La guerre des hélicoptères: L'avenir de l'aéromobilité et de l'aérocombat

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    La guerre des hlicoptresLavenir de laromobilit et de larocombat

    ______________________________________________________________________

    Etienne de DurandBenoit Michel

    Elie Tenenbaum

    Juin 2011

    .

    FFooccuuss ssttrraattggiiqquuee nn 3322

    Laboratoirede Recherchesur la Dfense

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

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    Focus stratgique

    Les questions de scurit exigent dsormais une approcheintgre, qui prenne en compte la fois les aspects rgionaux et globaux,les dynamiques technologiques et militaires mais aussi mdiatiques ethumaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou lastabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des tudes descurit se propose, par la collection Focus stratgique , dclairer par

    des perspectives renouveles toutes les problmatiques actuelles de lascurit.

    Associant les chercheurs du centre des tudes de scurit de lIfri etdes experts extrieurs, Focus stratgique fait alterner travauxgnralistes et analyses plus spcialises, ralises en particulier parlquipe du Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD).

    Les auteurs

    Spcialiste des questions stratgiques et militaires, Etienne de

    Durand est directeur du CES et du LRD de lInstitut franais des relationsinternationales (Ifri) et enseigne lInstitut dEtudes Politiques de Paris et lEcole de Guerre.

    Officier suprieur, spcialiste des techniques aroportes, le ChefdEscadrons Benot Michel est dtach comme chercheur au sein du LRDde lIfri. Titulaire dun Master II science politique en relations internationaleset politiques de scurit, il est brevet du Collge Interarmes de Dfense.

    Agrg dhistoire, Elie Tenenbaum est assistant de recherche ausein du LRD. Doctorant en Relations Internationales Sciences Po/CERI

    dans le cadre dune convention CIFRE-Dfense, il travaille actuellementsur la circulation des savoirs et des pratiques contre-insurrectionnelles enOccident sous la direction de Pierre Mlandri et Maurice Vasse.

    Le comit de rdaction

    Rdacteur en chef : Etienne de Durand

    Rdacteur en chef adjoint : Marc Hecker

    Assistants ddition : Marie-Charlotte Henrion, Romain Bartolo

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    Comment citer cet article

    Etienne de Durand, Benot Michel et Elie Tenenbaum, La guerre des

    hlicoptres. Lavenir de laromobilit et de larocombat , Focus

    stratgique, n 32, juin 2011.

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    Sommaire

    Rsum _________________________________________________ 5Introduction _____________________________________________ 7De larosoutien larocombat : lhlicoptre au XXe sicle _____ 9

    Les fragiles dbuts de lhlicoptre de soutien __________ 9Ladolescence technico-oprationnelle

    de lhlicoptre dappui ____________________________ 11Lhlicoptre de manuvre,

    rvolution inacheve de lart opratif _________________ 17Crise capacitaire et questionnement doctrinal ________________ 23

    Le difficile dpassement des hritages _______________ 23Les enseignements des oprations rcentes __________ 30Tendances doctrinales et organisation des forces ______ 34

    Des perspectives davenir contrastes ______________________ 43La question cruciale des cots ______________________ 43Lvolution des plateformes et des parcs _____________ 45

    Conclusion _____________________________________________ 55

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    Rsum

    Les volutions successives de lhlicoptre militaire ont abouti unsystme darmes trs sophistiqu technologiquement. Pens lorigine pour contrer les blinds sovitiques, lhlicoptre dattaqueest dsormais confront un large spectre de menaces qui leramne aux fondamentaux dvelopps dans des contextes decontre-insurrection. Les manuvres aromobiles dans la profondeuret les forces hliportes autonomes ont ainsi laiss place lappuidirect des forces. Lhlicoptre nen demeure pas moinsindispensable comme plateforme de combat et comme vecteur demobilit tactique. Toutefois, le prix lev de ces plateformessophistiques constitue un vritable dfi pour des budgets dedfense en diminution. Concilier la forte sollicitation en hlicoptreset les contraintes budgtaires actuelles impose dsormais uneadaptation des parcs laquelle les volutions technologiques nesauraient seules apporter une rponse. Dans ces conditions, letemps des parcs homognes composs de plateformes de mme

    gnration et ddies un seul type de tche semble rvolu.

    * * *

    Military helicopters have evolved into technologically sophisticatedweapon systems. Originally designed to counter Soviet armor, attackhelicopters now have to cope with a wide spectrum of threats, someof them bringing choppers back to their counterinsurgency roots. Inthis new context, direct over the shoulder support of ground forceshas superseded airmobile maneuvers and autonomous helicopter-borne forces. Nonetheless, helicopters remain essential for theircombat and tactical mobility roles. However, the high cost of thesesophisticated platforms and reduced defense budgets call intoquestion the ability to provide such tools. Accommodating strongdemand in helicopters with present budget constraints requires theadaptation of fleets, since technological advances alone will notprovide an answer to this problem. The time of homogenous fleetsmade up of same-generation, single-use platforms appears to be athing of the past.

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    Introduction

    Cavalry, and I dont mean horses

    Gnral James M. Gavin, 1954

    a mobilit impose le tempo de la guerre. Elle confre non seulement lacapacit dplacer et soutenir un dispositif militaire, mais ellepermet aussi qui la matrise de rechercher lennemi, de le poursuivre etde le surprendre en lui opposant des feux et un volume de forces lendroit voulu et au moment opportun. Par son aptitude rtablir unrapport de force et dstabiliser ladversaire, la mobilit exerce un doubleeffet physique et psychologique dans ce qui demeure une dialectiquedes volonts en conflit . Nul doute que ceci explique le rle crucialhistoriquement jou par la cavalerie puis par le char de combat.

    Il faut attendre la seconde partie du XXme sicle pour que lesdveloppements techniques permettent progressivement une nouvelleforme de cavalerie volante dmerger. En raison de ses caractristiqueset de ses aptitudes de vol uniques, lhlicoptre a dans un premier tempsfourni aux troupes terrestres la capacit jusqualors ingale de semouvoir en saffranchissant des difficults naturelles du terrain commedes infrastructures importantes. Dans un second temps, la voiluretournante est devenue un vritable instrument de combat, jusqu seconstituer en forces aromobiles autonomes. En parallle lamliorationconstante des plateformes la faveur des progrs techniquesconsidrables raliss depuis trente ans, lhlicoptre a su sadapter ettirer les enseignements des diffrents conflits qui ont jalonn sonexistence et dont il est parfois devenu la reprsentation emblmatique,

    quil sagisse de la guerre du Vietnam ou du coup de main rat du 3octobre 1993 en Somalie. Ces diffrents engagements oprationnels ontmis en exergue son utilit dans les conflits modernes comme sesvulnrabilits.

    Aujourdhui, lhlicoptre est omniprsent sur un large spectre demissions de dfense mais galement de scurit publique. Cette ralitse traduit, dans les armes occidentales, par une utilisation intensive desappareils voilure tournante, qui engendre un vieillissement prmaturdes parcs ainsi que des cots de maintenance importants. Dans le mmetemps, le double hritage de la guerre froide et de la transformationmilitaire a conduit dvelopper des appareils de nouvelle gnrationtrs perfectionns aux cots de production et dutilisation levs. Si ce

    L

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    type dappareils confre effectivement laromobilit et larocombatdes capacits techniques et tactiques indites, le contexte politique etbudgtaire actuel suscite des interrogations srieuses quant la viabilitde ce modle.

    Il importe donc de rappeler les leons des conflits passs et leurimpact sur les structures de forces, pour analyser ensuite lesengagements actuels et leur traduction dans les doctrines -demploi, sansperdre de vue les problmes lis la gestion des flottes. Toutefois, etparce que les contraintes conomiques et budgtaires conditionnent enprofondeur les choix politiques, il ne fait gure de doute que laproblmatique des cots est appele, au moins en Europe, jouer un rlecentral dans la dfinition des forces aromobiles venir. Pour cette raison,il parat vraisemblable que lobjectif dune rduction drastique des types deplateformes ne puisse pas tre tenu, et que la majorit des forcesoccidentales se dirigent vers la constitution de flottes hybrides mlant

    appareils revaloriss et hlicoptres de nouvelle gnration.

    Pour autant, et ne serait-ce quen raison de leur adaptabilit, lesforces aromobiles vont probablement demeurer lun des critresdiscriminant les armes modernes des autres. Il est donc essentiel que lesarmes europennes, par ailleurs fortement rduites dans leur format,parviennent prserver des capacits aromobiles significatives.

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    De larosoutien larocombat :lhlicoptre au XXe sicle

    ontrairement ce que le caractre rcent de son emploi laisseprsager, lhlicoptre est sensiblement du mme ge que lavion. En

    effet, cest en 1907, trois ans aprs le tour de force des frres Wright,qua lieu le baptme de lair du premier aronef voilure tournante 1

    A partir de cette date de maturation technologique relative, ilsemble possible de dgager trois grands ges qui caractrisent lemploimilitaire de lhlicoptre. Ds les annes 1940, il est employ dans un rlede soutien aux armes, dans des domaines tels que lobservation, la

    logistique, ou encore la sant. Puis, la fin des annes 1950, desinnovations techniques et tactiques permettent denvisager lvolution versune fonction dappui concourant dsormais directement la manuvre,par le mouvement comme par le feu. Enfin, les annes 1980 voientllaboration du concept dun hlicoptre de manuvre qui pratiquerait lui-mme et de manire organique la combinaison du mouvement et du feuen tant que force autonome et essentielle du dispositif de bataille.Chacune de ces tapes est bien entendu plus cumulative quesuccessive, les capacits acquises ntant jamais abandonnes, maisvenant au contraire complter un panel de missions possibles.

    .

    Nanmoins, le rythme de linnovation technique de la voilure fixe prendvite le pas sur la seconde, atteignant lors de la Premire Guerre mondialeun degr de maturit qui lui permet dtre engage dans des combats. Ilfaut en revanche attendre 1939 pour voir apparatre le premier hlicoptrede configuration classique, avec son hlice verticale anti-couple de queue il sagit du VS-300 construit par Igor Sikorsky.

    Les fragiles dbuts de lhlicoptre de soutien

    Les caractristiques techniques de la voilure tournante, permettant le volstationnaire basse et moyenne altitude, sont demble perues par lesarmes modernes comme une plateforme idale pour le travaildobservation dartillerie, laltitude permettant dallonger la ligne de vision etainsi de rduire lexposition de lobservateur avanc, charg dajuster lestirs dune batterie. Le FI-282 Kolibriest construit cette fin par la Luftwaffeen 1942 afin de faciliter le travail des artilleurs de la Wehrmachtsur le frontEst. En dpit de quelques utilisations concluantes, lappareil paye cher savulnrabilit ds que la porte des puissants canons anti-ariens de

    1

    Bernard Bombeau, Hlicoptres. La gense, de Lonard de Vinci Brguet,Paris, Editions Privat, 2006.

    C

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    lArme Rouge le permet2

    Cest dans ce sens que, toujours pendant la Seconde Guerre

    mondiale, les Allis les emploient, en se spcialisant dans des appareilsplus lourds, capables de raliser des missions logistiques sur les arriresde troupes oprant sur des terrains difficiles comme sur le thtre indo-birman contre les Japonais. La pose de cbles tlphoniques ou leravitaillement de postes avancs constituent alors les premires missionsdes Sikorsky H-4 et surtout H-5 acquis par les Amricains et lesBritanniques au cours de lanne 1943

    . Sur le front occidental, la perte de la suprmatiearienne rend l encore hasardeux lemploi de tels appareils par lesAllemands qui sont pourtant les plus avancs sur ce type de modleslgers. Il nest gure difficile, ds lors, de concevoir la rticence des hautscommandements engager les hlicoptres sur des thtres de hauteintensit pendant les annes, voire les dcennies qui suivirent. La matrisedes airs et la supriorit en puissance de feu deviennent vite un prrequis lemploi des hlicoptres et ce, pratiquement jusque dans les annes1980. La prminence des hlicoptres dans les oprations de contre-insurrection et de stabilisation -sexplique certes par une logiqueoprationnelle, mais galement par une situation favorable sur le plan de lapuissance de feu. En labsence de telles conditions, les hlicoptres sontlimits un rle de soutien sur les arrires ou en marge des zones decombat.

    3

    Toutefois, le principal domaine demploi est certainement celui delvacuation sanitaire. La voilure tournante permet au service de santamricain de procder en mai 1944 au sauvetage de pilotes abattus au

    dessus de la Birmanie

    .

    4

    . Cette mission de sauvetage est au cur delemploi des hlicoptres en Core mais galement en Indochine o, ds1946, lintensit des combats combine lextrme difficult du terrain le plus souvent dnu de pistes datterrissage pose la question delvacuation des blesss. En avril 1950, le service de Sant du CorpsExpditionnaire Franais dExtrme-Orient (CEFEO) se dote ainsi dedeux Hiller 360 et procde sa premire EVASAN par hlicoptre5

    2

    J. Richard Smith et Anthony Kay, German Aircraft of the Second World War,Londres, Putnam & Company Ltd., 1978 (3

    ed.), pp. 595-596.

    .Bienque la flotte stoffe en recevant des machines plus puissantes, telles queles Hiller H-23 et surtout les SikroskyS-55 (H-19), la France ne dispose

    jamais en Indochine de plus dune vingtaine dappareils en service. Lesraisons sont multiples, mais essentiellement dues la rpugnance delarme de lAir engager des crdits sur des tudes dappareils dits

    3Pour la pose de cbles, lire Ronald J. Brown, Whirlybirds U.S. Marine Helicopters

    in Korea, Marines in the Korean War Commemorative Series, 2003.Accessible ladresse : http://www.koreanwar.org/usmckorea/PDF_Monographs/KoreanWar.Whirlybirds.pdf.4

    Matthew Allen, Military Doctrines of the Major Powers, 1945-1992, Westport CT,Greenwood Press, 1993, p. 129; Otto Kreisher, The Rise of the Helicopter duringthe Korean War , Aviation History, 2007. Accessible ladresse : http://www.historynet.com/the-rise-of-the-helicopter-during-the-korean-war.htm .5

    Michel Fleurance, Rotors dans le ciel dIndochine. Lpope des hlicoptres delarme de lAir en Extrme-Orient (1950-1997), Volume 1, Les Hommes, Paris,Service Historique de la Dfense, 2003, p. 55.

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    marginaux 6

    Moins rticente lgard de cette plateforme que larme de lAir,larme de Terre affirme demble sa volont den diversifier les missions.En juin 1954, toujours au Vietnam, le capitaine Puy-Montbrun proposeainsi dexprimenter une nouvelle mission : larguer un commandoparachutiste par avion en vue dun coup de main , suivi duneextraction par hlicoptre 48 heures plus tard

    . Cette attitude est lorigine dun important diffrend Air-Terre, qui conduit finalement Bourgs-Maunoury, Ministre de la Guerre delpoque, mettre en place en 1954 le Groupement de formationdhlicoptres de lArme de Terre sous le commandement duCommandant Crespin. Ce groupement est par la suite amen formerlessentiel de ce qui deviendra lAviation Lgre de lArme de Terre(ALAT).

    7. Il sagissait alors deprouver lintrt des hlicoptres dans la manuvre et quil pouvaitexister autre chose que les observations darrive dobus ou dvacuation

    de blesss 8

    Ladolescence technico-oprationnelle de lhlicoptre dappui

    . En effet, de la rcupration dune quipe commando enterritoire ennemi son hliportage aller-retour, il ny a quun pas. Sur leplan tactique, en revanche, cest le passage du soutien lappui et ladcouverte de laromobilit.

    Lge dor de laromobilit

    Ds le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Corps des Marinesdes Etats-Unis manifeste son intrt pour ce type demploi, se situant encela bien en avance des possibilits techniques de lpoque. Dans le cadre

    dune rflexion gnrale sur lavenir des oprations amphibies lgeatomique ce dernier faisant planer une menace nouvelle sur laconcentration de troupes inhrente au dbarquement dun corpsexpditionnaire ils conoivent lhlicoptre comme une plateformepermettant de projeter des troupes directement dans lhinterland dunespace littoral. En novembre 1948, lAcadmie de Quantico publie un projetde doctrine intitul Phib31 Amphibious Operations Employment ofHelicopters.Annonant les grands concepts venir, ce document introduitnotamment la notion dassaut vertical qui vaut quelques annes plustard au Phib31 dtre rcupr tel quel par lArmy dans sa doctrinearomobile9

    Forts de ces audaces doctrinales, les Marines jouent un rleimportant en Core o se produit la premire rvolution oprationnelledans lutilisation de lhlicoptre militaire avec le passage du couplesauvetage-liaison celui de transport-assaut, prlude aux oprations dedbarquement grande chelle

    .

    10

    6Ibid., p. 356.

    . Le 20 septembre 1951, lopration

    7Michel Fleurance, op. cit., Volume 2, Les Oprations, p. 512.

    8Dodat du Puy-Montbrun, LHonneur de la guerre, Paris, Albin Michel, 2002,

    p. 143.9

    Rodney R. Propst, The Marine Helicopter and the Korean War , Combat

    Studies Center, 1989. Accessible ladresse : http://www.globalsecurity.org/military/library/report/1989/PRN1.htm.10

    Michel Fleurance, op. cit., Volume 1, Les Hommes, p. 27.

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    Summit marque en effet le premier emploi dun hlitransport tactique de224 Marines sur une zone de combat en loccurrence une crteparticulirement difficile gravir. En octobre, lopration Bumblebeehliporte prs dun millier de Marinesavec douze H-19 plusieurs voyagessont ncessaires, lappareil ne transportant pas plus dune quinzaine depassagers11

    Cest toutefois en Algrie que laromobilit connat sa premireapplication systmatique. Lune des leons tires de lIndochine est lemanque de mobilit chronique des armes modernes dans la guerre degurilla, face un insurg bnficiant de meilleurs renseignements, duneconnaissance intime du terrain et dun soutien de la population qui luipermet de se dispenser de logistique. Ce diffrentiel de mobilit condamneles units une posture ractive, minant le moral des hommes en lesprivant dinitiative. Dans cette guerre de surface

    .

    12, o les insurgsoprent sur lensemble du territoire et semblent dous dubiquit, les

    hlicoptres apparaissent comme une solution technique cette asymtriestratgique dfavorable. Forts de leur propre exprience en Indochine maisgalement trs renseigns sur les innovations tactiques amricaines13

    Cre en 1954, lALAT regroupe une grande moiti des hlicoptres oprationnels en Algrie au sein de ce qui est bientt baptis leGroupement 101. Ce dernier se compose lui-mme de deux groupeshlicoptres (GH1 et 2). Nanmoins, en raison du caractre rcent delALAT et du manque de formation de ses pilotes, larme de lAir conserve

    la main sur les hlicoptres de transport plus lourds tels que le H-34,remplaant des bananes volantes (H-21). La Marine dispose galementdune composante, place sous lautorit de larme de lAir. En tout, la X eRgion Militaire (Algrie) possde, ds 1955, prs de 300 appareils etaccrot encore son parc jusquen 1962

    , leschefs militaires franais dcident de mettre en place une forcehlicoptre valeur tactique.

    14. Cet clatement organisationnelexplique la dcision de crer ds le dbut de lanne 1955 un Bureau desMouvements et Transports (BMT) qui coordonne au niveau interarmes lesmoyens de mobilit pour toute la Xe RM. Vritable matre de ballet dutransport par hlicoptre, le BMT tablit les priorits, promulgue lesrgulations et coordonne les dplacements oprationnels et logistiquesainsi que les requtes dposes par les forces 15

    Pour la premire fois dans lhistoire, lemploi des hlicoptres estlargement destin des assauts par air. Lunit oprationnelle de base est

    .

    11Ronald J. Brown, op. cit.

    12Marie-Catherine Villatoux, La Dfense en surface. Le contrle territorial dans la

    pense stratgique franaise daprs-guerre, Paris, Service Historique de laDfense, 2009.13

    Dans une note du 29 dcembre 1953, lEtat-major des armes crit : lArmeprofitera largement [] de lexprience tactique et technique acquise par leMarineCorps qui depuis plusieurs annes emploie des hlicoptres pour les transports detroupes et de matriel, cit in Michel Fleurance, op. cit., p. 355.14

    Charles Shrader, The First Helicopter War: Logistics and Mobility in Algeria1954-1962, Westport, Praeger, 1999, p. 121.15

    Ibid., p. 103.

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    le Dtachement dintervention hlicoptre (DIH) compos habituellementde sept H-21 ou H-34 pour le transport, et dune ou deux Alouettepourlobservation et le soutien. Le volume transport par un DIH correspondapproximativement une compagnie de 100 150 parachutistes. Cenouveau cadre demploi, au plus prs des combats, relanceimmdiatement la question, pose depuis la Seconde Guerre mondiale, dela vulnrabilit des hlicoptres lgard des tirs au sol. Mais lesplateformes sont dsormais plus solides et permettent lmergence de lhlicoptre arm, n de la persvrance du colonel Brunet [issu delarme de lAir et la tte du GH 2] et de son mcanicien, le capitaineMartin 16. Ensemble, ils parviennent fixer des mitrailleuses lourdes ensabord aux fentres dun H-34 . Pour chaque DIH de sept huit appareils,le Haut Commandement recommande lemploi dau moins un hlicoptrearm17

    Lemploi de lhlicoptre en Algrie trouve certainement sonapoge avec les commandos de chasse, ns en 1959 de la volont dugnral Challe de faire fructifier lexprience et les recommandations ducolonel Bigeard lun des pionniers en matire daromobilit

    , capable de couvrir le dploiement des cargos, voire dappuyer destroupes au sol en train de se replier.

    18. En plusdavoir une parfaite connaissance de la tactique des combattantsnationalistes, de la population et du terrain 19, ces derniers profitent plein du diffrentiel de mobilit donn par lhlicoptre qui leur permet detraquer et de rabattre une bande rebelle jusqu lpuisement. Une foisisole, la Katiba est dtruite par lintervention rapide des RservesGnrales, elles aussi hliportes. Dans son ouvrage The First HelicopterWar, Charles Shrader donne ainsi lexemple de la destruction dune Katibaayant russi traverser la ligne Morice et trouv refuge dans le DjebelErgou, en mars 1958, dans le cadre de la bataille des frontires . Cetteopration mene par le 9e Rgiment de Chasseurs Parachutistes esttypique de la technique du bouclage. A la manire dune chasse courre,la manuvre tactique ne donne aucune chance ladversaire, le rabattantau sol dans une direction tout en lui coupant la route de sa retraite via unenveloppement verticalhliport20

    Aux Etats-Unis, les innovations franaises ne passent pasinaperues et viennent conforter des tendances dj bien engages. Lesdsaccords interarmes issus de la guerre de Core

    .

    21

    16

    Marie-Catherine Villatoux, Pilotes dhlicoptres de larme de lAir en guerredAlgrie , in Jean-Charles Jauffret et Charles-Robert Ageron (dir.), Des hommeset des femmes en guerre dAlgrie, Paris, Autrement, 2003, p. 444.

    permettent en effet lArmy de lancer son propre programme arien, en dpit du Key West

    17Charles Shrader, op. cit., p. 123.

    18En 1956, la tte du 1

    erRgiment de Parachutistes Coloniaux, Bigeard monte

    lOpration 744 contre un maquis de lALN en Kabylie. Il sagit de lune des toutespremires oprations dassaut par air de larme franaise, in Marcel Bigeard, Pourune parcelle de gloire, Paris, Plon, 1975, p. 236 et alii.19

    Pascal Le Pautremat, Le commando Georges , Guerres mondiales et conflitscontemporains, vol. 1, n 213, 2004, pp. 95-103.20

    Charles Shrader, op. cit. pp. 211-213.21

    John J. McGrath, Fire for Effect: Field Artillery and Close Air Support in the USArmy, Fort Leavenworth, KA, US Army Combined Arms Center, Combat StudiesInstitute Press, 2008, pp. 95-102.

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    Agreementqui rservait depuis 1948 tous les aronefs lAir Force22. Or,cest notamment travers la voilure tournante que sexprime toute la libertdonne lArmy Aviation23. Prenant en compte lavance doctrinale desMarines, lArmy dcide la cration dune quinzaine de compagnies detransport dotes dhlicoptres [] qui auront pour mission deffectuer desmouvement rapides dhommes, de matriels et dapprovisionnement dansla zone des combats et mme en arrire des lignes ennemies 24. Cestdans ce contexte quil faut comprendre les travaux thoriques du gnralJames Gavin. Ce pionnier de larme aroporte il est lauteur du FM 31-30, premier manuel sur lemploi des parachutistes est nomm aulendemain de la Seconde Guerre mondiale la tte de la recherche et dudveloppement de lUS Army. Sa pense part du constat de la rduction delavantage comparatif en mobilit entre une cavalerie blinde de plus enplus lourde et une infanterie dsormais elle aussi motorise. Cest ce titrequil appelle, dans un article fondateur25

    Alors qu Fort Rucker on exprimente linnovation franaise delhlicoptre arm sur des UH-1 Hueyquips de mitrailleuses

    , la cration dune cavalerievolante , apte retrouver ce diffrentiel de mobilit caractristique de

    larme de la cavalerie dans sa tradition la plus napolonienne.

    26 la causede laromobilit progresse Washington. Trois lments concourent cedveloppement : les ides de Gavin sur une cavalerie aroporte,lexprience franaise en Algrie et la nouvelle doctrine de FlexibleResponsediffuse par Maxwell D. Taylor appelant renforcer les lmentsconventionnels. En consquence, le Secrtaire la Dfense, RobertMcNamara, met sur pied un groupe de travail sur laromobilit prsid parle gnral Hamilton Howze27

    Le premier emploi massif des concepts de Gavin sur le terrain a lieuau Vietnam lors de la clbre bataille de Ia Drang qui montre la fois laforce et les dangers de laromobilit. Cette opration vit un bataillon decavalerie aroporte, command par le Lieutenant-Colonel Moore,sopposer avec succs prs de deux rgiments vietcongs tablis dans lemassif du Chu Pong. Alors que Moore mne une opration dereconnaissance, il dpose ses troupes dans une clairire naturelle idale

    . Ce dernier dcide la cration en fvrier 1963dune unit exprimentale : la 11th Air Assault Division rebaptise en 1965la 1st Cavalry Division (Airmobile) en hommage aux travaux de Gavin.Pendant deux ans, la 11th Division a pour mission dexprimenter,dinnover, de tester, et dvaluer les possibilits de lhlicoptre.

    22Etienne de Durand, Linterarmes aux Etats-Unis. Rivalits bureaucratiques,

    enjeux oprationnels et idologie de la jointness , Focus stratgique, n 3,novembre 2007, p. 10.23

    En 1966, les accords Johnson-McConnell attribuent toutes les voilurestournantes lArmyen change du monopole de lAir Forcesur les ailes fixes.24

    Michel Fleurance, op. cit., Volume 1, Les Hommes, p. 355.25

    James Gavin, Cavalry and I Dont Mean Horses , Harpers, April 1954,pp. 54-60.26

    Elie Tenenbaum, Linfluence franaise sur la stratgie amricaine de contre-insurrection, 1945-1972, mmoire de lIEP de Paris sous la direction de PierreMlandri, Paris, 2009, pp. 105-108.27

    John J. Tolson, Airmobility 1961-1971, Vietnam Studies, United States ArmyCenter of Military History, CMH Pub 90-4, 1989. Accessible ladresse :http://www.history.army.mil/books/ Vietnam/Airmobility/airmobility-ch01.html.

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    pour les hlicoptres. Sans le vouloir, il tombe alors nez--nez avec latotalit du dispositif ennemi qui lencercle et laccable dun feu nourri.Pendant prs de vingt-quatre heures, la ractivit et la flexibilit du conceptaromobile sont soumises rude preuve : tablissant un pont arien avecla base amricaine de Pleiku, les hommes de la 1st Cav finissent parregagner linitiative et disperser les forces vietcongs qui perdent danslaffaire leurs deux rgiments28. Alors que les Amricains interprtent labataille comme la possibilit de mener une stratgie dattrition en saignant lennemi par une srie de batailles similaires 29, cest bien lecontraire qui en rsulte : impressionn par la puissance de feu et la mobilittactique amricaines, le FNL renonce provoquer un nouveau Dien BienPhu et prfre rtrograder sur lchelle de la guerre rvolutionnaire versune phase antrieure reposant sur la subversion et la gurilla30

    Lhlicoptre au prisme de lappui-feu

    . Lenvoi parlUS Armyet le Corps des Marinesde plus de 12 000 hlicoptres au coursde la totalit du conflit porte laromobilit une chelle jamais gale ;pour autant, lerreur dapprciation stratgique commise par les Etats-Unis

    quant la nature de la guerre venir conduit lchec. Au Vietnam,lhlicoptre comme tant dautres systmes darmes ou dinnovationstactiques avant lui, a prouv la validit de la maxime bien connue : strategy trumps tactics every time.

    Lemploi oprationnel des hlicoptres au Vietnam comme appui lamobilit directement sous le feu ennemi trouve ses limites au regard ducot exorbitant de plus de 5000 appareils dtruits pendant le conflit. Ilapparat rapidement que lhlicoptre arm introduit en Algrie ne suffitplus et que la situation exige le dveloppement dune plateforme dappui-

    feu idoine. Ce problme avait t anticip par lArmycomme en tmoignele lancement du programme de recherche Advanced Aerial Fire SupportSystem (AAFSS) ds 1964, cens dboucher sur le premier hlicoptredattaque. Toutefois, alors que lAAFSS peine produire des rsultats, Belldveloppe seul son propre hlicoptre dattaque partir de son modleutilitaire UH-1 Huey, donnant ainsi naissance lAH-1 Cobra en 1967.Produit dans lurgence des combats en Asie, il reprend la motorisation duHuey mais avec un fuselage plus fin, un canon avant et des aileronspermettant lemplacement de roquettes. Dploys au Vietnam ds 1968 oils participent aux oprations suivant loffensive du Tt, les Cobrafont officedAerial Rocket Artillery(ARA), un concept propos Fort Rucker ds la findes annes 1950 mais jamais rellement mis en uvre jusqualors31

    28

    Lannihilation des forces nest pas atteinte, comme le montre lembuscade dulendemain contre le bataillon de renfort de McDade qui cote la vie une centainede GIs. Steven M. Leonard, Forward Support in the Ia Drang Valley , ArmyLogistician, mars-avril 2006, p. 45.

    . Il

    sagit initialement descorter les UH-1 et dappuyer les units au sol, encomplment de la prparation dartillerie avant un assaut. Le systmemanque pourtant de coordination comme le montrent les tirs fratricidesraliss par des Cobralors de la bataille dHamburger Hill en 1969 : tirant plus dun kilomtre sur la base de renseignements issus dobservations

    29Joseph Galloway et Harold G. Moore, We were soldiers once and young,New

    York, Ballantin Books, 1992, pp. 367-368.30

    Mao Zedong, De la guerre prolonge (1938) , Ecrits militaires de Mao Tse-Toung, Pkin, Editions en langues trangres, 1964, p. 262.31

    John J. McGrath, op. cit.

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    ariennes, les Cobra ont, quatre reprises durant cette bataille, attaqudes positions amies, tuant sept soldats et en blessant plus de 5032

    De fait, les observateurs sovitiques au Vietnam tudient lefficacitde lAH-1 Cobra. Jusqualors, les Sovitiques ont dvelopp une doctrinearomobile de niveau tactique grce leur Mi-8 Hip, appareil de transportmultifonction mi-chemin entre le Huey et le Chinook. Lide dunhlicoptre de combat les mne dvelopper le Mi-24 Hind-A, entr enservice en 1973. Arm dun canon 12.7, puis de 30 mm, disposantdailerons capables demporter des roquettes, lappareil est quip dunblindage en titane fournissant une protection complte contre les armes depetit calibre. Il est galement conu pour pouvoir recevoir huit passagers.En cela, il se distingue des programmes amricains dhlicoptresdattaque : l o ces derniers ont t penss comme des chars volants ,

    le Mi-24 quant lui correspond davantage un vhicule de combatdinfanterie volant , mme si, dans les faits, il a peu t utilis pour letransport.

    . Leconcept dARA est supprim en 1972, mais le rle dappui feu deshlicoptres de combat est loin tre abandonn, lOuest, comme lEst.

    33

    Le principal thtre doprations de lArme Rouge pendant cettepriode tant lAfghanistan, cest l que le principe de lhlicoptre decombat est test. Ils y sont trs apprcis par les fantassins dploys sur leterrain qui y voient souvent leur seul appui-feu fiable : les avions dattaqueau sol sont considrs comme trop intermittents dans leurs passages, et lartraction du dispositif ds 1985 rduit la ractivit du soutien dartillerie.Ds mars 1980, dans le cadre de la territorialisation de lArme Rouge,

    chaque district reoit un dtachement de forces spciales [spetsnaz,VDV], un contingent dhlicoptres dattaque [Mi-24] et dappareils detransport [Mi-8, Mi-6]

    34

    On a beaucoup crit sur limpact des Man-Portable Air-DefenseSystems (MANPADS) et notamment des missiles thermoguids Stingerfournis par la CIA aux moujahidin partir du dernier trimestre de lanne1986

    .

    35

    32

    Andrew Krepinevich, The Army in Vietnam, Baltimore, Johns Hopkins UniversityPress, 1986, pp. 256-257.

    . Il faut toutefois nuancer cette image : aprs un certain mouvementde panique, les pilotes de Mi-24 ont su rapidement trouver des contre-mesures efficaces en employant des leurres ou en volant soit trs bas pourbrouiller le systme de guidage, soit trs haut, hors de porte des missiles.Les appareils voluent progressivement de 500 m du sol plus de 2 000 met perdent dautant en prcision et en ractivit, accroissant ainsi lesdommages collatraux et lalination de la population. Les pertes restentcependant limites moins de 350 hlicoptres, dont la moiti avantlarrive des Stinger. Le bilan stratgique des MANPADS est donc moins

    33[1.0] Hind Variants / Soviet Service (http://www.faqs.org/docs/air/avhind1.html)

    34Mriadec Raffray, Sovitiques en Afghanistan, 1979-1989, lArme Rouge

    bouleverse, Cahier de la recherche doctrinale, Centre de Doctrine demploi desForces, Paris, novembre 2008, p. 33. Accessible ladresse : http://www.cdef.terre.de

    fense.gouv.fr/publications/cahiers_drex/cahier_recherche/sovietique_afghanistan.pdf.35George Crile, Charlie Wilsons War: The Extraordinary Story of the Largest

    Covert Operation in History, New York, Atlantic Monthly Press, 2003.

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    brillant quon a parfois voulu le croire dautant plus si lon songe au faitque Gorbatchev avait dcid le retrait dAfghanistan plus dun an avant leurarrive sur le thtre36

    Ds la fin des annes 1970, il semble donc que lhlicoptre aittrouv pleinement sa place en tant quappui incontournable de lamanuvre, quil sagisse de la composante mobilit ou de la composantefeu. Nanmoins, plusieurs limites sont apparues loccasion de cesexpriences. Tout dabord, au Vietnam comme en Afghanistan,lhlicoptre a eu tendance exacerber deux traits fondamentaux [de laculture militaire classique], limpatience et lagressivit

    .

    37, alors mme queles guerres irrgulires o ils taient engags exigeaient du temps et unvritable effort de matrise de la violence. Ensuite, la nature mme de ces guerres en surface na jamais rellement permis de faire sortir leuremploi du cadre tactique pour la bonne raison que la manuvre de niveauopratif y est le plus souvent absente. Enfin, en labsence de troupes

    organiques, et au contraire de larme parachutiste, lhlicoptre reste unearme dappui et non de manuvre, linverse sans doute des notions dAirCavalry de Gavin ou de rvolution hlicoptre de Simpkin38

    Lhlicoptre de manuvre,rvolution inacheve de lart opratif

    , enrfrence la rvolution blinde.

    Le concept sovitique demploi des hlicoptres est beaucoup plusambitieux que ne le laisse supposer la pratique de lArme Rouge enAfghanistan. Plus que nulle autre, en effet, lArme Rouge a pouss larflexion sur les possibilits dune vritable manuvre fonde sur la voiluretournante. Lorigine de cette rflexion se trouve dans les leons tires de laguerre de Kippour par les stratges russes. Ils y constatent la fragilit destanks lgard des nouvelles munitions antichars, Anti-Tank GuidedMunitions(ATGM), ainsi que des avions dappui au sol face au raffinementet ltoffement des systmes de dfense antiarienne. Ainsi, le coupleblinds/aviation sur lequel se fondait tout lart opratif sovitique (commeisralien) depuis la Seconde Guerre mondiale se trouve mis mal. Il endcoule un intrt renouvel pour des plateformes telles que lartillerieautopropulse et les hlicoptres de combat39

    Comme lcrit Richard Simpkin dans son ouvrage sur la guerre de

    manuvre, sil est vrai que les Etats-Unis furent les premiers se ruersur la notion dair cavalry grands cris denveloppement vertical, cefurent les Sovitiques qui, bercs de culture manuvrire, surentrellement saisir la signification de lhlicoptre en crant un corps massif

    .

    36Rodric Braithwaite, Afgantsy: The Russians in Afghanistan 1979-89, London,

    Profile Books, 2011, pp. 204-205.37

    Martin Van Creveld, Command in War, Cambridge, Massachusetts, HarvardUniversity Press, 1985, p. 255.38

    Richard Simpkin, Race to the Swift: Thoughts on Twenty-First Century Warfare,

    Londres, Brasseys Defence, 1985.39Matthew Allen, Military Doctrines of the Major Powers, 1945-1992, Westport CT,

    Greenwood Press, 1993, p. 103.

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    voilure tournante 40. La premire manifestation de cette application a tla cration, au dbut des annes 1980 de vingt brigades dassaut par air,composes dhlicoptres de transport Mi-8 et dhlicoptres de combatMi-24 Hindpuis Mi-28 Havoc( partir de 1989). Possdant leur infanterieorganique, issue des troupes dlite parachutistes (VDV), les brigadesdassaut par air disposaient aussi dune infanterie motorise, galementorganique, compose de vhicules blinds de type BMD, aroportables par avion comme par hlicoptre41. Lensemble de la brigade, soit peuprs 2500 hommes42

    Ces brigades dassaut se situent en cela un niveau tactico-opratifdiffrent de celui des grandes divisions aroportes censes occuper despositions stratgiques, hors de porte des hlicoptres

    , tait cens tre projet sur les arrires des lignesennemies, afin de prendre en tenaille telle ou telle partie du dispositifdfensif occidental, et de lui couper la retraite.

    43. Nanmoins, enprvoyant de les inclure dans les Operational Maneuver Groups(OMG), les

    chefs militaires sovitiques donnent aux hlicoptres un rle de manuvrede niveau quasi-opratif. Ancrs dans la notion dattaque dans laprofondeur caractristique de la pense de Toukhatchevski, les OMGtaient de petits corps darme mobiles censs pntrer en profondeur surles arrires ennemis afin de provoquer un choc oprationnelsystmique 44 (udar) en dsarticulant son dispositif. Or, ces OMG setrouvent vite hors de porte de lartillerie lourde, et leur artillerie organiquene suffit pas45. En consquence, la doctrine sovitique propose lemploides brigades dassaut par air directement auprs des OMG. Au cours de laprogression de lOMG dans la profondeur du dispositif ennemi, la brigadehlicoptre a pour but dattaquer toute formation ennemie reprsentantune menace pour lOMG 46

    40

    Although the United States Army rushed into the air cavalry business with criesof vertical envelopment, it was the Soviets, with manoeuvre theory in their bones,who grasped the true significance built-up a massive body of rotary-wingtechnology inRichard Simpkin, op. cit., p. 47.

    . Ce modle sovitique de brigades dassautpermet donc de faire de lhlicoptre une arme de manuvre au senspropre en mettant en avant sa capacit unique rester

    41Bien que dvelopps initialement pour tre parachuts par avions cargo au

    niveau stratgique, ces blinds lgers aroportables sont galement pensspour tre transports un niveau tactico-oprationnel par les normeshlicoptres cargo de type Mi-6 ou Mi-26. Le concept drivant de ce principedemploi dun hlitransport de matriel lourd fut nomm Airmechanization parles Amricains qui tentrent ensuite de lappliquer leur dispositif. Pour plus dedtails, lire David L. Grange, Richard D. Liebert, Chuck Jarnot, Airmechanization , Military Review, juillet-aot 2001, pp. 10-21.42

    Herman S. Heath, The Soviet Air Assault Brigade: vertical dimension of theoperational maneuver group, Carlisle Barracks, US Army War College, PA, 1989,p. 7.43

    Matthew Allen, Military Helicopter Doctrines of the Major Powers: MakingDecision about Air-Land Warfare, Londres, Greenwood Press, 1993, p. 103.44

    Sur cette conception de choc systmique, lire Shimon Naveh, In Pursuit of

    Military Excellence, London, Cummings Center Series, Routledge, 1997.45Matthew Allen, op. cit., p. 95.

    46Matthew Allen, op. cit., pp. 95-96.

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    oprationnellement rattach au sol, sans en dpendre pour sondplacement 47

    Sil ne pousse pas aussi loin lhlicoptarisation de la

    manuvre, le modle occidental participe lui aussi dans les annes 1970et 1980 une orientation vers un appareil de manuvre et non plus deseul appui. Alors que la rflexion post-Vietnam de lUS Army dboucheds 1973 sur la cration du Training and Doctrine Command (TRADOC) etle recentrage sur le thtre europen, les progrs de lhlicoptredattaque arrivent point nomm dans la redfinition des conceptsdemploi permettant ainsi le vote du Congrs cette mme anne delAdvanced Attack Helicopter Program (AAHP) dont est issu lAH-64Apache

    .

    48

    Les progrs constats lors de la guerre de Kippour en matire

    dATGM sintgrent parfaitement au contexte de la supriorit sovitique envhicules blinds en Europe. Demble, lhlicoptre dattaque apparatcomme le support idal pour ce type darmement en tir direct, palliantefficacement les problmes dintervisibilit au niveau du sol

    .

    49

    Il faut attendre la dcennie suivante avec la doctrine beaucoupplus offensive de lAirLand Battle (1982) et la notion de frappe dans laprofondeur (deep attack) pour voir les capacits de manuvre delhlicoptre entirement reconnues. Mme si les hlicoptres ne sontpas inclus dans la version initiale dAirLand Battle, du fait du manquedautonomie des Cobra, larrive des premiers AH-64 (1984) permet decrdibiliser leur mission denveloppement vertical laquelle taientattachs les thoriciens de la maneuver warfare

    . En ce sens,la nouvelle doctrine Active Defense, adopte en 1976, offre auxhlicoptres dattaque le rle central de ralentir voire de stopper lavancedes divisions blindes de lArme Rouge. En revanche, les notionsdaromobilit et dassaut par air sont dnigres, car trop lies la contre-insurrection des annes soixante et juges intenables dans le contextehyper-mcanis du thtre europen le concept sovitiquedAirmechanization nest appropri que tardivement par les forcesamricaines.

    50, rhabilitant de ce faitla notion dassaut par air51

    47

    Richard Simpkin, op. cit., p. 130.

    . Dsenclav de son rle strictement antichargrce au passage une stratgie de manuvre offensive, lhlicoptreacquiert enfin un statut darme de combat.

    48 The attack helicopters unique ability to provide precise close in fires to the

    engaged infantryman is essential , selon les termes du gnral Creighton Abramsau Congrs des Etats-Unis en avril 1973, cit in John J. McGrath, op. cit., p. 136.49

    Le terme dintervisibilit renvoie aufait quun point soit visible partir dun autrepoint, sans obstacle visuel, typiquement, un vhicule antichar ne peut pas tirer delautre ct de la colline sans un observateur avanc il suffit lhlicoptre deslever en altitude pour se jouer de lobstacle la vise. Matthew Allen, op. cit.,pp. 22-23.50

    Etienne de Durand, Maneuver Warfare, entre Vietnam et Transformation in

    Christian Malis (dir.), Guerre et Manuvre. Hritages et renouveaux, Paris,Economica, 2009, pp. 67-87.51

    Matthew Allen, op. cit., pp. 42-43.

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    Sur le plan organisationnel, ce rle renforc de lhlicoptre setraduit par des changements de structure dont le plus vident est lanaissance de lArmy Aviation Branch en 1983. Cette mancipation delArmy Aviation, jusqualors rattache lartillerie, tablit dfinitivementlhlicoptre comme arme de manuvre52. Par ailleurs, le modle deforce Division 86 propos par le gnral Starry plaide en faveur de lacration de brigades daviation composes chacune de deux bataillonsdhlicoptres dattaque (jusqu 36 AH-64 Apache) et dun bataillon detransport (24 UH-60 Black Hawk) avec son infanterie organique. Cemodle dunits hlicoptres spcialises dans la manuvrearoterrestre se rpercute au niveau divisionnaire : la 101st AirborneDivision (Air Assault) devient le fer de lance de la manuvrearoterrestre. En France, la cration en 1984 de la 4e Division Aromobileprocde, avec des moyens plus rduits, du mme principe demploi.Dune manire gnrale, il sagit de librer ces units de la combinaisoninterarmes53

    Malgr ses attraits thoriques et doctrinaux, ce principe demploimanuvrier na jamais t rellement appliqu pour des raisons la foispolitiques et oprationnelles qui ne permettaient pas de risquer un telgambit. En 1991, lors de la guerre du Golfe, la 101st Airborne voit danslopration Desert Storm loccasion rve dappliquer les principesdAirLand Battle. Place en flanc-garde lextrme gauche du dispositifalli, elle est cense couper la route de Bagdad, principale ligne de replides divisions blindes irakiennes fuyant vers le Nord. Arriv surlEuphrate, le gnral Binnie Peay commandant la 101st prvoit detransporter une brigade entire par-del lEuphrate au moyen de Chinooket de Black Hawk et de la dposer au nord de la ville principale[Bassorah]

    qui exige de caler le tempo des oprations sur les vhicules

    les plus lents, faisant ainsi perdre lhlicoptre son diffrentiel demobilit en le cantonnant souvent un rle dappui-feu. A linverse, degrandes formations reposant entirement sur des voilures tournantesconstituent un instrument de manuvre de premier ordre lchelonopratif : palliant leur vulnrabilit par leur vitesse, ce type dunitssemble mme dintroduire dans la bataille la mme arythmie quavaientpu produire en leurs temps la cavalerie napolonienne ou lespanzerdivisionende Guderian.

    54

    52

    Il est dailleurs list en tant que tel dans le FM 100-5 Operationsde 1986. JohnJ. McGrath, op. cit., p. 137.

    . Indite dans lhistoire de la guerre, cette propositionapparat trop risque au gnral Luck, commandant du XVIIIe CorpsAroport comme au gnral Schwartzkopf, la tte de la Coalition. En

    dehors du risque li la perte dune telle armada (la 101

    st

    pesant elleseule plusieurs milliards de dollars), des problmes srieux taientapparus ds les premiers jours des oprations au sol. Tout dabord, laquestion de la maintenance se rvle plus problmatique que prvue, lesable venant simmiscer dans le moindre mcanisme, la chaleurprovoquant la surchauffe des moteurs et surtout la mauvaise rpartition

    53Au lendemain de la guerre du Vietnam, les hlicoptres sont intgres dans des

    divisions interarmes dites Triple Capabilitiesou TRICAP. Cest notamment le casde la 1

    stCavalry Division au sein de laquelle coexistent trois capacits (blinds,

    aromobilit, arocombat).54Michael R. Gordon et Bernard E. Trainor, The Generals War, Boston, Little

    Brown and Company, 1995, pp. 403-407.

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    des Rapid Refuel Points ralentissent considrablement la manuvre55.Par ailleurs, lorsque les hlicoptres de lArmy parviennent gagnerllan suffisant pour prendre de vitesse les divisions blindes, ils tendent provoquer un imbroglio interarmes, obligeant lAir Force repousser laFire Support Coordination Line (FSCL), cest--dire la ligne au-del delaquelle elle peut oprer sans risque de tirs fratricides. Ce type decomplication entran par le tempo spcifique des hlicoptres provoqualire du gnral Chuck Horner, en charge des oprations ariennes, quitint la 101st Airborne pour responsable de ce que lAir Force ne putempcher une partie de la garde nationale de se replier vers Bagdad56

    Une autre occasion manque demploi oprationnel delhlicoptre a lieu en avril 1999, en marge de lopration Allied ForceauKosovo, lorsque les Etats-Unis prvoient un temps de dployer unbataillon dhlicoptres Apache pour les engager directement contre lestroupes de Milosevic. La Task Force Hawkcomporte alors plus de 6 000

    hommes, 24 hlicoptres, une batterie Lance-Roquettes Multiples (MLRS)et 26 000 tonnes dquipement, achemins en Albanie au prix de prs de500 millions de dollars. Au contraire de la proposition de Peay lors deDesert Storm, la mission ne correspond plus au modle de manuvrearoterrestre prvu par la doctrine. Envisags comme complments deprcision de la puissance arienne, les Apachesont censs prolonger lesfrappes de lAir Force sans aucun dbarquement au sol. Nanmoins,aprs avoir perdu deux appareils rien qu lentranement, le HautCommandement soppose finalement leur dploiement, confirmant unefois de plus la frilosit de la hirarchie lgard des missions hautrisque pour les hlicoptres

    .

    57

    De fait, la seule vritable exprience de combat dune forcehliporte au cours de la dcennie rside dans lopration Gothic Serpent Mogadiscio en 1993, avec le dploiement par le Joint Special OperationCommand (JSOC) dune force de seize MH-60 Black Hawk et AH/MH-6Little Birdet leurs troupes organiques. Employs en milieu urbain, bassealtitude et en vol stationnaire soit loppos de ce que prconise ladoctrine de lpoque , les appareils se rvlent particulirementvulnrables comme en tmoigne la perte de deux dentre eux en quelquesminutes

    .

    58

    55

    A ce propos lire Major E. J. Spinella, USMC, Helicopter Support In Desert Storm:Fixes Are In Order!, Washington, Combat Studies Center, 1993.

    . Cette opration semble annoncer pour un temps la fin delhlicoptre de manuvre pour un retour vers un emploi plus modeste, enaccord avec les priorits de lpoque donnes au maintien de la paix et

    aux oprations de stabilisation complexes.

    56Michael R. Gordon et Bernard E. Trainor, op. cit., pp. 411-412.

    57Etienne de Durand, Les transformations de lUS Army , Etudes de lIFRI, n 1,

    juillet 2003, p. 35.58Mark Bowden, Black Hawk Down: A Story of Modern War, New York, Atlantic

    Monthly Press, 1999.

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    Crise capacitaire etquestionnement doctrinal

    hlicoptre sest graduellement impos comme une composante cl dela manuvre aroterrestre. Il a dans un premier temps soutenu les

    forces terrestres, puis appuy leur action, avant de prendre part directement la manuvre dont il a considrablement acclr le rythme et tendu la

    zone daction. A la faveur de lvolution du contexte stratgique, on a pu uninstant sinterroger sur la pertinence de lhlicoptre dattaque, alors mmeque lhlicoptre de transport faisait la preuve de son caractreindispensable sur tous les thtres dopration. Le durcissement des conflitsa cependant conduit un retour en force de lhlicoptre dattaque, maisselon des modalits diffrentes de celles qui avaient t initialementprvues. Cette forte sollicitation du vecteur aromobile na cependant past anticipe par les Etats occidentaux qui prouvent de relles difficults disposer de parcs adapts et suffisants. Les forces armes, pour leur part,sattachent optimiser lemploi et lorganisation de leurs forces aromobiles,tout en faisant progressivement voluer leurs doctrines.

    Le difficile dpassement des hritages

    La longue dure de dveloppement industriel et oprationnel delhlicoptre rend cette arme, davantage encore que dautres, tributaire desconceptions politiques et stratgiques hrites du pass. La fin de la guerrefroide nous a donc lgu un outil aromobile rutilant mais confront desdfis considrables tant dans les domaines oprationnels que capacitaireset technologiques.

    Des parcs en transition

    Le dveloppement et la mise en service dun hlicoptre de combat

    nchappent pas aux difficults inhrentes la production et lutilisationdes matriels militaires dont la principale caractristique est ltalementdans le temps. Cependant, la complexit de ce systme darmes et le poidsdes enjeux financiers et politiques induits rendent le processus encore plusdlicat. Entre lexpression du besoin dun hlicoptre, la signature delaccord de production et la livraison des premiers appareils, plusieursdcennies peuvent scouler. A ceci, il faut ajouter les dlais de production,afin datteindre la cible commande, et le temps de mise en service desappareils qui peut, l encore, atteindre plusieurs dcennies. Dans le mmetemps, il faut tenir compte de deux paramtres primordiaux : levieillissement des appareils issus des flottes prcdentes et lorganisationdune transition au moment opportun dune part, et ladaptation du nouveausystme lenvironnement conflictuel dautre part.

    L

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    Du fait de ce processus ancr dans la longue dure, les plateformesactuelles et en cours dacquisition sont largement hrites des annes1980 et des concepts demploi lis la guerre de manuvre voqueplus haut, concepts qui orientaient les forces hliportes vers une actionautonome et en profondeur. Ce paradigme sest traduit par la constitutionde parcs diviss en deux grandes catgories dappareils. Dun ct leshlicoptres dits de manuvre59 (HM) ou Utility Helicopter(UH), de lautreles hlicoptres dont la vocation premire tait lpoque lareconnaissance, la protection, lattaque et en particulier le combat antichar.Aux Etats-Unis, lhlicoptre AH-64A Apache est lun des premiershlicoptres dattaque dvelopp dans cet esprit60, suivi en 1983 par lA-129 Mangusta italien61

    Ns de cette priode de haute comptition internationale, lesappareils sont conus dans une optique de prouesses technologiques. Laperformance est recherche dans tous les domaines : vitesse, avec ledveloppement dappareils plus rapides (et plus furtifs) comme le Ka-50Hokum russe qui peut atteindre la vitesse de 350 km/h

    . La France, quant elle, amorce des discussionsavec lAllemagne ds 1975 et dcide en 1989 de dvelopper conjointementce type dhlicoptre, donnant ainsi naissance au groupe Eurocopter et auprogramme Tigre.

    62

    Nanmoins, lvolution la plus marquante est lie au dveloppementde larmement. Lhlicoptre devient un systme darmes intgrant latotalit des moyens dacquisition (tlmtrie laser, optiques, camra IR) etde traitement des cibles (canon, roquettes, missiles). LAH-64A Apacheestpar exemple amlior dans les annes 1990 par une version AH-64Dquipe du radar mont sur mt Longbow. Ce dernier est capable dedtecter et de suivre jusqu 256 cibles diffrentes, quelles que soient lesconditions mtorologiques et dobscurit. Il permet ainsi de mettre enuvre des munitions de type tire et oublie comme le missile Hellfire.Les Britanniques ont dailleurs fait le choix dacqurir cet appareil construitpar Boeing, assembl sous licence en Grande-Bretagne par UK Westland.

    avec ses deuxrotors coaxiaux contrarotatifs ; navigabilit tout temps, qui permet de volerde jour comme de nuit dans des conditions mtorologiques dgrades,une dimension qui tait longtemps reste la faiblesse de lhlicoptre ;protection enfin, avec lAH-64A Apache qui peut dtecter et brouiller lesradars ennemis et qui, en plus dtre en partie blind, rsiste auxdommages causs par des munitions pouvant aller jusquau calibre 23 mm.

    Toutefois, cette nouvelle gnration dhlicoptres est dveloppedans loptique dun combat de haute intensit en centre-Europe face unearme classique dont le char est le fer de lance. Or, avec leffondrement dubloc de lEst souvre une priode de transition caractrise par lmergenceou la rmergence de menaces asymtriques sefforant prcisment de

    59Type UH-1 dans ces diffrentes versions, UH-60 Black Hawk- Mi-6 et Mi-8 chez

    les Sovitiques Puma puis Super Puma dans laviation lgre de larme deTerre franaise.60

    Programme Advanced Attack Helicopter (1970-1981).61

    Patrick Facon, Hlicoptres militaires. Des premiers vols la deuxime guerreduGolfe, Paris, ETAI, 2005.62

    Ibid., p. 149 et p. 152.

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    contourner la matrise technologique et la puissance de feu des armesoccidentales 63

    Des plateformes dcales mais adaptables

    . Dans ces conditions, on peut sinterroger sur la pertinencede telles plateformes et leur adaptation aux conflits contemporains.

    Force est de constater que les conditions oprationnelles dans lesquelleslhlicoptre de nouvelle gnration a t employ au cours des dixdernires annes ne correspondent pas au cadre pour lequel il a tpens.

    Sur le plan technique tout dabord, les oprations auxquellesparticipent les armes occidentales se droulent dsormais pour lamajeure partie dans ce que le thoricien Shimon Naveh a qualifidespaces stris (montagne, jungle, ville) par opposition aux espaceslisses pour lesquels avait t pense la guerre de manuvre des annes

    198064

    Sur le plan oprationnel ensuite, ces difficults viennent sajouter la nature du combat asymtrique qui sefforce de contourner la puissancedes armes occidentales. Vhicules blinds abrits dans les maisons ouembosss dans les palmeraies, tireurs isols dissimuls dans les villes etles villages, bandes armes tapies dans la vgtation ou cherchant laprotection naturelle de la montagne, plateformes de lancement accolesaux btiments publics, armement lger dinfanterie dissmin sur le terrainet parmi la population, etc. autant de menaces auxquelles les moyenslectroniques de dception et de contremesures ne rpondent pasforcment.

    . Ce cadre oprationnel prsente bien des aspects hostiles lemploi de lhlicoptre. Vols de nuit en haute montagne, chaleur extrme,poussire et vents de sable, prdominance des zones urbaines etpriurbaines exercent de lourdes contraintes sur les appareils et mettentparfois en vidence les limites de leur utilisation. Puissance insuffisante enraison de laltitude, autonomie restreinte, pertes frquentes de rfrenceau sol, risques engendrs par les obstacles naturels et artificiels,surchauffe des moteurs, manque de visibilit ont de fait provoqu enAfghanistan comme en Irak un nombre significatif daccidents et souvententrav les oprations de ravitaillement.

    Enfin, sur le plan politico-stratgique, la disparition dune menacesymtrique de grande ampleur a entran avec elle la fin dune certaineconception traditionnelle de la guerre impliquant le territoire et donc desintrts vitaux. Dsormais, les armes occidentales livrent des guerreslimites65

    63

    Arnaud de la Grange et Jean-Marc Balencie, Les guerres btardes. CommentlOccident perd les batailles, Paris, Perrin, 2008.

    engageant des enjeux et des ressources galement limits. Enretour, leurs adversaires, trs infrieurs matriellement, acceptentnanmoins laffrontement car ils sont le plus souvent engags dans des

    64Shimon Naveh, Between the striated and the smooth: Urban enclaves and

    fractal maneuvers , Conference lectured at the symposium Arxipelago of

    Exceptions. Sovereignties of Extraterritoriality, CCCB, 10-11 novembre 2005.65Hew Strachan, Les armes europennes ne peuvent-elles mener que des

    guerres limites? , Politique trangre, n 2, 2011.

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    luttes mort. Ainsi, le dsquilibre des enjeux et des motivationscompense la supriorit technologique et matrielle et leur permetdexploiter les faiblesses politiques occidentales. Ayant presquesystmatiquement recours des postures et des modes dactionasymtriques, ils cherchent replacer le combat au niveau delaffrontement des volonts66

    Dans ces conditions, les modes daction (enveloppement vertical,manuvre dans la profondeur) mettant en uvre des divisions ou des

    brigades aromobiles agissant de manire centralise afin daffaiblir ledeuxime chelon des forces ennemies ne semblent plus appropris pourcontrer une menace diffuse et multiforme, dont la premire caractristiqueest bien souvent la dispersion.

    et non des arsenaux en ciblant nosvulnrabilits : pertes militaires, dommages collatraux, incapacit protger les populations civiles. Ces adversaires se prsentent souventsous la forme de groupes arms pratiquant la gurilla, mais il peut aussisagir de forces constitues tatiques ou para-tatiques comme leHezbollah, qui disposent de savoir-faire sophistiqus et de capacitslgres significatives, et qui sen servent pour conduire un affrontement hybride mlant combat de haute intensit et gurilla.

    Laccumulation de ces trois types de difficults peut conduire unerduction de la survivabilit de lhlicoptre en rendant plus risquscertains de ses procds de combat et de tir comme le vol basse altitudeet le vol stationnaire, procds qui avaient pour vocation premiredchapper la couverture radar ennemie double dun rseauparticulirement dense de moyens sol-air. Pour autant, et mme si la

    ralit de ces dcalages ne doit pas tre obre, les hlicoptres dattaquehrits de la guerre froide ont t adapts au nouvel environnementconflictuel.

    A titre dexemple, les forces armes britanniques ontimmdiatement ragi aux problmes poss par laltitude et lestempratures leves de lAfghanistan en procdant la remotorisation enurgence du LynxMk9 dans le Helmand au cours de lt 2002.

    Les Etats-Unis ont quant eux tenu compte de lvolution delenvironnement stratgique en mettant un terme au dveloppement du

    RAH-66 Comanche en 2004. Ultramoderne et furtif, cet hlicoptresinscrivait dans la logique de la course linnovation technologique que selivraient les deux blocs mais aurait accapar une partie importante desbudgets de lArmy. En revanche, les Etats-Unis ont choisi de revaloriser la famille Apache par la version Longbow Apache Block III (AB3) quidispose de systmes de traitement de donnes et de moyens detransmissions plus performants, ainsi que de capacits de tir accrues. LesAmricains nenvisagent son remplacement qu lhorizon 2020 par unnouvel hlicoptre dattaque multirle connu sous le nom de Joint Multi-Role Rotorcraft(JMR).

    66Steven Metz, La guerre asymtrique et lavenir de lOccident , Politique

    Etrangre, n 1, 2003, p. 31.

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    La France, enfin, a galement tenu compte de ces volutions.Lhlicoptre Tigre, dvelopp par Eurocopter, en coopration aveclAllemagne, tait initialement command dans une version anti-char (HAC)et appui protection (HAP), toutes deux penses en fonction de la menacedu moment. La France a transform sa version antichar en une versionmultirle appele appui destruction (HAD) dont le spectre de missionstendu correspond davantage aux menaces rencontres actuellement67

    Par ailleurs, lhlicoptre dispose galement de caractristiquesintrinsques qui en font un atout performant dans le nouveau cadredengagement. Sa rapidit, en premier lieu, assure une ractivit maximalepermettant ainsi de compenser la faible prsence sur le terrain rsultatcombin dun thtre tendu et deffectifs rtracts.

    . Aterme, les HAP devraient tre rtrofits en HAD.

    De plus, ses capteurs modernes lui offrent des capacits dedtection prcoce de la menace, meilleure garantie dune bonnecouverture de zone, et donc de contrle de lespace. De plus, lapuissance de feu exerce depuis la troisime dimension permet, grce la varit des armements embarqus, dassurer un appui prcis etsouvent suffisant aux petites units au contact. Plus encore, elle peutconstituer un instrument de dissuasion considrable face un ennemilgrement arm, comme on a pu le voir dans lengagement sur les pontsdAbidjan en avril 201168

    La mobilit ensuite, assure notamment par les appareils detransport et de manuvre permet de pallier le dfaut de mobilit du combat

    dinfanterie dbarqu

    .

    69

    Utilisation intensive et dficit capacitaire

    et den scuriser la logistique si ncessaire, il peutgalement scuriser les mouvements pendulaires inhrents uneempreinte logistique souvent importante. Sans pour autant revenir autemps des taxis volants des guerres dAlgrie et du Vietnam, il est viteapparu que cette composante essentielle constituait lun des seuls moyensde compenser, au moins partiellement, lvanescence de la menaceinsurge.

    Depuis dix ans, lengagement des forces occidentales sur de nombreuxthtres a men une utilisation intensive de lhlicoptre qui a rvl desrieuses carences capacitaires au sein des flottes concernes. Ainsi, lesexigences oprationnelles de la mission de lOTAN en Afghanistan ont misen vidence linsuffisance des moyens aromobiles de la coalition, au pointquen 2009 les Amricains ont eux-mmes demand expressment leursallis franais, allemands, italiens, espagnols et turcs de contribuerdavantage afin de renforcer la flotte de leurs propres appareils 70

    67

    Voir tableaux en annexe.

    . Cette

    68Jean-Philippe Rmy, Cte dIvoire : la France frappe au cur du dispositif

    Gbagbo , Le Monde, 11 avril 2011.69

    Pierre Chareyron, Hoplites numriques. Le combat dinfanterie lge de

    linformation , Focus stratgique, n 30, avril 2011.70Sally McNamara, NATO Allies in Europe Must Do More in Afghanistan , The

    Heritage Foundation, Backgrounder n 2347, dcembre 2009.

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    demande nayant pas t suivie deffets pour des raisons tant politiquesque budgtaires la situation a t suffisamment grave pour que lonenvisage un temps de se tourner vers les Russes pour combler le foss71

    En 2004, lUS Army Aviation dispose de 4475 hlicoptres, lUSNavyen compte 662, lUS Marine Corps720, lUS Air Force 198

    .Ces exemples donnent une bonne ide de la tension capacitaire qui existeaujourdhui autour de la question de la voilure tournante. Ils appellentgalement une analyse plus dtaille de ltat des principaux parcsoccidentaux.

    72

    Toutefois, en 2004, alors que les forces amricaines sontimpliques sur deux thtres dopration, en Afghanistan et en Irak, un

    rapport du Congressional Research Service

    . Au total,les forces armes amricaines disposent donc de plus de 6000 appareilssans compter ceux des Coast Guards. Ces chiffres tmoignent delimportance majeure accorde au vecteur aromobile par les forcesarmes amricaines. Dans lUS Army, chaque division dactive et derserve dispose de ses hlicoptres ddis, les Combat Aviation Brigades(CAB). Chacune de ces brigades est constitue de bataillons quips dun

    type particulier dhlicoptre. Bataillon de soutien, bataillon dappui (UH-60Black Hawk et CH-47 Chinook), bataillon -dassaut (UH-60 Black Hawk),bataillon lger attaque/reconnaissance (OH-58D Kiowa Warrior), bataillonlourd attaque/reconnaissance (AH-64 Apache). A ces brigades, il fautajouter le cas spcifique de la 101st Airborne Division (Air Assault), lergiment dhlicoptre des forces spciales, quelques Air CavalrySquadrons rattachs des units de cavalerie blinde et les TheaterAviation Brigadesen mesure de renforcer les CAB.

    73

    met en vidence lesfaiblesses dune flotte lies une trop grande disparit de plateformes enservice et dont la conception remonte pour la majeure partie aux annes1960 et 1970. La gamme dappareils stend de lUH-1 Huey, presquevtuste, aux aronefs les plus innovants comme lAH-64ABIII. Le rapportprconise une adaptation et une modernisation des flottes de chacune desarmes. Trois ans plus tard, un rapport manant du Congressional BudgetOffice74

    Ce sont donc le gigantisme des structures, labondance desmoyens et la technicit de plateformes qui caractrisent dabord les forceshliportes amricaines. Cette supriorit quantitative, longtemps doubledune avance technologique, explique que les forces amricaines aient,dans ce domaine comme dans dautres, fait figure de rfrence, y compris

    constate quen dpit de la modernisation de certains appareils etde leur remplacement, lUS Army doit mettre en uvre un plan demodernisation gnral de ses hlicoptres stendant jusqu lhorizon2030, pour un cot moyen annuel estim 3,3 milliards de dollars.

    71Tom Balmforth, Russia considers NATO request for helicopters in Afghanistan

    campaign , The Telegraph, 23 dcembre 2009.72

    Christian F. M. Liles et Christopher Bolkcom, CRS Report for Congress, MilitaryHelicopter Modernization: Background and Issues for Congress, CongressionalResearch Service, The Library of Congress, 24 juin 2004.73

    Ibid.74Congressional Budget Office, Modernizing the Armys Rotory-Wing Aviation

    Fleet, novembre 2007.

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    en matire de doctrine. En ce sens, mais galement en raison delexprience oprationnelle accumule depuis dix ans par larmeamricaine, il convient de suivre avec attention les derniersdveloppements doctrinaux aux Etats-Unis.

    Larme britannique dispose au total dun peu moins de 500appareils. Engage depuis dix ans dans des oprations de guerreintensives en Irak et en Afghanistan, alors mme quelle a subidimportantes coupes budgtaires depuis la fin des annes 1990 75, elledoit consentir de gros efforts organisationnels et financiers afin dertablir des capacits aromobiles dficientes. Cette situation expliquepourquoi, face aux critiques grandissantes dnonant le dficit en moyensaromobiles, le Comit de Dfense de la Chambre des Communes76 amis, ds 2008, plusieurs recommandations au gouvernement. Il ysouligne le rle dterminant de lhlicoptre, allant jusqu le prsentercomme un outil cost effective77 du fait de sa capacit accrotre

    limpact oprationnel des autres composantes des forces armes. Lerapport met en exergue linsuffisance dhlicoptres de transport, moyenset lourds, ainsi que linadaptation dun nombre important de plateformesen raison de leur ge ou tout simplement des contraintes imposes par lemilieu physique (chaleur et altitude). Le rythme lev des oprationsimpose de disposer dune flotte importante. Cr en 1999, le JointHelicopter Command sefforce de maintenir la disponibilit dun parc de35 hlicoptres au profit des troupes britanniques dployes dans laprovince du Helmand. Un tiers de la flotte, soit prs de dix hlicoptres,est en effet conserve en rserve pour les oprations dentretien, afin queles deux tiers restant soient disponibles pour les oprations de guerre 78

    Larme de Terre franaise possde quant elle environ 350hlicoptres, larme de lAir et la Marine en comptent approximativement80 chacune, la Gendarmerie 54 et la scurit civile 36

    .La disponibilit des appareils dpend galement en grande partie dupersonnel qualifi affect son entretien et de la vitesse dacheminementde pices de rechange, quune logistique flux tendus peine honorer.

    79. Toutefois, commele rappelle un rapport dinformation parlementaire sur laromobilit, unepartie importante des appareils appartiennent une autre gnration80. Defait, 70% des appareils ont plus de trente ans81

    75 Pierre Chareyron, Les armes britanniques. Un modle en crise , Focusstratgique, n 23, juil let 2010.

    et la disponibilit moyenneest de lordre de 60%. Entre 2011 et 2016, laromobilit franaise est

    76House of Commons Defence Committee, Helicopter capability: Eleventh Report

    of Session 2008-09, HC 434, Londres, House of Commons, 16 juillet 2009.77

    Ibid.78

    Entretien avec le Colonel Hogan, officier de liaison britannique au Centre dedoctrine demploi des forces (CDEF).79

    Arme de Terre, LAviation lgre de larme de Terre en 2010 , Lettredinformation du CEMAT, n 5, mai 2010, p. 4.80

    Commission de la Dfense nationale et des forces armes, Rapportdinformation sur laromobilit, Paris, Assemble nationale, n 666, 30 janvier2008, accessible ladresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-

    info/i0666.asp#P256_34380.81Interview du Gnral Baratchart, Commandement Interarmes des Hlicoptres,

    Armes dAujourdhui, 2010.

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    appele connatre une priode de vide capacitaire correspondant auretrait du service dun certain nombre dappareils, la rnovation dunepartie de la flotte et larrive tardive dhlicoptres de nouvelle gnrationcomme le NH 90 et le Tigredont les derniers modles ne seront pas livrsavant 2020.

    Dans le mme temps, les forces armes franaises doivent faireface une sollicitation croissante en matire daromobilit rsultant delvolution du contexte dengagement. Au moment de la finalisation durapport dinformation parlementaire de 2008, les forces armes franaisesdploient 78 hlicoptres82

    Enfin, en plus des oprations caractre purement militaire,viennent sajouter dsormais les missions lis au terrorisme, auxcatastrophes humanitaires ou aux risques technologiques qui font appelaux moyens des forces armes, capables de concourir la fois auxmissions de dfense et de scurit. Laromobilit figure bien videmmenten tte de cette liste et de nombreux hlicoptres sont mobiliss chaqueanne. En 2009, larme de Terre a ainsi dploy un groupementaromobile de 12 hlicoptres de manuvre et deux Gazellepour assurer

    la protection du sommet de lOTAN Strasbourg. Tous moyensconfondus, chaque jour, plus de 50 appareils sont en alerte dans le cadredes diffrents plans de secours et de scurit actifs sur le territoirenational.

    hors de la mtropole sur six thtresdopration diffrents (Cte dIvoire, Afghanistan, Bosnie, Kosovo, Tchad,Rpublique centrafricaine). En 2011, la France en dploie plus de 100,dont 13 en Afghanistan ce qui ne permet pas, nanmoins, aux troupesfranaises de conduire une opration hliporte sans laide amricaine ,et une quinzaine dappareils en Libye pour une dure encore inconnue.

    Dans ces conditions, les hlicoptres de nouvelle gnration qui arrivent aufur et mesure sont dj soumis une utilisation intensive.

    Tributaire de cycles longs, lhlicoptre doit donc ncessairementpasser par des phases dadaptation. Toutefois, lincertitude qui caractrisele contexte stratgique ne remet nullement en cause son utilit, confirmepar son emploi intensif et les enjeux capacitaires . Dans ces conditions, ilest impratif dassurer une gestion des parcs qui permette de conduire cesadaptations tout en rpondant aux nouveaux besoins rvls par lesoprations rcentes.

    Les enseignements des oprations rcentes

    Afghanistan, Irak, Cte dIvoire, Libye, lactualit rcente tmoigne dunedouble ralit. Si laromobilit simpose comme lun des moyens cl desinterventions contemporaines, on assiste toutefois en parallle unrepositionnement de lhlicoptre au sein des forces terrestres. Les conflitsrcents ont en effet redonn toute leur pertinence des savoir-fairedvelopps quarante ans auparavant et ont en sens inverse mis en lumireles limites de certains concepts hrits de la fin de la guerre froide, enparticulier le raid dans la profondeur et la manuvre denveloppement de

    8233 hlicoptres lgers ou dattaque, et 45 de manuvre.

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    niveau opratif. Ces rajustements nindiquent dailleurs pas tant linanitde ces concepts que leur inadquation au contexte dengagement actuel.Dans ce processus dadaptation ractive, il appartient ici de remettre enperspective les principales mutations survenues depuis dix ans.

    Le choc de Kerbala

    Il serait hasardeux de tirer des enseignements dfinitifs des engagementsdIrak et dAfghanistan. Toutefois, en raison de leur caractre spcifique etde leur longvit, il est indniable que ces deux conflits ont conduit lesforces occidentales sinterroger sur la pertinence de certains modesdaction se rvlant peu adapts aux circonstances. Lhlicoptre na paschapp cette rgle, comme en tmoignent les principauxenseignements dgags par les forces armes amricaines sur ces deuxthtres dopration.

    Ds la phase initiale de lopration Iraqi Freedom, les forcesterrestres amricaines et britanniques identifient laromobilit comme undes lments permettant datteindre lobjectif dune campagne clairsupposant un rythme de progression trs lev jusqu Bagdad. Prvuespar la doctrine AirLand Battle, les attaques hliportes dans la profondeurmontrent pourtant rapidement leurs limites. Ainsi, le 23 mars 2003, le 11meRgiment dHlicoptres dAttaque conduit un raid dans la profondeur,avec le volume de deux bataillons dhlicoptres, dans le but de dtruire ladivision Medina de la Garde rpublicaine irakienne. Lopration est unchec cinglant : un seul hlicoptre parvient atteindre la zone o setrouvent les objectifs mais doit se replier devant des feux nourris ; sur lestrente AH-64 Apacheparticipant lopration, un est abattu et 29 fortement

    endommags83. Cet chec est sans doute dabord imputable linsuffisance de la prparation, quil sagisse de renseignement, dappui feuarien ou de manque de coordination d au rythme lev des oprations. Ilmet galement en vidence les efforts dadaptation des forces irakiennesqui, contrairement la premire guerre du Golfe, ont compris lintrt dunedispersion des moyens et dune dfense dans la profondeur. Deux joursplus tard, un raid hliport est dailleurs conduit par la 101st AirborneDivisionau Nord de Kerbala avec plus de succs84

    Toutefois, il faut bien reconnatre que le raid du 23 mars a chou mettre en forme (shaping operation) le champ de bataille et susciter

    un choc opratif au sein du commandement irakien. A linverse, il areprsent un vritable choc pour les forces hliportes amricaines,remettant en cause leurs modes daction habituels et, plus profondment,un concept demploi devenu constitutif de leur identit. Sur la base dununique exemple, il est lvidence difficile de savoir si ce fiasco relvedune conception fondamentalement errone ou sil ne sexplique pas pluttpar les seules erreurs dexcution releves plus haut. Toujours est-il quelArmy Aviation, en accord avec le haut commandement, ne recourt plus

    .

    83Anthony H. Cordesman, The strengths and Weaknesses of the A-64 Apache

    and other attack helicopters , The Iraq War, Strategy, tactics and MilitaryLessons, CSIS, Washington, 2003, pp. 317-332; Colonel Russell Stinger, Army

    Aviation - Back to its Roots, USAWC Strategy Research Project, Carlisle, US ArmyWar College, 2009.84

    Anthony H. Cordesman, op. cit., p. 320

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    par la suite ce type dattaques et se recentre linverse sur le soutienrapproch (CAS) aux troupes au sol, redveloppant peu peu des modesdaction coopratifs dlaisss depuis le Vietnam.

    La 101st

    Airborne Divisionparticipe ainsi de durs combats dans largion de Al Hillah face un bataillon de la garde rpublicaineemboss utilisant lintgralit de ses moyens interarmes (escadron dechars, batterie dartillerie, moyens de dfense sol-air). En troitecollaboration avec les forces au sol, dont un escadron de chars, leshlicoptres de la 101st appuient les lments au sol presque over theshoulder, en mettant en uvre la procdure dite de Close CombatAttack(CCA). Huit hlicoptres Apachesont atteints par des tirs ennemis,mais tous conservent leur aptitude voler du fait de leur protection. Enfin,lesAH-64 Apachemnent de nombreuses reconnaissances offensives, enplein jour, qui contribuent la destruction dobjectifs importants commedes batteries dartillerie sol/sol et de dfense sol-air85. Ce type

    doprations repose sur une coordination troite entre les moyensaromobiles (hlicoptres de reconnaissance et dattaque arms demissiles) et ceux chargs de les appuyer artillerie dans la profondeur,renseignement (JSTARS), brouillage (AWACS), appui arien rapproch(A10). Identifis une distance de 8 kilomtres, les objectifs sont traitspar les diffrents moyens disponibles en fonction de lautonomie dontdisposent les appareils, qui se relvent par vague successives afin dtreravitaills86

    Lhlicoptre, cheval de trait de la contre-insurrection

    . Plus gnralement, les forces hliportes contribuent pendantloffensive la sret par des missions de reconnaissance, de flanc gardeet de contrle des intervalles.

    Par-del la phase dinvasion, les forces amricaines continuent redouterla menace des embuscades dinfanterie lgre et limitent doncfortement les oprations hliportes indpendantes ou dans laprofondeur87. LAfghanistan et lIrak mettent en vidence le danger dunarmement lger dinfanterie constitu de fusils dassauts et de lance-roquettes antichar, parfois associs un armement de dfense sol-air decourte porte (mitrailleuses de calibre 12,7 ou 14,5, MANPADS). Plus quelarmement lui-mme, cest en fait sa dispersion et son usage tactiquementappropri sur des terrains par nature contraignants pour lhlicoptre comme la montagne et les zones urbaines qui constituent une rellemenace88

    85

    Les blinds et les radars de surveillance sont galement des cibles de choixpour les hlicoptres dattaque. Voir ce sujet Major Jamie Cox (United StatesMarine Corps), MILINET : A Cobra Pilots Eye View of Iraqi Freedom , 10 mai2003, http://www.grunt.com/corps/forum/.

    . Non seulement les appareils de dtection et de contremesuresclassiques sont inoprants, mais le vol basse altitude peut dans certainscas se rvler trs dangereux, comme la bien montr lattaque du 23 mars

    86Anthony H. Cordesman, op. cit., p. 322.

    87Ibid, p. 321.

    88

    Entre octobre 2001 et mars 2004 lUS Army Aviation perd 44 hlicoptres enraison daccidents (probablement en grande majorit lis lenvironnement) et detirs ennemis ; Christian F. M. Liles et Christopher Bolkcom, op. cit.

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    2003 la conception spcifique des appareils militaires 89 sest rvlesalvatrice pour les quipages. Les hlicoptres dattaque nen poursuiventpas moins leurs missions offensives de reconnaissance, de destruction etsurtout dappui. Concernant par exemple le combat en zone urbaine, la101st fait preuve dadaptation et met en place des tactiques qui prouventleur efficacit. Les hlicoptres Kiowades Cavalry Squadronssont utilissdirectement au dessus des villes90 pour leur capacit dobservation. Plusrapides et plus maniables, ces hlicoptres sont plus difficiles atteindreque les AH-64 Apache, qui demeurent en appui aux abords des localits91

    Pendant les oprations de stabilisation et de contre-insurrection,

    lhlicoptre conserve un rle central. Il permet dintervenir sur lensembledu thtre que les forces ne peuvent contrler en permanence du fait deson tendue et de leurs effectifs limits. En 2004, lUS Army Aviationdploie elle seule en Afghanistan et en Irak plus de 500 hlicoptres

    et sont utiliss ponctuellement pour des attaques plus importantes. LesAmricains ont recours ce type de tactiques dans les vallesdAfghanistan recouvertes dune vgtation dense en appui mutuel destroupes au sol. L encore, la procdure de Close Combat Attack (CCA)semble avoir t utilise avec succs.

    92.Intgrs au combat que les troupes mnent au sol, ils leur apportent unappui absolument indispensable, par le mouvement comme par le feu. Demme, le dtachement franais dhlicoptres de la Task Force Lafayettequi agit aux cts des troupes dployes en Kapisa et en Surobi totalise en2010 prs de 1600 missions dont plus de 200