La gouvernance, point noir de l'émergence indienne [Diplomatie 14 - Pp 78-83. Avril-Mai 2013]

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    GopolitiquE p. 52aNaLysELIne,elincelinence? 54

    pORtfOLIOsriLnk:lInerieenreexex 59

    tabLEaudEbORdLIne,qelleerhirgionl? 61

    aNaLysEIne-pkin,lerincenconi 62

    aNaLysEIne-Chine,enrecomiionecoorion 66

    aNaLysEforcermeinienne:noilenleinevolion 70

    prospEctivE paNaLysELgovernnce,oinnoirelmergenceinienne

    pORtfOLIOLenxlie,oliveloemeninien?

    aNaLysEIne/Rie:necoorionmiliro-inrielleenrniion

    aNaLysELenon-lignemen,ivoelilomieinienne?

    pORtfOLIOLniveri,enjeelrieinienne

    lee abee

    dE lindE

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    nalyse

    Les dfis politiques et scuritaires de lInde ne se-raient-ils pas plus intrieurs quextrieurs ? Telle estla question que pose David Malone, ancien Haut-

    Commissaire du Canada en Inde, dans son ouvrage Does theElephant Dance? publi en 2011. Quoique provocatrice, dans lamesure o elle tend minimiser les menaces extrieures aux-quelles le pays est aujourdhui confront dans son environne-ment stratgique proche, cette hypothse a le mrite derappeler les multiples problmes qui psent en interne sur lesystme de gouvernance indien : corruption, fragmentationpolitique, querelles de comptence entre tats, ambiguts dumodle de dveloppement, etc. Tel sera galement lobjectifde cet article.

    Le au de la corruptionGarant de la scurit nationale, ltat central indien a

    t rgulirement accus de corruption lors de processus

    dacquisition de matriels militaires trangers. Le clbrescandale des pots-de-vin Bofors propos des canons sudoisHowitzer est toujours en attente dclaircissements complets,des dcennies aprs sa rvlation en 1987, impliquant notam-ment Rajiv Gandhi et certains hauts responsables du Parti duCongrs alors au pouvoir.Pour contrer de tels abus, un projet de loi anti-corruption (diteJan Lokpal Bill ) fut dpos en 2011 par lancien juge de laCour suprme N. Santosh Hegde, lavocat la Cour suprmePrashant Bushan et le militant Arvind Kejriwal, aux cts demembres du mouvement India against Corruption (IAC),fond en 1973. Sa mesure-phare tait la mise en place duneautorit administrative indpendante du gouvernement pourtraiter des affaires de corruption. Sous la pression dAnna Ha-zare, meneur du Mouvement populaire contre la corruption (1),il subit toutefois plusieurs changements, prvoyant par exem-ple la nomination du Lokayukta (mdiateur anti-corruption,

    De la corruption la lutte contre le terrorisme, en passant par lafragmentation de son chiquier politique, lInde est confronte de nombreux problmes de gouvernance. Des difficults quifragilisent in fine son mergence sur la scne internationale.

    Lagouvernance, point noir

    de lmergence indienne

    Par Teotonio de Souza,directeur du dpartementdhistoire de lUniversidadeLusfona de Humanidadese Tecnologias (Lisbonne),fondateur et ancien directeurdu Xavier Centre of HistoricalResearch (Goa).

    Photo ci-dessus :

    Le 12 octobre 2012 New Delhi, des activistesdu collectif India AgainstCorruption (IAC) rclament

    la dmission du ministre duDroit et de la Justice, SalmanKhurshid, accus decorruption. Khurshid seranomm ministre desAffaires extrieures deuxsemaines plus tard. Selonun sondage Ipsos ralis en2012, la corruption est lapremire proccupation de lapopulation indienne, devantle chmage, la pauvret,le terrorisme et linflation.( AFP/Manan Vatsyayana)

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    proche par son statut du Dfenseur desCitoyens en France) par les tats et nonplus par le gouvernement central. Ceciest visiblement une concession signi-

    ficative faite aux tats dans un fdra-lisme indien contrl en majeure partiepar le gouvernement central.Le mouvement dAnna Hazare accusele gouvernement central de fraudes etde msusage de ses pouvoirs dalloca-tion des budgets par la corruption. Uneaccusation confirme par lactualit :en fvrier, New Delhi a d menacerdannuler un contrat de 750 millions dedollars prvoyant la livraison dune dou-zaine dhlicoptres AgustaWestlandaprs que la police italienne eut arrtun ancien dirigeant de la socit-mreFinmeccanica, Giuseppe Orsi, qui aurait

    offert des pots-de-vin des politiciensindiens pour remporter le contrat. Unedes demandes centrales dAnna Hazareest que la moiti du comit de rdac-tion du nouveau projet de loiJan Lokpalsoit compose dexperts nomms parle gouvernement central et que lautresoit constitue de citoyens.Lide du Lokpal nest pas neuve. En1972 dj, un projet de loi visant lut-ter contre la corruption avait t pro-pos par le ministre de la Justice, ShantiBhushan. Il a depuis lors t nglig parles politiciens, tandis que certains onttent de le modifier afin quil rponde

    leurs intrts, notamment pour vitertoute condamnation de leurs implica-tions dans des affaires de corruption. Leprojet de loi Lokpal et Lokayutas de 2011fut prsent en vertu de larticle 253de la Constitution obligeant lInde remplir ses obligations internationalesdepuis la ratification de la Conventiondes Nations Unies contre la Corruption(UNAC). Mais une part importante dela socit suspecte le gouvernement deseulement vouloir remplir son obligationinternationale, sans intention srieusede respecter lesprit de la convention.

    Un fdralisme hybride,gnrateur de tensionsLAssemble constituante mise en

    place en 1946 aprs de longs dbatsfit de lInde une rpublique organiseselon un fdralisme unitaire , com-promis satisfaisant la plupart des hautsresponsables du pays lexception deGandhi, qui avait une prfrence pourune fdration base sur la structurevillageoise du pays (2). Cette formuledevait permettre de rpondre un

    double objectif : dune part, doter lepays dune gouvernance centraliseafin de mettre en place un systme dedfense efficace, ncessit dautant

    plus imprieuse une poque o, face lhostilit du Pakistan et la questiondu Cachemire, lInde faisait de sa scu-rit extrieure une proccupation depremier ordre ; dautre part, crer unestructure politique suffisamment souplepour pouser la complexit territorialedu pays et tenir compte des particula-rismes rgionaux. Cette ambivalence atoutefois suscit de multiples querel-les et rivalits entre ltat central et lestats fdrs, tensions qui ont gagn enintensit ces dernires dcennies sousle poids de la libralisation conomi-que, de la croissance et des mutations

    du contexte stratgique rgional.

    Un tat central accus dingrenceUn bon point de dpart pour compren-dre la complexit des rapports entreltat central et les tats fdrs serait

    de rappeler que la Constitution in-dienne nest pas une convention entreles tats. Ces derniers ont t crs parla Constitution, et par extension par leParlement. De ce fait, la Constitutiondonne non seulement au Parlementle pouvoir dintgrer ou de crer danslUnion de nouveaux tats, sans autresconditions que celles quil estime perti-nentes (article 2) ; mais elle lui confreaussi des pouvoirs tendus concernantla formation de nouveaux tats, la modi-fication des frontires, des territoires oudes noms des tats existants (article 3).Cest la Constitution qui fixe la dis-

    tribution des pouvoirs entre le

    En 1972 dj, un projet de loi visant lutter contre la corruption avait tpropos par le ministre de la Justice,

    Shanti Bhushan. Il a depuis lors t ngligpar les politiciens, tandis que certains

    ont tent de le modifier afin quil rponde leurs intrts.

    Photo ci-contre :

    Kisan Baburao Hazare, ditAnna Hazare, leader dumouvement anti-corruptionindien, lors dune confrende presse New Delhi endcembre 2012. Le 5 avril

    2011, Hazare a entamune grve de la faim pourcontraindre le gouvernemefdral renforcer la loianti-corruption (LokpalBill) de 2011 et garantirplus dindpendance auLokayukta, quivalent duDfenseur des Citoyensfranais. Initialementrejetes, ces demandes ont approuves par Delhitrois jours plus tard.( AFP/Manan Vatsyayana

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    gouvernement fdral et les tats (annexe 7). Chacun a sespropres domaines de comptence, auxquels sajoute uneliste de comptences partages, relevant la fois de ltatfdral et des tats.Nanmoins, les rdacteurs de la Constitution ont aussi inclusune srie darticles autorisant dans certains cas le gouverne-ment central lgifrer sur des questions relevant norma-lement de la comptence des tats, crant ainsi un systmedsquilibr en faveur du gouvernement central et qui poseproblme (3). Larticle 356 de la Constitution, aussi appel Pre-

    sidents Rule, permet ainsi au Prsident de lUnion de placerun tat sous lautorit directe du gouvernement central (4).Or, cet article a t utilis ce jour au moins 90 reprisespour dissoudre des gouvernements dtats dirigs par despartis politiques opposs au parti la tte du gouvernementfdral.Depuis le milieu des annes quatre-vingt-dix, la justice in-dienne fait certes preuve de vigilance face ces abus. Dansson arrt de principe S. R. Bommai contre lUnion indienne ,

    la Cour suprme a ainsi dclar en 1994 que le fait que lastructure de la Constitution confre de plus grands pouvoirsau Centre quaux tats ne signifie pas que ces derniers soientde simples dpendances du Centre : dans les domaines qui

    leur sont allous, les tats sont suprmes. Toutefois, la lon-gueur des procdures suivre pour contester une dissolutionarbitraire de gouvernement na permis de compenser le pr-judice caus que dans une minorit de cas.

    Quelle lutte contre le terrorisme ?Depuis novembre 2009, quelque 70 000 paramilitaires ontt engags dans la lutte contre le mouvement naxalite dansle cadre de lopration Green Hunt . Bien que les mdiasrapportent des accrochages presque quotidiens entre forcesde scurit et insurgs, et que ce conflit interne soit lun desplus importants au monde, il nattire que trs peu lattentionde la communaut internationale.

    Le mouvement naxalite tire son origine des nombreuses

    ingalits sociales et conomiques en Inde, mais aussi dela dgradation de lenvironnement : tant que des solutionsnauront pas t apportes par ltat central ces problmesde fond, le conflit perdurera. Le terrorisme interne n-cessitant une rponse nationale commune, un rexamen desrelations entre le gouvernement fdral et les tats sembleaujourdhui essentiel. Selon le dernier rapport du ministrede lIntrieur, 1755 actes de violence auraient t commispar des extrmistes de gauche dans neuf tats entre 2011et 2012. Lis au Parti communiste indien (CPI), les insurgslancent actuellement des incursions dans le Karnataka, leKerala et le Tamil Nadu sous la supervision de son Bureaurgional pour le Sud-Ouest, ce qui lui permet de relier tra-vers ces tats les Ghts de lOuest ceux de lEst. ces conflits internes sajoute le problme du terrorismeinternational, illustr par les attaques de Bombay du 26novembre 2008. Bien que ces dernires aient fait natre leprojet dun Centre national de contre-terrorisme (NCTC),celui-ci na pour lheure pas encore abouti : le maintien delordre ntant pas une prrogative du gouvernement cen-tral, son rle empiterait ncessairement sur les pouvoirsdes tats. De mme, la volont damender le projet de loi surles Forces de scurit frontalire est vue comme anti-fd-rale : cet amendement vise en effet tendre les pouvoirs depolice des forces paramilitaires actuellement limits unezone de huit kilomtres de large partir de la frontire audistrict frontalier tout entier (5).

    Le projet dun Centrenational de contre-terrorisme(NCTC) na pour lheure pasencore abouti : le maintiende lordre ntant pas une

    prrogative du gouvernementcentral, il empiterait en effetsur les pouvoirs des tats.

    Capitale fdrale

    Capitale d'un tat fdrCapitale d'un territoire de l'Union

    tat fdr

    > 450 incidents

    300 incidents

    Nota : Les donnes ont tarrondies par souci detypologisation.

    Source :Annual Report 2011-12, Indian Ministry of Home Aairs (2012)

    200 incidents

    100 incidents

    50 incidents

    < 10 incidents

    Territoire de l'Union (gouvern directementpar l'tat central, l'exception de Delhi et Pondichry)

    * Le Jammu-et-Cachemire possde une capitale d't (Srinagar) et une capitale d'hiver (Jammu).** Chandighar est la fois un territoire de l'Union et la capitale de deux tats fdrs : le Pendjab et l'Haryana.

    PAKISTAN

    CHINE

    BANGLADESH

    BHOUTANNPAL

    SRI LANKAMALDIVES

    BIRMANIE

    Golfe du

    BengaleMer

    dArabie

    HIMACHAL PRADESHJAMMUETCACHEMIRE*

    PENDJAB

    UTTARANCHALHARYANA

    UTTAR PRADESH BIHAR

    JHARKHAND

    SIKKIM

    BENGALE-OCC.

    RAJASTHAN

    GUJARAT

    MADHYA PRADESH

    ASSAM

    ARUNACHAL PRADESH

    NAGALAND

    MANIPURMEGHALAYA

    TRIPURA MIZORAM

    ORISSA

    CHHATTISGARH

    MAHARASHTRA

    ANDHRAPRADESH

    LES ANDAMAN ETNICOBARPONDICHRY

    Thiruvananthapuram

    Panaji

    Bombay

    Daman

    Silvassa

    Madras

    Hyderabad

    Bhubaneswar

    Calcutta

    AizawiImphal

    Agartala

    KohimaShillong

    Gangtok

    Patna

    LucknowJaipur

    New Delhi

    DehradunChandigarh**

    Shimla

    Srinagar

    Jammu

    Dispur

    Itanagar

    Raipur

    RanchiBhopalGandhinagar

    Bangalore

    Pondichry

    Port Blair

    Kavaratti

    CHANDIGARH

    LAKSHADWEEP

    CHANDIGARH

    DELHI

    GOA

    KARNATAKA

    TAMIL NADU

    TAMIL NADU

    KERALA

    DADRAET NAGAR HAVELIDAMAN ETDIU

    280 km

    Nombre d'incidents par tat en 2011

    Divisions administratives de lUnion indienne

    Lactivisme dextrme-gauche en Inde

    Les

    Gran

    ds

    Doss

    iers

    de

    Diploma

    tien

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    (AREION/CAPRI)

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    Rgulirement qualie de menace la plus importantepour la scurit interne de lInde par les pouvoirs publics, la

    rbellion naxalite tire son nom dune insurrection paysanneinitie en mars 1967 dans la rgion de Naxalbari (Bengaleoccidental) par deux leaders du Parti communiste indien(marxiste) : Charu Majumdar et Kanu Sanyal. Profondmenthtrogne, elle est porte par une myriade de groupesrvolutionnaires dinspiration maoste, regroupant entre10 000 et 20 000 miliciens et prnant une redistribution desterres et le renversement du gouvernement et des castessuprieures. En 2011, ceux-ci taient actifs dans 83 districtssur 640, dessinant un vritable corridor rouge , espace de90 000 km2 stendant du Bihar ( la frontire npalaise)aux ctes mridionales du Tamil Nadu et du Kerala.La majorit des rebelles sont recruts parmi les populationsles plus dfavorises : dalit(intouchables) et adivasi(com-

    munauts tribales). Celles-ci sont en effet les premiresvictimes des dplacements forcs lis limplantation de

    grandes socits nationales et internationales intressespar les ressources minires de lEst du pays. En 2011, 30 %de la production indienne daluminium, 27 % de la pro-duction dacier et 16 % de la production de minerai de fertaient issus du Chhattisgarh, picentre du mouvementnaxalite dont le produit intrieur brut a par ailleurs aug-ment de 95 % entre 2000 et 2010.Si les autorits fdrales ont longtemps prconis lusagede la force contre les naxalites, elles semblent aujourdhuiaccorder plus dattention leurs revendications. En 2006,un dpartement spcial, la Naxal Management Division, aainsi t cr au sein du ministre de lIntrieur pour tenterde mettre n au conit par des mesures scuritaires, maisgalement socioconomiques.

    Des militants du Parti communiste indien(marxiste-lniniste) lors dune runion publique

    Guntoor (Andhra Pradesh) en octobre 2004.( AFP/Prakash Singh)

    Les naxalites,oublis du dveloppement indien ?

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    Les tats fdrs, acteurs inattendusde la diplomatie indienneLavnement des coalitions politiques a cr de nouveauxdfis pour le fdralisme indien dans les annes quatre-

    vingt-dix. Les tats commencrent affirmer leur positiondans des domaines considrs comme relevant des prro-gatives du gouvernement central. Ainsi, la position rcentedu Bengale-Occidental sur la rivire Teesta a embarrass legouvernement fdral et compliqu ses relations avec leBangladesh (6).Autres exemples, en juin 2011, lassemble du Tamil Nadua adopt lunanimit une rsolution pour lapplication desanctions conomiques contre le Sri Lanka, tandis que leJammu-et-Cachemire et le Pendjab ont demand Delhi deles inclure dans les ngociations portant sur la question deleau avec le Pakistan. Enfin, dbut mars 2013, plusieurs tatsse sont opposs laccueil dinvestissements directs tran-gers dans le commerce de dtail, au motif quils pourraientporter atteinte aux intrts des fermiers et des vendeurs lo-

    caux, forant le gouvernement fdral reporter ces projets.Finalement, les forces armes et la police sont contraintesde consacrer dimportantes ressources la lutte contre lesinsurrections internes.

    La fragmentation du paysage politiqueet ses rsonances stratgiquesLa prolifration de partis politiques depuis les annes qua-

    tre-vingt-dix, en particulier au niveau des tats, a men lacration de coalitions gouvernementales peu lisibles qui ontde plus en plus de mal se grer elles-mmes, sans parler deleurs juridictions. Une problmatique dont les rpercussionssur la gouvernance interne, mais aussi lmergence diplomati-que de lInde sont videntes.David Malone note que la capacit de lInde rpondre cesdfis est limite : ses fonctionnaires sont souvent de hautniveau et trs comptents, mais ils sont gnralement d-bords, sous-pays et mal apprcis. Ses agences de rensei-gnement et ses forces armes sont de qualit plus variable.Mais surtout, Delhi manque de vision stratgique dans sespolitiques conomique et trangre, ce qui conduit ses hom-mes politiques et ses diplomates se rfugier dans un prag-matisme courte vue.

    La stratgie indienne actuelle est fonde sur trois convic-tions majeures : 1) la situation de lInde sur le plan inter-national est relativement favorable ; 2) le dveloppementconomique doit tre prioritaire par rapport aux dpensesmilitaires ; et enfin 3) la force nest pas un instrument ac-ceptable pour une politique dtat. cette dernire idesajoute celle selon laquelle la dissuasion nuclaire seraitun substitut aux oprations militaires conventionnelles. Re-prsentation suicidaire : malgr un budget de dfense ayanttripl durant la dernire dcennie, les capacits militairesindiennes ne semblent pas stre accrues dans la mmeproportion. Bien que lInde continue de contribuer auxoprations de maintien de la paix de lONU et dutiliser sesmilitaires comme police, ses forces sont loin dtre aptes mener une guerre conventionnelle prolonge avec le Pakis-tan, sans parler de la Chine. Le pays sest enrichi depuis la finde la guerre froide et ladoption du libralisme conomique,mais il nest pas plus capable de projeter ses forces au-delde ses frontires quau dbut des annes quatre-vingt-dix.Longue est la liste des nouveaux quipements dont le payssouhaite faire lacquisition, mais bien que les fonds nces-saires soient disponibles, les procdures dacquisition sonttoujours mines par des accusations de corruption. Lindus-trie de dfense nationale peine fournir des armements dequalit un cot acceptable, et des doutes subsistent quant ltat oprationnel de certains systmes phares, tels queles sous-marins propulsion nuclaire.

    BANGLADESH

    BHOUTAN

    HIMACHAL PRADESH

    JAMMUETCACHEMIRE

    PENDJAB

    UTTARANCHALHARYANA

    UTTAR PRADESH BIHAR

    JHARKHAND

    SIKKIM

    BENGALE-OCC.

    RAJASTHAN

    GUJARAT

    MADHYA PRADESH

    ASSAM

    ARUNACHAL PRADESH

    NAGALAND

    MANIPURMEGHALAYA

    TRIPURA MIZORAM

    ORISSA

    CHHATTISGARH

    MAHARASHTRA

    ANDHRA

    PRADESH

    LES ANDAMAN ETNICOBAR

    PONDICHRY

    LAKSHADWEEP

    CHANDIGARH

    DELHI

    GOA

    KARNATAKA

    TAMIL NADU

    KERALA

    DADRAET NAGAR HAVELIDAMAN ETDIU

    UPA : sociale-dmocrate

    NDA : libraux conservateursnationalistes

    Troisime front : gauche/extrme gauche Autres partis

    Quatrime front : socialisme dmocratique

    Coalitions arrives en tte des lections par tats et territoires de lUnion indienne

    Source : Indian Election Commission

    PAKISTAN

    NPAL

    SRI LANKAMALDIVES

    BIRMANIE

    Golfe du

    BengaleMer

    dArabie

    79

    262

    159

    1627

    280 km

    Les lections lgislatives indiennes de 2009

    Les

    Gran

    dsDoss

    iers

    de

    Diploma

    tien

    14(AREION/CAPRI)

    Photo ci-contre :

    Bombay, le 12 avril 2009.Un citoyen musulmanparcourt une brochure delIndian National Congress(INC) dans la perspective dupremier tour des lectionsgnrales. ( Al JazeeraEnglish)

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    Larticle 371, force ou faiblessedu fdralisme indien ?Depuis son annexion par lInde en 1961, Goa, ancien territoire

    doutre-mer portugais, est devenu une destination touristique

    prise du fait de son hritage colonial. Afin de stopper limmi-gration massive dIndiens venus dautres tats, phnomnequi chasse les autochtones de leurs terres et menace lidentitculturelle particulire qui a permis Goa de devenir un tat,son ministre en chef, Manohar Parrikar, a soumis en 2012 unedemande au gouvernement fdral afin de doter Goa dun sta-tut spcial, se rfrant pour ce faire larticle 371 de la Consti-tution. Nanmoins, laccord de New Delhi pourrait tre reportaprs la prochaine lection.

    Loin dtre une anomalie constitutionnelle , larticle 371 t-moigne au contraire des possibilits infinies du fdralismeindien (7). Fait unique en Inde, le Jammu-et-Cachemire disposepar exemple de sa propre Constitution depuis 1957 (adaptede la Constitution indienne). Larticle 35A permet lassem-ble locale de lgifrer sur la dfinition des rsidents per-manents , linstallation de nouveaux habitants et laccs laproprit immobilire ; elle garantit galement que tous les rsidents permanents disposent des mmes droits consti-tutionnels que les autres Indiens.

    Le concept dun statut particulier pour les rsidents perma-nents octroyant des privilges spciaux nest pas tranger la gouvernance indienne ; de mme que la limitation de laproprit immobilire aux habitants dans certaines rgions.Aujourdhui, lHimachal Pradesh et lUttaranchal restreignentla proprit des terres leurs rsidents. La Constitution in-dienne permet la mise en place de lois spciales en ce quiconcerne la proprit et le transfert des terres et de leursressources. Son annexe 5 prvoit des dispositions particuli-res limitant les transferts de terre lintrieur dune mmetribu. Cette politique stend travers le Nord-Est et les zonestribales.La Constitution indienne ne permet donc pas uniquement delimiter la proprit certains rsidents, elle lordonne mmedans un certain nombre dtats. Goa na pas besoin de rin-venter la roue pour bnficier dun statut spcial : en tantque membre part entire de lUnion indienne, il doit pource faire seulement convaincre le gouvernement central queles bases lgitimant son existence comme tat sont voues disparatre.

    ConclusionEn dfinitive, lexemple indien nous rappelle la formule de

    Ronald L. Watts selon laquelle il nexiste pas une forme idalede fdralisme. La concrtisation de ce modle est sujette dinfinies variations, selon le degr de diversit culturelle ounationale que lon tente de rconcilier, le nombre et la taille

    des units composant le systme, la distribution des respon-sabilits administratives et lgislatives, des ressources bud-gtaires attribues aux diffrents niveaux de gouvernement,le caractre et la composition des institutions centrales, lesrelations intergouvernementales, et, enfin, les rles des tatset du gouvernement central dans la conduite des relations in-trieures et extrieures.

    Teotonio de Souza,traduit de langlais par Jeremy Bernardi

    Notes

    (1) Anna Hazare est connu pour la russite de son soutien au dveloppementdu village de Ralegan Siddhi, fonctionnant selon le principe dautosuffisance :lnergie ncessaire au village y est entirement produite grce lutilisationde panneaux solaires, de biocarburant et doliennes. En 1975, il sagissaitdun village min par la pauvret ; cest maintenant lun des villages les plusriches dInde et qui est vu comme un modle de dveloppement cologiqueet autonome.(2) Le principal rdacteur de la Constitution, B.R. Ambedkar et le Premier mi-nistre Jawaharlal Nehru prfraient un tat unitaire, tandis que le ministre delIntrieur, Sardar Vallabhbhai Patel, ainsi que beaucoup dautres, soutenaientla cause du fdralisme.(3) Articles 249, 250, 252 et 253 de la Constitution indienne.(4) Lactivation de larticle 356 entrane la suspension du cabinet ministriellocal lu par les habitants de ltat et place le pouvoir aux mains du gouver-neur, lui-mme dsign par le Prsident de lUnion, ce qui en fait de facto unfonctionnaire de ltat fdral.(5) Surendra Singh et Satish Misra, Federalism in India: Time for a Relook?,

    www.orfonline.org, juillet 2012 ; Plenary Meeting of Task Forces of Com-mission on Centre-State Relations held, Press Information Bureau (PIB),Government of India, 3 juillet 2008. (http://pib.nic.in/newsite/erelease.aspx?relid=40013).(6) lt 2012, le ministre en chef du Bengale occidental, Mamata Banerjee,sest en effet oppos au gouvernement central en faisant part de ses rservesconcernant laccord bilatral sur le partage des eaux de la rivire.(7) Larticle 371 de la Constitution contient des dispositions particulires pourltat du Maharashtra et du Gujarat.De mme, des dispositions particulires ontt prises dans les articles 371A pour le Nagaland, 371B pour lAssam, 371Cpour le Manipur, 371D et E pour lAndhra Pradesh , 371F pour le Sikkim, 371Gpour le Mizoram, 371H pour lArunachal Pradesh, 371 I pour Goa et 371 J pourlHyderabad Karnataka. On peut y ajouter les annexes 5 et 6 de la Constitution,qui accordent des dispositions particulires aux zones tribales et au Nord-Estindien.

    Photo ci-dessus :

    Des soldats de la BorderSecurity Force (BSF) indiennpatrouillent le long dela frontire pakistanaisedans le dsert du Thar, le21 janvier 2013. Placecomme toutes les forcesparamilitaires indiennessous lautorit du ministrede lIntrieur central, et nondes tats fdrs, la BSFnest aujourdhui habilite exercer ses fonctions depolice que le long de lafrontire indienne, sur unebande de huit kilomtres dlarge. ( Xinhua/Stringer)

    La Constitution indiennepermet la mise en place de lois

    spciales en ce qui concernela proprit et le transfert des

    terres et de leurs ressources.

    Les Grands Dossiers de Diplomatie n 14 83