La justice bruxelloise en état de guerre

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Edito L@Lettre 05/12/14 La justice en état de guerre Par mes messages prioritaires de ces 2 et 3 décembre, je vous informais des mesures prises par les présidents des tribunaux de première instance et de commerce francophones de Bruxelles afin de limiter l’accès aux greffes durant l’après-midi en raison du manque de personnel. Le premier a décidé d’en limiter l’accès téléphonique. Le second d’en limiter l’accès total, sous réserve des urgences. Vous trouverez ci-dessous le détail concret de ces mesures qui entrent en vigueur dès ce lundi 8 décembre. La position officielle du barreau est d’en prendre acte tout en regrettant, à l’instar du bâtonnier de Nivelles, le très court laps de temps laissé aux avocats et aux justiciables pour s’adapter à la situation qui leur est imposée. Cette mesure extrême ne se justifie que par les circonstances exceptionnelles que rencontre notre justice bruxelloise francophone. Elle doit donc être limitée dans le temps. Elle devra en outre faire l’objet d’une évaluation régulière et s’accompagner d’aménagements afin que le préjudice subi par les justiciables et les avocats reste proportionnel au but poursuivi. Cela signifie impérativement que ces mesures ne pourront les priver de l’exercice de leurs droits fondamentaux et de l’accès à la justice. Ceci étant, le barreau ne peut que s’associer et soutenir avec force les revendications des tribunaux. La situation est dramatique et l’état de la justice épouvantable. Le 15 octobre dernier, le Conseil supérieur de la justice m’informait que depuis plusieurs mois, les commissions d’avis et d’enquête tant francophones que néerlandophones étaient confrontées à un afflux de plaintes de particuliers et de magistrats. Elles visaient essentiellement un manque de personnel au sein des justices de paix, des tribunaux de première instance et des tribunaux de commerce du pays. La situation est plus grave encore pour les juridictions francophones bruxelloises depuis la scission de l’arrondissement intervenue le 1 er avril dernier. Une grande partie des cadres supérieurs des greffes était en effet néerlandophone et a donc été inscrite au rôle flamand, laissant les nouvelles juridictions francophones totalement dépourvues. Au sein du tribunal de commerce, 5 greffiers sont nommés sur un cadre de 19 ce qui représente 26 % seulement. Il manque en outre 5 assistants sur 15. La loi du 26 mars 2014 rendant les tribunaux de commerce compétents pour toutes les contestations entre entreprises n’a fait qu’empirer la situation. 1.236 projets de décisions à dactylographier étaient ainsi en attente au 12 novembre 2014 !

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Stéphane Boonen, bâtonnier du barreau de Bruxelles français, dénonce la situation dramatique des greffes des juridictions bruxelloises francophones

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Page 1: La justice bruxelloise en état de guerre

Edito L@Lettre 05/12/14

La justice en état de guerre

Par mes messages prioritaires de ces 2 et 3 décembre, je vous informais des mesures prises par les présidents des tribunaux de première instance et de commerce francophones de Bruxelles afin de limiter l’accès aux greffes durant l’après-midi en raison du manque de personnel.

Le premier a décidé d’en limiter l’accès téléphonique. Le second d’en limiter l’accès total, sous réserve des urgences. Vous trouverez ci-dessous le détail concret de ces mesures qui entrent en vigueur dès ce lundi 8 décembre.

La position officielle du barreau est d’en prendre acte tout en regrettant, à l’instar du bâtonnier de Nivelles, le très court laps de temps laissé aux avocats et aux justiciables pour s’adapter à la situation qui leur est imposée.

Cette mesure extrême ne se justifie que par les circonstances exceptionnelles que rencontre notre justice bruxelloise francophone. Elle doit donc être limitée dans le temps. Elle devra en outre faire l’objet d’une évaluation régulière et s’accompagner d’aménagements afin que le préjudice subi par les justiciables et les avocats reste proportionnel au but poursuivi.

Cela signifie impérativement que ces mesures ne pourront les priver de l’exercice de leurs droits fondamentaux et de l’accès à la justice.

Ceci étant, le barreau ne peut que s’associer et soutenir avec force les revendications des tribunaux. La situation est dramatique et l’état de la justice épouvantable.

Le 15 octobre dernier, le Conseil supérieur de la justice m’informait que depuis plusieurs mois, les commissions d’avis et d’enquête tant francophones que néerlandophones étaient confrontées à un afflux de plaintes de particuliers et de magistrats. Elles visaient essentiellement un manque de personnel au sein des justices de paix, des tribunaux de première instance et des tribunaux de commerce du pays.

La situation est plus grave encore pour les juridictions francophones bruxelloises depuis la scission de l’arrondissement intervenue le 1er avril dernier. Une grande partie des cadres supérieurs des greffes était en effet néerlandophone et a donc été inscrite au rôle flamand, laissant les nouvelles juridictions francophones totalement dépourvues.

Au sein du tribunal de commerce, 5 greffiers sont nommés sur un cadre de 19 ce qui représente 26 % seulement. Il manque en outre 5 assistants sur 15. La loi du 26 mars 2014 rendant les tribunaux de commerce compétents pour toutes les contestations entre entreprises n’a fait qu’empirer la situation.

1.236 projets de décisions à dactylographier étaient ainsi en attente au 12 novembre 2014 !

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Monsieur Luc Hennart, président du tribunal de première instance, et Monsieur Patrick De Wolf, président du tribunal de commerce ont donc décidé de prendre une série de mesures afin d’assurer la continuité du service public de la justice.

Le ministre de la justice, interpellé par la commission de la justice de la Chambre lors de sa séance de ce 3 décembre, a promis la publication des places vacantes et des nominations rapides mais il ne faut pas attendre d’amélioration avant plusieurs mois.

Je me battrai pour que la situation s’améliore rapidement.

J’entends cependant exploiter la crise que nous traversons pour remettre en question certains modes de fonctionnement. A cet égard, je me réjouis de l’oreille très attentive des chefs de corps avec lesquels je suis en train d’envisager de nouveaux modes de communication, de transmission d’actes de procédure et de notification de décisions dans toutes les matières. Les choses devraient évoluer beaucoup plus rapidement que prévu.

Les crises et les guerres ont en commun d’obliger les sociétés à se transformer pour survivre. En cela, notre justice peut être considérée en état de guerre.

Votre dévoué,

Stéphane Boonen,bâtonnier de l’Ordre

Mesures mises en œuvre à partir du 8 décembre 2014aux greffes du tribunal de commerce francophone de Bruxelles

Les services du greffe du tribunal de commerce francophone de Bruxelles situés au Palais de Justice Thémis, boulevard de Waterloo, 70 à Bruxelles et au boulevard de la deuxième Armée Britannique, 148 à Forest, ne seront plus accessibles à partir de 12h30.

Une permanence sera toutefois assurée au Palais de Justice Thémis de 14h00 à 16h00 pour les « dépôts extrêmes urgents » qui ne peuvent légalement être effectués le lendemain.

Un répondeur téléphonique indiquera également à partir du 8 décembre 2014 que les services du greffe, ne seront accessibles que de 8h30 à 12h30.

D’autres mesures ont d’ores et déjà été prises, notamment une application stricte du prescrit de l’article 297 du Code judiciaire indiquant que les membres des tribunaux et greffes ne peuvent, soit verbalement, soit par écrit, donner aux parties des consultations.

Selon ce que me communique le président du tribunal de commerce francophone de Bruxelles, les avocats et les justiciables qui souhaitent déposer un acte urgent – soit qui ne peut être déposé le jour ouvrable suivant – doivent s’adresser au siège du tribunal de commerce, 70 boulevard de Waterloo à Bruxelles.

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Mesures mises en œuvre à partir du 8 décembre 2014aux greffes du tribunal de première instance francophone de Bruxelles

Les greffes ne seront plus accessibles, par téléphone, à partir de 12h30.

Dans l’attente de la mise en place d’une communication électronique systématique des décisions de la chambre du conseil aux conseils des prévenus, la ligne téléphonique du greffe de la chambre du conseil reste accessible dans les heures habituelles.