la France et la dissuasion nucléaire

66
LA FRANCE ET LA DISSUASION NUCLÉAIRE Le sous marin « Le Vigilant » Porte avions « Le Charles de Gaulle ». Avion « Le Rafale » Source : site «www.defense.gouv.fr » DOSSIER REALISE PAR Marie-Noëlle BERQUIER, PROFESSEURE AGREGEE D’HISTOIRE-GEOGRAPHIE au Lycée Montesquieu de Bordeaux Page 1 sur 66

Transcript of la France et la dissuasion nucléaire

Page 1: la France et la dissuasion nucléaire

LA FRANCE ET

LA DISSUASION NUCLÉAIRE

Le sous marin « Le Vigilant »

Porte avions « Le Charles de Gaulle ». Avion « Le Rafale »

Source : site «www.defense.gouv.fr »

DOSSIER REALISE PAR Marie-Noëlle BERQUIER, PROFESSEURE AGREGEE D’HISTOIRE-GEOGRAPHIE au Lycée Montesquieu de Bordeaux

Page 1 sur 66

Page 2: la France et la dissuasion nucléaire

SOMMAIRE AVANT PROPOS

I : CONTEXTUALISATION Page 4

I-1er THÈME : - HISTORIQUE DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE DISSUASION

I-1er THÈME-I : La France dans le camp occidental de 1944 à 1958 : Le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) et la IV ème République Page 4 I-1er THÈME-II : La construction de la puissance nucléaire de la France sous la Présidence de C. DE GAULLE au début de la Vème République et l’affirmation de la singularité française (1958-1969) Page 5 I-1er THÈME-III : Après C. De Gaulle, continuité et inflexion de la politique de la France Page 8

I-2ème THÈME : - L’ÉTAT DU MONDE

I-2ème THÈME-I : L’évolution des armements nucléaires dans le monde Page 11 I-2ème THÈME-II : Carte des puissances nucléaires Page 13 I-2ème THÈME-III : Historique des principaux traités sur le nucléaire Page 14

I-3ème THÈME : - LEXIQUE Page 17 I-4ème THÈME : - CHRONOLOGIE Page 18

II : LES RESSOURCES Page 20

11 documents Page 20

III : PISTES DE TRAVAIL ET QUESTIONNEMENT Page 53

Piste Verte : niveau initiation Page 53 Piste Bleue : niveau collège Page 54 Piste rouge : niveau lycée Page 55 Piste Noire : niveau Enseignement Supérieur Page 64

IV : BIBLIOGRAPHIE ET SITES INTERNET Page 66

Page 2 sur 66

Page 3: la France et la dissuasion nucléaire

Page 3 sur 66

DEVELOPPEMENT

AVANT PROPOS

Le thème du dossier porte sur la France et la dissuasion nucléaire. Ce sujet d’étude s’inscrit dans les programmes scolaires de l’Education Nationale dans le cadre de plusieurs disciplines, en particulier en Histoire-Géographie au niveau du collège et du lycée. Il peut aussi correspondre à un travail de recherche en Education Civique ou en ECJS dans le cadre de l’enseignement de la Défense. Cette thématique peut également être étudiée dans les TPE (Travaux Personnels Encadrés) ou en Enseignement d’Exploration en lycée. Les étudiants de l’Enseignement Supérieur peuvent aussi utilement s’y référer. Le dossier est composé de trois parties :

-La première partie porte sur la contextualisation : Elle propose une étude de l’Historique de la politique française de dissuasion nucléaire et de l’état actuel du monde. -En seconde partie, sont proposés des documents scientifiques de nature différente. Ils présentent des regards croisés sur le thème de la dissuasion nucléaire de la France. Ils peuvent faire l’objet d’un travail critique enrichissant. -La troisième partie est consacrée à des pistes de travail à proposer aux élèves et étudiants. Les enseignants, s’ils le souhaitent, peuvent s’en inspirer, suivant le classement suivant :

Piste verte pour l’initiation des élèves Piste bleue pour le niveau collège Piste rouge pour le niveau lycée Piste noire pour l’Enseignement Supérieur

Ce classement proposé est uniquement indicatif. Chacun peut s’en inspirer, suivant ses propres critères.

Page 4: la France et la dissuasion nucléaire

I : CONTEXTUALISATION

I-1er THÈME : HISTORIQUE DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE DISSUASION Introduction : définition des mots dissuader, dissuasion (peuvent revêtir plusieurs sens) Dissuader : détourner (quelqu’un) de son projet. Dissuasion : mode de la stratégie militaire qui vise à détourner un adversaire d’une intention agressive par la représentation des représailles qu’il pourrait subir en retour. L’exceptionnelle capacité de destruction des armes nucléaires a donné une valeur nouvelle à la stratégie de dissuasion. Depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale , la politique de Défense de la France a fortement évolué. La rupture date de la constitution de la puissance nucléaire de la France, entamée sous la IVème République et développée sous la Vème République, d’où la singularité de la politique française. Depuis 1960, la France fait partie des grandes puissances nucléaires et la politique de Défense repose toujours en partie sur la dissuasion nucléaire.

I-1er THÈME-I : LA FRANCE DANS LE CAMP OCCIDENTAL APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE.

A - CONTEXTE PARTICULIER : la fin de la deuxième guerre mondiale, Intervention décisive des États-Unis pour lutter contre le nazisme > la France se rapproche des Etats-Unis et dépend de leur protection militaire. 1) La France dispose d’un héritage scientifique important : A la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, de nombreux scientifiques font des

découvertes capitales dans le domaine du nucléaire, dont des scientifiques français.

1896 : Becquerel découvre la radioactivité naturelle. 1898 : Découverte par Pierre et Marie Curie du radium et de ses propriétés. 1905 : Equation du savant Einstein : E =M*C², fondamentale pour la physique

nucléaire. A partir de 1910 : naissance du concept de réaction atomique. 1934 : Irène et Frédéric Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle. 2 août 1939 : lettre d’Albert Einstein au Président de la République Roosevelt

exposant les caractéristiques de la future bombe atomique. 1939-1940 : découvertes fondamentales par Frédéric et Irène Joliot-Curie : Frédéric

Joliot-Curie montre que la fission peut créer une réaction en chaîne 1940 : la commission britannique MAUD récupère les travaux français après la

défaite de la France 1943 : validation du « projet Manhattan » américain de construction d’une bombe

atomique 16 juillet 1945 : première expérimentation atomique sur la base d’Alamogordo (USA) 6 août 1945 : premier bombardement atomique à l’uranium sur Hiroshima, au Japon 9 août 1945 : premier bombardement au plutonium sur Nagasaki.

Page 4 sur 66

Page 5: la France et la dissuasion nucléaire

Page 5 sur 66

2) Gouvernement Provisoire de la République Française : 1944 -1946 : Gouvernement Provisoire de la République Française (C. De Gaulle) 18 octobre 1945 : création du Commissariat à l’Énergie Atomique, Haut-Commissaire

Frédéric Joliot-Curie (1900-1958), révoqué suite à l’ Appel de Stockholm en avril 1950 : remplacé par Francis Perrin (1901-1992)

1946 : Démission de C. De Gaulle

B - LA IV RÉPUBLIQUE : UNE POLITIQUE ATLANTISTE, MAIS AUSSI L’AMORCE DU PROGRAMME NUCLEAIRE FRANCAIS 1947 : début de la « guerre froide » la France accepte le Plan Marshall et adopte une

position atlantiste. 1948 : la première pile atomique française ZOÉ diverge 1949 : La France participe à la création de l’Alliance Atlantique (création du Pacte de

Varsovie /1955) 1954 : lancement du programme nucléaire de la France 1954-1955 : développement du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), sous

l’impulsion de Jean Perrin ; mise au point et utilisation de la première « pile atomique » de Marcoule, des réacteurs G1 (1956) , G2 (1959) , G3 (1960).

1956 : après la crise de Suez et la condamnation de l’intervention militaire franco-britannique, les autorités politiques françaises de l’époque préconisent un effort en faveur du nucléaire militaire. La crise de Suez précipite les décisions, en montrant les limites de l’alliance avec les Etats-Unis.

1957 : création de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) basée à Vienne, dépendant du Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle contribue à promouvoir les usages pacifiques de l’atome et limitent les développements des applications militaires.

1958 : Félix Gaillard, Président du Conseil, signe un décret fixant la date de la première explosion atomique française et décide ainsi de doter la France d’une force de dissuasion nucléaire.

I-1er THÈME-II : LA CONSTRUCTION DE LA PUISSANCE NUCLÉAIRE FRANÇAISE AU DEBUT DE LA Vème RÉPUBLIQUE SOUS LA PRESIDENCE DE C. DE GAULLE ET L’AFFIRMATION DE LA SINGULARITE FRANCAISE (1958-1969)

A – MISE AU POINT DE L’ARME NUCLÉAIRE FRANÇAISE SOUS LA PRESIDENCE DE C.DE GAULLE But : Mettre en place la force de frappe et de dissuasion nucléaire : Méthode : La stratégie de dissuasion nucléaire est qualifiée « du faible au fort ». Cette doctrine suppose qu’un petit pays peut dissuader une puissance majeure de l’agresser, en menaçant de lui infliger des dommages inacceptables. Pour disposer d’une dissuasion efficace, il suffit d’un minimun d’armement nucléaire ; (c’est le principe de suffisance). On a pu ainsi parler du « pouvoir égalisateur » de l’atome. 1958-1969 : C. De Gaulle Président de la République, promeut une politique

d’indépendance nationale « la France n’est pas la France sans la grandeur »

Page 6: la France et la dissuasion nucléaire

Page 6 sur 66

1958 : De Gaulle fait de la dissuasion nucléaire l’instrument de la politique d’indépendance nationale

1960 : explosion de la 1ère bombe atomique (bombe A) française à Reggane, Sahara français

* développement d’un vecteur aérien de conception et fabrication françaises porteur de la munition nucléaire AN11: le Mirage IV de Dassault * acquisition d’un système d’avions ravitailleurs en vol auprès de l’américain Boeing, les KC 135 devenus les C135 FR * étude et développement d’un missile vecteur nucléaire SSBS (Sol Sol Balistique Stratégique) installé dans les silos du Plateau d’Albion à Apt-Saint Cristol et MSBS (Mer Sol Balistique stratégique) dans les Sous marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE) * étude d’une arme tactique terrestre de champ de bataille > régiment PLUTON (1974- 1993), puis HADES (1991-1997)

1966 : la France quitte le commandement militaire intégré de l’OTAN, mais reste membre de l’Alliance atlantique et ferme les bases américaines implantées sur son territoire. C’est une politique d’équilibre entre les deux grandes puissances nucléaires, Etats-Unis et Union Soviétique, opposées dans une guerre froide, en particulier sur le territoire européen. La création de la force de dissuasion pourrait être considérée, par certains, comme un moyen de renforcer le potentiel militaire de l’armée, après les difficultés liées à la guerre d’Algérie 1967 : lancement du premier sous marin nucléaire français (armement et propulsion)

le Redoutable 1968 : traité de non prolifération nucléaire TNP / Explosion de la première bombe H

française. Dans les années qui suivent, le système d’armes nucléaires français est complet et

opérationnel *Composante aérienne pilotée air-sol avec les Mirage IV (vecteurs), Boeing C 135 FR (ravitailleurs en vol), arme nucléaire AN 52 *Composante aérienne enterrée SSBS (Sol Sol Balistique Stratégique, le plateau d’Albion) *Composante sous marine mer-sol SNLE le Redoutable et missile à têtes multiples MSBS.

B – LA SINGULARITÉ FRANÇAISE AVEC LE PRESIDENT C. DE GAULLE Georges Pompidou, premier Ministre de 1962 à 1968 Maurice Couve de Murville ministre des affaires étrangères de 1958 à 1968 Pierre Messmer ministre des armées de 1960 à 1969 Position singulière de la France,dans le domaine du nucléaire : Refus de ratification de traités de non prolifération des armes nucléaires contrariant ou interdisant le développement de la force de dissuasion française 1963 : traité de Moscou : interdiction des explosions atmosphériques type Hiroshima : accord USA, GB ,URSS , mais refus de la France et de la Chine d’y adhérer. 1968 : Traité de non prolifération nucléaire. Les puissances non nucléaires se voient interdire l’acquisition de l’arme nucléaire ; la France, la Chine, l’Inde n’y adhérent pas.

Page 7: la France et la dissuasion nucléaire

Page 7 sur 66

En politique extérieure, position singulière également : C. De Gaulle, surtout à partir de 1964, souhaite mener une politique d’équilibre entre les 2 grandes puissances: USA et URSS

refus de l’hégémonie des USA conversion en or des avoirs en $ de la Banque de France dénonciation de la prééminence du dollar fixée aux accords de Bretton Woods

de 1944 1966 : condamnation de l’intervention américaine au Vietnam (discours de

Phnom Penh) 1967 : encouragement apporté aux partisans de l’indépendance du Québec

lors d’un voyage au Canada 1967 : Guerre des six jours, la France s’éloigne d’Israël alliée des USA, décrète un embargo sur les ventes d’armes et soutient les pays arabes Dans le cadre de la politique avec l’Europe de l’est, signatures d’accords de

coopération lors de voyages en : o URSS (1966) o Pologne (1967) o Roumanie (1968)

AINSI, le Président C. De Gaulle met en avant la politique d’indépendance de la France. Cependant, la France reste membre du bloc atlantique dans les situations de crise grave de la Guerre Froide comme celle de Cuba, (crise qui constitue un test de la théorie de la dissuasion).

Page 8: la France et la dissuasion nucléaire

Page 8 sur 66

I-1er THÈME-III : L’APRÈS DE GAULLE, CONTINUITÉ ET INFLEXION DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE.

A – LES SUCCESSEURS DE C. DE GAULLE MAINTIENNENT LES GRANDES LIGNES DE LA POLITIQUE D’INDÉPENDANCE La doctrine militaire basée sur la dissuasion n’est pas remise en cause : G. Pompidou : Président de la République (1969-1974) V. Giscard d’Estaing : Président de la République (1974-1981) 1980 Refus de la France de s’associer aux sanctions américaines contre l’URSS

après l’invasion de l’Afghanistan (1979) F. Mitterrand : Président de la République (1981-1995) 1983 Soutient le déploiement des euromissiles en RFA, mais critique l’initiative de

défense stratégique dite « guerre des étoiles », décidée par président américain Ronald Reagan

1986 La France sous gouvernement de cohabitation, J. Chirac refuse le survol du territoire par les avions américains qui bombardent la Libye.

Soutien apporté aux pays arabes dans les conflits israélo-arabes.

B - LA FIN DE LA GUERRE FROIDE ENGENDRE UNE INFLEXION NOTABLE DANS LA POLITIQUE FRANÇAISE 1991 première guerre du Golfe suite à l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam

Hussein après la résolution de l’ONU, la France participe à la coalition aux côtés des USA,

opération DAGUET durant « Desert Storm » intervention de l’OTAN en ex-Yougoslavie 1992 conversion à la politique de multilatéralisme. J. CHIRAC : Président de la République (1995- 2007) 1995 résolution 984 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU 1996 dernières expérimentations nucléaires de la France dans le Pacifique, moratoire

et signature du traité de non prolifération 1996 lancement du programme « Simulation » par le CEA au Centre d’études

scientifiques et techniques d’Aquitaine, le CESTA, près de Bordeaux, car la France ne fait plus d’essais nucléaires

1998 approbation de la création de la Cour Pénale Internationale (refusée par les USA)

2001 lancement d’un porte-avions à propulsion nucléaire, le Charles de Gaulle 2003 entrée en service du prototype du LASER MEGAJOULE. Cette « ligne

d’intégration Laser » ou LIL permet de valider les choix du futur Laser Mégajoule 2003 opposition à la politique unilatérale des USA en Irak et à l’intervention sans

mandat de l’ONU : discours de D. de Villepin, Ministre des Affaires étrangères français

N. SARKOZY : Président de la République à partir de 2007 2008 : Présentation du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale 2008 : négociations sur le fonctionnement de l’OTAN 2009 : Retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN, mais

pas dans le commandement nucléaire. La France conserve une dissuasion atomique indépendante.

Page 9: la France et la dissuasion nucléaire

Page 9 sur 66

AINSI : Depuis 1960, la France fait partie des grandes puissances nucléaires et conserve une position singulière dans sa politique extérieure.

C – SITUATION ACTUELLE 1) L’importance de la Force de dissuasion nucléaire française La politique de Défense de la France s’appuie toujours sur la dissuasion nucléaire (cf le discours du Président de la République du 21 mars 2008 limitant l’arsenal à 300 ogives nucléaires) La force de dissuasion repose sur : des institutions : une politique étrangère en harmonie avec les termes des textes

fondamentaux de la République, préambule de la Constitution de 1946 , reprise dans les versions successives de la Vème République.

Aujourd’hui comme dans le passé, seul, le Président de la République peut décider de l’utilisation de l’arme nucléaire. Le poste de commandement se trouve au palais de l’Elysée.

Des moyens : un effort réaffirmé dans la loi de programmation militaire 2010-2015 en cours de discussion

* le développement de la composante renseignement et anticipation (satellites espions, système de navigation indépendant du système GPS américain) * le maintien en condition des deux composantes aujourd’hui opérationnelles : Sous marine : 4 SNLE+missiles intercontinentaux M45 et M51 (85% des capacités) Aéroportée : 60 avions Mirage 2000N et Rafale + ASMPa =Missile Air Sol Moyenne Portée amélioré (15% des capacités)

depuis 2010, rôle important du Rafale dans le cadre de 2 escadrons nucléaires ( escadrons Gascogne et Limousin ) au sein des Forces aériennes stratégiques (FAS)

au niveau des moyens, une question peut se poser dans l’avenir : l’usage des drones est-il envisageable dans ce domaine, même si ce n’est pas le cas aujourd’hui ?.

Il faut donc constater que les composantes de la force de frappe nucléaire de la France ne cessent d’évoluer

Page 10: la France et la dissuasion nucléaire

Source : Site du Trinôme académique de l’Académie de Bordeaux : disciplines.ac-bordeaux.fr/trinome/ La stratégie de la dissuasion est basée sur de nouvelles composantes, toujours en évolution.

En parallèle , on assiste à une prise de conscience que le développement du nucléaire peut avoir un impact important dans les domaines économiques et industriels, ce qui suppose des centres de recherche très modernes.

2) Un centre de simulation nucléaire en Aquitaine

Créé en 1965 , le Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine , le CESTA , peut être considéré comme l’architecte industriel des têtes nucléaires de la force de Dissuasion et l’expert du CEA pour la conception et l’exploitation des grands systèmes lasers du programme « Simulation » Pour continuer à garantir la fiabilité et la sûreté des armes de la dissuasion, le CEA a lancé le programme « Simulation ». Le centre regroupe , près de Bordeaux , environ un millier d’ingénieurs-chercheurs, de techniciens et autres personnels. Ces équipes doivent désormais s’appuyer sur de puissants ordinateurs pour reproduire, par le calcul, le fonctionnement de ces armes. C’est la raison pour laquelle est construit le LASER MEGAJOULE . Il va permettre de confirmer, par des expériences de physique de laboratoire, les résultats fournis par l’ordinateur.

Page 10 sur 66

Page 11: la France et la dissuasion nucléaire

Page 11 sur 66

Le Laser Mégajoule, dont le chantier a été ouvert au CESTA en 2003, va constituer un centre scientifique de niveau mondial. Les moyens lasers déjà opérationnels, parmi lesquels la « Ligne d’intégration Laser »(LIL), prototype du Laser Mégajoule , permettent de progresser dans la compréhension de phénomènes physiques extrêmes, qui se produisent à l’échelle de l’infiniment petit. Cette « Ligne d’intégration Laser » permet de valider les choix technologiques du futur Laser Mégajoule. En octobre 2010 , ce centre a été inauguré officiellement par le Président de la République, N. Sarkozy. Le futur Laser Mégajoule, fait d’émetteurs Laser, de miroirs, de fibres optiques, de lentilles, (soit « une ligne de lumière ») , devrait devenir un véritable champ d’expérimentation vers 2014. BILAN : la France fait partie du « club des puissances nucléaires ». Elle est fortement crédible à l’échelle mondiale par sa politique de dissuasion nucléaire et sa haute technologie.

I-2ème THÈME : - L’ÉTAT DU MONDE

I-2ème THÈME-I : L’ÉVOLUTION DE L’ARMEMENT NUCLÉAIRE

A – HISTOIRE DE L’ARME ATOMIQUE DANS LE MONDE 1896 : Becquerel : découverte de la radioactivité. 1898 : Découverte par Pierre et Marie Curie du radium et de ses propriétés. 1905 : Equation du savant Einstein : E =M*C², fondamentale pour la physique

nucléaire. A partir de 1910, et des travaux de Marie Curie, naissance du concept de réaction

atomique Dans les années 30, les recherches sont déjà bien avancées. 1933 : exode de scientifiques allemands, après l’arrivée d’Hitler au pouvoir 1934 : Fréderic Joliot-Curie produit le premier noyau radioactif artificiel 2 août 1939 lettre d’Albert Einstein à Franklin Delano Roosevelt exposant les

caractéristiques de la future bombe atomique. Il écrit que l’Allemagne pourrait fabriquer une arme atomique

1939-1940 découvertes fondamentales par Frédéric et Irène Joliot Curie 1940 la commission britannique MAUD récupère les travaux français après la défaite

de la France 1943 validation du « projet Manhattan » américain de construction d’une bombe

atomique juillet 1945 première expérimentation atomique sur la base d’Alamogordo (USA) 6 août 1945 premier bombardement atomique à l’uranium sur Hiroshima 9 août 1945 premier bombardement au plutonium sur Nagasaki.

B – ÉVOLUTION DE LA SITUATION, APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE 1 – A partir de 1947, durant la guerre froide, USA et URSS se lancent dans la course aux armements, bientôt suivis par le Royaume Uni, la France et la Chine. Cette course à des armements de plus en plus puissants fait prendre conscience du danger atomique (exemple : crise de Cuba en 1962). C’est pourquoi, à partir des années 60, sont signés des accords de non prolifération, de limitation, puis de désarmement, qui conditionnent l’arsenal nucléaire.

Page 12: la France et la dissuasion nucléaire

Page 12 sur 66

2 – A partir des années 70, de nouvelles puissances nucléaires apparaissent. La menace atomique se déplace vers des régions instables comme l’ Inde, le Pakistan et Israël. 3 – De nouveaux dangers nucléaires apparaissent au début du XXI ème siècle

liés à l’implosion en 1991 du système militaire soviétique et à la dissémination des matières premières nucléaires, sur un marché échappant à tout contrôle ou vérification.

le danger grandit avec des États peu démocratiques soupçonnés de vouloir devenir ou d’être une nouvelle puissance nucléaire (exemple : Iran, Corée du Nord)

une nouveauté aussi avec la menace d’utilisation de « bombes sales », par des mouvements terroristes, à la solde d’un État, de groupes terroristes indépendants aux ramifications internationales (ex : Al Qaïda), de mouvements sectaires ou de mafias prospérant sur des trafics avantageux et aux moyens financiers comparables à ceux d’États, parfois supérieurs. Nota sur « Bombe sale » : - Définition de « Bombe sale » = bombe primitive, moins chère, plus facile à obtenir et à l’impact égal.au nucléaire « classique » - Méthode : un explosif conventionnel attaché à un petit conteneur de plutonium ou uranium n’ayant pas besoin d’être raffiné ni stabilisé provoque, en explosant, des radiations très puissantes souvent dispersées sur une petite surface, rendant la zone contaminée inhabitable pour des décennies. Les personnes exposées finiraient par disparaître par suite de développements de cancers.

C – LA CHRONOLOGIE DE L’ARMEMENT NUCLÉAIRE DANS LE MONDE PRÉSENT.

États-Unis (1945) Union soviétique (1949) Royaume-Uni (1952) France (1960) Chine (1964) Israël, un programme d'acquisition de l'arme nucléaire a commencé au début des

années 1960, le pays serait actuellement doté de la puissance nucléaire Suède, a développé un programme dans les années 1950 et a disposé de l'arme

nucléaire qu’elle a abandonnée en signant le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1968

Inde (1974), avec des essais en 1998 Afrique du Sud, un programme nucléaire militaire existait dans les années 1970 et a

été démantelé en 1990 Pakistan (1998) Ukraine et Kazakhstan, ont rendu aux Russes les armes nucléaires de l'Union

soviétique après sa dissolution Corée du Nord, a réalisé des essais en 2006 et en 2009

D'autres pays sont, ou ont été, soupçonnés de vouloir développer un programme nucléaire militaire, comme l'Algérie, le Brésil, l'Iran, l'Irak, la Syrie, l'Arabie saoudite,la Libye…

Page 13: la France et la dissuasion nucléaire

I-2ème THÈME-II : CARTE DES PUISSANCES NUCLÉAIRES

Aujourd’hui, on constate que le centre de gravité des puissances nucléaires s’est déplacé de

l’Atlantique vers le Pacifique.

Page 13 sur 66

Page 14: la France et la dissuasion nucléaire

Page 14 sur 66

I-2ème THÈME-III : HISTORIQUE DES PRINCIPAUX TRAITÉS SUR LE NUCLÉAIRE

A - LES PRINCIPAUX ACCORDS INTERNATIONAUX

1959 : accord de Washington sur la dénucléarisation de l’Antarctique

1963 : La première étape est la signature du Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires,dans l’espace, l’atmosphère et dans l’eau, signé en 1963 à Moscou, par les États-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne, mais refus de la France et de la Chine.

1968 : une avancée majeure est réalisée par la conclusion du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Cet accord est signé par de nombreux États sauf certains pays comme la France, la Chine, l'Inde, le Pakistan et Israël. Entré en vigueur en 1970, il fait la distinction entre les Etats qui ont déjà procédé à des expériences nucléaires et les autres, qui ne doivent pas en acquérir.

1971 : accord sur la dénucléarisation des fonds des mers et de leur sous-sol. 1972 : les négociations sur la limitation des armements stratégiques, entamées en 1969,

entre les États-Unis et l'Union soviétique, aboutissent à la conclusion des traités SALT I en 1972 ( et SALT II en 1979 : non appliqué). SALT I (Strategic Arms Limitation Treaty) porte sur la limitation des armements strategiques intercontinentaux de portée supérieure à 5500 km) ; il consacre le principe de la parité , mais cet accord est détourné en fixant une limitation quantitative et non pas qualitative.

1987 : Traité de Washington sur le désarmement nucléaire : destruction des missiles

d’une portée de 500 à 5500 km basés à terre et stationnés en Europe et en Asie.

1991 : Ces accords sur le contrôle de la production d'armes stratégiques sont prolongés par le traité de réduction des armes stratégiques (START I et II, signés respectivement en 1991 et 1993).START I : Strategic Arms Reduction Treaty prévoit la destruction d’un tiers des arsenaux d’armes stratégiques, soviétiques et américaines, en sept ans

1995 : reconduction du traité de non prolifération nucléaire.

1996 : traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires, adopté par la France

(TICE). Ce traité est signé par 158 états, mais ni par l’Inde ni par le Pakistan ; les Etats-Unis, la Russie et la Chine ne l’ont pas ratifié.

1997 : convention sur l’interdiction des armes chimiques : elle n’a fait que ralentir les

recherches menées par certains pays sur le nucléaire du pauvre : « les bombes sales »

2002 : traité de désarmement stratégique à Moscou par les les présidents Bush et Poutine. Les 2 états s’engagent à réduire des deux-tiers leurs arsenaux nucléaires stratégiques d’ici à 2012

2010 : nouveau traité START , signé par les Etats-Unis et la Russie à Prague ( Strategic Arms Reduction Talks) : accord de réduction des armements nucléaires entre les Présidents Obama et Medvedev. Le traité prévoit de limiter à 1550 le nombre d’ogives nucléaires de chaque partie, soit une réduction de 30% par rapport au précédent traité ( SORT ou traité de Moscou de 2002 ) et à 800 le nombre de vecteurs ( missiles intercontinentaux, à bord de sous-marins et de bombardiers). Cependant,

Page 15: la France et la dissuasion nucléaire

Page 15 sur 66

l’armement nucléaire de ces 2 pays reste élevé et la suprématie des 2 puissances demeure. L’idée de l’avènement d’un monde dénucléarisé reste encore lointaine.

2010 : Accord franco-britannique en matière de défense, signé par le Président N.Sarkozy et le Premier Ministre D.Cameron : cet accord porte en particulier sur la gestion des arsenaux nucléaires et l’étude de projets pour la prochaine génération de sous-marins nucléaires.

AINSI, de nombreux traités internationaux ont conditionné l’évolution de l’armement nucléaire dans le monde.

B – LE TRAITÉ DE NON PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE

TNP : Le Traité de Non Prolifération des armes nucléaires est signé par de nombreuses puissances nucléaires en 1968

Pays non signataires ayant développé l’arme nucléaire : o La FRANCE (date de l’arme : 1960) o La CHINE (1964) o L’INDE (1974) o ISRAËL (date floue : 1979 ?) o PAKISTAN (1998)

Pays retiré du TNP : Corée du Nord en 2003 Traité signé en 1968, entré en vigueur en 1970, reconduit en 1995 pour une durée

indéterminée Les pays ayant l’arme nucléaire s’engagent à ne pas aider d’autres pays à acquérir

l’arme nucléaire.Les seconds s’engagent à ne pas fabriquer l’arme nucléaire et à ne pas s’en procurer. Il existe ainsi un déséquilibre entre les pays dotés aujourd’hui de l’arme nucléaire et ceux qui ne l’ont pas.

Le traité affirme le droit inaliénable de tous les pays à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques

TNP contient une clause relative au désarmement, les signataires devant s’engager à négocier en vue d’un document général sous contrôle international.

Problème : s’il y a des accords sur les quantités d’armements, il n’y a pas d’accord sur la qualité de ces armements, ce qui permet le plus souvent de contourner un traité. En conséquence, la plupart des pays cherchent à moderniser leurs armements

La course aux armements se poursuit donc.

C - SITUATION ACTUELLE

En dépit de ces différents engagements et de la chute du bloc communiste, la prolifération se poursuit. Plusieurs pays ont toujours des programmes nucléaires militaires. Les puissances nucléaires continuent de développer et de moderniser leurs capacités, à travers l’adaptation de leurs arsenal (comme la France avec le développement du missile M51 destiné à succéder au missile M45), mais aussi à travers des simulations numériques (les essais nucléaires ayant été abandonnés par les principales puissances nucléaires).

Actuellement, la Corée du Nord dispose de moins de dix têtes nucléaires selon les services de renseignements des États-Unis. Suite à cette révélation, la Corée du Nord s'est retirée du TNP en 2002, mais après des négociations, elle accepte en 2005 d'y être réintégrée. Cependant, le 9 octobre 2006 elle réalise un essai non autorisé : en réponse, le Conseil de sécurité des Nations unies vote la résolution 1718 qui prévoit notamment des sanctions économiques. Après la mort du chef d’état Kim Jong-il en décembre 2011, son fils Kim Jong-un est soupçonné de vouloir poursuivre la même politique.

Page 16: la France et la dissuasion nucléaire

Page 16 sur 66

L'Iran dispose sans doute d'un programme militaire de recherche nucléaire et aurait construit une centrale nucléaire qui produirait du plutonium, pouvant être utilisé à des fins militaires. En 2011, l’Iran serait parvenu « au seuil nucléaire » militaire.

En 1995, la France a proposé un Traité d'interdiction de la production de matières fissiles et a entre 1992 et 1996 démantelé ses installations consacrées à la production de matières fissiles à usage militaire. Cette proposition a été reprise en 2006 par les États-Unis qui ont demandé à nouveau en 2008 l'ouverture de négociations sur le sujet.

Ainsi, certains pays continuent de développer leur arsenal nucléaire, même si l’arme nucléaire est présentée comme facteur de maintien de la paix par la politique de dissuasion .

Le Monde est donc toujours soumis au danger d’un conflit nucléaire.

CONCLUSION La politique de Défense de la France repose toujours sur la dissuasion nucléaire et la stratégie dite « du faible au fort ». Cette politique a été développée depuis 1960 et reste un fondement essentiel de nos jours de la stratégie française. - La force de dissuasion nécessite une politique de modernisation et une haute technologie. - Le coût de la politique de dissuasion représente un pourcentage important du budget de Défense. Le budget du maintien de la force de frappe se serait élevé à plus de 3,5 milliards d’euros, en 2010, mais ce budget est beaucoup plus élevé si on tient compte de l’ensemble des secteurs concernés. En raison de la politique de désarmement nucléaire, l’arsenal français doit désormais comporter moins de 300 têtes nucléaires. L’Observatoire des armes nucléaires françaises a estimé, (car il n’existe aucune donnée rendue publique), l’état des forces nucléaires françaises à 348 têtes nucléaires en 2004 Il serait de 298 têtes en 2011, alors que le nombre maximal d’armes nucléaires se serait élevé à 540 vers 1992. - Pourtant, en parallèle, on assiste à une prise de conscience que le développement du nucléaire peut avoir un impact important dans les domaines de l’ industrie et de la recherche. - Mais, des interrogations subsistent sur les limites de la puissance et de la dissuasion nucléaire :

risque de prolifération nucléaire sauvage. destruction des zones visées non récupérables pendant de longues périodes pollution durable et risques sur les populations et l’environnement menace terroriste d’utilisation d’une arme nucléaire, sous forme de « bombe sale » élévation au rang de martyrs pour des dirigeants ou des populations aux

comportements condamnables. L’effet obtenu peut être à l’opposé de celui recherché. c’est le maintien d’un équilibre, l’équilibre de la terreur.

Autres questions posées: la dissuasion joue-t-elle encore un rôle dans les conflits locaux ? Est-elle efficace pour lutter contre le terrorisme , nouvelle forme de conflit au XXI eme siècle? Même si la stratégie de la dissuasion est de prévenir toute agression majeure en menaçant l’adversaire de dommages inacceptables, ces questions illustrent l’existence de dangers potentiels. LES RISQUES LIES A UN CONFLIT NUCLÉAIRE RESTENT DONC D’ACTUALITÉ ET LES PERSPECTIVES D’AVENIR POSENT DE LOURDES INTERROGATIONS.

Page 17: la France et la dissuasion nucléaire

Page 17 sur 66

I-3ème THEME : -.LEXIQUE

1. ATLANTISME : Politique étrangère alignée sur celle des Etats-Unis 2. ACCORDS SALT : Strategic Armements Limitation Talks : Négociations sur la limitation des

armements stratégiques, accords signés en 1972 par l’URSS et les USA, visant à limiter la quantité des armements nucléaires

3. AIEA : Agence Internationale de l’énergie Atomique 4. BOMBE A : Arme exploitant le principe de la fission nucléaire 5. BOMBE H : Arme exploitant le principe de la fusion nucléaire 6. BOMBE SALE : Explosif conventionnel attaché à un petit conteneur d’uranium ou de

plutonium qui provoque, en explosant,des radiations sur une petite zone délimitée 7. CEA : Commissariat à l’Energie Atomique créé en France en 1945. 8. CESTA : Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine, près de Bordeaux : ce

centre est chargé de concevoir et de dimensionner les solutions retenues pour la militarisation des têtes nucléaires.

9. DISSUASION : Mode de stratégie militaire qui vise à détourner un adversaire d’une intention agressive par la menace de représailles qu’il pourrait subir en retour.

10. DEFENSE GLOBALE : Ce concept regroupe la défense militaire, la défense civile, la défense économique et la défense culturelle

11. DGA : Délégation générale pour l’armement 12. DGSE : Direction générale de la sécurité extérieure 13. FORCE DE DISSUASION : Force militaire, mise au point par le Général De Gaulle à partir

de 1960, dotée d’un armement nucléaire. 14. DOCTRINE DE DISSUASION « DU FAIBLE AU FORT » : Idée selon laquelle un pays peut

dissuader un Etat beaucoup plus important de l’attaquer, car il suffit au premier de menacer le second de « dommages inacceptables »

15. DOMMAGES INACCEPTABLES : Critère utilisé par certaines puissances nucléaires pour définir les caractéristiques de leur force ;les dommages infligés à l’adversaire doivent être suffisamment élevés pour qu’il soit dissuadé d’attaquer

16. DRONE : Engin volant sans pilote 17. FAS : Force aérienne stratégique 18. FORCES ARMEES : Ensemble composé des trois armées : Terre, Air, Mer et de la

Gendarmerie. 19. IHEDN : Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale 20. NOUVEL ORDRE MONDIAL : Ordre fondé sur les idéaux des Nations-Unis après la

confrontation Est-Ouest 21. ONU : Organisation des Nations Unies créée en 1945 22. OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord : Organisation civile et militaire de

l’Alliance atlantique,mise en place en 1950, rassemblant à l’origine, autour des Etats-Unis ,le Canada et dix pays d’Europe occidentale dont la France.

23. PACTE DE L’ATLANTIQUE NORD: Alliance entre 15 puissances riveraines de l’Atlantique Nord, signé en 1949 (exemple : USA, France, Royaume-Uni…)

24. PREVENTION : Ensemble de mesures prises pour prévenir certains risques. 25. SEUIL NUCLEAIRE : situation dans laquelle un pays atteint la capacité de fabriquer une

arme nucléaire 26. START : ( Strategic Arms Reduction Talks ) : Traité prévoyant le réduction du nombre des

missiles à longue portée 27. SNLE : Sous-Marin Nucléaire Lanceur d’Engins : sous-marin chargé d’emporter des

missiles balistiques nucléaires mer-sol 28. TNP : Traité de Non Prolifération Nucléaire signé en 1968 : traité interdisant l’exportation

des technologies du nucléaire militaire vers les pays qui ne possèdent pas la bombe atomique

Page 18: la France et la dissuasion nucléaire

Page 18 sur 66

I-4eme THEME : – CHRONOLOGIE INDICATIVE ( chronologie générale en noir ,sur le nucléaire en rouge)

1896 : Henri Becquerel découvre la radioactivité naturelle 1898 : découverte par Pierre et Marie Curie du radium et de ses propriétés 1905 : équation du savant Einstein, fondamentale pour la physique nucléaire 1934 : Frédéric Joliot-Curie produit le premier noyau radioactif artificiel 1939 : Frédéric Joliot-Curie montre que la fission peut créer une réaction en

chaîne 1940 : la commission britannique MAUD récupère les travaux français,après la

défaite de la France 1943 : lancement du projet Manhattan 1944-1946 : création du GPRF : Gouvernement Provisoire de la République

Française 1945 : premiers bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki au

Japon 1946-1958 : création de la IVème République en France 1945 : création du Commissariat à l’énergie atomique : CEA 1949 : entrée de la France dans l’Alliance atlantique, puis dans l’OTAN

(Organisation mise en place en 1950) 1954 : lancement du programme nucléaire en France 1954 : premier sous-marin à propulsion nucléaire (Etats-Unis) 1957 : création de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique : AIEA 1958 : création de la Vème République : De Gaulle, Président de la République

, fait de la dissuasion nucléaire l’instrument de la politique d’indépendance nationale

1959 : accord de Washington sur la dénucléarisation de l’Antarctique 1960 : explosion de la 1ere bombe atomique française (bombe A ) 1962 : crise des missiles de Cuba, pendant la Guerre Froide, (crise qui

constitue un test de la théorie de la dissuasion) 1963 : traité de Moscou sur l’interdiction des essais nucléaires dans l’espace,

l’atmosphère et dans l’eau 1963 : Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires(refus de la France) 1965 : création du CESTA : Centre d’Etudes Scientifiques et Techniques

d’Aquitaine 1966 : la France quitte le commandement militaire intégré de l’OTAN 1967 : lancement du premier sous marin nucléaire français, le Redoutable 1968 : traité de non prolifération nucléaire : TNP, entré en vigueur en 1970 1968 : explosion de la 1ère bombe H française 1971 : accord sur la denucléarisation des fonds des mers 1972 : signature du traité SALT1 sur la limitation de l’armement stratégique, par

certains pays 1987 : traité de Washington éliminant tous les missiles de 500 à 5500

kilomètres de portée intermédiaires(Euromissiles)

Page 19: la France et la dissuasion nucléaire

Page 19 sur 66

1991 : START I(Strategic Arms Reduction Treaty) prévoit la destruction d’un tiers des arsenaux d’armes nucléaires stratégiques, soviétiques et américaines, en sept ans

1995 : prolongation pour une durée indéterminée du Traité de non prolifération 1996 : dernières expérimentations nucléaires de la France dans le Pacifique.

Signature du Traité d’interdiction complète des essais 1996 : le traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires est signé par

158 états, mais ni par l’Inde ni par le Pakistan ; les Etats-Unis, la Russie et la Chine ne l’ont pas ratifié.

1996 : lancement du programme « Simulation » par le CEA au Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine, le CESTA, (car la France ne fait plus d’essais nucléaires)

1998 : essais nucléaires indiens et pakistanais 2001 : lancement du porte-avions à propulsion nucléaire, le Charles De Gaulle 2002 : traité de désarmement stratégique à Moscou par les présidents Bush et

Poutine. Les 2 états s’engagent à réduire des deux-tiers leurs arsenaux nucléaires stratégiques d’ici à 2012

2003 : ouverture du chantier du Laser Mégajoule au centre du CESTA, en Aquitaine

2003 : opposition de la France à la guerre d’Irak 2003 : crise autour du programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran 2006 : premier essai nucléaire nord-coréen 2009 : retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN,

mais la France conserve une dissuasion atomique indépendante 2009 : deuxième essai nucléaire nord-coréen 2010 : nouveau traité START : accord de réduction des armements nucléaires

entre les Etats-Unis et la Russie 2010 (oct) : inauguration officielle par le Président de la République du site du

futur LASER MEGAJOULE au CESTA près de Bordeaux : centre de simulation de l’arme nucléaire qui devrait être opérationnel vers 2014

2010 (nov) : accord franco-britannique en matière de Défense. 2011 : l’Iran parvient au « seuil nucléaire » militaire

Page 20: la France et la dissuasion nucléaire

II : LES RESSOURCES

Les documents sont présentés par ordre chronologique. 1er document REACTION D’ALBERT CAMUS A L’UTILISATION DE LA BOMBE ATOMIQUE EN AOUT 1945 « Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. » Source : Editorial non signé du journal COMBAT du 8 août 1945, publié sans titre 2eme document FRÉDÉRIC. JOLIOT-CURIE, Président du conseil mondial de la Paix, lance l’APPEL DE STOCKHOLM (19 mars 1950)

« APPEL

Nous exigeons l’interdiction absolue de l’arme atomique, arme d’épouvante et d’extermination massive des populations.

Nous exigeons l’établissement d’un rigoureux contrôle international pour assurer l’application de cette mesure d’interdiction.

Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait, contre n’importe quel pays, l’arme atomique, commettrait un crime contre l’humanité et serait à traiter comme criminel de guerre.

Page 20 sur 66

Page 21: la France et la dissuasion nucléaire

Page 21 sur 66

Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel.

Stockholm, 19 mars 1950. »

Frédéric Joliot Curie est révoqué de ses fonctions en avril 1950 et remplacé par Francis Perrin.Celui-ci supervise le développement du nucléaire militaire et civil de 1950 à 1970.

Page 22: la France et la dissuasion nucléaire

Page 22 sur 66

3ème document De GAULLE fait sortir la France du commandement militaire intégré de l’OTAN « Si la France considère qu’encore aujourd’hui il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un certain nombre d’Etats, notamment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un d’eux, si la déclaration faite en commun à ce sujet, sous forme du traité de l’Alliance atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne répondent plus à ce qu’elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions nouvelles. Je dis : « les conditions nouvelles ». Il est bien clair, en effet, qu’en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays de l’Est le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était à l’époque où le protectorat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l’OTAN. Mais, en même temps que s’estompaient les alarmes, se réduisait la garantie de sécurité, autant vous le dire absolue, que donnait à l’ancien continent la possession par la seule Amérique de l’armement atomique et la certitude qu’elle l’emploierait sans restriction dans le cas d’une agression. […] Tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mondiale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde, comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France, si l’imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tels ou tels de ses ports, dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps. Au surplus, notre pays, devenant de son côté et par ses propres moyens une puissance atomique, est amené à assumer lui-même les responsabilités politiques et stratégiques très étendues que comporte cette capacité et que leur nature et leurs dimensions rendent évidemment inaliénables. Par conséquent, sans revenir sur son adhésion à l’alliance atlantique, la France va […] continuer à modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu’elles la concernent. » Charles DE GAULLE, conférence de presse du 21 février 1966 (source : la vidéo de ce discours peut être visionnée sur le site de l’INA : www.ina.fr/politique/politique-internationale/video/104329970/charles-de-gaulle-sur-la position-de-la-France-vis-a-vis de l’OTAN)

Page 23: la France et la dissuasion nucléaire

Page 23 sur 66

4ème document

http://discours.vie-publique.fr/notices/767004500.html

ALLOCUTION DE M. VALÉRY GISCARD D'ESTAING,

Président de la République, sur la politique de Défense lors de la visite à l'INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALE

PARIS, le 1er Juin 1976

Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres,

Monsieur le Chef d'État-Major des Armées, Messieurs les Chefs d’État-Major, Monsieur le Délégué Ministériel à l'armement, Messieurs les Officiers Généraux,

Mesdames, Messieurs,

Je viens à mon tour après mes prédécesseurs vous rendre visite pour la journée terminale de votre session de l'institut des hautes études de défense nationale, session qui a été ouverte par Monsieur le Premier Ministre suivant également une longue tradition.

Mes premières paroles seront pour vous dire que, s'il ne suffit pas d'être élu Président de la République pour avoir une compétence en matière de défense, par contre, il est nécessaire lorsqu'on est élu Président de la République d'acquérir cette compétence. En effet, un certain nombre de réflexions que vous avez conduites ont fait apparaître la responsabilité ultime du Président de la République pour tout ce qui concerne la défense…

C'est pourquoi je me suis préoccupé évidemment d'acquérir la connaissance élémentaire de la nature des décisions matérielles que doit prendre un Président de la République, connaissance qui s'acquiert d'ailleurs en quelques heures, grâce à une parfaite organisation. Mais je me suis préoccupé bien davantage de la réflexion de la conception de notre système de défense et c'est sur cette réflexion et sur cette conception que je voudrais vous présenter quelques observations. Je vous dirai tout de suite que ces observations sont les miennes. ..

J'ai pensé qu'il était plus intéressant, plus utile pour vous, de savoir quelle était la nature de ma réflexion particulière concernant les problèmes de notre défense, réflexion qui naturellement s'alimente et s'incarne dans tous les travaux qui sont conduits par l'organisation de défense elle-même … Comment aperçois-je le problème de notre défense ? Je ne crois pas d'abord qu'on puisse réfléchir au problème de la défense sans se souvenir que la défense est nécessairement liée à un concept historique. Il y a en effet, dans l'histoire, des peuples qui ont assuré leur défense et des peuples qui ne l'ont pas fait. Il y a des peuples qui ont toujours eu l'idée d'organiser leur sécurité et parfois d'ailleurs d'imposer leurs vues à leurs voisins ; et il y a d'autres peuples qui n'ont pas dans leur caractère, dans leur nature, une telle attitude. Lorsqu’on parle de défense, il faut donc toujours avoir dans l'esprit…un certain nombre de concepts historiques. Premier concept : la France est une puissance autonome et, chose singulière, elle l'a toujours été. Je dirais qu'elle est une des rares nations dont on puisse dire que pratiquement, depuis le début de son histoire, elle a été une puissance autonome. Elle a été également l'une des premières à se doter d'institutions fortement centralisées, d'allure et d'expression nationales…

Page 24: la France et la dissuasion nucléaire

Page 24 sur 66

Deuxième concept : la France est une puissance militaire. Là aussi je ne parle pas uniquement des évènements contemporains. Je crois qu'il faut regarder l'histoire : Je ne dis pas une puissance batailleuse bien qu'il se trouve que son peuple soit de tempérament batailleur. La France a toujours été une puissance militaire qui a organisé sa structure de défense à partir d'un appareil qui a constamment absorbé une part importante de ses ressources, de ses énergies et de ses capacités Ce qui fait que traiter le problème de la défense, à l'heure actuelle, ce n'est pas traiter une équation circonstancielle, c'est tenir compte de ces deux concepts historiques : la France, puissance autonome, la France, puissance militaire. Mais la conception de la politique de défense est aussi liée à une perception exacte des réalités mondiales contemporaines... Cet exercice est relativement difficile parce qu'il ne doit pas être inspiré par l'esprit de système… Ces réalités mondiales en ce qui concerne notre défense, c'est d'abord la place de la France dans le monde et là, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté dans le vocabulaire ! Il y a des superpuissances : en réalité, il y en a deux qui sont les États-Unis d'Amérique et l'Union Soviétique, et ceci dans l'ordre de leur puissance. Il n'est que de les connaître, ce que beaucoup d'entre vous ont fait ou feront, pour savoir qu'en effet la dimension et la nature de ces superpuissances sont distinctes des nôtres. Il y a ensuite la Chine qui est un cas particulier. La Chine accédera peut-être à la position de superpuissance, mais c'est une affaire qui prendra un très grand nombre d'années, notamment en ce qui concerne la manipulation des moyens industriels modernes. Il y a ensuite un groupe à peu près homogène du point de vue de la population, quoique avec des écarts, qui comprend des pays d'un ordre de grandeur comparable tels que le Japon, l'Allemagne fédérale, la Grande-Bretagne, la France. Notre ambition en matière économique comme en matière de défense doit être que la France soit à la tête de ce groupe. C’est souvent une ambition mal comprise parce que des esprits…disent : "Mais, comment, c'est un renoncement à une grande ambition nationale". Aucune grande ambition nationale ne pourrait transformer la dimension de notre territoire et le nombre de notre population, de telle sorte que nous puissions rivaliser avec l'Union Soviétique ou les États-Unis. Par contre, l'ambition que je vous indique est une ambition parce que nous n'en sommes pas encore là. Nous n'en sommes la ni du point de vue de la puissance économique (nous sommes encore distancés à l'heure actuelle par l'Allemagne fédérale), ni même, mais je reviendrai sur ce point, sur le plan de la défense, encore que la nature de notre effort nucléaire nous place à cet égard dans une position très particulière. L’objectif du point de vue de la défense, c'est que la France soit en tête du groupe des puissances qui suivent les superpuissances Ceci d'abord dans le domaine nucléaire : la France est et doit rester la troisième puissance nucléaire du monde. La nature des traités signés après le dernier conflit mondial fait en effet que la Grande-Bretagne ne construisant pas elle-même l'ensemble de ses engins dans ce domaine, notre pays est le seul du groupe qui conduise un effort nucléaire autonome. Il faut également regarder ce qu'est le monde du point de vue de la défense. D’abord, c'est un monde surarmé. Le niveau atteint à cet égard par l'Union Soviétique et par les États-Unis d'Amérique est un niveau historiquement sans précédent, quelle que soit l'unité de mesure que l'on prenne, et c'est un niveau qui, à l'heure actuelle, non seulement ne baisse pas, mais qui au contraire continue de s'accroître. Si vous lisez les textes de la campagne présidentielle américaine, vous verrez que tous les candidats, qui ont une chance d'être élus, indiquent qu'il ne s'agit pas de relâcher l'effort de défense, mais au contraire de l'accroître. Ce qui vous a été dit certainement de la politique soviétique est comparable ; il suffit d'évoquer l'extraordinaire pourcentage du PNB que l’Union Soviétique consacre à sa défense. Mais ce monde est surarmé dans une optique très particulière qui est l'optique du conflit Est - Ouest. Naturellement, on en parle avec plus ou moins de netteté, puisque l'usage n'est pas de désigner son adversaire dans un conflit. Aussi dans le document présenté à l'Assemblée Nationale, il n'est pas clairement spécifié quel pourrait être l'adversaire principal de la France dans un conflit. Néanmoins, l'importance du débat sur notre armement nucléaire montre bien qu'en réalité la

Page 25: la France et la dissuasion nucléaire

Page 25 sur 66

conception des grands armements mondiaux à l'heure actuelle se situe dans une optique de conflit Est - Ouest, et ce qu'on appelle détente est en réalité la détente Est - Ouest 'Défense' Mais on doit se poser la question de savoir si l'équilibre que le monde recherche, à l'heure actuelle, par des moyens divers, de la diplomatie aux violences régionales ou nationales, ce n'est pas aussi un équilibre Nord - Sud. Je ne dis pas que ce soit sur le même terrain : La tension Est - Ouest - est une tension de grandes puissances industrielles dotées de très forts armements qui conduit donc à envisager l'hypothèse d'un conflit de type relativement classique. Certes, les armements peuvent ne pas être classiques, mais le conflit est de type militaire. Alors, qu'il est tout à fait clair que l'équilibre Nord - Sud que cherche le monde, ce n'est pas un équilibre recherché au travers d'un dispositif militaire car, la puissance du Nord par rapport au Sud, du point de vue militaire est écrasante. Néanmoins, si vous prenez les derniers remous qui agitent le monde, c'est à dire l'affaire de l'Angola, l'évolution de la situation au Proche-Orient, la tension à propos du canal de Panama, vous vous apercevrez que ce sont des tensions Nord - Sud. Et chaque fois que l'on cherche à les régler dans l'optique Est - Ouest, on échoue dans leur règlement. Donc, notre monde est un monde surarmé dans l'hypothèse d'un conflit Est - Ouest et à la recherche d'un équilibre Nord - Sud. D’autre part, c'est un monde très instable régionalement, pour une série de raisons, dans le détail desquelles je n'entrerai pas, dont certaines sont idéologiques, d'autres liées au problème du développement et qui toutes font qu'un peu partout on assiste à une déstabilisation régionale de la sécurité Voici pour moi le cadre général dans lequel se situe le problème de notre défense. La conception de celle-ci repose, à mon sens, sur trois éléments. D’abord, la nécessité d'une réflexion. Pour un pays qui ne peut pas disposer de n'importe quelles ressources humaines et matérielles, préciser ce que l'on veut faire est un élément fondamental. C’est pourquoi, j'ai invité les états-majors depuis dix huit mois à un effort de réflexion qui a fait progresser la connaissance du sujet. Cet effort est exprimé dans le texte présenté au Parlement. Deuxièmement, il faut des moyens et la décision la plus importante qui a été prise, je dirai en réalité la seule décision importante en ce qui concerne la collectivité nationale, a été d'accroître les moyens. Naturellement, les responsables de la défense attachent plus d'importance à des décisions particulières, c'est à dire à l'affectation des moyens ainsi dégages. Mais si vous prenez la collectivité nationale, le point le plus important est de savoir si cette collectivité décide ou non d'accroître les moyens de sa défense…Or, à l'heure actuelle, la collectivité nationale n'a pas du tout réagi négativement au fait que, par exemple, dans la préparation du budget de 1977, activement poursuivie actuellement par le Premier ministre, le seul budget qui connaîtra une augmentation sensible, quoique certes modérée, sera le budget de la défense. Donc, la décision essentielle aujourd'hui, c'est d'accroître les moyens le troisième élément d'une politique de défense, c'est un effort méthodique d'organisation, et je dirai que c'est souvent par la que notre appareil militaire a péché. On croit souvent à tort que dans notre histoire militaire les succès ou les échecs sont uniquement imputables à l'ampleur des moyens ou à la clarté de la réflexion. Si on observe bien les faits, on s'aperçoit qu'ils ont en fait tenu pour l'essentiel à l'existence ou à la non-existence d'un effort méthodique d'organisation. Les grandes périodes de l'histoire militaire navale et terrestre, plus récemment aérienne, ont été des périodes ou un homme ou un groupe d'hommes ont conduit avec ténacité et sobriété un effort systématique d'organisation… Quelles sont alors les idées générales que je retiens en ce qui me concerne pour ce qui est de cet effort d'organisation ? La première idée a été exposée ici même, avec éloquence, il doit y avoir quinze ans, par le Général de Gaulle alors Président de la République, et cette idée, c'est que la France doit s'efforcer de posséder toujours les armes les plus avancées. Elle les a toujours possédées dans le passé, à une ou deux éclipses près, et je crois qu'il est essentiel qu'elle continue de s'efforcer de les posséder. Je dis "s'efforcer" car on peut imaginer une situation technique ou scientifique ou une telle possibilité nous échappe. Mais aujourd'hui, grâce à l'extraordinaire capacité de notre corps

Page 26: la France et la dissuasion nucléaire

Page 26 sur 66

d'ingénieurs, nous avons eu, et nous avons encore, le moyen de posséder l'arme la plus avancée, c'est à dire à l'heure actuelle l'arme nucléaire. Nous devons la posséder, d'abord parce que c'est une nécessite profonde de la défense que de posséder l'arme la plus avancée, aussi parce que sa nature, nouvelle dans l'histoire militaire, est de creuser un écart pratiquement sans précédent dans le passé entre les espérances de gain de l'agresseur et le risque des pertes que son agression lui fera subir. Cet écart fonde la dissuasion. Les décisions qui ont été prises permettent à la France de disposer d'armes nucléaires et d'armes nucléaires utilisables. Car la puissance nucléaire, ce n'est pas seulement de fabriquer lourdement et lentement une arme nucléaire, c'est surtout d'être capable de l'utiliser, ce qui suppose des vecteurs et toute l'infrastructure que vous connaissez. Donc la France a pu devenir une puissance nucléaire ; elle doit poursuivre son effort technologique, scientifique et industriel pour conserver la maîtrise de cette arme au niveau de ce qu'elle deviendra dans les années à venir, et pour rester très clairement la troisième puissance militaire nucléaire du monde Deuxième idée, relativement nouvelle, peut-être pas encore admise par tous, mais que je considère comme fondamentale et qui est, en tout cas, de ma responsabilité, c'est que l'impasse n'est pas possible, s'agissant de la défense. Ce que j'appelle l'impasse, c'est le fait de faire reposer notre défense sur un dispositif couvrant un certain nombre d'hypothèses mais ne couvrant pas les autres. Je sais qu'il y a sur ce point une très grande discussion, et qu'il y a des partisans de l'impasse. Ces partisans de l'impasse ne sont d'ailleurs pas très logiques lorsqu'ils tirent les conséquences de leurs conceptions… Pourquoi ne peut-on pas fonder notre défense sur une impasse ? Parce que, je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas un conflit, le conflit Est - Ouest, et un seul niveau connu de conflit. Ce n'est pas exact, en tout cas cela ne peut pas être tenu pour suffisamment certain pour que la défense de la France ne soit liée qu'à cette hypothèse. Je ne rentre pas dans le détail, j'ai dit tout à l'heure il n'y a pas qu'une tension dans le monde. Il peut y avoir en outre des niveaux de conflits différents. On ne peut pas ne pas être frappé par le fait que tous les conflits qui se sont produits depuis la dernière guerre, conflits fort nombreux et mettant en cause presque toujours directement ou indirectement une puissance nucléaire, n'ont jamais comporté jusqu'ici non seulement l'usage du dispositif nucléaire, mais même l'éventualité de son usage. Nous observons en outre qu'il y a une déstabilisation générale de la sécurité dans le monde, déstabilisation qui se produit également à l'intérieur, et que connaît bien le ministre d état 'Michel Poniatowski'. Cette déstabilisation se manifeste sur le plan régional et sur le plan mondial. Aussi la conception strictement logique de l'hypothèse unique, c'est à dire de la dissuasion déterminant la globalité des comportements, n'est pas adaptée à la situation d'une société et d'un univers déstabilisés qui peut parfaitement réagir de façon désordonnée ou anarchique. Nous avons donc besoin, à côté des moyens suprêmes de notre sécurité, d'une sorte de présence de sécurité, c'est à dire d'avoir un corps social organisé en fonction de ce besoin de cette nécessité de sécurité 'Défense' d'où un certain nombre de choix dont j'énonce seulement les principaux. Pour ce qui est de l'armée de terre, lui rendre une certaine mobilité et fonder son organisation sur de grandes unités disponibles pour le combat. Pour ce qui est de la marine, reconstituer un potentiel militaire naval, de surface, déployé, notamment en méditerranée, tout en complétant le programme de construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Pour ce qui est de l'aviation, il y avait un choix très difficile celui du type d'appareil pour les années 1985 - 1990. Ce qui a emporté finalement le choix de l'appareil baptisé Mirage 2000 'avion', ce sont deux considérations : rester à la pointe de la technologie la plus avancée dans le domaine ou nous avons semble-t-il la meilleure position, c'est à dire les mono réacteurs d'interception, et avoir une armée de l'air comprenant des appareils suffisamment nombreux, c'est à dire que nous puissions produire des séries suffisamment longues. Donc, il y a bien eu des choix, mais ces choix ne sont pas constitutifs d'une impasse. Nous n'avons exclu aucune situation d'insécurité pour la France à laquelle il ne nous serait pas possible de répondre

Page 27: la France et la dissuasion nucléaire

Page 27 sur 66

Ma troisième idée, qui est également controversée, c'est que, contrairement à ce qui a été dit ou écrit, la variété des moyens renforce l'usage éventuel de la dissuasion. Un certain nombre de stratèges, de penseurs estiment qu'au contraire, si on se crispe sur un seul moyen, si on ne fait apparaître dans la défense qu'une seule structure, on verra uniquement ce moyen et l'on croira davantage - le facteur de crédibilité étant essentiel - à la possibilité, à la volonté de recourir à cet unique moyen qui serait en même temps l'ultime moyen. Mon sentiment est inverse. Je crois que le "tout ou rien" en matière de défense risque de ne pas être crédible. Les situations dans lesquelles la France pourrait se trouver peuvent être des situations complexes - ce peut être des troubles très profonds dans les pays voisins, ce peut être des situations d'incertitude sur le comportement de tel ou tel pays face à une modification de la situation politique dans tel ou tel état -. Si dans ces situations la France ne peut parler ou agir qu'en fonction du "tout ou rien", son attitude manquera de crédibilité. J'en donnerai deux preuves 'Défense' 1 - la première preuve est l'attachement de tous nos experts à l'armement nucléaire tactique. Même les partisans de la dissuasion pure estiment que la France ne peut s'en dispenser. Or cet armement, que les armes soient lancées par des engins ou des avions, est certes nucléaire, et à ce titre place sous le contrôle du Président de la République, mais ce n'est pas seulement un instrument de dissuasion, c'est aussi un instrument de bataille. Son utilisation est une possibilité dans la gamme des possibilités de la dissuasion. Elle est contraire au "tout ou rien". 2 - la deuxième preuve est l'importance que le monde entier attache au maintien de la présence de forces classiques américaines en Europe. Voila des unités éloignées de leurs pays d'origine et, néanmoins, l'on considère que la présence de ces troupes américaines en Europe est un facteur essentiel de maintien de l'équilibre militaire Est - Ouest et que c'est un facteur de dissuasion vis-à-vis de la possibilité d'un conflit Eh bien ! Le même raisonnement qui est fait sur la présence de forces classiques américaines en Europe doit être fait sur les moyens de bataille de la France. Et ceci à deux niveaux. D'abord, il faut qu'avant l'apparition de la menace suprême, des mises en cause apparentes de la sécurité nationale soient ressenties comme telles et fassent monter la perception de la nécessité du recours aux moyens ultimes de la défense… Mon opinion est que la variété des moyens renforce la crédibilité de la dissuasion . 5ème document

L’arme nucléaire tactique en France

Une manœuvre visant à évaluer l’usage de l’arme nucléaire tactique se déroule en mai 1980 pour les Troupes françaises. Le thème est simple, l’Union soviétique attaque l’Occident. Ses troupes blindées se trouvent en Allemagne de l’ouest. Le Président Giscard d’Estaing rapporte ses réactions : « J'accepte la règle : nous vivons une vraie guerre. Et je pose quelques questions pour compléter mon information « Les Soviétiques ont-ils commencé leur deuxième offensive ? - Pas encore. - Vont-ils s'attaquer à la fois aux forces alliées et aux forces françaises ? - Oui. Mais les forces alliées sont hors d'état de leur opposer une résistance organisée. Seules nos forces ont encore la capacité de le faire. » J'imagine le déroulement des événements : les unités françaises tirent leurs fusées nucléaires à courte portée sur les armées soviétiques, situées en territoire ouest-allemand. Comme me l'a annoncé Helmut Schmidt, les dernières forces allemandes renoncent au

Page 28: la France et la dissuasion nucléaire

Page 28 sur 66

combat. Demain, un tir nucléaire soviétique détruira l'ensemble de nos divisions, et les bases de notre force aérienne tactique, en Alsace et dans l'Est. Simultanément, le commandement soviétique nous menacera de représailles sévères, en cas de nouveau tir nucléaire. Et dans cette situation de semi-anéantissement de nos forces, avant même l'invasion de notre territoire, la décision de déclencher le tir stratégique, et de provoquer la « destruction mutuelle assurée », apparaîtra comme le dernier geste d'un irresponsable. Je communique ma réponse « Dans les circonstances actuelles, je ne donne pas l'autorisation de tir. Quand les forces soviétiques auront repris l'offensive, et qu'elles seront au contact de nos unités, vous me poserez à nouveau la question. » 1 Quelques heures plus tard, il réunit à nouveau l’État major dirigé par le Général Méry. L’officier commandant l’opération ne lui demande plus l’autorisation de l’usage du feu nucléaire : « Ainsi, on ne me demande plus rien ! La démonstration n'est pas complète, puisque la bataille n'est pas encore achevée. Mais au fur et à mesure que nous nous rapprochons de notre frontière, nous sortons du domaine de « l'ultime avertissement » pour entrer dans celui de la dissuasion stratégique. Car un tir limité de notre part entraînerait aussitôt des représailles directes sur notre sol. Il ne resterait plus qu'à choisir entre le drapeau blanc et la « destruction mutuelle assurée ». Il vaut mieux garder ce qui reste de cartes dans notre main. (Et puis, concernant la destruction mutuelle assurée, quoi qu'il arrive - et j'écris cela entre parenthèses pour souligner que cette décision a toujours été enfouie au fond de moi -, quoi qu'il arrive je ne prendrai jamais l'initiative d'un geste qui conduirait à l'anéantissement de la France. Si sa destruction était entamée par l'adversaire, je prendrais aussitôt la décision nécessaire pour la venger. Mais autrement, je veux laisser à son paysage, à ses maisons, à ses arbres, à l'eau de ses étangs et de ses fleuves, à la fidélité à leurs convictions alors cachées de ses habitants, l'ultime chance de faire revivre un jour une culture française.) » 2 Peu de temps après, le principe de l’arme nucléaire tactique est abandonné.

1 et 2 : Valéry Giscard d’Estaing, Le Pouvoir et la vie, Cie Douze, tome 2, 1991 , p. 203-211.

Page 29: la France et la dissuasion nucléaire

Page 29 sur 66

6 ème document

La France et le monde

LA DIPLOMATIE FRANÇAISE DU DÉSARMEMENT SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE : 1958-2000

Par Daniel COLARD Professeur de science politique à l’Université de Besançon.

…La diplomatie française du désarmement sous la Ve République s’inscrit effectivement dans ce contexte historique. Ce qui frappe l’observateur de cette période de quarante-deux ans qui a vu se succéder à la tête de l’Etat cinq Présidents différents, c’est la grande continuité de cette diplomatie malgré les mutations qu’a subies le système international de la deuxième moitié du XXe siècle. Continuité dans le discours et dans les principes directeurs, continuité dans les options diplomatico-stratégiques, continuité enfin dans les politiques de sécurité et de défense; on peut parler de l’existence d’une véritable conception originale et rigoureuse du désarmement spécifique à la France, dont les éléments fondamentaux ont été posés par le général de Gaulle au début de la Ve République. C’est ce que nous allons démontrer. Le cadre conceptuel et doctrinal de la diplomatie française du désarmement Il est le produit de plusieurs facteurs d’ordre national et international et de principes qui sont exposés soit dans les Livres blancs (2), soit dans les lois de programmation, soit dans les discours officiels. (2) La Ve République n’a élaboré , pendant cette période, que deux livres blancs sur la défense : en 1972 sous l’autorité de Michel Debré, le second en 1994 sous l’autorité d’Edouard Balladur. Les facteurs de la politique de désarmement On mentionnera d’abord rapidement le contexte international et l’environnement stratégique. La France devra prendre en compte les données de la guerre froide, c’est-à-dire la politique des blocs et le conflit Est-Ouest, qui marquent les années 1958-1989. Les contraintes du système bipolaire et la rivalité planétaire soviéto-américaine pèseront sur les quatre premiers Présidents : C. de Gaulle, G. Pompidou, V. Giscard d’Estaing et F. Mitterrand. Le président Chirac devra, lui, relever les défis de l’après-guerre froide, d’une après-guerre sans guerre et d’une période de transition à la recherche d’un nouvel ordre international : ordre unipolaire dominé par l’« hyper puissance américaine » (H. Védrine) ou ordre multipolaire en formation? Notre situation géopolitique et géostratégique jouera aussi un rôle sur l’échiquier international. Le deuxième paramètre du désarmement est naturellement l’évolution du progrès scientifique et technique qui influence la course aux armements. Les technologies militaires évoluent de plus en plus vite et de façon constante : révolution nucléaire, révolution spatiale, missiles antimissiles, satellites antisatellites, armes à laser, chimiques, bactériologiques, létales et non létales, etc. Le troisième paramètre découle de la politique étrangère et de la politique de défense. On connaît les grands axes des options de la Ve République : diplomatie du rang, de la grandeur, de l’indépendance, la dimension européenne devenant prépondérante après la chute du Mur de Berlin. Quant au concept français de défense, il est défini dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 qui assigne à la politique militaire trois objectifs : la défense des intérêts vitaux du pays, la construction de l’Europe et de la sécurité du Vieux Continent par le jeu de traités d’alliances (OTAN, UEO) et une approche globale de la défense. Celle-ci est tout à la fois civile, économique et militaire. Le choix de la stratégie nucléaire sera au centre de toutes les décisions diplomatico- stratégiques et des mesures

Page 30: la France et la dissuasion nucléaire

Page 30 sur 66

de désarmement ou d’arms’ control arrêtées par les gouvernements de Paris. Ces données objectives – facteurs internes et externes – permettent de comprendre et de définir le cadre conceptuel et doctrinal de la diplomatie française du désarmement. 7 ème document

http://discours.vie-publique.fr/notices/947007300.html

Intervention de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la politique de défense de la France et la dissuasion nucléaire, Paris le 5 mai 1994.

Mesdames et messieurs, - Comme beaucoup d'entre vous le savent, la loi de programmation militaire pour six ans, de 1995 à l'an 2000, a été examinée par un Conseil de Défense en avril. Elle résultait déjà d'un travail très important mené depuis longtemps, qui avait donné matière à un Livre blanc. Adoptée par le Conseil des ministres du 20 avril, elle a été déposée sur le bureau de l'Assemblée Nationale. Elle est examinée actuellement par la Commission de la Défense nationale et le débat est prévu à la fin de ce mois de mai. - J'ai donc jugé bon de saisir le pays à travers vous, mesdames et messieurs, qui êtes tous informés à la fois de ce type de problème et de mon accord sur cette loi. Les débats qui ont précédé son élaboration ont permis de fixer des lignes d'action qui engagent le gouvernement, avec mon accord ... - Qu'est-ce que cela veut dire, quels sont les choix et les orientations et en quoi cela engage-t-il le chef de l'État ? Je me souviens d'avoir répondu à un journaliste qui m'interrogeait au cours d'une émission : "L'armement nucléaire, la bombe atomique, c'est qui ?" Et ma réponse a été déformée par la suite, comme il arrive souvent. J'ai répondu : "C'est le Président de la République, et (je croyais dire une autre évidence) donc c'est moi". C'est moi pour le temps où je le suis, bien entendu, je n'emporterai pas la bombe atomique avec moi... - Et pourtant le chef de l'État a son mot à dire. Il est le premier citoyen en France à pouvoir le dire, et même dans certains domaines, lorsqu'il y a controverse, c'est lui qui décide ce qui doit devenir la loi. Bien entendu le Parlement reste libre, lui aussi, de ses choix, de ses votes, de son appréciation de la loi qui lui est fournie par le gouvernement. Les avis peuvent différer, ils divergeront, mais au plan de l'exécutif, j'entends assumer ma responsabilité et j'entends que les Français sachent de quoi il s'agit et ce que j'en pense en ma qualité de chef de l'État. Donc je rappellerai des choses très simples. D'abord quelle est la définition d'une stratégie de dissuasion. Cela n'exigera pas des pages de dictionnaire. La stratégie de la France, pays détenteur de l'arme nucléaire, n'est ni offensive, ni défensive, elle est de dissuasion, ce qui veut dire, en termes encore plus simples, qu'elle a pour but essentiel d'empêcher le déclenchement de la guerre. Si je voulais forcer les termes, je dirais qu'il ne s'agit pas tant de gagner la guerre que de ne pas avoir à la faire, dès lors qu'il s'agit de ce qu'on appelle grossièrement ou simplement la bombe atomique. Les exemples vécus à partir d'Hiroshima sont ressentis par l'opinion universelle comme la marque d'une épouvantable destruction tellement massive que les responsables civils et militaires assument un devoir d'une nature particulière, d'une nature nouvelle, le pouvoir de détruire le monde, et en tout cas, de détruire un peuple, une nation, une fraction de continent. Il s'y ajoute donc - je pense que dans toutes guerres tel était le cas mais on ne le savait pas toujours - une responsabilité morale fondamentale. Mais pour quels objectifs ? Tout simplement, si je puis dire, pour assurer l'intégrité du territoire national.

Page 31: la France et la dissuasion nucléaire

Page 31 sur 66

- La défense de nos intérêts vitaux, formule qui méritera explication le jour venu. Cela veut dire que pour l'instant, l'arme nucléaire française n'est pas à la disposition de tout le monde ou des autres. Elle dépend de la seule décision française. C'est peut-être une vue un peu étroite mais, pour le temps qui vient, c'est la seule définition que je reconnaisse. - Dans d'autres temps, ceux qui bâtiront l'Europe ou qui continueront cette construction, pourront examiner, si l'évolution politique le permet, de quelle façon cet armement ou son utilisation pourraient être partagés. Aujourd'hui, cela me paraîtrait un contresens, et ce contresens, je n'entends pas le faire. Il s'agit donc d'assurer l'intégrité du territoire national, ce qui nous amènera à quelques conclusions que je traiterai dans un moment. Quant à la défense de nos intérêts vitaux, formule que je crois utile, on ne peut pas prévoir tous les cas. L'intérêt de la patrie, dans ce qu'il a de principal, ne peut pas être toujours lié à la notion stricte, littérale, d'intégrité du territoire national. Il peut exister d'autres intérêts vitaux, qui engagent tout autant l'avenir et même l'existence de la patrie. Cette appréciation reste aujourd'hui vague, car ce serait à partir de cas concrets qui se produiraient que le chef de l'Etat (et ceux qu'il aurait le temps de consulter, si les choses se passaient ainsi), devrait en dernier ressort estimer s'il y a danger pour la patrie et si notre intérêt vital est en jeu. - A partir de là, qui décide ? Il faut que quelqu'un le fasse et l'on imagine bien qu'il ne s'agit pas d'une décision facile à prendre. Je ne veux pas me lancer dans un débat juridique. Tous les citoyens sont intéressés par cette décision. Ensuite, les chefs militaires ne peuvent y rester étrangers, pas davantage le gouvernement de la République, pas davantage les présidents des Assemblées parlementaires et je pourrais continuer cette liste. - En fait, les conditions dans lesquelles pourrait se dérouler la nécessité pour la France de répondre à une agression ou à une menace d'agression peuvent ne laisser que quelques minutes. C'est pourquoi, par principe, le chef de l'État peut décider et peut décider seul. Et même, (mes prédécesseurs auraient agi de même, mes successeurs le feront) si le temps est donné, combien d'avis seraient nécessaires ? Je n'irai pas jusqu'à me rallier à une proposition de loi que j'ai connue naguère alors que j'étais parlementaire et qui exigeait que le Président de la République pût réunir, consulter tous les groupes parlementaires, tous les chefs de partis et pourquoi pas tous les présidents ou secrétaires de section | J'avais calculé cela ferait environ entre 4000 et 250 000 personnes. C'est assez difficile dans ces circonstances-là | Pour que les choses soient plus faciles c'est le chef d'État qui décide. La Constitution lui confère cette légitimité. Je le répète : l'urgence peut l'exiger et si la pratique peut permettre le cas échéant la consultation, je la souhaite. - Je crois avoir dit l'essentiel en vous précisant la manière dont je concevais le rôle du chef de l'État. Cela entraîne une conséquence : cette indispensable autonomie de décision du chef de l'État exclut que cette décision soit remise à des instances internationales et même à une Alliance et même aux plus fidèles, aux plus proches, aux plus forts de nos alliés. C'est pourquoi il a été naguère décidé de retirer la France du commandement intégré de l'Alliance atlantique, de l'OTAN, et c'est pourquoi je maintiens fermement cette décision. Rien ne m'en fera changer - en dépit du désir que l'on a (désir légitime que je comprends très bien) de pouvoir échanger des vues, le cas échéant, d'élargir le champ des décisions de telle sorte que l'on puisse débattre avec les chefs civils et les chefs militaires les plus compétents et les plus responsables du monde. Mais, en l'occurence, c'est la solitude qui commande. La tragique mais nécessaire solitude de ceux qui ont le pouvoir de décider. - C'est le chef de l'État qui décide et il ne peut pas remettre ce choix à une autorité quelconque qui serait étrangère. Je veux dire, par là, qu'au sein d'un commandement intégré, la France jouerait son rôle mais elle ne pourrait pas jouer le rôle pour lequel nous sommes faits, pour lequel je suis fait : c'est-à-dire décider en pleine autonomie. - J'ai rappelé ces quelques principes pour que tout soit clair …| Où en sont les forces nucléaires françaises ? De quoi sont-elles constituées ? Je vous le rappelle également : c'est, d'abord, la Force océanique stratégique et ses sous-marins

Page 32: la France et la dissuasion nucléaire

Page 32 sur 66

nucléaires lance-engins, les SNLE. Il y en a cinq qui ont d'ailleurs des noms tout à fait significatifs : le Terrible, le Foudroyant, l'Indomptable, le Tonnant, l'Inflexible. En 1982, j'ai donné l'ordre de commencer la construction d'un nouveau sous-marin nucléaire lance-engins, dit "de nouvelle génération", c'est-à-dire à la pointe des modernisations que l'on peut connaître et cette modernisation est assez remarquable. Ce sont des sous-marins très différents par leur capacité et leur efficacité. Le premier d'entre eux devrait être mis en oeuvre en 1996 et en état d'être présenté, de naviguer, dès cette année. Tandis que le suivant sera pour l'an 2000. La Loi de programmation - j'y reviendrai - a prévu quatre sous-marins nucléaires. - La Force océanique stratégique avec ses cinq sous-marins lance-engins représente objectivement (mais non pas exclusivement) le coeur de notre force stratégique. De quoi sont porteurs ces sous-marins ? D'un armement nucléaire, d'un armement important. Chacun d'entre eux est doté de 16 missiles qu'on appelle "M4", à six têtes nucléaires chacun, et le total est de 384 charges nucléaires de 150 Kilotonnes chacune pour 64 missiles M4 au total. Vous trouvez que les calculs ne sont pas exacts si vous multipliez par 5 puisque j'ai cité 5 sous-marins ; mais il y en a toujours un en révision et en entretien qui ne dispose pas de ses missiles. - Les sous-marins de la nouvelle génération viendront heureusement compléter l'arsenal dont nous disposons et annoncer une ère nouvelle dans l'armement atomique français. Le premier d'entre eux sera prêt dans un an et demi. Cela permet à deux ou trois sous-marins d'être en permanence à la mer et je peux vous dire que plus de 300 patrouilles ont déjà été effectuées à ce jour. - Il s'agit d'un travail extraordinairement difficile : on doit se comporter en temps de paix comme si l'on était en temps de guerre. Le temps de paix est dangereux pour des armes de cette sorte tant elles représentent de puissance. Ces sous-marins doivent donc rester des semaines et des semaines et même des mois, sans réapparaître à la surface de la mer. Et l'on imagine ce que cela représente d'exigence à l'égard de l'équipage, dont on doit dire qu'ils sont parmi les meilleures troupes militaires que l'on puisse rencontrer aujourd'hui. Les Forces océaniques, qui au demeurant, sont les plus puissantes, sont le coeur de notre dissuasion. Mais il ne faut pas pour autant négliger les forces aériennes : dix-huit Mirages 4 (dont trois sont en maintenance) capables de tirer en deçà de 300 kilomètres de leurs objectifs les missiles dont ils sont porteurs. Nous disposons de quinze missiles air - sol, à moyenne portée de 300 Kilotonnes de puissance chacun, avec bien entendu les difficultés supposées pour l'avion de traverser les défenses adverses. Simplement les chefs militaires et civils auront à aviser selon les circonstances et le missile lui-même aura à pénétrer les zones de défense anti-missiles adverses. - Puis il y a le plateau d'Albion où se trouvent dix-huit missiles S3 modernisés de 1 mégatonne chacun, capables d'une portée d'environ 3 500 Km. Il ne faut pas traiter cela, comme je l'observe parfois, avec une sorte de dédain : c'est l'arme la plus puissante dont nous disposions. - Puis viennent, ce que je pourrais appeler les forces d'ultime avertissement qui sont stationnées dans l'est et le sud-est de la France. Ce sont des missiles qui sont sur des Mirages 2000 N, c'est-à-dire nucléaires, ou bien sur des Super-Étendard. La portée du missile une fois qu'il a quitté l'avion est également de 300 Km environ. Les forces disposent de quarante-cinq missiles air - sol à moyenne portée. - Enfin trente missiles HADES, de faible énergie qui sont aujourd'hui dans ce que l'on appelle une sorte de veille technique et opérationnelle. J'ai, en effet, décidé la cessation de leur fabrication, estimant que cette arme ne correspondait plus à la nécessité d'aujourd'hui en raison de sa portée limitée. Ils prenaient la suite du Pluton, dont la portée était encore plus réduite (environ 120 km). Mais, chaque missile Pluton avait une puissance de destruction correspondant à une et demie à deux fois celle de la bombe d'Hiroshima. Ce n'est pas indispensable d'arroser les rivages du Rhin de cette manière | - La portée du HADES est supérieure, aux alentours de 450 Km. Ceci, c'était avant

Page 33: la France et la dissuasion nucléaire

Page 33 sur 66

l'effondrement de l'Union soviétique et si l'on voulait considérer que ces armes étaient utiles et avaient une précision qui, pour l'ultime avertissement n'était pas négligeable. Elles pouvaient dépasser le sol allemand et atteindre au-delà des forces de l'Ouest, quelques-uns des pays satellites. - Bien entendu les choses ont changé depuis que ces pays sont devenus démocratiques, et depuis qu'ils ont échappé à la domination soviétique elle-même disparue. Enfin, il reste des pays détenteurs d'armes nucléaires : la Russie, l'Ukraine, le Kazakhstan, mais c'est un autre sujet. Il suffit de les citer pour bien comprendre qu'on ne peut pas lever le pied car ces forces nucléaires sont toujours là, peuvent connaître des perfectionnements et exigent de notre part de réelles précautions. Voilà, mesdames et messieurs, le problème posé. Je voudrais maintenant m'attarder sur ce que je pourrais appeler les dérives possibles par rapport à la conception initiale, qui m'ont opposé à des hommes éminents, des ingénieurs, des membres du gouvernement dont l'opinion était légitime et souvent très compétente, aussi désireux que moi ou que quiconque de servir la France. Simplement leur conception était différente. - D'abord il fallait refuser de s'engager dans la voie du surarmement nucléaire. Les Américains et les Soviétiques se sont livrés à cette compétition, surtout après les années 1960. Ils sont parvenus chacun à plus 20 000 têtes nucléaires. Cela ne pouvait pas être l'objectif de la France. Ce n'était pas non plus dans ses moyens. Donc, la doctrine sur laquelle il n'y a eu aucune contestation entre les responsables, c'était d'atteindre le seuil de suffisance ou de crédibilité, le seuil à partir duquel la force de dissuasion de la France (qui ne pouvait être comparée à celle des deux grandes superpuissances de l'époque) était suffisante pour détruire les forces vives de ces pays, assez en tout cas pour que la dissuasion joue, c'est-à-dire pour qu'ils ne nous fassent pas la guerre, pour qu'ils ne nous agressent pas, pour qu'il n'y ait ni guerre, ni menace de guerre, menace insoutenable. Mon objectif, comme celui de mes prédécesseurs, des Premiers ministres et des ministres de la défense, a été d'atteindre d'abord et de maintenir ce seuil de suffisance. Ne pas s'engager dans la course au surarmement, c'était très important de dire cela au moment ou c'était la volonté politique des deux plus grandes puissances. Deuxième dérive possible, celle des euromissiles. Vous vous souvenez presque tous de ce débat. Il a occupé le début des années 1980. Les Soviétiques avaient installé des armes à moyenne portée dites euromissiles, les SS20, ce qui a amené la direction de l'Alliance atlantique à estimer qu'une double décision était nécessaire. Il s'agissait d'abord de dire aux Soviétiques "Retirez vos SS20. Si vous ne les retirez pas à telle date, nous installerons nous aussi des Euromissiles à moyenne portée, ce sera la réponse du berger à la bergère". Les Soviétiques ont installé leur armement et voilà qu'une sorte de panique s'est emparée de beaucoup d'Européens au moment d'appliquer la double décision c'est-à-dire la deuxième décision, et dans beaucoup de pays on s'y refusait. Le problème était particulier pour l'Allemagne, puisque c'était sur son sol qu'étaient installés ces euromissiles capables de tout détruire à 2000 km à la ronde. Les SS20, eux, pouvaient atteindre toute l'Europe et même certains points au Nord du Maghreb. - Il y a eu un grand débat national et international. J'ai personnellement, en ma qualité de chef des armées, soutenu la nécessité d'un déploiement de ces Pershing 2 et je suis même allé plaider cette façon de voir au Bundestag, le 23 janvier 1983. J'estimais qu'un pacifisme mal compris pouvait nuire à la France, à l'Occident, à l'Europe en tout cas. Je me souviens d'avoir dit un jour en Belgique, alors que j'étais interrogé sur ce sujet, que je m'étonnais de voir que, si le pacifisme était à l'Ouest, les SS20 étaient à l'Est et qu'il convenait de rétablir l'équilibre. Le Bundestag …a lui-même défendu cette thèse, les forces de l'OTAN ont pu réaliser leur programme et, de ce fait, un équilibre s'est rétabli. - Il fallait donc refuser qu'un déséquilibre s'installât en Europe et vous comprenez tout de suite pourquoi. D'abord parce que cela revenait de placer l'Europe occidentale dans une situation dangereuse et risquée en face de cette énorme puissance qu'était l'Union soviétique et d'autre part, c'était aussi séparer le sort de l'Europe et des États-Unis

Page 34: la France et la dissuasion nucléaire

Page 34 sur 66

d'Amérique. Troisième dérive : j'ai cru également nécessaire de m'opposer à ce que l'on a appelé "l'initiative de défense stratégique". Cela a été aussi un grand débat qui a divisé les forces politiques. Donc, je tiens, du début à la fin de cet exposé, à affirmer franchement et parfois brutalement les positions que j'ai prises et si j'entends imposer par la seule force des fonctions et du rôle qui me sont impartis, je n'entends pas en quoi que ce soit contester le droit à l'argument de ceux qui ne pensent pas ainsi et je ne suppose pas qu'ils manquent à leur devoir. Simplement ils pensent autrement. Je crois que c'est comme cela que fonctionne une démocratie. Mais une démocratie, au bout du compte, doit aussi être dirigée. C'est ce que je me suis efforcé de faire. - A quoi avaient pensé M. Reagan et ses conseillers, lorsqu'ils ont lancé cette idée, en mars 1983, d'entourer la planète d'un réseau d'observatoires qui eussent permis de savoir tout ce qui se serait passé sur le sol de notre terre ? D'abord des choses importantes comme le déclenchement d'un feu nucléaire, bien entendu, mais aussi, des choses plus intimes, puisqu'un des exemples qui m'avait été donné par M. Reagan était de surprendre dans une voiture fermée deux amoureux qui se trouveraient dans une rue de Chicago ou de Jérusalem | - Cette forme de curiosité ne m'habitait pas. Mais je pensais aussi qu'il y avait peut-être une certaine dose d'illusion lyrique, car il y a un lyrisme moderne dans l'amour de la technologie. Et c'est un lyrisme aussi dangereux pour la vie quotidienne des hommes que peut l'être le lyrisme sentimental. M. Reagan y tenait beaucoup et lorsqu'il a vu que le Sénat rognait sur les crédits de l'initiative de défense stratégique, il s'est retourné vers ses partenaires européens, en disant : "Eh bien, donnez-nous un coup de main budgétaire, technique, vous êtes invités à y prendre part". Cela a été un de nos débats de 1985 et de 1986. Certains d'entre vous s'en souviendront. Je m'y suis opposé. J'ai refusé la participation de la France à l'initiative de défense stratégique à laquelle je ne croyais pas trop. Il semble que je n'étais pas seul dans ce cas, puisque les Présidents qui ont succédé à M. Reagan ont estimé que cette perspective n'était pas réalisable. - L'initiative de défense stratégique, M. Reagan est venu parler en sa faveur à Bonn, bien que ce ne fût pas à l'ordre du jour d'un Sommet des Sept, en 1985. Mais l'idée était dans sa tête et dans l'air. Il fallait bien en débattre, et la France, par ma voix, s'est trouvée seule parmi les sept à refuser sa participation… - Cette dérive pouvait être meurtrière pour la dissuasion française… Nous avons eu d'autres discussions, également délicates qui réapparaissent d'ailleurs, d'année en année, mais qui seront peut-être tranchées plus tard. Je veux dire après moi. Il est possible que cette thèse soit acceptée, décidée par le futur ou par l'un des futurs Présidents de la République et je ne le condamnerai pas pour manque de patriotisme. Simplement, ce n'est pas mon opinion. - C'est la thèse qui consistait à disposer de missiles déplaçables, on disait mobiles, qui ne sont pas fixés dans un lieu comme Albion, mais qui peuvent être assemblés sur des véhicules, avec la possibilité de multiplier les leurres, qui rendaient, en effet, plus difficile, pour un adversaire éventuel, de détruire dans les premières minutes, cette capacité opérationnelle de la France. Il ne me paraissait pas nécessaire d'abandonner Albion, puisque je considérais que, si un matin nous nous réveillions en apprenant, peut-être à la radio, la disparition d'Albion, écrasé sous les obus et pas forcément nucléaires, de l'ennemi, ce serait quand même un signal suffisant pour estimer que nous étions entrés dans une période dangereuse. Je pensais que cela devait entraîner automatiquement, ("automatisme", le mot est peut-être excessif, car il faut un ordre du Président de la République), l'ordre donné par le Président de la République aux sous-marins d'entrer en action. Je ne vois pas très bien la Provence disparaître et le Président de la République et le gouvernement se dire, "On verra bien à la prochaine province". J'ai donc refusé cette forme de stratégie. Je me suis opposé à une cinquième forme de dérive, provoquée par la confusion qui se répandait au sujet des armes dites pré-stratégiques ou tactiques. Il y avait un débat

Page 35: la France et la dissuasion nucléaire

Page 35 sur 66

difficile sur l'ultime avertissement nucléaire sur le fait qu'il ne devait y en avoir qu'un seul. Les autres avertissements sont en effet d'un tout autre ordre. C'est l'ambassadeur qui se rend au palais présidentiel du pays ennemi, comme on le faisait auparavant. C'est aussi toute une série de mesures qui peuvent être prises de caractère militaire, mais pas forcément de caractère nucléaire. Je pensais, et je continue de penser, que si l'on devait aller vers une succession d'avertissements nucléaires, on en reviendrait peu à peu à la conception de la riposte graduée, c'est-à-dire qu'on oublierait la finalité de la dissuasion qui est d'empêcher la guerre. Elle ne doit pas avoir lieu, parce que si nous sommes capables d'obtenir une telle destruction du territoire ennemi, cet ennemi ne se déclarera pas. Mais, ce n'est pas une artillerie supplémentaire. Ce n'est pas une amélioration du canon de 75. C'est un avertissement terminal. Après cela, c'est la guerre. Il n'y a pas d'échelon supplémentaire. Si vous ne tenez pas ce raisonnement, il n'y a pas de dissuasion nucléaire. Vous vous souvenez de cette parole opposée à Hitler, en Autriche, "Oui, jusqu'ici, mais pas plus loin". "Jusqu'ici" suffisait à Adolf Hitler. Il est toujours allé plus loin. Il faut donc que le refus initial soit le dernier. Et j'en arrive à la notion de la riposte graduée. C'est un concept qui nous est venu des États-Unis d'Amérique, mais qui a été adopté par les Européens à partir de 1967. Cela m'a toujours semblé étrange. Je n'occupais pas à l'époque les responsabilités qui m'ont été confiées à partir de 1981. Donc, je n'avais pas autorité pour trancher cette affaire. Simplement, je me suis trouvé devant le même problème. Comment concevoir la guerre atomique ? Faut-il se résigner à une bataille nucléaire graduelle, pour gagner la dernière bataille ?... Voilà, j'ai cité quelques cas de dérive possible, de dérives qui ont menacé ce que je crois être la force de la dissuasion. De même je m'opposerais, je parle au conditionnel mais en vérité, c'est un futur, aux nouveaux risques de dérive. J'entends parfois dire qu'il faudrait employer la force atomique dans l'hypothèse non pas du faible au fort, (le faible, c'est la France ou l'Angleterre par exemple, par rapport aux deux super-puissances d'hier, faibles supposées, enfin plus faibles, mais avec le principe de la suffisance sur lequel est fondée absolument toute la stratégie de dissuasion, nous pensons que la guerre n'est pas possible mais du fort au faible). Le faible, dans ce cas, ce peut être d'autres que nous, ce peut être des pays qui n'ont pas de force atomique, c'est ce que je lis souvent dans les déclarations d'hommes politiques qui ne sont pas négligeables… La réponse, ce serait l'emploi du nucléaire contre le faible ou le fou. - Quand j'avais vingt ans, l'Europe était gouvernée par Hitler, par Staline, par Mussolini, par quatre ou cinq dictateurs dans les pays d'Europe centrale et orientale, la liste était longue, on pouvait s'interroger s'il y avait un fou parmi eux. Il n'y a pas autant de fous qu'on le croit, ou alors des fous d'orgueil, de puissance. Faut-il employer l'arme atomique pour régler un problème qui se situerait en dehors du territoire national ou de nos intérêts vitaux ? Faudrait-il intervenir dans des conflits, nous aurions un devoir évident dans le cas d'une intervention humanitaire, ou bien par solidarité ? Faudrait-il se rallier à l'usage de la frappe dite chirurgicale, et même, plus pittoresque encore, décapitante, qui pourrait après tout aller jusqu'au fusil nucléaire ? Cela me paraît une hérésie majeure et, en aucune circonstance, je ne l'accepterai. Si quelques groupes parlementaires estimaient devoir amender la loi sur la programmation par des considérations de ce genre, et si elle était votée, cela deviendrait la loi mais alors il est évident que ce serait l'objet d'un conflit majeur qu'il appartiendrait au peuple de trancher. - A vrai dire, les armes conventionnelles pourraient suffire dans les cas de ce genre. La France n'est pas désarmée et elle le montre puisqu'elle est celle qui a donné aux Nations unies le plus fort contingent de soldats, qui ont pris leurs risques. Et j'en arrive à un sujet aujourd'hui contesté qui est celui des essais nucléaires. Vous connaissez l'évolution des essais nucléaires. A ce jour et depuis 1945, plus de 1 900 essais nucléaires ont eu lieu. Le premier essai nucléaire était américain, il a eu lieu dans le Nevada, le 16 juillet 1945. Les États-Unis ont effectué plus de 900 essais dont environ 200 aériens, dans l'atmosphère. Au point de départ, on ne savait pas faire autre chose.

Page 36: la France et la dissuasion nucléaire

Page 36 sur 66

- A ce propos, j'ai entendu beaucoup de plaintes contre les expériences nucléaires françaises à Mururoa. Des réactions qui me choquaient venaient de quelques pays de la zone. La Nouvelle-Zélande se plaignait, je comprends qu'elle se plaigne, mais elle était quand même plus éloignée des champs d'expérience français que nous ne le sommes des champs d'expérience russe, et nous ne vivions pas dans la hantise quotidienne. Quant à Mururoa d'ailleurs, les radiations sont plutôt plus faibles que devant le métro Caumartin. - Mais enfin, ces essais aériens présentaient de réels dangers et certains pays amis se sont montrés très choqués de ce que la France ait continué un peu après eux ce type d'expérience alors qu'après tout, c'est en Australie qu'ont eu lieu beaucoup d'essais britanniques. Mais à ce moment-là, ils ne s'indignaient pas. L'Union Soviétique a effectué plus de 600 essais. La Chine, d'après nos informations, a fait une quarantaine d'essais, et en accomplit encore deux ou trois par an. C'est un des problèmes qui nous sont posés. La Grande-Bretagne en a fait une quarantaine, mais cela devient un peu plus difficile à déterminer, car en fait les expériences britanniques ont lieu aussi aux États-Unis d'Amérique, également dans le Nevada et on peut dire qu'il y a une sorte de jumelage des expériences entre ces deux grands pays amis, et amis de nous-mêmes. - La France, elle, a effectué 192 essais nucléaires dont 45 essais atmosphériques. Les essais souterrains, quand on a mesuré le risque réel de pollution que représentaient ces explosions formidables dans l'atmosphère, ont débuté aux États-Unis et en Union soviétique en 1962. Ils ont débuté en France en 1975. Avant qu'ils aient lieu, beaucoup d'experts les estimaient impossibles. Les meilleurs ingénieurs s'y sont appliqués parce qu'eux pensaient que c'était possible. Ils ont montré qu'ils avaient raison, de telle sorte que la pratique de la France, comme celle des autres, c'est l'essai souterrain, notamment à Mururoa. Des essais nombreux ont été décidés et on a réalisé une sorte de vitrification de la région sous-marine qui pouvait le supporter. Les dégâts n'ont pas semblé tels que nous ayons fait courir un risque aux Océaniens et aux Polynésiens qui n'habitent pas cet atoll et qui se trouvent dans la zone au nombre de 3000 environ aujourd'hui, sans qu'on ait observé la moindre maladie et la moindre contagion de maladie. J'ai décidé, je suis obligé de dire "je", parce que c'est le Président de la République qui l'a fait, qui continuera de le faire si jamais ces choses reprennent, non pas tous les essais qui m'ont été demandés, mais tous ceux qui ont été estimés nécessaires au renforcement de la crédibilité de la dissuasion. Et il y a deux ans, j'ai pensé que nous étions arrivés à un moment où l'intérêt de la France commandait qu'elle prît l'initiative d'un moratoire sur les essais, en commençant par les siens, parce que l'état du monde, à mon sens, le permettait. C'était le 6 avril 1992, c'est-à-dire deux ans et demi après les événements de 1989 qui avaient disloqué l'une des deux super-puissances, à condition, bien sûr, que les principales puissances nucléaires agissent de même. Ce moment est apparu comme le plus opportun parce que l'objectif constamment poursuivi par mes prédécesseurs et par moi-même pour doter la France d'un potentiel qui inspire le respect ou la crainte, était atteint. Nous disposons aujourd'hui (il n'est pas habituel qu'on donne les chiffres) d'environ 500 têtes nucléaires. Ceci reste naturellement très loin de l'arsenal américain, et même de l'arsenal russe ou ukrainien, mais dans la limite de la suffisance ou de la crédibilité qui se trouve à la base même du raisonnement sur la dissuasion. Et si nos partenaires acceptaient eux-mêmes ce moratoire, alors l'ensemble des armements nucléaires se trouverait gelé, en laissant le temps de la négociation. Aucune menace crédible n'apparaissant plus - l'armement n'est pas indépendant de la géopolitique - la situation de 1992 ou de 1994 n'est plus celle, en tout cas en Europe mais aussi dans le monde, d'avant 1989. Les puissances ne sont plus exactement les mêmes, mais le danger n'a pas disparu. - Et il m'est apparu qu'il était urgent de donner un coup d'arrêt à la prolifération nucléaire qui menace le monde et que seule la combinaison d'un bon traité de non-prolifération et d'un bon traité d'interdiction des essais, universel et vérifiable bien entendu, le permettait. Si les puissances nucléaires qui le peuvent, ne donnent pas l'exemple sur ce point, elles n'auront ni l'autorité diplomatique, ni l'autorité morale suffisantes pour faire s'engager les

Page 37: la France et la dissuasion nucléaire

Page 37 sur 66

autres nations du monde dans l'indispensable marche vers la non-prolifération déjà si gravement entamée. - En avril 1992, j'ai donc pris la décision de suspendre les essais nucléaires pour l'année en cours. Et j'ai écrit en même temps, c'était ça l'objectif, à MM. Bush, Eltsine, et Major pour leurs demander de prendre la même décision pour leur pays. Le Président Eltsine a décidé d'agir ainsi en même temps, le Président Bush, au mois d'octobre suivant a décidé de ne pas s'opposer à un amendement du Congrès qui décidait un moratoire de neuf mois, décision qui a été suivie par la Grande-Bretagne. - Voilà comment les choses se sont passées. Par la suite, le 1er juillet 1993, le Président Clinton m'a informé de son intention de prolonger ce moratoire jusqu'en septembre 1994. Je lui ai aussitôt donné mon accord par écrit. C'est, à mes yeux toujours, la seule logique de l'initiative française : que les principales puissances nucléaires agissent comme elle. Si tel n'était pas le cas, les discussions cesseraient. La France reprendrait-elle aussi ses essais puisqu'elle doit protéger son seuil de crédibilité. A nouveau, M. Clinton vient de proroger ce moratoire jusqu'en septembre 1995. Mesdames et messieurs, je l'approuve, ce qui veut dire, que tant que j'occuperai mes fonctions, il en ira ainsi. Cette discussion, très importante, a occupé, je crois, toutes mes années au pouvoir, et sans doute aussi les Assemblées parlementaires, c'est bien normal, et les États-majors, c'est encore plus normal si j'ose dire. Chacun se pose la question. On ne va pas établir une graduation des bons et des mauvais Français, de ceux qui comprennent et de ceux qui ne comprennent rien. Il y a plusieurs façons de comprendre l'intérêt national et la démarche stratégique de la France. Il se trouve que la conception que j'ai, en ma qualité de Président de la République - décideur en la matière - est celle que je vous ai exposée. Elle n'est pas faite pour choquer ou blesser ceux qui pensent autrement, notamment au sein du gouvernement, notamment au sein des autorités militaires, au sein du groupe d'ingénieurs qui nous ont apporté déjà les fruits très remarquables de leurs compétences, non pas non plus au sein de l'ensemble des parlementaires. Mais, c'est ma décision, telle que je viens de vous l'expliquer. Il n'y aura pas avant le mois de mai 1995, c'est-à-dire dans un an, il n'y aura pas d'autres essais. Je sais bien que d'habiles dialecticiens, parmi ceux que j'évoquais tout à l'heure, ont dit : "Mais ça n'a pas beaucoup d'importance parce que, au fond, cette décision n'est pas dangereuse, dans un an, notre force restera suffisante, nous n'avons rien à craindre". Et ils ajoutaient un peu malignement : "Au fond dès qu'il aura tourné le dos, on verra bien ce qu'on fera". - Et moi, je le vois assez bien ce qu'on voudrait faire. Eh bien, je vous dis, mesdames et messieurs : après moi, on ne le fera pas | On ne le fera pas, sauf si les autres puissances nucléaires recommençaient leur essais, je l'ai déjà dit. On ne le fera pas parce que la France ne voudra pas offenser le monde entier en relançant le surarmement nucléaire, en blessant l'ensemble des pays qui n'en sont pas détenteurs, en bafouant les pays du tiers monde et l'ensemble des pays pauvres. Parce que la France ne voudra pas non plus être le pays qui relance la guerre atomique. Voilà une prévision. - Et comment dirais-je ? L'expression est classique mais est assez vraie : je fais confiance à mon successeur et à mes successeurs, ils ne pourront pas faire autrement. Bien entendu, ils auraient tort de faire autrement, mais comme ils ne le pourront pas, je n'approfondirai pas la discussion. Dernier débat, et j'en aurai fini : mais pourquoi ces essais nucléaires souterrains comme on avait dit pourquoi ces essais atmosphériques ? Pourquoi ne pourrait-on pas obtenir le même résultat en travaillant en laboratoire ? C'est ce que l'on appelle la simulation. Et les Américains s'en sont préoccupés bien avant la proposition que je viens de rappeler, celle dont j'ai pris l'initiative au nom de la France et qui me paraît capitale, le 6 avril 1992. - Ce que l'on appelle la finalisation d'un système de simulation a été effectué dès les années 1960 par les Américains. En fait, la décision étant prise, il a fallu du temps. Des tirs ont été consacrés à ce programme. A la même époque, en France, les expérimentations nucléaires étaient orientées vers la mise au point des armes nouvelles, vers des contrôles de sûreté. Nous ne disposons pas d'un budget considérable ; il faut

Page 38: la France et la dissuasion nucléaire

Page 38 sur 66

toujours aller au plus serré. La diminution du nombre de tirs annuels et de la puissance a été recherchée et obtenue, mais là s'est arrêté notre effort. - En 1991, la division des applications militaires a lancé un programme d'études et de recherches visant à se préparer à une limitation des essais nucléaires. En abrégé, on dit : PALEN (préparation à la limitation des essais nucléaires). - Analogue dans ses objectifs au programme américain, c'était un programme nécessairement conçu comme nécessitant un certain nombre d'essais préalables pour pouvoir réussir ensuite la simulation en laboratoire. - Là se situe une autre discussion. J'y ai bien réfléchi, mais j'ai demandé au gouvernement de réorienter ce programme. - La recherche d'une limitation ne suffit pas. Il s'agit maintenant de développer et d'obtenir une simulation complète qui permettra la mise au point des armes dont nous aurons besoin à l'horizon 2010, sans nouveaux essais nucléaires. Comme je ne suis pas ingénieur de profession, je suppose que ceux qui le sont, et ils sont nombreux dans cette salle, parmi les plus compétents, doivent se dire : c'est bien cela, les hommes politiques, même président de la République. Eh bien, c'est l'ordre que je donne. - Il faut que le programme de simulation se fasse sans essais nouveaux. C'est difficile ? Alors, il faut chercher. C'est votre métier de chercher et vous en avez la compétence. Nous disposons d'assez de savants, d'assez de chercheurs, d'assez d'ingénieurs, d'assez d'imagination et de courage. Et je dois dire que le gouvernement avec lequel j'en ai débattu, qui a priori n'est pas favorable à cette réponse, considérant que telles étaient les normes de nos institutions, a estimé devoir appliquer cette façon de voir, en attendant 1995. Il y a consacré des sommes très importantes, dans le projet de loi de programmation. Le chiffre prévu pour la simulation est de l'ordre de dix milliards sur six ou sept ans. C'est-à-dire que cela pourrait déborder largement la loi de programmation. On se trouverait donc au début des années 2000. - Certains ingénieurs qualifiés nous disent : ils nous faut quinze ans, puis il faut que nous nous procurions des ordinateurs que nous n'avons pas, c'est très onéreux. Je dis qu'il faut le faire : la France est capable de gagner ce pari. Elle doit être en mesure, en quinze ans, de réaliser des simulations en laboratoire et sans essai nouveau. Toujours, bien entendu, si les conditions sont réunies. Et puis si l'on y réfléchit, les risques de guerre sont-ils proches ? Nul ne le sait. Mais on a bien le droit de faire des supputations. La guerre froide a cessé. Il peut y avoir et il y aura sans doute menaces de conflits locaux, régionaux, en Europe comme il y en a aujourd'hui dans l'ancienne Yougoslavie. Il y en aura d'autres, en tout cas le risque est réel. Il n'est pas assuré que cela se transformera en guerre nucléaire ou du moins entre les pays, les quatre républiques issues de l'Union soviétique qui en disposent. Et je ne vois pas pourquoi l'un de ces pays, particulièrement la Russie, s'engagerait dans un conflit de cet ordre avec les trois autres grandes puissances nucléaires. Elle a autre chose à faire, d'ici longtemps, si jamais naturellement elle y pense. - D'ailleurs le gouvernement lui-même m'a demandé de reporter de 2005 à 2010 la mise en oeuvre du missile M5. Lequel missile M5 équipera les sous-marins, en particulier, et cette arme est la seule comparable à celles dont disposent les Russes et les Américains et les Anglais par sa précision, sa puissance, sa portée. C'est le gouvernement qui m'a demandé - et j'ai accepté, j'ai bien compris ses difficultés budgétaires, il n'y avait pas du tout de sa part d'objection de principe -, de reporter de 2005 à 2010 la mise en oeuvre du M5. - Au fond les mêmes analyses se faisaient. Pourquoi aurions-nous un armement ici et pas là ? Pourquoi l'année 2005, ou au-delà, serait-elle dangereuse quand on parle des essais et ne le serait pas lorsqu'on parle du M5 ? Si l'on veut bien étudier l'ensemble des données géostratégiques et politiques, l'hypothèse d'une agression venant du seul pays qui dispose à l'heure actuelle d'une simulation assez avancée pour se dispenser d'essais nucléaires souterrains et se contenter de travail en laboratoire, concerne les États-Unis d'Amérique. Je tiens absolument, comme vous tous j'imagine, à ce que la France, en

Page 39: la France et la dissuasion nucléaire

Page 39 sur 66

qualité et en crédibilité, puisse soutenir la comparaison avec les États-Unis d'Amérique. Mais je n'ai pas intégré dans mes réflexions l'hypothèse que d'ici 2010 les missiles américains viendraient écraser nos villes, même si les Américains sont en avance sur la France quant à la connaissance de la simulation |… Donc je pense que la France est à l'abri d'une mauvaise surprise et que ses scientifiques, ses chercheurs et ses metteurs en pratique que sont nos ingénieurs seront capables, puisqu'ils disposeront de moyens financiers prévus dans la loi de programmation, sans doute reconduits par les lois futures, seront en mesure de parvenir à doter la France des moyens indispensables de perfectionner ses capacités nucléaires. - Voilà, mesdames et messieurs, l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Les décisions prises en Conseil de défense, puis en Conseil des ministres, assurent la prolongation des 18 missiles du plateau d'Albion jusqu'en 2005, date à laquelle ils seront remplacés par les versions modernisées du missile M4, des M45 en attendant la version terrestre du missile M5. Ces mêmes décisions assurent la mise en service progressive des sous-marins de la nouvelle génération. J'ai dit que le premier de ce type entrerait en service en 1996. Il pourra nous être présenté avant la fin de cette année. Il sera équipé de missiles M45 dérivés du missile M4, dotés d'équipements qui amélioreront la capacité de pénétration. Trois autres sous-marins supplémentaires devront être construits dans les dix prochaines années en remplacement des six sous-marins de la génération précédente. …Le rôle particulier du plateau d'Albion dans notre dissuasion sera maintenu. La France disposera vers 2010 des moyens équivalents à ses principaux concurrents, dont la plupart sont nos amis, parmi les puissances nucléaires du monde. La Chine s'est mise à part. Nous pensons qu'actuellement elle n'est pas en mesure d'égaler en capacité ce dont nous disposons mais il faudra y veiller de près car la Chine ne se comporte pas en partenaire à qui on peut demander un moratoire, puisqu'elle presse le pas au contraire pour améliorer son équipement. Ce problème doit être absolument traité et je le cite de moi-même maintenant pour que vous ne pensiez pas que je l'ai oublié. Quant à la composante aéroportée, la troisième composante, il n'y a pas, semble-t-il, au gouvernement comme à moi-même, urgence à remplacer les missiles air-sol à moyenne portée qui équipent depuis 1986 nos Mirages. Mais les études déjà entamées seront poursuivies pour pouvoir faire au moment opportun les meilleurs choix, le cas échéant un meilleur choix. Demain comme aujourd'hui, un adversaire potentiel qui projetterait de s'en prendre à notre pays ne sera vraiment dissuadé de le faire que s'il sait qu'il y a en France un pouvoir qui soit en mesure de prendre immédiatement la décision qui convient. - J'ai dit ce que je pensais sur le rôle de l'État, ce qui ne réduit en rien le rôle du gouvernement et du nécessaire conseil des gens qualifiés, en particulier de l'État-major militaire. J'ai déjà dit que, si le temps le permettait, le chef d'État aurait bien entendu pour devoir de demander conseil. Si le temps lui est mesuré il dispose de moyens de commandement. Il en résulte que la France, au sein de l'Alliance atlantique, maintient son autonomie ultime de décision. Eh bien, mesdames et messieurs, dans le même temps, nous continuerons d'encourager dans le monde le désarmement nucléaire, la réduction des armements stratégiques des puissances plus fortes que nous. Une vingtaine d'années seront nécessaires, vous le savez, pour mettre en oeuvre les accords déjà signés. Nous tiendrons compte de ces décisions. - Pourquoi avons-nous refusé de nous mettre à la table, où nous étions à demi invités, de l'Union soviétique et des Etats-Unis d'Amérique pour prendre part, pour retirer aussi de l'armement général nos forces stratégiques ? Et l'on nous disait même : "Amenez vos sous-marins" alors que les deux super-puissances ne le faisaient pas elles-mêmes. C'est dire qu'il convenait de remettre les choses à leurs places et la dignité de la France à la sienne. Il convenait de dire non, non et non | Et s'il en faut un quatrième, il sera dit. - Le mouvement qui porte vers le désarmement nucléaire est sain, mais simplement, quand on demande qu'un calcul soit fait pour deux pays qui possèdent quelques 20000 charges nucléaires, en face d'un pays qui en possède 500, on ne peut pas se contenter de dire : on va faire 500 de moins chez chacun d'entre nous.

Page 40: la France et la dissuasion nucléaire

Page 40 sur 66

- Donc, nous estimerons, plus tard, à quel moment la France pourra se joindre à ce mouvement dont je répète que c'est un mouvement utile pour la paix du monde. Et nous tiendrons compte des progrès réalisés dans le monde entier pour savoir ce qu'il convient de faire. - J'ajoute que je suis également partisan de la reconduction d'un Traité de non-prolifération, d'un Traité d'interdiction des essais nucléaires fiable, universel, vérifiable, et je sais que là aussi, il y a débat ; puisqu'il y a débat mon devoir est de dire au pays ce que j'en pense..

Page 41: la France et la dissuasion nucléaire

Page 41 sur 66

8 ème document

Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la politique de défense de la France, notamment la dissuasion nucléaire, à Brest le 19 janvier 2006. (site de la présidence de la république) http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais_archives/interventions/discours_et_declarations/2006/janvier/allocution_du_president_de_la_republique_lors_de_sa_visite_aux_forces_aeriennes_et_oceanique_strategiques-landivisiau-l_ile_longue_finistere.38406.html

Circonstances : Visite aux forces aériennes, océaniques et stratégiques, à Landivisiau-l'Ile Longue/Brest (Finistère), le 19 janvier 2006

Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Chef d'état-major des Armées, Messieurs les Chefs d'état-major, Mesdames et Messieurs,

C'est un réel plaisir de me retrouver aujourd'hui parmi vous, à l'Ile Longue. Je suis heureux de pouvoir rencontrer les femmes et les hommes, militaires et civils, qui participent à l'accomplissement d'une mission fondamentale pour notre indépendance et notre sécurité : la dissuasion nucléaire.

La création d'une force nationale de dissuasion a constitué, pour la France, un véritable défi qui n'a pu être relevé que par l'engagement de tous. Elle a imposé de mobiliser toutes les énergies, de développer nos capacités de recherche, de trouver des solutions innovantes à toutes sortes de problèmes techniques. La dissuasion nucléaire est ainsi devenue l'image même de ce qu'est capable de produire notre pays quand il s'est fixé une tâche et qu'il s'y tient.

Je tiens ici à rendre hommage aux chercheurs et ingénieurs, du CEA et de toutes les entreprises françaises, qui nous permettent d'être toujours en pointe dans des secteurs vitaux comme les sciences de la matière, la simulation numérique, les lasers, et notamment le laser mégajoule, les technologies nucléaires et celles de l'espace...Mesdames, Messieurs, cette mission, vous l'effectuez dans un environnement en constante évolution.

Avec la fin de la guerre froide, nous ne faisons actuellement l'objet d'aucune menace directe de la part d'une puissance majeure, c'est vrai.

Mais la fin du monde bipolaire n'a pas fait disparaître les menaces contre la paix. Dans de nombreux pays se diffusent des idées radicales prônant la confrontation des civilisations, des cultures, des religions. Aujourd'hui, cette volonté de confrontation se traduit par des attentats odieux, qui viennent régulièrement nous rappeler que le fanatisme et l'intolérance mènent à toutes les folies…

La lutte contre le terrorisme est l'une de nos priorités. Nous avons pris un grand nombre de mesures et de dispositions pour répondre à ce danger. Nous continuerons sur cette voie, avec fermeté et détermination. Mais il ne faut pas céder à la tentation de limiter l'ensemble des problématiques de défense et de sécurité à ce nécessaire combat contre

Page 42: la France et la dissuasion nucléaire

Page 42 sur 66

le terrorisme. Ce n'est pas parce qu'une nouvelle menace apparaît qu'elle fait disparaître toutes les autres.

Notre monde est en constante évolution, à la recherche de nouveaux équilibres politiques, économiques, démographiques, militaires. Il est caractérisé par l'émergence rapide de nouveaux pôles de puissance. Il est confronté à l'apparition de nouvelles sources de déséquilibres : le partage des matières premières, la distribution des ressources naturelles, l'évolution des équilibres démographiques notamment. Cette évolution pourrait être cause d'instabilité, surtout si elle devait s'accompagner d'une montée des nationalismes.

Certes, il n'y a aucune fatalité à voir, dans un futur prochain, la relation entre les différents pôles de puissance sombrer dans l'hostilité. C'est d'ailleurs pour prévenir ce danger que nous devons oeuvrer à un ordre international fondé sur la règle de droit et sur la sécurité collective, sur un ordre plus juste, plus représentatif. Que nous devons aussi engager tous nos grands partenaires à faire le choix de la coopération plutôt que celui de la confrontation. Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre Histoire nous l'enseigne.

Notre monde est également marqué par l'apparition d'affirmations de puissance qui reposent sur la possession d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques. D'où la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire, et ceci en contravention avec les traités. Des essais de missiles balistiques, dont la portée ne cesse d'augmenter, se multiplient partout dans le monde. C'est ce constat qui a conduit le Conseil de Sécurité des Nations Unies à reconnaître que la prolifération des armes de destruction massive, et de leurs vecteurs associés, constituait une menace réelle pour la paix et pour la sécurité internationale.

Enfin, il ne faut pas ignorer la persistance des risques plus traditionnels d'instabilité régionale. Il existe, malheureusement, partout dans le monde des risques de telle nature.

Mesdames, Messieurs,

Face aux crises qui secouent le monde, face aux nouvelles menaces, la France a toujours choisi, d'abord, la voie de la prévention. Celle-ci demeure, sous toutes ses formes, le socle même de notre politique de défense…

Mais ce serait faire preuve d'angélisme que de croire que la prévention, seule, suffit à nous protéger. Pour être entendus, il faut aussi, lorsque c'est nécessaire, être capable de faire usage de la force. Nous devons donc disposer d'une capacité importante à intervenir en dehors de nos frontières, avec des moyens conventionnels, afin de soutenir et de compléter cette stratégie.

Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis.

C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. Elle en constitue l'expression ultime.

Face aux inquiétudes du présent et aux incertitudes du futur, la dissuasion nucléaire demeure la garantie fondamentale de notre sécurité. Elle nous donne également, d'où que puissent venir les pressions, le pouvoir d'être maîtres de nos actions, de notre politique, de la pérennité de nos valeurs démocratiques.

Page 43: la France et la dissuasion nucléaire

Page 43 sur 66

Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à usage nucléaire…

C'est dans cet esprit que la France a maintenu ses forces de dissuasion, tout en les réduisant, conformément à l'esprit du traité de non-prolifération et au respect du principe de stricte suffisance.

C'est la responsabilité du chef de l'Etat d'apprécier, en permanence, la limite de nos intérêts vitaux. L'incertitude de cette limite est consubstantielle à la doctrine de dissuasion.

L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le coeur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger. Il appartiendrait au Président de la République d'apprécier l'ampleur et les conséquences potentielles d'une agression, d'une menace ou d'un chantage insupportables à l'encontre de ces intérêts. Cette analyse pourrait, le cas échéant, conduire à considérer qu'ils entrent dans le champ de nos intérêts vitaux.

La dissuasion nucléaire, je l'avais souligné au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, n'est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques. Pour autant, les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature.

Depuis ses origines, la dissuasion n'a jamais cessé de s'adapter à notre environnement et à l'analyse des menaces que je viens de rappeler. Et ceci, dans son esprit, comme dans ses moyens. Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. ... C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins.

Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en oeuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants animés d'intentions hostiles à notre égard. Elle est essentielle pour les ramener à la raison, pour leur faire prendre conscience du coût démesuré qu'auraient leurs actes, pour eux-mêmes et pour leurs Etats. Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.

Ainsi, les principes qui sous-tendent notre doctrine de dissuasion n'ont pas changé. Mais ses modalités d'expression ont évolué, et continuent d'évoluer, pour nous permettre de faire face au contexte du XXIe siècle.

Constamment adaptés à leurs nouvelles missions, les moyens mis en oeuvre par les composantes océanique et aéroportée permettent d'apporter une réponse cohérente à

Page 44: la France et la dissuasion nucléaire

Page 44 sur 66

nos préoccupations. Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l'Etat dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées.

La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue.

Il serait irresponsable d'imaginer que le maintien de notre arsenal actuel pourrait, après tout, suffire. Que deviendrait la crédibilité de notre dissuasion si elle ne nous permettait pas de répondre aux nouvelles situations ? Quelle crédibilité aurait-elle vis à vis de puissances régionales si nous en étions restés strictement à une menace d'anéantissement total? Quelle crédibilité aurait, dans le futur, une arme balistique dont le rayon d'action serait limité? Ainsi, le M51, grâce à sa portée intercontinentale, et Nord nous donneront, dans un monde incertain, les moyens de couvrir les menaces d'où qu'elles viennent et quelles qu'elles soient.

De même, nul ne peut prétendre qu'une défense anti-missiles suffit à contrer la menace représentée par des missiles balistiques. Aucun système défensif, aussi sophistiqué soit-il, ne peut être efficace à 100%. Nous n'aurons jamais la garantie qu'il ne pourra être contourné. Fonder toute notre défense sur cette unique capacité inviterait, en réalité, nos adversaires à trouver d'autres moyens pour mettre en oeuvre leurs armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Un tel outil ne peut donc être considéré comme un substitut de la dissuasion. Mais il peut la compléter en diminuant nos vulnérabilités. C'est pourquoi la France s'est résolument engagée dans une réflexion commune, au sein de l'Alliance atlantique, et développe son propre programme d'autoprotection des forces déployées.

La sécurité de notre pays et son indépendance ont un coût. Il y a quarante ans, la part d'investissements du ministère de la Défense consacrée aux forces nucléaires était de 50%. Depuis, cette part a constamment été réduite et ne devrait représenter en 2008 que 18% des investissements. Aujourd'hui, dans l'esprit de stricte suffisance qui la caractérise, notre politique de dissuasion représente globalement moins de 10% du budget total de la Défense. Les crédits qui lui sont consacrés portent sur des techniques de pointe et soutiennent massivement et essentiellement l'effort de recherche scientifique, technologique et industriel de notre pays.

10% de notre effort de défense, c'est le prix juste et suffisant pour doter notre pays d'une assurance de sécurité qui soit crédible et pérenne. Et je vous le dis, la mettre en cause serait parfaitement irresponsable.

En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité. Les pays de l'Union ont, d'ailleurs, commencé à réfléchir ensemble, à ce que sont, ou ce que seront, leurs intérêts de sécurité communs. Et je souhaite que cette réflexion s'approfondisse, c'est une première et nécessaire étape.

Mesdames, Messieurs,

Page 45: la France et la dissuasion nucléaire

Page 45 sur 66

Depuis 1964, la France dispose d'une dissuasion nucléaire autonome. Ce sont les enseignements de l'Histoire qui avaient conduit le général de Gaulle à faire ce choix crucial. Pendant toutes ces années, les forces nucléaires françaises ont assuré la défense de notre pays et ont largement contribué à préserver la paix. Elles continuent aujourd'hui à veiller, en silence, pour que nous puissions vivre dans un pays de liberté, maître de son avenir et de son destin. Elles continuent et continueront demain d'être le garant ultime de notre sécurité.

En tant que chef des Armées et au nom des Françaises et des Français, je veux exprimer la reconnaissance et la gratitude de la Nation à toutes celles et tous ceux qui concourent à cette mission essentielle.

Je vous remercie.

Page 46: la France et la dissuasion nucléaire

Page 46 sur 66

9ème document :

DISCOURS DE M. SARKOZY, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

(site de la Présidence de la République)

http://www.elysee.fr/president/les-dossiers/defense/dissuasion-nucleaire/dissusion-nucleaire.7069.html

CIRCONSTANCES : PRÉSENTATION DU SOUS-MARIN NUCLÉAIRE LANCEUR D’ENGINS « LE TERRIBLE »

à Cherbourg (Manche) le Vendredi 21 Mars 2008

Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président (merci pour le travail remarquable que vous avez engagé), Monsieur le Ministre, cher Hervé MORIN, Monsieur le Ministre, cher Jean-Marie BOCKEL, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Maire, Mon général…, Mesdames et Messieurs,

C'est une grande fierté pour moi de me trouver ici parmi vous à Cherbourg, pour saluer tous ceux qui ont construit « Le Terrible », quatrième et dernier né de la série de notre flotte stratégique. Ici même, en 1967, le général DE GAULLE venait rendre hommage à ceux de vos collègues qui avaient construit « Le Redoutable ». Comme vos anciens, vous pouvez être fiers de ce sous-marin, symbole de la haute technologie et de la détermination de la France à conserver la maîtrise de son destin. Très peu de pays dans le monde ont la capacité de réaliser une telle prouesse industrielle et technologique. Il a fallu des décennies d'apprentissage pour maîtriser de tels savoir-faire…

Nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins sont une composante essentielle de notre capacité de dissuasion nucléaire. C'est aux ouvriers, aux techniciens, aux ingénieurs, aux militaires, aux chercheurs, militaires et civils, que nous la devons. Je suis venu vous dire que le maintien, au plus haut niveau, des compétences nécessaires à la dissuasion est un objectif fondamental pour notre sécurité…

…La paix n'est jamais acquise, le terrorisme de masse nous l'a montré. Aujourd'hui nous sommes confrontés à l'affirmation de nouvelles puissances, de nouvelles ambitions, de nouvelles menaces et donc de nouvelles rivalités. S'y ajoutent les risques découlant de la compétition pour l'accès aux matières premières et à l'énergie, du détournement des technologies à des fins agressives et, bien sûr, du changement climatique. Dans ce monde interdépendant, nos intérêts n'ont pas de frontières, même s'ils n'en ont pas moins une géographie. Le monde a changé depuis le Livre blanc de 1994, qui avait tiré les conclusions de la fin de la guerre froide et de la guerre du Golfe. Le monde est différent, plus instable, plus changeant, plus complexe. Cela ne veut pas dire qu'il soit forcément plus dangereux, cela veut dire qu'il est moins prévisible qu'avant. Nos vulnérabilités ont donc changé, notre

Page 47: la France et la dissuasion nucléaire

Page 47 sur 66

stratégie doit donc être réexaminée en conséquence. Moi, je ne veux pas, parce que je n'en ai pas le droit, que la France, comme elle l'a trop souvent fait dans le passé, se prépare à la guerre précédente ou qu'elle se trouve désarmée devant une surprise stratégique. J'ai la responsabilité de garantir que nos forces armées soient toujours en mesure de faire face aux menaces qui pèsent sur la Nation. Je veux faire la politique de défense dont la France a besoin, pas la politique de défense des habitudes ou des anciennes certitudes. C'est pourquoi j'ai demandé la préparation d'un nouveau « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » et non plus seulement sur la défense. Car désormais, la sécurité des Français est susceptible de se jouer autant loin de nos frontières qu'à l'intérieur du territoire. Pour la même raison, je veux que nous soyons capables d'aborder tous les problèmes en face. Je dois la transparence, je dois la vérité à nos armées, je dois la transparence ; je dois la vérité à tous les Français. La vérité, la voici : j'ai trouvé à mon arrivée une situation financière plus que difficile : pour atteindre le modèle d'armée 2015, il aurait fallu, selon les perspectives financières de la défense, augmenter de 6 milliards d'euros par an son budget d'équipement, soit une hausse de 40 %. Qui peut me dire que cet objectif est seulement crédible ? Ces perspectives financières représentent un mur, incompatible avec l'engagement que j'ai pris auprès des Français et auprès de nos partenaires européens, de redresser les finances de la Nation en déficit depuis plus de vingt-cinq ans. Je n'ai pas l'intention de poursuivre les méthodes du passé, celles qui ont conduit à me placer dans cette situation, car chacun s'y trouve perdant : la collectivité nationale qui a le souci légitime que ses besoins de défense et de sécurité soient couverts convenablement ; le chef de l'État, le gouvernement, le Parlement, qui sont confrontés à la nécessité de douloureuses réorientations, et surtout, au premier chef, les armées, qui doivent déplorer sans cesse le retard de programmes d'armement majeurs, avec leurs corollaires, des matériels qui vieillissent et des coûts d'entretien qui explosen…

J'ai choisi de construire l'avenir avec quelques repères simples : notre stratégie, nos ambitions, nos alliances, l'objectif européen. Et un principe, simple lui aussi : j'exclus absolument de baisser la garde. Le budget de la défense est le deuxième budget de l'État. Il le restera, il ne baissera pas, je m'y suis déjà engagé et je renouvelle cet engagement de façon solennelle. Mais je proposerai les choix, trop longtemps occultés, propres à concilier la protection des Français, l'indépendance du pays et sa souveraineté financière. Pour orienter l'effort militaire du pays, je ne me baserai pas sur des analyses vieilles de quinze ans. J'ai demandé un Livre blanc pour ce début de XXIe siècle qui propose un concept global de défense et de sécurité nationale de notre pays et de ses intérêts, à l'horizon des quinze ans à venir. En s'appuyant sur les grandes fonctions que doivent assumer nos armées, la Commission doit formuler des orientations claires, qui nous permettront avec le ministre de la Défense de faire des choix stratégiques et politiques. Le modèle d'armée 2015 a été reconnu comme obsolète par la Commission du Livre blanc. Chacun sait qu'au surplus, ce modèle était irréaliste …Quand les menaces changent, quand notre stratégie évolue, n'est-il pas normal que notre effort militaire se renouvelle également ? Pour assurer la protection des Français, il faut que leur outil de défense soit le plus opérationnel, le plus efficace possible. J'en tirerai toutes les conclusions avec le plus grand réalisme. Les réformes, nous les ferons. C'est le mandat que m'ont donné les Français. Ce processus de réforme et de rationalisation exemplaire, qu'Hervé MORIN a déjà engagé, se fera entièrement au profit de l'outil de défense et de ceux qui le servent. Pour que nous soyons capables de le préparer de façon constructive et sans tabous, j'ai choisi d'ouvrir la réflexion. La Commission du Livre blanc que préside Jean-Claude MALLET est composée

Page 48: la France et la dissuasion nucléaire

Page 48 sur 66

de personnalités venues d'horizons très divers. Le Parlement y est étroitement associé, dès l'origine et à chaque étape de la réflexion. Les Commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale seront consultées sur le projet de Livre blanc. Le Livre Blanc sera présenté par le Premier ministre à la représentation nationale…

Je rendrai le moment venu mes arbitrages et je les expliquerai à la Nation. Vous pouvez être assurés que j'assumerai toutes mes responsabilités, car ce qui inquiète le plus, ce n'est pas la perspective des choix, c'est l'absence de décision. Les choix seront faits pour que la politique de défense soit la plus utile, la plus pertinente, au service d'une grande ambition pour la France et pour l'Europe. Mon premier devoir en tant que chef de l'État et chef des armées, est de veiller à ce qu'en toutes circonstances la France, son territoire, son peuple, ses institutions républicaines, soient en sécurité. Et qu'en toutes circonstances, notre indépendance nationale et notre autonomie de décision soient préservées. La dissuasion nucléaire en est la garantie ultime. Prendre la mesure de cette réalité, c'est la lourde responsabilité de tout Président de la République. Je souhaite aujourd'hui partager avec vous mes réflexions sur ce sujet. Bien sûr, à l'horizon du Livre blanc, c'est-à-dire quinze ans, la France ne court plus le risque d'une invasion. En revanche, d'autres menaces pèsent sur notre sécurité. Certains arsenaux nucléaires continuent de s'accroître. La prolifération nucléaire, la prolifération biologique, la prolifération chimique se poursuit, ainsi que celle des missiles balistiques et de croisière. Chacun doit être conscient aujourd'hui que les missiles nucléaires de puissances, mêmes lointaines, peuvent atteindre l'Europe en moins d'une demi-heure. Aujourd'hui seules les grandes puissances disposent de tels moyens. Mais d'autres pays, en Asie ou au Moyen-Orient, développent à marche forcée des capacités balistiques. Je pense en particulier à l'Iran. L'Iran accroît la portée de ses missiles, alors que de graves soupçons pèsent sur son programme nucléaire. C'est bien la sécurité de l'Europe qui est en jeu. Face à la prolifération, la communauté internationale doit être unie et résolue, la communauté internationale doit être résolue. Parce que nous voulons la paix, nous devons être sans faiblesse avec ceux qui violent les normes internationales. Mais tous ceux qui les respectent ont le droit à un juste accès à l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Mais nous devons aussi être prêts à faire face à d'autres risques que la prolifération. L'imagination de nos agresseurs potentiels est sans limite pour exploiter les vulnérabilités des sociétés occidentales. Et demain, les progrès technologiques peuvent créer de nouvelles menaces. C'est pour cela que nous tenons à notre dissuasion nucléaire. Elle est strictement défensive. L'emploi de l'arme nucléaire ne serait à l'évidence concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations unies. Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux – d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme. Ceux-ci comprennent, bien sûr, les éléments constitutifs de notre identité et de notre existence en tant qu'État-Nation, ainsi que le libre exercice de notre souveraineté. Ma responsabilité, en tant que chef de l'État, est d'en apprécier à tout moment la limite, car dans un monde qui change, celle-ci ne saurait être figée. Tous ceux qui menaceraient de s'en prendre à nos intérêts vitaux s'exposeraient à une riposte sévère de la France, entraînant des dommages inacceptables pour eux, hors de proportion avec leurs objectifs. Ce serait alors en priorité les centres de pouvoir politique, économique et militaire qui seraient visés. Nous ne pouvons exclure qu'un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux ou sur notre détermination à les sauvegarder. Dans le cadre de l'exercice de la

Page 49: la France et la dissuasion nucléaire

Page 49 sur 66

dissuasion, il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire, qui marquerait notre détermination. Il serait destiné à rétablir la dissuasion. Pour que la dissuasion soit crédible, le chef de l'État doit disposer d'une large gamme d'options face aux menaces. Nos forces nucléaires ont été adaptées en conséquence. Elles continueront de l'être. Le missile intercontinental M51, que Le Terrible emportera dès sa mise en service en 2010, et le missile ASMPA que le Rafale emportera dès cette année, répondent à l'analyse des risques à l'horizon du Livre blanc. J'ai aussi la conviction qu'il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. En effet, leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l'État doit pouvoir compter sur elles en permanence. Afin de préserver notre liberté d'action, des capacités de défense antimissile contre une frappe limitée pourraient être un complément utile à la dissuasion nucléaire, sans bien sûr s'y substituer. Ne perdons pas de vue qu'une défense antimissile ne sera jamais assez efficace pour préserver nos intérêts vitaux. Sur cette question, la France a fait le choix d'une démarche pragmatique… Garantir la sécurité de la Nation a un coût important. Chaque année, la dissuasion nucléaire coûte aux Français la moitié du budget de la justice ou de celui des transports. Ce coût, il doit, bien entendu, être maîtrisé autant que possible, dans le contexte financier que j'ai évoqué précédemment. Mais je suis déterminé à assumer ce coût. Ce n'est ni une affaire de prestige ni une question de rang, c'est tout simplement l'assurance vie de la Nation. Notre dissuasion tient compte aussi de l'évolution du monde, de nos alliances et de la construction européenne. Avec le Royaume-Uni, nous avons pris une décision majeure, nous avons constaté qu'il n'y avait pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'un seraient menacés sans que les intérêts de l'autre le soient aussi. S'agissant de l'Alliance atlantique, sa sécurité repose également sur la dissuasion nucléaire. Les forces nucléaires britanniques et françaises y contribuent. Cela figure dans le concept stratégique de l'Alliance, depuis 1974, et reste d'actualité. Je le dis à tous nos alliés : la France est et restera fidèle à ses engagements au titre de l'article 5 du traité de l'Atlantique nord. S'agissant de l'Europe, c'est un fait, les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité. Un agresseur qui songerait à mettre en cause l'Europe doit en être conscient. Tirons-en, ensemble, toutes les conséquences logiques : je propose d'engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune. Notre engagement pour la sécurité de nos partenaires européens est l'expression naturelle de notre union toujours plus étroite. Le traité de Lisbonne marque, à cet égard, une avancée historique. Je voudrais maintenant évoquer le désarmement. C'est un sujet que je souhaite aborder avec réalisme et avec lucidité. Quand la sécurité internationale s'améliore, la France en tire les conséquences. Elle l'a fait avec la fin de la guerre froide. Plutôt que de faire des discours et des promesses, sans les traduire en actes, la France, elle, agit. Elle respecte ses engagements internationaux et notamment le traité sur la non-prolifération nucléaire. Elle a aujourd'hui un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire : la France, premier État avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ; la France, premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives ; la France, seul État à avoir démantelé, de manière transparente, son site d'essais nucléaires situé dans le Pacifique ; la France, seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol ; la France, seul État à avoir réduit volontairement d'un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. La

Page 50: la France et la dissuasion nucléaire

Page 50 sur 66

France n'a jamais participé à la course aux armements. La France n'a jamais réalisé tous les types d'armes que ses capacités technologiques lui auraient permis de concevoir. La France applique un principe, celui de la stricte suffisance : elle maintient son arsenal au niveau le plus bas possible, compatible avec le contexte stratégique. C'est un principe auquel je tiens. J'ai demandé, dès ma prise de fonction, que cette stricte suffisance soit réévaluée. Cela m'a conduit à décider une nouvelle mesure de désarmement : pour la composante aéroportée, le nombre d'armes nucléaires, de missiles et d'avions sera réduit d'un tiers. J'ai également décidé que la France pouvait et devait être transparente sur son arsenal nucléaire, comme personne au monde ne l'a encore fait. Après cette réduction, notre arsenal comprendra moins de trois cents têtes nucléaires. C'est la moitié du nombre maximum de têtes que nous ayons eu pendant la guerre froide. En donnant cette information, la France est pleinement transparente car elle n'a aucune autre arme que celles de ses stocks opérationnels. De plus, je confirme qu'aucune de nos armes n'est ciblée contre quiconque. Enfin, j'ai décidé d'inviter des experts internationaux à venir constater le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles militaires de Pierrelatte et de Marcoule. Mais ne soyons pas naïfs, la base même de la sécurité collective et du désarmement, c'est la réciprocité. Aujourd'hui dans le monde, huit États ont déclaré avoir effectué des essais nucléaires. Je propose à la communauté internationale un plan d'action sur lequel j'appelle les puissances nucléaires à s'engager résolument, d'ici à la conférence du TNP en 2010. J'invite ainsi tous les pays à ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, à commencer par la Chine et les États-Unis qui l'ont signé en 1996. Il est temps de le ratifier. J'engage les puissances nucléaires à démanteler tous leurs sites d'essais nucléaires, de manière transparente et ouverte à la communauté internationale. Je propose de lancer sans délai la négociation sur un traité d'interdiction de production de matières fissiles pour les armes nucléaires et de mettre en place un moratoire immédiat sur la production de ces matières. J'invite les cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de non-prolifération nucléaire à s'entendre sur des mesures de transparence. Je propose l'ouverture de négociations sur un traité interdisant les missiles sol-sol de portée courte et intermédiaire. Je demande à tous d'adhérer et de mettre en œuvre le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques, comme l'a fait la France. En parallèle c'est dans tous les autres domaines du désarmement que la communauté internationale doit se mobiliser. Là aussi la France apportera sa contribution. Mesdames et Messieurs, je suis venu pour adresser à la Nation un message simple : sa sécurité sera assurée face aux menaces du monde, et la France jouera tout son rôle pour la défense de la paix ... La France ne baissera pas la garde. Je vous remercie.

Page 51: la France et la dissuasion nucléaire

Document 10

Source : Site du Trinôme académique de l’Académie de Bordeaux, rubrique « Enseigner la Défense »

Page 51 sur 66

Page 52: la France et la dissuasion nucléaire

Document 11

Source : Site du Trinôme Académique de Bordeaux, rubrique : « Enseigner la Défense »

Page 52 sur 66

Page 53: la France et la dissuasion nucléaire

III : PISTES DE TRAVAIL ET QUESTIONNEMENT

Les pistes pédagogiques sont classées en 4 parties : La piste verte pour l’initiation La piste bleue pour le niveau Collège La piste rouge pour le niveau Lycée La piste noire pour l’Enseignement Supérieur

Ce classement est uniquement indicatif. Les documents peuvent être utilisés de façons différentes suivant la nature du travail et le degré d’approfondissement souhaité.

III-1 : PISTE VERTE POUR INITIATION

Une présentation rapide de la notion de puissance nucléaire peut être envisagée : Autre étude possible : un Etat fait un choix de politique de Défense. Présenter la stratégie de la dissuasion nucléaire. La plupart des grandes puissances possèdent l’arme nucléaire (cf carte des puissances

nucléaires du dossier I-2ème Thème) La France fait partie des puissances nucléaires Quels sont les sites de la région de Bordeaux qui sont concernés par l’industrie du

nucléaire ?

Page 53 sur 66

Page 54: la France et la dissuasion nucléaire

III-2 : PISTE BLEUE POUR LE NIVEAU COLLEGE Ce thème peut faire l’objet d’un travail de recherche en Histoire ou en Education Civique

QUESTIONNAIRE :

1) Donnez une définition de la dissuasion nucléaire ? 2) Quels sont les noms des scientifiques qui ont découvert le radium et ses propriétés ? 3) Quelle est la ville qui a subi le premier bombardement atomique dans le monde ?

Dans quelles circonstances ? 4) Qu’est ce qu’une arme nucléaire ? 5) Donnez une définition de CEA ? 6) A quelle date a eu lieu l’explosion de la première bombe nucléaire de la France ?

Dans quelle zone géographique ? 7) Précisez la définition de l’OTAN ? 8) Quelle est la grande crise de la Guerre Froide où la menace nucléaire paraît

imminente ? 9) A quelle date la France quitte-t-elle le commandement militaire intégré de l’OTAN ? 10) Donnez une définition de TNP , dans le domaine de la Défense ? 11) Indiquez le nom d’un porte-avions français, à propulsion nucléaire ? 12) Précisez le sens de l’expression « bombe sale » ? 13) Quelles sont les grandes puissances nucléaires dans le monde ? 14) Que signifie, pour la France « l’indépendance nationale » en matière de défense ? 15) A quoi correspond la force de frappe nucléaire de la France ? 16) Qui décide de la politique de défense de la France ? 17) Qui peut décider de l’utilisation de l’arme nucléaire en France ? 18) Peut-on parler de « monarchie nucléaire » ? 19) Donnez un exemple de l’utilisation civile du nucléaire 20) Comment sait-on que le matériel atomique de dissuasion française est en bon état ?

Page 54 sur 66

Page 55: la France et la dissuasion nucléaire

III-3 : PISTE ROUGE POUR LE NIVEAU LYCEE

III-3-1 : Travail de recherche

Cette série de documents peut servir de support à un travail de recherche pour un exposé ou à la constitution d’un dossier dans le cadre des TPE (Travail Personnel Encadré) et de l’ECJS . La méthodologie de l’exposé repose sur une construction bien structurée :

Introduction avec présentation du sujet et d’une problématique Développement en 2 ou 3 parties Une conclusion en 2 parties : une synthèse des idées essentielles, en répondant à la

problématique , puis une ouverture du sujet Exemples de sujets :

La bombe nucléaire et la France (ex : TPE Histoire et Sciences physiques) L’armement nucléaire en France La politique de Défense de la France

III-3-2 : Enseignement d’Exploration

Ce thème peut aussi être étudié dans le cadre de l’Enseignement d’exploration, sous différentes formes. Il est possible, dans la thématique « Littérature et Société », d’inclure la problématique de la dissuasion nucléaire. Plusieurs domaines d’exploration peuvent servir de base d’étude comme

- L’écrivain et les grands débats de société : ex : CAMUS et l’éditorial, Combat, où, dès 1945, est mise en avant l’opposition à l’arme nucléaire (cf Doc 1)

- Paroles publiques Etude de l’Appel de Stockholm lancé par Frédéric JOLIOT-CURIE (cf Doc 2) Etude d’un texte sur la prise de position du savant EINSTEIN face au nucléaire

militaire après la seconde guerre mondiale

III-3-3 : Sujets de composition Entraînement aux concours plutôt qu’au Baccalauréat. Le thème de la France et la dissuasion nucléaire peut aussi être étudié dans le cadre de la COMPOSITION en Histoire. Exemples de sujets :

La politique de dissuasion de la France de 1960 à nos jours La politique de Défense de la France pendant la Vème République La politique extérieure du Général de Gaulle et le choix du nucléaire par la France Présentez la crise de Cuba qui a mis en avant la menace nucléaire pendant la

Guerre Froide La place du nucléaire dans le Monde

III-3-4 : Analyse de document

Page 55 sur 66

Ce thème de la dissuasion peut également servir de base à l’épreuve de l’ ANALYSE DE DOCUMENT, à l’ ETUDE DE CAS ou à l’étude d’un ensemble documentaire.

Page 56: la France et la dissuasion nucléaire

Page 56 sur 66

1er document De GAULLE fait sortir la France du commandement militaire intégré de l’OTAN « Si la France considère qu’encore aujourd’hui il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un certain nombre d’Etats, notamment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un d’eux, si la déclaration faite en commun à ce sujet, sous forme du traité de l’Alliance atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne répondent plus à ce qu’elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions nouvelles. Je dis : « les conditions nouvelles ». Il est bien clair, en effet, qu’en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays de l’Est le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était à l’époque où le protectorat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l’OTAN. Mais, en même temps que s’estompaient les alarmes, se réduisait la garantie de sécurité, autant vous le dire absolue, que donnait à l’ancien continent la possession par la seule Amérique de l’armement atomique et la certitude qu’elle l’emploierait sans restriction dans le cas d’une agression. […] Tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mondiale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde, comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France, si l’imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tels ou tels de ses ports, dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps. Au surplus, notre pays, devenant de son côté et par ses propres moyens une puissance atomique, est amené à assumer lui-même les responsabilités politiques et stratégiques très étendues que comporte cette capacité et que leur nature et leurs dimensions rendent évidemment inaliénables. Par conséquent, sans revenir sur son adhésion à l’alliance atlantique, la France va […] continuer à modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu’elles la concernent. »

Charles DE GAULLE, conférence de presse, 21 février 1966 .

CONSIGNE : Après avoir présenté le document, montrez comment le Président.De Gaulle a profondément modifié la politique de défense de la France Ou QUESTIONS 1) Présentez le document, en particulier l’auteur et le contexte historique. 2) Quelle différence faites-vous entre Alliance atlantique, OTAN et intégration militaire ? 3) Quels moyens De Gaulle utilise-t-il pour garantir la sécurité de la France ? 4) Pourquoi parle-t-il d’un « protectorat américain » organisé en Europe ? Cette expression est-

elle justifiée ? 5) Quelle est la position de la France aujourd’hui ? (La vidéo de ce discours peut être visionnée sur le site de l’INA : www.ina.fr/politique/politique-internationale/video/104329970/charles-de-gaulle-sur-la position-de-la-france-vis-a-vis de l’OTAN)

Page 57: la France et la dissuasion nucléaire

Page 57 sur 66

2ème document L’arme nucléaire tactique en France selon Valéry Giscard d’Estaing Une manœuvre visant à évaluer l’usage de l’arme nucléaire tactique se déroule en mai 1980 pour les Troupes françaises. Le thème est simple, l’Union soviétique attaque l’Occident. Ses troupes blindées se trouvent en Allemagne de l’ouest. Le Président Giscard d’Estaing rapporte ses réactions : « J'accepte la règle : nous vivons une vraie guerre. Et je pose quelques questions pour compléter mon information « Les Soviétiques ont-ils commencé leur deuxième offensive ? - Pas encore. - Vont-ils s'attaquer à la fois aux forces alliées et aux forces françaises ? - Oui. Mais les forces alliées sont hors d'état de leur opposer une résistance organisée. Seules nos forces ont encore la capacité de le faire. » J'imagine le déroulement des événements : les unités françaises tirent leurs fusées nucléaires à courte portée sur les armées soviétiques, situées en territoire ouest-allemand. Comme me l'a annoncé Helmut Schmidt, les dernières forces allemandes renoncent au combat. Demain, un tir nucléaire soviétique détruira l'ensemble de nos divisions, et les bases de notre force aérienne tactique, en Alsace et dans l'Est. Simultanément, le commandement soviétique nous menacera de représailles sévères, en cas de nouveau tir nucléaire. Et dans cette situation de semi-anéantissement de nos forces, avant même l'invasion de notre territoire, la décision de déclencher le tir stratégique, et de provoquer la « destruction mutuelle assurée », apparaîtra comme le dernier geste d'un irresponsable. Je communique ma réponse « Dans les circonstances actuelles, je ne donne pas l'autorisation de tir. Quand les forces soviétiques auront repris l'offensive, et qu'elles seront au contact de nos unités, vous me poserez à nouveau la question... » Quelques heures plus tard, il réunit à nouveau l’État major dirigé par le Général Méry. L’officier commandant l’opération ne lui demande plus l’autorisation de l’usage du feu nucléaire : « Ainsi, on ne me demande plus rien ! La démonstration n'est pas complète, puisque la bataille n'est pas encore achevée. Mais au fur et à mesure que nous nous rapprochons de notre frontière, nous sortons du domaine de « l'ultime avertissement » pour entrer dans celui de la dissuasion stratégique. Car un tir limité de notre part entraînerait aussitôt des représailles directes sur notre sol. Il ne resterait plus qu'à choisir entre le drapeau blanc et la « destruction mutuelle assurée ». Il vaut mieux garder ce qui reste de cartes dans notre main. (Et puis, concernant la destruction mutuelle assurée, quoi qu'il arrive - et j'écris cela entre parenthèses pour souligner que cette décision a toujours été enfouie au fond de moi -, quoi qu'il arrive je ne prendrai jamais l'initiative d'un geste qui conduirait à l'anéantissement de la France. Si sa destruction était entamée par l'adversaire, je prendrais aussitôt la décision nécessaire pour la venger. Mais autrement, je veux laisser à son paysage, à ses maisons, à ses arbres, à l'eau de ses étangs et de ses fleuves, à la fidélité à leurs convictions alors cachées de ses habitants, l'ultime chance de faire revivre un jour une culture française...) » Peu de temps après, le principe de l’arme nucéaire tactique est abandonné.

1 et 2 : Valéry Giscard d’Estaing, Le Pouvoir et la vie Cie Douze, tome 2, 1991 , p. 203-211.

Page 58: la France et la dissuasion nucléaire

Page 58 sur 66

CONSIGNE : Après avoir présenté le document,expliquez la lourde responsabilité qui pèse sur le Président de la République en matière de Défense, en France. Ce problème reste-t-il d’actualité ? Ou QUESTIONS: 1) Présentez le document , en particulier l’auteur et le contexte historique. 2) Précisez quelle est la responsabilité qui pèse sur le Président de la République. Quelle est la problématique posée ? 3) Présentez un exemple de crise célèbre de la guerre froide , dans les années soixante , où cette problématique s’est posée ? Expliquez le choix des chefs d’état concernés par cette crise 4) Ce problème reste-il d’actualité ?

Page 59: la France et la dissuasion nucléaire

III-3-5 : Etude de cas ou étude d’un ensemble documentaire sur l’armement nucléaire Les effets d'une bombe H d'une mégatonne, Simultanément à un éclair de lumière éblouissant, l'explosion produit des températures de l'ordre de 10 millions de °C, aussi élevées qu'au centre du soleil. La chaleur se propage à la vitesse fulgurante de 300 000 Km/s et vaporise presque toutes les matières jusqu'à 5 Km du point zéro, tandis que de nombreux matériaux prennent feu spontanément dans un rayon de 13 Km, Toutes les personnes surprises en plein air sont sévèrement brûlées jusqu'à 18 Km, L'énergie de la bombe se transforme en une onde de choc se déplaçant à la vitesse du son, aux effets destructeurs considérables : l'effet de souffle détruit la quasi-totalité des constructions dans un rayon de Km. les dégats causés par l'onde de choc sont aggravés par des vents violents, atteignant une vitesse de 1 100 Km/h et déclenchés par le très fort appel d'air qui se produit au pied du champignon atomique. Pendant les mois qui suivent l'explosion, les retombées des éléments radioactifs déclenchent des cancers et de graves atteintes aux os, aux voies respiratoires et à d'autres organes vitaux tels le foie, les reins...

Autrement n°5 novembre 1983

Démantèlement de missiles soviétiques en application des accords de Washington (1987)

Page 59 sur 66

Page 60: la France et la dissuasion nucléaire

Les effets des accords START 1 et 2

Page 60 sur 66

Page 61: la France et la dissuasion nucléaire

Page 61 sur 66

Page 62: la France et la dissuasion nucléaire

Page 62 sur 66

Page 63: la France et la dissuasion nucléaire

Page 63 sur 66

Une nouvelle arme terrifiante, la « bombe sale » L’ex-URSS a fabriqué quelque 1 000 générateurs radioélectriques, contenant du Strontium 90 ou du Plutonium 238 radioactifs pour fournir du courant aux phares et aux équipements de communications dans des lieux éloignés, de l’Arctique à la Mer Noire. Beaucoup sont maintenant à l’abandon et sans surveillance. Aussi terribles que les attaques terroristes sur New York puissent apparaître [… ), il y a un scénario qui hante …davantage les experts en sécurité et les politiques : le spectre de terroristes dispersant des particules radioactives, en utilisant une « bombe sale ». Une « bombe sale » est une arme primitive – un explosif conventionnel attaché à un petit conteneur de plutonium ou d’uranium n’ayant pas besoin d’être raffiné jusqu’à la qualité d’une arme nucléaire. Lorsqu’elle explose, des radiations très puissantes sont dispersées sur une assez petite surface […]. L’essentiel des immeubles resteraient sur pied, mais la zone contaminée deviendrait inhabitable pour des décennies. La plupart des gens exposés aux radiations finiraient par mourir d’un cancer. Le coût économique serait incalculable. Ce qui rend si effrayant l’usage potentiel de strontium ou de plutonium radioactifs dans une telle bombe, c’est que le nettoyage post-désastre est actuellement impossible. Les effets subséquents hanteraient plusieurs générations […] . Pour l’heure, il n’y a aucune indication qu’un groupe terroriste ait essayé d’obtenir des générateurs radioélectriques hors service dans l’ancien territoire soviétique. Mais les indices découverts dans les redoutes d’Al Quaïda en Afghanistan montrent que les terroristes, au moins théoriquement, ont envisagé l’option d’essayer la construction d’une « bombe sale ».

D’après Jeremy Bransten. « Danger of dirty bombs Exocerbated by old soviet générators. Radio Free Europe, 2 mars 2002

QUESTIONS : 1) Quels sont les quatre effets d’une bombe atomique ? Qu’ont-ils de terrifiant ? 2) Qu’est-ce que la course aux armements ? 3) Quels sont les effets du Traité de Washington ? Comment évolue le stock des ogives nucléaires aux États-Unis et en URSS - aujourd’hui Russie- depuis 1993 ? 4) Quelles sont les puissances nucléaires dites traditionnelles ? Quelles sont les conséquences de la disparition de l’URSS ? 5) Pourquoi l’apparition de nouvelles puissances nucléaires constitue-t-elle un danger ? Pourquoi les « bombes sales » sont-elles aussi terrifiantes que les bombes nucléaires « classiques » ? RÉDIGER UNE RÉPONSE ORGANISÉE, à l’aide des réponses aux questions, des informations contenues dans les documents et de vos connaissances personnelles : Présenter les évolutions de la course aux armements et les nouveaux dangers nucléaires au début du XXIe siècle.

Page 64: la France et la dissuasion nucléaire

III-4 : PISTE NOIRE POUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

III-4-1: Travail de recherche Le thème de la France et la dissuasion nucléaire peut être présenté pour un travail de recherche sous forme d’exposé ou de dossier au niveau de l’Enseignement supérieur. Cette thématique peut correspondre à la fois à une étude sur le plan historique, sur le plan scientifique ou en géopolitique. Ce sujet peut être proposé dans plusieurs types d’enseignement, tout particulièrement en:

Université d’ Histoire (Histoire Contemporaine) I.E.P. : Institut d’Etudes Politiques Faculté de Sciences (Physique) Ecoles d’ingénieurs (Physique nucléaire ou Histoire des Sciences) Autres établissements scolaires

III-4-2: Dissertation Les étudiants peuvent réaliser une dissertation ou un plan détaillé sur des thèmes qui incluent l’étude de la dissuasion nucléaire. Exemples de sujets : Au niveau de la France

La politique extérieure de la France sous la Vème République La politique de dissuasion de la France de 1960 à nos jours De Gaulle et la politique d’indépendance de la France Le choix du nucléaire par la France Continuité et inflexion de la politique de dissuasion nucléaire de la France par les

successeurs de De Gaulle L’arme nucléaire tactique en France La Dissuasion nucléaire : quel rôle dans la défense de la France aujourd’hui ? Le nucléaire civil et le nucléaire militaire en France

Au niveau international

Comment la Bombe nucléaire est-elle passée du stade d’arme destructrice à celui d’outil politique convoité ?

Le poids de la France dans les relations internationales durant la Guerre Froide La France : membre du groupe des grandes puissances nucléaires dans le monde La place de la France dans le Nouvel Ordre Mondial Le nucléaire et le terrorisme La dissuasion nucléaire face au terrorisme international Le Traité de Non Prolifération : le TNP La dissuasion nucléaire depuis la fin de la Guerre Froide La gestion des ressources liées à l’armement nucléaire sur le plan mondial Comment lutter contre la prolifération nucléaire sur le plan international ? Comment maintenir la credibilité de la dissuasion, pour la France ?

Page 64 sur 66

Page 65: la France et la dissuasion nucléaire

Page 65 sur 66

III-4-3 : Visites d’entreprises Il est possible d’organiser des visites d’entreprises locales,sur cette thématique. L’Aquitaine constitue un bon exemple, car c’est une région industrielle importante, avec des pôles de compétitivité. Il est également envisageable de créer des partenariats entre établissements scolaires et entreprises pour les lycéens, les étudiants ou les stagiaires. De nombreuses entreprises sont concernées par ce thème. Plusieurs exemples de sociétés,de notorioté internationale, peuvent être cités:

Le Centre d’études du CESTA au Barp ( Laser Megajoule) EADS à Bordeaux Mérignac (pour la fabrication des Missiles) DGA à Bordeaux : Direction Générale de l’Armement DASSAULT à Bordeaux Mérignac pour l’industrie aéronautique ( construction du

Rafale et Mirage 2OOO) THALES à Pessac et à Bordeaux Haillan (pour l’équipement des Missiles) SEP à Bordeaux Haillan : Société d’Etudes de la Propulsion Les sociétés SSII : sociétés de services informatiques qui fabriquent les logiciels Les sociétés de sous-traitance qui fabriquent les supports de l’équipement du

nucléaire

L’économie de l’Aquitaine est donc directement concernée par cette activité industrielle. Tout particulièrement, la région de Bordeaux concentre des entreprises de haute technologie, aux activités à la fois complexes et diversifiées. L’Aéroparc de Bordeaux, à l’ouest de la métropole bordelaise, rassemble de grandes entreprises de l’aéronautique et de la défense, des centres de recherche, dans le cadre du pôle de compétitivité Aerospace Valley. Cet espace productif constitue une des composantes économiques importantes du territoire français.

Page 66: la France et la dissuasion nucléaire

IV : BIBLIOGRAPHIE ET SITES INTERNET

Quelques pistes proposées en bibliographie :

TERTRAIS Bruno, « Atlas mondial du nucléaire, civil et militaire » (cartographie : NICOLAS Alexandre),Editions Autrement, Paris, 2011

VAISSE Maurice, « La Puissance ou l’influence ? la France dans le monde après 1958 », Fayard, 2009

Le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, 2008 TERTRAIS Bruno, « L’arme nucléaire », PUF, 2008 BONIFACE Pascal et COURMONT Barthelemy, « Le Monde Nucléaire », Colin, 2006 Dossier « Enseigner la Défense », Ed. Revue Historiens et Géographes, No 390, avril

2005, coordination Bernard Phan MATHIEU Jean-luc, « La Défense nationale », PUF, coll. « Que sais-je ? », 2003 VAISSE Maurice, « Dictionnaire des Relations Internationales au XXe siècle », Colin,

Paris, 2000 BEAUFRE André, « Introduction à la stratégie », Hachette, Pluriel, Paris, 1998 DUVAL Marcel et MONGIN Dominique, « Histoire des forces nucléaires françaises de

1945 à nos jours », PUF, 1993 Quelques sites internet à consulter :

site du Rectorat de Bordeaux : www.ac-bordeaux.fr site Histoire-Géographie Académie de Bordeaux : http://disciplines.ac-fr/histoire-geo site du Trinôme académique de Bordeaux : http://disciplines.ac-bordeaux.fr/trinome Education et citoyenneté : http://eduscol.education.fr/D0090/CITOYACC.htm Education à la Défense : http://eduscol.education.fr/D0235/accueil.htm site CRDP d’Aquitaine : http://crdp.ac-bordeaux.fr site APHG : www.aphg.fr site INA : www.ina.fr site DGA : www.dga.def site Eduscol : www.education.gouv.fr site de la Documentation française : www.ladocumentationfrançaise.fr Site Ministère de la Défense : www.defense.gouv.fr site Ministère des Affaires étrangères : www.diplomatie.gouv.fr loi de programmation militaire : www.defense.gouv.fr/actualités/dossier service d’information et de communication des Armées : www.defense.gouv.fr/sirpa site IHEDN : www.ihedn.fr site du Commissariat à l’énergie atomique : www.cea.fr site OTAN : www.nato.int/home-fr site ONU : www.un.org/french Charte de l’ONU : www.un.org/french/aboutun/chartre

Page 66 sur 66