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Philippe Dumas : Histoire d'Edouard, L'École des loisirs Représentations de l'âne dans la littérature pour par Anne-Caroline Chambry* enfants Pourquoi, alors que cet animal a pratiquement disparu de notre environnement quotidien, trouve-t-on toujours autant d'ânes dans les livres pour enfants ? Anne-Caroline Chambry étudie les caractéris- tiques ambivalentes de la figure de l'âne qui permettent aux enfants de s'y identifier. Cet article est tiré d'une thèse de médecine vétérinaire qui sera publiée prochainement aux Éditions Cheminements ; cette thèse se veut un hommage aux nombreux auteurs qui écrivent des livres pour enfants et qui font toujours preuve d'une grande perspicacité psychologique. (A.C.C.) * Anne-Caroline Chambry est Docteur vétérinaire. L es représentations de l'âne dans la littérature enfantine sont nom- breuses ; l'âne se rencontre par- tout, dans tous les genres : fables, contes, romans, comptines, albums, bandes dessinées ou poèmes. Il inter- vient tantôt comme personnage princi- pal, tantôt comme personnage secon- daire ; il est plus ou moins humanisé : ici, il sera un animal et se comportera comme tel ; là, il sera doué de parole, tout en gardant le comportement d'un animal ; ailleurs, il ne dialoguera pas avec les hommes, mais il se comportera avec la délicatesse et l'intelligence d'un être humain ; ailleurs encore, il sera humanisé à l'extrême, parlant, pensant et agissant comme un humain. La fréquence de l'âne dans la littérature s'explique aisément : il est l'un des plus vieux compagnons de l'homme, un des dossier / N ° 210 - LA "EVUEDESLIVRESPOURENFANTS

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  • Philippe Dumas : Histoire d'Edouard,L'École des loisirs

    Représentations

    de l'ânedans

    la littérature pourpar Anne-Caroline Chambry*

    enfantsPourquoi, alors que cet animala pratiquement disparu de notreenvironnement quotidien,trouve-t-on toujours autantd'ânes dans les livres pourenfants ? Anne-CarolineChambry étudie les caractéris-tiques ambivalentes de la figurede l'âne qui permettent auxenfants de s'y identifier.

    Cet article est tiré d'une thèse de médecine vétérinaire

    qui sera publiée prochainement aux Éditions

    Cheminements ; cette thèse se veut un hommage aux

    nombreux auteurs qui écrivent des livres pour enfants et

    qui font toujours preuve d'une grande perspicacité

    psychologique. (A.C.C.)

    * Anne-Caroline Chambry est Docteur vétérinaire.

    L es représentations de l'âne dans lalittérature enfantine sont nom-breuses ; l'âne se rencontre par-tout, dans tous les genres : fables,contes, romans, comptines, albums,bandes dessinées ou poèmes. Il inter-vient tantôt comme personnage princi-pal, tantôt comme personnage secon-daire ; il est plus ou moins humanisé :ici, il sera un animal et se comporteracomme tel ; là, il sera doué de parole,tout en gardant le comportement d'unanimal ; ailleurs, il ne dialoguera pasavec les hommes, mais il se comporteraavec la délicatesse et l'intelligence d'unêtre humain ; ailleurs encore, il serahumanisé à l'extrême, parlant, pensantet agissant comme un humain.

    La fréquence de l'âne dans la littératures'explique aisément : il est l'un des plusvieux compagnons de l'homme, un des

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  • premiers animaux à avoir été domesti-qué, l'un des plus utiles en raison deses qualités d'infatigable travailleur :l'âne est en effet une monture facile àdiriger, un animal de trait qui tire lescarrioles sans se plaindre, une bête desomme bâtée qui transporte toutessortes de marchandises, l'ouvrier quifait tourner la lourde meule pour écra-ser les olives, le tracteur de l'attelage dupetit cultivateur, en bref le serviteur parexcellence, qui abat une quantité consi-dérable de travail et qui nécessite peud'entretien. L'âne, qu'on voyait jadisdans les campagnes était un animalfamilier ; sa fréquence, dans la littéra-ture d'hier, est un vestige de son omni-présence dans la vie rurale et de sagrande intimité avec l'homme. Au fur età mesure que l'agriculture s'est mécani-sée, ce serviteur a peu à peu disparu denotre quotidien1 ; l'exode rural a fait lereste, et la population des ânes enFrance est passée de 400 000 individus(11 ânes pour 1000 habitants) en 1860 à30 000 individus aujourd'hui (0,6 ânepour 1000 habitants) .2

    L'âne a peut-être disparu de nos cam-pagnes mais il n'a pas pour autantdisparu de la littérature enfantine, ycompris de celle qui s'écrit aujourd'hui.Alors que le statut de l'enfant, au sein dela famille, a connu une évolution et quela littérature de jeunesse a, elle aussi,beaucoup changé, paradoxalement, aumilieu de tous ces changements, la fonc-tion de l'âne dans les livres pour enfantsne semble pas s'être modifiée au fil desâges. Qu'a-t-il donc de si spécial3, qu'onveuille encore le représenter, alors mêmeque les enfants des villes ou des ban-lieues n'ont que très rarement l'occasiond'en voir ?

    Un caractère étonnantMalgré la diversité de ses représentations,dans des œuvres de différents genres etde différentes époques, il existequelques grandes constantes : ses carac-téristiques anatomiques et physiolo-giques (ses grandes oreilles, son braie-ment, son allure de lourdaud) et certainstraits de caractère qu'on lui attribuecommunément. Mais le recensement deces traits de caractère fait bien vite appa-raître une curieuse ambiguïté. En effet,si la plupart des animaux véhiculent unecharge symbolique forte et réduite à uneseule interprétation, (le loup représentepar exemple les pulsions d'agression etde dévoration ; le renard incarne l'intel-ligence, la ruse et la duplicité ; le lion, lapuissance et l'orgueil ; le chien, la fidéli-té et le dévouement ; le serpent, le men-songe et la bassesse ; le mouton, la pas-sivité et l'obéissance), il est impossible,en revanche, d'assigner à l'âne un traitde caractère qui le définisse de manièrefacile et univoque.

    Et la bêtise, dira-t-on ? N'est-elle pas ledéfaut qu'on lui prête le plus communé-ment ? En atteste la tradition du bonnetd'âne dont le maître d'école affublaitjadis le mauvais élève pour stigmatiserson ignorance, laquelle tradition puisesans doute son origine dans le mythe deMidas qui s'était vu coller des oreillesd'âne par Apollon ; en attestent aussi denombreuses pratiques linguistiquescomme la métaphore de l'ânerie pourdésigner une bêtise ou celle contenuedans le verbe ânonner qui décrit l'actionde répéter bêtement sans réfléchir. Leproverbe latin asinus asinum picot sug-gère que les ânes, c'est-à-dire les imbéciles,se fréquentent entre eux. En attestentenfin de nombreux récits, au premier

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  • rang desquels se trouvent les fables.Dans L'Âne juge (La Fontaine), les ani-maux décident de se doter d'un juge, etchoisissent pour cela un âne : « Un bau-det fut élu, par la gent animale / Juged'une chambre royale ». Voici qu'uneguêpe et une abeille se disputent poursavoir qui fait le meilleur miel. L'âne-juge goûte les produits des deux hymé-noptères et tranche : c'est la guêpe quifait le meilleur miel ! Morale énoncéepar le renard : si on choisit un âne pourjuge, on aura des verdicts idiots : « sireGoupillet, renard de forte tête, / leur dit :(...) / Je n'attendais pas moins de cecroque-chardons. / Selon ses goûts, jugela bête ! ». La fable critique l'institutionde la justice, puisque les magistrats s'yvoient comparés à des ânes qui rendentdes verdicts contestables ; elle ne fonc-tionne qu'en raison de la bêtise implici-tement attribuée aux ânes. Même chosedans L'Âne qui portait du sel (Ésope) :un âne qui porte du sel fait un faux paset tombe dans la rivière. Son fardeaufond et il en est tout heureux. Quelquetemps après, il transporte des éponges,et se laisse glisser dans l'eau pensant sedébarrasser de sa charge, mais il se noie.Morale : il est des ruses qui se retour-nent contre leur auteur, tel est pris quicroyait prendre ; Ésope y illustre bien labêtise de l'âne. L'Âne portant desreliques (La Fontaine) met en scène unâne qui transporte les reliques d'unsaint : il s'imagine, de ce fait, être l'objetde la dévotion populaire : « Un baudet,chargé de reliques / S'imagina qu'on l'a-dorait / Dans ce penser il se carrait, /Recevant comme siens l'encens et lescantiques » : La Fontaine suggère ici quebêtise et vanité vont de pair chez l'âne.Cette même symbolique (l'âne commeincarnation de la bêtise) fut exploitée

    « L'Âne et l'ânier »,

    in : Mitsumasa Anno : Les Fables d'Ésope lues par Maître Renard, Circonflexe

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  • C. Collodi : Pinocchio, Ml. C. Chiostri, Gallimard

    Comtesse de Ségur : Mémoires d'un âne, III. H. Castelli,Michel de l'Ormeraie

    par Carlo Collodi dans Les Aventures dePinochio : des enfants paresseux, men-teurs, désobéissants, voleurs et gour-mands font l'école buissonnière ; enguise de punition, ils se voient transfor-més en ânes !

    Mais au fond l'âne n'est pas cet animalidiot qui vient d'être décrit, ni dans laréalité, ni dans les représentations litté-raires. Les ethno-zoologues saventdepuis longtemps que l'âne est d'unnaturel curieux, doté d'une grande capa-cité d'adaptation à de nouveaux environ-nement (l'entêtement dont on l'accuseparfois est en réalité de la prudence carla vision de l'âne est imprécise au pointqu'il ne peut pas par exemple, faire ladifférence entre une flaque d'eau et ungouffre), et doué d'une grandemémoire : les scientifiques ont établiune sorte de hit-parade des capacités demémorisation des mammifères, et ontmontré que les équidés arrivent enseconde position, juste derrière l'élé-phant, tandis que l'homme n'arrive qu'àla 43e place ! Beaucoup d'auteurs ontillustré ces qualités ; Cadichon, dans LesMémoires d'un Âne, est l'archétype del'âne intelligent. En tant que narrateur, ilnous décrit lui-même le projet de laComtesse de Ségur : « Pour mieux vousfaire connaître ce que sont les ânes,j'écris et je vous offre ces Mémoires (...)Vous verrez que lorsqu'on aura lu celivre, au lieu de dire bête comme un âne,têtu comme un âne, on dira : de l'espritcomme un âne, savant comme un âne,docile comme un âne ».

    Tout un ensemble de fables (par exempleL'Âne et le loup d'Ésope, La Mouche et laMule de Phèdre ou L'Âne vêtu d'unepeau de lion de La Fontaine) mettent en

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  • valeur l'intelligence, la sagesse ou la rusede l'âne : elles racontent généralementdes situations dans lesquelles l'âne réagitde manière imprévue ou astucieuse ens'adaptant aux circonstances. Dans « LeMauvais jars » (Les Contes bleus du ChatPerché), Marcel Aymé oppose l'intelli-gence et la modestie de l'âne à la vanitéet à la bêtise du jars.

    Une fable est d'ailleurs emblématique dela dualité de l'âne, qu'on juge tantôtsage, tantôt idiot : c'est celle des DeuxMulets (La Fontaine) ; deux mulets che-minent, l'un modeste, chargé d'avoine, etl'autre, chargé de l'argent de la gabelle ;« celui-ci, glorieux d'une charge si belle /N'eût voulu pour beaucoup en être sou-lagé ». Surviennent des voleurs qui s'enprennent naturellement au second.Commentaire plein de bon sens du pre-mier : « Ami, lui dit son camarade, / IIn'est pas toujours bon d'avoir un hautemploi ». D'un côté, un mulet sage etmodeste ; de l'autre, un ambitieux, pleinde bêtise et de vanité !On voit que coexistent deux manières decaractériser l'âne, deux pôles opposés,deux attitudes extrêmes, la première quiconsiste à valoriser l'âne de manièreexcessive (il se voit alors paré de toutesles vertus) et la seconde qui consiste à ledévaloriser, là aussi, de manière excessive(il est alors paré de tous les vices).Cette dualité, dans les représentations del'âne, ne se limite pas aux capacitésintellectuelles, et on la retrouve dans lesautres registres : par exemple, ceux ducœur, de l'aptitude au travail, de la doci-lité, de la tempérance et du raffinement.Examinons le registre du cœur : l'âne estsouvent cité en exemple pour sondévouement ; le baudet dont il est ques-tion dans Les Animaux malades de la

    Peste (La Fontaine) illustre bien le rôlede victime expiatoire des péchés de toutun peuple ; il se dévoue, ou plutôtcomme le dit La Fontaine avec unemploi transitif, on le dévoue : « Sa pec-cadille fut jugée un crime pendable /Manger l'herbe d'autrui ! Quel crimeabominable ! » Autre exemple tiré deVictor Hugo, Le Crapaud, poème qui aété mis à la portée des enfants parPhilippe Dumas (Victor Hugo s'estégaré) : des enfants torturent un crapaudqui parvient à leur échapper. Survientun âne qui tire une lourde charrette etqu'on bat pour le faire avancer plus vite.À la vue du crapaud, il s'arrête pour nepas l'écraser, malgré la volée de coupsqui s'abat sur lui. L'Âne Culotte d'HenriBosco décrit cette douceur. L'âne y estdiscret, bon et serviable. Il est enquelque sorte un messager, un lien entrele paradis de Monsieur Cyprien et lesgens du village. Il remplit ses missionssans se préoccuper ni des moqueries desenfants ni de la méfiance des adultes.

    Cette bonté naturelle de l'âne a néan-moins un contrepoint : certains textes lemontrent en effet rancunier (Daudet : LaMule du Pape), méchant, jaloux ou égoïste ;on se rappellera l'âne Edgar dans Le GrosChagrin d'Edgar (X. Gorce), qui envieune grosse dinde prétentieuse parcequ'elle est nourrie deux fois par jour etqu'elle mobilise toutes les attentions ; onse rappellera aussi L'Âne et le Chien (LaFontaine), fable dans laquelle un âne semet à paître ; un chien lui demande alorsun service, mais il fait la sourde oreille,tout occupé qu'il est à déjeuner. Survientun loup qui menace l'âne, lequel appellele chien à son secours : « Sire Loup étran-gla le baudet sans remède. / Je conclusqu'il faut qu'on s'entraide. »

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  • / Le baudet qui, rentrant le soir, surchargé, las,/ Mourant, sentant saigner ses pauvres sabots plats,/ Fait quelques pas de plus, s'écarte et se dérange

    v.Pour ne pas écr:abjei xapaud dans la fange

    Victor Hugo termine en faisant beaucoup de compliments sur cette bête exemplaire.

    Philippe Dumas : Victor Hugo s'est égaré, L'École des loisirs

    On pourrait ainsi aborder tous les diffé-rents registres, et montrer que l'âne esttantôt endurant, tantôt paresseux, tantôtdocile, tantôt têtu, tantôt sobre, tantôtlubrique ; l'âne est généralement décritcomme un animal qui manque de raffi-nement, un croque-chardon pourreprendre l'expression de La Fontaine,une bête tout à la fois grossière et dis-gracieuse, dont la peau fait des habits depauvres (Peau d'Âne) et dont le parler(le braiement) prête à rire. Mais dansbeaucoup de textes, l'âne fait au contrairepreuve d'une très grande délicatessede sentiments : L'Histoire d'Edouard(Philippe Dumas) décrit un âne musi-cien et valseur qui trouve un emploi degarçon de café, après avoir eu soin de

    cacher ses oreilles. Il est amoureux de lacaissière et lui fait la cour avec uneexquise courtoisie.

    Un constat s'impose : l'âne est un êtremultiforme qui se montre raffiné danstelle œuvre mais grossier dans telleautre, intelligent dans tel roman et bêtedans tel conte, travailleur dans telle fablemais paresseux dans telle bande dessi-née, doux dans tel album mais colériquedans telle chanson. C'est donc un ani-mal complexe et c'est sans doute en rai-son de cette complexité de caractère qu'ilapparaît dans la littérature enfantinecomme un être paradoxal, pétri decontradictions, travaillé par des senti-ments contraires.

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  • Une identification naturelle de l'en-fant à l'âneOn l'aura compris, l'âne est, pour l'enfantlecteur, un autre lui-même, celui qui luifait prendre conscience de sa place dansle monde, celui qui lui montre à l'occa-sion où est le bien et où est le mal, celuiqui prend en charge ses difficultés et sescontradictions, celui qui se trouve enga-gé dans des conflits semblables à ceuxauxquels il se heurte en grandissant : uncompagnon en somme auquel il peuts'identifier. Cette identification est d'au-tant plus facile que l'âne est dominé parl'homme (tout comme l'enfant par sesparents), qu'il se voit demander beau-coup de travail (tout comme l'enfant àl'école), et qu'il attire spontanément lasympathie avec ses drôles d'oreilles etson air doux !

    À travers la représentation de certainsconflits les livres aident l'enfant à struc-turer sa personnalité. Cette fonctionpsychologique est particulièrementimportante, car l'enfant se sent soulagéde voir ses pulsions sortir du placard del'inavouable ; il revit ses contradictions àtravers ses lectures, et il se sent, de cefait, moins seul. L'âne est, à cet égard, lemédiateur par excellence ; ainsi Le PetitÂne de Rouffignac (Annie Fournier)raconte l'histoire d'un petit âne quioccupe une place centrale au sein d'unefamille et qui se voit un jour détrônélorsque le fermier achète une voiturepour les corvées de marché : le petit âneest jaloux. Voici que la voiture tombe enpanne, et l'âne est alors tout heureux deretrouver sa fonction. Cette petite histoirea pour objet de légitimer le sentiment dejalousie que suscite l'arrivée d'un cadetchez l'aîné. La représentation de ceconflit rassure l'enfant. Un autre album,

    H. Bosco : L'Âne culotte, II. Rozier-Gaudriault, Gallimard (Folio Junior)

    « L'Ane et le cheval »,

    in : Marcel Aymé : Les Contes du chat perché, III. N. Parain,

    Gallimard

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  • L'Âne qui voulait changer la vie(William Papas) met en scène un âne,Pindare, qui, malgré les bons traitementsde son maître Pedro (nourriture assurée,toilette...), s'ennuie et rêve de liberté. Unjour il s'échappe ; voici qu'aprèsquelques mois de liberté (le titre anglaisThe Long-haired donkey - L'âne aux che-veux longs - et son goût pour les fleursplacent indubitablement cette fuguesous le signe du mouvement hippy desannées 70 !), il s'ennuie à nouveau etrêve alors de travailler. Cette petite his-toire met en scène le tiraillement entre ledésir d'autonomie, pour échapper à unquotidien de soumission, douillet maisennuyeux et le besoin de sécurité, voirede bonheur dans l'effort.

    Malgré la grande variété des représenta-tions de l'âne dans les livres pourenfants, et au-delà des différences quesuppose leur évolution dans le temps,deux constantes semblent donc se déga-ger : le mécanisme à l'œuvre dans leslivres et l'objectif qu'on assigne à cesderniers. Le mécanisme, c'est l'identifi-cation de l'enfant à l'âne (qu'il s'agissede Mémoires d'un âne ou de L'Histoired'Edouard, l'enfant se voit toujours invi-té à considérer l'âne comme un autrelui-même) ; et l'objectif, c'est toujoursd'aider l'enfant à grandir, selon le projetpédagogique du moment : il s'agit tan-tôt de dresser l'enfant à faire le bien,tantôt de susciter chez lui un désir deconnaissances, tantôt de l'aider à assu-mer une situation difficile par le biais desa représentation.

    Il se crée donc une nouvelle intimitéentre l'homme et l'âne par le biais dela littérature enfantine. Souhaitonsque cette nouvelle intimité amène

    plus de chercheurs à se pencher surl'Equus Asinus et qu'on connaîtra demieux en mieux celui qui a été, et quidemeure encore aujourd'hui, si prochede l'homme !

    P. Dumas : Histoire

    d'Edouard, L'École

    des loisirs

    1. La disparition de l'âne de notre quotidien est un phé-

    nomène circonscrit aux pays riches, puisque seulement

    2% des ânes dans le monde se trouvent dans les pays

    industrialisés, les autres 98 % se trouvant dans les pays

    en voie de développement, surtout en Afrique et en Asie.

    Dans ces pays ou la mécanisation est encore faible, le

    nombre d'ânes croît régulièrement, car ceux-ci assurent

    des fonctions importantes dans la vie de tous les jours.

    2. Le statut de l'âne, au fil des ans, s'est considérable-

    ment valorisé : d'esclave, hier, il est presque devenu un

    animal de compagnie aujourd'hui.

    3. On notera, en passant, la pauvreté du savoir scienti-

    fique sur l'âne, qui a longtemps été considéré comme

    le cheval du pauvre : la zoologie ou l'ethno-zoologie

    n'offrent que peu de connaissances sur sa place au

    sein de la grande famille des équidés, et les connais-

    sances biologiques qu'on en a découlent bien souvent

    du savoir sur le cheval, alors qu'il s'agit de deux espè-

    ces différentes et que les extrapolations d'une espèce

    à l'autre sont délicates.

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