tatouages et àd’autres…œuvres.Cequiexpliquaitleurprésenceici,aujourd’hui.

—Celieun’estpasdestinéàyvivre.C’estunegalerie.Elles’appelleraEsotericaetouvriradansquelquesmois.Etdevinequiseralepremierartisteàl’inaugurer.

—Toi?—Exactement.Ceseramapremièreexposition.Gabe souleva Devin dans ses bras et la fit tourner. Lorsqu’il la reposa, il l’attira contre lui et

l’embrassa.—Jesuistrèsfierdetoi.Jesavaisqueturéussirais.—Mercidem’avoirencouragée.Sanstoi,jen’yseraispasparvenue.—Biensûrquesi,tuesunebattante.EtsinousallionsannoncerlanouvelleàVictor?Devin sourit, heureuse que sa première pensée soit pour son frère. Mais cela pouvait attendre.

Victorsetrouvaitavecsesamis,danssonnouveaufoyer.Etelleavaitd’autresprojetspourGabe.—J’aiunebienmeilleureidée.Quedirais-tud’allerfêterl’événementauSuraThaietdeprendrele

dessertaulit?—Tuesunefemmepleined’idées,ditGabe,laserrantcontrelui.Ilrefermalesmainssursesfesses.—Cedoitêtrepourcelaquejesuistombéamoureuxdetoi.—Tuveuxdirequecen’estpaspourmoncorpsderêve,susurraDevin,selovantcontrelui,ravie

delesentirréagiraussitôt,nipourmacapacitéàt’attirerdessoutiens,monsieurleProcureur?—Jenesuispasencoreélu.—Tuleseras.Tuesnettemententêtedanslessondages.—Espérons.—Viens,ditGabe,saisissantsamain.Plusvitenousdînerons,plusvitenousenseronsaudessert.

—Riennenousempêchedecommencerparledessert,réponditDevin,mutine.Laisse-moijusteletempsdefermeretdeposerlaclépourGraham.

—Graham?—Oui,unamid’Ivy.—Jecroyaisquetunevoulaisd’aidedepersonne.—C’étaitunpeuradical,commeposition.Jet’aiécouté.C’estbien,parfois,depouvoircompter

surdesamis.—Ettunemanqueraspasd’appuis,désormais.TuaurastouslesNelsondetoncôté.—Iln’yaqu’unNelsondontj’aibesoinàmescôtés,réponditDevin.Etilestici.—Pourtoutelavie,ditGabe.Ilposaunbaisersursescheveuxetl’entraînadansl’escalier.—Aproposdecedessert…

***

Sivousavezaiméceroman

découvrezsansattendreleprécédentromandelasérie«Laloidudésir»:Danstonregard,ReginaKyle

Disponibledèsàprésentsurwww.harlequin.frEtnemanquezpaslasuite:

Contreteslèvres,septembre2016

TITREORIGINAL:TRIPLETIMETraductionfrançaise:CLAIRENEYMON

HARLEQUIN®

estunemarquedéposéeparleGroupeHarlequinSEXY®

estunemarquedéposéeparHarlequin©2015,DeniseSmoker.©2016,Harlequin.

Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:Femme:©GETTYIMAGES/ISTOCKPHOTO

Réalisationgraphiquecouverture:E.COURTECUISSE(Harlequin)Tousdroitsréservés.

ISBN978-2-2803-6268-9

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.

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