La justice constitutionnelle

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~ 1 ~ DROIT CONSTITUTIONNEL I Cours de M. le Professeur Mathieu DISANT Travaux dirigés de M. Arnaud BONISOLI Séance 5 : Justice constitutionnelle : le modèle européen Documents : I. Le modèle classique dit centralisé - Constitution fédérale de la République d’Autriche du 1 er octobre 1920 (Extrait) - Hans KELSEN La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle), RD pub. 1928, pp. 197-257, (Extrait : IV. Les garanties de la constitutionnalité : 1° La juridiction constitutionnelle) II. Le cas français A. Le contrôle de constitutionnalité des lois avant l’application de la réforme de 2008 - Constitution du 27 octobre 1946 : articles 91 à 93 - Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61 et 62 (Version antérieure à la révision du 23 juillet 2008) - Discours de Michel Debré au Conseil d’Etat, 27 août 1958 - 71-44 DC, 16 juillet 1971, Liberté d’association B. Le rejet du contrôle diffuse - L’affaire Arrighi - Conclusions R. Latournerie sur CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi et Dame Coudert - CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi C L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité - Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61, 61-1 et 62 (Version issue de la révision du 23 juillet 2008) - Schéma procédural de la QPC (Source : Flament L. et Galvan A., JCP S., n°19, 11 mai 2010, 1182) III. Les modèles mixtes A. L’Irlande - Constitution de la République d’Irlande du 1 er juillet 1937 (extraits) B. Le Portugal - Vital MOREIRA - Cahiers du Conseil constitutionnel n° 10 (Dossier : Portugal) - mai 2001 (Extrait)

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DROIT CONSTITUTIONNEL I

Cours de M. le Professeur Mathieu DISANT Travaux dirigés de M. Arnaud BONISOLI

Séance 5 : Justice constitutionnelle : le modèle européen

Documents :

I. Le modèle classique dit centralisé

- Constitution fédérale de la République d’Autriche du 1er octobre 1920 (Extrait)

- Hans KELSEN – La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle), RD pub. 1928, pp. 197-257, (Extrait : IV. Les garanties de la constitutionnalité : 1° La juridiction constitutionnelle)

II. Le cas français A. Le contrôle de constitutionnalité des lois avant l’application de la réforme de 2008

- Constitution du 27 octobre 1946 : articles 91 à 93

- Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61 et 62 (Version antérieure à la révision du 23 juillet 2008)

- Discours de Michel Debré au Conseil d’Etat, 27 août 1958

- 71-44 DC, 16 juillet 1971, Liberté d’association B. Le rejet du contrôle diffuse - L’affaire Arrighi

- Conclusions R. Latournerie sur CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi et Dame Coudert

- CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi C – L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité

- Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61, 61-1 et 62 (Version issue de la révision du 23 juillet 2008)

- Schéma procédural de la QPC (Source : Flament L. et Galvan A., JCP S., n°19, 11 mai 2010, 1182)

III. Les modèles mixtes A. L’Irlande

- Constitution de la République d’Irlande du 1er juillet 1937 (extraits) B. Le Portugal

- Vital MOREIRA - Cahiers du Conseil constitutionnel n° 10 (Dossier : Portugal) - mai 2001 (Extrait)

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Exercices :

Vous analyserez les documents présentés. Commentaire : Commenter l’extrait de texte de Hans Kelsen « La garantie

juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle) ».

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I. LE MODELE CLASSIQUE DIT CENTRALISE

Constitution fédérale de la République d’Autriche du 1er octobre 1920 (Extrait)

TITRE VI

GARANTIE DE LA CONSTITUTION ET DE L’ADMINISTRATION

A. Haute Cour administrative

(Verwaltungsgerichtshof)

(...)

B. La Haute Cour constitutionnelle

(Verfassungsgerichtshof)

ARTICLE 137

(1) La Haute Cour constitutionnelle connaît de toutes les actions patrimoniales

(vermögensrechtliche Ansprüche) dirigées contre la Confédération, les Provinces ou

les communes qui ne peuvent être portées devant les tribunaux de droit commun.

(2) Elle connaît en particulier des prétentions pécuniaires que les agents de la

Confédérations, des Provinces (districts) et des Communes fondent sur un rapport de

service de droit public (öffentlichrechtliches Dienstverhältnis). En ce cas, sauf

disposition d’une loi fédérale qui permette de l’intenter immédiatement, l’action ne

peut être portée devant la Cour qu’après épuisement des recours hiérarchiques ou

lorsque l’autorité saisie en première instance ou sur recours n’aura pas pris de

décision au fond dans un délai à fixer par la législation fédérale. La demande ne peut

être fondée sur la prétendue irrégularité d’un jugement disciplinaire.

ARTICLE 138

(1) La Haute Cour constitutionnelle connaît en outre des conflits d’attributions :

a) Entre tribunaux et autorités administratives ;

b) Entre la Haute Cour administrative et tous les autres tribunaux et en particulier elle-

même, ainsi qu’entre les tribunaux de droit commun et les autres tribunaux ;

c) Entre Provinces ainsi qu’entre une Province et la Confédération.

(2) La Haute Cour constitutionnelle décide en outre, sur requête du gouvernement fédéral

ou d’un gouvernement provincial, si un acte de législation ou d’administration rentre

d’après les articles 10 à 15 dans la compétence fédérale ou provinciale.

ARTICLE 139

(1) La Haute Cour constitutionnelle statue sur l’illégalité des règlements des autorités

fédérales ou provinciales, soit sur la proposition des tribunaux soit, s’agissant d’un

règlement qui doit servir de base à un de ses propres arrêts, d’office ;

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Sur l’illégalité des règlements des autorités provinciales également à la requête du

gouvernement fédéral ;

Sur l’illégalité des règlements des autorités fédérales également sur requête d’un

gouvernement provincial ;

(2) L’arrêt de la Haute Cour constitutionnelle qui prononce l’annulation (Aufhebung) d’un

règlement oblige l’autorité compétente à la publier immédiatement ; l’annulation

produit effet à compter du jour de la publication.

(3) Si le règlement que doit appliquer le tribunal a déjà cessé d’être en vigueur, et que

par suite sa requête a été formulée dans les termes de l’article 89, 3ème

alinéa, la

Haute Cour constitutionnelle doit se borner dans son arrêt à prononcer s’il était

illégal.

ARTICLE 140

(1) La Haute Cour constitutionnelle statue sur l’inconstitutionnalité des lois provinciales à

la requête un gouvernement fédéral, sur l’inconstitutionnalité des lois fédérales à la

requête d’un gouvernement provincial, et lorsqu’une loi doit servir de base à un de ses

propres arrêts, d’office.

(2) La requête dont il est parlé à l’alinéa 1er

peut être présentée à n’importe quelle

époque ; le requérant doit la notifier immédiatement au gouvernement provincial

intéressé ou au gouvernement fédéral.

(3) L’arrêt par lequel la Cour annule une loi ou certaines de ses dispositions comme

inconstitutionnelles oblige le chancelier fédéral ou le gouverneur de la Province

intéressée à la publication immédiate de l’annulation ; celle-ci entre en vigueur au jour

de la publication, à moins que la Cour ne fixe un délai pour la sortie de vigueur

(Auszerkrafttreten) de la loi annulée. Ce délai ne peut excéder six mois.

(4) La loi inconstitutionnelle sur les finances détermine la mesure dans laquelle les

résolutions des Diètes provinciales sur les suppléments provinciaux aux impôts

fédéraux peuvent être attaquées devant la Cour et quelles sont les conséquences

juridiques des arrêts qui prononcent l’annulation d’une semblable résolution ou d’une

loi provinciale sur les impôts provinciaux ou communaux.

(5) La disposition de l’article 89, 1er

alinéa, ne s’applique pas au contrôle de la

constitutionnalité des lois par la Haute Cour constitutionnelle.

ARTICLE 141

La Haute Cour constitutionnelle statue sur les contestations d’élections au Conseil

national, au Conseil fédéral, aux Diètes provinciales et à toutes les autres assemblées

représentatives, et, à la requête d’une de ces assemblées, sur la déclaration de perte de

mandat (Mandatsverlust) de l’un de leurs membres.

ARTICLE 142

(1) La Haute Cour constitutionnelle statue sur l’accusation (Anklage) par laquelle la

responsabilité constitutionnelle des organes suprêmes de la Confédération et des

Provinces est mise en jeu en raison des violations du droit dont ils se sont rendus

coupables dans l’exercice de leurs fonctions.

(2) Peuvent être mis en accusation :

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a) Par voie de résolution de l’Assemblée fédérale, le président de la Confédération : pour

violation de la Constitution fédérale.

b) Par voie de résolution du Conseil national, les membres du gouvernement fédéral et

les personnes qui leur sont assimilées au point de vue de la responsabilité : pour

violation de la loi.

c) Par voie de résolution de la Diète provinciale compétente, les membres des

gouvernements et les personnes qui leur sont assimilées au point de vue de la

responsabilité par la présente loi ou la Constitution de la Province : pour violation de

la loi.

d) Par voie de décision du gouvernement fédéral, les gouverneurs de Province et les vice-

gouverneurs (art. 105, 1er

alinéa) : pour violation de la loi ou désobéissance aux

règlements et autres ordres (instructions) des autorités fédérales, en matière

d’administration fédérales médiate ; les membres des gouvernements provinciaux :

pour les mêmes causes (article 103, 2ème

et 3ème

alinéas) et, en outre, pour

désobéissance aux instructions du gouverneur de la Province en cette matière.

(3) lorsque l’accusation n’a été intentée, aux termes de l’alinéa 2ème

, lit. d. que contre un

gouverneur ou un vice-gouverneur et qu’il se révèle qu’un autre membre du

gouvernement provincial chargé de fonctions d’administration fédérale médiate

conformément à l’article 103, 2ème

al., s’est rendu coupable d’une faute au sens de

l’alinéa 2ème

, lit. d, du présent article, le gouvernement fédéral peut à tout moment,

jusqu’au prononcé de l’arrêt l’impliquer également dans son accusation.

(4) L’arrêt de condamnation de la Cour prononce la déchéance de la fonction et, au cas de

circonstances particulièrement aggravantes, la privation temporaire des droits

civiques ; s’il s’agit d’une irrégularité peu importante dans les cas prévus à l’alinéa

2ème

lit. d, la Cour peut se borner à la constatation de cette irrégularité.

(5) Le président de la Confédération ne peut faire usage du droit que lui confère l’art. 65,

2ème

alinéa, lit. c, dans les cas prévus à l’alinéa 2ème

, lit. a, b et c, du présent article,

qu’à la requête de l’assemblée qui a voté la mise en accusation, dans le cas prévu

sous d) que sur l’initiative du gouvernement fédéral, et dans tous les cas seulement

avec le consentement du condamné.

ARTICLE 143

Les personnes nommées à l’article 142 peuvent être mises en accusation pour des

infractions pénales qui sont en connexion avec leurs fonctions. En ce cas, le Haute

Cour constitutionnelle est seule compétente ; l’instruction qui pourrait être déjà en

cours auprès des tribunaux répressifs de droit commun lui est dévolue. La Cour peut,

dans ces cas, appliquer, outre l’article 142, 3ème

alinéa, les dispositions des lois

pénales.

ARTICLE 144

(1) La Haute Cour constitutionnelle statue sur les recours formés contre les décisions des

autorités administratives, par lesquelles le requérant prétend qu’un de ses droits

constitutionnellement garantis a été violé, et cela, sauf dispositions contraires des lois

fédérales, après épuisement des recours administratifs.

(2) Elle statue en outre sur les recours des agents de la Confédération, des Provinces

(districts) et des communes contre une décision administrative pour violation des

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droits résultants du rapport de service de droit public où ils se trouvent, et cela, sauf

dispositions contraires des lois fédérales, après épuisement des recours administratifs.

(3) Ces recours ne peuvent être fondés sur la prétendue irrégularité d’un jugement

disciplinaire.

(4) Les dispositions de l’article 132, 1er

et 2ème

al., sont également applicables dans ces cas

à l’arrêt de la Cour.

ARTICLE 145

La Haute Cour constitutionnelle connaît enfin des violations du droit international

conformément aux dispositions d’une loi fédérale spéciale.

ARTICLE 146

(1) L’exécution des arrêts rendus par la Cour en vertu de l’article 137 est assurée par les

tribunaux de droit commun.

(2) L’exécution des autres arrêts de la Cour incombe au président de la Confédération.

Elle doit être assurée d’après ses instructions par les organes fédéraux ou provinciaux

qu’il désigne discrétionnairement à cet effet. Les requêtes en exécution en exécution

de ces arrêts doivent être adressés au Président par la Cour.

ARTICLE 147

(1) La Haute Cour constitutionnelle a son siège à Vienne.

(2) Elle se compose d’un président, d’un vice-président et du nombre nécessaire de

membres titulaires et suppléants.

(3) Le président, le vice-président et la moitié des membres titulaires et suppléants sont

élus à vie par le Conseil national, l’autre moitié des membres titulaires et suppléants

sont élus à vie par le Conseil fédéral.

(4) Les membres du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial ne peuvent

pas faire partie de la Cour. Le président, le vice-président, deux tiers des autres

membres titulaires et deux tiers des suppléants ne peuvent être pris parmi les membres

du Conseil national, du Conseil fédéral ou d’une Diète provinciale.

(5) Lorsqu’un membre titulaire ou suppléant n’a pas déféré à trois convocations

successives à une délibération sans excuse suffisante, ce fait doit être constaté par la

Cour après audition de l’intéressé. Cette constatation entraîne la perte de la qualité

de membre titulaire ou de membre suppléant.

ARTICLE 148

(1) la Cour juge en assemblée plénière, dans les cas des art. 137, 2ème

al. et 144, 2ème

al.

cependant, d’après les règles de la loi fédérale prévue à l’al. 2, en une section.

(2) Les détails d’organisation et la procédure devant la Cour seront réglés par loi fédérale.

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Hans Kelsen – La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle) RD pub. 1928, pp. 197-257, (Extrait : IV. Les garanties de la constitutionnalité : 1° La juridiction constitutionnelle)

[…]

1° La juridiction constitutionnelle

9. – Il n’est pas d’hypothèse de garantie de la régularité où l’on pourrait davantage que dans

celle de la garanties de la Constitution, être tenté de confier l’annulation des actes irréguliers à

l’organe même qui les a faits. Et en aucun cas, cette procédure ne serait précisément plus

contre-indiquée. Car la seule forme où on y pourrait voir dans une certaine mesure une

garantie efficace de la constitutionnalité – déclaration de l’irrégularité par un tiers organe et

obligation pour l’organe auteur de l’acte irrégulier de l’annuler – est ici impraticable, parce

que le Parlement ne peut, par nature, être obligé de façon efficace. Et ce serait une naïveté

politique de compter qu’il annulerait une loi votée par lui pour la raison qu’une autre instance

l’aurait déclarée inconstitutionnelle. L’organe législatif se considère dans la réalité comme un

créateur libre du droit et non comme un organe d’application du droit, lié par la Constitution,

alors qu’il l’est théoriquement, bien que dans une mesure relativement restreinte. Ce n’est

donc pas sur le Parlement lui-même que l’on peut compter pour réaliser sa subordination à la

Constitution. C’est un organe différent de lui, indépendant de lui et par conséquent aussi de

toute autre autorité étatique qu’il faut charger de l’annulation ses actes inconstitutionnels –

c’est-à-dire une juridiction ou tribunal constitutionnel.

A ce système, on adresse ordinairement certaines objections. La première est, naturellement,

qu’une telle institution serait incompatible avec la souveraineté du Parlement. Mais –

abstraction de ce qu’il ne peut pas être question de la souveraineté d’un organe étatique

particulier, la souveraineté appartenant tout au plus à l’ordre étatique lui-même – cet

argument s’écroule par cela seul que l’on doit reconnaître que la Constitution règle en somme

la procédure de la législation, de la même manière exactement que les lois la procédure des

tribunaux et des autorités administratives ; que la législation est subordonnée à la

Constitution, absolument comme la justice et l’administration le sont à la législation, et que,

par suite, le postulat de la constitutionnalité des lois est, théoriquement comme

techniquement, absolument identique au postulat de la légalité de la juridiction et de

l’administration. Si, contrairement à ces vues, on continue d’affirmer l’incompatibilité de la

justice constitutionnelle avec la souveraineté du législateur, c’est simplement pour dissimuler

la puissance politique qui s’exprime dans l’organe législatif de ne pas laisser – en

contradiction patente avec le droit positif – limiter les normes de la Constitution. Mais, même

si on approuve cette tendance pour des raisons d’opportunité, il n’est pas d’argument

juridique dont elle puisse s’autoriser.

Il n’en va pas très différemment de la seconde objection, que l’on tire du principe de la

séparation des pouvoirs. Certes, l’annulation d’un acte législatif par un organe autre que

l’organe législatif lui-même constitue bien un empiètement sur le « pouvoir législatif »

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comme l’on s’exprime couramment. Mais le caractère très problématique de cette

argumentation apparaît si l’on considère que l’organe à qui est confiée l’annulation des lois

inconstitutionnelles, même s’il reçoit – par l’indépendance de ses membres – l’organisation

d’un tribunal, n’exerce cependant pas véritablement une fonction juridictionnelle. Pour autant

que l’on puisse les distinguer, la différence entre la fonction juridictionnelle et la fonction

législative, consiste avant tout en ce que celle-ci créé des normes générales, tandis que celle-là

ne créé que des normes individuelles1. Or annuler une loi, c’est poser une norme générale ;

car l’annulation d’une loi a le même caractère de généralité que sa confection, n’étant pour

ainsi dire que la confection avec un signe négatif, donc elle-même une fonction législative. Et

un tribunal qui a le pouvoir d’annuler les lois est par conséquent un organe du pouvoir

législatif. On pourrait donc interpréter l’annulation des lois par un tribunal aussi bien comme

une répartition du pouvoir législatif entre deux organes que comme un empiètement sur le

pouvoir législatif. Or, dans ce cas, on ne parle généralement pas d’une violation du principe

de séparation des pouvoirs, comme, par exemple, lorsque, dans les Constitutions des

monarchies constitutionnelles, la législation est confiée en principe au Parlement

conjointement avec le monarque, mais que, dans certaines hypothèses exceptionnelles, le

monarque a, conjointement avec les ministres, le droit d’édicter des ordonnances qui dérogent

aux lois. Cela nous entraînerait trop loin d’examiner ici les motifs politiques d’où est née

toute cette doctrine de la séparation des pouvoirs, quoique ce soit la seule façon de faire

apparaître le sens véritable de ce principe, fonction de l’équilibre des forces politiques dans la

monarchie constitutionnelle. Si l’on veut le maintenir dans la République démocratique, seule

peut raisonnablement être prise en considération celle de ces différentes significations

qu’exprime mieux que celle de séparation l’expression division des pouvoirs, c’est-à-dire

l’idée de la répartition de la puissance entre différents organes, non pas tant pour les isoler

réciproquement que pour permettre un contrôle réciproque des uns sur les autres. Et cela, non

seulement pour empêcher la concentration d’un pouvoir excessif entre les mains d’un seul

organe – concentration qui serait dangereuse pour la démocratie –, mais encore pour garantir

la régularité du fonctionnement des différents organes. Mais alors l’institution de la justice

constitutionnelle n’est nullement en contradiction avec le principe de la séparation des

pouvoirs, mais en est au contraire une affirmation.

La question de savoir si l’organe appelé à annuler les lois inconstitutionnelles peut être un

tribunal est par suite sans portée.

Son indépendance vis-à-vis du Parlement comme vis-à-vis du gouvernement est un postulat

évident. Car ce sont précisément le Parlement et le gouvernement qui doivent être, en tant

qu’organes participant à la procédure législative, contrôlés par la juridiction constitutionnelle.

Il y aurait tout au plus lieu d’examiner si le fait que l’annulation des lois est elle-même une

fonction législative n’entraînerait pas certaines conséquences particulières relativement à la

composition et à la nomination de cette instance. Mais il n’en est pas ainsi en réalité. Car

toutes les considérations politiques qui dominent la question de la formation de l’organe

législatif n’entrent proprement pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de l’annulation des lois.

C’est ici qu’apparaît la distinction entre la confection et la simple annulation des lois.

1 On peut négliger ici le fait que même cette distinction n’est pas une distinction de principe et qu’en particulier le législateur – spécialement le Parlement – peut poser aussi des normes individuelles.

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L’annulation d’une loi se produit essentiellement en application des normes de la

Constitution. La libre création qui caractérise la législation fait ici presque complètement

défaut. Alors que le législateur n’est lié par la Constitution que relativement à sa procédure,

d’une façon exceptionnelle seulement quant au contenu des lois qu’il doit édicter et seulement

par des principes ou des directions générales, l’activité du législateur négatif au contraire, de

la juridiction constitutionnelle, est absolument déterminée par la Constitution. Et c’est

précisément par là que sa fonction ressemble à celle de tout autre tribunal en général ; elle est

principalement application, dans une faible mesure seulement création du droit ; elle est par

suite véritablement juridictionnelle. Ce sont donc les mêmes principes essentiels qui entrent

en ligne de compte pour sa constitution que pour l’organisation des tribunaux ou des organes

exécutifs.

On ne peut pas à cet égard proposer une solution uniforme pour toutes les Constitutions

possibles : l’organisation de la juridiction constitutionnelle devra se modeler sur les

particularités de chacune d’entre elles. Voici cependant quelques considérations de portée et

de valeur générales : le nombre de ses membres ne devra pas être trop élevé, étant donné que

c’est sur des questions de droit qu’elle est appelée essentiellement à se prononcer, qu’elle doit

remplir une mission purement juridique d’interprétation de la Constitution. Parmi les modes

de recrutement particulièrement typiques, on ne saurait prôner sans réserve ni la simple

élection par le Parlement, ni la nomination exclusive par le chef de l’Etat ou par le

gouvernement. Peut-être pourrait-on les combiner, en faisant par exemple élire les juges par le

Parlement sur présentation du gouvernement, qui aurait à désigner plusieurs candidats pour

chacun des sièges à occuper, ou inversement. Il est de la plus grande importance d’accorder

dans la composition de la juridiction constitutionnelle une place adéquate aux juristes de

profession. On pourrait y arriver par exemple en accordant aux Facultés de Droit ou à une

commission commune de toutes les Facultés de Droit du pays un droit de présentation pour

une partie au moins des sièges, ou encore en accordant au tribunal lui-même le droit de faire

une présentation pour chaque siège venant à vaquer ou de les pourvoir par élection c’est-à-

dire par cooptation. Le tribunal a en effet le plus grand intérêt à renforcer lui-même son

autorité en appelant à lui des spécialistes éminents. Il est également important d’exclure de la

juridiction constitutionnelle les membres du Parlement ou du gouvernement, puisque ce sont

précisément leurs actes quelle doit contrôler. Il est aussi difficile qu’il serait désirable

d’écarter toute influence politique de la jurisprudence de la juridiction constitutionnelle. On

ne peut nier que les spécialistes peuvent aussi – consciemment ou inconsciemment – se laisser

déterminer par des considérations politiques. Si ce danger est particulièrement grand, il est

presque préférable d’accepter, plutôt qu’un influence occulte et par suite incontrôlable des

partis politiques, leur participation légitime à la formation du tribunal, par exemple en faisan

pourvoir une partie des sièges par voie d’élections par le Parlement, compte tenu de la force

relative des partis. Si les autres sièges sont attribués à des spécialistes, ceux-ci peuvent tenir

beaucoup plus compte des considérations purement techniques, parce qu’alors leur conscience

politique est déchargée par la collaboration des membres appelés à la défense des intérêts

proprement politiques.

[…]

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II. LE CAS FRANÇAIS

A – Le contrôle de constitutionnalité des lois avant l’application de la réforme de 2008

Constitution du 27 octobre 1946 : articles 91 à 93

ARTICLE 91

Le Comité constitutionnel est présidé par le président de la République.

Il comprend le président de l'Assemblée nationale, le président du Conseil de la République,

sept membres élus par l'Assemblée nationale au début de chaque session annuelle, à la

représentation proportionnelle des groupes et choisis en dehors de ses membres, trois

membres élus dans les mêmes conditions par le Conseil de la République.

Le Comité constitutionnel examine si les lois votées par l'Assemblée nationale supposent une

révision de la Constitution.

ARTICLE 92

Dans le délai de promulgation de la loi, le Comité est saisi par une demande émanant

conjointement du président de la République et du président du Conseil de la République, le

Conseil ayant statué à la majorité absolue des membres le composant.

Le Comité examine la loi, s'efforce de provoquer un accord entre l'Assemblée nationale et le

Conseil de la République et, s'il n'y parvient pas, statue dans les cinq jours de sa saisine. Ce

délai est ramené à deux jours en cas d'urgence.

Il n'est compétent que pour statuer sur la possibilité de révision des dispositions des titres Ier à

X de la présente Constitution.

ARTICLE 93

La loi qui, de l'avis du Comité, implique une révision de la Constitution, est renvoyée à

l'Assemblée nationale pour nouvelle délibération.

Si le Parlement maintient son premier vote, la loi ne peut être promulguée avant que la

Constitution n'ait été révisée dans les formes prévues à l'article 90.

Si la loi est jugée conforme aux dispositions des titres Ier à X de la présente Constitution, elle

est promulguée dans le délai prévu à l'article 36, celui-ci étant prolongé de la durée des délais

prévus à l'article 92 ci-dessus.

Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61 et 62 (Version antérieure à la révision du 23 juillet 2008)

ARTICLE 61

Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées

parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel

qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

(Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974) "Aux mêmes fins, les lois peuvent être

déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la

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République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat,

ou soixante députés ou soixante sénateurs".

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le

délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est

ramené à huit jours.

Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation.

ARTICLE 62

Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles

s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Discours de Michel Debré au Conseil d’Etat, 27 août 1958

(…)

La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire

la volonté du Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. Il n'est ni dans

l'esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c'est-à-

dire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi. Le projet a donc imaginé une

institution particulière que peuvent seules saisir quatre autorités : le Président de la

République, le Premier ministre, les deux présidents d'assemblées. A ce conseil d'autres

attributions ont été données, notamment l'examen du règlement des assemblées et le jugement

des élections contestées, afin de faire disparaître le scandale des invalidations partisanes.

L'existence de ce conseil, l'autorité qui doit être la sienne représentent une grande et

nécessaire innovation. La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime

parlementaire.

(…)

71-44 DC, 16 juillet 1971, Liberté d’association

Vu la Constitution et notamment son préambule ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil

constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ; Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat

d'association, modifiée ; Vu la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées ;

1. Considérant que la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote

des deux assemblées, dans le respect d'une des procédures prévues par la Constitution, au

cours de la session du Parlement ouverte le 2 avril 1971 ;

2. Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la

République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de

ranger le principe de la liberté d'association ; que ce principe est à la base des dispositions

générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en vertu de ce

principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la

seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures

susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution

d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet

illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité

administrative ou même de l'autorité judiciaire ;

3. Considérant que, si rien n'est changé en ce qui concerne la constitution même des

associations non déclarées, les dispositions de l'article 3 de la loi dont le texte est, avant sa

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promulgation, soumis au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à la

Constitution, ont pour objet d'instituer une procédure d'après laquelle l'acquisition de la

capacité juridique des associations déclarées pourra être subordonnée à un contrôle préalable

par l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi ;

4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les

dispositions de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complétant

l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, par voie de conséquence, que la disposition de la

dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi soumise au Conseil constitutionnel leur

faisant référence ;

5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des

débats auxquels la discussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que les

dispositions précitées soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise au Conseil ;

6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune

disposition de la Constitution ;

Décide :

ARTICLE PREMIER - Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de

l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complétant les dispositions

de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901 ainsi que les dispositions de l'article 1er de la loi

soumise au Conseil leur faisant référence. ARTICLE 2 - Les autres dispositions dudit texte de

loi sont déclarées conformes à la Constitution.

B – Le rejet du contrôle diffus - L’affaire Arrighi

Conclusions R. Latournerie sur CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi et Dame Coudert

I – Aux termes de l’article 2 § 3 du décret-loi du 4 avril 1934 (D.P. 1934.4.96), modifié par le

décret du 10 mai 1934 (D.P. ibid.) « pourront… être mis à la retraite d’office, avec droit à

pension d’ancienneté, les fonctionnaires justifiant d’un nombre d’années et de services au

moins égal au minimum exigé et qui seront, du fait de leur admission à la retraite d’office,

dispensés de la condition d’âge ».

C’est par application de ce texte que, par décision ministérielle du 29 juin 1934, contre

laquelle a été formée la requête du sieur Arrighi, celui-ci, alors agent militaire, a été admis

d’office à la retraite à partir du 30 juin 1934.

A. – Il est constant que si, dans le cas des militaires qui, après avoir obtenu une pension

proportionnelle, ont, – comme le requérant, – fini leur carrière dans un emploi civil, on tient

compte, pour l’application du texte précité, des services militaires, non moins que des services

civils, le sieur Arrighi était sujet à la mise à la retraite d’office. Car il comptait, au 30 juin

1934, plus de trente années de service, condition suffisante pour que le ministre pût le rayer

des cadres de l’activité.

Mais la thèse du requérant est précisément de soutenir que les services militaires rémunérés

par la pension proportionnelle ne doivent pas, à cet égard, entrer en compte.

Ce moyen ne saurait être admis. Il résulte en effet des prescriptions combinées des articles 12

et 13 de la loi du 14 avril 1924 (D.P. 1925.4.1), – vous l’avez jugé par l’arrêt Le Layec, du 9

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février 1933 (Rec. Cons. d’Etat, p. 176), – que, si les services déjà rémunérés ne comptent pas

pour la liquidation, il en va autrement pour la détermination du droit à pension.

B. – Le sieur Arrighi ne se borne d’ailleurs pas à soutenir ainsi, à tort, que la décision

contestée a fait une fausse application des prescriptions de l’article 2 des décrets de 1934. il

prétend en outre que ces décrets eux-mêmes ont faits une fausse application des prescriptions

de l’article 36 de la loi du 28 février 1934 (D.P. 1934.4.393-399), en exécution duquel ils ont

été pris. Cet article n’autoriserait en effet que des réformes spéciales à l’exercice 1934, et non

des réformes à effet durable, du type de celle qu’ont opérée les décrets en question.

Mais ce moyen n’a pas plus de fondement que le précédent. Cette interprétation de l’article 36

de la loi de 1934 a été en effet condamnée par des arrêts récents.

C. – Remontant d’un degré encore dans ses critiques de légalité, – et c’est ici que la requête

soulève une question dont l’importance n’est pas minime, – le sieur Arrighi soutient enfin que

ces prescriptions de l’article 36 sont elles-mêmes entachées d’illégalité, qu’elles sont

inconstitutionnelles.

Investi par l’article 1er

de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 du pouvoir législatif, le

Parlement ne pouvait en effet, dit-il, s’en dessaisir valablement au profit de l’autorité

exécutive.

C’est la thèse même que, par la requête 46 603, soutient de sont côté la dame Coudert,

ancienne institutrice, admise elle aussi à la retraite d’office par application du décret-loi du 4

avril 1934 et des textes modificatifs.

Le juge de l’excès de pouvoir a-t-il compétence pour vérifier si une loi est constitutionnelle et,

dans le cas où cette question devrait se résoudre par l’affirmative, pour dénier toute force

exécutoire aux lois qui ne présentent pas ce caractère ?

II. – Il ne saurait être sérieusement soutenu en France qu’à supposer qu’il existe un

contentieux de la validité de la loi, – il serait paradoxal de dire de l’illégalité de la loi, – il

puisse se présenter sous la forme d’un contentieux de l’annulation ou même d’un contentieux

de l’indemnité.

Mais il en est autrement en ce qui concerne le contentieux de l’exception de validité.

Cette question est d’ailleurs, dans ces dernières années, sortie du domaine des questions

d’école. Agitée déjà devant les tribunaux, au cours de l’année 1925, à propos de la loi du 23

mars 1914 (D.P. 1917.4.232), relative aux pouvoirs des commissions parlementaires

d’enquête, elle a été, tant devant le Parlement que dans la doctrine, abondamment

controversée à l’occasion des lois qui, à plusieurs reprises, ont étendu extraordinairement,

d’aucuns disaient : irrégulièrement, – et les deux requête dont vous êtes saisis ne font que

vous apporter un écho de cette opinion, – les pouvoirs réglementaires de l’exécutif.

Avez-vous, comme on vous y convie, le pouvoir d’exercer sur la loi, – seulement d’ailleurs

sur exception – un contrôle analogue à celui auquel vous soumettez, comme juges de l’excès

de pouvoir, les actes administratifs ?

A. – L’opinion qui, à cette question, répond par la négative, a coutume de présenter cette

solution comme dérivant du principe de séparation des pouvoirs.

Mais, si l’on envisage ce principe abstraitement en quelque sorte, il s’en faut qu’il conduise

nécessairement à cette solution.

De ce principe, il existe en effet deux conceptions nettement distinctes.

Dans la première, que présuppose l’opinion que nous envisageons, il se présente à la vérité

comme un cloisonnement des divers pouvoirs, sans communication ni action réciproque entre

eux.

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Mais la seconde exception, au contraire, admet une action réciproque, tendant à opérer la

limitation de ces pouvoirs les uns par les autres.

Bien loin d’être en contradiction avec le principe en question, cette action réciproque est, dans

cette conception, le moyen même des fins de ce principe, et par suite son affirmation même.

Tout ce qu’exige alors le principe, c’est que l’action que chaque pouvoir a sur les autres ne

s’opère, comme on l’a dit, que « par l’exercice de sa propre fonction ».

Or c’est une règle de droit bien établie que le juge de l’action est le juge de l’exception.

Lorsqu’un régime juridique établit dès lors une hiérarchie entre les lois, c’est-à-dire qu’il

existe ce qu’on a appelé une « super-légalité » ou encore une « loi des lois », le juge, dans

cette seconde conception, ne fait rien que de conforme à sa mission, – pourvu que sa décision

n’ait d’effet que sur le procès auquel elle s’applique, – en faisant céder, le cas échéant, à la loi

supérieure celle du degré inférieur.

Il ne fait en effet, en pareil cas, que statuer sur un conflit de lois qui ne diffère guère par

nature d’autres conflits qui se présentent devant lui entre lois égales : conflits dans le temps

(théorie de l’abrogation et de la rétroactivité), conflits dans l’espace (théorie de la personnalité

ou de la territorialité des lois).

Si le juge ne refusait pas, en pareil cas, à la loi inférieure la sanction de son autorité, ne

renverserait-il d’ailleurs pas l’ordre de la hiérarchie légale en permettant à la loi inférieure

d’offusquer la loi supérieure et en réglant la force exécutoire des lois, non d’après leur nature,

mais seulement d’après leur date ?

C’est par des raisonnements de ce genre, sans réplique en logique pure, que le contrôle de la

constitutionnalité s’est établi en Amérique dès longtemps par le célèbre arrêt Marbury v.

Madison, et plus récemment en Roumanie, ainsi que dans divers autres Etats.

B. – Mais ce n’est pas dans de telles considérations de logique pure qu’en France tout au

moins la solution doit être cherchée.

Le principe de la séparation des pouvoirs présente chez nous, en effet, un aspect très spécial,

que lui ont imprimé les circonstances historiques particulières. Nous devons les rappeler

sommairement.

a) Affirmé dans l’article 16, – qu’invoque expressément le sieur Arrighi, – de la Déclaration

des droits de 1789, quel sens attache-t-on alors à ce principe ?

La conception en est entièrement dominée par la souveraineté de la loi.

Nous n’avons pas à examiner ici en détail le rôle que jouèrent sur ce point la doctrine d’alors

et notamment les idées du philosophe de Genève. On sait à quel degré d’absolutisme il portait

cette souveraineté, au nom de la volonté générale, et par quelles formules catégoriques il a

présenté, à ce propos, comme des axiomes, certaines affirmations, dont la vérité a depuis paru

un peu moins évidente. « Nul n’est injuste envers lui-même ». « La volonté générale ne peut

errer ». « Le souverain, par le seul fait qu’il est, est toujours ce qu’il doit être ».

Comment la notion d’une loi aussi infaillible et conduite au juste, ainsi qu’on l’a dit, par un

« vrai déterminisme du bien », s’accommoderait-elle d’un contrôle, même de magistrats élus ?

Un tel contrôle serait un « scandale ».

Et telle est bien la réaction des assemblées révolutionnaires devant l’idée d’un tel contrôle.

A cette considération de doctrine constitutionnelle s’ajoutaient d’ailleurs les préjugés

qu’avaient inspirés, comme on l’a maintes fois rappelé, à des assemblées novatrices, des

Parlements hostiles aux réformes.

C’est par cette conjonction d’influences que s’expliquent tant les interdictions portées par les

articles 10 et 11 de la loi des 16-24 août 1790 (Jur. gén., v° Organisation judiciaire, p. 1476)

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~ 15 ~

que le refus aux juges, – par la procédure dite du référé législatif, – même du pouvoir

d’interpréter la loi.

On ne saurait dès lors s’étonner que, par la décision du 11 fructidor an V, la Cour de cassation

ait interdit aux juges de faire « la critique de la loi » et qu’un autre arrêt, du 18 fructidor an V,

ait formellement condamné tout contrôle (Jur. gén., v° Lois, n°s 460, 478).

Le jugement censuré avait cru cependant pouvoir s’appuyer sur l’article 377 de l’acte

constitutionnel, « où le peuple français (avait) remis la Constitution à la fidélité du Corps

législatif, du Directoire exécutif, des administrateurs et des juges, à la vigilance des pères de

famille, aux épouses et aux mères, à l’affection des jeunes citoyens et au courage de tous les

français ».

Mais la Cour de cassation, implacablement, a vu là « l’effet d’une erreur coupable ». « On ne

peut avoir, dit-elle en effet, dans cette phrase touchante, qu’une invitation aux fonctionnaires

publics de bien remplir leurs devoirs, aux parents de faire connaître la Constitution à leurs

enfants, à ceux-ci de l’aimer et à tous les français de la défendre. »

b) On sait que sous les Constitutions du Consulat et de l’Empire, si, sous l’inspiration de

Sieyes, qui avait, dès l’époque du Directoire, fait de la conception absolue de la souveraineté

de la loi une assez vive critique, un certain contrôle fut admis, ce fut uniquement, – c’est bien

en ce sens que l’article 127 c. pén. paraît devoir s’interpréter, – par l’organe du Sénat.

La jurisprudence n’eut donc pas à se modifier (V. Civ. 25 mai 1814, Jur. gén., v° Lois,

n°186).

Quoi qu’on en ait dit, d’autre part, les arrêts de la chambre criminelle du 11 mai 1833 et du 12

avril 1838 (Jur. gén., eod. v°, n° 527) ne paraissent pas avoir innové sur ce point (le premier

admet toutefois le contrôle de l’existence de la loi).

Le contrôle proprement dit, celui de la constitutionnalité, paraît au contraire avoir été

nettement admis en 1851 par deux arrêts de la chambre criminelle ’15 mars 1851 et 17

novembre 1851, D.P. 51.1.142 et 333).

Le second Empire revient à cet égard à un état de droit semblable à celui du premier Empire.

Car l’arrêt de la Cour de cassation (chambre des requêtes) du 15 avril 1863 (D.P. 63.1.400),

qui, d’après certains, serait favorable au contrôle, ne paraît pas avoir la portée qui lui est ainsi

attribuée.

Il en va de même pour l’arrêt Pelletier, rendu par le Tribunal des conflits le 30 juillet 1873

(D.P. 74.3.5).

Et, le 23 mai 1901, par un arrêt très net, quoique des plus succincts, l’arrêt Delarue (D.P.

1902.3.87), vous avez exclu le contrôle.

Mais, si les arrêts Winkel et Tichit, du 7 août 1909 (D.P. 1911.3.17) et du 1er

mars 1912 (D.P.

1914.3.48), ne reviennent nullement sur cette jurisprudence, quoique l’opinion contraire ait

été soutenue, l’arrêt Heyriès, du 28 juin 1918 (D.P. 1920.3.31), qui n’est pas un arrêt isolé, a

statué sur l’interprétation de la loi constitutionnelle et déclaré valable un règlement qui, dans

des circonstances exceptionnelles, avait suspendu l’application d’une loi.

Quant à la juridiction civile, si, dans l’affaire de la commission d’enquête, le tribunal civil de

la Seine a, le 23 octobre 1925, refusé de procéder au contrôle qui lui était demandé, la Cour de

cassation ne s’est pas, par son arrêt du 11 juin 1926 (D.H. 1926.378), nettement expliquée sur

ce point.

Mais, quoi qu’il en soit de l’interprétation que le principe de la séparation des pouvoirs a pu

recevoir dans le passé, la solution qui écarte le contrôle est-elle aujourd’hui en accord avec

l’ensemble de la situation juridique ?

Page 16: La justice constitutionnelle

~ 16 ~

III. – Pour soutenir la négative, de très sérieux arguments peuvent être invoqués.

A. – On peut tout d’abord faire observer que, depuis l’époque lointaine où la Cour de

cassation réprouvait, comme la plus lourde des erreurs, cette tentative de contrôle qui s’était

cependant placée sous le couvert de la Constitution, la conception que l’on se fait tant de la loi

que des pouvoirs du juge s’est considérablement modifiée.

Non seulement, en effet, ce référé législatif qui consacrait, à cet égard, la dépendance du juge,

a cessé d’exister depuis près d’un siècle, mais, depuis une époque plus récente, ont, quant à

l’interprétation de la loi, prévalu des méthodes si larges que, sans que, même entendu de cette

façon, le pouvoir du juge s’étende jusqu’à ce qu’en certains pays on appelle la

« construction » de la loi, il constitue, jusqu’à un certain point, une collaboration, évidemment

subordonnée, mais en partie cependant originale, à l’œuvre du législateur.

La jurisprudence Heyriès, que nous avons citée, n’en est-elle pas un exemple ? S’il est certain

que ce serait méconnaître la portée de cet arrêt que d’y voir l’application du contrôle, le

Conseil d’Etat n’en a pas moins en effet, par cette décision, confronté à l’autorité de la loi

simple les pouvoirs que l’autorité exécutive tient de la loi constitutionnelle, et fait prévaloir

sur la loi ordinaire, – dans un cas à la vérité très particulier, – une décision prise par le

Gouvernement dans l’exercice de ses pouvoirs.

B. – Si, d’autre part, il fut un temps où le pouvoir judiciaire fut suspect de vouloir

entreprendre sur l’autorité du législateur, il ne paraît guère contestable que ces temps sont

biens révolus.

Il semble que certaines critiques lui reprocheraient plutôt aujourd’hui, – et cependant votre

jurisprudence n’a-t-elle pas étendu son contrôle sur des actes quasi-législatifs, tels que les

décrets dits décrets-lois et les décrets coloniaux ? – un excès de réserve et de discrétion.

C. – D’ailleurs si la conception, – fatale au contrôle, – qui fait de l’Etat la source exclusive du

droit, n’a pas cessé, il s’en faut, d’avoir des partisans, parfois sous des formes nouvelles, de

nouvelles théories se sont fait aussi jour, qui, dans les rapports des Etats entre eux ou même à

l’intérieur du pays, soumettent au droit l’Etat lui-même.

Et si la loi continue à rester la règle juridique fondamentale, sinon, aux yeux de tous, suprême,

le temps n’a pas cessé d’atténuer sérieusement, depuis un siècle, la conception quasi-

oraculaire qu’on s’en était faite un instant.

Il a été d’ailleurs été expressément soutenu (Kelsen, La garantie juridictionnelle de la

Constitution, Revue du droit public, 1928, p. 252) que, les institutions de contrôle étant de

l’essence de la démocratie, si le contrôle de la constitutionnalité des lois a sa place quelque

part, c’est sous de tels régimes.

Thèse à la lumière de laquelle s’éclairent peut-être ces arrêts de 1851 qui ont admis le

contrôle au moment où, pour la première fois, l’Assemblée représentative tenait son élection

du suffrage universel et direct.

Ce ne saurait être d’ailleurs par une simple coïncidence que la jurisprudence et les institutions

juridiques de cette courte période de la deuxième République nous présentent, sur certains

points, une si surprenante préfiguration de celles de notre régime actuel, notamment quant à la

justice déléguée, quant au Tribunal des conflits et quant à la jurisprudence Blanco (Trib.

Confl. 8 février 1873, D.P. 73.3.17).

Si, sur tous ces points, la loi interne des institutions juridiques a amené de tels

rapprochements, n’en doit-il pas aller de même sur le point que nous examinons ?

IV. – Si persuasive, à certains égards, que puisse paraître cette thèse, elle ne nous paraît pas

devoir être retenue.

Page 17: La justice constitutionnelle

~ 17 ~

A. – Si large qu’ait été en effet l’extension des pouvoirs du juge dans l’interprétation de la loi,

elle ne saurait aller jamais jusqu’à priver de force un acte législatif, du moins émanent du

Parlement.

Comment pourrait-il en être ainsi, alors que la théorie dite des actes de gouvernement met en

dehors de votre contrôle jusqu’aux actes relatifs aux rapports de l’exécutif et du Parlement et

que la jurisprudence Septfonds (Trib. Confl. 16 juin 1923, D.P. 1924.3.44), si elle permet aux

tribunaux judiciaires d’interpréter les règlements, leur interdit d’en apprécier la validité ?

Sans doute la loi constitutionnelle n’échappe-t-elle pas, plus que la loi simple, quoique

certains auteurs en aient dit, au pouvoir d’interprétation du juge. Mais si votre jurisprudence

Heyriès l’a fait prévaloir sur la loi simple, c’est sur l’appréciation de la légalité non pas de

cette dernière loi, mais de l’acte administratif qui provisoirement l’avait suspendue.

B. – Si, d’autre part, malgré les progrès qu’il a faits dans l’étendue de son contrôle, le juge, et

en particulier le juge de l’excès de pouvoir, a désarmé les préjugés qui avaient fait tenir en

suspicion la magistrature de l’époque intermédiaire, ce serait, semble-t-il, une entreprise non

moins vaine que dangereuse que de l’engager à risquer, par de telles tentatives de contrôle,

tout l’acquis de la jurisprudence. Quelque atteinte qu’aient pu recevoir certaines idées peut-

être trop absolues sur la souveraineté de la loi, il n’en reste pas moins en effet que, dans la

théorie et aussi dans la pratique de notre droit public, le Parlement reste l’expression de la

volonté générale et ne relève à ce titre que de lui-même et de cette même volonté.

C. – Pratiquement d’ailleurs, quel serait l’avantage qu’on pourrait attendre d’un tel contrôle ?

Il faut, pour qu’il y en eût un, que la loi supérieure eût un contenu substantiel à l’égard des

droits individuels.

Or, si l’on écarte les déclarations de droits, – et c’est ce qui doit être fait, semble-t-il, – il ne

reste guère, dans nos textes constitutionnels, que des prescriptions de procédure, sans intérêt

contentieux pour les particuliers.

Ne fît-il tomber que des mesures telles que celles qui vous sont déférées, il faut reconnaître

toutefois que le contrôle serait loin d’être sans intérêt.

D. – Si sérieux que pût être cet avantage, il ne paraît pas être toutefois de ceux que votre

jurisprudence, en l’état du droit, peut assurer aux justiciables.

Il faut se résigner en effet, tout au moins provisoirement, même aux dépens de l’harmonie des

plus belles constructions juridiques, même aux dépens parfois de l’apparente équité, à ce que

certaines parties du droit restent à l’état de droit imparfait, à l’état de droit sans sanction.

Même cantonné dans un domaine moins large qu’il ne pourrait le paraître souhaitable, il s’en

faut d’ailleurs que le rôle du juge soit condamné, sur ces derniers points, à une entière

inefficacité. Les règles de droit dégagées par une forte jurisprudence ont tôt ou tard, en effet,

même en dehors de leur domaine, une influence salutaire et comme une sorte d’irradiation.

C’est le seul rôle, selon nous, qu’en l’état du droit puisse avoir votre jurisprudence, en dehors

du domaine, qui vous est propre, des actes administratifs.

Nous concluons au rejet des requêtes.

CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi

Vu les lois constitutionnelles des 25 février et 16 juillet 1875 ; les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ; l’art. 36 de la loi du 28 février 1934 ; le décret du 10 mai 1934 ;

Sur le moyen tiré de ce que l’art. 36 de la loi du 28 février 1934, en vertu duquel ont été pris

les décrets des 4 avril et 10 mai 1934, serait contraire aux lois constitutionnelles :

Page 18: La justice constitutionnelle

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Considérant qu’en l’état actuel du droit public français, de moyen n’est pas de nature à être

discuté devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux ;

Sur les autre moyens :

Considérant, d’une part, qu’il résulte du texte même de l’art. 36 de la loi du 28 février 1934,

et compte tenu des conditions dans lesquelles il a été voté, qu’en autorisant le Gouvernement

à prendre les mesures d’économie qu’exigera l’équilibre du budget, le législateur a entendu le

mettre à même de réaliser toutes les réformes susceptibles de conduire à la réduction des

charges financières de l’Etat et d’aider au rétablissement de l’équilibre budgétaire par leurs

répercussions sur les dépenses de l’exercice 1934 ou des exercices suivants ; qu’ainsi le

Gouvernement n’a pas excédé les pouvoirs exceptionnels qu’il tenait de la dispositions

législative sus-rappelée en modifiant, dans un intérêt d’économie, la législation relative à la

mise en retraite des fonctionnaires ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 2 du décret du 10 mai 1934, « pourront

être mis à la retraite d’office, avec droit à pension d’ancienneté, les fonctionnaires justifiant

d’un nombre d’années de service au moins égal au minimum exigé et qui seront, du fait de

leur admission à la retraite d’office, dispensés de la condition d’âge » ; que le sieur Arrighi

soutient à la vérité que cette disposition ne lui serait pas applicable parce qu’il n’a pas

accompli trente ans de services depuis qu’il a quitté l’armée ; mais qu’il résulte de l’article 12

de la loi du 14 avril 1924 que les services militaires accomplis dans les armées de terre et de

mer concourent avec les services civils pour la détermination du droit à pension ; qu’ainsi, le

ministre de la guerre a pu légalement le mettre à la retraite d’office avec droit à pension

d’ancienneté, par application de l’article 2 précité du décret du 10 mai 1934 ; (rejet)

C – L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité

Constitution du 4 octobre 1958 : articles 61, 61-1 et 62 (Version issue de la révision du 23

juillet 2008)

ARTICLE 61

Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11

avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées

parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel

qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur

promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le président de

l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le

délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est

ramené à huit jours.

Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation.

ARTICLE 61-1

[Entrée en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur

application (article 46-I de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008)] Lorsque,

à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition

législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil

constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de

cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

Page 19: La justice constitutionnelle

~ 19 ~

ARTICLE 62

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être

promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles

s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Schéma procédural de la QPC (Source : Flament L. et Galvan A., JCP S., n°19, 11 mai 2010, 1182)

Pour approfondir, voir également le Schéma « Parcours complet de la procédure QPC » in

Mathieu DISANT, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, pp. 369-372.

Page 20: La justice constitutionnelle

~ 20 ~

III. LES MODELES MIXTES

A. L’Irlande

Constitution de la République d’Irlande du 1er juillet 1937 (extraits)

(…)

Renvoi des projets de loi devant la Cour suprême

ARTICLE 26

Le présent article est applicable à tout projet de loi adopté ou considéré comme adopté par les

deux chambres du Parlement, en dehors des projets de loi à caractère financier ou des projets

de loi de révision de la Constitution, ou encore des projets de loi pour lesquels le délai de

prise en considération par le Sénat a été réduit selon l'article 24 de la Constitution.

1. 1° Le président de la République peut, après consultation du Conseil d'État, soumettre

à la Cour suprême tout projet de loi auquel cet article est applicable, pour décider si ce

projet de loi ou l'une ou plusieurs de ses dispositions particulières sont contraires à la

Constitution ou à l'une de ses disposition.

2° Toute saisine est effectuée dans un délai de sept jours, à partir de la date à laquelle

le projet de loi a été présenté à la signature du président de la République par le

premier ministre.

3° Le président de la République ne signe pas un projet de loi soumis à la Cour

suprême selon cet article tant que la Cour n'a pas prononcé sa décision.

2. 1° La Cour suprême, composée d'au moins cinq magistrats, examine toute question

soumise à elle par le président de la République selon cet article, pour décider et, ayant

entendu les arguments présentés par le procureur général ou en son nom et par un

conseil désigné par la Cour, prononcer sa décision sur la question, publiquement et dès

que possible, et en tout cas dans un délai de soixante jours à partir de la date de sa

saisine.

2° La décision de la majorité des magistrats de la Cour suprême, pour l'objet de cet

article, est la décision de la Cour et elle est prononcée par l'un des magistrats comme

la Cour l'a rendue, et aucune autre opinion, concordante ou dissidente, n'est prononcée

ni l'existence d'une telle opinion différente divulguée.

3. 1° Dans chaque cas où la Cour suprême décide qu'une disposition d'un projet de loi

qui lui est soumis conformément à cet article est contraire à la Constitution ou à l'une

de ses dispositions, le président de la République refuse de signer le projet de loi.

2° Si, dans le cas d'un projet de loi auquel l'article 27 de la Constitution est applicable,

une pétition a été adressée au président de la République conformément à cet article,

celui-ci doit être appliqué.2

3° Dans tous les autres cas, le président de la République signe le projet de loi dès que

possible après la date à laquelle la Cour suprême s'est prononcée.

2 L’article 27 de la Constitution de la République d’Irlande permet au Parlement de demander, en respectant certaines conditions de majorités, au Président de la République de soumettre au peuple un texte qu’il vient d’adopter dès lors qu’il revêt une importance nationale suffisante.

Page 21: La justice constitutionnelle

~ 21 ~

(…)

Les Tribunaux

ARTICLE 34

1. La justice est rendue par des tribunaux établis par la loi, avec des juges nommés de la

manière prévue par la présente Constitution et, sauf dans des cas spéciaux et limités

prévus par la loi, elle est rendue publiquement.

2. Les tribunaux comprennent des tribunaux de première instance et une cour d'appel en

dernier ressort.

3. 1° Les tribunaux de première instance comprennent une Haute Cour investie de la

pleine juridiction au premier degré et du pouvoir de décider de toutes matières ou

questions de droit ou de fait, au civil ou au pénal.

2° Sauf dans les autres cas prévus au présent article, la compétence de la Haute Cour

s'étend à la validité de toute loi au regard des dispositions de la présente Constitution,

et aucune question de ce genre ne peut être soulevée (soit par plaidoirie, argument ou

autrement) devant nul tribunal établi par cet article ou par aucun autre article de la

présente Constitution, autre que la Haute Cour ou la Cour suprême.

3° Nul tribunal n'a compétence pour apprécier la validité de la loi ou d'une disposition

de la loi, dont le projet a été renvoyé à la Cour suprême par le président de la

République conformément à l'article 26 de la présente Constitution ou la validité d'une

disposition de la loi si la disposition correspondante dans le projet de cette loi a été

renvoyée à la Cour suprême par le président de la République conformément au dit

article 26.

4° Les tribunaux de première instance comprennent également des tribunaux dont la

compétence est locale et limitée, avec un droit d'appel comme déterminé par la loi.

4. 1° La cour d'appel en dernier ressort est dénommée Cour suprême.

2° Le président de la Cour suprême est dénommé Chief Justice.

3° La Cour suprême, sauf les exceptions et sous réserve des règles établies par la loi,

est la juridiction d'appel pour les décisions de la Haute Cour, et elle est également la

juridiction d'appel pour les décisions des autres tribunaux, comme prescrit par la loi.

4° Aucune loi n'est promulguée pour écarter de la juridiction d'appel de la Cour

suprême les affaires relatives à la validité d'une loi au regard des dispositions de la

présente Constitution.

5° L'arrêt de la Cour suprême sur une question de validité de la loi au regard des

dispositions de la présente Constitution est prononcé par l'un des magistrats de cette

Cour conformément à la décision de cette Cour. Aucune autre opinion sur cette

question, soit concordante, soit dissidente ne peut être prononcée et l'existence d'une

telle autre opinion ne peut être indiquée.

6° L'arrêt de la Cour suprême est dans tous les cas définitif et sans appel.

5. 1° Toute personne nommée magistrat conformément à la présente Constitution fait et

souscrit la déclaration suivante :

« En présence de Dieu Tout Puissant, je promets et je déclare solennellement et

sincèrement que je veux exercer mes fonctions de président de la Cour suprême (ou les

autres fonctions dont il s'agit, comme il est prévu et fidèlement, au mieux de ma

compétence et de mon pouvoir, sans peur ni faveur, affection ni rancune à l'égard de

Page 22: La justice constitutionnelle

~ 22 ~

personne, et que je veux maintenir la Constitution et les lois. Que Dieu me guide et me

soutienne. »

2° Cette déclaration est faite et souscrite par le président de la Cour suprême en

présence du président de la République et par tous les autres magistrats de la Cour

suprême, les magistrats de la Haute Cour et les magistrats de tous les tribunaux en

présence du président de la Cour suprême ou du doyen des magistrats disponibles de la

Cour suprême, en séance publique.

3° La déclaration sera faite et souscrite par chaque magistrat avant son entrée en

fonctions, et dans tous les cas pas plus de dix jours après la date de sa nomination ou à

une date ultérieure fixée par le président de la République.

4° Tout magistrat qui refuserait ou négligerait de faire la déclaration prévue ci-dessus

serait jugé démissionnaire de sa charge.

B. Le Portugal

Vital MOREIRA - Cahiers du Conseil constitutionnel n° 10 (Dossier : Portugal) - mai 2001 (Extrait)

Professeur à la Faculté de Droit de l'Université de Coimbra, ancien Juge au Tribunal constitutionnel

1. L'origine du système mixte de justice constitutionnelle au Portugal

Le Portugal est l'un des pays pionniers et l'un des exemples les plus caractéristiques de la cohabitation entre le " système américain " et le "système autrichien " de justice constitutionnelle. En effet, le système de justice constitutionnelle portugais est une combinaison du système diffus et concret

de judicial review et du système concentré et abstrait de Verfassungsgerichtsbarkeit.

Le système qui avait cours au Portugal avant la Constitution de 1976 était celui du contrôle judiciaire diffus, incident et concret, introduit par la Constitution de 1911 (la première constitution républicaine), puis repris par la Constitution de 1933 (celle de l'"Estado Novo "). Mais cette Constitution, dans la version résultant de sa dernière révision en 1971, soit pratiquement à la fin du régime autoritaire,

commença à admettre la possibilité d'un contrôle abstrait concentré.

Ce système mixte fut conservé dans la structure constitutionnelle provisoire mise en place après la Révolution démocratique du 25 avril 1974, jusqu'à l'approbation de la future Constitution, le contrôle abstrait étant confié au Conseil de la Révolution qui était compétent pour déclarer avec force obligatoire générale l'inconstitutionnalité de toute norme.

Le texte originel de la Constitution de la République Portugaise (CRP) de 1976 maintint les caractéristiques essentielles du système mixte qui avait fait l'objet d'un essai pendant la période constitutionnelle transitoire, combinant le contrôle judiciaire diffus et le contrôle non judiciaire concentré abstrait. Mais il y introduisit certains éléments profondément innovateurs.

L'originalité résidait dans :

a) la création de deux nouveaux types de contrôle avec le contrôle des omissions inconstitutionnelles et

le contrôlepréventif des actes législatifs ou équivalents ;

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~ 23 ~

b) la création d'un nouvel organe de contrôle - la Commission constitutionnelle - à la composition et aux fonctions hybrides (organe consultatif du Conseil de la Révolution pour le contrôle abstrait et organe de jugement concentré des recours en appréciation de constitutionnalité provenant des tribunaux);

c) le caractère non définitif des décisions des tribunaux qui prononcent une inconstitutionnalité, étant

donné que de telles décisions étaient susceptibles d'un recours devant la Commission constitutionnelle, recours qui dans certains cas était rendu obligatoire pour le ministère public, notamment lorsqu'il s'agissait d'un jugement d'inconstitutionnalité relatif à une norme législative ou à un traité international.

On créa ainsi un système extrêmement complexe, qui combinait des éléments provenant de modèles différents, un mélange de contrôle politique et juridictionnel, de modèle diffus et concentré, de mise en cause directe et incidente, d'effets abstraits et concrets.

Avec la première révision constitutionnelle en 1982, la principale innovation fut la création du Tribunal constitutionnel, en remplacement du Conseil de la Révolution et de la Commission constitutionnelle.

Le Tribunal constitutionnel devint le principal organe de la justice constitutionnelle, compétent

pour se prononcer définitivement sur des questions de constitutionnalité, tant par voie de recours contre les décisions d'autres tribunaux avec le contrôle concret de constitutionnalité (à l'occasion de questions

soulevées à titre incident dans les faits soumis à jugement, quel que soit le sens de la décision), qu'à titre principal et avec force obligatoire générale (sur les questions lui étant directement présentées par certaines entités clairement identifiées dans la Constitution).

La première révision constitutionnelle a aussi étendu le modèle de contrôle de constitutionnalité à

certains cas spéciaux d'illégalité renforcée, avec le contrôle des infractions aux statuts des régions autonomes par des textes régionaux ou des textes émanant d'organes de souveraineté, ou encore le contrôle des infractions aux " lois générales de la République " par des textes régionaux.

Les révisions constitutionnelles suivantes (1989, 1992, 1997) n'apportèrent guère de modification substantielle au système de justice constitutionnelle. Les principales innovations résidèrent dans l'élargissement des fonctions du Tribunal constitutionnel. Ainsi, le Tribunal devint par exemple compétent

pour vérifier la conformité des actes législatifs " ordinaires " aux lois à valeur renforcée, parmi

lesquelles les lois organiques, de même que pour vérifier la constitutionnalité et la légalité des référendums avant leur convocation.

Dans tous les cas, le système mixte portugais de justice constitutionnelle est aujourd'hui quasiment unanimement admis: il n'est pratiquement plus critiqué par personne, exceptées, parfois, certaines déclarations des juges des tribunaux de droit commun, surtout au niveau du Tribunal suprême de Justice, qui contestent le recours contre leurs décisions devant le Tribunal constitutionnel et proposent l'élimination de ce recours. Mais on ne voit pas comment cela serait possible sans abandonner la philosophie du contrôle concret, sans le remplacer par un système de renvoi préjudiciel devant le Tribunal constitutionnel, comme en Italie ou en Allemagne.

2. Le système de contrôle de la constitutionnalité, en général

I. Caractéristiques générales

Il existe quatre formes de contrôle de la constitutionnalité 2 :

a) le contrôle préventif de l'inconstitutionnalité par action ;

b) le contrôle successif abstrait de l'inconstitutionnalité par action ;

c) le contrôle successif concret de l'inconstitutionnalité par action ;

Page 24: La justice constitutionnelle

~ 24 ~

d) le contrôle de l'inconstitutionnalité par omission.

Les organes du contrôle de constitutionnalité sont, d'un côté, le Tribunal constitutionnel et, de l'autre, l'ensemble des autres tribunaux. Le premier a une compétence exclusive en matière de contrôle préventif, de contrôle successif abstrait et de contrôle de l'inconstitutionnalité par omission. Il juge des recours contre les décisions des autres tribunaux en matière constitutionnelle. Les tribunaux de droit commun se

prononcent sur les questions de constitutionnalité soulevées dans chaque cas sub judice, et leurs décisions sont toujours susceptibles de recours devant le Tribunal constitutionnel.

L'articulation des différentes formes de contrôle avec ses différents organes conduit au schéma suivant des types de contrôle (v. le tableau I).

1) Le contrôle préventif

Comme l'indique son nom, c'est le contrôle antérieur à l'introduction même des normes dans l'ordre

juridique. Il a donc pour objet des normes imparfaites. C'est par nature un contrôle abstrait et, en cas de jugement d'inconstitutionnalité, les normes en cause n'entrent pas dans l'ordre juridique.

Le contrôle préventif a deux fonctions bien distinctes : d'un côté, il empêche l'entrée en vigueur de normes présupposément inconstitutionnelles, évitant ainsi qu'elles ne produisent effet ; d'un autre côté, il écarte ou diminue les réserves qui auraient été faites ou qui pourraient éventuellement être soulevées quant à la constitutionnalité du texte et qui pourraient affaiblir sa légitimité et, même, son efficacité.

Quant à la compétence pour requérir le contrôle, il faut distinguer trois situations :

a) le Président de la République peut demander le contrôle de tout texte législatif ou de toute convention internationale qui lui est soumis pour promulgation, signature ou ratification ;

b) le Premier ministre et un certain nombre de députés à l'Assemblée de la République peuvent demander le contrôle des "lois organiques " ;

1. Pour les textes régionaux.

2. Pour les lois organiques.

3. Pour les normes de la République qui affectent les régions autonomes.

4. Pour les omissions législatives concernant les régions autonomes.

c) les ministres de la République pour les régions autonomes peuvent demander le contrôle des textes régionaux qu'il leur échoit de signer.

Le champ du contrôle préventif est aussi plus restreint que celui du contrôle successif, étant donné

qu'il ne s'applique qu'à des textes législatifs (de la République ou des régions autonomes) ou équivalents (conventions internationales et décrets régionaux de réglementation de lois de la République).

L'organe compétent est naturellement le Tribunal constitutionnel.

2) Le contrôle concentré abstrait

Pour ce qui a trait au contrôle successif, c'est-à-dire après publication des normes, il existe un contrôle abstrait et concentré, aussi appelé contrôle par "voie principale ", par "voie d'action " ou par "voie directe ". Le contrôle concentré est indépendant du contrôle concret, mais il y a la possibilité du "passage " du contrôle concret au contrôle abstrait, afin d'obtenir la généralisation des décisions adoptées en contrôle concret (art. 281-3, CRP).

Le contrôle concentré est universel, étant donné qu'il couvre toutes les normes susceptibles de contrôle pour inconstitutionnalité, qu'il peut concerner toute norme du système juridique. La compétence du

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~ 25 ~

contrôle abstrait appartient exclusivement au Tribunal constitutionnel, à la demande de certains organes publics et à l'exclusion des citoyens ou des intéressés au contrôle de la norme.

3) Le contrôle concret diffus

La compétence pour juger des questions de constitutionnalité est reconnue à tous les tribunaux (art. 204 et 280-1, CRP), qui peuvent apprécier, à la demande des parties ou sur initiative du juge, l'éventuelle inconstitutionnalité des normes appliquées aux cas concrets soumis à leur jugement. Toutefois, il existe toujours la possibilité du recours devant le Tribunal constitutionnel - recours qui, dans certains cas, est obligatoire pour le ministère public -, ce Tribunal devant se prononcer définitivement sur la question. Mais la décision continue à valoir seulement pour le cas qui est à l'origine du recours.

Le contrôle judiciaire diffus concerne toutes les normes de l'ordonnancement juridique susceptibles de contrôle du point de vue de la constitutionnalité. Le régime du contrôle concret révèle clairement sa nature mixte : entre le système diffus, traditionnel au Portugal, et le système concentré, de type autrichien, introduit dans la Constitution de 1976. Le système de contrôle est un système original. À la différence des

autres systèmes dotés d'un tribunal constitutionnel, les tribunaux de droit commun ont aussi un accès direct à la Constitution, disposant d'une compétence pleine pour juger et décider des questions soulevées

; mais, à la différence des systèmes de judicial review, les décisions des tribunaux du fond sont susceptibles de recours devant un tribunal constitutionnel spécifique, extérieur à la juridiction ordinaire.

4) Le contrôle de l'inconstitutionnalité par omission

En plus du contrôle de l'inconstitutionnalité par action, il existe le contrôle concentré des omissions législatives - contrôle de l'inconstitutionnalité par omission -, mais les décisions du Tribunal constitutionnel à propos de l'existence d'une inconstitutionnalité par omission ont pour seul effet pratique

la certification de l'omission et la communication de la décision, pour information, à l'organe législatif compétent (art. 283, CRP).

La compétence pour requérir le contrôle est plutôt restreinte (Président de la République, Provedor de Justiça et Présidents des Assemblées régionales, pour ces derniers, dans le cas d'une remise en cause des droits constitutionnels des régions autonomes).

II. Les organes de contrôle

A. Un système intégralement juridictionnel

Historiquement, l'émergence du concept de contrôle de constitutionnalité a été marqué par deux éléments fondamentaux :

a) la possibilité de déclarer l'illégitimité d'une norme infra-constitutionnelle à cause de violation de la Constitution ;

b) la dévolution de cette compétence à des instances indépendantes de nature judiciaire, que ce soit aux tribunaux de droit commun ("système américain ") ou à un tribunal spécialisé, un tribunal constitutionnel ("système autrichien ").

En fait, le contrôle judiciaire de l'inconstitutionnalité des lois implique le dépassement de la conception de la souveraineté absolue du parlement et de la séparation des pouvoirs, qui pendant longtemps ont constitué un obstacle au contrôle de la constitutionnalité des lois par un organe extérieur indépendant, notamment par les tribunaux (et surtout par les tribunaux de droit commun).

Cela n'empêche évidemment pas que le respect de la Constitution continue à être une obligation parlementaire, notamment par rapport aux actes des organes soumis à son contrôle, à commencer par l'exécutif. D'ailleurs, la CRP attribue encore aujourd'hui à l'Assemblée de la République la compétence

pour "surveiller le respect de la Constitution " (art. 162/a), mais elle ne peut déclarer une inconstitutionnalité puisqu'elle est limitée à des moyens de contrôle politique. Il en va de même avec le Président de la République qui est obligé, conformément à la formule constitutionnelle qui figure dans son

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serment d'investiture, "de défendre, respecter et faire respecter la CRP " (art. 127-3, CRP), devenant par là même, à l'intérieur du périmètre de ses pouvoirs, un "gardien de la Constitution ".

Mais on ne peut parler d'un véritable contrôle de la constitutionnalité que lorsqu'il émane d' organes juridictionnels. L'originalité du système portugais est, au lieu de choisir entre l'un des systèmes de contrôle juridictionnel ci-dessus mentionnés, de les conjuguer tous deux, pour bénéficier des avantages de l'un et de l'autre.

B. Le Tribunal constitutionnel

Le Tribunal constitutionnel, introduit par la révision constitutionnelle de 1982, est le développement logique de la Commission constitutionnelle prévue par le texte originel de 1976, Commission qui au-delà de son rôle consultatif en matière de contrôle abstrait de la constitutionnalité sur initiative du Comité Révolutionnaire, fonctionnait déjà comme une instance suprême de recours contre les décisions des tribunaux, sur des questions de constitutionnalité.

L'idée de concentrer en un unique tribunal la compétence pour connaître du contrôle de la constitutionnalité - pour laquelle au Portugal, depuis 1911, tous les tribunaux avaient compétence - est apparue en termes constitutionnels dans la révision de 1971; elle ne fut toutefois pas concrétisée. La Constitution de 1976, dans sa version primitive, en même temps qu'elle a maintenu la compétence des tribunaux pour le contrôle concret, a toutefois introduit un recours contre leurs décisions devant la Commission constitutionnelle (recours obligatoire dans certains cas).

Le Tribunal constitutionnel a reçu les fonctions d'organe suprême du contrôle de la constitutionnalité, en plus de nouvelles fonctions en matière de contrôle de certaines formes de légalité "renforcée ", en matière de mandat du Président de la République, de contentieux électoral, de constitution des partis politiques, de contrôle préventif de la constitutionnalité et de la légalité des référendums, etc. (cf. art. 223, CRP).

La quatrième révision constitutionnelle (1997) confia au Tribunal constitutionnel deux nouvelles fonctions : d'une part, juger des recours relatifs à la perte du mandat des députés de même qu'aux élections de titulaires de charges publiques par l'Assemblée de la République ; d'autre part, juger des actions tendant à contester la légitimité des élections à l'intérieur des partis politiques et leurs délibérations respectives. Dans chacun des cas, le Tribunal constitutionnel connaît de la constitutionnalité

et de la légalité (lato sensu) des actes en cause (art. 223-1/g et h, CRP).

Pour ce qui a trait au contrôle de la constitutionnalité, le Tribunal constitutionnel est l'organe compétent pour le contrôle préventif, pour le contrôle successif abstrait et pour le contrôle de l'inconstitutionnalité par omission, et il constitue l'instance de recours pour le contrôle concret.

Il faut souligner l'insistance de la Constitution à propos de la nature juridictionnelle du Tribunal constitutionnel, ce qui ne signifie pas que, même s'il est un tribunal au même titre que les autres, le

Tribunal constitutionnel ne soit pas un tribunal différent des autres.

C. Les tribunaux de droit commun

Tous les autres tribunaux sont aussi des agents de la justice constitutionnelle. Ils peuvent (et ils doivent) apprécier et décider des questions de constitutionnalité qui se posent dans les cas soumis à leur jugement, et écarter les normes qu'ils considèrent inconstitutionnelles (art. 204 CRP).

Il s'agit de tirer toutes les conséquences du principe de la primauté de la norme constitutionnelle, principe qui conduit les tribunaux à préférer la norme de la loi fondamentale et à laisser inappliquées les normes infra-constitutionnelles incompatibles avec elle.

À la différence de ce qui se passe dans les systèmes de type "autrichien " - où, en règle générale, les tribunaux de droit commun ne disposent pas du pouvoir de refuser l'application de normes pour inconstitutionnalité et doivent renvoyer au Tribunal constitutionnel les questions de constitutionnalité

soulevées -, mais en conformité avec le système de judicial review américain, les tribunaux portugais

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~ 27 ~

décident eux-mêmes de la constitutionnalité des normes qu'ils doivent appliquer, et écartent celles qu'ils considèrent inconstitutionnelles.

Toutefois, les décisions des tribunaux de droit commun à propos de questions de constitutionnalité

peuvent toujours faire l'objet d'un recours devant le Tribunal constitutionnel. Et lorsqu'il s'agit du refus de l'application de certaines catégories de normes les plus importantes (notamment celles contenues dans les lois et conventions internationales), le recours devant le Tribunal constitutionnel est obligatoire,

ce dernier ayant le dernier mot. En définitive, seul le Tribunal constitutionnel peut laisser inappliqués certains types de normes (notamment les lois) pour inconstitutionnalité.

III. L'objet du contrôle de constitutionnalité

A. Les actes normatifs

Selon la Constitution, la validité des lois et des autres actes de l'État et autres pouvoirs publics dépend de leur conformité à la Constitution (art. 3-3). Il arrive néanmoins que le contrôle de constitutionnalité

soit quasi-exclusivement limité aux actes à caractère normatif, à l'exclusion des actes d'une autre nature (actes politiques, actes administratifs et actes judiciaires).

Il est possible de se demander si seules les normes à contenu général et abstrait peuvent faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. Or, étant donné que la Constitution n'offre aucune base à une définition matérielle de la loi - comme acte législatif général et abstrait -, il n'y a aucun fondement raisonnable pour restreindre le contrôle de constitutionnalité aux lois à contenu matériellement normatif. Un tel raisonnement est corroboré par la jurisprudence constante du Tribunal constitutionnel.

En contrepartie, toutes les normes sont concernées, quelle que soit leur nature, leur source, leur forme ou leur hiérarchie, pour autant qu'elles soient de nature juridique et appartiennent à l'ordre juridique portugais. En droit constitutionnel portugais, les "actes normatifs dits primaires " (loi, traités internationaux) ne sont pas les seuls objets de contrôle, les "actes normatifs secondaires ou tertiaires " (règlements de l'administration, règlements des assemblées, statuts et règlements de la fonction publique, normes publiques des organisations privées chargées de missions publiques, etc.) le sont aussi.

B. Le contrôle de certains actes non normatifs

Comme il a été dit plus haut, tous les actes du pouvoir politique ne sont pas soumis au contrôle de leur conformité à la Constitution.

Sont exclus du système de contrôle de constitutionnalité les actes administratifs proprement dits - qui, néanmoins, s'ils sont inconstitutionnels, peuvent faire l'objet d'un recours pour illégalité selon les termes

généraux de la justice administrative - et les actes dits politiques ou de gouvernement (par exemple, la démission du gouvernement ou la dissolution de l'Assemblée de la République par le Président de la République), qui ne sauraient, par ailleurs, être l'objet d'aucun contrôle de légitimité, mais seulement d'un contrôle politique du Parlement et de l'opinion publique.

S'agissant de ces actes politiques ou de gouvernement, il faut toutefois noter que la déclaration d'état de siège et de l'état d'urgence, étant donné qu'elle revêt une nature normative, peut faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité, dans des termes généraux. Il en va de même des actes de convocation de

référendums ou de consultations populaires locales, qui sont expressément soumis au contrôle préventif obligatoire de constitutionnalité et de légalité (art. 115-8, CRP).

Depuis la révision constitutionnelle de 1997, sont également sujettes à contrôle de constitutionnalité (et de légalité) les décisions parlementaires relatives à la perte de mandat des députés, ainsi que les élections réalisées au Parlement.

C. Les actes exclus du contrôle de constitutionnalité

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Sous réserve des exceptions signalées ci-dessus, sont exclus du contrôle de constitutionnalité tous les autres actes publics ne contenant pas de norme juridique, indépendamment de leur nature, qu'il s'agisse d'actes constitutionnels ou d'actes administratifs (qui relèvent du contentieux administratif). Il en va de même des affaires juridico-privées et des autres actes pris par des personnes privées (à l'exception des normes émises dans l'exercice de pouvoirs publics délégués, comme c'est le cas pour les concessionnaires de service public ou les fédérations sportives).

Les décisions judiciaires, en elles-mêmes, ne sont pas non plus susceptibles d'un contrôle de constitutionnalité. Il est possible de contester une décision judiciaire devant le Tribunal constitutionnel, lorsqu'elle applique une norme dont l'inconstitutionnalité a été soulevée lors du procès ou lorsqu'elle n'applique pas une norme pour motif d'inconstitutionnalité. Mais il n'est pas possible de déférer devant le

Tribunal constitutionnel une décision judiciaire en ce qu'elle-même violerait la Constitution pour quelque motif que ce soit. Telle est l'orientation jurisprudentielle, continuellement affirmée depuis le début.

D. Le contrôle des omissions inconstitutionnelles

Le principe de constitutionnalité ne s'applique pas seulement aux actions de l'État ; il embrasse également

sesomissions ou inactions. La Constitution est aussi un ensemble de normes positives qui exigent de

l'État et de ses organes une activité, une action. Le non-accomplissement de ces normes, par inertie de l'État, c'est-à-dire par absence totale de mesures (législatives ou autres) ou par son insuffisance, déficience, ou inadéquation, est également constitutif d'une infraction à la Constitution

: l'inconstitutionnalité par omission.

Néanmoins, le mécanisme constitutionnel du contrôle de l'inconstitutionnalité par omission (art. 283, CRP) est loin d'être efficace, du fait de l'existence de limitations constitutionnelles et d'autres découlant de la nature particulière de l'inconstitutionnalité par omission. Le Tribunal constitutionnel ne peut être

appelé à vérifier que l'omission de mesureslégislatives, et doit se limiter à vérifier et déclarer que l'omission existe, ne pouvant ni se prononcer sur le mode de suppression du défaut, ni se substituer aux organes législatifs compétents.

IV. Nature et effets du jugement d'inconstitutionnalité

La nature et les effets du jugement d'inconstitutionnalité sont divers, en accord avec les différents types d'inconstitutionnalité et en fonction des différentes formes de contrôle. Il est important d'analyser les différents cas.

1) L'inconstitutionnalité par action et par omission

Il existe une grande différence de nature entre le contrôle des actions et celui des omissions inconstitutionnelles. La déclaration d'inconstitutionnalité par omission a un effet simplement "déclaratif "

et non "condamnatoire ", puisque le Tribunal constitutionnel se limite à vérifier le non respect de la Constitution par défaut d'adoption de mesures législatives nécessaires et à le porter à la connaissance des organes législatifs compétents (art. 283, CRP). Le contrôle de l'inconstitutionnalité par action élimine l'inconstitutionnalité (ou, tout du moins, ses effets). Il rétablit la légalité constitutionnelle, alors qu'il n'en va pas de même avec le contrôle des omissions inconstitutionnelles, étant donné que le Tribunal constitutionnel ne peut créer les normes qui font défaut.

2) Le contrôle préventif et successif

Avec le contrôle préventif, les normes en cause n'existent pas encore en tant que telles, et l'appréciation

du Tribunal constitutionnel s'insère dans leur processus de formation. Sa fonction est d'empêcher la promulgation et la publication de textes comportant des normes inconstitutionnelles. Au contraire, le contrôle successif a pour objet des normes qui appartiennent déjà à l'ordre juridique et sa fonction est

de les éliminer, ou, pour le moins, d'en écarter l'application.

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Alors qu'avec le contrôle préventif, l'efficacité du jugement d'inconstitutionnalité dépend de

l'intervention de tiers (le veto du Président de la République ou du ministre de la République), avec le contrôle successif le Tribunal constitutionnel est lui-même compétent pour déclarer l'inconstitutionnalité avec force obligatoire générale ou pour, conjointement avec les autres tribunaux, juger les normes inconstitutionnelles et en écarter l'application.

Il faut noter que dans le cas du contrôle préventif, la Constitution admet que l'Assemblée de la République puisse outrepasser le veto d'inconstitutionnalité du Président de la République, moyennant un vote à la majorité des 2/3, permettant ainsi au Président de la République de promulguer le texte inconstitutionnel s'il le désire (art. 279-2, CRP), ce qui constitue toutefois une solution incongrue et anormale.

3) Le contrôle abstrait et concret

La nature et les effets du contrôle concret sont profondément différents de ceux du contrôle abstrait : avec

le contrôle concret, les tribunaux se limitent à "écarter " dans le cas qui leur est soumis les normes qu'ils considèrent inconstitutionnelles, sans que la décision ait une quelconque influence sur la validité abstraite de la norme, qui demeure en vigueur et qui peut éventuellement être appliquée dans un autre procès si le tribunal compétent l'estime nécessaire. À l'inverse, la déclaration d'inconstitutionnalité

abstraite prononcée par le Tribunal constitutionnel a deseffets généraux, avec pour conséquence l'invalidation de cette norme et l'impossibilité pour celle-ci de continuer à être appliquée par quelque tribunal ou autorité que ce soit.

Avec le contrôle concret, la question de constitutionnalité est une question incidente, "greffée " sur la question principale de nature civile, criminelle ou administrative. Même lorsqu'elle est détachée pour faire l'objet du recours en appréciation de constitutionnalité par le Tribunal constitutionnel, elle ne devient pas autonome et reste délimitée par le cas concret dans lequel elle est apparue. Ses effets

sont limités au cas concret.

V. Le contrôle de certaines formes d'illégalité

Les fonctions du Tribunal constitutionnel n'ont pas seulement trait au contrôle de

la constitutionnalité des normes juridiques.

Il faut aussi y ajouter le contrôle de certaines formes de légalité de normes déterminées, à savoir :

a) les normes régionales qui enfreignent les limites légales de l'autonomie régionale (énoncées par

les statuts régionaux ou par les lois générales de la République), de même que les normes de

l'État qui enfreignent les garanties légales de l'autonomie régionale (énoncées par les statuts régionaux) ;

b) les normes de quelque loi que ce soit lorsqu'elles enfreignent les lois à valeur renforcée (art. 280-2 et

281-1/b, c, etd, CRP).

La particularité de ce dispositif est le recours par la Constitution au système du contrôle

de constitutionnalité pour contrôler certaines formes qualifiées d'illégalité, autrement dit pour

garantir le respect de certaines lois infra-constitutionnelles, elles-mêmes soumises au contrôle de la constitutionnalité. Il est important de comprendre les raisons de ce parallélisme.

Pour ce qui est des normes régionales qui violent les statuts ou les lois générales de la République, et des textes de la République qui violent les statuts régionaux, il s'agit d'illégalités d'une particulière importance constitutionnelle. En effet, elles ont trait au statut des régions autonomes qui détiennent elles aussi un

pouvoir législatif, à côté de celui de l'État. Il s'agit, en fin de compte, d'une part, de garantir l'autonomie régionale contre les incursions de l'État, et d'autre part, de garantir l'unité normative de l'État contre les abus des régions autonomes. Ce sont donc des conflits organiques entre l'État et des instances infra-étatiques dotées d'autonomie politique, qui, à la ressemblance des

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~ 30 ~

conflits de type fédéral, constituent l'objet de la compétence de la Cour constitutionnelle dans plusieurs pays.

En ce qui concerne l'autre modalité - celle des lois qui violent des lois à valeur renforcée -, ce qui est en

cause est la garantie des lois auxquelles la Constitution même attribue une valeur paramétrique par rapport à d'autres lois, qui doivent donc prévaloir sur elles, ou qui, parce qu'elles sont des lois politiquement "très sensibles ", subissent des processus d'élaboration et d'approbation plus exigeants et qui, en tant que telles, ne peuvent être contrariées par des lois "ordinaires ". Il s'agit de lois qui ont en général un rôle spécial dans la régulation du processus politique, et qui pour certaines d'entre elles, même

si elles n'ont pas de valeur formellement constitutionnelle, régulent des sujetsmatériellement constitutionnels.

[…]

Tableau du système de contrôle de constitutionnalité au Portugal :

Contrôle préventif

Contrôle successif

abstrait

Contrôle successif

concret

Inconstitutionnalité par omission

Organe compétent

Tribunal constitutionnel

Tribunal constitutionnel

Tribunal de droit commun

Tribunal constitutionnel

Tribunal constitutionnel

Initiative

Président de la République, ministres de la

République (RA)1 , Premier

ministre 2, 1/5e des

députés 2

Président de la République, Président de

l'Assemblée de la République,

Premier ministre, médiateur,

procureur général de la République,

1/10e des députés, ministres de la

République (RA), autorités régionales 3

parties en cause,

juge du fond

Président de la République,

médiateur, Présidents des

Assemblées régionales 4

Objet

Conventions internationales, lois et décrets-

lois, décrets législatifs

régionaux, décrets

réglementaires régionaux

Toute norme Toute norme

Absence de mesures

législatives pour appliquer la Constitution

Effets de l'inconstitutionnalité

Veto du Président de la République,

refus de ratification des traités

internationaux

Nullité de la norme avec force obligatoire

générale

Non-application de la norme au

cas concret

Simple déclaration d'existence de

l'omission