La Gazette de l'USPM 2013 p.3

1
santé et développement « Engageons une conversation sur la santé… sans jamais parler de soins de santé …» , c’est par une petite vidéo de cinq minutes sur ce thème que fut planté le décor du module « santé et développement » de la deuxième université de santé publique du Maghreb. La santé a été longtemps une affaire d’hommes et de médecins. En effet, l’approche « organique » médicale ou hospitalo-curative classique abordait essentiellement les aspects liés à la génétique et aux processus de dégra- dation de l’organisme. Le développement de l’observation épidémiologique et de la recherche ont graduellement élargi le champ de compréhension de la santé et mis en évidence les interrelations entre la santé individuelle et collective et des facteurs comportementaux et/ou environnementaux. C’est ainsi que la santé est progressivement devenue multisectorielle, englobant des disciplines telles que la sociologie, l’économie, l’anthropologie pour n’en citer que certaines et s’est orientée aussi vers la santé des femmes et la pratique de la santé par les femmes. La réponse des systèmes de santé par rapport à la conception purement organique se fait typiquement par le développe- ment d’un « plateau technique » offrant des soins médicaux curatifs, de prévention secondaire ou de réhabilitation. Malgré les tendances à aborder la question de la santé sous un angle plus global, la réponse des systèmes de santé globaux, nationaux ou locaux, peine encore à entraîner et impliquer l’ensemble des acteurs pouvant concrétiser des approches systémiques pour la promotion de la santé et la prévention primaire en faisant le lien avec le développement humain et la réduction de la pauvreté et des inégalités, par exemple en créant des environnements et des cadres régle- mentaires et politiques favorables à la santé. Parce qu’ils sont aux avant-postes d’observation des dégâts des facteurs exogènes sur la santé individuelle et collective, les professionnels de la santé ont la responsabilité d’apprendre à documenter ces dégâts, à structurer un plaidoyer efficace et à le mener à l’intérieur de leur corporations (Leaderships dans la santé) et au sein d’autres corporations, des pouvoirs politiques et de la société en général (leadership pour la santé). Une première étape dans cette démarche de leadership pour la santé est d’apprendre à maîtriser les concepts même de développement humain, de déterminants sociaux de la santé, de promotion de la santé, de coopération pour la santé et des outils qui vont avec ces concepts. C’est de cela que les participants ont parlé tout au long de cette semaine. "Le développement humain (DH), en tant qu'approche, repose sur ce que je tiens pour être l'idée fondamentale du développement, à savoir, faire progresser la richesse de la vie humaine, plutôt que la richesse de l'économie dans laquelle les êtres humains vivent, ce qui n'en représente qu'une partie" . Pour les Nations Unies « le principal objectif du développe- ment humain est d'élargir la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif. Ces choix doivent comprendre des possibilités d'accéder aux revenus et à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé et à un environnement propre ne présentant pas de danger. L'individu doit également avoir la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et de jouir des libertés humaines, économ- iques et politiques ». Le Développement humain plaide pour quatre séries de principes: L'équité, la participation et l'autonomisation des individus (notamment par le renforcement de leurs aptitudes), la productivité et l'efficacité et enfin la durabilité. Les déterminants sociaux ont un impact direct sur la santé ; ils expliquent la plus grande partie des différences d’état de santé (inégalités sanitaires), conditionnent les comportements à l’égard de la santé et interagissent souvent. Les inégalités peuvent concerner des pays, des régions dans le même pays, des tranches d’âges, des catégories sociales, le genre etc… soulignant la nécessité de produire une information et des données fiables (système d’enregistrement et recherche), et surtout désagrégées selon les catégories indiquées, pour faire apparaître les différences. « Penser globalement et agir localement », utiliser les principes de la promotion de la santé et ses cinq dimensions (Établir une politique publique saine, créer des milieux favorables, réorienter les services de santé, développer les aptitudes personnelles, renforcer l’action communautaire) comme un levier pour une approche globale des problèmes de santé et de leurs déterminants telle est l’un des objectifs de la promotion de la santé qui a été débattu. Il s’agit aussi de tirer les leçons apprises des expériences de la coopération internationale depuis la déclaration universelle des droits de l’homme en passant par (i) les progrès qui ont accompagné la décolonisation mais inégalement répartis entre les pays et dans un même pays (ii) les approches sélectives ciblant un nombre limité de maladies (iii) les stratégies assimilant la santé à un marché parmi d’autres. Les principes de la Déclaration de Paris (2005) sur l’efficacité de l’aide (appropriation, gestion orientée sur les résultats, responsabilité mutuelle) sont abordés comme des principes pertinents pas seulement dans le contexte de coopération entre pays, mais aussi dans le contexte de partenariat au sein même du pays tant au niveau national que local ou régional. Des partenariats solides sont cruciaux pour assurer des progrès durables dans la promotion de la santé, de par sa nature multisectorielle. Les participants ont pu également s’informer et partager sur des expériences de partenariats sud-sud. Tout au long de la semaine, les participants ont eu à confronter, discuter et débattre activement des notions ci-dessus, en partant des données réelles des pays du Maghreb, à partir des exemples des accidents de la circulation et des maladies non transmissibles.

Transcript of La Gazette de l'USPM 2013 p.3

Page 1: La Gazette de l'USPM 2013 p.3

santé et développement« Engageons une conversation sur la santé… sans jamais parler de soins de santé …» , c’est par une petite vidéo de cinq minutes sur ce thème que fut planté le décor du module « santé et développement » de la deuxième université de santé publique du Maghreb. La santé a été longtemps une affaire d’hommes et de médecins. En effet, l’approche « organique » médicale ou hospitalo-curative classique abordait essentiellement les aspects liés à la génétique et aux processus de dégra-dation de l’organisme. Le développement de l’observation épidémiologique et de la recherche ont graduellement élargi le champ de compréhension de la santé et mis en évidence les interrelations entre la santé individuelle et collective et des facteurs comportementaux et/ou environnementaux. C’est ainsi que la santé est progressivement devenue multisectorielle, englobant des disciplines telles que la sociologie, l’économie, l’anthropologie pour n’en citer que certaines et s’est orientée aussi vers la santé des femmes et la pratique de la santé par les femmes.

La réponse des systèmes de santé par rapport à la conception purement organique se fait typiquement par le développe-ment d’un « plateau technique » offrant des soins médicaux curatifs, de prévention secondaire ou de réhabilitation. Malgré les tendances à aborder la question de la santé sous un angle plus global, la réponse des systèmes de santé globaux, nationaux ou locaux, peine encore à entraîner et impliquer l’ensemble des acteurs pouvant concrétiser des approches systémiques pour la promotion de la santé et la prévention primaire en faisant le lien avec le développement humain et la réduction de la pauvreté et des inégalités, par exemple en créant des environnements et des cadres régle-mentaires et politiques favorables à la santé. Parce qu’ils sont aux avant-postes d’observation des dégâts des facteurs exogènes sur la santé individuelle et collective, les professionnels de la santé ont la responsabilité d’apprendre à documenter ces dégâts, à structurer un plaidoyer efficace et à le mener à l’intérieur de leur corporations (Leaderships dans la santé) et au sein d’autres corporations, des pouvoirs politiques et de la société en général (leadership pour la santé).Une première étape dans cette démarche de leadership pour la santé est d’apprendre à maîtriser les concepts même de développement humain, de déterminants sociaux de la santé, de promotion de la santé, de coopération pour la santé et des outils qui vont avec ces concepts. C’est de cela que les participants ont parlé tout au long de cette semaine.

"Le développement humain (DH), en tant qu'approche, repose sur ce que je tiens pour être l'idée fondamentale du développement, à savoir, faire progresser la richesse de la vie humaine, plutôt que la richesse de l'économie dans laquelle les êtres humains vivent, ce qui n'en représente qu'une partie" . Pour les Nations Unies « le principal objectif du développe-ment humain est d'élargir la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif. Ces choix doivent comprendre des possibilités d'accéder aux revenus et à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé et à un environnement propre ne présentant pas de danger. L'individu doit également avoir la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et de jouir des libertés humaines, économ-iques et politiques ». Le Développement humain plaide pour quatre séries de principes: L'équité, la participation et l'autonomisation des individus (notamment par le renforcement de leurs aptitudes), la productivité et l'efficacité et enfin la durabilité.Les déterminants sociaux ont un impact direct sur la santé ; ils expliquent la plus grande partie des différences d’état de santé (inégalités sanitaires), conditionnent les comportements à l’égard de la santé et interagissent souvent. Les inégalités peuvent concerner des pays, des régions dans le même pays, des tranches d’âges, des catégories sociales, le genre etc… soulignant la nécessité de produire une information et des données fiables (système d’enregistrement et recherche), et surtout désagrégées selon les catégories indiquées, pour faire apparaître les différences. « Penser globalement et agir localement », utiliser les principes de la promotion de la santé et ses cinq dimensions (Établir une politique publique saine, créer des milieux favorables, réorienter les services de santé, développer les aptitudes personnelles, renforcer l’action communautaire) comme un levier pour une approche globale des problèmes de santé et de leurs déterminants telle est l’un des objectifs de la promotion de la santé qui a été débattu.Il s’agit aussi de tirer les leçons apprises des expériences de la coopération internationale depuis la déclaration universelle des droits de l’homme en passant par (i) les progrès qui ont accompagné la décolonisation mais inégalement répartis entre les pays et dans un même pays (ii) les approches sélectives ciblant un nombre limité de maladies (iii) les stratégies assimilant la santé à un marché parmi d’autres. Les principes de la Déclaration de Paris (2005) sur l’efficacité de l’aide (appropriation, gestion orientée sur les résultats, responsabilité mutuelle) sont abordés comme des principes pertinents pas seulement dans le contexte de coopération entre pays, mais aussi dans le contexte de partenariat au sein même du pays tant au niveau national que local ou régional. Des partenariats solides sont cruciaux pour assurer des progrès durables dans la promotion de la santé, de par sa nature multisectorielle. Les participants ont pu également s’informer et partager sur des expériences de partenariats sud-sud.Tout au long de la semaine, les participants ont eu à confronter, discuter et débattre activement des notions ci-dessus, en partant des données réelles des pays du Maghreb, à partir des exemples des accidents de la circulation et des maladies non transmissibles.