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    UERRE SAINTE de John Bunyan

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    Traduction de Mme G. BRUNEL

    LA GUERRE SAINTELa C i t de l 'm e

    T ra du c t i on ab rge d e " THE H OLY W AR "

    ALLGORIE

    PAR

    JOHN BUNYAN

    Auteur du "Voyage du Plerin"

    Augmente de Notes biographiques

    CAHORS

    DITIONS COUESLANT1928

    Novembre 2006

    mise en page par Jean leDuc

    http://levigilant.com/
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    avril 2007

    Table des matires

    AVANT-PROPOS

    John BUNYAN 1628-1688 - Courte esquisse biographique

    PRFACE DE JOHN BUNYAN AU LECTEUR

    La grande Cit de l'meI LA VILLE. - SON FONDATEUR. - SA PERFECTION. - LE GANT DIABOLUS ET SA LGION.LE COMPLOT. - L'ATTAQUE DE LA CIT. - MORT DES SEIGNEURS, RSISTANCE ETINNOCENCE. - DFECTION DES NOTABLES DE LA VILLE D'ME. - LA REDDITION.DIABOLUS EST PROCLAM ROI.

    II RGNE DE DIABOLUS. - LE SEIGNEUR MAIRE : M. INTELLIGENCE EST DESTITU ETAVEUGL. - LE SEIGNEUR ARCHIVISTE M. CONSCIENCE EST ENTRAN AU MAL, ET SAPUISSANCE ATROPHIE. - SOUMISSION DU SEIGNEUR VOLONT QUI DEVIENT L'ALTEREGO DE DIABOLUS. - LA CIT DE L'ME EST MISE EN TAT DE DFENSE CONTRETOUTE. INCURSION POSSIBLE DE SHADDA. - ELLE TOMBE DANS LA DGRADATION ETLA CORRUPTION.

    III LE ROI SHADDA ET SON FILS LE PRINCE EMMANUEL, DOULOUREUSEMENT FRAPPSPAR LA DFECTION ET LA RUINE DE LA CIT DE L'ME, DCIDENT DE LA SECOURIR ETDE LA RAMENER SOUS LEUR AUTORIT EN LUI FAISANT DES PROPOSITIONS DE PAIR.- L'ARME DE SECOURS LUI EST ENVOYE SOUS LA CONDUITE DES CHEFSBOANERGS, CONVICTION, ESPRANCE, JUGEMENT. - DIABOLUS SE PRPARE FAIRECHOUER LE PLAN DIVIN. - IL PRPARE LA CIT DE L'ME LA RSISTANCE. - SIGEDE LA CIT. - ME HUMAINE RVEILLE EST JETE DANS LA TERREUR, MAIS REFUSEDE RETOURNER SON ROI. - SUGGESTIONS DE DIABOLUS QUI VEUT LA GARDERPRISONNIRE. - LES APPELS DES CAPITAINES DE SHADDA SONT REJETS.

    IV LE SIGE DE LA VILLE DE L'ME CONTINUE SOUS LA DIRECTION D'EMMANUEL. - LUI-MME SE PRSENTE MAINTENANT A LAME. - IL LA FAIT ENVIRONNER DE TOUTES

    PARTS PAR SES ARMES ET LUI OFFRE LA PAIX. - L'INSTIGATION DE DIABOLUS, LAGRANDE VILLE DE L'ME REJETTE LES AVANCES D'EMMANUEL. - L'ASSAUT. - LESPROPOSITIONS DE DIABOLUS QUI OFFRE LE PARTAGE DE L'ME ; IL SECONTENTERAIT D'Y GARDER UNE TOUTE PETITE PLACE. - REFUS D'EMMANUEL. -NOUVEL ASSAUT. - VICTOIRE ET DLIVRANCE.

    V L'ME DLIVRE DU JOUG DE SATAN SE TOURNE VERS EMMANUEL. - LE SENTIMENTDE SON PCH L'ACCABLE. - ELLE IMPLORE LA PITI. - SILENCE DU PRINCE. - LA CITDE LAME S'HUMILIE ET SE REPENT. - LES SEIGNEURS INTELLIGENCE, CONSCIENCE,VOLONT APPELS EN JUGEMENT PAR LE PRINCE PLAIDENT : COUPABLES . LEPARDON DU PRINCE. - IL LES RENVOIE CONSOLS ET VTUS DE JOIE.

    VI FERVEUR DU PREMIER AMOUR. - LA CIT DE L'ME INVITE EMMANUEL A VENIRDEMEURER CHEZ ELLE. - EMMANUEL Y CONSENT. - POURSUITE DES DIABOLONIENSQUI SE SONT CACHS DANS L'ENCEINTE DE LA CIT. - FUITE D'INCRDULIT. -EMMANUEL DONNE UNE NOUVELLE CHARTE LA VILLE. - VTEMENTS BLANCS. -BONHEUR. - INSENSIBLEMENT L'ME SE LAISSE D-TOURNER DE SON PRINCE, ETOUBLIE LA FERVEUR DU PREMIER AMOUR. - EMMANUEL QUITTE LA CIT.

    VII SCURIT CHARNELLE FAIT UN FESTIN. - CRAINTE DE DIEU LVE LA VOIX. -- ILREPROCHE L'OUBLI D'EMMANUEL. - LA VILLE TOMBE DANS LA LANGUEUR. - LESENNEMIS EN SON ENCEINTE CONSPIRENT CONTRE ELLE. - ILS ENVOIENT CHERCHERDIABOLUS. - LE COMPLOT EST DCOUVERT. - AVERTIE, ME D'HOMME S'HUMILIE, SEREPENT. - DFAILLANCE DES SEIGNEURS VOLONT ET PENSE. - DIABOLUS SE

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    PRPARE L'ASSAUT.

    VIII LE SIGE. - DIABOLUS SOMME LA VILLE DE SE RENDRE. - SILENCE DE LA VILLE, QUIREPOUSSE SOMMATIONS ET ASSAUTS. - LE SECRTAIRE ROYAL REFUSE SESCONSEILS. - LES CHEFS DE LA VILLE LAISSS A EUX-MMES. - LES PORTES DE LAVILLE FORCES PAR LES DIABOLONIENS. - LE CHTEAU-FORT RESTE IMPRENABLE. -NOUVELLE TACTIQUE DES DIABOLONIENS. - GRANDE BATAILLE. - RETOURD'EMMANUEL ET VICTOIRE. - NOUVEL ASSAUT DES DIABOLONIENS. - NOUVELLEVICTOIRE D'EMMANUEL.

    IX EXHORTATION D'EMMANUEL A L'ME SAUVE, PURIFIE, CONSOLE. - NCESSIT DEL'PREUVE ET DU COMBAT QUI EMPCHENT LA STAGNATION SPIRITUELLE. - TIENSFERME JUSQU'A CE QUE JE VIENNE.

    AVANT-PROPOS

    JOHN BUNYAN (1628-1688)

    La Sainte Guerre, titre cinglais de l'allgorie de J. Bunyan que nous publions aujourd'hui,parut en 1682, quatre ans aprs la premire partie du Voyage du Chrtien (1678), dont laseconde partie ne parut qu'en 1684.Voici le titre original et complet de l'allgorie : La Sainte Guerre que fit Shadda Diaboluspour ressaisir la Mtropole du Monde, ou Comment la Ville d'Ante d'Homme fut perdue etreprise.

    Nous avons introduit dans ce travail une division du sujet en chapitres, ce' qui en facilite lalecture. Nous avons abrg certains passages un peu longs ou supprim des rptitions, qui

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    auraient pu fatiguer le lecteur ; modifications que Bunyan aurait probablement introduites lui-mme s'il avait publi son livre en ce vingtime sicle.

    L. BRUNEL.

    Clebourg-Metz 1928.

    John BUNYAN 1628-1688Courte esquisse biographique

    L'auteur du VOYAGE DU PLERIN et de l'allgorie que nous publions sous ce titre : LACIT DE L'ME , naquit en l'an 1628 dans le petit village d'Elstow, village situ une demi-heure de Bedford. C'est aussi Elstow que sa mre, Marguerite Bentley, tait ne. Le pre,Thomas Bunyan, rtamait les casseroles. Nous ne savons pas grand'chose sur les parents, horsceci : ils taient trs pauvres, et firent apprendre un mtier tous leurs enfants.

    John fut envoy l'cole de Bedford o il apprit lire et crire. Le pre avait dcid qu'il luisuccderait, et le jeune garon fut bientt appel l'aider dans son travail. De trs bonneheure il s'engagea sur la route facile qui mne la perdition. Dans le rcit de sa vie qu'il a

    crit, Bunyan confesse qu'il devint rapidement le chef des garnements du village pour lamaraude et la contrebande, et qu'il jurait et mentait mieux qu'aucun d'entre eux. A plusieursreprises, il eut maille partir avec la justice et fut chti. Bien qu'il n'y parut pas sa conduite,John Bunyan reconnat que sa conscience lui reprochait ses fautes, et que jamais le sentimentreligieux ne mourut en lui. La pense de l'au-del et de l'enfer le troublait, le poursuivait jouret nuit, et jusque dans ses rves.

    Le jeune homme tait d'une nature courageuse, tmraire, violente mme, et de constitutionrobuste, vigoureuse ; bientt, faisant taire tous remords, il touffa sa conscience dans lesdbordements de sa fougueuse jeunesse. Loin de craindre le danger, il semblait le braver. Adeux reprises, il risqua de se noyer : une fois dans la rivire de Bedford, une autre fois dans la

    mer. Un jour, trouvant une vipre, il lui ouvrit la gueule avec un bton et, de sa main, luiarracha les crochets venin sans se blesser. Fait qui prouve et son courage et sa dextrit. En1642, il s'engage dans l'arme des Parlementaires qui tient campagne contre celle de Charles I.Au sige de Leicester, il est dsign comme sentinelle. Un camarade insiste pour occuper leposte confi Bunyan, on le lui accorde et il y est tu. A nouveau, la vie de John Bunyan taitmiraculeusement prserve. Il ne semble pas que cela ait amen le jeune homme rflchir.

    A vingt ans, il quitte l'arme, et, suivant le conseil d'amis qui espraient que le mariage lesauverait d'une vie de dsordre, il pousa une orpheline. Elle tait si pauvre qu'elle n'apportaitdans le mnage qu'une soupire, une cuillre et deux livres, qu'elle tenait de son pre, unpuritain. L'un de ces livres tait intitul : La Pratique de la Pit, l'autre : Le chemin de

    l'homme droit vers le ciel . Leur lecture tait le seul dlassement du mnage la fin d'unejourne de labeur. Souvent alors, la jeune femme parlait aussi son mari de son pre, hommecraignant Dieu, et de la vie qui avait t la sienne. Ceci eut une certaine influence sur Bunyanqui reprit l'habitude d'assister aux services divins deux fois par dimanche.

    C'est ainsi que, certain jour, il entendit un sermon de Christophe Hall, sermon qui fit sur lui uneprofonde impression ; le prdicateur y parlait du Dimanche, de la profanation du jour duSeigneur, et il condamnait les choses que Bunyan aimait le plus, le jeu et la danse trsparticulirement. Durant plusieurs heures Bunyan fut en proie au remords, sa conscience parlaitavec force. Malgr cela, le soir, il retournait s'asseoir la table de jeu. A peine y tait-il, que lalutte intrieure recommena. Il prit parti contre sa conscience et retomba lourdement dans le

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    mal. Un mois aprs, tandis qu'il se laissait aller jurer grossirement prs de la fentre d'unvoisin, une femme qui cependant ne jouissait pas d'une bonne rputation, lui reprochavertement les jurons qu'elle venait d'entendre, lui reprsentant que par sa conduite il pouvaitentraner au mal la jeunesse de l'endroit. Ces reproches venant de si bas le touchrent au vif,et de ce jour il prit la rsolution de ne plus jurer ; il russit la tenir et triompha de ce vice.

    C'est alors qu'il fit la connaissance d'un homme trs pauvre, un ami chrtien qui attira sonattention sur la ncessit de la lecture des Saintes-critures et sur le service de Dieu. Il se mit lire la Bible ; une rvolution s'opra en lui et sa conduite s'amliora au point que les voisins le

    remarqurent et en furent tonns. Aprs une anne de, combat il renona mme la danse ;il lui en cota beaucoup. Bien que converti, John Bunyan avait encore une religion de proprejustice ; il ignorait la Grce.

    Mais son mtier de rtameur le conduisit Bedford chez des darnes d'une relle pit quis'taient converties la voix de John Gifford. Elles respiraient la joie et Bunyan en fut tonn.Elles lui parlrent de la rsurrection, de la misre de ceux qui comptent sur leurs propres forceset non sur la grce de Christ. Ceci retint son attention, il comprit le bonheur de ces chrtienneset se mit relire les critures la lumire de la vrit qu'elles lui avaient communique.Dornavant, il relut de prfrence les ptres, alors qu'autrefois il prfrait les livres historiques.Il eut l'occasion de rencontrer John Gifford lui-mme : ses sermons pleins d'humilit et de

    force, empreints de repentir et de grce, firent sur Bunyan une impression profonde. Leprdicateur provoqua en lui un vritable enthousiasme pour le Seigneur, une grande attirancevers le Christ. Gifford qui s'tait converti comme Bunyan aprs les annes d'une jeunesseorageuse, tait particulirement qualifi pour guider celui-ci.

    C'est en 1653 que Bunyan vint s'installer Bedford o, durant deux ans, il connut encore desluttes intrieures. Mieux il comprenait la grce, plus son pch lui semblait odieux ; il craignitdurant quelque temps d'avoir commis le pch contre le Saint-Esprit et ne pouvait trouver lapaix. Enfin il connut l'assurance du salut que Dieu donne et put crire ces lignes sur sadlivrance : Maintenant les entraves tombent vraiment de mes pieds ; elles ont t tes ; jesuis dlivr de mes tristesses, de mes chanes ; mes tentations disparaissent ; et ces' terribles

    passages bibliques : Marc III : 28, 29, Hbreux XII, 16, 17, ne m'angoissent plus. Je m'en vaisjoyeux vers ma demeure ternelle me rjouissant de la grce et de l'amour de Dieu.

    John Bunyan avait vingt-sept ans, lorsque, en 1655, il reut enfin cette assurance du salutaprs laquelle il soupirait. Il devint alors membre actif de l'glise baptiste, fut baptis uneseconde fois et communia.

    Jusqu'au moment de sa conversion, les gens de son entourage ne voyaient gure en Bunyanqu'une sorte de bohmien ; par la suite, ils eurent de l'estime pour lui, et sa situations'amliora. Dans la chaumire d'Elstow deux enfants taient nes : En 1650, Marie, sa filleaveugle qu'il aimait tendrement et en 1654 Elisabeth. C'est Bedford en 1655 qu'il commena

    de prcher ; plus tard, il devait tre nomin prdicateur baptiste de l'endroit.

    Mme alors, il continua son mtier, allant de village en village travaillant et prchant. Les gens.venaient nombreux pour l'couter. Il dressait sa chaire partout: dans les forts, dans lesgranges, dans les prairies, parfois aussi dans les glises. Effectivement, sous Cromwell, lesbaptistes taient autoriss se servir des glises qui, jusque-l, taient rserves au seul culteanglican.

    Le petit fait que nous citons ci-aprs montre quel point sa prdication tait gote. Un jourqu'il tait attendu prs de Cambridge, une foule de gens avaient envahi le cimetire. Un

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    tudiant qui passait cheval demanda pourquoi il y avait tout ce concours de peuple ? On luirpondit que John Bunyan, un rtameur de casseroles, allait venir prcher. Pensant qu'il allaitbien s'amuser, le jeune homme mit pied terre, confia son cheval un jeune garon qui ilremit quelques picettes, et se joignit ceux qui attendaient Bunyan. Celui-ci prcha avec tantde puissance que le jeune homme en fut profondment remu. Il saisit par la suite toutes lesoccasions d'entendre nouveau le prdicateur, et plus tard, sous Olivier et Richard Cromwell, ilannona son tour l'Evangile.

    Les succs de Bunyan excitrent l'envie et la jalousie de bien des ecclsiastiques ; il en subit le

    contrecoup et eut bien des ennuis. Son premier livre : claircissements sur quelques vritsvangliques l'entrana dans une polmique avec les quakers. C'est ce moment, en 1660,que Charles II rappel d'exil, monta sur le trne. A Brda, en Hollande, il avait lanc uneproclamation son peuple accordant la libert aux consciences faibles et dlicates. Personnene devait tre inquit pour ses opinions, pourvu qu'elles ne troublassent pas la paix duroyaume . Ds qu'il fut roi, Charles II oublia ses promesses. Les anciennes lois dictes contreles dissidents entrrent nouveau en vigueur, et mme furent renforces.

    Les baptistes et leurs prdicants ne purent plus se runir qu'en secret. Bunyan, certain jour, dutse dguiser en cocher, un fouet la main, pour pouvoir gagner le lieu de runion : une grange l'cart dans la campagne.

    La loi ordonnait que la liturgie anglicane ft lue au culte public. Bunyan ignora l'dit, qui ne leconcernait pas , pensait-il. Il fut dnonc par un tratre comme ennemi du gouvernementroyal. Le 12 novembre 1660 il devait prcher Samsell (Bedfordshire). Le juge Wingatel'apprit, et ordonna secrtement qu'on se saist du prdicateur insoumis et qu'on le lui ament.Averti du danger, Bunyan voulut se rendre quand mme au lieu de runion, malgr lessupplications de ses amis. Fortifi par la prire, il se rendit Samsell ; il pensait y prcher surce texte:

    Crois-tu au Fils de Dieu ? [Jean IX : 25]. A peine avait-il` lu ce passage qu'il fut arrt. Asa demande, on l'autorisa dire quelques mots l'assemble, puis on l'emmena en prison. Au

    cours de l'instruction, il fut accus de frquenter l'glise de faon diabolique et nuisible et detenir des assembles et des runions sans avoir qualit pour cela. Bunyan dit qu'effectivementil tenait des assembles, et qu'il ne pouvait pas s'engager ne plus prcher. Sur quoi le juge luidit :

    Tu es condamn rentrer en prison et y demeurer encore trois mois ; si ensuite tu refusestoujours d'assister aux services de l'glise anglicane, tu seras banni du royaume. Et si tu yrentres, sans y tre autoris, tu seras pendu. - Je n'ai rien ajouter, dit alors Bunyan ; car si je sortais aujourd'hui de prison, demain jeprcherais de nouveau l'Evangile avec le secours de Dieu.

    Bunyan s'accoutuma l'ide de la mort. Pour lui elle tait la seule issue possible puisque il nepouvait se soumettre l'interdiction de prcher. Il prpara le sermon qu'il voulait adresser auxspectateurs de son excution, qu'il croyait certaine. Cependant les choses ne devaient pas allerjusque-l. Mme l'exil lui fut pargn.

    Il dut d'abord subir un trs svre emprisonnement dans les cachots de Bedford. Ses amisessayrent inutilement de le faire largir. Mme l'amnistie promulgue par Charles II en mars1661 ne put le faire librer. Pour Bunyan la prison tait un lieu terrible; dans son Voyage duChrtien, il la nomme l'enfer.

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    LA MAISON OU NAQUIT BUNYAN

    Sa premire femme tait morte d'une bien douloureuse maladie ; il s'tait alors remari. Leplus terrible pour lui, ce fut la sparation d'avec sa femme et ses quatre enfants. La prison deBedford contenait beaucoup d'autres dtenus pour cause de religion. un moment ils furentsoixante. Bunyan en profita pour les exhorter et pour prier avec eux.

    Il avait obtenu de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Il faisait des travaux aucrochet, du ruban, des cordons qui taient vendus la porte de la prison par sa fille aveugle.

    la longue, sa dtention s'adoucit ; et le gardien lui permit de temps autre de prcher dansles bois des alentours. Beaucoup de gens se convertirent l'occasion de ces prdicationsnocturnes.

    Libr en 1666, il fut de nouveau arrt au moment qu'il allait parler Londres dans uneassemble, et condamn l'emprisonnement. Il fut trait avec plus de rigueur que la premirefois ; et comme il avait transpir quelque chose des faveurs que lui avait accordes le portier

    durant le premier emprisonnement, on le surveilla troitement. Un inspecteur fut envoy Bedford avec l'ordre de savoir au juste ce qu'il en tait, et de visiter la prison au milieu de lanuit sans prvenir personne.

    Or, cette mme nuit, Bunyan avait obtenu l'autorisation de l'aller passer chez lui, mais nepouvant dormir et sans doute sous l'influence de quelque pressentiment, il tait retourn enprison ; drangeant ainsi une heure tardive le portier, qui en fut fort irrit. Mais peu aprs,nouveau drangement : c'tait l'enquteur qui arrivait de Londres : Tous les prisonniers sont-ils ici demanda-t-il ?- Oui, dit le portier.- John Bunyan est-il l ?

    - Certainement.- Je dsire le voir.

    Bunyan fut appel, et l'inspecteur venu de la capitale s'en alla tranquillis. Lorsqu'il fut parti, leportier dit Bunyan : Tu peux sortir quand cela te plaira, tu sais mieux que moi quand tudois revenir

    John Bunyan fut retenu en prison jusqu'en 1672. C'est dans le silence de sa cellule qu'il crivit.Durant ses annes d'incarcration, il rdigea soixante livres d'dification trs renomms. Lacritique assure que c'est pendant le second emprisonnement qu'il prpara son oeuvre la plus

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    lue : Le Voyage du Plerin (1) dont la premire partie ne parut qu'en 1678. Pour sacomposition, il ne se servit que de la Bible et du Livre des Martyrs de Fox. Il lisait sescompagnons de captivit ce qu'il crivait et leur demandait leur avis. En 1892, il publia LaSainte Guerre, l'allgorie que nous avons traduite et ne donna qu'en 1684, la seconde partiedu Pilgrim's Progress (Voyage du Plerin). Le sous-titre de La Sainte Guerre tait : Comment la Cit d'me d'Homme fut perdue et reconquise. [Ce sous-titre nous a donn letitre de notre traduction. Nous avons craint une confusion possible entre la Sainte Guerre etla Guerre aux Saints.

    Bunyan dut son largissement en 1672 l'intervention de personnes influentes de Bedford. Le17 mai, il tait tabli dans sa charge de pasteur de l'endroit et obtenait que les baptistes deBedford et comts limitrophes plissent tenir librement leurs assembles.Vingt-cinq prdicateurs furent alors choisis, qui avaient leur disposition trente-et-une sallesde runions. Bunyan fut le chef spirituel des Baptistes de son pays, ce qui lui valut le surnomd'vque Bunyan. Cependant il continuait de raccommoder les chaudrons, gagnant ainsi sonpain quotidien, partiellement du moins.

    Il continua d'habiter une pauvre demeure semblable celle d'un ouvrier. Sa chambre d'tudetait peine plus grande que la cellule d'une prison. Il se nourrissait des Saintes critures,lisait aussi les Pres de l'Eglise et les oeuvres de Luther : il aimait trs particulirement sa

    traduction de l'ptre aux Galates.

    Chaque anne, il faisait une tourne de prdication qui le menait jusqu' Londres. Dans cetteville comme en beaucoup d'autres endroits, la chapelle ne pouvait contenir la moiti despersonnes qui venaient l'entendre. Certain jour d'hiver, Londres, c'tait en semaine, plus dedouze cents auditeurs se trouvrent runis pour un service qui avait lieu sept heures dumatin. Une autre fois ce furent trois mille personnes. Ces auditoires se recrutaient dans toutesles classes de la socit. John Owen - le fameux docteur en thologie - aimait entendreBunyan. Comme le roi Charles II lui demandait un jour comment un homme aussi cultiv quelui pouvait trouver quelque plaisir couter un rtameur de casseroles, le docteur en thologierpondit : Majest, je donnerais volontiers tout mon savoir pour possder son loquence !

    plusieurs reprises, on essaya de dcider Bunyan se fixer Londres. Il le refusa. Untraitement plus avantageux, des possibilits d'activit plus grande, rien ne put l'amener quitter Bedford.

    Les preuves ne lui manqurent pas. L'Angleterre traversait des temps troubls au double pointde vue religieux et politique. nouveau Bunyan fut jet en prison. Grce la doubleintervention du D' Owen - le chapelain de Cromwell - et de l'vque Lincoln, il fut remis enlibert, mais exil du comt pour quelque temps. Sous Jacques II, qui monta sur le trne en1675, il subit de nouvelles perscutions.

    Souvent sa vie fut en pril ; souvent on confisqua le peu qu'il possdait. Ce n'est qu'en 1687,par l'Acte d'Indulgence, que la libert religieuse fut compltement octroye l'Angleterre. Maisil ne devait pas jouir longtemps de cette re de paix. En 1688 il tomba gravement malade. moiti remis, il part cheval pour Reading pour voir le pre mourant d'un de ses voisins, unjeune gentilhomme qui le lui demandait et que son pre dshritait. Bunyan fut assez heureuxpour rconcilier le pre avec le fils.

    De Reading, il se rendit Londres ; c'est une distance de cinquante kilomtres peu prs. Enroute il fut surpris par une forte pluie et il arriva transperc dans la maison d'un ami. Ledimanche 19 aot, il prcha Londres ; le jeudi suivant il fut saisi par une fivre violente, et

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    quelques jours aprs, le 31 aot, il mourait l'ge de soixante ans. Voyant la fin prochaine,ceux qui l'entouraient pleuraient. Bunyan s'adressant eux leur dit alors : Ne pleurez pointsur moi mais sur vous-mmes. Je vais auprs du Pre de notre Seigneur Jsus-Christ qui -bien que je sois un grand pcheur - me recevra cause de son Fils bien-aim. J'espre quenous nous retrouverons l-haut pour tre bienheureux pendant l'ternit, et chanter le cantiquenouveau. Ce furent l ses dernires paroles.

    Le corps fut transport au cimetire de Finsbury ; une grande foule l'accompagna au champ derepos. C'est aussi l que se trouvent les cendres de Watt, d'Owen et de Wesley. Une pierrefunraire sur laquelle sa statue est couche, orne son tombeau.

    Encore un peu, trs peu de temps, celui qui doit venir viendra, il ne tardera pas. Or, le justevivra par la foi. (Hbreux XI : 37, 38).

    L'HTEL OU FUT JUG BUNYAN

    PRFACE DE JOHN BUNYAN AU LECTEUR

    Je trouve trange que ceux qui aiment raconter Les choses d'autrefois, et qui surpassent

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    Leurs gaux en historiographie,Laissent de ct les guerres de l'me ; qu'ils les ignorent !Pour eux ce sont de vieilles fables, choses inutiles Dont le lecteur ne saurait retirer avantage :Alors que les hommes quoi qu'ils puissent acqurir S'ignorent, aussi longtemps qu'ils ne lesconnaissent pas.Des histoires, je le sais, il y en a de bien des sortes ; Les unes viennent de l'tranger, d'autressont nationales, et les rcitsSont prsents selon que l'imagination guide les auteurs.[Les livres font connatre leurs compositeurs]. Quelques-uns imaginant ce qui n'a jamais t Et

    ne sera jamais [et cela sans but]Supposent des faits, lvent des montagnes, racontent des choses propos des hommes, des lois, des pays et des rois. Et leur histoire semble si raisonnable,Un tel srieux revt chaque pageQu'ils font des disciplesBien qu'ils avertissent en frontispice, que le tout n'est qu'invention.Mais, lecteur, j'ai bien autre chose faire,Qu' te troubler avec de vaines histoires,Ce que je dis ici, certaines personnes le savent si exactementQu'elles en pourraient faire le rcit, entreml de larmes et d'allgresse.

    La ville de l'me, beaucoup la connaissent bien, Aucun ne met en doute ses tribulations,De ceux qui connaissent les rcitsExposant son anatomie et ses conflits.Prte donc l'oreille ce que je vais te direTouchant la Ville et son tat. couteComment elle fut perdue, faite prisonnire, rduite l'esclavage,Comment elle s'leva contre Celui qui venait pour la sauver.Oui, comment elle lui manifesta de l'hostilit s'opposant son Seigneur en faisant un pacte avec l'ennemi : Car elle est fidle ; celui qui la renieraDevait ncessairement l'amener mpriserEt rejeter la plus extraordinaire clmence.

    Quant moi, moi-mme, j'tais dans la Ville Quand elle fut construite, puis dmolie,Je vis Diabolus en sa possession,Je la vis sous sa domination.J'tais l quand elle le reconnut comme seigneur Et se soumit lui d'un seul accord.J'tais l quand elle foula aux pieds ls choses divines Se vautrant dans la fange comme latruie.Quand elle prit les armesPour combattre Emmanuel, mprisant ses charmes. J'tais l ! Et je me rjouissais de voir ainsiDiabolus et l'me parfaitement unis.

    Que personne donc ne voie en moi un diseur de fables Et ne mle mon nom ou mon crdit ses moqueries. J'ose dire que ce que j'expose ici Est - je le sais pertinemment - vritable.J'ai assist l'arrive des armes du Prince,J'ai vu ses troupes, ses milliers, assiger la Ville ; J'ai vu les capitaines, j'ai entendu lestrompettes sonner,J'ai vu l'arme couvrir tout le terrain,Je l'ai vue se prparer au combatEt je m'en souviendrai jusqu' mon dernier jour. J'ai vu les bannires flotter au ventTandis que dans l'enceinte de la Ville on dcidait Sa ruine, et de supprimer sa raison d'tre sansdlai. J'ai vu autour de la Cit les forts s'lever,

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    J'ai vu comment les frondes y furent places, J'entendis le sifflement des pierres qui passaient mes cts,[Souvenir plus durable que celui de la crainte] Je les vis tomber, je vis leurs ravagesEt la mort couvrir de son ombreLa Cit de l'me. Et je l'entendis s'crier : Malheur moi ! Je vais mourir Je vis les bliers l'oeuvrePour forcer la porte de l'Oreille s'ouvrir.Et je craignais que non seulement cette Porte, mais toute la Ville

    S'croult sous leurs coups.J'ai vu les combats, j'ai entendu le cri de guerre des ChefsEt je vis dans chaque bataille les forces se mesurer : Je vis les blesss et les mortsEt ceux qui, aprs avoir t morts, revenaient la vie ;J'entendis les cris de ceux qui taient touchs (Alors que d'autres luttaient comme des hommesaffranchis de la peur)Tandis que rsonnait le cri : Tue ! Tue !Les ruisseaux dbordaient, non point de sang, mais de larmes,Il est vrai que les capitaines ne livraient point bataille sans cesse,Mais ils nous molestaient nuit et jour.Ils criaient : Debout ! l'assaut ! Prenons la Ville ! Nous empchant de dormir ou mme

    de nous tendre !

    J'tais l, quand les portes s'ouvrirent,Et je compris qu'il n'y avait plus d'espoir pour la Cit. Je vis les capitaines s'y avancerEt comme ils combattaient, taillant en pice les ennemis,J'entendis le Prince commander Boanergs (l'aller Jusqu'au Chteau, et l, de l'Usurpateurs'emparer ; Je vis celui-ci et ses compagnons saisis,Lis de chanes de mpris et trans dans la ville. Je vis Emmanuel lorsque fut en sa possessionLa Cit de l'me, et quelles bndictions reposrent Sur la chre Cit d'EmmanuelQuand elle obtint le pardon de son Prince, et vcut sous sa loi ;Quand les Diaboloniens furent pris, jugs, excuts, J'tais l ; j'tais l tout prs

    Quand la Ville de l'me crucifia les rebelles. Je vis aussi la Cit sous ses draperies blanchesEt j'entendis le Prince dire qu'Il faisait d'elle ses dlices.Je le vis la couvrir de joyaux ; de chanes d'or, De bagues, de bracelets, superbes ornements.Que dirai-je encore ! J'entendis les cris du peuple,Et je vis le Prince essuyer les larmes de tous les yeux. J'entendis les gmissements, et je vis lajoie de plusieurs.Vous dire toutes choses, je ne le veux, ni ne le puis, mais par ce que j'ai dcrit, vous aurez lapleine persuasionQue ces guerres sans pareilles livres l'Anse ne sont pas des fables.L'me est l'objet des dsirs de son Fondateur et de l'Usurpateur.Ce dernier veut garder sa conqute, Emmanuel conqurir ce qu'il a perdu.

    Diabolus crie : La ville est moi. Emmanuel rappelle qu'Il a des droits divins Sur l'me. Et la bataille commence.L'me alors s'crie : Ces luttes me tueront.L'me humaine jamais ne voit la fin de ses combats : Perdue pour l'un elle devient le prix duvainqueur, Et le vaincu de la veille refuse d'en tre dpossd,Il jure de la reconqurir, sinon de la mettre en pices. L'me est le terrain mme des combats,C'est pourquoi ses tribulations surpassent cellesDe ceux qui ne font qu'entendre le bruit des batailles, De ceux qui redoutent le seul choc despes, Et ne connaissent que de petites escarmouches Durant lesquelles l'imagination guerroye

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    contre la pense.me d'homme a vu les pes des combattants rouges de sang,Elle a entendu les cris de douleur des blesss, Aussi ses frayeurs surpassent de beaucoupCelles des personnes qui, distance, restent :Elles entendent bien le roulement du tambour mais n'en ressentent pointCette terreur qui chasse hors de la maison, loin du foyer.Non seulement me humaine entendit le son de la trompette,Mais elle vit ses chevaliers mordre la poussire.Ne supposons donc pas qu'elle aurait pu se confier En ceux dont le plus grand srieux se

    hausse au seul badinage,En ceux qui se querellent sous la menace des grandes bataillesEt terminent toutes choses en palabres, en joutes oratoires.Non ! Car les guerres terribles qui se livrent en l'me Entranent pour celle-ci joie ou douleuraux sicles des sicles.Aussi y est-elle compltement absorbe ; infiniment plus,Que ceux dont l'effroi ne dure qu'une journe qui ne peut survenir dans le combatDe dommage plus grand que la perte d'un membre ou de la vie,C'est l ce que tous sont prts admettre, qui, comme moiHabitent l'Univers et comme moi pourraient crire cette histoire.

    Ne me comptez donc pas avec ceux qui pour tonner Les gens, les convient regarder lestoiles Insinuant avec la plus grande assuranceQue chacune d'elles est prsentement la rsidence De quelques braves cratures. Oui, ilsaffirment qu'un mondeEn chaque toile se trouve, bien que cela dpasse leur habiletD'en faire la preuve pour aucun hommeQui a sa raison, et peut compter ses doigts. Mais je t'ai trop longtemps retenu sur le seuilTe gardant loin du soleil, la lueur d'une torche. Maintenant avance ! Franchis la porteEt tu dcouvriras cinq cents fois plus de chosesDe toutes sortes, choses de l'me extrmement rares et curieuses,Qui nourrissent la pense et rassasient les yeux

    Du chrtien. Lui comprend que ces choses, loin d'tre D'importance secondaire, sont aucontraire capitales. Ne te mets pas l'oeuvre sans ma clef.(Dans les mystres, aisment, les hommes perdent leur chemin).Tourne-l du bon ct si tu veux comprendre Mon rbus, et labourer avec ma gnisse .La clef est l sur le rebord de la fentre ; Adieu ! L'instant, qui vient, je puis avoir sonnerpour toi la cloche des trpasss.

    John BUNYAN.

    1 Aprs la Bible et l'imitation de Jsus-Christ, c'est le livre le plus rpandu dans lemonde. Il a t traduit en une soixantaine de langues ou dialectes.

    La grande Cit de l'meCHAPITRE PREMIER

    LA VILLE. - SON FONDATEUR. - SA PERFECTION. - LE GANT DIABOLUS ET SA LGION. LECOMPLOT. - L'ATTAQUE DE LA CIT. - MORT DES SEIGNEURS, RSISTANCE ET INNOCENCE. -DFECTION DES NOTABLES DE LA VILLE D'ME. - LA REDDITION. DIABOLUS EST PROCLAMROI.

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    L'auteur de ces lignes a beaucoup voyag ; il a port ses pas en de nombreux pays et contres,et c'est ainsi que certain jour il atteignit le fameux continent de l'Univers. Cet Univers estimmense, spacieux, situ entre les deux ples, au centre des quatre points cardinaux, coup demontagnes et de valles ; bref, il occupe une situation spciale et privilgie. Pour autant quej'aie pu m'en rendre compte, il est riche, fertile, bien peupl, et l'air qu'on y respire est trsdoux.

    Ses habitants n'ont pas tous la mme couleur, ni le mme langage, non plus que la mmereligion. Ils diffrent autant sur tous ces points que les plantes diffrent l'une de l'autre [ ce

    qu'on assure]. Les uns ont raison, les autres ont tort ; comme il arrive aussi dans les rgionsde moindre importance.

    Dans ce pays, je viens de le dire, il me fut donn de voyager : je l'ai parcouru en tous sens, etcela longtemps, jusqu'au point de m'initier la langue maternelle, aux coutumes et auxmanires de ceux avec qui je vivais. Et pour dire la vrit, j'prouvais de grandes jouissances voir et entendre ce qui se faisait en cette contre, de sorte que je m'y serais volontiers fixtout fait pour y vivre et y mourir. (Tant j'tais conquis par ses habitants et leur activit) simon Matre ne m'avait rappel pour travailler sous ses ordres, et pour me demander compte demon service.

    Or, il existe dans ce noble pays de l'Univers une ville de grande renomme, comparable untrs prcieux joyau : une corporation nommeme d'homme; la construction de cette ville estsi extraordinaire, sa situation si favorise, ses privilges si grands (je pense ici ses origines)qu'on peut bien lui appliquer ce qui fut dit autrefois du Continent au sein duquel elle s'lve, qu'elle n'a pas son gale sous les cieux.

    Pour ce qui est de la situation, elle est place entre deux mondes. D'aprs les meilleuresautorits que j'ai pu consulter, et les sources les plus autorises, son fondateur et sonarchitecte fut Shadda : il la construisit pour son propre plaisir. Il en fit comme le miroir, lecentre glorieux de tout ce qu'il avait cr en ce pays, le couronnement de toute son oeuvre. Envrit, cette ville de l'me tait si belle que, nous disent les auteurs antiques, les fils de Dieu

    en la contemplant clatrent en cantiques de louange.

    Non seulement elle tait magnifique ' contempler, mais elle tait aussi trs puissante, etexerait l'autorit sur tout le pays environnant. Tous avaient l'ordre de reconnatre med'Homme comme ville mtropole, tous devaient lui rendre hommage. Bien plus, la ville elle-mme avait reu de son Roi l'ordre formel et le pouvoir d'exiger de tous service et obissance,et d'imposer l'un et l'autre ceux qui, de quelque manire, tenteraient de s'y drober.

    Un palais superbe, magnifique, s'levait au centre de cette ville. Pour la solidit de sesmitrailles, ce palais valait un chteau-fort, sa beaut tait celle d'un paradis, quant sesdimensions elles taient telles qu'elles renfermaient le monde. De par la dcision du roi

    Shadda, il devait tre le seul habitant de ce palais ; d'abord parce que tel tait son bonplaisir ; ensuite pour empcher que la frayeur des trangers ne tombt sur la ville. Il s'ytrouvait bien une garnison, mais elle tait uniquement compose d'hommes de la Cit.

    Les murs de la ville elle-mme taient d'une solidit toute preuve : ils taient construits detelle manire que sans le concours des habitants, il tait impossible de les branler ou de lesdtruire de faon dfinitive.C'est en cela que rsidait la suprme sagesse de celui qui avait difi la cit de l'me : sesmurs ne pouvaient pas tre renverss ou endommags, mme par le plus puissant desadversaires et des potentats, si les hommes de la ville eux-mmes n'y donnaient leur

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    consentement.

    Cette ville clbre de l'me avait cinq portes par lesquelles on pouvait entrer ou sortir : maiselles taient construites de mme faon que les murs, c'est--dire qu'on ne pouvait les forcer,et que pour les ouvrir, il fallait le bon vouloir ou l'autorisation des habitants. Voici les noms deces portes : la Porte de l'Oreille, la Porte de l'Oeil, la Porte de la Bouche, celles du Nez et duToucher.

    La ville de l'me jouissait encore de bien d'autres privilges, ce qui, avec ce que nous avons

    dj dit, fait clater aux yeux de tous sa gloire et sa puissance. Ainsi elle possdait toujours enses murs tout ce qui lui tait ncessaire ; elle avait les lois les meilleures, les plus parfaites, lesplus excellentes, qui existassent l'poque. Dans son enceinte on n'aurait pu trouver nimalfaiteur, ni hypocrite, ni misrable tratre ; tous les habitants taient droits et honntes, toustaient unis ; et vous savez que c'est l le secret de la force. Ajoutez tout ceci, la faveur et laprotection du Roi Shadda ; celles-ci taient assures la Cit dont il faisait ses dlices, aussilongtemps qu'elle restait loyalement attache son Prince.Mais il arriva que certain jour, Diabolus, un puissant gant, fit l'assaut de la fameuse Cit del'me afin d'en faire son habitation : Ce gant tait le roi des Noirs, et un prince des plusambitieux. Nous dirons d'abord quelques mots de ses origines : puis nous verrons comment ilprit la ville.

    Ce Diabolus qui est, la vrit, un prince grand et puissant, est tout la fois chtif etmisrable. Au dbut, il tait l'un des serviteurs du Roi Shadda, qui aprs l'avoir cr, lui avaitattribu une haute et puissante situation, en tant que gouverneur de principauts faisant partiede ses meilleurs territoires et possessions. Ce Diabolus fut cr Fils de l'Aurore : situationexalte lui valant beaucoup d'honneur et de gloire, et un revenu qui aurait d satisfaire soncoeur lucifrien, si ce coeur n'avait pas t aussi insatiable et. dmesur que l'enfer mme,Or, se voyant si grand, et entour de tant d'honneur, il ne pensa plus qu' une chose : obtenirplus de gloire, atteindre un tat encore suprieur au sien, dominer sur toutes choses commeseul seigneur et exercer lui seul le pouvoir, sous l'autorit suprme de Shadda. Or cettesituation qu'ambitionnait Diabolus, Shadda l'avait dj confre son propre fils. Diabolus se

    mit examiner la situation. la considrer sous toutes ses faces, puis il s'ouvrit ses projetsambitieux quelques-uns de ses compagnons qui lui promirent assistance. Bref, ils arrivrent cette conclusion qu'il fallait se dbarrasser du fils du Roi pour entrer en possession de sonhritage. La trahison fut dcide, le moment de la rvolte fix, l'ordre lanc, le rendez-vousassign aux rebelles, l'attaque livre.

    Le Roi et son Fils ayant l'omniscience connaissaient toutes les avenues qui conduisaient auxpossessions royales ; et comme le Roi aimait son Fils autant que soi-mme, cette trahison luidplut et l'offensa souverainement. Alors que fit-Il ? Il prit les coupables sur le fait ; lesconvainquit de trahison, de rbellion, de conspiration, avec commencement d'excution, etDiabolus et les siens furent dclars dchus du pouvoir ; ils furent casss des postes de

    confiance, d'honneur et de faveur qu'ils avaient occups jusque-l, chasss de la Cour etcondamns tre jets dans l'Abme en attendant le jugement dfinitif de leur trahison.

    Rejets de la sorte de leur ancien tat, sans bnfices d'aucune sorte, dshonors, et sachantbien que la dcision du Roi tait irrvocable, ils ajoutrent encore leur iniquit ; et l'orgueilqui avait provoqu leur perte s'accrut d'une haine sans bornes contre Shadda et contre sonFils. C'est ainsi que pleins de rage et de fureur, errants de lieu en lieu la recherche dequelque chose qui assouvt leur dsir de vengeance : par exemple, la destruction de quelquepossession du Roi, ils arrivrent un jour dans la vaste rgion de l'Univers et s'empressrent dese diriger vers la ville d'me humaine. N'tait-ce pas l l'une des principales crations du roi

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    Shadda ? Ne faisait-il pas de cette Cit ses dlices ? Ah ! ils la tenaient leur vengeance : ilfallait tout prix s'emparer de la Ville. Certes, ils connaissaient bien son lgitime propritaire,puisqu'ils avaient assist sa fondation et son embellissement. Mais c'est justement parcequelle appartenait Shadda que les mcrants voulaient la conqurir. Aussi ds que, de loin,ils aperurent la ville, ils poussrent des cris sauvages et rugirent comme le lion qui va bondirsur sa proie. Leur joie tait sans bornes : Voil le prix, hurlaient-ils. Le voil le moyen denous venger du roi Shadda pour la manire dont il nous a traits. Un conseil de guerre futconvoqu ; et tous s'assirent pour examiner les voies et moyens auxquels il convenait derecourir pour conqurir la ville fameuse de l'me. Quatre manires de procder furent retenues

    et examines :

    Primo: Devaient-ils se montrer tous ensemble et laisser voir leurs desseins aux habitants de laCit de l'me ?Secundo : Fallait-il livrer immdiatement l'assaut et se montrer dans un quipement devenumisrable et loqueteux ?Tertio: Fallait-il se montrer sous ses vraies couleurs aux habitants de la Cit, et ne leur laisseraucune illusion sur le but poursuivi, ou bien valait-il mieux recourir la sduction et la rusedans les discours et l'action ?Quarto : tait-il prfrable de donner des ordres secrets quelques-uns du parti et faire tuerceux des chefs de la ville qui pourraient se montrer ? Ceci les avantagerait-il et les aiderait-il

    atteindre le but ?

    Ces propositions furent tudies une une ; et il fut rpondu par la ngative la premire. Ilne serait, pas sage de se montrer tous ensemble aux abords de la ville ; l'apparition d'unenombreuse compagnie pourrait alarmer et effrayer les habitants, ce qui ne serait pas redoutersi quelques individus seulement ou mme un seul se prsentaient. Diabolus prit alors la paroleet dit : Il est impossible que nous nous emparions de la ville par force puisque personne n'ypeut entrer sans qu'elle y donne son consentement. Il faut donc n'agir qu'en petit nombre, oumme laisser faire un seul individu. Et si vous le voulez ce sera moi. Tous tombrent d'accordsur ce point, et passrent l'examen de la seconde proposition.

    Se ferait-on voir la cit de l'me en si lamentable quipement ? - nouveau la rponse futngative. Il fallait s'en garder absolument. Bien que la ville d'me d'Homme et reu, dans lepass, une certaine connaissance de quelques-unes des choses du domaine invisible et mmequ'elle et pris quelque part certaines d'entre elles, elle n'avait certainement jamais encore vuaucun tre du domaine spirituel en si misrable et si triste condition. Ces paroles furentprononces par le farouche Alecto. Apollyon dit alors : L'avis est bon ; il est certain que sil'un ou l'autre d'entre nous se montrait tel qu'il est maintenant, ceci jetterait les habitants de laCit dans la consternation, la perplexit, et les amnerait se mettre sur leurs gardes. Et,comme vient de le dire mon seigneur Alecto, c'est bien en vain que nous essaierions alors deprendre la ville. son tour, le puissant gant Belzbub donna un conseil identique.

    Car, dit-il, si les habitants d'me d'Homme ont vu autrefois des tres semblables ce quenous tions, ils n'ont certainement encore jamais rien vu qui approche de ce que nous sommes.Il est donc prfrable, mon sens, de se prsenter eux sous le dguisement d'un tre quileur est connu et familier. Tous se rangrent cet avis. Mais alors sous quelle forme, quellecouleur, quel dguisement, fallait-il se laisser voir pour essayer de s'emparer de la Cit del'me ? L'un disait d'une faon et l'autre d'une autre. Enfin Lucifer suggra que Sa Seigneurieferait bien d'emprunter les dehors de l'une des cratures sur lesquelles dominaient les habitantsde la Cit. tant habitus voir celles-ci et dominant sur elles, jamais les citoyens de la Cit del'me ne supposeraient qu'elles pussent devenir un danger pour la Ville. Et pour que tousfussent aveugls, il tait dsirable d'emprunter l'extrieur de quelque crature surpassant les

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    autres en sagesse. Tous applaudirent ce conseil et il fut dcid que le gant Diabolusprendrait le dguisement d'un dragon. En ce temps-l, les dragons taient aussi communs dansla Cit que le sont aujourd'hui les moineaux de nos villes et de nos campagnes. Or, rien nepouvait exciter l'tonnement ou la suspicion des habitants, de ce qu'ils connaissaient dsl'origine.

    Les conspirateurs tudirent ensuite le troisime point : Devaient-ils laisser voir leurs intentionsaux habitants, ou les cacher ? Ils tombrent d'accord qu'il tait prfrable d'user dedissimulation pour la mme raison dj donne prcdemment : c'est--dire la situation

    inexpugnable de la ville, ses murs et ses portes imprenables, pour ne rien dire de la forteresse.Enfin il fallait tenir compte de l'impossibilit absolue de venir bout des habitants moinsd'obtenir leur consentement. - D'ailleurs, ajouta Lgion, s'ils dcouvraient nos intentions, ilsappelleraient aussitt le Roi leur secours ; et en ce cas notre compte serait promptementrgl. Recouvrons donc notre attaque d'un manteau de franchise apparente et d'quit ;entassons autant de mensonges, de flatteries, de promesses qu'il nous semblera utile pourdissimuler notre action : feignons de croire des choses qui n'existent pas, promettons-leur ceque nous ne donnerons jamais. Par ce chemin-l, nous pourrons vaincre la Cit de l'me, nousl'amnerons ouvrir elle-mme ses portes, et souhaiter notre compagnie. Je crois que ceprojet est le bon, et voici pourquoi : les habitants de cette Cit sont gens simples et innocents,ils sont tous honntes et vridiques ; ils ignorent donc jusqu'ici les attaques du mensonge et de

    l'hypocrisie, n'ayant jamais eu affaire aux lvres trompeuses. Donc en nous dguisant de lasorte, nous ne serons pas dcouverts : nos mensonges seront pour eux vrit, et notredissimulation, honntet. Ils croiront en nous en croyant en nos promesses ; trsparticulirement si nous savons envelopper nos dires du vtement de l'amour et d'un apparentdsir dsintress de travailler leur avantage et leur plus grand bien.

    Pas une parole ne s'leva contre ce discours, qui tombait des lvres de Lgion comme l'eaudvale sur une pente rapide. Et l'on aborda aussitt le quatrime et dernier point : Ne serait-ilpas sage de donner des ordres pour qu'un archer de la Compagnie se charget de tuer l'un desprincipaux de la ville, si cela pouvait aider atteindre le but ?

    Ici la rponse fut affirmative. Oui, cela pourrait faciliter l'action ; et ils dcidrent aussitt lamort d'un certain M. Rsistance, le capitaine de la Cit. Ce Capitaine Rsistance tait l'une despersonnalits les plus en vue de la Ville : le gant Diabolus le redoutait, et son arme lecraignait plus que tous les autres habitants runis. Le meurtre fut donc rsolu ; et on tombad'accord qu'on chargerait Tisiphone, l'une des furies du lac, de le perptrer.

    La sance du Conseil fut alors leve ; et tout aussitt on passa l'action. Toute la compagnies'approcha de la Ville convoite, mais en veillant se rendre invisible l'exception d'un seulmembre cependant, et celui-l se prsentait sous les dehors d'un dragon, ayant emprunt lecorps d'une de ces cratures.

    LE SIGE DE LA CITLes rebelles s'approchrent de la Ville du Roi Shadda et se massrent non loin de la porte del'Oreille qui est le lieu d'audience pour ceux qui sont en dehors de l'enceinte ; comme la portede l'Oeil est la place de surveillance. Diabolus mit une embuscade la distance d'un trait deflche, avec ordre de tuer le capitaine Rsistance. Ses dispositions prises, le gant s'avanajusqu' la porte et sonna de la trompette, ce qui tait la manire de ce temps-l pourquiconque demandait une audience. Diabolus avait pris avec lui Mchante Pause qui luiservait d'orateur lorsqu'il tait pris de court. Les chefs de la Cit : le Seigneur Innocence, leSeigneur Volont, le Seigneur Maire, M. l'Archiviste et le Capitaine Rsistance se prsentrentsur la muraille pour savoir qui tait la porte, et ce que dsiraient les visiteurs ? Ce fut le

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    Seigneur Volont qui prit la parole et demanda qui tait l ? Pourquoi venait-on dranger lapaisible Cit par les sons clatants de la trompette ?

    Avec un air plein de douceur et un discours onctueux, Diabolus rpondit comme suit : Seigneurs de la fameuse Cit de l'me, il vous est facile de percevoir que je n'habite pas loinde chez vous ; je suis un voisin, et j'arrive en service command. Mon roi m'envoie vers vouspour vous rendre hommage, et pour que je vous serve dans la mesure de mes moyens. Afin dem'acquitter fidlement de mon ambassade, je dois vous faire une communication importante.Accordez-moi donc l'audience que je sollicite et coutez-moi patiemment. Et pour commencer,

    laissez-moi vous dire qu'en l'occurrence je ne pense pas moi mais vous ; que je nerecherche pas mon avantage, mais le vtre ; la chose sera manifeste et vous apparatra tellequand j'aurai expos devant vous toute ma pense :

    Eh bien Messieurs, pour vous dire vrai, je suis venu pour vous montrer comment vouspourriez tre dlivrs de l'esclavage o vous tes ; car vous tes des esclaves, bien que vousne vous en rendiez pas compte. [En entendant ces paroles tranges, les habitants de la Cit commencrent se frotter lesoreilles : Qu'tait-ce que ce discours ? Qu'avait-il dit ? O voulait-il en venir ? etc...]. J'ai quelque peu vous dire au sujet de votre Roi, de sa loi et de vous-mmes. Votre Roi, jele sais, est grand et puissant ; cependant tout ce qu'il vous a dit n'est pas vritable et ne vous

    est pas avantageux.

    1 Tout ce qu'il a dit pour vous maintenir dans la crainte n'est pas vritable, et ce qu'il aannonc comme devant survenir si vous enfreignez ses ordres, n'arrivera pas. Mais si le dangerqu'il dit existait vraiment, quel esclavage que d'tre sous la constante terreur du plus grand deschtiments, et cela cause d'un petit fruit dont il ne faudrait pas manger.

    2 J'ajouterai que la loi de votre Roi n'est pas bonne : elle est draisonnable, complique,intolrable. Draisonnable, car, comme je viens de le dire, le chtiment n'est pas proportionn l'offense. Quelle diffrence, quelle disproportion, entre la vie et une pomme ! Et cependantl'une rpond de l'autre dans le Code de votre Shadda ! je dis encore que sa loi est complique,

    car vous pouvez manger de tout, et tout aussitt une restriction : il ne faut pas manger decela.

    3 J'ajouterai qu'elle est intolrable ; car le fruit qui vous est interdit (si toutefois cetteinterdiction existe ?) est celui-l mme, et celui-l seulement, qui, tant mang, vousprocurerait un grand bienfait que vous ignorez encore. La chose est patente, et le nom mmede l'arbre donne la preuve de ce que j'avance. Il est nomm l'arbre de la connaissance dubien et du mal . Avez-vous cette connaissance ? Non, n'est-ce pas ; et vous ne pouvez mmepas concevoir combien ce fruit est excellent, agrable, et combien il est dsirable pourcommuniquer la sagesse, aussi longtemps que vous restez en la dpendance de votre Roi en luiobissant. Est-il juste que vous soyez tenus dans l'ignorance et l'aveuglement ? Pourquoi vous

    fermer les portes de la connaissance et de la sagesse ? Ah ! Pauvres habitants de la clbreCit de l'me, vous n'tes pas libres ! Vous tes dpendants et mme vous tes esclaves ! Etcela cause d'une lamentable menace, d'un ordre donn, sans qu'aucune raison y soitannexe. Rien ! Sinon le bon plaisir du Roi Shadda ; son : Je le veux ; que cela soit ! N'est-il pas douloureux de penser que la chose mme qui vous est interdite vous confrerait, sivous pouviez la faire, et la sagesse, et l'honneur. Car alors, vos yeux seraient ouverts et vousseriez comme des dieux. Considrant que les choses sont bien telles que je les expose, est-ilpossible d'imaginer un esclavage plus terrible que le vtre, une domination quelconque plusimpitoyable que celle que vous subissez ? On vous traite en infrieurs, on vous environne derestrictions ; je crois avoir suffisamment dmontr la chose. Y aurait-il une servitude plus dure

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    que celle qui rsulte de l'ignorance ? La raison ne vous dit-elle pas qu'il vaut mieux avoir desyeux que de n'en point avoir, et qu'il est prfrable d'tre libre, plutt que de demeurerenferm en une cave obscure et malodorante ?

    l'instant mme, et comme Diabolus prononait ces paroles, Tisiphone frappa le CapitaineRsistance qui se tenait prs de la porte ; la tte fut touche et, au grand tonnement deshabitants, le Capitaine tomba mort par-dessus la muraille ; ceci encouragea beaucoup Diabolus.Voyant son Capitaine mort (il tait le seul homme de guerre dans la ville), la Cit de l'meperdit tout courage ; d'ailleurs elle n'avait plus le coeur de rsister. C'tait bien l ce que voulait

    Diabolus. M. Mchante Pause, l'orateur amen par Diabolus, se leva aussitt, et s'adressant auxhabitants de la Cit de l'Anse, dit :- Messieurs, mon matre a aujourd'hui le bonheur de s'adresser des gens paisibles etdociles, et nous esprons bien russir vous faire accepter l'excellent conseil que vous venezd'entendre. Mon Matre a pour vous un trs grand amour. Il sait bien qu'en vous parlantcomme il vient de le faire, il encourt la colre du roi Shadda ; et cependant, s'il tait besoin,son amour le pousserait faire encore davantage. Il est d'ailleurs inutile de prononcer un motde plus pour confirmer ce qu'il a dit ; chaque parole contient sa preuve. Ainsi le nom seul del'arbre suffirait mettre un terme la controverse, si celle-ci se produisait. Je me permettraiseulement de vous donner un tout petit avis, avec l'autorisation de mon Seigneur (et iciMchante-Pause fit une profonde rvrence Diabolus). Pesez les paroles de mon Matre ;

    regardez l'arbre, contemplez son fruit si plein de promesses, songez que vous ne savez quebien peu de chose, et que c'est ici le chemin de la Connaissance. Et si vous hsitez encore faire ce que nous vous disons, si vos raisons d'obissance tiennent encore debout, si vousngligez de suivre le trs excellent conseil de mon Matre, je serai bien oblig de conclure quevous n'tes pas les gens intelligents que je vous crois tre, et que je me suis lourdementtromp.

    En entendant ces discours, et en considrant que le fruit de l'arbre tait bon manger etagrable la vue ; que, de plus, il tait propre largir le champ de la connaissance d'aprsles dires des visiteurs, les habitants suivirent les suggestions de l'ennemi, en prirent et enmangrent. Mais avant que cet acte fut consomm, alors que Mchante-Pause parlait encore, le

    Seigneur Innocence s'affaissa comme vanoui. Avait-il t pris de nauses l'oue de cesparoles ? Ou bien avait-il t touch par une flche ? Ou encore fut-il asphyxi par l'haleineempoisonne de l'infme crature ? Je serais enclin accepter cette dernire hypothse.Hlas ! Malgr tous les efforts qui furent faits, on ne put le ramener la vie. Le CapitaineRsistance et le Seigneur Innocence taient morts ! Or ils taient tous deux la gloire de la Citde l'me... Avec eux, toute noblesse semblait s'tre enfuie de la Ville, car ses habitants oubliantle Roi Shadda, se mirent suivre les conseils de Diabolus, se plaant ainsi sous la dominationde l'Ennemi dont ils devinrent les esclaves et les vassaux, comme il va tre racont dans lasuite.

    peine avaient-ils mang du fruit de l'arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, qu'une

    trange ivresse monta au cerveau des citoyens de la Cit. Oubliant toute prudence, ils ouvrirenttoutes grandes Diabolus et sa suite, la porte de l'Oreille et celle des Yeux. Leur excellentRoi, sa Loi, et le chtiment qui devait atteindre quiconque l'enfreindrait, ils n'y pensaient plus !Le pass semblait aboli.

    Ds qu'il fut dans la place, Diabolus se dirigea vers le coeur de la Ville pour assurer saconqute. Constatant qu'il avait gagn les habitants, il jugea prudent de prononcer un seconddiscours sans plus attendre. - Hlas ! gmit-il ; pauvre Cit de l'me ! Je t'ai apportl'honneur et la libert ; mais maintenant t'abandonnerais-je ? Je ne le puis pas ; tu dois tremise en tat de dfense. Shadda sera courrouc en apprenant que tu as bris tes entraves, et

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    rejet sa Loi. Que vas-tu faire ? Aprs avoir got de la libert, souffrirais-tu qu'on te retirttes privilges ? Dcide toi-mme ! Alors, d'une seule voix, les habitants dirent ce buissonpineux : - Toi, tu rgneras sur nous.

    CHAPITRE IIRGNE DE DIABOLUS. - LE SEIGNEUR MAIRE : M. INTELLIGENCE EST DESTITU ET AVEUGL.- LE SEIGNEUR ARCHIVISTE M. CONSCIENCE EST ENTRAN AU MAL, ET SA PUISSANCEATROPHIE. - SOUMISSION DU SEIGNEUR VOLONT QUI DEVIENT L'ALTER EGO DE DIABOLUS.- LA CIT DE L'ME EST MISE EN TAT DE DFENSE CONTRE TOUTE. INCURSION POSSIBLE DE

    SHADDA. - ELLE TOMBE DANS LA DGRADATION ET LA CORRUPTION.

    Diabolus se hta d'accepter la royaut offerte et devint roi de la grande Ville de l'me ; on lemit en possession du Chteau, et par l, de toutes les forces de la Cit. Pntrant dans lemerveilleux palais que Shadda avait lev pour lui, pour sa joie et son bonheur, il letransforma en une forteresse qui fut dsormais son repaire : le repaire du redoutable gantDiabolus.

    Alors, comme il craignait encore de perdre la situation que son astuce avait conquise, ils'occupa de remanier le personnel occupant les principaux emplois de la Cit, levant celui-ci,

    abaissant celui-l. C'est ainsi qu'il s'avisa de destituer purement et simplement Sa Seigneurie leMaire, dont le nom tait M. Intelligence, et Sa Seigneurie l'Archiviste : M. Conscience. M. leMaire avait cependant donn son consentement la reddition de la Ville, mais Diabolus lejugeait dangereux parce que, dans la haute position qu'il occupait, il pouvait encore discernerbien des choses. Non content de l'avoir destitu, Diabolus s'employa le plonger dans lestnbres en construisant tout autour de son palais une tour massive et trs leve ; si haute,que les rayons du soleil ne parvenaient plus jamais jusqu'aux fentres du malheureux captif, etque son habitation fut plonge dans la nuit. Spar de la Lumire, il devint bientt semblable l'aveugle-n qui n'a jamais contempl le jour. Sa demeure devint une prison, dont il ne devaitplus franchir les limites. Comment aurait-il pu secourir la Cit ? Mme s'il avait eu quelquenergie de reste et quelque dsir de le faire, il se trouvait maintenant rduit l'impuissance

    absolue. Aussi longtemps que la grande ville de l'me tait gouverne par Diabolus, et elledevait l'tre aussi longtemps qu'elle lui obissait, son ancien Maire ne pouvait plus lui tred'aucun secours ; bien au contraire.

    Quant m. l'Archiviste, homme ail jugement sr, au discours loquent, vers dans les lois duRoyaume, et qui, jusqu'au moment de la reddition de la Ville laquelle il avait consenti, taitrest fidle et courageux en toutes circonstances, Diabolus le hassait ; il lui tait odieux.Malgr ses efforts, ses sductions, ses ruses, l'Usurpateur n'avait pu faire de l'Archiviste (M.Conscience) sa crature. Certes, sous la domination de Diabolus, M. Conscience taitsensiblement dgnr : parmi les lois nouvellement promulgues, plusieurs lui plaisaientassez, ainsi que le service de Diabolus. Et cependant, il arrivait parfois que le souvenir de

    Shadda remplissait sa pense ; alors la terreur de celui qu'il avait si gravement offens tombaitsur lui, et il s'levait avec vhmence contre Diabolus. Parfois aussi lorsqu'il avait l'une de cescrises de repentir (et il en avait de terribles), il rugissait comme un lion et ses puissantesharangues faisaient trembler toute la Ville de l'me.

    Aussi Diabolus le craignait. Ses paroles, comme je viens de l'expliquer, clataient sur la villecomme le font de soudains orages, et avaient une violence comparable celle des coups detonnerre. Rflchissant qu'il ne pouvait se l'attacher parfaitement et faire de lui sa crature, leGant dcida de le dbaucher autant que faire se pouvait : il essaya de stupfiants sur lapense, et d'endurcir le coeur en l'entranant sur les chemins de la vanit. Ici encore Diabolusrussit partiellement. Peu peu, il l'entrana dans le mal et la mchancet, ce point que M.

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    Conscience perdit peu prs compltement le sentiment du pch. Ne pouvant obtenirdavantage, Diabolus dcida d'essayer de persuader aux habitants de la Cit que M. Consciencetait devenu fou ; inutile donc de s'inquiter de lui. ce propos, il rappela les terribles crisesde M. Conscience : S'il est alors lui-mme, dit l'Usurpateur, pourquoi n'est-il pas ainsitoujours ? La vrit, c'est que tous les fous ont des crises dangereuses, et comme il est fou, il ales siennes. C'est de cette faon et par plusieurs autres de cette nature que Diabolus conduisitme d'Homme oublier, ngliger et mme mpriser ce que pouvait dire M. Conscience.Quand Diabolus russissait tourdir celui-ci, il ne manquait pas de lui faire nier ce qu'ilaffirmait lorsqu'il avait ses terribles rveils, de telle sorte qu'il le disqualifiait chaque jourdavantage aux yeux des habitants. Dsormais ce n'tait plus librement qu'il levait la voix enfaveur du roi Shadda, mais lorsqu'il y tait contraint. Parfois Il dnonait sans mnagementscertaines choses, parfois il se taisait. Il n'agissait plus que de faon tout fait spasmodiquesemblant profondment endormi ou mort, mme lorsque toute la Cit de l'me s'adonnait lavanit et aux choses de nant, dansant la suite de Diabolus aux airs qu'il tirait de sa flte.

    Et s'il arrivait encore que quelque habitant effray par les rares protestations de M. Consciencevnt trouver l'Usurpateur, celui-ci calmait ses craintes en affirmant que les dclarations du Trouble fte n'taient pas inspires par l'amour ou la piti ; mais par le seul besoin deparler et de s'entendre parler. Diabolus apaisait de cette manire quiconque venait lui. Ilajoutait aussi volontiers comme argument dcisif : 0, me d'homme ! Considrez, constatezque malgr la rage de ce vieux gentilhomme, et le bruit que font ses discours, vous n'entendezjamais rien dire de Shadda lui-mme . Le misrable menteur savait cependant que lesprotestations de M. Conscience taient la voix mme de Dieu parlant Conscience pour qu'ilavertt me d'homme. Diabolus disait encore : Vous voyez bien que Shadda s'inquite peude la perte de la ville de l'me et de sa rbellion ; et qu'il ne se mettra pas en peine de luidemander compte de sa dfection, parce qu'elle s'est donne moi. Il sait bien que, si voustiez lui, vous tes maintenant moi ; aussi, nous laissant l'un l'autre, il ne s'en fait aucunsouci. De plus, souvenez-vous de mes services. J'ai fait pour vous tout ce que j'ai pu. Les loisque je vous ai donnes vous procurent plus de joies et de satisfactions que le paradis deShadda. Grce moi, vous avez un maximum de libert. Vous tiez parqu ; j'ai bris vosbarrires plus de lois, plus de contrainte, plus de jugement pour vous effrayer. Je ne demandecompte personne de ses actions, si ce n'est au vieux fou (vous savez qui je dsigne ainsi). Depar moi, chacun vit comme un prince, et comme bon lui semble. Je n'exerce de contrle surpersonne et je n'admets pas davantage que personne en exerce sur moi.

    C'est avec des discours de ce genre que le misrable imposteur calmait les remords de la Citde l'me et excitait sa colre contre M. Conscience. De sorte qu' plusieurs reprises les citoyenssongrent se dfaire de leur Censeur en le tuant. Ils auraient voulu le savoir trs loin, desmilliers de kilomtres de leur ville ; le souvenir de ses paroles les affligeait, sa seule vue lesemplissait d'effroi, bien qu'il ft fort affaibli et dgnr. Mais leurs voeux devaient rester vainset leurs complots striles, ce qui semblerait absolument incomprhensible sans la sagesse et lapuissance infinies de Shadda, qui avait dcrt que le Seigneur Conscience subsisterait, etserait son tmoin parmi les hommes. La maison de M. l'Archiviste tait d'une solidit toutepreuve et tait appuye l'un des forts de la ville ; si la populace ou quelque misrablevenaient dans quelque but de meurtre, M. Conscience n'avait qu' lever les cluses pourprovoquer une inondation et faire prir ses adversaires.

    Mais laissons maintenant la personnalit du seigneur Archiviste, aussi dnomm M. Conscience,et occupons-nous du seigneur Volont, l'un des membres de l'ancienne noblesse de la grandeville de l'me. Il tait d'aussi haute naissance qu'aucun autre dans la Cit, et homme libreautant et plus que ses concitoyens, ayant, si j'ai bonne souvenance, des privilges spciauxattachs sa personne. Il tait dou d'une trs grande nergie, de beaucoup de dcision et de

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    courage, de sorte que personne ne pouvait le rduire par la force. Est-ce l'orgueil de sonanciennet, de sa puissance, de ses privilges, qui lui firent rejeter toute ide d'esclavagepossible et l'amenrent rechercher quelque charge, quelque emploi sous le rgime deDiabolus ? La chose est trs probable. Il voulait tre quelqu'un dans la Cit ; et une fois samisrable rsolution prise, il ne perdit point de temps pour arriver ses fins. Dj, il avait tl'un des premiers se laisser gagner par le beau discours de Diabolus et conseiller qu'on luiouvrt la porte. C'tait l un service que l'Usurpateur n'avait eu garde d'oublier et qui avait faitnommer aussitt M. Volont un emploi. Puis, discernant la valeur de son vassal et la soliditde l'attachement de celui-ci, Diabolus rsolut de faire de lui l'un des grands auxquels il

    soumettait les affaires importantes de la Ville.

    Il le fit donc appeler, lui exposa ce qu'il avait au coeur, et il n'eut pas faire de longs discourspour persuader son auditeur. M. Volont avait t d'avis qu'on livrt la Cit Diabolus, etmaintenant il lui plaisait de le servir. Ce que voyant, l'Usurpateur le nomma commandant de laforteresse, gouverneur des remparts et gardien des portes. L'une des clauses de sa chargestipulait que rien ne pourrait se faire dans la ville sans son consentement. M. Volont devenaitainsi le second de Diabolus et plus rien ne s'accomplissait qui ne ft selon son bon plaisir. MgrVolont avait un secrtaire : M. Pense qui ressemblait en tous points son Matre : enprincipe, ils ne faisaient qu'un et dans la pratique ils ne se sparaient gure. Sous leurgouvernement, me d'Homme fut amene la seule ambition de satisfaire les convoitises des

    Seigneurs Volont et Pense.

    Jamais ne s'effacera de ma mmoire la conduite de ce M. Volont quand le pouvoir lui chut. Ilcommena par nier purement et simplement qu'il devait quoi que ce soit son ancien Roi ; puisil s'engagea par serment et jura fidlit au grand matre Diabolus ; enfin, une fois install dansses diffrentes charges, il rduisit la grande ville de l'me en un tat si misrable qu'on nesaurait facilement l'imaginer : il faut en avoir t le tmoin.

    Et d'abord, il s'attaqua M. Conscience, le poursuivant d'une haine mort. Il ne pouvaitsupporter de le rencontrer ou de l'entendre. S'il l'apercevait, il fermait les yeux, s'il l'entendait,il se bouchait les oreilles. Il avait dcid qu'on ne devait plus voir dans la ville aucun fragment

    du Code de Shadda. Ainsi, son clerc M. Raison possdait encore quelques parchemins de la Loien mauvais tat ; ds que le Seigneur Volont les aperut, il les jeta derrire son dos. Il estvrai que M. Conscience conservait en son tude quelques-unes des lois de l'excellent Shadda ;mais elles taient hors d'atteinte du Seigneur Volont. Le nouveau potentat estimait aussi queles fentres de la maison de l'ancien Maire recevaient encore trop de lumire ; cela ne valaitrien pour la ville, assurait-il. Mme la clart d'une chandelle lui semblait de trop. Dsormaisplus rien ne plaisait au Seigneur Volont qui ne plt d'abord Diabolus.Il n'avait pas son gal pour publier par les rues de la ville la bravoure, la sagesse, la grandeurde Diabolus ; il s'abaissait au niveau des plus abjects pour chanter les louanges de son illustre Matre . Il n'avait pas besoin de commandement pour faire le mal, celui-ci taitdevenu son compagnon habituel.

    Sous ses ordres, le Seigneur Volont avait un adjoint dont le nom tait Affection. Lui aussi taitfortement dchu ; oubliant les principes de son origine, il tait tomb dans la dbauche et nepensait plus qu'aux choses charnelles, c'est pourquoi on l'avait surnomm : Vile Affection. Il setrouva que Vile Affection s'prit de Convoitise charnelle, la fille de M. Raison ; ils furent maris.Union bien assortie, pensa Diabolus lorsqu'il l'apprit ; et il dit cette occasion : qui seressemble s'assemble . Le couple eut de nombreux enfants : Effronterie, Calomnie,Insubordination. Ainsi que leurs trois soeurs : Mpris de la Vrit, Oubli de Dieu, Espritvindicatif, ils se marirent dans la ville et eurent toute une ligne de mauvais sujets dont nousne pouvons numrer tous les noms ici...

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    Par tous les moyens en son pouvoir, l'Usurpateur s'appliqua dfigurer toute ide, toutepense de Shadda dans le coeur d'me humaine rendant l'ancien Roi mconnaissable. C'est quoi s'employa tout particulirement sous ses ordres un M. Pas de Vrit qu'il chargea plusspcialement de cette tche. Pas de Vrit avait la double mission de rendre Shaddamconnaissable, de le travestir, indignement ; 2 d'exalter Diabolus.

    Enfin, Diabolus abrogea tout ce qui demeurait encore des lois ou des statuts du Roi Shadda,tout ce qui avait trait la morale, toutes les lois civiles ou naturelles. Lui et son second : le

    Seigneur Volont, cherchaient par l faire descendre l'me au niveau de la brute, l'amener une sensualit bestiale et la ngation de toute vrit. Puis Diabolus dicta ses lois : Toutelibert tait confre la convoitise charnelle, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie.L'impit, l'impuret, la mchancet taient encourages. En se conformant aux lois deDiabolus, les habitants de la Cit de l'me auraient la joie, le contentement, le bonheur,l'allgresse. Et jamais personne ne leur demanderait compte de n'avoir point agi autrement.

    Se rappelant aussi qu'il avait destitu l'ancien Maire et l'Archiviste, et pour n'tre pas accusd'avoir diminu en rien la grandeur de la Cit, Diabolus nomma un autre maire en la personnedu Seigneur Convoitise, homme qui en toutes choses agissait naturellement comme la brute, etloin de favoriser le bien, ne pouvait qu'encourager le mal... Quant l'Archiviste, ce fut en M.

    Oublie le Bien, triste sire qui ne pensait qu'au mal et s'y vautrait avec dlices... A cause de leursituation. et de leur immoralit, ces deux personnages eurent une influence des plus nfastessur les citoyens. Quand le mauvais exemple vient de haut, le peuple ne tarde pas secorrompre.Toutes les autres nominations de Diabolus furent de cette sorte. MM. Incrdulit, Orgueil,Juron, Impuret, Endurcissement, Cruaut, Fureur, Mensonge, Fausse-Paix, Ivresse, Tricherie,Athisme se virent attribuer des emplois. Il y eut d'autres nominations de moindre importance :des baillis, des sergents, des gendarmes ; je ne puis tous les nommer ; ce serait trop long.

    Enfin, il songea fortifier la ville, et fit lever trois forteresses qui lui parurent inexpugnables :la premire : Dfi, commandait toute la Cit et eut comme gouverneur : Haine de Dieu. Place

    prs de la Porte de l'Oeil, elle devait empcher les habitants de connatre leur ancien Roi. Laforteresse dite de Minuit qui s'levait prs de l'ancien Chteau pour le rendre plus obscur,devait garder les citoyens de toute connaissance d'eux-mmes. Son gouverneur fut M. Hait laLumire. La troisime forteresse : Douceurs du pch s'levait sur la place du March et devaitempcher tout retour vers le Bien. Son gouverneur tait M. Amour charnel. Haine de Dieu,comme aussi Hait la Lumire, taient Diaboloniens et faisaient partie de l'arme qui avait aidDiabolus s'emparer de la Cit de l'me. Ces forteresses furent armes comme il convenait.

    Et maintenant Diabolus se sentait en sret. Il avait fait tout ce qui tait en son pouvoir pours'assurer la possession dfinitive de la Ville de l'me, et pour la garder contre toute incursion dubon roi Shadda ou de son Fils.

    CHAPITRE IIILE ROI SHADDA ET SON FILS LE PRINCE EMMANUEL, DOULOUREUSEMENT FRAPPS PAR LADFECTION ET LA RUINE DE LA CIT DE L'ME, DCIDENT DE LA SECOURIR ET DE LARAMENER SOUS LEUR AUTORIT EN LUI FAISANT DES PROPOSITIONS DE PAIR. - L'ARME DESECOURS LUI EST ENVOYE SOUS LA CONDUITE DES CHEFS BOANERGS, CONVICTION,ESPRANCE, JUGEMENT. - DIABOLUS SE PRPARE FAIRE CHOUER LE PLAN DIVIN. - ILPRPARE LA CIT DE L'ME LA RSISTANCE. - SIGE DE LA CIT. - ME HUMAINERVEILLE EST JETE DANS LA TERREUR, MAIS REFUSE DE RETOURNER SON ROI. -SUGGESTIONS DE DIABOLUS QUI VEUT LA GARDER PRISONNIRE. - LES APPELS DES

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    CAPITAINES DE SHADDA SONT REJET S.

    Longtemps avant que les choses fussent arrives au point que nous avons dit dans le chapitreprcdent, le roi Shadda avait t averti de ce qui se passait, et il savait comment la grandeville de l'me dans le continent de l'Univers avait t assige et conquise par le gantDiabolus, autrefois l'un de ses serviteurs. Lorsque certain jour, l'un des messagers vint seprsenter la Cour et qu'il dit devant Shadda et son Fils, les hauts dignitaires, les capitaines,les nobles et toute la cour runie tous les dtails de l'agression par ruse, le succs de Diabolus,

    l'tat d'abjection dans lequel il avait rduit la Cit, lorsqu'il expliqua que Diabolus avait faitlever et armer des forts, dressant ainsi l'me contre son vritable Roi, la douleur et le deuils'tendirent sur tous les visages, et ce fut une grande lamentation cause de la misre et de lacorruption dans lesquelles l'Ennemi avait plong la noble Cit de l'Anse. Seuls le Roi et son Filsavaient eu la prescience des vnements et dj avaient pourvu la dlivrance de la Cit,dlivrance qui devait s'accomplir au moment choisi par Shadda. Tous deux laissrent voir aussileur douleur, ainsi que le grand amour et la compassion qu'ils ressentaient pour la Ville del'me.

    Puis Shadda et son Fils se retirrent en leur appartement priv, et l, examinrent la rsolutionprise anciennement : ils souffriraient pour un temps que la Cit fut perdue, mais ils en feraient

    nouveau la conqute, et cela de telle manire qu'ils en acquerraient un renom et une gloireternels. la suite de cette rencontre, le Fils fit cette promesse au Roi : Je serai tonServiteur et je te ramnerai la Cit de l'me. Le Fils alliait en sa Personne la Grandeur et laDouceur. Il aimait trs particulirement les affligs, et n'avait qu'une inimiti au coeur, etDiabolus en tait l'objet. Il fut donc dcid qu'au moment dtermin par la Sagesse suprme, leFils se rendrait dans la contre de l'Univers, et que l de faon juste et quitable, en faisantamende pour les folies de la Cit de l'me, il poserait les fondements d'une parfaite dlivrancedu joug de Diabolus et de sa tyrannie.

    De plus, Emmanuel rsolut de faire la guerre Diabolus tant qu'il rgnerait encore sur la Citde l'me et de le chasser des retraites qu'il habitait. Le chef des secrtaires dressa le procs-

    verbal des dcisions prises, et fut charg de faire connatre celles-ci dans tous les coins etrecoins de l'Univers. Nous en donnons ci-aprs un court rsum :

    Que tous ceux que cela concerne sachent que le Fils de Shadda le grand Roi s'est engag parconvention avec son Pre lui ramener la ville de l'me ; et cause de son amourincomparable, il placera celle-ci dans des conditions meilleures plus heureuses que celles quitaient siennes avant qu'elle fut prise par le gant Diabolus.

    Cette dclaration fut publie en tous endroits, ce qui provoqua des reprsailles de la part deDiabolus. Maintenant je vais tre attaqu, songeait-il, et mon habitation me sera enleve... Il faut empcher que ces bonnes nouvelles arrivent aux oreilles de mes esclaves. S'ils

    apprenaient que leur ancien roi Shadda et Emmanuel n'ont pour eux que des penses d'amour,que pourrais-je esprer d'autre qu'une rvolution ?

    Il appela donc le Seigneur Volont lui recommandant de veiller jour et nuit aux portes de l'Oeilet de l'Oreille, car, dit-il, j'ai entendu parler d'un certain projet : nous serions tous considrscomme tratres, et me d'homme serait ramene son premier tat d'esclavage. J'espre quece sont l histoires en l'air ; cependant veillez ce qu'elles ne pntrent pas dans la ville ; celane pourrait que troubler le peuple. Ces nouvelles ne sauraient vous rjouir Seigneur Volont pasplus qu'elles ne me rjouissent moi-mme. Prenez garde aux marchands qui viennent de loin,arrtez-les, questionnez-les ; ne laissez le trafic libre que pour ceux qui nous sont favorables.Avez des espions dans tous les coins de la Cit, qu'ils surveillent les habitants surprennent les

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    conversations, et qu'ils aient le pouvoir de supprimer et dtruire tous ceux qui tremperaient enquelque complot, ou qui parleraient des prtendus desseins de l'ex-Shadda et d'Emmanuel.

    Le Seigneur Volont s'empressa de dfrer aux dsirs de Diabolus, lequel dcida d'autre partd'imposer aux citoyens un serment de fidlit : ils devaient le reconnatre lui, Diabolus,comme seul roi, et s'lever contre tout prtendant au gouvernement de la Ville d'me. D'uneseule voix les pauvres insenss prononcrent le serment impos ; ce qui ne sembla pas leurpeser beaucoup plus que ne ferait un sprat dans le gosier d'une baleine. Diabolus, lui, seflicitait de ce qu'il venait d'obtenir. Shadda pourrait-il jamais absoudre le peuple de cettealliance avec la mort, de cette convention avec le spulcre ?

    Enfin, l'Usurpateur rsolut de faire tomber encore plus bas dans le mal les malheureux citoyensde l'me ; et il fit annoncer par M. Ordure que chacun pouvait s'adonner ses convoitises sansaucune restreinte. Par l il voulait affaiblir davantage ses esclaves, les rendre plus incapablesde saisir les bonnes nouvelles et d'esprer encore si celles-ci arrivaient jamais jusqu' eux. Carle raisonnement de l'intelligence naturelle est celui-ci : Plus un pcheur est enfonc dans laperdition, moins il peut esprer en la misricorde.

    En agissant ainsi, Diabolus pensait aussi la saintet d'Emmanuel. Celui-ci ne reculerait-il pasd'horreur devant semblable abme de souillure ? Ne se repentirait-il pas d'avoir rsolu lardemption d'tres tombs aussi bas ? Enfin pour parer aux effets redoutables que pourraitavoir la proclamation de la Dlivrance dans la Cit de l'me, l'Usurpateur rsolut de prendre lesdevants. Il dit donc que certains bruits taient parvenus jusqu' lui, bruits donnant commecertaine une entreprise de Shadda pour dlivrer la Cit d'me humaine. Pour cette raison, ilallait prononcer un grand discours sur la place du March, et invitait tous les citoyens venirl'entendre. Voici un rsum de ce discours :

    Diabolus rappela d'abord au peuple rassembl, tout ce qu'il lui avait donn avec la libert, etcombien tait grand son amour pour la Cit de l'me. Certes, s'il ne pensait qu' lui, et si lesnouvelles de la venue d'Emmanuel taient exactes, il lui serait bien facile de s'en aller ! Maisnon ; il voulait lier son sort celui des habitants. Et eux, voudraient-ils l'abandonner ? - D'uneseule voix, ils rpondirent : Qu'il meure, celui qui voudrait t'abandonner. - C'est bieninutilement, continua Diabolus, que nous esprerions quelque quartier de Shadda ; Shadda nesait pas ce que c'est que de faire quartier : Aussi ne croyez pas une syllabe de tout ce qu'ilpourrait vous faire dire en vous offrant le pardon, et en mettant en avant sa misricorde. Ceserait uniquement pour vaincre plus facilement votre rsistance. Prenons donc la rsolution dersister jusqu'au bout, et de n'couter aucune proposition de pardon. C'est du ct de la portede l'Oue que je discerne le danger. Et puis si vous coutiez Shadda, s'il pntrait dans la ville,s'il faisait quartier quelques-uns ou mme tous, de quoi cela vous servirait-il ?Continueriez-vous de vivre dans les plaisirs comme vous le faites maintenant ? Non pas ! Vousseriez lis par des lois qui vous rendraient la vie insupportable, et devriez faire ce que,maintenant, vous jugez hassable : Je suis pour vous, si vous tes pour moi ; mieux vautmourir vaillamment que de mener une vie d'esclave !... J'ai des armes pour vous tous. Venez mon chteau-fort, vous y serez bien reus, et vous y trouverez l'armure ncessaire au combat.

    1 Je vous recommande mon casque. Le casque de l'espoir que tout est pour le mieux, quoique vous fassiez. C'est le casque de ceux qui assurent jouir de la paix mme en marchant dansl'iniquit et en ajoutant l'ivresse la soif. Cette pice de l'armure a fait ses preuves. Tant quevous portez ce casque, vous ne craignez ni flche, ni dard, ni pe. Il dtourne les coups.Veillez donc toujours le garder.

    2 Voici ma cuirasse : une cuirasse de fer forge en mon pays. Elle consiste en un coeur aussi

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    dur que le fer, aussi insensible que la pierre, que rien ne peut plus toucher ou mouvoir. Aveccette cuirasse, aucune parole de paix ou de pardon ne pourra vous atteindre, non plus que laterreur d'un jugement. Cette pice de l'armure est trs ncessaire qui veut combattreShadda et s'enrler sous ma bannire.

    3 Mon pe est une langue anime du feu de l'enfer et qui peut se plier dire du mal deShadda, de son Fils, de ses dcisions, de son peuple. Quiconque la possde et en fait l'usageque j'indique, ne se laissera jamais abattre par mon ennemi.

    4 Mon bouclier : c'est l'incrdulit. Jetez le doute sur toutes les paroles de Shadda.L'incrdulit paralyse sa puissance. Il peut arriver qu'il soit bris. Cependant ceux qui ont fait lercit des guerres d'Emmanuel contre mes serviteurs assurent qu'en certains endroits il ne putfaire de miracle cause de l'incrdulit. Pour bien le manier refusez de croire les choses mmevritables, quelles qu'elles soient, et quelle que soit la personne qui les dit, Si Emmanuel parlede jugement, ne craignez pas ; s'il parle de misricorde n'coutez pas. Mme s'il promet parserment de ne faire que du bien l'me, ne vous inquitez pas de ce qu'il dit ; mettez tout endoute. C'est de cette faon qu'il faut manier le bouclier de l'incrdulit. Celui qui fait autrementne m'aime pas ; il est mon ennemi.

    5 Enfin une autre pice de mon excellente armure, c'est un esprit muet qui ne s'abaisse

    jamais implorer la misricorde et prier. En plus de tout ce que je viens d'numrer, j'aiaussi des maillets, des dards empoisonns, des traits enflamms, des flches, la mort, armesexcellentes qui fauchent l'arme ennemie.

    Tous les habitants de la Cit de l'me furent arms de pied en cap et reurent des munitionsabondantes. Ceci fait, Diabolus dclara que si vraiment Shadda attaquait la ville, et si celle-cisupportait victorieusement le premier choc, nul doute qu'avant longtemps le monde entier ne luift soumis, lui Diabolus. Alors il ferait des citoyens de l'me, des rois, des princes, et descapitaines. La garde fut double aux portes, les citoyens s'exercrent au combat, les chants deguerre retentissaient, chants qui exaltaient le tyran, et le courage des guerriers.

    L'avant-garde des armes du roi Shadda forte de quarante mille hommes, tous fidles, etconduits par quatre capitaines choisis parmi les plus vaillants se prparait partir pour lagrande ville de l'me. Il avait sembl prfrable Shadda de ne pas envoyer immdiatementson Fils, mais de laisser aller d'abord ses serviteurs pour qu'ils prissent contact avec la Citrebelle. Gnralement, dans toutes ses guerres, Shadda envoyait cette avant-garde dont leschefs taient braves et vaillants, Habitus la dure, ils avaient sous leurs ordres des hommesde la mme trempe qu'eux. Chacun des Chefs reut une bannire qui devait rester dployepour indiquer l'excellence de la cause du roi Shadda et ses droits sur la Cit de l'me. Labannire du Chef Boanergs tait porte par l'enseigne Tonnerre dont les couleurs taientnoires ; sur l'cusson : trois clairs flamboyants. Le nom du porte-enseigne du Chef Convictiontait M. Tristesse. Ses couleurs taient ples et l'cusson reprsentait le livre de la Loi ouvert

    d'o jaillissait une flamme.Le porte-enseigne du gnral Jugement se nommait M. Terreur, il portait les couleurs rouges etson cusson tait une fournaise ardente. Le porte-enseigne du gnral Excution tait un M.Justice qui portait aussi la livre rouge et dont l'cusson tait un arbre sans fruit avec unecogne plante dans les racines. Chacun des chefs avait dix mille hommes sous ses ordres.Certain jour officiers et soldats furent appels par Shadda, chacun individuellement, pour semettre en campagne ; et chacun reut l'quipement qui convenait son grade et son service.Quand le Roi eut rassembl ses forces pour l'expdition rsolue, il donna ses ordres aux chefset l'arme, ordres que tous devaient fidlement excuter. Voici ce que dit Shadda songnralissime Boanergs : O toi Boanergs, l'un de mes fougueux et vaillants capitaines qui

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    commande 10.000 hommes vaillants et fidles, va en mon nom jusqu' la misrable Cit del'me : tu lui offriras d'abord la paix, et lui ordonneras de rejeter le joug et la tyrannie dumchant Diabolus puis de revenir moi qui suis son Prince et Seigneur ; les habitantsextirperont tout ce qui est diabolonien et toi tu veilleras l'excution de ces ordres. Tu veilleras ce que la soumission soit vritable. Ensuite tu feras en sorte de m'tablir une garnison dans laville de l'me. Veille ne faire aucun mal aucun des indignes ; s'ils veulent se soumettre,traite-les comme des amis, comme des frres, car je les aime. Dis-leur qu'en temps opportunj'irai vers eux et qu'ils sauront que je suis misricordieux. Mais si, malgr tes sommations etbien que tu produises tes lettres de crance, ils refusent de t'couter, emploie tous les moyens

    en ton pouvoir pour les rduire en mon obissance. Bon voyage.

    Au jour fix, aprs un nouveau discours de Shadda, l'arme avec ses bannires dployes semit en marche. Le trajet tait long jusqu' la ville de l'me. Partout o elle passait, l'armeroyale tait en bndiction.

    Aprs un long voyage on aperut de loin la Cit ; et discernant aussitt en quel tat misrablele joug de Diabolus l'avait rduite, les troupes de Shadda ne purent retenir leurs lamentations.L'arme arriva enfin devant la ville, se massa prs de la porte de l'Oreille, dressa ses tentes,creusa des tranches. - Lorsqu'ils aperurent le corps expditionnaire royal, ses brillantsuniformes, ses armes tincelantes, ses bannires, les gens de la ville ne purent s'empcher de

    venir jusqu'aux remparts pour admirer le spectacle que donnait cette arme si parfaitementdiscipline et si bien quipe. Mais le vieux renard Diabolus pris de crainte que, s'ils taientsomms de le faire, les gens de la ville n'ouvrissent les portes de la Cit, sortit en hte de sonchteau-fort, donnant l'ordre au peuple de quitter les remparts sans plus tarder et de se replierau centre de la ville. Et l il leur fit un discours tout entreml de mensonges comme sonhabitude et de reproches : Eh quoi. Quel manque de prudence chez ceux que je co