La logistique urbaine à l’épreuve du facteur 4

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ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE La logistique urbaine à lépreuve du facteur 4 Urban logistics putting factor 4 to the test J. Gonzalez-Feliu · C. Ambrosini · F. Henriot · J.-L. Routhier Reçu le 11 février 2011 ; accepté le 21 février 2012 © IFSTTAR et Springer-Verlag France 2012 Résumé Nous proposons ici une méthodologie et les résul- tats dune simulation de différents scénarios dévolution de la ville, visant à réduire de 75 % limpact des échanges de biens sur la production de gaz à effet de serre. Les scénarios sont construits sur la base dun état de lart associant des éléments relatifs à des travaux récents de prospective effec- tués sur le système des transports de la ville en France, et des résultats empiriques basés sur des enquêtes et des travaux de modélisation relatifs à la logistique urbaine. Il en ressort un ensemble de déterminants pertinents des changements potentiels dans la formation des flux de marchandises dans la ville. Partant du constat quen France, plus de la moitié des véhicules-km, équivalent voiture, générés par le transport de marchandises sont le fait des ménages réalisant leurs achats en voiture, les scénarios sont dessinés selon une approche systémique de la mobilité urbaine des biens et des personnes. Ils allient des aspects organisationnels (changements du système de transport des marchandises dans la ville) et des aspects daménagement et dusage des sols, notamment en ce qui concerne les générateurs de flux (industries, entrepôts, commerces, ménages). Les calculs permettant une mesure des impacts de ces scénarios sur la production de gaz à effet de serre sont effectués à laide dun modèle combinant dune part les déplacements entre les activités économiques productrices et dautre part les déplacements dachats des ménages. Il en résulte que les modifications en termes dorganisation savèrent être un complément indispensable dune politique de densification du tissu urbain. Mots clés Transports de marchandises en ville · Gaz à effet de serre · Développement durable · Facteur 4 Abstract In this paper, we are putting forward a methodo- logy and results from a simulation of different town deve- lopment scenarios, aimed at reducing the impact of green- house gas production from the exchange of goods by 75%. The state-of-the-art scenarios are designed based on combi- ning elements relating to recent planning work on town transport systems in France, and empirical results based on surveys and urban logistics modelling work. It shows a set of relevant determinants of potential changes in the formation of goods flows within the town. Based on the fact that, in France, more than half of the car-equivalent vehicle-km pro- duced by the transportation of goods are as a result of hou- seholds using their cars to go shopping, the scenarios are designed according to a systematic approach to urban mobi- lity of goods and people. They bring together organisational aspects (changes to the urban goods movement system) and aspects of planning and land use, especially with regard to flow generators such as factories, warehouses, shops and households. The calculations, allowing the measurement of the impact of these scenarios on the production of green- house gases, are carried out using a model that combines the changes between economic production activities on the one hand, and the changes to household purchases on the other. As a result, organisational changes are proving to be an essential addition to a policy for increasing the density of the urban fabric. Keywords Urban goods movement · Greenhouse gases · Sustainable development · Factor 4 Introduction La principale conclusion du comité intergouvernemental sur le changement climatique [1] est que les pays industria- lisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à lhorizon 2050 de manière très substantielle. À lheure actuelle, dans ces pays, on observe que si les émissions de gaz à effet de serre dorigine industrielle sont à peu près stabilisées, celles qui concernent le logement et les transports sont toujours en augmentation [2]. À cet égard, plusieurs pays européens se sont déjà fixé des objectifs à long terme J. Gonzalez-Feliu (*) · C. Ambrosini · F. Henriot · J.-L. Routhier Laboratoire déconomie des transports, 14, avenue Berthelot, F-69007 Lyon, France e-mail : [email protected] Rech. Transp. Secur. (2012) 28:88-100 DOI 10.1007/s13547-012-0031-y

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ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE

La logistique urbaine à l’épreuve du facteur 4

Urban logistics putting factor 4 to the test

J. Gonzalez-Feliu · C. Ambrosini · F. Henriot · J.-L. Routhier

Reçu le 11 février 2011 ; accepté le 21 février 2012© IFSTTAR et Springer-Verlag France 2012

Résumé Nous proposons ici une méthodologie et les résul-tats d’une simulation de différents scénarios d’évolution dela ville, visant à réduire de 75 % l’impact des échanges debiens sur la production de gaz à effet de serre. Les scénariossont construits sur la base d’un état de l’art associant deséléments relatifs à des travaux récents de prospective effec-tués sur le système des transports de la ville en France, et desrésultats empiriques basés sur des enquêtes et des travaux demodélisation relatifs à la logistique urbaine. Il en ressort unensemble de déterminants pertinents des changementspotentiels dans la formation des flux de marchandises dansla ville. Partant du constat qu’en France, plus de la moitié desvéhicules-km, équivalent voiture, générés par le transport demarchandises sont le fait des ménages réalisant leurs achatsen voiture, les scénarios sont dessinés selon une approchesystémique de la mobilité urbaine des biens et des personnes.Ils allient des aspects organisationnels (changements dusystème de transport des marchandises dans la ville) et desaspects d’aménagement et d’usage des sols, notamment ence qui concerne les générateurs de flux (industries, entrepôts,commerces, ménages). Les calculs permettant une mesuredes impacts de ces scénarios sur la production de gaz àeffet de serre sont effectués à l’aide d’un modèle combinantd’une part les déplacements entre les activités économiquesproductrices et d’autre part les déplacements d’achatsdes ménages. Il en résulte que les modifications en termesd’organisation s’avèrent être un complément indispensabled’une politique de densification du tissu urbain.

Mots clés Transports de marchandises en ville · Gaz à effetde serre · Développement durable · Facteur 4

Abstract In this paper, we are putting forward a methodo-logy and results from a simulation of different town deve-lopment scenarios, aimed at reducing the impact of green-

house gas production from the exchange of goods by 75%.The state-of-the-art scenarios are designed based on combi-ning elements relating to recent planning work on towntransport systems in France, and empirical results based onsurveys and urban logistics modelling work. It shows a set ofrelevant determinants of potential changes in the formationof goods flows within the town. Based on the fact that, inFrance, more than half of the car-equivalent vehicle-km pro-duced by the transportation of goods are as a result of hou-seholds using their cars to go shopping, the scenarios aredesigned according to a systematic approach to urban mobi-lity of goods and people. They bring together organisationalaspects (changes to the urban goods movement system) andaspects of planning and land use, especially with regard toflow generators such as factories, warehouses, shops andhouseholds. The calculations, allowing the measurement ofthe impact of these scenarios on the production of green-house gases, are carried out using a model that combinesthe changes between economic production activities on theone hand, and the changes to household purchases on theother. As a result, organisational changes are proving to bean essential addition to a policy for increasing the density ofthe urban fabric.

Keywords Urban goods movement · Greenhouse gases ·Sustainable development · Factor 4

Introduction

La principale conclusion du comité intergouvernementalsur le changement climatique [1] est que les pays industria-lisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre àl’horizon 2050 de manière très substantielle. À l’heureactuelle, dans ces pays, on observe que si les émissions degaz à effet de serre d’origine industrielle sont à peu prèsstabilisées, celles qui concernent le logement et les transportssont toujours en augmentation [2]. À cet égard, plusieurspays européens se sont déjà fixé des objectifs à long terme

J. Gonzalez-Feliu (*) · C. Ambrosini · F. Henriot · J.-L. RouthierLaboratoire d’économie des transports, 14, avenue Berthelot,F-69007 Lyon, Francee-mail : [email protected]

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pour inverser la tendance. Ainsi, Kawase et al. [3] indiquentque le Royaume-Uni cherche à atteindre l’objectif d’uneréduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre d’icià 2050, pour 75 % en France et 80 % en Allemagne etaux Pays-Bas. Comme le précise Lopez-Ruiz [4], l’objectiffrançais prend le nom de « facteur 4 ».

Bien qu’il existe déjà de nombreuses études relatives à laréduction des émissions de gaz à effet de serre dans ledomaine des transports, celles-là concernent essentiellementles transports de personnes (intra- et interurbains) et lestransports interurbains de marchandises [5–9]. La contribu-tion des mouvements de fret urbain à la pollution ne fait pasl’objet de développements particuliers. Ce papier se proposedonc de combler cette lacune, en soulignant la spécificité desmouvements de fret dans les agglomérations urbaines, ainsique celle des mesures qui peuvent être apportées à la résolu-tion des dysfonctionnements occasionnés par ces mouve-ments. Pour nous [10], les transports de marchandises enville (TMV) correspondent aux trois éléments suivants :les échanges de biens inter- et intra-entreprises (inter-établissements), les déplacements pour achats des ménageseffectués en véhicules particuliers (VP) et les autres mouve-ments de marchandises (déménagements, chantiers de cons-truction et sur voiries, collecte des déchets, etc.). Selon cettedéfinition des TMV, la contribution des déplacementsurbains de marchandises aux émissions de gaz à effet deserre s’élève à 25 % du total des émissions générées parl’ensemble du secteur des transports urbains [10,11]. Danscette définition ne sont pris en compte ni les flux de transit(i.e. les flux de passage à travers l’aire urbaine sans effectuerd’opérations de livraison ou enlèvement) ni les flux longuedistance (i.e. l’acheminement des marchandises en prove-nance de l’extérieur hors trajets réalisés à l’intérieur du péri-mètre d’étude). Les premiers sont généralement indépen-dants de la dynamique de la ville qu’ils traversent. En cequi concerne les seconds, les derniers kilomètres de cestrajets sont considérés : tout flux ayant une origine ou unedestination dans le périmètre d’étude est pris en compte poursa partie interne.

Compte tenu des spécificités des livraisons urbaines(une grande diversité d’organisations, dans un territoire res-treint, des fortes contraintes spatiales et temporaires et ungrand nombre d’acteurs impliqués selon Routhier, [11]), laquasi-totalité de ces dernières est effectuée par la route.En effet, rares sont les agglomérations en Europe où l’onobserve une utilisation non négligeable des modes ferro-viaire et fluvial par rapport au transport routier.

Dans le présent article, nous proposons une méthodologied’évaluation des mesures de politiques publiques à mettre enœuvre d’ici à 2050 dans le domaine des TMV, en vue delutter contre les émissions de gaz à effet de serre et notam-ment le CO2. À cet effet, nous nous référons à plusieursétudes françaises et européennes qui abordent l’évaluation

de l’impact des innovations sur la réduction des émissionset nous utilisons le modèle Freturb [12,13], développé par leLaboratoire d’économie des transports (LET). À partir de là,nous présentons une méthode pour l’étude des transportsurbains de marchandises à long terme sur la base d’unensemble de scénarios qui représentent les actions à mettreen œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serredans un horizon de 40 ans. Pour illustrer cette méthode, uneanalyse de scénarios est appliquée à l’aire urbaine de Lyon(environ 3 300 km2 et 1,9 million d’habitants en 2006). Qua-tre scénarios (dont la référence) sont proposés et simulés.Suite à une analyse des résultats, des conclusions et discus-sions sont proposées, en vue d’une application de cetteméthode à d’autres contextes urbains.

Contexte : logistique urbaine et facteur 4

Il est important, dès aujourd’hui, d’avoir une vision à longterme aussi claire et précise que possible de la situation, auregard des politiques qui doivent être mises en œuvre pourréduire les émissions de gaz à effet de serre. En effet, lesactions à entreprendre nécessitent un certain laps de tempsavant qu’on puisse en appréhender concrètement tous lesimpacts positifs et négatifs. Des conséquences inattenduespeuvent en effet apparaître et devront être évaluées. Par ail-leurs, c’est souvent la combinaison de différents politiquesqui fournira les solutions les plus efficientes, en générant dessynergies efficaces. A contrario, certaines actions considé-rées comme utiles à court terme sont susceptibles d’engagerla ville sur une voie moins vertueuse sur le long terme. Tousces éléments doivent être analysés, pesés et évalués demanière approfondie, afin d’apporter une aide efficace auxdécideurs publics, en leur donnant des clés de compréhen-sion cohérentes et appropriées sur ces questions fondamen-tales de long terme.

À cet effet, de manière générale, la littérature scientifiquepropose deux catégories principales de techniques empiri-ques de recherche : d’une part l’approche prévisionnelle(ou forecasting), basée sur l’utilisation de séries chronologi-ques et très utilisée dans les études à court et moyen termes(cette méthode estime les tendances futures à partir des don-nées actuellement disponibles), d’autre part l’approche back-casting, qui ne cherche pas à simuler un futur tel qu’il devraitprobablement apparaître, mais analyse les conditions néces-saires pour qu’un futur désiré soit rendu possible : des situa-tions hypothétiques sont envisagées et l’on recherche lesmesures à prendre, ainsi que les actions à mettre en œuvre,pour rendre chaque scénario compatible avec la réalité.

Cette seconde approche est privilégiée par un certainnombre d’études méthodologiques récentes en France,visant à satisfaire les objectifs que se sont fixés les gouver-nements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

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aux horizons 2020 ou 2050, dans l’optique d’un développe-ment durable. Citons notamment ici les travaux français deCrozet et al. [5], Criqui et Allaire [14] ; Raux et Traisnel [15]et Lopez-Ruiz et Crozet [16]. En prolongement de ces ana-lyses, Lopez-Ruiz et Crozet [9] ont formulé des recomman-dations à destination des décideurs publics, en vue de la miseen œuvre de mesures permettant d’atteindre le facteur 4.

Les analyses précédentes mettent l’accent sur des élémentsincontournables à prendre en compte pour élaborer des scé-narios de transports durables crédibles, dans le contexte destransports urbains de marchandises. Les paramètres les plusimportants sont associés aux hypothèses relatives aux sourcesd’énergie, aux améliorations technologiques, aux aspectsorganisationnels, à l’aménagement urbain et aux comporte-ments des usagers qui en découlent.

Par ailleurs, des analyses ont été menées sur le transportinterurbain de marchandises et sur le transport par rail[6,17,18]. À noter qu’à notre connaissance, aucune étudefrançaise ou étrangère n’aborde le domaine des transportsurbains de marchandises de manière spécifique en vued’atteindre le facteur 4.

Depuis le milieu des années 1990, de nombreuses étudesont traité de la question de la planification urbaine et despolitiques menées en matière de logistique urbaine (voirpar exemple [19,20]). Ces études insistent notamment surle rôle déterminant :

• de la localisation des activités économiques dans lesagglomérations urbaines ;

• des stratégies d’offre commerciale et des politiquespubliques ;

• de la logistique et des aspects organisationnels de l’offreurbaine ;

• du rôle des nouvelles technologies.

Par rapport au transport interurbain, le transport urbain demarchandises possède des éléments spécifiques : un trèsgrand nombre d’opérateurs et une gestion particulière deschaînes logistiques (des véhicules de livraison très divers,des organisations en tournées et en traces directes) ; unelarge part de marché dévolue au compte propre ; un nombreimportant de sous-traitants. Ces divers éléments expliquentle caractère onéreux des mouvements associés au dernierkilomètre, encore augmenté par la congestion, par lescontraintes qui pèsent de plus en plus sur le partage de lavoirie entre tous les usagers et par les nouvelles orientationsdes réglementations et des nouvelles politiques mises enœuvre par les pouvoirs publics locaux.

Globalement, l’ensemble des trois types de flux de mar-chandises (échanges inter-établissements, déplacementsd’achat et flux pour la gestion urbaine) présentés en intro-duction représente environ 20 % (en véhicules-km-EVP) dutrafic motorisé urbain total, ce qui correspond à peu près à25 % des émissions de CO2 [10]. Dans la suite, on considé-

rera uniquement les deux premiers segments précédemmentdéfinis (soit environ 90 % du trafic total marchandises envéhicules-km-EVP), sur lesquels seront effectuées diversessimulations. Ces deux catégories comprennent les livraisonset enlèvements dans tous les établissements de l’aire urbaine,les déplacements d’achat motorisés des ménages et les nou-velles formes de distribution au consommateur final tellesque les livraisons à domicile ou à proximité du lieu deconsommation.

Ségalou et al. [10] ont constaté que les mouvements demarchandises en milieu urbain sont loin d’être tous réaliséspar de gros camions. Ainsi en France, si l’on ne tient pascompte des déplacements des ménages pour achats en VP,environ 50 % des véhicules-kilomètres sont réalisés par desvéhicules de plus de 3,5 t [11]. Par ailleurs, les services sta-tistiques du ministère des Transports français [21] indiquentqu’un tiers des véhicules commerciaux légers (moins de 3,5 tde charge utile) sont affectés à un transport de marchandisesrégulier. Pour cette raison, il est essentiel d’identifier trèsprécisément la contribution des flux urbains de marchandi-ses à la génération du trafic, en utilisant des bases de donnéespertinentes et appropriées. La méthode présentée dans cetarticle est le prolongement d’une procédure d’acquisition etd’analyse de données mise en place en France depuisplusieurs années, en vue de réaliser un bilan environnemen-tal complet des flux urbains de marchandises [22]. Il s’agitdu modèle opérationnel Freturb [12] destiné à apporterune aide aux prises de décisions locales pour estimer lacontribution de divers acteurs de la logistique urbaine, enmatière de consommation d’énergie, de congestion et depréoccupations environnementales (pollution, gaz à effet deserre, bruit).

À l’heure actuelle, dans les villes [19,20], le type d’acti-vité est significativement relié au mode de gestion, au moded’organisation et à la taille des véhicules. La chaîne de trans-port est en connexion directe avec le mode de gestion et letype d’activité. En nombre de livraisons/enlèvements, lesparts du compte propre et du compte d’autrui sont similaires.Les trois quarts des livraisons/enlèvements sont effectués entournées (un quart en traces directes, où le véhicule effectueun mouvement de A vers B, puis revient directement en A) ;dans le même temps, les trois quarts des sorties de véhiculesne comportent qu’un seul trajet (traces directes). Environ50 % des livraisons/enlèvements sont effectués par des véhi-cules de moins de 3,5 t. Par ailleurs, la distance moyenneparcourue dépend fortement du mode de gestion (comptepropre expéditeur ou destinataire, compte d’autrui), ainsique de la densité urbaine.

En ce qui concerne les déplacements liés aux pratiquesd’achats, ils ont été principalement étudiés du point de vuede la personne et non de la marchandise transportée. Il enressort que ces déplacements représentent environ 15 % dunombre de déplacements de personnes effectués en semaine

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et 25 % le samedi [22]. Par contre, c’est du point de vue de lamarchandise qu’ils ont une importance encore majeure : lesdéplacements d’achat motorisés représentent aussi 50 % del’occupation de la voirie du TMV [2]. Ces déplacements sontliés, non seulement aux dynamiques de la vie personnelle(horaires et lieu de travail, activité, situation familiale…)mais aussi à celles de la ville (urbanisme, accessibilité etattractivité commerciale) et des activités concernées (straté-gie commerciale, services de livraison ou de retrait des pro-duits achetés, pôles commerciaux et de loisirs…).

Différentes mesures peuvent être mises en œuvre pourtenter de modifier l’une ou l’autre des nombreuses organisa-tions du transport urbain de fret, notamment l’organisationdes tournées, dont l’efficacité peut encore être améliorée demanière appréciable. Il serait souhaitable de modifier lescomportements des opérateurs en compte propre en vue deles orienter vers le compte d’autrui, mode de gestion plusefficient. À cet égard, un tel infléchissement devrait permet-tre une diminution du nombre de véhicules utilisés, ainsiqu’une baisse du nombre de kilomètres parcourus, induisanten cela une baisse des émissions polluantes.

Méthodologie proposée et application au caslyonnais

Afin d’inclure les éléments spécifiques aux transportsurbains de marchandises dans une analyse à long terme del’évolution des émissions de gaz à effet de serre, nous pro-posons ici un cadre méthodologique adapté à l’élaborationd’un certain nombre de scénarios contrastés. Ce cadrecorrespond à la première étape d’une analyse de type back-casting et, pour cela, prend en considération les actions judi-cieuses à entreprendre à court terme, compte tenu des enjeuxet objectifs affichés, ainsi que des programmes à mettre enœuvre sur la période considérée.

À cet effet, la Figure 1 présente, dans les grandes lignes,le processus de décision, replacé dans le contexte générald’un aménagement logistique urbain à long terme. Toutd’abord, les décideurs identifient les principaux enjeux àlong terme associés au TMV, puis définissent des objectifspertinents. Ces derniers vont guider les choix stratégiquesqui justifieront les mesures prises, en termes de politiquespubliques.

Fig. 1 Schéma de la méthodologie proposée

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Afin d’étudier l’impact de ces mesures, des scénarios sontétablis, non seulement sur la base des éléments précédentsmais aussi en prenant en compte des éléments exogènes surlesquels les décideurs n’ont pas de prise directe (par exempleles fluctuations des prix des carburants), la forme urbaine(i.e. les différentes configurations de la ville) et la réactiondes usagers aux mesures mises en œuvre. Les interactions etsynergies entre tous ces éléments seront simulées afind’estimer les impacts, par exemple en termes d’occupationde la voirie ou d’émissions des gaz à effet de serre.

Les enjeux actuels sont à l’origine de la définition desprincipaux objectifs de l’analyse à long terme. Dans cetteétude, nous fondons l’analyse sur la recherche du facteur 4,c’est-à-dire que pour satisfaire au protocole de Kyoto, laFrance s’est fixé comme objectif de réduire de 75 % lesémissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. La ques-tion posée ici est de mesurer l’importance des TMV auregard des autres sources d’émissions de gaz à effet de serredu fait du transport urbain. Différentes orientations stratégi-ques sont possibles pour atteindre le but fixé. On peutdistinguer :

• les actions sur le tissu urbain (localisation des entrepôts,des plates-formes, des hyper- et supermarchés, des diver-ses activités industrielles et commerciales) ; les effets deshautes densités ; la composition-même du paysage desactivités présentes en ville ;

• l’optimisation de la gestion des transports de marchandi-ses (coopération et consolidation, empaquetage, camionscomplets, itinéraires, etc.), y compris les nouvelles locali-sations logistiques et l’utilisation des nouvelles technolo-gies de l’information ;

• les mesures prises par les pouvoirs publics locaux (miseen place d’un péage urbain, incitation à des comporte-ments « doux » en matière de transport, diverses mesuresréglementaires, telles que des interdictions ou des restric-tions d’accès, entre autres) ;

• le développement du e-commerce, des livraisons à domi-cile et en points relais ;

• le développement des véhicules « propres ».

Sur le schéma précédent, les éléments externes correspon-dent à ceux qui interagissent avec les mesures prises, maisdont les impacts ne peuvent être directement maîtrisés par lespouvoirs publics. Les plus importants d’entre eux se rappor-tent au contexte économique et social, à tous les niveaux(mondial, européen, national, régional, local, urbain etsuburbain). On peut poser des hypothèses sur les tendancesà long terme de ces éléments, mais il est difficile d’en donnerdes estimations correctes. En effet, dans le contexte écono-mique actuel, les fluctuations des prix du pétrole [15],l’impact de la crise économique et les nouvelles orientationsde l’économie risquent de changer la donne, en modifiantsubstantiellement des tendances à moyen et long termes

calées sur les décennies précédentes. Il convient donc deprendre en compte ces éléments avec prudence, dans la cons-truction du scénario tendanciel à l’horizon 2050.

Le contexte social, et plus précisément les réactions desagents économiques (ménages, entreprises) aux infléchisse-ments requis par les nouvelles politiques mises en œuvredoivent également être analysées au cas par cas. Il en va eneffet de la pertinence des scénarios, puisque ceux-ci sontélaborés en intégrant ces différents éléments de manière exo-gène. Dans le scénario tendanciel, les comportements desagents seront considérés comme conformes aux comporte-ments considérés en 2006 et aux hypothèses d’évolutionformulées dans des travaux récents. Les changements decomportement sont pris en compte dans les différents scéna-rios de politique considérés. Dans cet article, nous en restonsà une approche macroscopique.

La forme urbaine correspond à la fois une configurationphysique et à une configuration socio-économique de l’aireurbaine, considérée comme la résultante des choix et destrains de mesures envisagés. Elle comprend notamment leséléments suivants :

• les sources d’énergie et les technologies de motorisation ;

• les caractéristiques démographiques et socio-économi-ques de la population ;

• les caractéristiques démographiques et socio-économi-ques des activités économiques ;

• l’organisation et la gestion des agglomérations.

À partir des éléments listés ci-dessus, nous pouvonsélaborer différents scénarios, avant de les simuler. Il fauts’attendre à des interactions et des synergies entre les princi-paux éléments de la forme urbaine. Les résultats de la simu-lation peuvent être progressivement améliorés grâce à uneprocédure itérative mettant à profit divers effets en retour.

Nous proposons une approche voisine de la démarchebackcasting exposée précédemment. Nous posons un certainnombre d’hypothèses, de façon à élaborer quelques scéna-rios qui seront ensuite simulés en vue de faire émerger lameilleure configuration parmi celles qui auront été propo-sées. Enfin, nous analyserons les actions possibles suscepti-bles de conduire à cette situation dans les faits.

Nous présentons brièvement ci-dessous les scénarios élé-mentaires, puis nous détaillons précisément l’ensemble dessituations simulées, mettant en évidence les hypothèsesposées et, le cas échéant, les combinaisons construites surla base de plusieurs scénarios élémentaires.

Scénarios et hypothèses élémentaires

Les scénarios élémentaires que nous proposons ici sont lessuivants :

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• S0 : scénario tendanciel (« fil de l’eau »), extrapolant lestendances actuelles (1999 et 2006) à l’horizon 2050 ;

• S1 : scénario « recentrage de la population et densificationdes activités dans l’agglomération », qui combine unedensification de la population dans les zones centralesde l’agglomération, et une évolution du tissu commercialqui accompagne cette densification, à partir de l’hypo-thèse suivante : les volumes fournis aux ménages par leshypermarchés, les supermarchés et les petits commercesde détail restent similaires (soit 40 % pour le petit com-merce, et 30 % pour chaque type de surface commercialede la grande distribution) ;

• S2 : scénario « gestion du transport dans l’organisationdes échanges entre les établissements et généralisationdes nouvelles formes de livraison à proximité ». Nousposons l’hypothèse que la part du transport pour compted’autrui passe de 45 % (aujourd’hui, en nombre de livrai-sons et enlèvements) à 75 % (en 2050). De plus, nousposons aussi comme hypothèse que la moitié des achatsdes ménages passe par le e-commerce et les livraisons àdomicile ;

• S3 : scénario mixte, basé sur une combinaison des scéna-rios S1 et S2. Ce scénario résulte de la combinaison deshypothèses du scénario S2 avec celles du scénario S3.

Présentation précise des situations simulées

Nous présentons ci-dessous les différents scénarios dans ledétail. Les hypothèses de transformation de l’espace urbainsont construites par « couronne ». Il convient donc àprésent de préciser les espaces concernés par les termessuivants :

• le « noyau central » regroupe les deux communes de Lyon(neuf arrondissements) et de Villeurbanne, correspondantà l’espace dense, avec contraintes foncières fortes (plus de10 000 habitants (hab.) au km2 en 2006) ;

• la « première couronne » regroupe 13 zones (Enquêteménages déplacements de Lyon, 2006) qui sont en contactou très proches de ce noyau central. Elle présente unedensité moyenne de plus de 1 000 hab. au km2, etregroupe de manière générale toutes les communes del’agglomération urbaine (47 communes dans la premièrecouronne) ;

• la « seconde couronne » regroupe toutes les autres com-munes, faisant partie de l’aire urbaine de Lyon. Figurentdonc dans cette couronne des pôles secondaires et descommunes rurales (densité globale de moins de 350 hab.par km2). Seize communes présentent des densités au-delàde 1 000 hab. au km2, alors que 102 communes sont endessous de 100 hab. au km2.

Scénario S0 : fil de l’eau à l’horizon 2050

Les éléments suivants sont considérés comme exogènes :démographie et grandes tendances concernant les ménagesd’une part, énergie et technologie d’autre part.

La population est estimée à partir des prévisions du GrandLyon [23], soit un accroissement annuel de la population de0,5 % dans l’aire urbaine de Lyon pour la prochaine décen-nie (jusqu’en 2020). Ensuite, nous supposons que cetaccroissement se fait plus faible si bien que la populationtotale de l’aire urbaine passerait de 2 M d’habitants en2006 à 2,3 M en 2050, tandis que le nombre de ménagesaugmenterait de 0,85 M à 1 M, si l’on pose l’hypothèseque le nombre de personnes par ménage reste le même pourune zone donnée. En termes de localisation, la populationpoursuit son étalement, les zones centrales restent inchan-gées en densité, alors que les zones périphériques (premièreet seconde couronnes) progressent, respectivement de 3‰ etde 5 ‰ par an sur les 45 années de l’étude, soit respective-ment une progression de 14 et 25 % pour la première etseconde couronne. Le taux de motorisation des ménagesest obtenu à partir de l’Enquête ménages déplacements2006 de Lyon [24]. Le taux de motorisation moyen en2006 était de 1,39 à l’échelle de l’aire urbaine, mais avecdes différences par rapport à chaque zone (les ménages dunoyau central présentent un taux de motorisation de 0,96 ;ceux de la première couronne de 1,46 et ceux de la deuxièmecouronne de 1,60). À partir des derniers résultats del’Enquête nationale transports et déplacements [25], et enprojetant les tendances d’évolution des taux de motorisationdes ménages selon les tendances observées entre 1982 et2008, nous pouvons en déduire une stabilisation de la crois-sance en 2025. En d’autres mots, le nombre de VP parménage va encore augmenter de 5 % (obtenu par prolonge-ment de ces tendances) jusqu’en 2020, puis nous assumonsune croissance zéro jusqu’en 2050). Cette tendance estsupposée similaire pour les trois catégories d’espace urbainde l’aire urbaine.

La prévision de l’évolution démographique des activitéséconomiques provient des résultats de l’étude de Routhier etal. [2] : le nombre de petits commerces reste similaire à celuide 2006 (mais le nombre de leurs employés croît proportion-nellement à celui de la population totale, suivant une ten-dance déjà observée ces 15 dernières années), le nombredes autres magasins, ainsi que leurs taux d’emploi, s’accroîtproportionnellement à l’ensemble de la population. Étantdonné les contraintes d’espace qui pèsent sur les possibilitésde nouvelles implantations de la grande distribution (moyen-nes surfaces et très grandes surfaces), nous posons l’hypo-thèse qu’il sera plus aisé à l’emploi de la grande distributionde progresser dans la première couronne, et a fortiori dans laseconde. Pour le fil de l’eau, l’emploi de la grande

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distribution progresse selon les taux figurant dans le tableauci-dessous (Tableau 1).

Scénario S1 : recentrage de la populationdans l’agglomération

Nous faisons ici l’hypothèse que l’étalement urbain estlimité à un rayon de 15 km autour du noyau de l’agglomé-ration, le noyau central voyant même sa population augmen-ter de 12 % en 44 ans, alors qu’elle ne progresse que de4,5 % pour S0. L’essentiel des transformations de l’espaceurbain, dans ce cas, se produit donc dans la première cou-ronne, regroupant essentiellement les communes déjà agglo-mérées au noyau central en 2006. La population de lapremière couronne progresse de 8,5 ‰ par an, soit une pro-gression finale de 45 %, ce qui représente une forte densifi-cation de l’espace. La seconde couronne est quasiment figéeentre 2006 et 2050, avec une progression de moins de 1 % desa population en 45 ans (Tableau 2).

À partir de cette distribution de la population, nous pou-vons estimer le nombre et la localisation des commerces dedétail en utilisant des tables d’équivalence entre types decommerces [26] de telle façon que 40 % de la demande debiens de consommation (en tonnes) soit affectée aux petitscommerces inférieurs à 400 m2 et 30 % respectivement auxsupermarchés de moyenne surface et hypermarchés (surfacede vente supérieure à 2 000 m2). En 2006, les supermarchésreprésentaient 14 % (en tonnage distribué) de l’offre totaleaux ménages, les 86 % restants étant répartis à parts égalesentre les deux autres catégories. Selon les ratios de Henriot etRouthier [26], nous avons appliqué des taux décroissants aunombre de petits commerces et d’hypermarchés, un tauxcroissant au nombre de supermarchés. On pose l’hypothèse

que cette nouvelle configuration de l’offre commercialerépond à la demande des consommateurs sur l’ensemblede l’agglomération urbaine considérée. Il est égalementsupposé que la demande de consommation des ménages(en poids des biens, et non en valeur) reste identique surla période 2006–2050.

Scénario S2 : gestion en compte d’autruipour l’approvisionnement des établissementset généralisation des nouvelles formes de livraisonà proximité

Ce scénario agit sur l’organisation du transport dans les deuxcomposantes (amont et aval du commerce de détail). Actuel-lement, les mouvements de marchandises en ville sont réa-lisés presque autant en compte d’autrui qu’en compte propre(transport réalisé par l’expéditeur ou le destinataire aumoyen de ses propres camions ou de camions de location).En appliquant le modèle de simulation Freturb [12] sur l’aireurbaine de Lyon, 45 % des livraisons et enlèvements seraientréalisés en compte d’autrui. Les études françaises portant surles TMV montrent clairement que le transport pour compted’autrui est plus efficient : les tournées organisées selon cemode de gestion comportent en moyenne 19 points de dis-tribution, contre 13 pour le compte propre expéditeur et 5seulement dans le cas du compte propre destinataire. Demême, le nombre moyen de kilomètres parcourus entre deuxpoints de livraison est plus important en compte proprequ’en compte d’autrui [27]. Dans ce scénario, on pose l’hy-pothèse que la distance d’un déplacement, étant donné letype de véhicule, le mode de gestion et la zone desservie,reste à peu près la même entre 2006 et 2050. On pose parailleurs l’hypothèse que la part du nombre de livraisons etenlèvements transport pour compte d’autrui passe de 45 à75 % en 2050, évolution possible sur une période de 45 ans.

De plus, on suppose que le e-commerce et les services delivraison de proximité sont utilisés par 50 % de la population(motorisée ou non). Plusieurs expérimentations récentes ontété mises en œuvre à Nantes, en France [28]. Elles montrentque 60 % des personnes qui utilisent ces types de service sefont livrer à la maison et que 40 % d’entre elles utilisent despoints relais ou le retrait en hypermarché. Dans ce scénario,nous donnons plus d’importance aux points relais, en suppo-sant aussi que les petits commerces de détail peuvent remplircette fonction. De plus, dans le but de réduire les trajetsmotorisés des ménages, le retrait en hypermarché n’est plusautorisé. Pour résumer, la répartition des déplacementsd’achats envisagée est la suivante : 50 % des ménages conti-nuent de s’approvisionner de façon traditionnelle, 20 % uti-lisent les services de livraison à domicile et 30 % ont recoursaux points relais. Dans ce scénario on utilise la distributiondes activités proposées dans le scénario S1.

Tableau 1 Progression annuelle de l’emploi

Moyennes surfaces

(‰)

Très grandes

surfaces (‰)

Noyau central 2 1

Première couronne 3 3

Seconde couronne 4 4

Tableau 2 Densités de population pour chaque catégorie

d’espace urbain

2006 2050

Scénario S0 Scénario S1

Noyau central 10 201 10 660 11 386

Première couronne 1 069 1 368 1 740

Seconde couronne 333 414 335

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Scénario S3 : scénario mixte

Ce scénario résulte de la combinaison des deux précédents,c’est-à-dire qui tient en compte tant un recentrage des popu-lations accompagné d’un changement du tissu commercialfavorisant le commerce de proximité et les supermarchésen zone dense, et une organisation du transport plus ration-nelle, notamment avec une augmentation du transport encompte d’autrui et la généralisation d’un système mixte delivraison à proximité des lieux de consommation combinantla livraison à domicile et un réseau étendu de points relais.

Outils et démarche de simulation

La méthode de simulation est basée sur la combinaison dedeux modules, selon le cadre proposé par Gonzalez-Feliuet al. [13] : un modèle de simulation des flux inter-établissements [12] et une procédure de simulation des fluxrelatifs aux consommateurs finaux [29]. Ces deux modèlesfournissent une estimation mésoscopique des kilométragesproduits par ces deux composantes fondamentales des dépla-cements de marchandises en milieu urbain. Seul le moderoutier est pris en compte, avec une décomposition en VP,en véhicules utilitaires légers (VUL < 3,5 t), en camionsporteurs (châssis rigide, de PTAC > 3,5 à 28 t), en ensemblesarticulés (de 28 à 44 t de PTAC). Dans le calcul des trafics,le parc roulant est décomposé en quatre types de véhicules(VP, VUL, porteurs, articulés).

La simulation est articulée comme suit. À partir d’unesituation de référence, des scénarios sont constitués et repré-sentés dans un zonage (qui illustre la ville et la situation àsimuler) avec sa composition urbaine en termes de popula-tion, tissu commercial et organisation logistique. Ensuite, lesflux inter-établissements [12], les déplacements d’achat desménages [29] sont simulés. Afin de les intégrer et les faireinteragir, des procédures de substitution des flux par desnouvelles formes de distribution [13] nous ont permis desimuler les effets de la vente à distance et des livraisons àproximité sur les deux catégories de flux. Ensuite, nous agré-geons les résultats pour obtenir le nombre total de kilomètresannuels parcourus par chaque type de véhicule.

Les résultats de ces simulations sont ensuite intégrés àune procédure qui permet d’estimer à la fois les impactssur le trafic, en termes d’occupation de la voirie (nombrede kilomètres EVP1) et les émissions de gaz à effet de serre(en tonnes, équivalent-CO2). Cette procédure affecte lescoefficients correspondants des flux de trafic à chaque caté-gorie de véhicules, ainsi que les ratios d’émissions de gaz àeffet de serre (CH4 et N2O en équivalents CO2). Pour cela,nous nous sommes appuyés sur la méthodologie proposée

par l’ADEME [30] et son logiciel IMPACT, pour l’appliquerà notre scénario de référence à l’horizon 2050. La décompo-sition du parc roulant en chacune des classes de véhiculesprises en compte dans le logiciel IMPACT (motorisation et lePTAC) a été calculée selon la répartition du parc national.

Impact ADEME pose des hypothèses d’évolution du parcentre 2000 et 2025. Le parc a été tout d’abord projeté à 2006,date de référence pour la population et la mesure de la moto-risation des ménages sur l’aire urbaine de Lyon. Pour com-pléter cette approche, nous avons utilisé les hypothèsesde Crozet et al. [8] qui portent jusqu’en 2050. Le tableauci-dessous précise les hypothèses de répartition des motori-sations à cet horizon (Tableau 3).

Concernant les choix en matière technologique et deconsommation d’énergie, nous avons adapté les hypothèsesproposées par Crozet et al. [8] dans son scénario d’évolu-tions technologiques à la simulation des mouvementsurbains de marchandises pour tous les scénarios. Dans cecontexte, trois types de véhicules ont été considérés :

• les VP, lorsqu’elles servent aux déplacements pour achats,dont on suppose qu’elles procèdent des mêmes ratios quedans Crozet et al. [8], c’est-à-dire 56 % de voitures hybri-des diesel-électrique, 24 % de voitures hybrides essence-électrique et 20 % de voitures électriques ;

• les VUL, dont on suppose que le parc sera réparti en20 % de véhicules hybrides diesel-électrique et 80 % devéhicules électriques ;

• les poids-lourds, composés à 100 % de véhicules hybridesdiesel-électrique.

On pose l’hypothèse selon laquelle, pour chacune descatégories précédentes, les ratios sont atteints en 2050, aprèsque les véhicules à moteur thermique auront été progressi-vement remplacés par des véhicules à moteurs hybrides. Letableau suivant présente les hypothèses de répartition duparc de véhicules en 2050 selon la motorisation des véhicu-les (essence-électrique, diesel-électrique, électrique) et selonle type de véhicule (VP, VUL, poids-lourd) (Tableau 3).Les pourcentages sont tirés des travaux de Pinchon [31],Morchoine [32] et Crozet et al. [8] :

À défaut d’estimations plus précises, le calcul des émis-sions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 a été obtenu parles quantités de GES émises en 2006 (calculées à l’aide dulogiciel IMPACT) corrigées par les pourcentages de réduc-tion, produites dans le tableau 3. En autres mots, à partir duparc 2006, un parc 2050 est constitué. Les émissions desvéhicules sont premièrement estimées en utilisant le prolon-gement du logiciel IMPACT en prenant le parc IMPACADEME 2006, puis en utilisant les hypothèses de réductionde Crozet et al. [8], résumés dans le tableau 3, nous estimonspour chaque type de véhicule (en termes de taille et de moto-risation) les émissions de gaz à effet de serre. Une telleapproche, bien que relativement grossière, a le mérite de

1 EVP : 1 VUL = 1,5 VP ; 1 camion porteur = 2 VP ; 1 camionarticulé = 2,5 VP.

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calculer l’impact d’une évolution technologique du parc devéhicules spécifiquement consacré aux échanges de biensdans une aire urbaine sur les émissions de GES en respectantune cohérence avec les hypothèses de l’ADEME et lestravaux de Criqui et Allaire [14] et Crozet et al. [8].

Principaux résultats

Les scénarios décrits plus haut ont été simulés en vue d’esti-mer, pour chacun d’eux, la réduction apportée dans les émis-sions de gaz à effet de serre. Dans le tableau suivant, nousavons reporté l’impact de chaque scénario relativementaux distances totales parcourues (Tableau 4). Nous avons tra-vaillé sur les kilomètres équivalent-voiture particulière (EVP),annuels (cf. données de l’année 2006). Le tableau indique, enpourcentages, les gains ou pertes par rapport à 2006.

La part respective des mouvements entre les établisse-ments et les déplacements motorisés des ménages pour motifachat en nombres de km-EVP est quasiment identique.

Dans le cas du fil de l’eau (S0), on constate que le nombretotal annuel de km-EVP parcourus s’accroît d’environ 7 % etconcerne, de manière similaire, les flux inter-établissementset les déplacements pour achats des ménages.

Dans le cas du « scénario de recentrage de la population »(S1), on observe un léger gain (d’environ 5 %) sur le totaldes km-EVP. Deux phénomènes à effets contradictoires sontà l’œuvre : la diminution des distances parcourues et dunombre de déplacements d’achats motorisés d’une part etl’augmentation du nombre de mouvements et de déplace-

ments d’achat d’autre part. Ainsi, la densification des activi-tés économiques tertiaires et commerciales au centreentraîne une réduction des distances parcourues, dont l’effetest annulé par une augmentation d’environ 10 % des mou-vements inter-établissements (multiplication, à emploi cons-tant, du nombre d’établissements plus petits que dans le filde l’eau, entraînant une augmentation du nombre de mouve-ments). En ce qui concerne l’approvisionnement des ména-ges, le recentrage de la population se traduit par une augmen-tation du taux d’utilisation des petits commerces et dessupermarchés en zone dense, avec un usage privilégiant lamarche à pied et une diminution des distances parcourues envoiture. L’économie des kilomètres parcourus en VP restesignificative, malgré une augmentation de près de 20 %du nombre de déplacements (du fait de l’augmentation dunombre de petits commerces multipliant le nombre de dépla-cements d’achats).

Le scénario « gestion en compte d’autrui pour l’approvi-sionnement des établissements et généralisation des nou-velles formes de livraison à proximité » (S2) montre que lacombinaison de ces deux actions est plus efficace que le seulrecentrage des populations et des activités commerciales,avec un gain global d’environ 25 %.

Ces deux scénarios combinés donnent encore de meil-leurs résultats, avec une diminution des distances parcourues(km-EVP) d’environ 35 %, soit une économie de 15 % deskm-EVP sur les mouvements inter-établissements et 55 %sur les déplacements à destination du consommateur final.C’est donc un facteur d’impact sur les flux de 1,5 qui estobtenue par la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures.

Tableau 3 Hypothèses sur la motorisation des véhicules et sur les économies de CO2 attendues en 2050 en France

Diesel-électrique Essence-électrique Électrique

Voitures particulières (VP) 56 % 24 % 20 %

Véhicules utilitaires légers (VUL) 20 % 0 % 80 %

Poids-lourds (PL) 100 % 0 % 0 %

Économies attendues de CO2 à l’horizon 2050, par rapport à 2006

VP et VUL –44 % –44 % –66 %

PL –30 % –66 %

Tableau 4 Impacts sur les trafics à l’horizon 2050 (en millions de km-EVPa annuels et en %) par rapport à 2006

Km-EVP Mouvements inter-établissements Approvisionnement des ménages (derniers km) Total

2006 1 215 1 225 2 440

S0 +7,0 % +7,5 % +7,3 %

S1 +10,2 % –20,6 % –5,3 %

S2 –11,4 % –37,6 % –24,6 %

S3 –16,1 % –54,7 % –34,8 %

a EVP : 1 VUL = 1,5 VP ; 1 camion porteur = 2 VP ; 1 camion articulé = 2,5 VP

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Dans le tableau suivant sont reportées les tendances rela-tives aux émissions de gaz à effet de serre, exprimées entonnes annuelles d’équivalent-CO2 (TCO2-éq) (Tableau 5).Aux émissions de CO2 sont ajoutés les impacts des émis-sions de CH4 et N2O en équivalents CO2. Un facteur d’im-pact par rapport à la situation 2006 est calculé pour chaquescénario. Lorsque ce facteur est supérieur à 1, il y a diminu-tion des émissions.

On constate l’importance des changements technologi-ques : avec un facteur d’impact de 1,48 dans le cas du filde l’eau (S0), ils entraînent une réduction de 38 % des émis-sions de gaz à effet de serre par rapport à 2006. Ces change-ments sont plus importants pour les VP (–45 %) que pour lesmouvements entre les établissements (–34 %). Les change-ments d’organisation à eux seuls ont un facteur d’impact de1,33, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serrede 25 % par rapport à 2006.

Ces estimations permettent de comparer dans une aireurbaine, à l’horizon 2050, les impacts relatifs en termes deGES de deux scénarios complémentaires : des changementsd’organisation plausibles, avec des changements technologi-ques non encore déployés.

In fine, la combinaison des changements technologiqueset organisationnels a un facteur d’impact de 2,42. Nous som-mes loin du facteur 4. Seuls les déplacements vers lesconsommateurs finaux approchent ce dernier avec un facteurde 3,90. Ce sont les poids lourds qui sont les moins écono-mes en CO2-éq, avec un facteur de 1,65, alors que les VULprésentant un facteur de 3,22, essentiellement expliquépar le choix technologique de la motorisation totalementélectrique.

Cependant, les mouvements de marchandises en milieuurbain ne représentent à l’heure actuelle que 24 % del’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans lesagglomérations [2]. Aussi, un facteur 2,42 peut déjà êtreconsidéré comme un bon résultat, car il traduit une réductiond’environ 59 %, ce qui rejoint pratiquement l’objectif britan-nique (d’après Kawase et al. [3], une réduction de 60 % envi-

ron), en vue d’atteindre un facteur 4 au niveau global, c’est-à-dire incluant le transport (fret et passagers) et la consom-mation énergétique des ménages, qui sont les deux sourcesprincipales d’émissions de gaz à effet de serre dans les zonesurbaines.

Discussion et conclusion

Concernant les transports de marchandises en milieu urbain,cet article propose une méthodologie, ainsi que plusieursrésultats, pour répondre, de façon pertinente, à des questionsimportantes renvoyant à la problématique générale du déve-loppement durable.

Après un état de l’art en la matière en France, nous avonssouligné que l’attention est plutôt portée, soit sur l’ensembledes déplacements (voyageurs et marchandises) au niveauglobal, soit au niveau urbain, mais seulement sur les dépla-cements de voyageurs. C’est pourquoi nous avons proposéune méthodologie particulière, spécifiquement adaptée auxtransports urbains de marchandises.

L’aire urbaine lyonnaise, en France, a servi de terraind’expérimentation, en vue de mettre en œuvre cette métho-dologie, dans une étude préliminaire dans laquelle on envi-sage les effets d’actions réalistes pour influer sur le kilomé-trage total parcouru annuellement par les marchandises, envue de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les différents scénarios envisagés tendent à améliorerl’efficience globale des mouvements de marchandises enville et permettent d’atteindre un facteur 2,42 dans le meil-leur des cas (scénario mixte S3). En menant des actions auseul niveau de l’organisation des transports (S2), on peutdéjà gagner 25 % sur les émissions de CO2 à l’horizon2050 par rapport à l’année 2006. À cela s’ajoute l’impactdes changements technologiques (S3) qui permettraient, àeux seuls, d’atteindre une réduction de près de 40 % desémissions de gaz à effet de serre, sous l’hypothèse d’unprolongement des conditions actuelles de production de

Tableau 5 Émissions annuelles de gaz à effet de serre (en milliers de TCO2-éq), à Lyon en 2006 et facteur d’impact des différents

scénarios à l’horizon 2050

Sans changements

technologiques

ST : avec changements technologiques en 2050

TCO2-éq Total Mouvements

inter-établissements

Approvisionnement

des ménages (derniers km)

Total

2006 606 379 227 606

S0 0,93 1,40 1,64 1,48

S1 1,06 1,36 2,06 1,56

S2 1,33 1,45 3,90 1,90

S3 1,55 1,98 3,90 2,42

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l’électricité en France. Cette conclusion rejoint celle deLopez-Ruiz et Crozet (2010) qui estiment dans une simula-tion non spécifique au transport urbain de marchandises, uneéconomie de gaz à effet de serre d’environ 50 % pour leurscénario le plus volontariste. Elle est également à mettre enregard des objectifs plus modestes affichés par le Royaume-Uni, soit une réduction globale de 60 % des émissions de gazà effet de serre, tous domaines confondus.

Il faut d’autant plus souligner le fait que l’horizond’observation à 2050 est bien le même pour tous selon lessources, mais qu’il existe un certain flou sur le point dedépart à considérer. L’année de référence devrait être 1990,soit une évolution sur 60 ans ; cependant, les différentesétudes faites dans tous les domaines, ceux du transport enparticulier, peuvent considérer des points de départ plus tar-difs. Nous avons pris ici pour point de départ l’année 2006,car nous disposions pour cette année de toutes les donnéesnécessaires à la simulation des scénarios. Nous sommes ainsipartis de l’hypothèse selon laquelle le système de distribu-tion des biens n’était pas significativement différent entre1990 et 2006, en comparaison des changements que nousproposons dans les scénarios.

Pour tenter d’approcher le facteur 4, les scénarios techno-logiques choisis (ST) sont particulièrement volontaristes.Il en va de même pour les changements dans les modesd’approvisionnement du consommateur qui supposent à lafois des changements structurels d’urbanisme commercial(S1) et une préférence pour le commerce électronique aveclivraison en points relais égale au commerce traditionnel.

Ce n’est pas le cas des scénarios sur les échanges entre lesétablissements qui, en privilégiant le compte d’autrui, peu-vent être atteints sans une modification radicale de la logis-tique urbaine. Néanmoins, seules des hypothèses pluscontraignantes, relatives au transport de fret dans les zonesurbaines devraient permettre d’approcher le facteur 4 pourles poids lourds. Un scénario volontariste peut être avancé.Il s’agit du passage obligé par des centres de distributionurbains (CDU) judicieusement localisés, nécessairementaccompagné d’une rationalisation à l’extrême de la distribu-tion par des tournées totalement mutualisées [19,20]. Celaamènerait la collectivité à confier à un nombre réduit d’opé-rateurs la prise en charge de la majorité des biens destinés àl’ensemble des établissements situés à proximité de chaqueCDU. Un tel scénario nécessite des modifications structurel-les fortes : une modification importante du droit du transport(avec par exemple une mission de service public marchandi-ses pour la collectivité) ainsi que la prise en compte deschangements d’organisation logistique par l’ensemble desactivités de la ville. Ce scénario n’a pas été considéré ici.Un tel scénario fait l’objet de plusieurs recherches en courssur la mutualisation logistique à l’échelle urbaine. Suivantles différentes hypothèses de développement de cettepratique. Il est attendu des gains en véhicules-km pouvant

avoisiner les 50 % » pour les livraisons/enlèvements entreles établissements de la ville, ce qui, rajouté aux pratiquesd’achat les plus vertueuses et une localisation de la popula-tion et des structures commerciales urbaines qui en favorisel’usage, aurait a priori une réduction de l’occupation de lavoirie (en km-EVP) d’environ 45 %. L’estimation des émis-sions de gaz à effet de serre s’avère plus complexe, et doitêtre faite en détail, mais nous estimons qu’avec des choixtechnologiques et organisationnels vertueux et en mutuellesynergie, une réduction d’environ 70–80 % par rapport à lasituation de référence (2006) est possible. Néanmoins, cesordres de grandeur devront être confirmés par des simula-tions spécifiques.

Pour l’heure, les modifications proposées peuvent êtremises en œuvre dans le contexte d’une stratégie de planifi-cation à long terme. Ainsi par exemple, une partie du trans-port pour compte propre peut être relativement facilementtransférée au compte d’autrui, si les pouvoirs publics s’atta-chent à mettre en œuvre une phase de concertation mettanten relation l’ensemble des opérateurs concernés. Témoin :l’expérimentation menée actuellement à Parme, en Italie[35], qui fournit le cas le plus représentatif d’un système dedistribution urbaine de denrées périssables, dans lequel lestransporteurs pour compte propre sont les principaux clientsdes services proposés par ce nouveau système.

Les outils de modélisation utilisés dans cette étude sontcalibrés sur des données standard, permettant de transposerla méthode à d’autres villes européennes. En effet, les orga-nisations logistiques des villes étant essentiellement dirigéespar les types d’activité et la taille des établissements [11],celles-ci sont sensibles de manière très semblable aux scéna-rios technologiques et organisationnels envisagés dans cetarticle.

Reste à s’interroger sur la transposabilité de la méthodeproposée. Les résultats, compte tenu de la méthode,dépendent de l’aire d’étude. Néanmoins, la méthode pro-posée, bien qu’elle a été développée sur la ville de Lyon,nous semble a priori transposable sur d’autres villes euro-péennes pour les raisons suivantes. Tout d’abord, les orga-nisations logistiques des villes étant essentiellement diri-gées par les types d’activité et la taille des établissements[11], celles-ci sont sensibles de manière très semblable auxscénarios technologiques et organisationnels envisagésdans cet article. Ensuite, les outils de modélisation utilisésici sont calibrés sur des données standard, et ont déjà fait àplusieurs reprises l’objet d’applications en villes de tailleet structure différente, non seulement en France, maisaussi en Suisse et en Italie [33,34]. Afin de confirmer sacapacité à estimer les flux de marchandises dans différentscontextes, une collaboration en cours avec l’université deSéville (Espagne) et Tor Vergata de Rome (Italie) nouspermettra d’adapter la méthode prospective à d’autresvilles en Europe, et de combiner plusieurs outils afin de

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développer un outil logiciel d’aide à la décision utilisantdes données standard et de facile utilisation de la part desdécideurs publics.

Pour conclure, il nous semble difficile d’espérer d’attein-dre l’objectif français d’une réduction de 75 % des émis-sions de gaz à effet de serre (facteur 4) dans le champ duTMV à l’horizon 2050, sans changement radical de la visionactuelle de la logistique urbaine. Il convient donc bien deconsidérer la logistique urbaine comme un enjeu pour lacollectivité toute entière et non seulement comme la juxta-position des enjeux des différents opérateurs économiques.Les actions portant simultanément sur la localisation desactivités commerciales et sur l’organisation des opérationsde livraison considérées dans les scénarios devront être pro-longées en affinant les hypothèses de chacun des scénariosconsidérés. Les performances de la logistique globaledoivent également être considérées à l’aune du contexteurbain, en analysant soigneusement les relations qui existententre la gestion des chaînes logistiques globales et les leviersinhérents à la logistique urbaine.

Remerciements : les auteurs souhaitent remercier HectorLopez-Ruiz, post-doctorant, chercheur au Laboratoire d’éco-nomie des transports (LET) de Lyon en France, pour sonaide et ses remarques pertinentes, ainsi que Florence Toilier,ingénieur d’études à l’École nationale des travaux publics del’État (ENTPE) de Vaulx-en-Velin en France, pour son aideprécieuse dans la collecte des données et la construction duscénario tendanciel.

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