La Logique de Hegel Noêl

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  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

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  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    7/208

    LA

    LOGIQUE

    DE

    HEGEL

    PAR

    GEORGES

    NOL

    Professeur de

    philosophie

    au lyce

    Lakanal

    PARIS

    ANCIENNE

    LIURAIRIE

    GERMER

    BAILLIERE KT G

    FLIX

    ALCAX,

    DITEUH

    108,

    BOULEVARD

    S

    A

    I

    NT

    -

    G

    E

    H

    M

    A I

    N

    ,

    108

    1897

    Tous

    droits

    niseivs.

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    8/208

    /

    m

    14

    1972

    \,.

    M.

    JULES

    LAGHELIER

    MEMBRE

    I)E l'iNSTITUT

    G.

    N.

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    9/208

    PREFACE

    Pour

    trouver

    chez

    nous

    quelque

    travail

    important

    consacr

    Hegel et

    sa

    philosophie il

    nous

    faut

    remonter

    aux

    traduc-

    tions

    et aux

    tudes

    de

    M.

    Vra,

    c'est--dire

    une

    poque

    dj

    v'

    un peu ancienne.

    Il

    semble

    que

    l'efTort

    si

    considrable

    tent

    par ce

    philosophe pour rpandre parmi

    nous la connaissance

    de

    l'hglianisme n'ait

    pas

    russi

    secouer

    l'indifTrence

    du

    public

    ni

    modifier

    profondment

    ses

    prjugs. Cette

    constatation

    serait de nature

    dcourager

    toute

    tentation

    nouvelle dans

    le

    mme sens.

    Nanmoins

    y

    regarder

    de

    prs

    les

    circonstances

    sont bien

    changes.

    A

    l^poque

    o M.

    Yra entreprenait

    d'ac-

    climater

    en

    France

    la

    philosophie

    de

    Hegel le

    public

    tait aussi

    -j

    peu que

    possible

    prpar

    la

    comprendre.

    Les

    philosophes

    se

    partageaient

    en

    deux

    camps

    hostiles : les

    spiritualistes clec-

    tiques

    attachs leurs troites et

    superficielles

    formules

    comme

    d'indiscutables dogmes et

    les

    positivistes inclinant

    pour

    la

    plupart

    vers

    le

    matrialisme.

    D'ailleurs

    les

    uns et les autres

    semblaient

    plus

    soucieux

    de

    combattre leurs

    adversaires que de

    les

    comprendre.

    Les

    premiers

    se

    targuaient

    de reprsenter

    la

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    10/208

    VI

    PREFACE.

    grande

    tradition

    philosophique,

    mais loin

    d'approfondir

    ou

    d'largir

    les

    doctrines

    que,

    le

    pass

    leur

    avait

    lgues,

    ils

    J

    s'attachaient

    plutt

    les

    rabaisser

    au

    niveau

    du

    sens

    commun.

    Les

    autres

    proclamaient

    bien

    haut la

    ncessit de

    renoncer

    toute

    spculation

    transcendante,

    mais en

    fait

    travaillaient plus

    ou

    moins

    sciemment

    restaurer la

    plus grossire

    de toutes

    les

    mtaphysiques.

    La

    routine

    et

    le parti pris

    dominaient

    de part

    et

    d'autre.

    Nulle

    part

    on ne

    trouvait,

    avec

    un souci

    rel

    de

    la

    vrit

    philosophique,

    un

    efTort consciencieux pour

    la dcou-

    vrir.

    Kant

    et

    son

    criticisme taient rests sans

    influence

    sur

    les

    uns

    comme

    sur

    les

    autres.

    Les

    clectiques

    ne

    voyaenten

    lui

    qu'un

    sceptique,

    les

    positivistes

    qu'un

    mtaphysicien.

    Bien

    diffrente est

    la

    situation actuelle.

    Les

    philosophes ont

    cess

    de

    se

    voiler

    la

    face

    devant

    les

    rsultats

    des

    sciences

    exp-

    rimentales; les

    savants

    ont

    compris

    que

    la

    science positive ne

    J

    rpond pas

    encore et

    peut-tre ne

    pourra

    jamais rpoudre

    toutes les

    questions

    qui intressent

    lgitimement l'esprit

    humain.

    La lecture des

    psychologues

    anglais

    nous a

    appris le

    sens,

    la porte

    mais aussi les

    limites

    des

    explications

    empi-

    riques.

    L'enseignement

    de

    M.

    Lachelier,

    les

    travaux de

    M,

    Renou-

    vier et

    de

    son

    cole

    ont

    rpandu chez nous

    la connaissance et

    l'intelligence des

    doctrines kantiennes. Celles-ci ont mme

    acquis

    peu

    peu sur

    les esprits

    philosophiques

    une

    influence

    prdominante.

    Or si

    le

    criticisme

    a

    ouvert pour la spculation

    une re nouvelle, s'il n'est plus possible aprs Kant de se

    con-

    tenter de

    l'empirisme associationiste ou

    de

    revenir

    au

    rationa-

    lisme

    cartsien,

    on ne saurait

    d'autre

    part s'en tenir aux

    solu-

    tions

    kantiennes.

    On

    peut

    dire

    que

    Kant

    soulve

    autant

    de questions

    qu'il

    en

    rsout et que son

    systme d'une si

    profonde originalit

    n'a pas

    assez

    de

    cohrence

    pour

    qu'on

    s'y

    puisse

    arrter

    sans

    chercher

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    11/208

    P

    ri: FACE.

    VII

    l'unifier

    plus compllenient,

    par

    consquent

    le

    dvelopper

    clans un sens

    ou

    dans

    lautrc.

    Les

    difficuUs

    o nous

    nous

    dballons

    aujourd'hui,

    celles

    contre

    lesquelles

    les

    plus

    origi-

    naux

    de nos

    }>hilosophes

    essaient

    avec

    plus

    ou

    moins

    de succs

    les

    ressources de la

    plus

    ingnieuse

    dialectique sont

    des

    diffi-

    cultes

    inhrentes la

    philosophie

    kantienne.

    Elles

    n'ont

    pas

    chapp

    aux successeurs

    immdiats

    de Kant.

    Il

    s'est

    produit

    en

    Allemagne

    au

    commencement

    de ce sicle un effort

    ner-

    '

    gique

    et soutenu

    pour

    les rsoudre.

    Deux

    gnrations de

    pen-

    seurs minents

    s'y sont tour tour employes et le

    systme

    de

    Hegel

    peut tre considr

    comme le rsultat le

    plus complet

    de

    v

    leurs

    travaux successifs.

    Il

    est

    donc

    naturel

    que nous

    nous

    tournions

    Aers

    ce

    systme

    et

    cherchions si par hasard il

    ne

    contiendrait

    pas

    la

    solution

    au

    moins

    parlielle

    des

    problmes

    qui nous

    proccupent

    notre

    tour.

    Nous avons d'ailleurs, pour nous

    engager

    dans

    celte

    voie,

    l'exemple

    de

    nos

    voisins d'outre-Manche dont

    la situation phi-

    losophique

    prsente tant

    d'analogies

    avec

    la ntre. Il

    s'est

    pro-

    duit

    en

    Angleterre

    en

    ces

    dernires

    annes

    une vritable

    renaissance de

    Thegelianisme.

    M. William

    Wallace

    a

    du

    donner

    ^

    il

    y

    a deux

    ans une nouvelle dition de

    sa Traduction

    de

    la

    Logique. Il

    traduisait en

    mme

    temps

    pour

    la

    premire

    fois la

    Philosophie

    de l'Esjjrit.

    De

    nombreux ouvrages

    ont

    paru

    qui

    traitent

    de

    la

    philosophie

    hglienne

    ou s'en

    inspirent

    visible-

    ment.

    S'il n'en est

    pas

    de mme

    chez

    nous on peut du

    moins

    remar-

    ({uer que

    le nom

    de

    Hegel,

    qui

    nagure

    encore

    semblait

    tout

    fait oubli,

    se

    rencontre

    assez frquemment

    sous

    la

    plume

    de

    nos

    philosophes

    les plus

    autoriss.

    M. Fouille,

    en

    particulier,

    le

    cite

    maintes

    reprises dans

    ses

    deux

    derniers

    livres

    :

    Le

    Mouvement

    ijositimste et

    Le

    Mouvement

    idaliste.

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    12/208

    VIII

    PRFACE.

    Telles

    sont

    en

    quelques

    mots

    les

    considrations

    qui

    nous

    ont

    enhardi

    prsenter

    au

    public

    le

    prsent

    ouvrage.

    Quoique

    compos

    ds

    l'abord

    en

    vue

    de

    la publication

    actuelle,

    il

    a

    paru

    dj

    sous

    forme

    d'articles

    dans

    la

    Revue

    de

    Mtaphysique

    et

    de

    Morale

    dirige

    par M.

    Xavier

    Lon

    et

    dite

    par

    MM.

    Colin

    et

    G' \

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    13/208

    LA

    LOGIQUE

    DE

    HEGEL

    L'IDALISME ABSOLU

    ET

    LA

    LOGIQUE

    SPCULATIVE

    La

    philosophie

    de

    Hegel

    n'est

    certes

    pas

    inconnue

    en France,

    mais

    on peut

    dire

    qu'elle

    y

    est

    mal connue. Nos philosophes pour la plu-

    part

    ddaignent

    de

    l'tudier et nourrissent

    son gard les plus

    tranges

    prventions.

    Si la

    pense

    hglienne

    a

    exerc

    sur

    nous

    quelque

    influence,

    c'est

    d'une

    manire

    indirecte

    et

    surtout dans le

    domaine

    des

    recherches

    historiques.

    La spculation philosopiiique

    s'en

    est

    peine ressentie.

    Des grands penseurs d'outre-Khin

    Kant

    est

    le

    seul

    qui

    se

    soit

    acclimat

    parmi nous. Il

    est devenu

    pour

    nous

    un

    classique,

    sinon

    le

    classique par

    excellence.

    Mais

    ceux qui sont

    venus

    aprs

    lui,

    et

    se

    sont donns

    pour

    ses continuateurs,

    nous

    apparaissent

    comme

    des disciples

    infidles

    qui

    se seraient

    en

    vain

    ingnis

    luder

    l'arrt dfinitif

    dont

    il avait

    frapp

    la

    mtaphysique.

    Hegel

    en

    particulier aurait

    us dans

    celte

    uvre

    de strile

    raction

    un

    gnie

    philosophique de

    premier

    ordre. Ainsi

    se

    trouve

    sommai-

    rement

    jug

    et

    condamn

    celui

    que Tainc a pu

    dfinir

    Spinoza

    com-

    plet'

    pnr

    Aflslolc.

    H

    serait

    temps

    d'en appeler de celte

    justice

    sommaire

    et de ragir

    contre

    ces

    tenaces

    prventions. C'est ce

    que pour

    notre

    compte

    nous

    essaierons

    de

    faire

    dans

    cette

    tude

    de

    la

    logique

    hglienne.

    Sans

    prtendre

    embrasser

    la

    doctrine de Hegel dans

    son

    ensemble

    ni

    NOEl..

    1

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    14/208

    2

    LA

    LOGIQUE

    DE

    HEGEL.

    suivre

    l'auteur

    dans

    sa

    marche

    hardie

    travers

    le

    domaine

    entier

    de

    la

    spculation

    philosophique,

    nous

    nous

    arrterons

    devant

    celle

    de

    ses

    uvres

    qui

    contient

    et

    rsume

    toutes

    les

    autres.

    Nous

    nous

    effor-

    cerons

    de

    la

    faire

    comprendre,

    c'est--dire

    d'carter

    les

    prjugs qui

    empchent

    d'en

    saisir

    la

    vritable

    signification.

    Nous

    tcherons

    en

    un

    mot

    de

    montrer

    que,

    quelles

    que

    puissent

    tre

    ses

    imperfec-

    tions,

    elle

    demeure

    l'un

    des

    plus

    solides

    monuments

    de

    la

    pense

    moderne.

    Il

    semble

    que

    depuis

    Descartes,

    travers

    la

    diversit

    des

    systmes,

    la

    philosophie

    ait

    poursuivi

    la

    dmonstration

    de

    cette

    thse

    nga-

    tive.

    Aucune

    pense

    (perception

    ou

    concept)

    ne

    porte

    en

    soi

    la

    marque

    de

    l'objectivit;

    aucune,

    prise

    en

    soi

    et

    l'tat

    d'isolement,

    ne

    nous

    garantit

    la

    ralit

    de

    ce

    qu'elle

    nous

    reprsente.

    Cette

    con-

    clusion

    ressort

    avec

    rigueur

    des

    subtiles

    analyses

    de

    Berkeley

    et

    de

    Hume.

    Kant

    se

    l'approprie,

    mais,

    et

    c'est

    l

    son

    originalit,

    il

    lui

    donne

    un

    sens

    positif

    et

    se

    garde

    ainsi

    du

    scepticisme

    universel

    qu'elle

    paraissait

    impliquer.

    Si

    l'objectivit

    n'est

    pas

    dans

    la

    percep-

    tion

    prise

    en

    soi,

    c'est

    qu'elle

    rside

    dans

    l'accord

    et

    Tharmonie

    de

    toutes

    les

    perceptions.

    Leur

    vrit

    consiste

    en

    cela

    que

    nous

    les

    pouvons

    concevoir

    lies

    les

    unes

    aux

    autres

    de

    manire

    former

    un

    tout;

    que

    leur

    ordre

    dans

    le

    temps

    et

    dans

    l'espace

    est

    dtermin

    par

    des

    lois

    universelles,

    indpendantes

    elles-mmes

    de

    l'espace

    et

    du

    temps.

    Ces

    formules

    tout

    d'abord

    ne

    semblent

    contenir

    rien

    de

    bien

    nouveau.

    Nous

    les

    retrouvons

    chez

    Descartes,

    chez

    Leibniz,

    chez

    Hume

    lui-mme.

    N'est-ce

    point

    d'ailleurs

    leur

    incohrence

    intrin-

    sque

    qui

    nous

    prouve

    l'inanit

    de

    nos

    rves?

    Aussi

    le

    mrite

    de

    Kant

    n

    est-il

    pas

    tant

    d'avoir

    eu

    cette

    conception

    de

    l'objectivit

    entrevue

    avant

    lui

    par

    la

    plupart

    des

    philosophes,

    que

    de s'y

    tre

    arrt,

    de

    l'avoir

    approfondie

    et

    d'en

    avoir

    dvelopp

    les

    cons-

    quences.

    Si

    de

    pures

    modifications

    du

    moi

    nous

    rvlent

    un

    monde

    d'objets,

    s'il

    est

    pour

    nous

    des

    tres

    et

    des

    faits,

    c'est

    que

    l'ondoyante

    diver-

    sit

    de

    nos

    sensations

    se

    laisse

    ramener

    l'unit;

    c'est

    que, par

    une

    suite

    de

    synthses

    spontanes,

    nous

    les

    pouvons

    grouper

    en

    percep-

    tions

    qui

    se

    laissent

    subsumer

    un

    petit

    nombre

    de

    catgories

    d'aprs

    quelques

    principes

    simples.

    Le

    moi

    lui-mme,

    en

    tant

    que

    nous

    le

    considrons

    comme

    un

    tre

    en

    relation

    avec

    d'autres

    tres,

    n'existe

    qu'aux

    mmes

    conditions

    Aucune

    ralit

    n'est

    donne

    en

    dehors

    de

    cette

    synthse

    qui

    constitue

    la

    connaissance;

    ni

    corps

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    15/208

    l'idalisme absolu

    et

    la

    logique

    spculative.

    3

    ni

    esprit,

    rien. II

    suit

    de l

    que

    les

    catgories

    et

    les

    principes

    de

    l'entendement, exprimant les

    conditions absolues

    de

    la ralit

    con-

    naissablc, sont logiquement antrieures

    l'exprience,

    c'est--dire

    a

    priori.

    11

    en

    rsulte aussi qu'ils s'appliquent

    inconditionnellement

    toute exprience possible,

    qu'ils

    expriment

    les lois

    les plus

    gn-

    rales

    de

    la

    nature

    aussi

    bien

    que

    de

    la

    pense.

    Concevoir

    un

    monde

    qui en

    serait

    affranchi,

    voire

    un cours subjectif

    des

    sensations

    qui ne

    serait

    plus

    rgi

    par

    eux, c'est

    faire

    une hypothse

    contradictoire,

    puisque c'est

    d'eux seuls

    que le

    sujet

    aussi

    bien

    que l'objet

    peut

    tenir son

    unit. Sans

    doute

    la sensation, matire de

    la

    connaissance,

    est

    htrogne

    sa

    forme, mais

    ce

    qui

    nous

    est

    donn

    ce

    n'est

    ni

    la

    forme

    pure,

    ni

    la

    pure matire, ni

    mme

    l'une

    et

    l'autre

    indpen-

    damment de

    leur rapport.

    Toutes

    deux

    n'ont de

    ralit

    que

    dans

    leur

    indissoluble

    synthse, seule l'abstraction les

    distingue

    sans

    pouvoir

    d'ailleurs les

    isoler.

    Ainsi l'objet

    connatre

    ne se

    pose plus

    devant

    l'esprit

    comme

    une

    existence

    indpendante, indiffrente,

    sinon

    rfractaire

    son activit.

    L'objet

    n'existe

    qu'en

    tant

    qu'objet

    d'une

    science

    possible.

    Son

    rap-

    port la

    connaissance

    constitue sa dtermination

    la plus

    profonde.

    Le

    rel est

    connaissable

    par

    essence et comme

    par

    dfinition.

    Son

    intelligibilit fait toute sa

    ralit. La

    nature est la

    science

    elle-mme

    sous

    la forme

    de

    l'extriorit.

    Elle est

    devant

    nous

    comme

    un

    livre

    qui

    n'existe

    que

    pour tre compris. Elle

    est

    la

    pense

    en

    soi qui

    dans

    l'esprit deviendra

    pense pour

    soi.

    Les tres

    n'ont

    ds lors

    que

    l'apparence

    d'une

    subsistance

    indpendante.

    Toute

    chose

    est

    affecte

    d'une

    double relativit.

    Elle

    n'existe

    que

    par

    son

    rapport

    avec

    toutes

    les autres choses et, toutes

    ensemble, n'existent

    que

    par

    leur

    com-

    mune

    relation

    avec

    le

    sujet

    pensant. Celui-ci

    devient

    en

    cons-

    quence

    le

    centre

    absolu

    de l'univers rel.

    Tout

    en

    part

    et tout

    y

    aboutit.

    Toutefois

    ainsi

    prsente

    la

    thse

    kantienne

    est

    quivoque.

    Elle

    semble

    comporter

    tout

    le

    moins

    deux

    interprtations

    opposes,

    voire

    contradictoires.

    Tout

    dpend

    de

    l'ide

    qu'on

    se fait

    du

    sujet,

    de ce

    moi

    pensant qui s'rige ainsi en

    mesure

    de

    toute ralit.

    Est-

    ce

    le

    sujet

    individuel?

    un moi dtermin,

    le

    mien

    ou le

    vtre, ou

    celui de Kant?

    En

    ce cas,

    l'idalisme transcendantal

    n'est plus

    qu'une

    forme rnjeunie

    de la

    sophistique

    grecque.

    L'appareil

    compliqu

    de

    la

    critique

    kantienne

    n'aboutit

    qu' ramener

    le

    scepticisme

    de

    Prolagoras

    :

    l'homme

    est

    la

    mesure

    de

    toute

    chose.

    S'agit-il

    au

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    16/208

    4

    LA

    LOGIQUE

    DE

    HEGEL.

    contraire

    d'un sujet

    universel

    et

    impersonnel,

    non

    de

    tel

    esprit

    par-

    ticulier,

    mais

    absolument

    de

    l'esprit, alors

    le

    systme

    n'est

    autre

    que

    l'idalisme

    absolu

    et

    consquemment

    dvelopp,

    il

    deviendra

    l'heglianisme.

    Toutefois

    Kant

    rejette

    expressment

    ces

    deux

    interprtations

    de

    sa

    pense.

    L'esprit

    qui dans son systme lient la

    place

    minente

    que

    nous

    avons

    marque,

    ce

    n'est

    ni le moi

    individuel,

    ni

    le

    moi

    ou

    l'esprit

    universel,

    c'est

    l'esprit

    humain.

    Par suite,

    la

    vrit

    qui

    nous

    est

    accessible

    vaut

    absolument et universellement

    pour

    nous

    en

    tant

    qu'hommes,

    mais

    il

    s'en

    faut

    de

    beaucoup

    qu'elle

    soit

    la

    vrit

    absolue.

    C'est

    au

    contraire

    une

    vrit

    toute

    humaine,

    par

    suite

    essentiellement

    relative.

    Notre

    structure

    mentale n'est

    pas

    ncessairement

    celle

    de

    tous

    les

    tres pensants,

    et

    son imperfection

    semble

    tmoigner de sa

    contingence. Par suite

    il

    nous est

    jamais

    interdit de

    connatre

    le

    fond des choses.

    Nous

    voyons

    ce

    qu'elles

    sont

    pour

    nous,

    mais leur

    tre en

    soi

    nous chappe.

    La

    science est

    possible, mais

    la

    condition

    de

    demeurer

    une science

    d'apparences,

    c'est--dire

    une

    apparence

    de

    science.

    La

    mtaphysique

    qui

    prtend

    s'lever

    au-dessus

    des

    apparences et atteindre

    la ralit absolue

    n'est

    que

    l'illusion

    d'une

    pense encore

    nave, ignorante

    de ses infran-

    chissables

    limites.

    Si Kant

    s'arrte

    ce point de vue, ce

    n'est

    pas chez

    lui

    pur

    parti

    pris

    ou

    simple manque

    de

    hardiesse.

    Certes ses proccupations

    morales

    ont

    eu

    sur

    ses

    spculations

    une indiscutable influence, mais

    il

    serait

    au

    moins

    tmraire de

    prtendre

    qu'elles

    lui

    ont

    dict

    ses

    conclusions.

    Celles-ci

    dcoulent assez

    naturellement

    de

    l'ide

    qu'il

    se

    fait

    de

    l'esprit

    humain,

    laquelle

    s'explique

    son

    tour

    par

    sa

    mthode

    exclusivement

    analytique.

    Attentif

    distinguer

    les

    diverses

    oprations de

    l'intelligence,

    il

    en vient mconnatre l'unit propre

    de

    la vie psychique.

    La

    sensibilit

    et

    l'entendement,

    l'entendement

    et la

    raison, la

    raison

    thorique

    et la

    raison

    pratique, le

    jugement

    enfin

    sont

    chez

    lui

    autant

    de pouvoirs

    distincts

    et

    certains

    gards

    indpendants. S'ils constituent

    un tout unique

    c'est

    seulement

    par

    leur

    concours

    une mme

    fin,

    par

    leur

    collaboration

    une

    uvre

    commune.

    Ainsi

    l'unit de

    l'esprit

    humain

    est

    peu

    prs celle

    d'une

    machine.

    Certes

    il

    tait

    difficile

    d'identifier

    avec l'esprit universel

    et

    absolu

    ce

    mcanisme compliqu

    et

    d'apparence artificielle.

    Le prin-

    cipe

    d'o

    les

    choses

    tiennent leur

    unit, doit tre,

    pris en

    soi,

    sou-

    verainement

    un.

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    17/208

    l'idalisme

    absolu

    et

    la

    logique

    spculative.

    :-)

    Nanmoins

    la

    position moyenne

    o

    Kant

    croit

    pouvoir s'arrter

    est

    logiquement

    intenable.

    Une

    vrit

    universelle et

    ncessaire, mais

    qui n'est

    telle

    que

    pour l'esprit

    humain, est

    au

    fond

    une

    conception

    contradictoire.

    L'universalit et

    la

    ncessit

    sont

    inconditionnelles

    ou

    ne

    sont

    pas.

    Comment puis-je

    savoir

    que

    tel

    principe vaut

    univer-

    sellement

    pour

    tous

    les hommes?

    Kst-ce

    par

    l'exprience?

    Mais

    outre qu'une

    telle exprience

    est

    bien

    difficile

    ac(}urir,

    elle ne

    saurait

    jamais rien

    prouver. Des

    prjugs

    autrefois

    universels

    ont

    t

    depuis

    dmontres faux et

    sont

    aujourd'hui universellement

    rejets.

    D'ailleurs,

    d'aprs Kant

    lui-mme, l'exprience donne

    seulement

    une

    gnralit

    prcaire,

    jamais l'universalit et

    encore

    moins la

    nces-

    sit.

    La

    raison de

    mon

    affirmation

    est-elle

    simplement,

    comme

    il

    semble,

    que

    le principe en

    question m'apparat

    moi-mme nces-

    saire

    et

    universel

    ou plus

    prcisment

    que

    je

    ne puis le rejeter

    sans

    par

    cela

    mme renoncer

    penser?

    Mais

    alors pour quel

    motif

    limiter

    cette

    affirmation

    l'esprit humain seulement?

    Si

    la ncessit

    que je

    subis

    est

    une

    ncessit

    vritable,

    elle

    est

    telle pour tout esprit

    quel

    qu'il

    soit,

    humain, diabolique ou divin. Si

    c'est une

    ncessit appa-

    rente

    due

    quelque particularit

    de

    ma

    structure

    mentale, comment

    puis-je

    savoir

    que

    cette

    particularit

    se

    retrouvera chez

    tous mes

    semblables?

    Je

    ne puis

    mme tre assur qu'elle soit chez moi autre

    chosequ

    *un tat contingent

    et transitoire.

    Ce

    qui aujourd'hui me

    semble

    vident

    pourra

    demain

    me

    paratre

    absurde, et ces deux

    juge-

    ments contradictoires

    seront

    galement

    lgitimes

    et

    vrais puisqu'ils

    expriment l'un

    et

    l'autre ma

    constitution

    mentale

    au moment o

    je

    les

    porte. 11 n'y

    a

    pas

    plusieurs

    vrits appropries

    diverses

    classes

    d'esprits.

    La

    vrit

    est

    une

    ou

    n'est

    pas. Kant

    a cru sauver

    la science en sacrifiant la

    mtaphysique; l'une et

    l'autre

    doivent

    subsister ou

    prir

    ensemble.

    L'alternative qu'il

    croyait

    pouvoir

    carter apparat

    dcidment

    invitable. L'idalisme

    transcendantal

    n'est rien qu'une

    variante

    du scepticisme

    empirique

    de

    Hume

    o

    son

    vritable

    nom

    est l'idalisme

    absolu.

    Le systme de

    Hegel

    n'est

    que

    celui

    de Kant

    dbarrass

    de

    ses

    inconsquences.

    Celui-l

    n'a fait

    que donner leur entier

    et

    harmo-

    nieux

    dveloppement

    aux principes

    fconds

    que

    celui-ci avait

    poss.

    L'bauche gniale,

    mais

    incomplte

    et incohrente, laisse par

    Kant,

    atteint avec

    Hegel

    la

    perfection

    de

    l'uvre

    acheve.

    Le

    mrite

    de

    cet

    achvement

    ne

    revient

    pas d'ailleurs

    exclusivement Hegel.

    D'autres

    philosophes

    y

    ont

    largement

    contribu.

    Particulirement

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    18/208

    6

    LA

    LOGIQUE

    DE HEGEL.

    Fichte et Schelling.

    Le

    premier

    avait

    tout

    de suite

    aperu les

    deux

    vices

    capitaux

    de

    la

    philosophie

    de

    Kant.

    Il

    avait

    rsolument

    sup-

    prim

    la

    chose

    en soi

    comme

    une

    survivance

    de

    l'ancien

    dogmatisme

    et

    par

    l

    rendu

    l'esprit

    humain

    le

    pouvoir

    de

    connatre

    le

    vrai.

    D'autre

    part,

    dans

    sa

    Thorie de

    laacience,

    il

    s'tait eiorc

    de retrou-

    ver

    sous

    la

    diversit

    des

    catgories

    l'unit

    essentielle

    de

    la

    raison.

    Il

    avait

    mme,

    dans

    cet

    ouvrage,

    inaugur

    la mthode

    dialectique

    que

    Hegel

    devait

    s'approprier.

    Son systme

    est dj

    un idalisme

    absolu,

    mais encore

    incomplet

    et

    imparfaitement

    dvelopp.

    L'iden-

    tit

    de

    l'idal

    et du

    rel

    ne

    s'y produit

    qu'imparfaitement,

    elle

    n'est

    encore qu'un

    dcvoir-ctre

    {Sollen).

    En

    d'autres

    termes,

    l'esprit

    n'y

    par-

    vient

    pas

    encore

    la

    conscience

    de son infinit. Il est

    l'absolu

    en

    ce

    sens qu'il

    ne

    rencontre

    hors

    de lui aucune

    puissance

    qui

    le

    subor-

    donne, mais

    il

    ne

    russit

    pas

    s'affranchir

    de sa

    finit interne ou

    de

    sa

    subjectivit.

    Il

    est

    le moi

    qui

    s'lve au-dessus

    de

    toutes les dter-

    minations

    de

    l'existence et

    de

    la

    pense,

    mais il n'est encore

    que

    le

    mo{.

    D'autre

    part,

    la nature

    n'entre

    dans

    le

    systme

    que

    par son

    ct

    extrieur

    et

    ngatif;

    elle

    n'y

    est

    point

    considre

    en

    soi,

    mais

    seulement dans

    son

    rapport

    avec

    la

    libert. C'est un

    obstacle

    que

    celle-ci

    s'oppose

    elle-mme

    seule

    fin d'en

    triompher

    et

    de

    se

    raliser

    par

    sa victoire. Schelling

    s'efforce de

    remdier

    cet

    exclu-

    sivisme;

    mais il

    russit

    mieux mettre

    en

    lumire

    les

    imperfections

    du

    systme

    qu'

    les

    corriger

    efficacement. Non

    content

    de

    rendre

    la

    nature la

    place

    que

    Fichte

    lui

    avait

    injustement

    refuse, il

    en

    vient

    la

    mettre

    en

    fait

    au

    mme

    rang

    que

    l'esprit.

    Proccup

    d'viter

    l'idalisme

    trop

    subjectif

    de

    Fichte,

    il

    compromet le

    prin-

    cipe

    mme

    de tout

    idalisme.

    Chez

    lui

    la doctrine perd

    en

    rigueur et

    en

    cohrence

    ce qu'elle

    gagne en largeur et en

    comprhension.

    Mais

    il nous faut

    sur

    ce

    point nous

    en

    tenir

    ces

    indications

    gnrales

    si

    insuffisantes

    qu'elles

    soient. Notre objet n'est

    pas en

    effet d'tudier

    les

    antcdents

    de

    l'heglianisme, ni mme le

    systme

    dans

    son

    ensemble,

    mais

    seulement

    une

    partie,

    capitale

    il

    est vrai,

    de

    l'uvre

    de

    Hegel.

    Il

    importe

    nanmoins

    de marquer

    nettement la place

    de

    cette

    partie

    dans

    le

    systme

    et

    pour

    cela

    de

    prciser le point

    de

    vue

    de

    l'idalisme

    absolu.

    Pour

    le

    dogmatisme

    antrieur

    Kant

    le monde

    est un

    ensemble

    de

    choses

    en soi

    ou

    de

    substances

    doues

    chacune

    d'une

    subsistance

    propre

    et

    indpendante. Sans

    doute

    ces

    substances

    ont

    entre elles

    des

    rapports,

    mais

    ceux-ci

    leur

    demeurent

    extrieurs

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    19/208

    l'idalisme

    absolu

    et

    la

    logique

    spculative.

    7

    etn'aiectcnt en

    rien

    leur

    tre

    interne.

    Elles

    sont,

    pourrail-on

    dire,

    autant

    d'absolus.

    Certes

    les

    philosophes

    dogmatiques ne

    sont

    pas

    toujours

    rests fidles

    leur

    hypothse

    fondamentale.

    Certains

    d'entre

    eux

    se

    sont

    mme

    singulirement

    rapprochs

    de

    l'idalisme.

    Nanmoins

    ils n'ont

    pas su

    s'affranchir

    dcidment

    de cette prsup-

    position

    cl

    elle est reste

    la pierre

    d'achoppement

    de

    toutes

    leurs

    tentatives.

    En

    effet,

    confrer

    aux

    objets une

    existence

    absolue

    c'est

    condamner la

    connaissance

    demeurer relative,

    c'est--dire

    au

    fond

    n'tre

    qu'une

    illusion.

    Sur

    ce

    point la critique

    de

    Kant

    est

    dci-

    sive. La

    mtaphysique

    doit

    disparatre

    ou

    se

    transform.er

    radicale-

    ment

    par

    le

    rejet

    dfinitif

    de

    l'iiypothse

    qu'elle

    avait

    jusque-l

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    20/208

    8

    LA

    LOGIQUE DE HEGEL.

    tion.

    C'est

    aussi

    qu'en

    se

    niant,

    en s'opposant

    elle-mme

    son

    con-

    traire, elle

    ne

    se

    supprime

    qu'en

    apparence

    ;

    qu'elle

    s'affirme plutt

    et

    se

    ralise

    travers

    sa

    ngation

    dans l'unit suprieure

    dont elle-

    mme

    et

    son

    contraire

    ne

    sont

    que

    les

    moments.

    Ou

    l'universelle

    relativit n'est

    qu'une expression

    vague

    et creuse,

    ou

    elle

    s'iden-

    tifie avec cette dialectique immanente

    par laquelle les

    ides

    et les

    choses ne

    s'affirment

    que

    pour

    se

    nier

    et

    se

    continuer

    dans leur

    nga-

    tion.

    Ds

    lors l'tre

    en

    soi n'est

    plus

    cet arrire-fond

    mystrieux

    d'o,

    sans qu'on st

    pourquoi

    ni comment,

    mergerait le

    phno-

    mne. Ce n'est qu'un moment,

    le moment

    le

    plus

    abstrait

    de

    toute

    existence,

    celui

    o

    elle

    se

    pose

    elle-mme

    dans

    une

    indpendance

    apparente et

    provisoire

    ;

    o,

    prcisment

    parce qu'elle

    n'a

    pas encore

    manifest

    ses contradictions,

    elle n'a

    pas

    encore atteint sa vritable

    ralit. La chose

    en

    soi,

    c'est le germe

    qui

    doit

    disparatre dans

    son

    propre

    dveloppement.

    L'tre

    vritable

    c'est celui

    qui

    se

    manifeste

    et sa

    ralit acheve

    n'est

    que

    son

    expansion

    hors de

    soi.

    Toutefois

    cette expansion

    serait

    la dispersion l'infini, la ngation

    universelle

    et

    absolue

    de

    l'tre,

    si

    elle

    n'tait

    au

    fond

    retour sur

    soi-

    mme

    et

    manifestation

    soi-mme.

    Si

    chaque

    chose

    n'existe

    que

    pour

    les

    autres,

    rien en fin

    de

    compte n'existe

    plus.

    La

    relativit

    uni-

    verselle n'est

    vritablement

    intelligible

    que

    si les

    existences relatives

    s'absorbent

    dans une

    unit

    finale qui

    la

    fois

    les supprime

    et

    les

    conserve.

    Cette

    unit

    hors de

    laquelle par

    hypothse il

    n'y a

    rien

    est nces-

    sairement

    pour

    elle-mme

    et

    ne

    se

    manifeste

    qu'

    elle-mme,

    en

    d'autres

    termes

    c'est

    la

    pense. Ainsi

    l'tre

    n'existe

    que

    pour

    la

    pense.

    La

    pense

    d'autre

    part implique l'tre, le

    sujet

    implique

    l'objet.

    La

    dtermination

    la plus

    abstraite du

    sujet

    est

    l'tre

    pour

    soi;

    mais

    cette

    unit

    avec

    soi-mme ne

    serait qu'une

    identit

    vide,

    rductible

    en

    fin

    de compte

    la

    vaine abstraction de

    l'tre, si

    elle

    n'tait

    le

    retour

    sur

    soi-mme

    travers

    son

    contraire, en un

    mot si

    l'unit

    du

    sujet

    avec

    lui-mme

    n'tait

    en

    mme

    temps

    son

    unit

    avec

    l'objet.

    L'objet

    et

    le

    sujet,

    l'tre

    et la pense

    sont donc

    au

    fond

    indissolublement

    lis l'un

    l'autre.

    L'tre

    s'lve ncessairement

    la pense

    si

    bien

    que

    celle-ci

    n'est

    que

    l'tre

    parvenu

    sa

    perfection.

    D'autre part,

    la

    pense

    pose

    l'tre

    et

    les

    divers

    degrs de

    l'tre comme

    des

    moments

    ncessaires

    de

    son

    propre

    dveloppement.

    De la sorte,

    au

    lieu

    d'en

    rsulter,

    elle

    en

    est au contraire le principe.

    Dans

    son

    rapport

    avec

    son

    objet,

    elle

    est

    ainsi

    la

    fois

    l'un

    des

    termes

    et

    le

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    21/208

    l'idialisme

    absolu

    et

    la

    logique

    spculative.

    9

    rapport

    entier.

    L'esprit,

    en

    se

    pensant

    lui-mme,

    pense

    en

    mme

    temps

    l'univers

    et comme la relation,

    la

    limite,

    la

    ncessit

    n'exis-

    tent que

    par

    lui,

    n'ont

    de

    ralit

    que

    celle

    qu'il

    leur

    confre,

    il est

    lui-mme

    l'absolu,

    l'infini,

    la

    libert.

    Dsormais

    le

    doute universel

    n'a

    plus

    de

    raison

    d'tre.

    L'homme

    n'est

    plus

    comme

    gar

    dans un

    mystrieux

    chaos

    dont

    l'ordre ne

    serait que

    la

    surface,

    o

    les

    substances

    se

    dissimuleraient

    sous

    leurs

    proprits

    et

    les causes

    derrire leurs

    effets. La

    nature n'est

    pas

    radicalement

    htrogne

    la pense.

    C'est

    la

    pense

    elle-mme

    sous

    une

    forme

    extrieure

    et

    symbolique

    qui

    la

    fois la

    cache et

    la

    rvle.

    Certes

    la

    langue

    que

    nous

    parlent

    les

    choses

    exige

    pour

    tre

    comprise un

    long et

    pnible apprentissage,

    mais du

    moins

    elles

    ne

    nous

    mentent pas. Pour connatre

    la nature

    et Dieu,

    l'homme n'a

    plus

    sortir de

    lui-mme. Ou,

    si l'on

    prfre,

    sa

    plus

    haute

    destine

    est

    prcisment

    de

    sortir

    de

    lui-mme; de

    nier

    son

    individualit

    imm-

    diate, sa

    subjectivit exclusive; de

    pntrer la

    nature et

    de

    s'lever

    Dieu.

    Tant

    que

    dans

    son

    ignorance

    d'elle-mme

    la pense

    rige

    en

    absolu

    l'tre

    immdiat,

    elle se fait

    elle-mme

    relative

    et

    par

    l

    s'interdit la

    science.

    Ds qu'elle

    reconnat

    son

    erreur et

    l'universelle

    relativit

    des

    choses,

    elle

    se

    relve

    de

    sa

    dchance,

    reprend

    son

    rang

    vritable,

    et

    comprend

    qu'elle-mme

    est

    l'absolu.

    Mais

    cette

    thse

    fondamentale,

    cette

    affirmation

    de

    la

    double

    rela-

    tivit

    des

    choses

    (relativit rciproque et

    relativit

    commune

    la

    pense)

    comment

    peut-elle se

    dmontrer?

    On peut

    l'tablir d'abord

    par

    le

    processus

    mme

    que

    nous

    venons

    d'esquisser,

    par

    l'tude his-

    torique

    du

    dveloppement de

    la philosophie

    moderne,

    dveloppe-

    ment

    dont

    elle

    est

    le

    terme normal.

    Une mthode

    essentiellement

    identique,

    mais peut-tre

    plus

    rigoureuse,

    consiste

    a

    partir

    du

    point

    de vue

    de

    la

    conscience nave, autrement

    dit

    du

    sens

    commun,

    montrer

    qu'on ne

    s'y peut arrter

    sans

    contradiction

    et

    qu'on

    est

    progressivement

    amen,

    par des

    corrections

    successives,

    au

    point de

    vue

    de

    l'idalisme

    absolu.

    Dans

    sa

    Phrnomnologie

    de

    Vespr'it,

    Hegel

    a

    poursuivi

    cette

    dmonstration,

    et cet

    ouvrage

    forme

    ainsi

    l'intro-

    duction

    naturelle

    son

    systme.

    Mais la dmonstration

    la

    plus

    haute

    et la plus rigoureuse

    du principe est

    dans

    son

    dveloppement

    syst-

    matique; dans

    son

    application

    toutes

    les

    sphres

    de la

    nature

    et

    de l'esprit.

    Sa plus

    entire

    justification

    doit ressortir de ses

    cons-

    quences

    mmes, de l'unit et

    de

    la

    cohsion qu'il introduit

    dans

    le

    monde

    naturel

    et dans le

    monde

    moral, des

    clarts

    qu'il

    rpand

    sur

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    22/208

    10

    LA

    LOGIQUE

    DE HEGEL.

    les

    problmes

    les

    plus

    ardus de

    la

    philosophie. La

    tche

    de

    Hegel

    sera donc de

    montrer

    que

    la raison

    qui

    est en nous est aussi la

    raison

    des choses;

    qu'elle

    est

    le

    principe

    et

    le

    moteur immanent

    de

    la

    nature et de

    l'histoire;

    que, d'aprs

    sa propre

    formule,

    malgr

    la

    contingence

    apparente

    des tres

    et

    des

    vnements,

    Tout

    ce

    qui

    est

    rel

    est rationnel et que, malgr la

    persistante

    opposition

    du

    fait

    brutal

    et les

    plus

    hautes aspirations

    de

    l'esprit,

    Tout

    ce

    qui

    est

    rationnel est

    rel.

    Prendre

    au

    srieux cette

    tche,

    c'est

    s'imposer l'obligation de

    reconstruire

    idalement

    par un processus

    systmatique le

    double

    monde

    de

    la

    nature et de l'esprit.

    Il

    faut

    montrer que

    le

    dveloppe-

    ment de l'ide

    est

    adquat au

    contenu concret

    de

    l'exprience

    et

    faire vanouir

    ainsi la

    contingence

    du

    fait

    empirique. On

    a

    souvent

    reproch

    Hegel

    comme

    une

    tentative insense

    cet

    essai de

    recons-

    truction

    rationnelle

    de

    la ralit. Cependant n'est-ce

    point

    l l'objet

    final de toute

    science?

    L'astronome, le

    physicien, chacun

    dans sa

    sphre

    et

    l'aide

    des

    catgories finies dont

    il

    dispose,

    ne

    s'efl orce-

    t-il

    pas

    de

    construire

    un

    systme de

    concepts

    qui

    enveloppe

    et

    enserre

    les phnomnes

    observs

    et

    qui, reproduisant

    idalement

    leur

    vo-

    lution,

    nous prsente

    comme ncessit

    logique

    ce

    que

    la

    perception

    sensible

    constate

    comme fait

    empirique?

    Les

    plus grands

    philosophes

    depuis Aristote

    jusqu'

    Leibnitz

    n'ont-ils

    pas

    eu la

    mme ambition?

    Comment

    ce

    qui

    est permis

    tous

    les penseurs

    serait-il interdit

    Hegel?

    Si

    la

    tentative

    de

    Hegel,

    au

    lieu d'tre

    juge

    comme

    il

    convient

    par

    les

    rsultats

    obtenus, est le plus

    souvent condamne

    tout

    d'abord

    comme intrinsquement

    absurde,

    cela

    tient ce

    que

    les

    critiques

    abusant

    du sens

    littral

    de

    certaines

    propositions

    isoles,

    prtent

    l'auteur

    des

    prtentions

    qu'il

    n'a jamais

    eues.

    Tout

    systme

    scienti-

    fique

    ou

    philosophique

    est

    une

    reconstruction

    idale

    du

    rel, mais

    les

    matriaux

    abstraits

    employs

    dans

    celte reconstruction

    ont

    t

    tirs

    par

    analyse

    de

    l'objet

    mme

    qu'ils

    servent

    reconstruire.

    D'ailleurs

    le

    rsultat

    qu'on

    obtient

    en

    les combinant,

    le

    systme

    aussi

    parfait

    qu'on

    le

    suppose demeure

    lui-mme

    essentiellement

    idal.

    Il

    est

    adquat

    l'objet,

    mais il

    ne se

    confond

    pas

    avec

    lui.

    Sa

    fonction

    n'est

    pas

    de

    le supplanter,

    mais

    de

    l'expliquer,

    de

    le rendre intelli-

    gible. Or

    ce qu'on

    impute

    Hegel, c'est la

    ngation de

    ces

    vrits

    lmentaires. Il

    aurait

    entrepris

    d'extraire

    de

    l'ide la plus abstraite

    et

    la

    plus

    vide,

    celle

    de

    l'tre

    en

    gnral,

    toutes

    des

    dterminations

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    23/208

    l'idalisme

    absolu

    et

    la

    logique

    spculative.

    1

    I

    de la

    pense

    et

    de la ralit;

    il

    aurait

    d'autre

    part

    conQU

    sa

    dduc-

    tion

    comme

    une

    cosmogonie

    au

    sens

    propre

    et

    prtendu

    montrer

    comment

    l'abstraction

    la

    plus

    creuse

    aurait

    effectivement

    engendr

    toute

    ralit

    matrielle

    et

    spirituelle.

    Sans doute

    Hegel prend

    l'tre pur

    pour point

    de dpart

    de

    sa

    dia-

    lectique,

    mais

    ce n'est

    pas

    qu'il le tienne

    pour le principe

    absolu.

    Loin de l,

    il

    insiste

    autant

    qu'on le peut

    faire

    sur

    le vide et

    l'insigni-

    fiance

    de

    cette

    notion. D'ailleurs son effort

    constant

    consiste prci-

    sment faire ressortir le

    caractre

    incomplet

    des

    notions abstraites

    qu'il considre tour

    tour et

    la

    ncessit,

    pour

    les entendre,

    de

    s'lever

    une

    notion

    plus

    concrte.

    Loin de

    faire

    de

    l'abstrait

    le

    prin-

    cipe du

    concret,

    il

    s'attache

    obstinment

    montrer

    que

    celui

    l

    ne

    se

    comprend

    que

    par celui-ci.

    S'il part

    de

    l'indlcrmin

    pour

    aboutir

    au

    dtermine

    et si

    par suite

    celui-ci apparat

    comme

    le rsultat

    du

    procs

    dialectique,

    Hegel

    dclare

    expressment

    et

    maintes

    reprises

    que c'est

    l

    une

    pure apparence

    et que

    le

    soi-disant rsultat

    est

    vri-

    tablement

    le

    principe.

    C'est

    lui

    qui

    contient

    en soi les moments

    incomplets

    qu'a

    d

    traverser

    le

    procs

    dialectique,

    c'est

    lui

    qui a

    permis

    de

    les

    poser et a

    rendu

    possible le procs lui-mme.

    Si

    donc

    Hegel entreprend

    de

    reconstruire la

    nature

    et

    l'histoire

    l'aide

    d'l-

    ments

    idaux,

    il n'entend

    pas

    faire

    autre

    chose

    que

    ce

    que

    fait nces-

    sairement

    tout savant

    ou tout

    philosophe.

    Il

    ne prtend

    nullement

    que les

    concepts

    qu'il emploie n'ont

    pas t tirs

    par

    abstraction

    de

    cette ralit

    mme

    qu'ils

    lui servent

    expliquer,

    ce

    qui

    serait,

    en

    dfinitive,

    supprimer

    tout

    rapport

    entre

    la

    solution

    et

    le

    problme.

    Sa

    prtention

    n'est

    pas

    de

    se

    passer

    de l'exprience, mais seulement

    d'en

    dcouvrir le

    sens

    et

    de la rendre intelligible.

    La

    grandeur

    de

    son

    entreprise

    peut la

    faire

    juger tmraire, mais elle n'est nulle-

    ment

    absurde.

    Ce

    premier

    reproclie

    cart,

    le

    second

    tombe

    de lui-mme.

    Si

    Hegel

    ne se

    lasse de dclarer

    qu'il

    n'entend

    nullement

    tirer une

    ide

    relativement

    concrte

    d'une

    autre

    plus

    abstraite

    et

    reconnat

    expressment

    la vanit

    d'une

    semblable

    tentative,

    on ne

    saurait

    lui

    imputer

    l'opinion

    que

    le

    concret

    par

    excellence

    est

    sorti

    de

    l'abstrait,

    que l'ide

    pure

    ou logique

    a

    produit

    la

    nature

    ou l'esprit

    ni

    consi-

    drer

    sa

    dialectique

    comme rux[)osition

    de cette

    fantastique

    gense.

    Si

    quelques-unes

    de

    ses

    expressions

    peuvent tre

    entendues

    en ce

    sens,

    l'ensemble

    de sa

    doctrine

    proteste

    contre

    une

    telle

    interpr-

    tation.

    L'ide abstraite

    prsuppose

    un

    concret

    dont

    elle

    a

    t

    tire.

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    24/208

    12

    LA

    LOGIQUE DE

    HEGEL.

    Hors

    de

    ce

    concret

    ou

    de l'esprit qui

    la pense, elle n'est rien et

    ne

    saurait rien

    produire.

    Loin

    de

    pouvoir engendrer la

    nature et

    l'es-

    prit,

    elle

    n'a d'existence

    que dans la nature et dans

    l'esprit.

    11 est

    vrai

    que

    Hegel

    fait

    de

    l'ide

    le

    principe

    de

    toute

    ralit,

    mais il faut

    savoir

    l'entendre.

    Il

    s'agit

    d'un principe

    interne

    et immanent,

    non

    d'un

    fondement

    antrieur

    et extrieur.

    L'ide

    est

    le principe

    de

    toute

    ralit en

    ce sens

    que

    toute

    ralit

    est ncessairement

    conforme

    l'ide.

    Un monde,

    un

    ordre

    quelconque

    de

    choses

    radicalement

    irra-

    tionnel

    ne saurait

    tre

    rel.

    Affirmer

    ou mme

    simplement supposer

    l'existence

    d'un tel monde,

    c'est

    ou

    bien

    assembler

    des

    mots auxquels

    on

    refuse toute

    signification

    dtermine

    ou

    tomber

    dans

    la contra-

    diction.

    La

    raison

    contient

    tout

    ce

    qu'il faut

    pour

    comprendre

    l'uni-

    vers,

    et

    celui-ci

    d'autre

    part

    doit

    ncessairement

    satisfaire

    toutes

    les

    exigences

    de la

    raison;

    c'est

    l

    tout

    ce que Hegel

    a

    voulu

    dire

    et

    prtendu

    dmontrer.

    Mais

    pour

    que

    la

    raison

    puisse

    ainsi

    se

    poser

    comme

    principe

    suprme

    d'unit,

    comme

    centre vivant de l'univers

    o

    viennent

    s'absorber toutes

    les

    diffrences

    et se

    concilier

    toutes

    les

    oppositions,

    il faut d'abord

    qu'elle

    possde

    elle-mme

    cette unit qu'elle

    confre

    tout le

    reste.

    Il faut

    que ses

    dterminations propres,

    c'est--dire

    les

    catgories,

    au

    lieu

    de

    demeurer isoles, comme

    chez Kant

    par

    exemple,

    ou

    lies

    seulement

    par

    des

    rapports extrieurs,

    s'enchanent

    et

    se

    dveloppent

    en un

    systme

    rgulier,

    vritablement

    organique,

    qui dans

    sa

    totalit

    soit l'ide

    absolue

    ou

    la

    raison elle-mme.

    Cela

    mme

    n'est

    pas

    assez

    dire,

    car

    les

    membres

    d'un

    organisme

    ont

    encore

    certains

    gards

    une

    subsistance

    indpendante.

    Si

    hors

    de

    l'organisme

    ils

    ne

    sont

    plus

    des

    membres,

    au

    moins

    sont-ils encore

    quelque

    chose

    tandis

    que

    hors

    de

    la raison, les

    catgories

    ne

    sont

    plus

    rien.

    Plus

    exactement

    nous

    devons les

    concevoir

    comme

    les

    phases,

    ou les

    moments

    d'un

    seul

    et

    mme

    acte parfaitement

    un

    et

    indivis

    qui est l'ide

    absolue.

    Qu'il

    en est vritablement

    ainsi,

    c'est

    tout

    ce

    que

    la

    logique

    hglienne

    se

    propose

    d'tablir.

    Elle est

    la

    science

    de l'ide

    ou

    de

    la

    raison

    en soi et son

    rsultat

    le

    plus impor-

    tant est

    que

    cette raison est

    une. Nous

    verrons plus

    loin

    quelles

    consquences

    sont

    impliques

    dans cette

    affirmation.

    Pour

    dterminer

    les

    rapports

    rciproques des

    catgories

    il semble

    tout d'abord

    ncessaire

    d'en donner

    la

    liste complte.

    C'est

    ce

    qu'Aristote

    avait

    le

    premier

    tent,

    mais sans

    y

    russir.

    Kant

    reprend

    le

    problme,

    mais

    la

    solution

    qu'il

    en

    donne

    n'a

    gure

    plus

    de

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    25/208

    l'idalisme absolu

    et

    la

    logique spculative.

    i:{

    valeur

    que

    celle

    d'Aristote.

    Il

    part

    d'une

    remarque juste

    en soi,

    savoir

    qu'il

    doit

    exister

    autant

    de

    catgories que de

    formes

    diffrentes

    de

    jugements. Mais

    celte

    remarque ne

    fait

    point avancer

    la solution

    d'un

    pas,

    la

    dtermination

    des

    formes

    possibles

    du

    jugement

    tant

    prcisment

    aussi

    difficile que

    la dtermination directe

    des

    catgo-

    ries.

    11 avait

    cru

    se

    tirer

    d'affaire en empruntant sans

    examen

    et

    sans criti(|ue

    la

    logique

    traditionnelle

    une

    classification

    toute

    faite

    des

    jugements.

    Mais

    le

    caractre

    incomplet

    et

    arbitraire

    de

    cette

    classification

    reparat

    avec

    vidence dans sa

    liste

    des

    catgories.

    Il

    n'entend

    d'ailleurs

    par ce

    terme que

    les

    formes

    de

    l'entendement

    proprement

    dit,

    excluant

    celle

    de

    la

    raison

    au

    sens

    strict et

    de

    ce

    qu'il

    appelle

    le jugement

    tlologique. En

    fin

    de

    compte

    les

    formes

    de la pense ne

    sont

    chez lui

    apprhendes

    et

    dtermines

    que d'une

    manire

    empirique et

    incomplte,

    de

    telle sorte

    que non

    seulement

    leurs rapports

    intrinsques

    ne

    sont

    pas

    mis en

    vidence,

    mais

    qu'

    prendre

    sa

    liste

    telle

    quelle, ces

    rapports

    seraient

    impossibles

    dcouvrir.

    Il

    ne

    semble

    pas

    qu'on

    puisse

    esprer

    faire

    mieux

    en

    suivant

    la

    mme mthode.

    Certes

    les

    catgories se

    retrouvant

    dans

    toutes

    nos

    penses,

    le procd

    naturel

    pour

    les obtenir

    l'tat

    d'isolement

    est

    le procd

    analytique.

    C'est

    celui

    qu'ont employ les

    esprits

    sup-

    rieurs qui

    depuis

    l'origine

    du

    savoir

    ont

    dgag une

    une

    du

    fond

    confus

    de la

    pense vulgaire

    des ides

    sur

    lesquelles

    reposent nos

    systmes

    philosophiques

    et

    nos

    thories

    scientifiques.

    Mais

    cette

    mthode

    qui

    n'est

    au

    fond

    qu'un

    ttonnement,

    c'est--dire

    l'absence

    de

    mthode,

    ne peut

    plus

    nous

    suffire ds que nous

    nous

    proposons

    d'tablir la liste

    dfinitive

    des

    formes

    irrductibles

    de la

    pense.

    Comment

    d'abord nous

    assurer

    que notre

    analyse

    est

    complte

    et

    qu'il ne nous

    reste

    plus rien

    dcouvrir.

    Le

    tout

    dont

    nous

    parlons

    tant par

    essence

    confus

    et chaotique, comment

    pourrons-nous

    jamais

    prouver

    qu'il ne

    contient

    pas d'autres

    formes

    que

    celles

    que

    nous

    y

    avons

    su

    distinguer?

    Nous

    ne

    saurons

    donc jamais

    si

    notre

    liste

    est rellement

    complte. Comment,

    d'autre

    part,

    tre

    certains

    de

    n'avoir inscrit sur

    cette

    liste que

    des

    catgories

    vritables?

    Les cat-

    gories

    sont

    les

    conditions

    ncessaires

    de

    la

    pense

    comme

    telle.

    Gomment

    nous assurer qu'une

    notion

    prsente

    ce caractre?

    Il fau-

    drait

    pour

    cela

    avoir

    de

    la pense

    elle-mme

    une

    ide

    clair-e

    et

    dis-

    tincte,

    or celle ide nous

    ne

    l'avons

    pas

    encore. En

    effet

    si nous

    concevions

    clairement

    et

    distinctement

    la

    pense

    comme

    totalit

    des

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    26/208

    14

    LA

    LOGIQUE

    DE

    HEGEL.

    catgories,

    a

    fortiori

    celles-ci nous seraient

    dj

    connues

    et nous

    n'aurions plus

    rien

    chercher.

    Ainsi

    pour

    dmontrer

    l'unit

    de la

    raison, on

    ne

    peut partir

    d'une

    liste

    des

    catgories

    pralablement

    tablie

    et

    suppose

    complte.

    On

    ne

    saurait

    davantage partir

    de la

    raison

    elle-mme

    conue

    comme

    totalit

    pour

    en

    tirer

    par

    analyse

    toutes

    les catgories.

    Cela

    rsulte

    videmment de

    la

    remarque

    qui

    prcde.

    Toute

    ide a

    priori

    que

    nous

    nous

    faisons

    de

    la

    raison,

    si

    juste

    qu'elle

    puisse

    tre,

    doit

    demeurer

    plus

    ou

    moins

    vague

    et indtermine.

    Car

    si nous

    en

    pos-

    sdions

    l'ide

    exacte et prcise

    nous saurions

    dj ce

    que

    nous

    cherchons.

    Une

    seule mthode

    reste

    possible

    :

    partir

    de l'ide la

    plus

    abstraite

    et la

    moins

    dtermine

    et

    par

    une srie

    de dterminations

    succes-

    sives

    retrouver

    une

    une

    les

    formes plus

    concrtes

    de

    la

    pense

    pure. C'est

    Fichle

    qu'appartient

    la

    conception

    de

    cette

    mthode,

    mais

    il n'a

    pas

    su

    l'appliquer

    dans

    toute

    sa rigueur. Il

    prend pour

    point

    de

    dpart

    le

    Mol,

    le moi

    pur,

    le

    moi abstrait,

    vide

    d'abord

    de

    tout

    contenu.

    Si

    abstraite

    que

    soit cette notion,

    elle est encore

    trop

    dtermine

    pour

    faire

    le

    commencement. Sans

    doute

    le

    rapport

    un

    Moi est une

    condition ncessaire

    de

    toute

    existence et

    par

    suite le

    moi est impliqu

    dans

    toute affirmation.

    Mais

    il

    y

    est seulement

    impliqu,

    ou

    en d'autres

    termes il n'y

    est contenu qu'implicitement.

    11

    devra ncessairement apparatre

    au

    cours du

    processus de

    dter-

    mination

    qui

    constitue

    la

    mthode;

    il

    n'a aucun titre

    tre affirm

    ds le dbut.

    Comme

    d'ailleurs

    le

    moi

    est

    l'oppos

    du

    non-moi,

    en

    prenant le

    moi

    pour point

    de

    dpart

    le

    philosophe

    pose

    comme

    inconditionne l'opposition

    de

    l'objet et

    du sujet;

    il

    s'interdit

    par

    suite

    de

    dpasser

    cette

    opposition

    et se condamne

    ignorer

    les

    catgories par lesquelles

    la raison

    absolue

    la

    dpasse en effet

    et

    s'lve

    la vritable et

    dlinitive unit.

    Cela

    explique

    que

    pour

    Fichte cette

    unit demeure

    un

    devoir pur

    et simple

    ou,

    en

    fin

    de

    compte,

    un

    desideratum.

    Hegel

    s'approprie

    la

    mthode,

    mais change tout d'abord

    le point

    de dpart.

    Chez

    lui

    le commencement

    c'est

    l'tre. L'tre est

    bien

    de

    toutes

    les

    catgories

    la

    plus

    indtermine et

    la plus

    abstraite. Il

    est

    videmment

    impossible

    d'affirmer d'une

    chose quoi que

    ce

    soit

    sans

    affirmer par

    cela

    mme

    qu'elle est.

    Toute ide qu'on voudrait

    substituer

    l'tre,

    contiendrait

    l'tre

    lui-mme plus

    une

    dtermina-

    tion

    qui

    s'y

    viendrait

    ajouter.

    Le

    Moi

    de

    Fichte

    par

    exemple

    est

    for-

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    27/208

    L IDEALISME

    ABSOLU

    ET LA

    LOGIQUE

    SPECULATIVE.

    l ,

    cment conu

    comme

    tre

    en mme temps

    que comme moi.

    L'tre

    est

    la

    limite

    extrme

    que

    l'abstraction ne

    saurait dpasser.

    Le point de

    dpart fix,

    revenons

    sur

    la

    mthode et tchons

    d'en

    prciser

    la

    notion.

    Nous

    avons

    dit

    qu'elle

    consiste

    en

    une

    srie

    progressive

    de

    dterminations.

    Il est

    essentiel

    que

    ces

    dtermina-

    tions ne

    soient

    point motives

    par

    des

    considrations

    arbitraires

    c'est--dire tires d'ailleurs que

    de

    la

    catgorie

    considre.

    La

    mthode

    consistera donc

    mettre

    en

    lumire

    le

    caractre

    intrins-

    quement incomplet

    de

    cette

    catgorie,

    l'impossibilit

    de

    la penser

    en

    elle-mme

    et

    l'tat

    d'isolement sans

    tomber

    dans la

    contradic-

    tion,

    montrer que

    prise

    en

    soi

    elle

    contient

    sa

    propre

    ngation.

    Par suite

    ni la catgorie

    considre,

    ni

    sa

    ngation

    ne

    peuvent

    s'entendre

    par

    elles-mmes.

    Leur

    vrit

    et leur intelligibilit

    doivent

    rsider

    hors

    d'elles,

    dans

    une

    nouvelle

    catgorie

    qui, les

    contenant

    toutes

    deux, et ne

    contenant qu'elles,

    est leur

    unit immdiate.

    Cette

    mthode

    d'opposition

    et

    de

    conciliation

    a

    souvent

    t

    dnon-

    ce

    comme impliquant le rejet

    du

    principe

    de

    contradiction.

    Il

    faut

    s'entendre

    sur

    ce

    point.

    En

    un

    sens

    la

    mthode

    hglienne

    est

    vi-

    demment une

    application

    continue

    du principe

    de

    contradiction.

    Si

    en effet

    l'esprit ne rpugnait

    la

    contradiction, s'il

    pouvait

    y

    demeurer

    et

    s'y

    complaire,

    le procs

    dialectique

    s'arrterait

    de lui-mme

    ou

    pour

    mieux dire il

    ne

    saurait

    commencer. Est-il

    en effet

    autre chose

    que

    l'effort

    continu

    de l'esprit

    pour

    s'affranchir

    de la

    contradiction?

    Ce que

    Hegel

    est amen

    contester

    c'est seulement

    que la contra-

    diction

    ne

    puisse

    en

    aucun

    sens

    tre

    pense.

    Il

    montre

    que

    nous

    la

    pensons en effet

    implicitement chaque fois

    que

    nous

    pensons

    une

    catgorie

    abstraite

    et

    que

    nous

    nous enfermons

    dans

    cette

    pense.

    C'est

    l

    d'ailleurs un

    point difficile

    contester,

    moins de

    nier que

    l'abstrait

    et

    l'incomplet

    ne soient

    tels

    en eux-mmes

    et intrinsque-

    ment,

    de

    prtendre

    que c'est nous

    seulement qui

    leur attribuons

    ce

    caractre.

    Or

    une

    semblable conception

    entranerait

    la

    ngation

    de

    toute

    relation

    ncessaire

    entre

    les

    ides

    ou

    entre

    les

    choses,

    par

    suite

    de

    toute

    science et de toute ralit.

    Dans le

    passage

    d'une

    catgorie

    infrieure

    une

    autre

    plus

    leve,

    la nouvelle

    catgorie

    (synthse) ne

    doit

    pas tre

    considre

    comme

    extraite

    de celle

    dont

    on est

    parti (thse)

    puiscjuc

    loin

    d'y

    tre con-

    tenue,

    c'est elle

    au

    contraire

    qui

    la contient.

    11 ne

    faut pas

    non

    plus

    la

    considrer

    comme

    une

    combinaison

    extrieure

    et

    artificielle

    de

    la

    thse

    et

    de

    sa

    ngation

    (antithse). Celles-ci

    sont

    sou

    gard

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    28/208

    \Q

    LA

    LOGIQUE

    DE HEGEL.

    deux

    termes

    abstraits,

    or

    le

    concret ne saurait natre

    d'une

    simple

    juxtaposition

    d'abstractions.

    C'est un

    fait

    que

    l'esprit

    peut

    penser

    celles-ci

    sans

    penser

    explicitement

    celui-l.

    Mais

    c'est

    un autre

    fait

    qu'il

    ne

    peut

    s'arrter

    cette

    pense

    ni

    considrer

    ces

    abstractions

    comme

    des

    ides

    compltes en

    soi. C'est

    ce

    caractre

    d'imperfection

    intrinsque

    qui

    se

    manifeste

    par leur

    contradiction

    interne

    et

    que la

    dialectique

    s'attache

    mettre

    en

    lumire. Cette

    contradiction

    dis-

    parat

    lorsqu'elles

    sont

    ramenes

    leur

    unit,

    c'est--dire

    mises en

    prsence

    de

    l'ide

    plus

    concrte dont elles

    sont

    tires, quitte d'ail-

    leurs

    se

    reproduire

    comme

    contradiction propre

    celle-ci.

    Mais

    cette

    ide

    plus

    complte

    qui

    explique

    et

    supprime

    la

    contradiction

    n'en

    est

    pas

    le

    rsultat. Si la

    contradiction

    nous

    y

    amne

    et

    nous

    la

    fait

    dcouvrir,

    ce

    n'est

    pas

    elle qui

    la

    produit.

    Elle prexistait

    en

    nous

    l'aperception

    de

    la

    contradiction

    et

    c'est

    sa prsence qui,

    quoique

    non remarque,

    nous a

    permis

    de poser la thse

    et

    l'anti-

    thse

    ainsi que

    leur

    rapport.

    La marche

    de

    la

    dialectique renverse

    donc

    ncessairement

    les

    vrais

    rapports

    des

    ides.

    En remontant

    de

    l'abstrait

    au

    concret,

    elle

    va

    non

    du

    principe

    la

    consquence,

    mais

    de

    la

    consquence

    au

    principe.

    Le

    terme qui est le dernier

    pour

    elle

    est

    en

    ralit le

    premier.

    Il

    est

    prsent

    toutes

    ses

    dmarches,

    les

    motive

    et

    les

    explique.

    Hegel

    ne

    se

    lasse point

    de

    le rpter et

    de

    rpudier

    toute

    prtention

    faire sortir le concret de l'abstrait,

    tirer

    le plus du

    moins. Aussi la persistance

    avec laquelle

    cette

    prtention

    lui

    est attribue est-elle

    faite

    pour tonner quiconque

    a

    pris

    la

    peine de

    l'tudier

    srieusement.

    La

    synthse

    est

    l'unit

    de

    la

    thse

    et

    de

    l'antithse, mais

    une

    unit

    qui

    prexiste

    ses l-

    ments

    et

    en

    certain

    sens

    contient

    plus

    qu'eux.

    J'entends

    qu'ils

    y

    sont combins d'une manire

    originale qualitativement

    dilrente

    d'une

    synthse

    l'autre.

    En d'autres termes la synthse

    n'est

    pas

    prcisment

    une

    ide

    complexe,

    mais

    une

    ide simple dont la

    thse

    et l'antithse sont

    non les

    lments intgrants,

    mais les moments

    idaux.

    Par

    suite

    la

    dialectique

    n'est

    pas

    une

    dduction

    au

    sens

    ordinaire

    du

    mot. Elle n'est non plus

    ni

    une synthse ni

    une

    analyse

    proprement

    dite.

    Si

    l'on

    veut

    toute force

    la dfinir

    au

    moyen

    des

    termes

    qui

    dsignent

    les mthodes communment

    employes dans

    les

    sciences,

    on

    pourra dire

    que

    c'est une analyse, mais

    une

    analyse

    qui

    affecte

    ncessairement

    la

    forme d'une

    synthse.

    Une premire

    unit

    obtenue

    on procdera

    son

    gard

    comme on l'a

    fait

    l'gard

    du

    terme

    immdiat

    dont

    on

    est

    parti

    et

    ainsi

    de

    suite

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    29/208

    l'idalisme

    absolu

    et

    la logique

    spculative.

    17

    jusqu' ce

    qu'on

    soit

    parvenu

    l'ide absolue,

    la catgorie

    suprme

    o

    toutes

    les

    oppositions

    seront concilies et qui sera

    l'unit

    de toutes

    les

    catgories

    antrieures.

    On a quelquefois

    mis

    en doute la possibi-

    lit

    pour

    la

    dialectique

    de

    parvenir

    un

    terme

    final,

    et

    considr

    comme arbitraire

    celui

    que Hegel

    lui assigne.

    11 a

    sembl

    que

    le

    mouvement

    commenc

    devait

    se

    poursuivre indfiniment,

    tout

    terme

    pouvant

    tre

    ni et

    former

    ainsi

    la

    thse

    d'une

    antinomie

    dont

    sa

    ngation serait

    l'antithse.

    Cette

    objection

    provient

    de

    ce qu'on

    mconnat la vraie

    nature

    du procs dialectique

    et

    nous

    l'avons,

    dans

    ce qui

    prcde,

    rfute

    implicitement.

    La

    dialectique

    n'est pas

    un

    vain

    formalisme

    d'opposition

    et

    de

    combinaison

    indpendant

    de

    la

    nature des

    termes

    qu'il oppose

    ou qu'il

    combine.

    Ceux-ci

    ne

    sont

    pas

    une

    matire indiffrente

    qu'on

    soumet

    une

    procdure

    logique

    uniforme.

    En

    logique la

    matire

    et

    la

    forme

    sont

    donnes

    l'une

    avec

    l'autre et ne

    sont

    au

    fond

    que deux

    aspects

    de

    l'ide.

    La

    dialectique

    par

    laquelle

    on

    passe

    d'une

    catgorie

    l'autre

    a

    son

    fondement

    dans

    leur

    nature mme.

    L'unit

    du

    procd, qui

    d'ailleurs

    n'est

    pas

    absolue

    et

    n'exclut

    pas

    la

    diffrence,

    ne

    repose

    pas

    sur

    un

    parti

    pris,

    mais

    se

    produit et

    s'impose

    comme un fait.

    Ce

    fait

    est d'ailleurs

    une

    consquence

    naturelle

    de

    l'unit de

    la

    raison.

    S'il

    en

    est ainsi,

    prtendre

    que

    le

    procs

    dialectique

    n'a

    pas de terme normal

    c'est

    soutenir

    que

    le

    nombre des catgories

    est

    infini

    ou indfini.

    Cela

    revient

    refuser

    la raison toute unit,

    non

    pas

    seulement

    cette

    unit par

    excellence

    que

    lui

    attribue

    l'idalisme

    absolu,

    mais

    mme

    l'unit

    tout extrieure

    du

    nombre

    dtermin.

    Nous

    ne

    croyons pas

    qu'on

    puisse imaginer

    une thse

    plus

    radicalement

    absurde.

    L'application

    rigoureuse

    de

    la

    mthode

    prsente

    une srieuse

    dif-

    ficult

    que

    nous croyons devoir signaler. Il

    s'agit

    de

    n'omettre

    aucune

    catgorie

    et

    il

    faut pour cela s'assurer

    chaque

    pas

    qu'on

    fait

    en avant

    que

    l'imit

    suprieure

    o

    viennent se concilier

    les

    deux termes

    d'une

    antinomie est bien

    leur

    unit immdiate,

    c'est--

    dire

    ne

    contient

    qu'eux

    seuls

    et les

    termes

    qui

    se

    sont

    dj

    absorbs

    en

    eux

    l'exclusion

    de

    tout terme

    plus

    concret.

    Si cette condition

    n'tait pas

    remplie,

    toutes les dductions

    ultrieures

    seraient

    d'ores

    et

    dj

    vicies. Or c'est l un

    fait

    difficile

    vrifier.

    En

    effet

    les

    mots

    qu'on

    emploie

    pour exprimer les

    formes

    abstraites de la

    pense

    sont

    le

    plus

    souvent

    quivocjues, ce

    qui revient dire

    que

    ces

    formes

    elles-mmes

    sont imparfaitement

    dfinies

    et

    fixes.

    D'autre part on

    ne

    saurait

    substituer

    ces

    mots

    des

    termes

    de

    pure

    convention

    ou

    .Nol.

    '2

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    30/208

    18

    LA

    LOGIQUE

    DE HEGEL.

    les

    dpouiller

    expressment

    de

    toutes

    leurs

    connotations

    usuelles,

    cela

    reviendrait

    en

    effet

    dfinir exclusivement

    chaque

    catgorie

    par

    les

    catgories

    antrieures

    dont elle doit

    tre

    l'unit.

    11

    serait

    alors

    bien

    difficile

    d'viter

    que

    la dialectique

    tout

    entire,

    pour

    tout

    autre

    que

    pour

    son

    auteur,

    se rduisit

    un vain

    formalisme

    sans

    signification

    et

    sans

    porte. Le

    seul

    parti

    possible

    tait

    de choisir

    dans

    la

    langue

    commune

    le terme

    le plus

    appropri

    la

    dsignation

    de chaque

    catgorie,

    et

    d'indiquer par

    des

    claircissements

    et

    des

    exemples

    ce

    qu'on

    devait

    conserver et

    ce

    qu'on

    devait

    omettre

    de

    sa

    signification

    usuelle.

    C'est ce que Hegel a

    fait et

    c'est au lecteur

    juger

    jusqu'

    quel point

    il

    a

    russi.

    Quoi

    qu'il en

    soit,

    cette

    dialectique,

    par

    laquelle Hegel remonte

    de

    la

    plus

    humble

    et de la

    plus

    vide

    des notions,

    la

    plus riche

    et la

    plus complte,

    celle qui,

    rsumant toutes

    les autres, s'identifie

    avec

    la raison, n'est

    pas

    une

    mthode arbitraire,

    extrieure

    son

    objet.

    Le

    passage

    de

    chaque

    catgorie

    finie

    la

    catgorie

    immdiatement

    suprieure exprime

    non

    une

    vue

    subjective

    de

    l'esprit,

    mais

    la nature

    de

    la

    catgorie

    considre.

    Cette

    nature est prcisment

    d'tre

    l'unit

    des

    catgories

    antrieures

    et

    en

    mme

    temps

    un moment abstrait

    d'une

    catgorie

    plus

    haute.

    Elle

    n'est en

    soi

    rien

    autre chose

    qu'une

    phase

    dtermine

    du

    mouvement dialectique que la logique

    nous

    expose. On

    peut

    donc

    dire

    que

    ce mouvement

    est celui

    de

    la

    raison

    elle-mme qui, par

    son

    activit interne,

    se

    diffrencie

    en

    ses

    l-

    ments

    abstraits

    et

    reconstitue

    son unit

    par la

    synthse de

    ces

    l-

    ments.

    La

    logique

    n'est

    donc

    pas,

    comme

    les

    sciences

    ordinaires,

    vritablement

    distincte de

    l'objet qu'elle tudie. En elle le

    savoir

    et

    son objet sont

    rellement

    identiques. La

    science

    de l'ide

    n'est

    pas

    au

    fond autre chose

    que

    l'ide.

    C'est

    l'ide

    se

    dfinissant

    elle-

    mme

    et s'levant,

    par

    sa

    dialectique immanente,

    la

    pleine

    con-

    science

    de

    soi.

    La

    logique

    spculative de

    Hegel est

    d'abord

    une

    logique

    au

    sens

    propre,

    c'est--dire

    une

    exposition

    mthodique

    des

    formes de

    la

    pense.

    Elle

    est

    en

    mme temps

    une

    critique

    de

    la raison

    pure,

    non

    prcisment

    au

    sens

    de

    Kant,

    mais

    au

    seul

    sens

    que

    puisse

    vrita-

    blement

    comporter

    le

    terme.

    C'est une

    entreprise

    doublement

    chi-

    mrique

    que

    de vouloir

    fixer

    la

    raison

    ses

    bornes.

    En effet

    d'une

    part,

    une

    raison

    limite ne serait

    plus

    la raison.

    D'autre

    part,

    la

    raison

    seule

    peut

    critiquer

    la

    raison; or reconnatre

    et

    dfinir

    ses

    limites, serait

    par

    cela

    mme

    les

    dpasser,

    la

    connaissance

    de

    la

  • 7/25/2019 La Logique de Hegel Nol

    31/208

    L IDEALISME

    ABSOLU

    ET

    LA

    LOGIQUE

    SPECULATIVE.

    19

    limite

    impliquant

    ncessairement

    une certaine

    connaissance

    de

    l'au-

    del.

    Mais s'il

    est

    absurde

    de

    vouloir

    limiter l'usage

    de

    la raison

    en

    gnral,

    rien

    n'est

    plus

    important

    que

    de

    fixer

    les

    limites

    propres

    et

    le champ

    d'application

    de chaque

    catgorie.

    Or c'est l

    un des

    rsultats

    et

    non

    le moins important

    de la

    logique

    hglienne.

    Nanmoins,

    malgr

    la

    diffrence

    de

    point

    de vue,

    Hegel

    est,

    dans

    ses

    conclusions,

    peu

    prs

    d'accord

    avec

    Kant, et

    confirme

    les

    rsul-

    tats

    gnraux auxquels

    celui-ci

    tait arriv. Il

    reconnat

    comme

    son

    devancier

    l'impuissance

    des

    catgories

    de

    l'entendement

    proprement

    dit

    (catgories

    de

    l'tre

    et

    de

    l'essence)

    nous donner

    la

    connais-

    sance de l'absolu. Mais

    tandis

    que

    Kant

    nous

    interdit

    dfinitivement

    cette connaissance,

    Hegel

    conclut simplement

    qu'elle

    est d'un autre

    ordre

    que

    les

    sciences

    finies

    et

    dpend de

    catgories

    suprieures

    celles

    qui

    suffisent

    ces

    sciences.

    La

    logique

    est

    enfin

    une vritable

    ontologie.

    En effet,

    elle

    a

    pour

    point

    de dpart

    l'ide

    de l'tre

    et, si

    les

    dterminations

    qu'elle

    y

    ajoute

    successivement

    n'en sont

    pas

    tires

    par

    analyse,

    elles

    y sont

    nanmoins

    ncessairement

    rattaches. Il

    est

    dmontr, en

    un

    mot,

    que

    l'tre

    ne

    saurait

    tre

    conu en

    dehors

    de

    ces dterminations,

    que

    par

    suite elles

    sont les

    dterminations

    ncessaires

    de

    l'tre.

    On

    ne

    saurait

    donc

    affirmer

    une existence

    quelle

    qu'elle soit

    sans

    affirmer

    en

    mme temps

    la

    ralit

    des catgories les

    plus

    hautes

    auxquelles

    s'est leve

    la dialectique; sans affirmer

    par

    exemple un

    ordre

    cosmique,

    la

    vie,

    la

    pense

    finie,

    en

    dernier

    lieu

    la

    pense

    infinie

    en

    qui et

    par ([ui subsiste

    toute

    chose. Considre

    de ce

    point

    de

    vue,

    la

    logique

    se confond avec

    la

    mtaphysique.

    En

    particulier

    elle

    con-

    stitue

    dans son ensemble

    la

    dmonstration la plus

    rigoureuse

    de

    l'existence

    de

    Dieu.

    On

    voit par

    ce

    simple

    expos

    quelle

    place

    importante

    la

    logique

    tient dans

    le

    systme.

    Elle

    ne

    donne

    pas seulement

    au philosophe

    la

    base

    sur

    laquelle

    devra

    reposer

    l'difice

    entier

    de

    la

    science

    et

    l'instrument

    ou

    la

    mthode

    qu'il