LA FMINIT ENTRE PSYCHANALYSE ET...

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LA FÉMINITÉ ENTRE PSYCHANALYSE ET FÉMINISME 1 Louise Grenier «Je voudrais une indication pour me perdre». ( Duras, Le vice- consul ) Féminisme et psychanalyse: un malentendu? Peut-on être psychanalyste et féministe? Depuis longtemps, la féminité est objet de discours entre divers théoriciens. Psychanalystes et féministes ont cartographié le corps de la femme et défini les conditions de sa réalisation sexuelle. Celle-ci résistant à toute objectivation, n'en continue pas moins de se dérober. Parfois, comme «la mendiante de Calcutta » (Duras) 1 , la fille demande une indication pour se perdre. Elle veut être chassée de la mère pour aller vers sa propre vérité. Entre féminisme et psychanalyse, elle erre -encore? - aux confins du désir et de la jouissance. Ces deux mouvements ont marqué le vingtième siècle. Des femmes, surtout en Occident, ont su tirer parti du pouvoir extrêmement dynamique de chacun d'eux pour se libérer du carcan de la destinée dite féminine. Les relations entre les sexes et les générations en sortirent transformées. Je ne peux citer ici tous les travaux portant sur les apports respectifs et réciproques de la psychanalyse et du féminisme, c'est pourquoi, je me contenterai de témoigner de leur influence sur mes recherches clinique et théorique. Sans verser dans l'autobiographie, je porterai un regard rétrospectif sur mon itinéraire personnel et intellectuel en autant qu'il reflète, jusqu'à un certain point, celui de mes contemporaines. Ainsi, mon propre parcours balisera ma réflexion. Entre les théories féministes et psychanalytiques, entre le statut inconscient de la femme et ses représentations culturelles, une dialectique reste ouverte, et dont je ferai état. 1 Ce texte a été publié dans Résonances, Montréal, Liber, 1998, pp. 167-198.

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LA FÉMINITÉ ENTRE PSYCHANALYSE ET FÉMINISME1

Louise Grenier

«Je voudrais une indication pour me perdre». ( Duras, Le vice-consul )

Féminisme et psychanalyse: un malentendu?

Peut-on être psychanalyste et féministe? Depuis longtemps, la féminité est objet de discours

entre divers théoriciens. Psychanalystes et féministes ont cartographié le corps de la femme et

défini les conditions de sa réalisation sexuelle. Celle-ci résistant à toute objectivation, n'en

continue pas moins de se dérober. Parfois, comme «la mendiante de Calcutta » (Duras)1, la

fille demande une indication pour se perdre. Elle veut être chassée de la mère pour aller vers

sa propre vérité. Entre féminisme et psychanalyse, elle erre -encore? - aux confins du désir et

de la jouissance.

Ces deux mouvements ont marqué le vingtième siècle. Des femmes, surtout en

Occident, ont su tirer parti du pouvoir extrêmement dynamique de chacun d'eux pour se

libérer du carcan de la destinée dite féminine. Les relations entre les sexes et les générations

en sortirent transformées. Je ne peux citer ici tous les travaux portant sur les apports respectifs

et réciproques de la psychanalyse et du féminisme, c'est pourquoi, je me contenterai de

témoigner de leur influence sur mes recherches clinique et théorique. Sans verser dans

l'autobiographie, je porterai un regard rétrospectif sur mon itinéraire personnel et intellectuel

en autant qu'il reflète, jusqu'à un certain point, celui de mes contemporaines. Ainsi, mon

propre parcours balisera ma réflexion.

Entre les théories féministes et psychanalytiques, entre le statut inconscient de la

femme et ses représentations culturelles, une dialectique reste ouverte, et dont je ferai état.

1 Ce texte a été publié dans Résonances, Montréal, Liber, 1998, pp. 167-198.

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Élevée au statut de phallus, limitée à sa fonction reproductrice ou mise en position d'objet

partiel au service de l'homme, la femme ne cesse d'incarner un féminin transcendant aux deux

sexes. Dans l'inconscient, elle est la matière première de fantasmes sexuels et/ou meurtriers.

Idéalisée ou rabaissée dans les productions culturelles et oniriques, elle attire et repousse

comme tout ce qui concerne le sexuel pour le Moi2.

En formulant un modèle de développement psychosexuel féminin basé sur le fantasme

originaire de castration, Freud prescrivait une trajectoire qui allait de la petite fille - ou du «

garçon manqué » - à la mère, en passant par l'envie du pénis. Ainsi, il escamotait la femme

dans sa dimension de sujet désirant. C'est ce que lui reprochera Luce Irigaray3, bien après le

rejet par Mélanie Klein4 et Ernest Jones5 d'une masculinité primaire chez la fille. En

philosophie, Simone de Beauvoir6 avait déjà critiqué cette équation freudienne de la

féminité/castration.

La féminité « comme vouloir et comme représentation »

Je lus Freud et Simone de Beauvoir vers la fin de l'adolescence. Quoique appartenant à des

champs épistémologiques hétérogènes, tous deux m'aidèrent à m'affranchir des idées reçues

sur la féminité. Le premier en dévoilant les racines inconscientes des phénomènes

d'aliénation; la seconde, en les rattachant aux conditions socioculturelles et historiques. Ils me

procurèrent les outils intellectuels pour repenser - et m'en démarquer - une vocation féminine

calquée sur les images de la mère.

Je m'intéressai d'abord au problème de la subjectivation féminine. Alors que Beauvoir

dans Le deuxième sexe relativisait le concept de féminité et en posait magistralement les

enjeux historique et symbolique, Freud, dès les Études sur l'Hystérie7analysait -Juliet

Mitchell le soulignera dans Psychanalyse et féminisme8- les mécanismes occultes du

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patriarcat pour le contrôle de la sexualité féminine. Je pensai que ces deux discours n'étaient

pas exclusifs l'un de l'autre; au contraire, ils se complétaient et s'enrichissaient mutuellement.

Aussi, les critiques de Beauvoir à l'égard des conceptions de Freud, loin de m'en détourner,

stimulèrent mon intérêt.

Des Etudes cliniques, j'avais retenu l'idée que l'association libre donne la parole aux

femmes hors du discours convenu sur la féminité. Sur le divan, elles avouaient leurs désirs

secrets, leurs rêves déçus à un Freud médusé par la richesse de l'imaginaire féminin. Il n'était

pas féministe, loin de là, pourtant, il tendait là aux femmes une clé pour se séparer des mères.

Le deuxième sexe m'enseigna que la liberté commence par la reconnaissance des faits

intérieurs et extérieurs, aussi déplaisants soient-ils. Dans cet essai considéré comme le

bréviaire des féministes, Beauvoir situait la revendication des femmes d'une identité et d'une

vie personnelle pleine sur un plan existentiel. Elle les invitait à prendre conscience de leur

condition « aliénée » et à s'affirmer comme être humain à part entière dans la réalisation d'un

projet singulier. Autrement dit, elle refusait la détermination par le sexe sur quoi était fondé le

destin féminin. Le refus de prendre en compte le déterminisme des représentations

inconscientes de la différence des sexes explique, sans doute, le peu d'impact qu'elle eut sur la

psychanalyse, même féministe. Son influence fut certes capitale mais joua surtout au niveau

socio-politique.

Une précision s'impose ici. Quand j'étudiai l'histoire des débats concernant la féminité

en psychanalyse, je me rendis compte de leur complexité et de leurs diversités. En marge d'un

féminisme idéologique qui considère la psychanalyse comme une émanation du patriarcat,

existe un courant qui lui est favorable. Par son analyse des sources inconscientes du rapport à

la féminité, la psychanalyse apparaît comme un atout dans la découverte et l'actualisation du

sujet. À l'intérieur même du monde psychanalytique, un militantisme radical côtoie le rejet du

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féminisme. Entre ces deux extrêmes, les théories psychanalytique et féministe se rencontrent,

se superposent parfois, divergent souvent. Une histoire reste à faire de cette articulation qui,

de Karen Horney à Jessica Benjamin en passant par Ernest Jones et Luce Irigaray, ont jalonné

le siècle.

Est-ce ainsi que les femmes vivent ?

Adolescente, on m'avait dit que la psychanalyse était une méthode extraordinaire pour accéder

à l'inconnu en soi. L'idée me séduisit immédiatement et fit son chemin. Plus tard, dans les

années 70, je commençai une analyse peu orthodoxe avec Henri Collomb, au Sénégal. J'avais

rejoint son équipe de recherches ethno-psychiatriques, laquelle voulait concilier le paradigme

psychanalytique avec les modes d'interprétations mythiques de la folie. Cette expérience

m'apprit à entendre l'Autre selon son cadre socio-symbolique, religieux et culturel.

À l'hôpital psychiatrique de Fann à Dakar, des femmes prenaient la parole pour crier

leur détresse dans un monde où elles étaient souvent utilisées comme objets d'échange entre

hommes. J'y ai vu des jeunes filles rendues folles pour avoir été sacrifiées à un vieillard

polygame. Des femmes usées prématurément par des maternités successives s'effaçant

derrière l'époux ou le fils. Et d'autres, au contraire, fortes, vibrantes, actives, assurant la survie

du groupe familial.

J'assistai aux Pinchs -séances de groupe- dans les jardins de l'hôpital, répliques de la

palabre sous le manguier dans les villages. Des femmes, des hommes, des visiteurs discutaient

librement autour d'un diraf -animateur. Un jour, une adolescente se leva brusquement, dansa

au milieu du groupe et dit: « Les hommes ont un sexe mais moi aussi, j'ai un sexe ». À cet

instant, je me rappelai la théorie sexuelle infantile, suivant laquelle la petite fille, en regard du

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sexe masculin, se voit comme castrée. Freud, aurait-il entendu chez cette fille un déni de son

manque ou l'affirmation de son droit à exister et à désirer, me demandai-je?

À la même époque, je lus Les mots pour le dire de Marie Cardinal9. Je réalisai qu'une

certaine littérature pose la question du féminin d'une façon originale, souvent inédite,

exhibant à ciel ouvert ce que la psychanalyse et le féminisme tentent de conceptualiser. Dans

ce roman extraordinaire qui raconte la naissance psychologique d'une femme, je pus lire en

filigrane mon histoire. Au-delà du sort commun, l'auteure démontre qu'une femme a une

histoire singulière à assumer. S'il y a bien une part de conditionnements - biologiques,

culturels, religieux - partagés par toutes les femmes, la connaissance de ces derniers ne peut

se substituer à une analyse personnelle. Il fallait fournir au plus grand nombre possible des

moyens et des lieux pour prendre la parole et interroger leur rapport spécifique à la féminité.

Pour moi, le divan fut un de ces lieux.

Je sortais d'une adolescence entravée par les codes de la féminité en vigueur dans les

années 60 au Québec. Un de mes livres de chevet à cette époque s'intitulait Pureté, mon beau

souci! Élevée pour seconder l'homme, une fille devait apprendre à être bonne épouse et bonne

mère - « la reine du foyer »! C'était dans l'ordre des choses qui était l'ordre divin.

Les femmes de ma famille acceptaient pleinement ces modèles en échange d'une

idéalisation de leur fonction maternelle. Elles prônaient pour leurs filles les valeurs sexistes -

et chrétiennes- au nom desquelles elles-mêmes réprimaient leurs désirs. D'ailleurs, quels

désirs? On leur avait appris à les ignorer pour répondre aux besoins des autres. Rejetant les

stéréotypes de la féminité, je fis appel aux livres pour trouver des lieux et des personnages

d'où je pourrais naître. Mais quand vint le temps de choisir une profession, j'optai pour la «

vocation » d'infirmière! C'est à ce titre que j'enseignai les techniques infirmières

psychiatriques au CEGEP.

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À mon retour d'Afrique, je fis des études en psychologie à l'Université du Québec à

Montréal. Parallèlement, je suivis une formation en psychanalyse: lectures, séminaires,

conférences, supervisions, analyse personnelle conforme aux critères institutionnels.

Dans les années 80, je participai à des séminaires lacaniens animés par François

Péraldi. Professeur de sémiologie à l'université de Montréal et clinicien, celui-ci se consacrait

également à la transmission de la psychanalyse. Refusant tout dogmatisme, il commentait

l’œuvre de Lacan et ses applications cliniques. Nous réfléchissions avec lui à des thèmes tels

que la mort, la perversion et l'éthique en psychanalyse. Il nous soutenait et nous reconnaissait

dans notre désir d'exercer la fonction d'analyste.

C'était un auditoire, composé à 85% de femmes issues d'horizons divers: psychologie,

philosophie, sociologie, littérature, etc... Nous y trouvions un lieu d'échanges en marge de

l'institution officielle. À l'invitation de Péraldi, j'y fis quelques présentations sur divers

aspects de la sexualité féminine. Ce fut pour moi l'occasion de poser les thèmes de mon

Mémoire de maîtrise en psychologie et de mes recherches ultérieures.

Je présentai un premier texte sur la jouissance féminine dans ses rapports avec le

masochisme et le mysticisme. Pour accéder à l'inentendu de la féminité, ne devait-on pas

accepter d'avance l'inattendu dans le discours des femmes en analyse et dans certaines

expériences des limites? J'analysai trois modalités du rapport des femmes à la jouissance, en

tant que celle-ci ne se prend pas au phallus mais déborde le plaisir génital: le masochisme, la

folie et le mysticisme. Je m'inspirai des oeuvres et des expériences de Bataille, de Sainte

Thérèse d'Avila et de Duras pour illustrer cet excès propre à la jouissance féminine.

Dans le cadre du séminaire sur la mort, je fis une relecture du mythe oedipien. Deux

images de la mère se détachaient de ce récit tragique: Jocaste, la mère naturelle, Polybe, la

mère adoptive. OEdipe est exposé à la mort dès sa naissance, puis sauvé et élevé par la

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seconde. Quand il revient sur le sol natal, c'est à son insu qu'il couche avec la première. Ainsi,

OEdipe commet-il l'inceste avec la femme en tant qu'Autre qui l'enfanta, l'inconnue, non avec

l'autre maternel, la familière. Son crime évoquerait l'horreur à cause de ce retour aux origines

où il jouit dans (de) l'Autre originaire.

Mon dernier exposé chez Péraldi porta sur Médée, la mère meurtrière. La mère, mais

aussi la femme blessée qui tue ses enfants pour se venger de l'époux (Jason) qui lui a préféré

une maîtresse plus jeune. Médée est une sorcière qui égorge le produit de ses amours par

désespoir et haine. Qu'on est loin de la femme masochiste! Loin de l'« être castré »! Voilà

plutôt l'image de la déesse terrible, puissance déchaînée qui précède le pouvoir paternel.

Freud associa castration et féminité; ceci me laissa sceptique. L'importance du

fantasme de l'envie du pénis comme ressort du devenir-femme me rappelait la conception

hiérarchisée de la différence des sexes qui avait modulé mon enfance et mon adolescence.

J'estimais que Freud justifiait, via la théorie, la dévalorisation de la féminité. Il y avait là,

croyais-je, une vision « sexiste » à laquelle je ne pouvais souscrire mais, simultanément, je

me défiais de mes résistances. Est-ce que je ne reculais pas devant certaines conséquences «

déplaisantes », mais peut-être véridiques, de mon appartenance au sexe féminin? Mon doute

correspondait-il à un refus de la vérité?

Ainsi, décidai-je, en accord avec ma directrice de Mémoire, madame Mireille

Lafortune, d'effectuer une recherche sur la problématique phallique de la sexualité féminine

en psychanalyse10. Je voulais analyser l'évolution de la pensée psychanalytique sur cette

question controversée à partir de cinq axes principaux: freudien, culturaliste, kleinienne,

lacanien et féministe. La confrontation psychanalyse/féminisme devait être féconde. Je me

centrai sur le complexe de castration féminin dans ses rapports avec le fantasme oedipien et

l'avènement du sujet désirant.

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Mireille Lafortune me laissa toute la liberté dont j'avais besoin pour travailler. Elle-

même animait des séminaires offrant aux participants un cadre privilégié pour « penser » et

s'exprimer. Lors de nos échanges informels, elle entendait mes questions au-delà d'un schème

purement conceptuel en les articulant à ma subjectivité. Refusant d'occuper la place du maître

à penser, elle ouvrait des avenues, émettait des hypothèses, reflétait le matériel que je lui

apportais. En recherche, elle préconisait une approche qualitative. Cela me convenait tout à

fait11.

Participer à la « révolution tranquille » de la place des femmes dans les champs du

savoir m'exaltait. Mais, je jugeai excessive, la virulence des critiques féministes à l'endroit de

Freud. L'attaque visait principalement ses thèses « misogynes » sur l'envie du pénis et la

faiblesse du Surmoi féminin. On accusait le Père de la psychanalyse de cautionner

l'infériorisation des femmes au nom d'une fatalité biologique. En faisant de l'envie du pénis, le

paradigme explicatif et le ressort dynamique de l'accès à la féminité, Freud la réduisait à un

colmatage narcissique, via la maternité, d'un traumatisme génital.

Effectivement, Freud avait construit une théorie « peu réjouissante » de la sexualité

féminine qui donnait, selon lui, son caractère particulier à la femme. Essentiellement

narcissique et masochiste, celle-ci vivrait sous le régime de l'envie et du ressentiment. D'où,

son désir d'enfant, mâle de préférence, pour pallier un manque phallique. En ce sens,

l'homme ne serait pour elle qu'une extension de l'appendice phallique « tant convoité ».

Je remarquai qu'on condamnait les vues de Freud sur la sexualité féminine en raison

d'un vocabulaire parfois méprisant pour les femmes. On retenait des éléments de discours

sans tenir compte de l'ensemble du propos, ni de l'évolution des idées psychanalytiques après

Freud. La violence du discours féministe ressemblait fort à une réaction défensive face à un

savoir qui ne pouvait être que dérangeant puisque surgi de l'Inconscient.

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Certains psychanalystes firent écho à cette violence en rejetant en bloc les critiques

des « féministes enragées » à qui ils imputaient un complexe de masculinité résistant à toute

analyse. Argument facile pour faire taire la dissidence! Il me semblait que les psychanalystes,

à vouloir protéger le père fondateur de toute critique, surtout celles des femmes, répétait

l'opération de censure de la parole féminine.

L'opposition venant d'analystes tels Karen Horney, Mélanie Klein et Ernest Jones

rencontra de puissantes résistances chez certains des disciples les plus proches de Freud: sa

fille Anna Freud, selon Sayers12, soutint son père sans réserve et devint son porte-parole;

Abraham13 renforça l'importance du complexe de castration féminin en montrant ses effets

inconscients dans la relation mère-fils; Hélène Deutsch14 associa le masochisme féminin à

une jouissance spécifiquement féminine; Lou Andréas-Salomé15, dans ses études sur le sexuel

et l'analité émit l'idée, fort appréciée de Freud, que le vagin n'est que le locataire de l'anus.

Autour de la féminité, des fils discursifs ne cessent de s'enrouler autour d'une absence:

absence de symbolisation du féminin, absence de sujet féminin?

Freud: « que veut la femme »?

On ne pourra comprendre l'enjeu de ce débat historique sans résumer la pensée de Freud sur

la sexualité féminine, telle que formulée à partir des années 20 et à laquelle il n'a pas dérogé

ensuite16. Il postule l'identité des premiers stades du développement psycho-sexuel des deux

sexes. L'objet sexuel est la mère, et le clitoris est un organe phallique. La vue du pénis du

garçon confronte la fille non pas à la différence des sexes mais à une absence de sexe. Elle

passerait immédiatement de la constatation à l'envie, expliquant son manque de pénis, soit par

un préjudice à elle seule imposée, soit par un châtiment pour ses activités masturbatoires.

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« La conviction de Freud est que la fille (et donc la femme) est, et reste au fond, un

être préœdipien »17 soulève encore aujourd’hui bien des polémiques. L'envie du pénis,

corollaire de l'amour pour la mère, persisterait même quand la féminité paraît la mieux établie

et, dit-t-il, l'amour du partenaire sexuel ne ferait souvent qu'actualiser le lien primaire à ce

premier objet.

Dès lors, le problème de Freud sera de rendre compte des motifs de renoncement à la

mère, puis au père. La fille abandonnerait ses plaisirs dits « virils » et refoulerait son

identification au père (rival) via la haine de la mère « châtrée », celle-ci étant inconsciemment

blâmée de ne pas lui avoir donné un pénis. Ce facteur spécifique deviendra le pivot du

devenir-femme. Blessure irréparable, cause du sentiment d'infériorité, de honte, de

ressentiment face à cette «injustice» et qui expliquerait la vanité corporelle compensatoire des

femmes et leur maigre contribution aux oeuvres culturelles.

Le père n'aura été aimé qu'en tant qu'appendice du pénis et éventuel dispensateur

d'enfant. Havre incertain, la fille, aura tendance à s'y fixer, d'autant plus que contrairement au

garçon, aucune menace de castration ne vient sanctionner ce lien, sauf peut-être, de perdre

l'amour de l'objet oedipien. Ce retard de la résolution oedipienne compromettrait la formation

du Surmoi lequel ne pourra avoir l'indépendance et la puissance nécessaire à la sublimation.

Faute d'un Surmoi oedipien personnel, la fille resterait fixée à son idéal narcissique

masculin. Conception fondamentale chez Freud: les pulsions phalliques qui n'ont pas

succombé au refoulement sont sublimées dans la maternité. En tant que pôle psychique,

appartenant aux deux sexes, le féminin est défini selon des modes narcissique et masochiste

de rapport à l'objet d'amour.

Freud servit la cause de l'émancipation féminine en émettant l'idée que l'être humain,

homme ou femme, ne peut être déterminé par son seul instinct sexuel. En soulignant la

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préséance du désir -de la réalité psychique- sur la réalité anatomique. Ce sont les

représentations que chacun a du sexuel, de son sexe qui prévalent dans le choix d'objet

amoureux et dans l'avènement de son identité. Tout en déniant à l'anatomie son pouvoir

contraignant, il y ramènera la femme. Alors qu'il dissociait le biologique du psychique pour

montrer l'autonomie du second par rapport au premier, il fera coïncider l'épanouissement

féminin avec la fonction reproductrice. Comme si, à la femme, était refusée le pouvoir de

s'abstraire de sa condition naturelle pour la transcender.

Pour l'Inconscient des deux sexes, la femme ne serait qu' « un mâle mutilé » (Aristote).

On y retrouverait la dialectique phallique du « tout ou rien » propre à l'imaginaire infantile.

Rien de surprenant dans cette assimilation du sexe féminin à la castration! Les mythes -

pensons à la tête de Méduse, symbole de la mère châtrée, châtrante- nous y avaient préparés.

Non, ce qui étonne ici, c'est que Freud considère comme un fait incontournable la « native

infériorité sexuelle » de la fille. Il ne se démarque plus ici des théories sexuelles du petit

garçon.

Bien avant qu'il ne mette l'accent sur le primat du phallus pour les deux sexes, il avait

« vu » chez ses analysantes hystériques (Dora, Élisabeth, Emmy) d'intenses désirs érotiques

en souffrance. Il avait également reconnu que « la femme est fière de ses organes génitaux

»18. Qu'est-il arrivé pour qu'entre les premières études cliniques et ses articles sur « La

sexualité féminine »19 et « La féminité »20, il opère un tel virage théorique? Pour que d'une

femme amoureuse, désirante, il fasse une femme envieuse et blessée. Pour que de l'image

d'une femme dynamique et curieuse, passionnée et ouverte sur le monde, il passe à celle d'une

femme figée pour l'éternité dans son refus de la féminité, incapable de créer et uniquement

vouée à reproduire des mâles? Certes, il admit, un peu mollement, l'influence des facteurs

socioculturels sur la personnalité féminine mais en conservant au premier plan la découverte

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traumatique du manque de pénis et ses conséquences psychiques. C'est comme si, après avoir

reçu la révélation de puissants émois libidinaux chez la femme, il avait renoncé à ce savoir et

préféré y substituer, un besoin de réparation narcissique qui motivait tout le devenir-femme.

Ainsi, il avait retenu un mobile unique de développement libidinal qui ne pouvait qu'être

suspect aux penseurs féministes.

Par ailleurs, en témoignant de la parenté entre les discours socioculturels sur le sexe

féminin et les contenus inconscients de ses patients, Freud confirmait le point de vue

féministe. Tous deux émaneraient d'un phallicisme toujours agissant. L'inconscient

metaphoriserait en sa langue propre la structuration socio-symbolique binaire de la différence

sexuelle. Et dans ce système, le féminin incarne le manque, l'en-moins, l'absence. Objet

d'exclusion, la féminité serait, pour paraphraser Kundera, l'altérité insoutenable de l'être.

La présence d'une féminité symbolique riche et variée, existe bien chez Freud, mais

dans ses oeuvres cliniques du début, note Jacques André21. Ce sont par exemple, les symboles

de la boîte à bijoux, des incendies allumées par le désir dans les rêves de Dora, le sac à main

qu'une patiente fouille à son insu, etc... gestes et figures qui signalent l'existence d'un

imaginaire spécifiquement féminin.

André remarque que la réduction de la féminité en un « en-moins » phallique est

contemporaine de l'élaboration de la pulsion de mort. Peut-il y avoir un lien entre le rejet du

féminin, expliquant l'éternisation de certaines analyses, et la pulsion de mort, se demande-t-il?

Ou faudrait-il y voir le refoulement, voire la censure, de la féminité primaire associée au

souvenir traumatique de séductions précoces par l'adulte sur l'enfant débordé par un excès

d'excitations? Et s'il n'y a que du phallique-masculin dans les rapports intersubjectifs, n'est-ce

pas signer la mort du désir, un rapport sexuel impossible, comme le dit Lacan?

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Débats et controverses

Dans les années 20, deux Écoles de pensée s'opposèrent: à Vienne, on appuyait la conception

freudienne d'une masculinité primaire chez la fille; à Londres, on soutenait l'existence d'une

féminité innée. Cependant, ce conflit entre deux Écoles serait, selon André, assez tardif. C'est

à Berlin, écrit-il, que s'est constitué un premier noyau de psychanalystes critiques de la théorie

freudienne de la sexualité féminine, notamment Karen Horney, Mélanie Klein et Karl

Abraham. Ce dernier, dans une lettre à Freud22, émit l'hypothèse d'une érogénéité précoce du

vagin soumise à un refoulement inexorable.

Horney23fut la première psychanalyste à s'élever contre la conception dominante à

l'époque suivant laquelle la moitié de l'humanité souffre d'être de sexe féminin. Elle expliquait

l'envie du pénis par des facteurs culturels tels que l'inégalité de statut entre garçons et filles

dans la famille et la société. De plus, soutenait-elle, l'enfant a déjà une tendance innée à

envier les « privilèges » de son semblable. C'est quand il voit l'autre jouir d'un bien (sein ou

pénis), qu'il est tenté de se l'approprier. Cette remarque sur le rôle joué par l'observation de la

jouissance de l'autre - alter ego - dans la naissance du désir humain anticipe ce que Lacan

énoncera comme désir du désir de l'autre. En effet, l'objet du désir se découvre d'abord

comme objet de jouissance de l'autre, « ce que les mouvements du regard, voire la voix de

l'autre, m'ont indiqué comme ayant statut d'objet, jeté en pâture à mon regard »24.

Pour Horney, il n'est pas possible, ni même logique que les enfants des deux sexes

ignorent l'existence du vagin jusqu'à la puberté. À cet égard, elle sera catégorique: « un vagin

ignoré est un vagin dénié »25. C'est l'angoisse d'être violée et meurtrie par un pénis « géant »

qui provoquerait chez la petite fille le refoulement des sensations vaginales précoces et le

remplacement du désir érotique du pénis par un désir de possession narcissique.

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Horney sera suivie par Jones et Mélanie Klein (l'École de Londres) en opposition à

Freud, Hélène Deutsch et Marie Bonaparte (l'École de Vienne). S'opposant à une réduction de

la féminité à un échec de la position masculine, Jones et Klein considéraient que la petite fille

est douée de pulsions féminines primaires lesquelles, sous la pression de l'angoisse de

mutilation interne, subissent un refoulement inexorable. Le stade phallique ne serait que

défensif et secondaire, sa fonction étant de renforcer le refoulement des représentations

primaires de la féminité.

L'un des principaux points en litige à cette époque portait sur le lien précoce mère-

fille, lien passionnel d'où la fille a du mal à se dégager et qui entre en conflit avec ses désirs

pour le père. Dans l'optique kleinienne, l'oralité s'accompagnait chez la fille du fantasme

d'incorporer génitalement le pénis paternel dans le but de satisfaire des pulsions érotiques et

destructrices. Il s'agissait d'abord de prendre le pénis et d'en jouir; ce n'est que secondairement

que la fille voulait le posséder afin de disposer d'une arme contre sa rivale oedipienne.

Les auteurs de Londres reconnaissaient donc l'existence d'un désir génital

spécifiquement féminin qui s'organisait selon un double mouvement: OEdipe précoce (version

kleinienne) ou relation « Sein-Enfant-Pénis » et OEdipe classique (version freudienne) ou

relation « Mère-Enfant-Père ». C'est seulement en raison de la déception rencontrée dans ses

désirs génitaux pour le père que la petite fille se réfugie dans l'identification masculine.

Avec André26 et Jacqueline Cosnier27,notons l'association des fantasmes de mutilation

avec la sexualité génitale. La pénétration vaginale ou anale évoque les premières effractions

du Moi de l'infans (avant la parole) par l'adulte et par la pulsion qui surgit du « dedans ». La

fille s'en protègerait en les érotisant. D'où le masochisme si souvent prêté à la jouissance

féminine pour les deux sexes, masochisme qui se trouverait en continuité avec les expériences

précoces de séduction passive du stade oral. La femme, note André, avant d'être un sexe

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blessé serait un sexe ouverture, un sexe orifice. Autrement dit, la sexualité féminine -au plan

génital- aurait quelque chose d'essentiellement traumatique du fait de son association avec les

traces mnésiques d'une séduction primitive subie au stade oral de la part d'un adulte.

La publication de La sexualité féminine sous la direction de Janine Chasseguet-

Smirgel28ramena la question à l'ordre du jour sans révolutionner les théories déjà en présence.

On y trouvait résumés les termes du conflit entre les tenants d'une masculinité primaire et les

défenseurs d'une féminité précoce. Certains auteurs interprétaient l'envie du pénis en termes

de réparation narcissique pour le manque primaire d'investissement libidinal de la part de la

mère et/ou du père (Grunberger), d'autres le voyaient comme une formation de compromis

entre le désir de jouir de son sexe et l'interdiction de la mère (Maria Torok).

En étudiant les hypothèses susdites, je me demandai si la théorie de Freud ne restait

pas « le roc »29incontournable bloquant une réinterprétation du désir féminin dans le rapport

au père. Ces paramètres, posés une fois pour toutes, ne constituaient-ils pas un obstacle

dogmatique? Freud ayant statué, féministes et psychanalystes devaient se situer pour ou

contre lui.

Le débat se poursuivit dans les années 70, époque des grandes contestations et de

renversement des valeurs. Des féministes américaines avaient lu Simone de Beauvoir et s'en

inspiraient. Citons, à titre d'exemples, Kate Millet30 qui contesta le déterminisme freudien en

lui substituant des modèles socioculturels, Juliet Mitchell31qui utilisa la psychanalyse pour

étudier le fonctionnement du patriarcat et ses traces symboliques dans l'Inconscient des deux

sexes.

En France, Catherine Clément32, dans La jeune née, résumait l'histoire « d'une longue

mise en accusation de la femme » qui, d'`Ève à l'hystérique en passant par la sorcière et la

séductrice, est toujours déjà coupable; la seconde prédisait la naissance de la femme hors du

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registre phallo-logocentrique en insistant, non sur « qu'est-ce qu'elle veut? » mais sur les

modes d'inscriptions de la jouissance féminine dans l'inconscient et sa métaphorisation dans

l'écriture. Ces textes respiraient une liberté de parole tout à fait nouvelle dans le champ du

féminisme psychanalytique. Désormais, des femmes se dévoilaient à travers une pluralité de

modes d'expression et de textes.

Les romans et récits des Annie Leclerc33, Xavière Gauthier34 et Marguerite Duras35

exprimaient un imaginaire féminin enraciné au corps sexué. Dans un autre domaine, les essais

de Elena Gianini Belotti36, Anne-marie Dardigna37 et Michelle Coquillat38, analysaient les

discours tenus sur la femme à travers les lois, coutumes et romans masculins.

Au Québec, des écrivaines telles Louky Bersianik39, Madeleine Gagnon40, Suzanne

Lamy41 racontaient les événements du corps de la femme, non plus en termes médicaux,

sexologiques ou pornographiques mais avec les mots du cœur et du ventre. Elles nommaient

un espace féminin en dehors des paramètres masculins. J'y entendais un langage étrangement

familier où je me reconnaissais.

Madeleine Ouellette-Michalska, dans L'échappée des discours de l’œil (1981),

retraverse les discours explicatifs sur la femme dans les domaines de la psychanalyse, de la

philosophie, de l'anthropologie et de la sociologie. Dans son souci d'éviter l'angoisse de la

fragmentation, l'homme ferait de la femme un objet de vision, un centre fixe dans l'espace, un

lieu à exorciser. Elle écrit:

J'ai participé à cette quête. Mais, dans le rapatriement de la parole volée, j'ai buté sur

de nombreux obstacles. Lorsque je tentai de retracer la genèse des amputations, effacements

et désorientation du féminin, je disposais comme outil de travail et instrument de recherche,

de la langue et des archives des Pères. Celles mêmes qui avaient édicté, dans différents genres

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et à divers titres, mon exclusion du réel. La langue maternelle qui aurait pu me venir de la

mère, passer par son nom, sa parole, ses gestes, ses pulsions, est une langue de première

génération42.

L'auteure évoque ici la difficulté pour une femme de prendre la parole sans être cernée

par la langue dominante et par une certaine fétichisation de la femme: vierge, mère ou putain.

J'en fis moi-même l'expérience quand je voulus témoigner de mon propre rapport à la

féminité. Comme il était facile de ressasser un discours convenu et de se conformer aux

attentes réelles ou imaginaires d'autrui!

Les femmes et la folie

En 1980, eut lieu le 5 ième Colloque sur la Santé mentale (des femmes), au Collège du Vieux-

Montréal. Il empruntait son thème à l'ouvrage de Phyllis Chestler, Les femmes et la folie 43 où

elle dénonçait une pratique à double standard dans l'évaluation et le traitement des

psychiatrisées. Quoique plus polémique que psychanalytique, ce livre eut une énorme

influence sur les recherches féministes au Québec. Une théorisation et une clinique féministe

des troubles mentaux s'en inspirèrent. La psychanalyse devait aussi en recueillir les

retombées.

Ce fut un point tournant pour de nombreuses intervenantes en santé mentale, pour les

féministes et pour les psychanalystes qui purent confronter leurs idées dans un

environnement multidisciplinaire. On reconnut l'aliénation des femmes aux discours psy et

aux institutions gestionnaires de la « folie ». En marge du système psychiatrique traditionnel «

sexiste » et à l'encontre du modèle médical axé sur la médication et le béhaviorisme, on créa

des thérapies féministes fondées sur la prise de conscience des effets pathologiques des rôles

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sexuels chez les individus. Certains psychanalystes acceptèrent avec eux de repenser leurs a-

priori conceptuels face à leurs analysantes.

Au cours de ce colloque, les interventions de François Péraldi et de Luce Irigaray

furent particulièrement remarquées; ni l'un ni l'autre n'hésitaient à pointer la hiérarchie

sexuelle, voire l'exclusion, dont les femmes faisaient les frais dans les champs psychiatrique

et psychanalytique. Péraldi accusait l'institution psychiatrique d'être le système pénal des

femmes car elle vise, disait-il, non à favoriser chez la patiente l'émergence du sujet désirant,

mais à l'enfermer dans ses rôles de mère et d'épouse, donc de gardienne d'un ordre social

centré sur la famille et le capitalisme. En outre, il rappelait la fonction de « verrou » du

fantasme de l'envie du pénis car celui-ci venait en quelque sorte « barrer le développement de

la sexualité féminine et en contraindre l'orientation, la détournant44, vers la maternité »45.

Luce Irigaray, dans un essai de métaphorisation du lien préœdipien, voulait nommer,

symboliser les lieux du désir et de la jouissance au féminin. Son exposé quasi poétique par sa

transgression des formes apprises du discours universitaire me fit penser à une incantation.

Irigaray ne cherchait pas tant la maîtrise d'un savoir que le dévoilement d'une pensée en acte.

En même temps que la contestation féministe des discours psy, la fréquentation des

oeuvres de Lacan me convainquit de l'influence du langage dans la sexuation inconsciente du

sujet. Il posait des questions cruciales: qu'est-ce que ça veut dire « être sexué »; qu'est-ce que

ça veut dire « être une femme »? Comment un sujet se représente-t-il, lui-même, son sexe et

son désir?

La théorie de Lacan marqua un tournant sensible dans l'évolution des conceptions de

la féminité en psychanalyse et chez les féministes. À une détermination du sexe par le

biologique, il substitua une détermination par le Symbolique, lequel préexiste au sujet. Celui-

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ci, qu'il soit garçon ou fille, serait sous la dépendance du Signifiant qui le nomme et le situe

quant à l'ordre des sexes et des générations.

Le primat du phallus

Lacan mit l'accent sur la problématique phallique dans l'avènement du sujet sexué. Après

Freud, il insista sur l'absence de représentation de la femme dans l'Inconscient où elle n'existe

qu'en tant que mère. De là à dire que la femme n'existe pas, il n'y a qu'un « pas » qu'il

franchira. Le féminin comme non-lieu. Comme trouant le système de représentations phallo-

masculines. Ne pouvant se dire que par la privation, la désubjectivation. Ce que Lacan

confirme en décrivant le trajet oedipien de la petite fille comme un détour obligé par

l'identification au père, à cause d'une absence du signifiant du sexe féminin, d'un « trou » dans

l'ordre symbolique.

Ce n'est pas à titre d'organe sexuel mais de « Gestalt phallique » érigée et visible que

le phallus, objet imaginaire, est élevé au statut de « signifiant-maître » de l'Inconscient, écrit

Lacan. Il n'y aurait donc de symbolisation que de ce qui se voit. Que deviennent alors le

perçu, le ressenti génital sur lesquels s'appuient les tenants d'une sexualité féminine primaire?

Les sensations vaginales et corporelles, participant du corps à corps avec la mère ou de

l'attraction exercée par le père, seraient immédiates, « impensées », donc inexistantes du point

de vue de l'Inconscient freudo-lacanien.

Reconnaissons, avec Catherine Clément, que la jouissance féminine représente pour

Lacan « la butée absolue ». S'il a dit... « La femme, ça ne peut s'écrire qu'à barrer le L/A »,

c'est peut-être pour subvertir le mythe de la Femme, de l'éternel féminin, immuable, de cette

« moitié d'un Tout dont l'homme est le Centre »46. Mais n'est-ce pas ce que les féministes ont

voulu dénoncer depuis toujours, cette propension insistante à objectiver la femme, à dresser

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d'elle un portrait-robot conforme aux attentes masculines? Lacan rappelle qu'au-delà de La

femme, il y a des femmes, des êtres voués à être à la fois objet et sujet du désir de l'autre.

L'autre en tant qu'il est mon semblable, mais aussi l'Autre de la Parole dont dépend ma

naissance subjective, les deux me déterminant jusque dans mon identité sexuelle et mes

objets de désir.

Faut-il brûler Lacan? Faut-il le considérer comme un séducteur théorique, un Don

Juan au discours ésotérique qui rêve d'avoir toutes les femmes une par une? Je pense que

Lacan a sa place dans la pensée féministe ne serait-ce que pas son rejet de toute visée

adaptative du sujet. En mettant l'accent sur les conflits identificatoires dans l'inconscient

féminin et sur un rapport à la mère médiatisée par le phallus, il élargissait les recherches sur la

féminité. Les femmes échappaient à un double déterminisme, celui des conflits pulsionnels

(Freud) et celui d'une histoire concrète (féminisme anti-freudien). Lacan offrait une troisième

voie consistant à interroger les modalités singulières de la symbolisation du désir et de la

jouissance au féminin.

Clinique, enseignement et écriture

Au milieu des années 80, je commençai une pratique psychanalytique. De plus, j'assumai des

charges de cours pour le département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal.

En 1989, je donnai pour la première fois le cours « Psychanalyse et femmes », commandé par

le « Groupe de recherches et d'études féministe » (rebaptisé depuis «Institut de recherches

féministes»). Ses objectifs sont de sensibiliser les étudiants-es aux théories psychanalytiques

dans le cadre d'une réflexion féministe. Je me centrai d'abord sur les représentations

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inconscientes de la femme dans la vie et l’œuvre de Freud, puis sur celles qui imprègnent

l'imaginaire collectif.

Dans l'inconscient, l'image féminine est, chez Freud, troublante et ambivalente. D'une

part, la Mère phallique, toute-puissante, s, personnification de la Mort. D'autre part, la

femme, objet de désir et de convoitise issue du complexe d'œdipe. Mais que dire de la femme

narcissique, identifiée au phallus qui loin d'être envieuse, inspire l'envie à cause de son

apparente auto-suffisance? Celle-là, écrit Sarah Kofman47, Freud n'est-il pas tenter de la

refouler quand il lui préfère l'image de la femme jalouse, incapable de créer et ennemie de la

civilisation?

À travers l'hystérique, Freud « regarde » le désir et le sexe des femmes. Mais si

l'investigateur ne peut voir le sexe féminin, ce « continent noir », il peut « savoir » ce dont la

petite fille (a) envie. La fille ne peut se voir que manquante. Fort de cette certitude, Freud

déportera la question du désir féminin vers celle de l'envie du pénis. Si Freud reconnut à

l'hystérique une altérité subjective, il s'empressa de la lui dénier. Peut-être se demandait-il,

comment on peut supporter, sans en mourir, le manque phallique? Rappelons cette anecdote

qu'il raconta à un compagnon de voyage: un homme devenu impuissant préféra se suicider car

en cas de perte de puissance sexuelle, « la vie ne vaut plus la peine d'être vécue »48. Comment

peut-on alors être une femme, comment peut-on être sans sexe?

Après André49,Miller50et Borch-Jacobsen51, je me demande si le concept de penisneid

ne sert pas à occulter la théorie de la séduction qui l'a précédé dans l'élaboration freudienne. Il

y aurait là un déni de la violence faite aux filles par les pères et/ou ceux qui en prennent la

relève. Ce déni se serait institutionnalisé à un point tel que même les femmes, analystes et

analysantes, ont fini par l'endosser. Car, si la théorie a une fonction défensive, ce n'est pas

seulement chez Freud et ses successeurs, mais aussi chez les femmes, analystes et

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analysantes. Il s'agit, non seulement de ménager le père, mais aussi de se protéger contre la

perception de certains événements douloureux de son histoire. C'est au croisement de la

réalité psychique et de la réalité extérieure que le désir féminin refoulé, voire censuré, risque

d'être entendu.

La psychanalyse est bien née de la rencontre de Freud avec la femme hystérique

comme l'avait déjà souligné Assoun52. D'une question jamais répondue sur le désir dans la

relation père/fille. Le sexe féminin, indompté, resurgit dans un corps devenu texte,

monument, langage. En proie à des visions bouleversantes qui l'immobilisent au lieu d'une

jouissance « innommée », à perte d'elle-même, évanouie, l'hystérique, infirme de son sexe,

disparaît au fil des maux qui la destituent. C'est là, la Sphynge, là, devant Freud, posant

l'énigme qu'elle est pour elle-même et qu'il est impuissant à déchiffrer. « Que veut une femme

»53.

L'auto-analyse de Freud et certaines de ses psychanalyses appliquées donnent

d'excellents exemples de ces figures inconscientes et universelles de l'autre féminin. Figures

de femmes, certes, mais aussi objets identificatoires puisque représentant les aspects du Moi

du sujet, ici Freud, comme porte-parole de l'Inconscient masculin.

« L'injection faite à Irma », rêve princeps de l'Interprétation des rêves 54fut

abondamment commenté, entre autres par Monique Schneider et Lacan. De ce rêve, je

retiendrai la scène où Freud, fasciné par la gorge ouverte d'Irma, invite ses collègues à voir

ce qui s'y trame. On veut (sa) voir, on veut que la femme livre son énigme.

La gorge d'Irma renverrait au désir de Freud de pénétrer, de maîtriser ce ventre d'où

viennent la vie et la mort. Elle exhibe des bourgeonnements blanchâtres, des secrétions

repoussantes, des signes de vie pareils à des signes de mort. La vie, c'est la gueule béante du

désir sexuel féminin. La mort, c'est l'obscurité du dedans féminin - métaphore de l'Inconscient

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- cet abîme à perte de vue, ces noirceurs où les humeurs corporelles annoncent la pourriture

des chairs. Freud, tout sujet, homme ou femme, viennent de cet espace-là, sombre, souffrant,

répugnant, étrangement inquiétant.

Chez Lacan, ce sera, note Schneider, « pour servir de garde-fou contre la menace de

mort émanant de la gorge maternelle que l'ordre symbolique se mettra en place »55; en effet,

explique-t-elle, c'est sur un fond d'opposition manichéenne entre le pur et l'impur, la forme et

l'informe, le supérieur et l'inférieur que s'effectuerait l'intervention paternelle de délimitation,

de rupture d'avec le maternel-féminin. Cette intervention arracherait l'enfant au gouffre

entrevue. De même, il sortirait de l'OEdipe comme de la mère originaire, par l'intervention

d'une parole paternelle, interdictrice. Mais, n'échappe-t-on à la mère que pour se faire dévorer

par le père, demande Schneider?

Dans le regard paternel, tel qu'évoqué dans le rêve de Freud, Schneider ne voit pas

qu'une volonté de sauver l'enfant du néant maternel mais un désir infanticide conjoint au

refoulement du féminin. En effet, Freud observe, dans la gorge féminine, l'effet de ses

productions théoriques; au plan métaphorique, il fait un enfant non désiré à une femme. Au-

delà des images de décomposition et de dégoût associées au sexe féminin, Freud rêverait de

purger la femme-mère de ce corps étranger, de cet intrus. De lui rendre sa pureté primitive,

avec le risque de destruction totale qu'implique l'opération purificatrice.

D'autres rêves de Freud conjuguent la mère avec la mort. Ce sont ceux, par exemple,

de « La monographie botanique », « Les trois Parques » et « Mère chérie et personnages à

becs d'oiseau ». Dans l'analyse de « Le thème des trois coffrets »(1913), on retrouve les trois

inévitables relations de l'homme à la femme qui sont ici représentées: voici la génératrice, la

compagne et la destructrice. Ou bien les trois formes sous lesquelles se présente, au cours de

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la vie, l'image même de la mère: la mère elle-même, l'amante que l'homme choisit à l'Image

de celle-ci et, finalement, la Terre-Mère qui le reprend à nouveau56.

Dans un autre texte: « La tête de Méduse »57 (1922), s'illustre le passage de l'image

castratrice du sexe féminin sur le plan du symbole par une condensation de plusieurs

éléments: l'organe génital féminin comme castré (c'est une tête de Gorgone qui a été coupée);

une face entourée de multiples serpents (symboles phalliques par surcompensation); le regard

pétrifié (l'horreur à la vue du sexe châtré de la mère). La femme castratrice redouble l' imago

de la femme au pénis en érection.

L'imago féminine est multiple: à la fois phallique, toute-puissante, castrante, elle

s'édifie grâce aux matériaux fournis par les projections des pulsions archaïques telles que

décrites par Mélanie Klein. Personnification des puissances de vie et de mort, objet et sujet

de désir et de jouissance, elle inquiète par sa mortelle séduction. Cette imago affecterait

inconsciemment les relations entre les hommes et les femmes.

Il existe en effet dans l'imaginaire des deux sexes des figures duelles de la femme qui,

à notre insu, entrent dans la « composition » de nos objets d'amour. Les découvrir et les

nommer, c'est déjà s'en déprendre. Selon Brill58, les attitudes bipolaires que toutes les cultures

manifestent en termes symboliques envers la femme ne seraient que les images socialisées des

attitudes fondamentales de l'homme vis-à-vis de la mère. Mais je pense que l'affirmation vaut

aussi pour la femme. On peut considérer ces attitudes comme la résultante de fantasmes

archaïques toujours actifs dans l'Inconscient. De plus, parce qu'elles nourrissent le discours

mythique ou religieux, elles sont intériorisées au cours du développement individuel. Dévoiler

ces images s'avère essentiel dans la mesure où elles font obstacle à l'avènement du sujet

désirant.

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Si je remonte encore une fois le cours du temps, je me revois assise dans une salle de

classe de l'université de Montréal. Une centaine d'étudiants en psychologie écoutent, fascinés,

l'histoire de la chasse aux sorcières racontée par le professeur, André Lussier. Nous étions au

début du cours de métapsychologie. Quand j'y pense, il y avait là une certaine cohérence avec

« la sorcière métapsychologie » de Freud. La sorcière, c'est la part du diable, l'une des figures

de l'éternel féminin. À brûler!

André Lussier cita le Maleus Malficarun (Marteau des sorcières, 1494, cité par Ilza

Veith, 1973)59, composé par deux moines dominicains, Kramer et Sprenger qui enseignaient

les mille et une manières d'identifier une sorcière et de la forcer à s'avouer telle. Des femmes

terrorisées, hystériques ou mélancoliques, confessaient tout ce qu'on voulait, ceci allant du vol

nocturne sur un balai jusqu'à l'accouplement rituel avec Satan, sous l'apparence d'un bouc.

Freud y vit une allégorie de la folie hystérique. Les aveux arrachés aux sorcières par la torture

évoquaient les confidences de ses patientes.

Au spectacle de la sorcellerie devait succéder celui de la possédée. La femme, écrit

Schneider60, passe ainsi du statut de sujet actif, coupable à celui d'objet, de victime d'une

puissance étrangère masculine. Elle ressemble de plus en plus à celle que Freud étend sur le

divan et qui lui demande de la délivrer des démons - désirs interdits- qui la possèdent.

Fille séduite, fille séductrice, Freud glissera d'une image à l'autre pour expliquer

l'origine du symptôme hystérique. La culpabilité est déportée du père à la fille et à la mère. La

fille projette sur le père -ou un substitut- ses propres fantasmes. Lui ne désire pas sa fille mais

incarne l'Idéal féminin. La mère est désignée comme séductrice réelle de son enfant-phallus.

De toute façon, le père innocenté, reste irréprochable, inattaquable.

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Éclipses de mères

Il y a quelques années, je fus invitée par Luce Des Aulniers à participer au numéro de la revue

« Frontières » portant sur le thème « Le féminin et la mort »61. Je proposai un texte sur les

effets psychiques de la mort effective de la mère pour les deux sexes. Je suggérai que celle-ci

induit un remaniement des identifications à l'objet maternel et une retraversée du complexe

d'OEdipe. Puisant aux discours mythiques, littéraires et psychanalytiques, je me fis l'écho

d'une rencontre avec la figure de la mère, en tant qu'éternel objet de désir, d'idéalisation et de

perte.

La disparition de la mère - ma mère venait de mourir un an plus tôt - réactive les

angoisses infantiles d'abandon et confronte l'endeuillé à l'inéluctable nécessité de mourir. La

mort de la mère fait un trou dans le tissu du monde, disais-je. Symbole et objet du désir

d'origine, elle aussi doit « une mort à la nature » ( Freud ).

Je distinguai la perte objective de la mère d'une perte subjective. La « mère morte

»62 dépeinte par Green comme mère absente psychiquement dans la vie du nourrisson n'est

pas la même que celle qui revient dans les rêves. Celle-ci soulève la question du meurtre

mythique de la femme-mère, en tant qu'objet premier de désir et d'interdit. Chez Freud, c'est

comme objet de désir incestueux qu'elle resurgit dans les rêves de mort de personnes chères.

Dans « Mère chérie à becs d'oiseaux »63, la mère endormie représente la femme éperdue de

jouissance , absente, « morte » ( petite mort ). Le deuil objectif la mère pourrait prendre appui

et sens à partir de la figure pré-inscrite de l'objet perdu dans l'instant éternel de sa jouissance.

Le rapport à la mère du désir comme objet perdu se rencontre singulièrement dans la

vie sexuelle féminine. Dans un article de Filigrane, j'analysai l'énoncé « On ne peut pas

m'aimer » et la répétition d'un scénario de rejet64. Une de mes hypothèses était que ces

difficultés s'enracinaient à un lien maternel non symbolisé et qu'ils constituaient une tentative

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spécifiquement féminine pour symboliser le rapport à l'objet perdu du désir. J'y vis un échec

de la résolution oedipienne féminine de même qu'une défense contre le désir sexuel du père.

C'est à travers une plainte infinie que ces filles cherchent à se faire reconnaître malgré un

sentiment insistant d'échouer dans leurs tentatives pour exister. Ce « manque à être », elles

l'imputent le plus souvent à la mère, plus rarement au père. S'agit-il là d'une censure exercée

contre toute hostilité envers le père ou un déni du « mauvais père »?

Dans ma clinique, deux phénomènes retinrent mon attention: certaines analysantes

mélancoliques se disaient convaincues de ne pouvoir être aimées du fait de l'abandon libidinal

de leur mère. On ne les « avait pas aimées » et, faute de cet amour, vivaient sous l'emprise

d'une haine inconsciente. Elles s'auto-punissaient, non seulement par identification au rejet de

l'autre, mais par impossibilité de nommer, ressentir des affects hostiles tels que la colère, le

ressentiment, l'envie destructrice. Elles cédaient à la pulsion de mort via un recours régressif à

la mère-sein originaire. D'autres, plus hystériques que dépressives, accusaient leur mère

d'avoir fait obstacle à leur vie sexuelle. Elles se lançaient compulsivement dans des liaisons

amoureuses toutes plus décevantes les unes que les autres. Rarement, accusaient-elles le père,

et quand elles le faisaient, s'empressaient de le disculper.

Ces patientes se sentaient humiliées, coupables, malheureuses. C'était comme si, elles

avaient « vu » dans le regard de l'autre leur propre absence. Freud avait montré que la pulsion

de mort comme la conscience de culpabilité se manifestait par le besoin de punition, la

compulsion de répétition et la réaction thérapeutique négative. Dans le cadre d'un séminaire

sur le concept de « culpabilité d'emprunt »65, je me demandai jusqu'à quel point les femmes

ne réagissaient pas comme certaines victimes d'événements objectivement traumatiques, soit

elles s'identifiaient à l'agresseur dont elles endossaient la culpabilité, soit elles se faisaient

complices de la violence de l'autre.

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Dans tous les discours religieux, les femmes sont les tentatrices et les pécheresses.

Elles doivent répondre de la convoitise, de la violence et du désir de mort qu'elles inspirent.

Elles seraient coupables, non seulement du désir de l'autre, mais aussi coupables par

identification au sentiment de culpabilité de ce dernier. Cette culpabilité d'emprunt témoigne-

t-elle du maintien du lien libidinal à quelque objet perdu, comme Freud l'avait supposé pour la

mélancolie?

Éclipses de père

Certaines analysantes se sentent à l'égard du père imaginaire comme une vestale chargée

d'entretenir la flamme. Elles n'ont pas le droit d'avoir une vie sexuelle car cela implique la

perte de l'objet oedipien. Vouées inconsciemment au culte paternel, elles deviennent

amoureuses, mystiques ou folles. La quête de l'idéal se déplace sur l'homme, l'analyste,

parfois un guru parfois. N'expriment-elles par là que les résidus d'un fantasme oedipien ou

s'identifient-elles au fantasme du père? La question est controversée dans la mesure où elle «

repose »le conflit initié par Freud entre la théorie de la séduction paternelle et le fantasme

hystérique.

Récemment, dans un article portant sur la relation père/fille66, j'ai exploré le thème de

la fille sacrifiée via des figures mythiques, psychanalytiques et littéraires. Mon objectif était

d'en repérer les ramifications inconscientes et ses conséquences pour la résolution du

complexe d'OEdipe féminin. Je comparai le destin de certaines analysantes à ceux d'Antigone

et Iphigénie, ces filles qui consentent à n'être pour le père que l'instrument d'une quête

narcissique ou amoureuse. Je les vis comme des personnifications d'un amour fou et auto-

destructeur.

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J'émis l'hypothèse d'un désir de mort inconscient du père envers la fille, et auquel elle

répond à son insu. En s'identifiant à la représentation de la fille sacrifiée, elle s'unit au père

dans la poursuite d'une même fin. Ce désir ne se limite pas toujours à l'imaginaire et peut être

agie dans la violence physique ou mentale. Le nier constituerait, à mon sens, une défense

contre la haine du père et contre sa destitution en tant qu'objet idéal.

Lorsque je formulai cette idée la première fois, on me reprocha de projeter sur le père

mon propre désir de mort. On qualifia de non analytique toute prise en compte d'un désir

sexuel ou agressif extérieur à l'analysante. Celle-ci était seule, enfermée dans son univers

psychique. Ses plaintes ne devaient être entendues que d'un point de vue subjectif. Autrement

dit, il n'y avait aucune articulation possible entre un événement traumatique objectif et le

conflit intra-psychique.

Ces critiques m'ébranlèrent sans me convaincre. Comment nier la réalité des agressions dont

les femmes, les filles sont historiquement victimes? Agressions physiques et psychologique

qui empruntent à la religion ou à la culture leurs modes d'expression. « Ce qu'il y a de

spécifique dans le rapport des femmes à la violence masculine, remarque Nancy Huston67,

c'est qu'elles en ont souvent les complices inconscientes ». Penser que l'expérience féminine

est traversée par la haine et le désir de l'autre, ressortit au travail psychanalytique. Cela

n'implique évidemment pas le rejet de l'intra-psychique. Tout événement est interprété,

intégré dans une subjectivité. Il n'en reste pas moins qu'il y a une situation objective à

considérer dans toute analyse de la féminité et des femmes.

Psychanalyse/Féminisme: une histoire à suivre....

Dans le sillage d'un féminisme radical qui dénonçait la violence du système patriarcal, des

féministes psychanalystes proclamaient la spécificité du désir et de la jouissance au féminin.

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Loin de vouloir aplanir une différence qui virait à l'inégalité, elles prétendaient l'accentuer en

valorisant le rapport au corps et entre les femmes. Elles proclamaient l'importance des

différences innées et d'une féminité originaire. Le terme même de « féminité » prêtait

d'ailleurs à confusion; si certaines féministes la revendiquaient avec force, d'autres

soutenaient qu'elle n'était qu'un stéréotype imposé par le patriarcat dont il faut se libérer pour

devenir autonome.

Irigaray68reprochait aux théories freudienne et lacanienne de rester soumise à l'ordre

philosophique du discours pour ce qui est de la différence des sexes. Celle-ci y serait définie

en fonction d'un à-priori du Même, à partir de l'homme considéré comme modèle absolu. La

fille ne pourrait se représenter, nommer son rapport à son commencement, la mère, que sous

les formes du rejet et de la haine. Irigaray postulait, au contraire, un désir pour la Même,

désir préœdipien soustrait aux processus de symbolisation. Elle songeait à un désir spécifique

- non phallique - érotique du corps de la mère. Une sorte d'érotisme au féminin, excluant la

notion d'un seul sexe, ou même de deux sexes. C'est pourquoi, il importait de découvrir la

spécificité de la jouissance féminine via le lien mère-fille et des femmes entre elles. Irigaray

évacuait un peu vite la fonction du père comme pôle d'attraction libidinale. De plus, elle

paraissait exclure l'homme de ces agapes sororales.

L'analyse des discours sur la femme et la féminité confirmait que les relations

inconscientes entre les sexes restaient sous le signe de la logique de la contradiction «

phallique-châtré », en deçà de la génitalité qui serait reconnaissance de l'existence de deux

sexes. La femme, figure emblématique de la castration, écho lointain d'une puissance

maternelle archaïque, destituée, castrée au regard du sexe masculin, ne pourrait s'identifier

que du lieu où le sujet la désire et l'imagine, soit comme objet sexuel et/ou comme mère

nourricière. Dès lors, comment échapperait-elle à l'emprise du regard et du désir de l'Autre,

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comment adviendrait-elle comme sujet sexué désirant et à partir de quelle figure

identificatoire?

Irigaray ne put éviter l'impasse. En effet, en voulant se libérer d'une logique

phalliciste, elle laissait la femme dans un champ non symbolisé, dans le réel, hors sexe, hors

sujet, dans le vide de représentations. Elle consacrait l'exclusion du féminin au nom de la

nature, un concept qui avait pourtant servi d'argument aux promoteurs de la femme-mère. La

fille, disait-elle, attendait de sa mère une parole qui la fonde, qui mettrait fin à la haine et à la

dévaluation de son sexe, du corps maternel qu'on exige d'elle pour accéder à l'ordre

symbolique qui l'entoure. Pour cela, il était nécessaire que s'inscrive dans l'intersubjectivité,

via le langage, un signifiant qui supporte la conjonction du corps et d'un discours enfin

singulier. Ce plaidoyer, tout entier du côté du lien mère-fille, semblait limiter encore la

sexualité féminine à cet espace préœdipien où Freud l'avait reléguée.

Je me demandai si ce discours féministe pouvait servir d'arguments défensifs contre

l'inconscient. Abandonnant la polémique, je m'intéressai aux contributions psychanalytiques

qui, sensibles aux thèses féministes, étudiaient la vie psychique féminine dans un contexte

intersubjectif. Il ne s'agissait plus de penser la femme comme entité fermée sur elle-même

mais dans ses rapports avec le désir de l'autre.

Jessica Benjamin analyse les rapports entre amour et domination dans ses aspects

intra-psychiques et intersubjectifs. Son but est de comprendre le désir chez les partenaires de

la relation, qu'ils soient dominants ou dominés. Elle veut aussi expliquer pourquoi ce sont les

femmes qui, la plupart du temps, occupent une position subordonnée. Pour ce faire, elle

repasse par toutes les théories de l'attachement qui vont de Freud à Winnicott. Partant du lien

mère-nourrisson, elle insiste sur l'importance de la reconnaissance mutuelle en se basant sur la

dialectique de Hegel, entre le besoin d'affirmation de soi et le besoin de l'autre. Benjamin

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résout le dilemme en montrant la nécessité de maintenir une sorte de tension psychique entre

les deux pôles du conflit identitaire. Elle écrit:

Mais parce que la théorie féministe aborde nécessairement le lien psychologique existant

entre dominant et dominé, elle a commencé à mettre en question la logique du clivage - avec

son dualisme, sa polarisation, ou son inversion pure et simple des rôles. En défendant la

théorie intersubjective, mon but n'est pas de m'engager dans ce genre de renversement: je ne

fais pas l'hypothèse d'une pure culture primordiale de l'intersubjectivité, d'un royaume féminin

corrompu par la culture du symbolisme phallique et de l'idéalisation paternelle. Un tel schéma

de l'innocence féminine et du mal phallique ne ferait que répéter la stratégie des adversaires

de la théorie des instincts, qui ont inversé le modèle d'un mal primordial, maîtrisé par la

culture au profit d'un modèle où c'est la bonté originelle qui est dénaturée par la culture69.

Benjamin reste fidèle à ce mouvement, surtout américain, qui étudie l'évolution des

relations objectales à partir du couple primordial. Nancy Chodorow70 s'inscrit dans cette

ligne de pensée. Son projet en reste un de psychanalyse féministe qu'elle désigne comme

holistique et pluraliste, rayonnant autour de plusieurs axes et donc, non absolu. C'est

pourquoi, elle étudie les relations entre les éléments, ou leurs dynamiques, dans le cadre d'une

analyse et d'une critique de la domination masculine. Selon elle, une partie de l'explication

réside dans la théorie des relations d'objet laquelle décrit la constitution du self dans le

contexte d'un lien émotionnel primaire.

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Féministe et psychanalyste: la fin du malentendu ?

Il vient d'être question d'une intersubjectivité qui relève d'une psychologie du moi, c'est-à-dire

d'une conception imaginaire du sujet. Elle s'intéresse à l'histoire des relations objectales du

sujet. La question du tiers paternel y paraît reléguée à l'arrière-plan.

Je voudrais suggérer une approche qui prenne en compte l'existence de conflits de

désirs et d'identifications dans le rapport du sujet à l'Autre. Deux inconscients, deux lieux

excentriques au moi se rencontrent à l'occasion de tout lien affectif ou social. Il ne s'agit pas

tant d'un dualisme moi-objet que d'un double croisement: croisement de deux imaginaires (

moi-autre) et de deux sujets marqués par le Symbolique (Je-Autre). Tout sujet sexué, effet et

cause du désir de l'Autre, est déterminé par les fantasmes inconscients de ses géniteurs -et de

ses semblables- à son endroit, déjà « parlé» par des discours qui lui pré-existent et qui, d'une

certaine manière, fixent sa destinée.

Le féminisme et la psychanalyse, je l'ai déjà dit, sont deux champs hétérogènes. Le

premier hérite d'une idéologie humaniste fondée sur la croyance en l'oppression des femmes

par la société et sur le mythe d'une conscience salvatrice du sujet aliéné. La seconde, réfutant

toute conception messianique du monde, a pour objectif la prise de conscience de ce qui nous

fonde comme sujet, comme désirant, au-delà des mirages du moi et des objets. Si le

féminisme m'a fait voir ce que j'avais en commun avec toutes les femmes, seule la

psychanalyse m'a permis de conjuguer désir et manque dans une histoire unique, puis d'en

faire un destin.

Féministe, j'accepte les concepts fondamentaux de la psychanalyse - l'inconscient, le

refoulement et la pulsion- mais rejette tout dogmatisme sur la femme, son imaginaire, sa

sexualité. Psychanalyste, je suis à l'écoute des symptômes et souffrances de l'amour, des

traces laissées par le passage de l'Autre, l'étranger et le semblable, dans la vie psychique. Ce

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qui s'inscrit de la féminité dans mon inconscient en reste tributaire, pour le pire et pour le

meilleur. Je suis également solidaire de la lutte des femmes pour se tailler une place dans le

monde. Qu'elles viennent s'étendre sur mon divan ou s'asseoir en face de moi, j'entends,

venant d'un passé oublié, le va-et-vient d'un désir qui jamais ne désespère d'être reconnu.

Je suis donc féministe et psychanalyste, sachant pertinemment que j'occupe ainsi une

situation paradoxale. Celle-ci autorise le passage d'un mode de pensée à l'autre: l'un voué au

moi et à son accomplissement, plus proche de la conscience, l'autre, à la déconstruction du

moi et à l'émergence du sujet, plus proche de l'Inconscient. Mais quelle que soit la voie

choisie, le but reste le même: l'avènement du sujet sexué et désirant. Mon féminisme participe

de mon désir d'exister et n'est donc pas très éloigné du désir de l'analyste que je suis.

1Marguerite Duras,Le vice-consul, Paris,L'Imaginaire/Gallimard, 1977,p. 53. 2Jean Imbeault, « Le moi dans l'esquisse » dans L'événement et l'inconscient, Montréal, Triptyque, 1989, p. 245-275. 3Luce Irigaray, Speculum de l'autre femme, Paris, Éditions de Minuit, 1974. 4Mélanie Klein(1932), La psychanalyse des enfants, Paris, Payot, 1978. 5Ernest Jones, « The phallic phase », dans International Journal of Psycho- 6Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Paris, Gallimard, coll. Idées, 1949. 7Sigmund Freud(1895), Études sur l'Hystérie, Paris, PUF, 1991. 8Juliet Mitchell, Psychanalyse et féminisme, Tome Iet II, Paris, Éditions des femmes, 1975. 9Marie Cardinal, Les mots pour le dire, Paris, Grasset, 1975. 10Louise Grenier, « Féminin et problématique phallique chez la fille selon la théorie psychanalytique», Mémoire de maîtrise en psychologie, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1983, 186 p. 11Mireille Lafortune, Le psychologue pétrifié, Montréal, Louise Courteau, 1989. 12Janet Sayers, « Anna Freud » dans Les mères de la psychanalyse, Paris, PUF, 1995, p. p. 157-224. 13Karl Abraham (1912-25), Développements de la libido, Oeuvres complètes -2, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1966. 14Hélène Deutsch, La psychologie des femmes, Paris, PUF, 1949. 15Lou Andreas-Salomé(1915), « "Anal " et sexuel » dans L'amour du narcissisme, Paris, Gallimard, 1980, p. 89-130. 16« Elle remarque le grand pénis bien visible d'un frère ou d'un camarade de jeu, le reconnaît tout de suite comme la réplique supérieure de son propre petit organe caché et dès lors elle est victime de l'envie du pénis » Sigmund Freud, Quelques conséquences psychologiques de la différence anatomique entre les sexes » (1925 ), dans La vie sexuelle, Paris, PUF, 1969, p. 126.

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17Jacques André, Aux origines féminines de la sexualité, Paris, PUF, 1995, p. 11-23.

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18Sigmund Freud (1905) « Fragment d'une analyse d'hystérie » ( Le cas Dora ) dans Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1973, p. 62.

19id. (1931), « Sur la sexualité féminine » dans Op. cit., 1969, p.139-155. 20 id.,(1932) « La féminité » dans Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1936, p. 147-178. 21Jacques André, ibid, p. 21. 22( 3 décembre 1924, Correspondances 1907-1926, Gallimard, 1969, p. 380 ) cité par Jacques André, Aux origines féminines de la sexualité, Paris, PUF, 1995, p. 25-30. 23Karen Horney (1923), La psychologie de la femme, Paris, Payot, 1971 24J.D. Nasio, Introduction aux oeuvres de Freud, Ferenczi, Groddeck, Klein, Winnicott, Dolto, Lacan, Paris, Payot & Rivages, 1994, P. 394. 25Karen Horney, « La négation du vagin » ( 1932 ) dans op. cit., p.166 26Jacques André, op. cit. 27Jacqueline Cosnier, Destins de la féminité, Paris, PUF, 1987, p. 98. 28Janine Chasseguet-Smirgel, La sexualité féminine, Paris, PBP, 1964. 29Je fais référence au « roc d'origine » biologique qu'est pour Freud le refus de la féminité,responsable des analyses interminables. « L'analyse avec fin et l'analyse sans fin » (1937) dans Résultats, idées et problèmes, II, Paris, PUF, 1987, pp. 231-268. 30Kate Millett, La politique du mâle, Paris, Points/Stock, 1971. 31Juliet Mitchell, Op. cit. 32Catherine Clément, Hélène Cixous, La jeune née, Paris, Union générale d'Éditions, 10/18, 1975. 33Annie Leclerc, Parole de femme, Paris, Grasset, 1974. 34 Marguerite Duras et Xavière Gauthier, Les parleuses, Paris, Minuit, 1974. 35Marguerite Duras, Le ravissement de Lol. V Stein, Paris, NRF, 1964. 36Elena Gianini Belotti, Du côté des petites filles, Paris, Éditions des femmes, 1974. 37Anne-marie Dardigna, Les châteaux d'Eros ou les infortunes du sexe des femmes, Paris, Maspero, PCM, 1980. 38 Michelle Coquillat, La poétique du mâle, Paris, Idées/Gallimard, 1982. 39 Louky Bersianik, L'Euguélionne, Montréal, La Presse, 1976. 40 Madeleine Gagnon, « Dire ces femmes d'où je viens »,,dans Magazine littéraire, mars, 1978. 41 Suzanne Lamy, D'Elles, Montréal, L'Hexagone, 19979. 42 Madeleine Ouellette-Michalska, L'échappée des discours de l'oeil, Québec, Nouvelle Optique, 1981, p. 314. 43 Phyllis Chesler, Les femmes et la folie, Paris, Traces/Payot, 1979. 44 Patrick Cady, à la lecture de mon texte, me fit remarquer combien ce terme de « détournement » est à interroger. Péraldi n'est-il pas en train ici d'assimiler la maternité à une perversion? En effet, dans la perversion , la jouissance est prise via le déni de la castration et par une déviation de la sexualité dans des voies de traverse. 45« Les femmes et la folie », 5 ième Colloque sur la Santé mentale, Montréal, Bibliothèque national du Canada, 1980, p. 88. 46Catherine Clément, déjà cité, p. 68. 47Sarah Kofman, L'énigme de la femme, Paris, Galilée, 1980. 48 Sigmund Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, Paris, PBP, 1973, p. 17-18 49Op. cit. 199 50 Op. cit. 1989 51Mikkel Borch-Jacobsen, Le lien affectif, Paris, Aubier, 1991. 52Paul Laurent. Assoun, Freud et la femme. Paris, Calmann-Lévy, 1983.

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53« La grande question qui n'a jamais été éclaircie, et à laquelle j'ai été incapable de répondre, malgré trente années de recherches dans l'âme féminine, c'est: « que veut la femme? » E. Jones, La vie et l'oeuvre de Sigmund Freud, Tome II, Paris, PUF, p. 445. 54 Sigmund Freud, L'interprétation des rêves (1900), Paris, PUF, 1973, chap. II p. 90-112. 55 Monique Schneider, La parole et l'inceste, Paris, Aubier Montaigne, 1980, p.127-158. 56Sigmund Freud, « le Thème des trois coffrets » (1913 ) dans Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1933, p. 103. 57Sigmund Freud, « La tête de Méduse » dans Résultats, idées, problèmes, Paris, PUF, 1987, p. 49-50. 58Jacques Brill, Lilith ou la mère obscure, Paris, Payot, 1981. 59Ilza Veith, Histoire de l'hystérie, Paris, Seghers, 1973, p.66. 60Monique Schneider, Le féminin expurgé, Paris, Retz/Divergences, 1979, p.35-57. 61Louise Grenier, « Dans le sillage de la mère morte » Frontières, Vol.7, no 1, Université du Québec à Montréal, 1994, p. 15-18. 62André Green, « La mère morte » ( 1980 ) dans Narcissisme de vie Narcissisme de mort, Paris, Éd. de Minuit, 1983, p. 222-253. 63André Green, « La mère morte » ( 1980 ) dans Narcissisme de vie Narcissisme de mort, Paris, Éd. de Minuit, 1983, p. 222-253. 64 Sigmund Freud, L'Interprétation des rêves (1900) Paris, PUF,, 1973, p. 495. 65Louise Grenier, «" On en peut pas m'aimer": fantasme de rejet et troubles de la vie sexuelle féminine», Filigrane, no 3, 1994, p.71-85. 66Dans le cadre d'un séminaire donné au Cirque psychanalytique sur l'invitation de Robert Letendre en septembre 1994. 67Louise Grenier, « On sacrifie une fille. Ruptures et désenchantement dans la relation père/fille », FIligrane, numéro 5, 1996, p. 117-125. 68Entrevue à Radio Canada, FM, 9 juin 1997. 69 LuceIrigaray, Speculum de l'autre femme, Paris, Éditions de Minuit, 1974. 70Jessica Benjamin, Les liens de l'amour, Paris, Métailié, 1992, p.226. 71Nancy J. Chodorow, Féminism and psychoanalytic theory,, New Haven and London, Yale University Press, 1989.

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