La littérature française du XVIe siècle

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COLLECTION CURSUS ▲ LITTÉRATURE La Dissertation littéraire A. Preiss L'analyse des textes J. Molino L'explication littéraire et le commentaire composé A. Preiss, J.-P. Aubrit La Grammaire, tome I J. Gardes-Tamine La Grammaire, tome II J. Gardes-Tamine La Stylistique J. Gardes-Tamine La Poésie J.-L. Joubert Le Roman M. Raimond Le Théâtre M.-C. Hubert Histoire de la scène occidentale de l'Antiquité à nos jours M.-C. Hubert Le Théâtre latin F. Dupont Géographie et ethnologie en Grèce ancienne C. Jacob La Littérature française du XVI siècle J.-Y. Boriaud La Littérature française du XVII siècle J.-P. Landry, I. Morlin La littérature française du XVIII siècle J. Renaud La Littérature française du XIX siècle P.-L. Rey La Nouvelle E. Lecarme, J. Lecarme Dictionnaire de critique littéraire J. Gardes-Tamine, M.-C. Hubert

A PHILOSOPHIE Les Méthodes en philosophie J. Russ Histoire de la philosophie tome 1 A. Baudart, et alii

Dictionnaire de philosophie N. Barraquin

▲ HISTOIRE Introduction à l'histoire de l'Antiquité P. Cabanes

La Religion grecque L. Bruit Zaidman, P. Schmitt Pantel Le Monde romain tardif ( I I I siècle ap. J.-C.) B. Lançon La Méditerranée antique M. Sartre, A. Tranoy La Méditerranée médiévale de 350 à 1450 G. Jehel Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance G. Comet, M.-C. Amouretti Société, cultures et mentalités dans la France moderne X V I siècle R. Muchembled Les Causes de la Révolution française J.-P. Bertaud La Révolution française (1789-1799) M. Vovelle

Le Consulat et l'Empire (1799-1815) J.-P. Bertaud La Croissance économique de la France (1815-1914) A. Beltran, P. Griset La France de 181 5 à 1 848 J.-C. Caron Le Monde du travail en France ( 1800-1 950) A. Dewerpe Les Relations internationales de 1871 à 1914 P. Milza

Les États-Unis de l'indépendance à la Première Guerre mondiale J. Portes L'Autriche-Hongrie (1815-1918) J. Bérenger La France des débuts de la III République (1875-1896) D. Lejeune

La France de la Belle Époque (1896-1914) D. Lejeune Les Causes de la Première Guerre mondiale D. Lejeune La France des années 20 F. Abbad La France des années 30 S. Berstein

L'Économie française (1914-1945) A. Beltran, P. Griset Les Causes de la Deuxième Guerre mondiale Y. Durand La France dans la Deuxième Guerre mondiale Y. Durand

Histoire politique de la France depuis 1945 J.-J. Becker

Histoire de l'économie française depuis 1945 J.-F. Eck

Histoire de la société française depuis 1945 D. Borne La France et le monde depuis 1945 J. Dalloz Histoire culturelle et intellectuelle de la France au XX siècle P. Goetschel, E. Loyer La Décolonisation française C.-R. Ageron Les Relations internationales depuis 1945 M. Vaïsse Les États-Unis de Truman à Bush J. Heffer

L'Angleterre de 1914 à 1945 R. Marx

L'Angleterre de 1945 à nos jours R. Marx

L'Allemagne de 191 8 à 1 945 A. Wahl

Histoire de la République fédérale d'Allemagne A. Wahl

Histoire du Japon (1 868-1945) F. Abbad

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Collection Cursus, série «Littérature»

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Jean-Yves Boriaud

La littérature française du XVI siècle

ARMAND COLIN

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© Armand Colin Éditeur, Paris, 1995 ISBN : 2-200-21256-9

Armand Colin Éditeur, 5 rue Laromiguière - 75241 Paris Cedex 05

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Délimiter, pour la France, une littérature spécifiquement « renaissante » est malaisé. Il y apparaît des monuments, célèbres et fêtés, tels Montaigne ou Rabelais. Brillent à leurs côtés, moins lumineux dans le souvenir, la Pléiade et Ronsard, et Marot, à grand-peine extrait de sa gangue médiévale. Le présent ouvrage n'entend pas réduire la place que méritent pareils auteurs, pour ce qu'ils furent en leur temps, et ce qu'ils représentèrent ultérieurement.

Il est pourtant apparu nécessaire de fixer aussi précisément que possible les cadres matériels d'un phénomène littéraire « renaissant » qui n'eut rien de spontané : comment le comprendre sans connaître ce qu'il dut aux soubresauts de l'histoire du temps et aux crises de la conscience religieuse, de la raison poli- tique, qui l'accompagnèrent ? Sans suivre son cheminement laborieux ? Sans s'interroger sur sa valeur de référence, celle d'humanisme, sur les mutations des pratiques et des savoirs qu'elle impliquait, sur la construction d'une langue française à même de porter les pensers nouveaux ?

Seulement alors il est possible d'apprécier le renouvellement des genres litté- raires qui fit cette Renaissance : ils ont été ici étudiés individuellement, pour des raisons de commodité de lecture, mais surtout pour souligner la spécificité des évolutions, par-delà les fractures historiques qui morcelèrent le siècle. Pour saisir en effet comment chacun d'eux - théâtre, poésie, nouvelle... - intégra ce que lui léguait le Moyen Âge, tout en s'adaptant aux exigences nouvelles dues à la relecture des modèles antiques, il convenait d'en suivre le devenir, depuis, souvent, la fin du XV siècle jusqu'à l'aube du « siècle classique ».

Il a enfin semblé nécessaire d'accorder, en dernière partie d'ouvrage, une large place à Rabelais et à Montaigne, qui représentent aux yeux de chacun les deux moments essentiels de la Renaissance française : la Renaissance « heureuse », porteuse des espoirs de toute une génération, et celle des drames et des désillusions, qui offre pourtant à l'homme la solution d'une sagesse personnelle. Ce schéma, trop simple bien sûr pour correspondre systématique- ment aux faits, permet pourtant de comprendre assez justement les deux réalités dont la confrontation fixa pour longtemps l'idée même de Renaissance.

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La France au XVIe siècle

(M. PÉRONNET, Le XVI Siècle. Des grandes découvertes à la Contre-Réforme, Hachette, 1981.)

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Le mot de « Renaissance » est-il lui-même « renaissant » ? Certains le pensent (C.G. Dubois), et notamment ceux pour qui il apparut pour la première fois en 1550 dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes italiens de l'historien de l'art Giorgio Vasari : à l'excellence de l'Antiquité succéda, selon lui, l'obscurité des temps barbares, avant la Rinascita du préhumanisme. La « Renaissance », ce serait donc tout d'abord cette Renovatio à laquelle les érudits italiens du XV siècle (Flavio Biondo en particulier, avec sa Roma instau- rata, « Rome restaurée », parue en 1460) avaient hautement conscience de participer, un millénaire après que Rome, par manque de fidélité à ses propres principes, eut entamé, avec le sac de 410 par les Goths d'Alaric, sa vacillatio, son inclinatio, sa décadence. La Renaissance italienne s'accompagne en effet d'un profond sentiment de coupure avec le monde antique : on sait dorénavant que ce monde est mort, mais on sait aussi que « le drame du monde antique disparu peut s'apaiser dans la contemplation de sa beauté » (Santo Mazzarino). La perception de cette fracture est alors génératrice de nouveaux espoirs pour les hommes de la première partie du XV siècle qui vont essayer de retrouver, par-delà ce qui va devenir le « Moyen Age » (on parle de media tempora, de media tempestas et enfin de medium aevum dès le milieu du XV siècle, et Pétrarque, au siècle précédent, évoquait déjà cet « âge sombre »), l'idéal qui fit la grandeur de Rome, pour le reproduire dans leur univers.

Avec le XIX siècle apparaîtra l'idée que cette Renaissance préfigure l'aube des temps modernes. L'intuition en vient d'Allemagne : pour Hegel, pour les idéalistes allemands, la Renaissance est le temps où l'homme se réconcilie avec le « monde présent ». Michelet, plus spécifiquement intéressé par la France, reprend l'idée, avec sa Renaissance parue en 1855, qui en fait la période où l'homme s'est libéré des ténèbres superstitieuses, des servitudes du Moyen Âge.

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PREMIÈRE PARTIE

Les grands cadres

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La Renaissance française n'est pas un mouvement spontané, jailli, en un temps lumineux, des volontés des hommes. Elle est le fruit de circonstances et d'influences, tragiques et multiformes, et le produit d'une histoire déchirée, où se remettent en cause, sur le mode dramatique, les manières de penser, le poli- tique et le religieux. Impossible, donc, de comprendre le « fait renaissant » indépendamment des convulsions historiques qui en encadrèrent l'apparition.

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LES CADRES HISTORIQUES

LA PREMIÈRE RENAISSANCE ET LES CONFRONTATIONS ARMÉES : LES GUERRES D'ITALIE

C'est avec Charles VIII que débutent ce que l'on appelle généralement les guerres d'Italie, où l'on voit souvent, par-delà les opérations militaires, l'occa- sion du premier contact entre une nation française mal dégrossie et une civilisation italienne éclatant de tous ses feux renaissants. Ces guerres sont à l'origine des guerres de succession, puisque le souverain français y revendique les droits de la maison d'Anjou sur le royaume de Naples, contre les prétentions de la branche cadette d'Aragon qui y usurpe le pouvoir. À l'intérieur de la péninsule, la paix, initialement garantie par le traité de Lodi (1454), alors fragile, va être rompue par l'irruption de Charles VIII (1494). Il parvient en effet à Naples en 1495, mais se liguent contre lui tous ceux qu'alarme sa puis- sance, pape, empereur, Venise, Milan et Rois catholiques : malgré les efforts de cette ligue pour le bloquer dans Naples, il réussit à forcer le passage en juillet 1495 et à s'ouvrir l'accès de la France. À la mort de Charles VIII, Louis XII poursuit sa politique, réclamant à la fois

la couronne de Naples et la souveraineté de Milan. Après de premiers succès à Naples (1501), il en est chassé en 1504 par les Espagnols.

La troisième intervention française s'insère dans le cadre de la politique du pape Jules II, soucieux de reconstituer, aux dépens de Venise, le « patrimoine de saint Pierre » : en 1509, la victoire des Français vaut au pape la soumis- sion de Venise, mais il se retourne contre eux en organisant une « Sainte Ligue » destinée à chasser d'Italie les « barbares du Nord ». Se greffe sur ce conflit une confrontation religieuse : devant la prétention de Louis XII à convoquer des conciles (Pise), Jules II provoque celui du Latran et frappe le royaume français d'interdit. Les Français sont alors militairement réduits à la défensive et subissent une série de revers devant les Suisses (Novare, 1513), les Anglais (Tournai) et les Espagnols qui s'emparent de la partie ibérique du royaume de Navarre.

François I s'opposera ensuite au projet du successeur de Jules II, Léon X, soucieux, en s'appuyant sur Florence, de se créer une principauté personnelle : c'est la victoire de Marignan (septembre 1515) qui permet au roi français de s'emparer de Milan, Parme et Plaisance. S'ensuivent un concordat avec le pape (le roi aura le droit de lui présenter les candidatures aux archevêchés et évêchés)

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et un traité avec les Suisses et les Espagnols. François I renonce également à toute prétention sur le duché de Naples.

La politique extérieure de François I marquée par une constante opposition à l'empereur Charles Quint, aura de manière récurrente l'Italie pour théâtre : les Français, battus en 1522 à Bicoque, en Italie du Nord, reprendront posses- sion du Milanais dès 1524 ; François I prisonnier après Pavie (24 février 1525), renoncera encore une fois à tout droit sur Naples et Milan, mais en 1536, profitant d'un « vide dynastique » et arguant des droits de sa mère, il s'emparera de la Savoie... Les opérations militaires du souverain et de son successeur Henri II trouveront leur conclusion avec la fameuse paix de Cateau-Cambrésis (1559) : Henri II y abandonne au duc de Savoie toutes les conquêtes des campa- gnes de 1536 et renonce aux prétentions françaises sur Naples et Milan, alors que Philippe II reconnaît à Henri II la possession de Calais et des Trois- Evêchés. Les préoccupations des rois de France, accaparés par les problèmes religieux, ne concerneront désormais plus l'Italie.

LES GUERRES DE RELIGION

Fléau de la seconde moitié du siècle, les guerres de Religion commencent avec ce qu'il est convenu d'appeler le « massacre de Wassy » (1 mars 1562), où le duc de Guise passe au fil de l'épée soixante-dix protestants qu'il a entendu chanter des psaumes, en français, dans une grange...

C'est qu'en effet, dès ce moment, les protestants (« huguenots », gens de la « R.P.R. », «Religion prétendue réformée»...) forment un parti important; en 1559, on a pu estimer leur nombre à un million cinq cent mille, voire deux millions, soit 8 à 10 % de la population du royaume. Leurs origines sont fort diverses : boutiquiers des villes (on en compta beaucoup parmi les réfugiés de Genève), ils sont aussi juristes, bourgeois d'office ou de robe, gens d'Église, ou bien nobles, surtout à partir de 1555 où l'on vit les communautés réformées se placer, autant que faire se pouvait, sous la protec- tion du seigneur huguenot le plus proche. Jouèrent également dans les ralliements au protestantisme, les relations féodales, les grands (Bourbons, comme Antoine ou Louis, prince de Condé ; Châtillon...) entraînant leurs vassaux dans leur conversion... Géographiquement, les réformés se recrutent dans la presque totalité du royaume, même si leur implantation la plus spec- taculaire se fait dans le Sud du pays, où l'on a pu (J. Delumeau) parler de « provinces unies du Midi » : les capitales en sont alors Nîmes et Montauban, où chacune de ces provinces envoie des délégués à des états généraux pério- diquement réunis...

Se succéderont, avec l'embrasement général, qui se terminera en conflit avec Philippe II, huit guerres, dites « de Religion » : avec les trois premières, malgré leur violence, le royaume ne sera pas affecté d'une brisure nette, politique, mais la Saint-Barthélemy (23-24 août 1572) fera basculer le drame national dans la tragédie.

De 1559 (mort de Henri II, fermement attaché à l'unité religieuse du royaume) à 1562, on assiste à une constante montée de la tension entre partis

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La France des guerres de Religion

M. PÉRONNET, Le XVI Siècle. Des grandes découvertes à la Contre-Réforme, Hachette, 1981.)

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protestant et catholique (exécution du conseiller réformé Anne du Bourg en 1559, «conjuration» protestante d'Amboise en 1560), malgré les efforts de Catherine de Médicis et de Charles IX, qui tentent au colloque de Poissy (septembre-octobre 1561) une harmonisation des points doctrinaux dans l'inten- tion d'éviter un conflit général.

La première guerre oppose donc Paris, la capitale du parti catholique, dominé par la famille de Guise, à Orléans, celle des protestants, emmenés par Condé et Coligny. Elle s'achève avec l'édit de pacification d'Amboise (19 mars 1563), œuvre de Catherine de Médicis qui, sous l'influence de son chancelier Michel de l'Hospital, croit possible une politique de modération ; y est garantie à tous les sujets du royaume la liberté de conscience, assortie d'une restriction de la liberté de culte : à Paris le culte protestant est interdit, il est permis dans une ville par baillage, à condition que les temples demeu- rent dans les faubourgs.

La seconde suit une tentative d'enlèvement du roi Charles IX et de sa mère Catherine par Condé, inquiet comme tout le parti protestant après l'entrevue à Bayonne (le 14 juin 1564) de la reine mère avec sa fille Élisabeth, épouse de Philippe II, en présence du duc d'Albe, éminent conseiller du roi d'Espagne. Cette guerre, qui ôte à la reine Catherine toute confiance en la politique de modération du chancelier de l'Hospital (renvoyé le 24 mai 1568), se termine par la paix de Longjumeau (23 mars 1568) qui confirme l'édit d'Amboise. Mais deux édits (28 septembre et 22 décembre 1568) interdisent de fait la pratique de la religion réformée, bannissent les ministres du culte protestant et imposent aux membres des parlements et de l'Université de prêter serment de catholicisme. Le 8 août 1570, la paix de Saint-Germain met fin à la troisième guerre, provoquée par ces décrets : reprenant les clauses de l'édit d'Amboise, elle concède aux réformés quatre « places de sûreté » - La Rochelle, Montauban, La Charité et Cognac.

Le massacre de la Saint-Barthélemy, peut-être suscité par Catherine de Médicis, Charles IX et Charles d'Anjou, frère du roi, et organisé par les Guise à l'occasion du mariage à Paris de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, provoque dans la nation une fracture durable : si l'édit de Boulogne (juillet 1573) semble clore la quatrième guerre, consécutive à ce forfait, en accordant aux protestants liberté de conscience et droit de culte à La Rochelle, Nîmes, Sancerre et Montauban, la France protestante, celle du Sud surtout, demeure sous les armes et demande pleine reconnaissance de ses droits.

À la mort de Charles IX, Henri III, son successeur, a face à lui non seulement le parti huguenot, mais aussi son allié, celui des « malcontents » animé par le duc d'Alençon (bientôt duc d'Anjou), quatrième fils de Catherine de Médicis. Cette coalition l'amène à accepter la « paix de Monsieur » (6 mai 1571) qui prévoit, outre la réhabilitation des victimes de la Saint-Barthélemy, l'extension de la liberté de culte accordée aux protestants (interdite principalement à Paris et dans les villes de résidence royale) et la concession de huit places de sûreté. En réaction, le parti catholique s'organise autour du jeune duc de Guise en une ligue dont Henri III se proclame le chef aux états généraux de Blois. La guerre qui s'ensuit, favorable aux catholiques, se conclut sur la paix de Bergerac, sanc- tionnée par l'édit de Poitiers (8 octobre 1577), qui réduit notamment les

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conditions d'exercice du droit de culte octroyé aux protestants. La septième guerre, enfin, achevée par la paix du Fleix (26 novembre 1580), ne réussit pas davantage au parti protestant, mais à la mort du duc d'Anjou (10 juin 1584), Henri de Navarre, son chef, devient de fait héritier présomptif du trône de France.

Dissoute en 1577, la Ligue, avec à sa tête Henri de Guise, dit « le Balafré », réapparaît et fait signer à Henri III le traité de Nemours (7 juillet 1585) qui interdit le culte protestant et expulse ministres et pratiquants ; le 18 juillet, un second édit déchoit Henri de Navarre de tous ses droits à la couronne de France, et le pape Sixte Quint, par la bulle du 9 septembre, lui retire son royaume de Navarre, toutes mesures qui sont à l'origine de la huitième et dernière guerre de Religion :

- Le duc de Guise devient maître de Paris à la suite de la journée des Barri- cades (12 mai 1588), mais Henri III le fait assassiner le 23 décembre aux états généraux de Blois. À Paris, les Seize (pour les seize quartiers de la ville), ligueurs fanatiques, s'emparent du pouvoir ; le duc de Mayenne (frère du duc de Guise) devient lieutenant-général de l'État et de la Couronne et Henri III doit passer alliance avec Henri de Navarre (dont il fait son successeur) ; leurs troupes conjuguées viennent mettre le siège devant Paris, mais, le 1 août 1589, Jacques Clément assassine Henri III. Malgré l'appui de l'Angleterre, Henri de Navarre est contraint de lever le siège de Paris devant l'arrivée d'une armée espagnole : pour mettre fin à la guerre, il abjurera finalement le 25 juillet et sera sacré roi à Chartres le 27 février 1594 avant d'être admis le 17 septembre au sein de l'Église romaine.

- Les ralliements au roi, désormais légitime, se multiplient et l'édit de Nantes (13 avril 1598) met fin au conflit religieux en accordant aux protestants les garanties d'impartialité judiciaire, de liberté de culte et de sécurité qu'ils récla- maient. Se terminent enfin les conflits avec Philippe II (paix de Vervins en mai 1598) et la Savoie (traité de Lyon en 1601).

LES CADRES RELIGIEUX

Ces guerres ne furent certes pas uniquement religieuses, mais opposèrent de grandes familles (Guise, Condé...) appuyées sur tel ou tel parti, lui-même relayé par telle ou telle puissance étrangère (Espagne, Angleterre...). Il ne faudrait pas cependant minimiser leurs fondements spirituels : la crise que traverse alors le christianisme occidental est réelle, et la Renaissance est constamment parcourue par l'idée de Réforme religieuse, qui naquit essentiel- lement en Allemagne, où elle trouva sa première expression spirituelle et politique. En France, l'humanisme (voir chap. 2) lui prépara le chemin, mais c'est à Calvin que les Réformés français empruntèrent principalement leurs cadres de pensée. Pour avoir enfin une idée aussi exacte que possible des attitudes « renaissantes » face au religieux, on n'aurait garde d'oublier le courant libre penseur, celui des « achristes » qui, dans la mouvance des

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milieux rationalistes d'Italie du Nord, et notamment de la fameuse École de Padoue (voir Pomponazzi et son Traité de l'immortalité de l'âme), remettent en cause les fondements mêmes du christianisme... La connaissance des idées émises dans le Cymbalum Mundi ou dans les œuvres de Dolet, permet de mieux comprendre dans quel contexte écrit Rabelais et ce que signifient les accusations d'« athéisme » lancées contre lui ; elle permet également de resituer les idées de Montaigne en matière de foi.

LA RÉFORME DANS L'ESPACE GERMANIQUE : LUTHER

Luther (1483-1546) est avant tout un moine inquiet de son salut et que la pratique de l'ascèse ne rassure pas. La certitude, il ne la trouve qu'à travers la lecture des Épîtres de saint Paul (Romains, 1, 17), qui l'amènent à proclamer le dogme du salut par la foi. Cette crise individuelle va rencontrer un certain nombre d'indignations populaires : confesseur, il mesure notam- ment le caractère pernicieux de l'achat des indulgences ; en 95 thèses affichées le 31 octobre 1517, il rappelle alors qu'en dépit de ces indulgences, Dieu seul peut pardonner les péchés des repentis sincères. Ces thèses ayant été condamnées par Rome (Sixte IV, en 1476, avait permis que l'on achetât des indulgences en faveur des âmes du Purgatoire), il s'en prend au pouvoir pontifical (Sur la papauté de Rome), affirmant la subordination aux Écritures d'un pape dont l'autorité n'est pas de droit divin. Refusant de se rétracter, il se voit, avec ses partisans, frappé d'anathème, le 3 janvier 1521, par la bulle « Decet romanum pontificem » et Charles Quint le met au ban de l'Empire. Mais avant cela, il a adressé, en août 1520, un appel À la noblesse chrétienne de la nation allemande sur l'amendement de l'État chrétien : il y affirme qu'en vertu du baptême tous les chrétiens sont prêtres, que l'Écriture est intelligible à tout homme de foi et que la réunion d'un concile n'est en rien une prérogative papale. Deux révoltes éclatent alors en Allemagne, celle des chevaliers et surtout celle des paysans réclamant libertés politiques et soula- gements sociaux. Sollicité par les uns et les autres, Luther leur refuse son soutien et publie même un libelle, Contre les hordes criminelles et pillardes, où il engage les seigneurs à la répression. La Réforme luthérienne va alors s'appuyer avant tout sur les princes allemands « protestants », conduits en particulier par Jean de Saxe, dont elle va justifier le désir d'indépendance face à la tutelle de Charles Quint : c'est en allemand que Luther rédigera son Grand Catéchisme, après avoir donné une traduction allemande des Évan- giles. Son dogme est établi : il prône la confession volontaire face à la confession obligatoire des catholiques, refuse la pratique des vœux monasti- ques comme une offense à la grâce divine et rompt avec l'humanisme chrétien lors d'une polémique avec Érasme qui, dans sa diatribe Du libre arbitre (1524), accordait « à l'homme une certaine part dans l'œuvre du salut » : pour lui (Du serf arbitre), il n'est aucune liberté à l'homme, dont la volonté, telle une bête de somme, va où Dieu le souhaite quand c'est Lui qui la monte, et où Satan le désire quand c'est lui qui la conduit ; la foi est donc, chez un homme, le signe et la marque de la grâce de Dieu. La Réforme

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luthérienne trouvera son aboutissement avec la paix d'Augsbourg, où l'Empire reconnaît aux États « protestants » la liberté de conserver leur culte, et y consacre l'autorité du pouvoir temporel sur le religieux.

LA RÉFORME ET LA FRANCE

Si le mouvement que l'on nomme ainsi s'appuya pour partie sur une dénon- ciation des excès du clergé du temps, on a renoncé aujourd'hui à le réduire à cela : pareille dénonciation se retrouve au XVI siècle chez Ronsard, bien éloigné pourtant de tout « protestantisme », et le souci de réformer l'Église animait déjà les états réunis en France en 1484, aussi bien que l'Assemblée du clergé de 1493 ou même que le concile du Latran convoqué par Jules II en 1512. Mais les réformes proposées par ces instances n'étaient que structu- relles et ne satisfaisaient pas la soif spirituelle du temps. Les questions spécifiques au mouvement réformé sont avant tout de l'ordre du dogme et répondent à l'angoisse devant le péché, au souci du salut individuel, qui marquèrent la fin du Moyen Âge.

Le terrain avait certes été préparé en France par l'Évangélisme (voir encadré p. 145), par des hommes comme Lefèvre d'Étaples ou Erasme de Rotterdam (voir p. 37), grâce à qui on avait désormais directement accès aux Textes ; mais si les humanistes dénoncent l'inculture ou l'impureté des moines, c'est à la hiérarchie catholique qu'ils font appel pour réformer de l'intérieur une Église malade. Le Christ est l'Exemple, et la Foi, ici, l'essentiel, quand elle vient s'appuyer sur l'Écriture. Point de terreur du péché, point de crainte absolue, chez ces humanistes, à propos de la vie éternelle. Au contraire, ceux que l'on va nommer « Réformés », aussi divers soient-ils, vont essayer d'apporter des réponses aux angoisses du temps en affirmant, face à un Dieu-juge, un triple credo accordant la prééminence à la Grâce, à la Foi et à l'Écriture (sola gratia, sola fides, sola scriptura).

La Réforme calvinienne

Né en 1509 à Noyon d'un milieu bourgeois, Calvin, au contraire de Luther, atteint la Réforme par les voies de l'humanisme. Voué un temps par son père à la prêtrise, il est à Paris élève aux collèges de la Marche et de Montaigu avant d'étudier le droit à Orléans, où enseignait notamment le luthérien Wolmar, et à l'université de Bourges qui avait confié une chaire à l'huma- niste italien Andrea Alciati. A la mort de son père, il revient à Paris suivre, au Collège Royal, les cours de l'helléniste Danès. On ne sait exactement quand il s'« engagea » dans la voie de la Réforme mais on sait qu'il dut, après l'affaire des Placards (1534), s'exiler un an à Bâle où il rédigea la première mouture, latine, de son Institution chrétienne (il devait la traduire en français en 1541, ce qui en fit le premier ouvrage théologique accessible au grand nombre). Après un bref séjour à la cour de Renée de France à Ferrare, il se rend à Bâle, puis à Genève où le retient Guillaume Farel qui, grâce à

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CURSUS DES LIVRES,

DES SYNTHÈSES POUR COMMENCER

PAR L'ESSENTIEL

▲ DROIT

▲ ÉCONOMIE

▲ ETHNOLOGIE

▲ GÉOGRAPHIE

▲ HISTOIRE

▲ LINGUISTIQUE

▲ LITTÉRATURE

▲ PHILOSOPHIE

▲ DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

▲ PSYCHOLOGIE

▲ SOCIOLOGIE

▲ SCIENCES

▲ DICTIONNAIRES

Dans cet ouvrage, on s'est d'abord efforcé de pré- senter — sans s'en tenir à un simple exposé de faits littéraires — ce qui, dans l'histoire des sensi- bilités, des mentalités, des convictions et des tech- niques, permit l'éclosion du phénomène renaissant et de la valeur qui le fit exister: l'humanisme. Pareille approche permet alors d'éclairer, genre par genre (poésie, théâtre, formes narratives), les bouleversements générés par cette révolution des esprits, de les suivre de la fin du «Moyen Âge» jusqu'à la lisière de l'époque classique, et de tra- cer enfin, en les confrontant, les linéaments des figures emblématiques des deux temps essentiels de la Renaissance, Rabelais et Montaigne. Outil indispensable pour les étudiants de premier cycle d'universités et de classes préparatoires aux Grandes Écoles en lettres, cet ouvrage ne man- quera pas d'intéresser, par sa clarté et sa richesse, enseignants et esprits curieux. Jean-Yves Boriaud, agrégé de lettres, maître de conférences à l'université de Toulouse-Le-Mirail, a publié notamment Le Nouveau Monde (Les Belles Lettres, 1992).

ISBN: 2-200-21256-9

Page 21: La littérature française du XVIe siècle

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La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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