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“Nous avonsnégligé

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Au Darfour, même la collectede bois est synonyme dedanger pour les femmes. Ellesdoivent sortir en groupes,généralement sous escortemilitaire.

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P O P U L AT I O N S D É P L A C É E S :

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Dès l’aube, armés jusqu’auxdents, montés sur des chevauxou des chameaux, juchés sur desvéhicules militaires déglingués,parfois accompagnés d’avions oud’hélicoptères, ils font irruptiondans des villages sans défense.

Et le cauchemar commence.“Ils ont tué mon mari sous mes yeux, raconte une

rescapée. Puis ils m’ont jetée à terre et violée. Ils ont en-levé l’un de mes fils et je ne l’ai jamais revu. Puis, avantde partir, ils ont mis le feu aux maisons et massacré tousmes voisins.”

La survivante et ses quatre autres enfants ont réussià fuir leur village du Darfour, dans l’ouest du Soudan,le plus vaste pays d’Afrique. Après plusieurs semainesd’errance, ils sont enfin arrivés au Tchad, épuisés, àmoitié morts de soif et de faim.

Les histoires de ce genre sont hélas monnaie cou-rante dans cette région où l’escalade de la violence semblesans fin. En septembre dernier, par exemple, un campétabli en bonne et due forme a été attaqué. Du jamaisvu dans l’histoire humanitaire. Trente-quatre personnesont été sauvagement tuées, dans des conditions parfoisatroces, dont certaines ligotées, traînées derrière un che-val au galop jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Le Darfour est depuis des décennies le sanglantthéâtre d’un conflit entre les paysans noirs et les no-

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mades arabes qui leur disputent des ressources natu-relles trop rares. Les tensions ont dégénéré en guerreouverte en 2003 quand des bandes armées —miliciensapparemment à la solde du gouvernement de Khar-toum, défenseurs autoproclamés de la cause paysanne—ont commencé à piller la région, l’une des pluspauvres et inhospitalières de la terre.

Les hostilités et leur cortège de blessures et de ma-ladies auraient fait entre 180 000 et 300 000 morts.Deux millions de personnes ont été contraintes deprendre la fuite et d’abandonner leur foyer.

L’ancien Secrétaire d’Etat américain Colin Powelln’a pas hésité à parler de génocide à propos des exac-tions, meurtres, pillages et viols généralisés commispar les janjawid (littéralement «diables à cheval»). John

Prendergast, de l’International Crisis Group, a qualifié lesjanjawid de “mélange grotesque de mafia et de Ku KluxKlan”, et la crise du Darfour de “cyclone provoqué parle gouvernement”.

Dans un paroxysme de violence, les belligérants s’ensont pris aux humanitaires et à leurs cargaisons. “Il n’ya plus rien à piller à part les convois de l’aide interna-tionale”, commentait un chef de tribu.

POURQUOI LES UNS ET PAS LES AUTRES ?La tragédie soudanaise a donné lieu à unegrave situation d’urgence d’une redoutable complexitépour le HCR et les autres organisations humanitaires.

Elle a aussi confronté la communauté internatio-nale à la question suivante: pourquoi les millions depersonnes victimes de la folie des hommes ne bénéfi-cient-elles pas toutes du même régime d’assistance, lesunes étant aidées, les autres oubliées?

Quelque 200 000 Darfouriens se sont réfugiés auTchad. Comme ils ont franchi une frontière, ils sontprotégés par les conventions internationales relativesaux réfugiés, ce qui leur donne un certain nombre dedroits —protection juridique, hébergement, nourritureet approvisionnement en eau. L’aide est parfois rudi-mentaire, mais elle existe.

Pendant ce temps, leurs compatriotes restés au Sou-dan, exposés à mille et un dangers, ne sont protégés paraucun traité et n’ont pas droit à l’aide internationalealors qu’ils sont totalement à la merci des militaires etdes milices en tous genres.

Comme des millions de leurs semblables ailleursdans le monde, ces hommes, ces femmes et ces enfantsdits «déplacés à l’intérieur de leur propre pays», pourreprendre la terminologie officielle, ont souffert et sontmorts en silence, tandis que Khartoum refusait d’ou-vrir les frontières et d’autoriser l’acheminement dessecours.

Lorsque les humanitaires ont enfin pu se rendre surplace, ils ont découvert avec effroi l’étendue du désastre.“Nous avons négligé ces victimes trop longtemps”, de-vait déclarer plus tard Jan Egeland, coordonnateur desNations Unies pour les secours d’urgence. “Au fil desannées, nous avons certes réussi à sauver des millionsde vies, mais notre système d’intervention souffre degraves dysfonctionnements. Et les besoins des dépla-cés ont souvent été les premiers à passer à la trappe.”

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Plusieurs millionsd’Angolais ontregagné leurs villeset villages d’originedévastés par laguerre, suite àl’accord de paixconclu en 2002 entrele gouvernement etles forces rebelles.

Trente-quatre personnes ont étéSAUVAGEMENT TUÉES, dont

certaines ligotées, TRAÎNÉESderrière un cheval au galop

JUSQU’À CE QUE MORTS’ENSUIVE.

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Le Haut Commissaire António Guterres confirme:“Nous sommes souvent arrivés trop tard, et avec troppeu de moyens, a-t-il reconnu, le traitement réservéaux populations déplacées par les conflits est le grandéchec de la communauté humanitaire internationale.”

Le drame du Darfour a agi comme un électrochoc.Il a contraint la communauté internationale à affronterune fois de plus la question des personnes déplacéesdans leur propre pays, privées de leurs droits les plusélémentaires, souligne Jan Egeland, qui a pris l’initia-tive, en concertation avec les responsables des autresagences des Nations Unies, de la Croix-Rouge etd’autres organisations, de revoir de fond en comble l’ap-proche humanitaire en faveur de personnes déracinées,comme les déplacés soudanais «passés à la trappe» etpiégés dans leur coin de désert.

COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?Pour les politiques, les journalistes et legrand public, tous les civils qui fuient les persécutionsou les guerres sont des réfugiés. Ce terme désigne toutepersonne chassée de son foyer, victime d’un conflit, depersécutions ou même d’une catastrophe naturelle,comme on l’a vu récemment avec le tsunami en Asie,le tremblement de terre au Pakistan ou le cyclone Ka-trina aux Etats-Unis (voir article page 22).

Du fait de cet amalgame sémantique, le monde a dumal à comprendre ou à accepter qu’une famille souda-naise qui a réussi à se réfugier au Tchad puisse être trai-tée si différemment d’une autre famille ayant fui lemême village au même moment pour s’abriter un peuplus loin, mais sans quitter le Soudan.

Les raisons de cette différence sont multiples. Ellessont liées à des facteurs politiques et historiques ainsiqu’à la brûlante question de souveraineté nationale etau nouveau visage des conflits.

Le régime actuel de protection des réfugiés date dulendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il a vu lejour avec la création du Haut Commissariat des Na-tions Unies pour les réfugiés et l’adoption, à Genève,de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiésqui offre une définition très précise du réfugié commeétant une personne qui, «parce qu’elle craint avec rai-son d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, desa nationalité, de son appartenance à un certain groupesocial ou de ses opinions politiques, se trouve hors dupays dont elle a la nationalité».

Pendant presque toute la deuxième moitié du xxe

siècle, la définition s’est parfaitement appliquée auxnombreuses victimes de guerres et de persécutions.

Mais avec la fin de la guerre froide, la nature mêmedes conflits et la problématique des déplacés ont prisun tour nouveau. Aux guerres conventionnelles entrearmées régulières ont succédé des guerres civiles entrebelligérants de toutes sortes —forces gouvernemen-tales, milices, extrémistes religieux, groupes ouverte-ment terroristes, etc. Dans l’indifférence quasi-géné-rale, des millions d’innocents ont été pris en otage pardes combattants armés de tous bords, chassés de chezeux et abandonnés à leur sort. La communauté inter-nationale n’avait rien prévu pour les protéger.

C’est seulement dans les dernières années du xxe

siècle que la gravité du problème des personnes dépla-cées est apparue dans toute son ampleur.

S’adressant à l’Assemblée générale lorsde l’ultime session du dernier millénaire, leSecrétaire général de l’ONU Kofi Annan aproposé une approche radicalement diffé-rente de celle qui avait alors cours dans lesgouvernements et les organisations huma-nitaires. En clair, il a demandé aux Etatsmembres de renoncer à leurs prérogativesles plus jalousement gardées —la souverai-neté et l’inviolabilité des frontières natio-nales— au nom de l’intérêt supérieur des populations prises dans l’engrenage desguerres.

“Rien dans la Charte des Nations Uniesn’empêche de reconnaître qu’il y a des droitspar delà les frontières, a-t-il déclaré. La déci-sion d’intervenir n’est certes pas facile àprendre. Elle va souvent à l’encontre de cer-tains intérêts politiques ou autres. Mais ilexiste des valeurs et des principes universelsqui l’emportent sur ces intérêts, et la protec-tion des civils en fait partie.”

P R I N C I P A L E S P O P U L A T I O N S D É P L A C É E SD A N S L E M O N D E *

PAY S D É P L A C É S

1. Soudan 6000000

2. Colombie 3400000

3. Rép. dém. Congo 2330000

4. Ouganda 1400000

5. Iraq 1000000

6. Turquie 1000000

7. Algérie 1000000

8. Inde 600000

9. Indonésie 600000

10. Liban 600000

PAY S D É P L A C É S

11. Azerbaïdjan 575000

12. Zimbabwe 570000

13. Myanmar 526000

14. Côte d’Ivoire 500000

15. Bangladesh 500000

16. Somalie 400000

17. Kenya 350000

18. Sri Lanka 347000

19. Angola 340000

20. Fédération de Russie 339000

*Source : Global IDP Project, août 2005

“Au fil des années, nous avons réussi àSAUVER DES MILLIONS DE VIES… mais les besoins

des déplacés sont souvent passés à la trappe.”

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Le Secrétaire général a proposé que l’ONU, et plusprécisément son Conseil de sécurité, intervienne di-rectement dans les situations de guerre civile, et qu’ellepuisse multiplier les missions préventives de maintiende la paix, faire respecter le droit humanitaire et lesdroits de l’homme et imposer des sanctions telles quel’embargo sur les armes à l’encontre des Etats récalci-trants.

Les réactions ont été contrastées. Les Pays-Bas ontapplaudi, en disant que le respect des droits de l’hommedevenait de plus en plus impératif et celui de la souve-raineté de moins en moins indispensable. La Chine arépliqué que la prééminence des droits de l’homme surla souveraineté nationale était «une idée à la mode»,mais que le respect de la souveraineté nationale et lanon-ingérence étaient «les principes de base des rela-tions internationales».

A l’aube du xxie siècle, RÉFUGIÉS

(n° 117) titrait en couverture, à pro-pos du drame des déplacés: «Unebrûlante question pour un nouveaumillénaire.»

25 MILLIONS DE DÉPLACÉSA des milliers de kilomètresdes plaines désertiques du Dar-four et du sort tragique de la jeunefemme jetée sur les routes avec sesenfants, dans la chaleur torride deshauts plateaux du nord-est de la Co-lombie, Alicia (prénom fictif) a étépersécutée d’une manière encoreplus insidieuse et opiniâtre que lesSoudanais victimes des raids meur-triers des janjawid.

Sa faute? Avoir essayé de monterune coopérative avec des petits pay-sans qui voulaient cultiver autrechose que du coca dans l’espoird’échapper au conflit entre forcesgouvernementales et factions armées, qui a contribuéà plonger le pays dans la violence et le chaos depuisquatre décennies.

Des couronnes mortuaires ont commencé à arriverpeu après le démarrage du projet. Une par jour, pen-dant un mois, ceintes d’un large ruban rouge avec «ALI-CIA» en grandes lettres dorées. Puis il y a eu la dispa-rition brutale d’amis et de collègues. Les signauxdevenaient de plus en plus clairs.

Alicia n’a pas eu le choix. Elle a dû prendre la fuite,comme des millions de ses compatriotes l’avaient faitavant elle, dans l’indifférence quasi-générale du mondeextérieur face à cet exode presque silencieux. Chaquefois qu’elle se croyait en sécurité, ses bourreaux retrou-vaient sa trace et la traque recommençait de plus belle.

Après des années d’errance, elle s’est enfin posée àSoacha, un misérable bidonville livré à l’anarchie bienque situé à quelques kilomètres seulement de la capitale,Bogotá. La plupart de ses voisins ont eux aussi fui laguérilla et les persécutions pour trouver une sécurité re-lative dans l’anonymat de cet immense taudis.

Aujourd’hui, toutes les villes colombiennes ont leurSoacha, une ceinture de misère autour des quartiersriches, où la police et les militaires pénètrent rarementet dont la population se retrouve souvent à la merci desbandes armées auxquelles elles tentent justementd’échapper.

“Ils sont chez eux, et pourtant ils ne peuvent se pré-valoir de la protection de l’Etat”, explique Roberto Meier,délégué du HCR en Colombie, qui a récemment ou-vert une maison-refuge à Soacha pour aider Alicia et sesvoisins.

Les deux jeunes femmes évoquées ici, la Soudanaiseet la Colombienne, font partie des 25 millions de per-sonnes subissant le même sort dans une cinquantainede pays: village dévasté, famille éliminée ou dispersée,fuite désespérée dans une misère absolue, menaceconstante de militaires, de bandes armées et de mili-

ciens à la solde de petits seigneurs de guerre. Un chiffreeffarant par rapport aux 9,2 millions de réfugiés re-censés actuellement.

Plus de la moitié de ces déplacés se trouvent enAfrique. Ils sont 6 millions rien qu’au Soudan —paysqui détient le triste record mondial sur ce chapitre, suivipar la Colombie, où vivent la plupart des 3,7 millionsde déplacés des Amériques.

Le nombre de déplacés est aussi très important enAsie, dans la région du Pacifique, et même en Europe.

Mais les statistiques varient sans cesse. Ainsi, en2004, les crises du Soudan, de la République démocra-tique du Congo et de l’Ouganda ont provoqué un nou-vel exode de 3 millions de personnes. Mais les retoursont été tout aussi massifs, notamment en Angola avec900 000 personnes, ainsi qu’au Soudan et au Libéria.

Dans le monde souvent hallucinant des déplace-ments de population, comme au Congo et au Soudan,on assiste à de gigantesques chassés-croisés entre lesgens qui fuient les zones de combat et ceux qui re-tournent dans des lieux relativement plus calmes du

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En Colombie,une grande partiedes 3,4 millions de déplacés viventdans une extrêmeprécarité. Le HCRvient en aide àenviron 2 millionsde ces victimes,déracinées àl’ intérieur de leurpropre pays.

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Des millions depersonnes dans lemonde, dont cettefamille qui s’estréfugiée dans laforêt tropicale duMyanmar, sontconfrontées à demultiples dangers àcause des conflitset du manqued’assistance et deprotection de leursgouvernements.

pays. Entre afflux et reflux in-cessants, le nombre de déplacésest resté à peu près constant, soitquelque 25 millions depuis le dé-but du nouveau millénaire, alorsque celui des réfugiés a légère-ment diminué au cours de lamême période.

UNE APPROCHE TIMIDEFace à l’augmentation ex-ponentielle du nombre de dé-placés, la communauté interna-tionale se devait de réagir. Dansles années 90, au lendemain dela première guerre du Golfe, puisde celles des Balkans, les gou-vernements, les organisationshumanitaires et les donateurssont intervenus sur le plan poli-tique et ont déployé des moyensfinanciers et matériels sur le ter-rain pour aider non seulementles réfugiés, mais aussi les mil-lions d’autres déracinés pris aupiège dans leur propre pays.

Pour la première fois peut-être, le sort des déplacés devientun vif sujet de conversation dansles allées du pouvoir. L’avocat etdiplomate soudanais FrancisDeng est nommé au poste nou-vellement créé de Représentantspécial du Secrétaire généralpour les personnes déplacées dans leur propre pays,confirmation éclatante de l’urgence d’attribuer un dé-fenseur attitré à cette catégorie de déracinés.

Au terme de plusieurs années de manœuvres déli-cates et de négociations serrées avec les gouvernements,les juristes, les universitaires et les humanitaires, M. Deng a rendu publics les Principes directeurs relatifsau déplacement de personnes à l’intérieur de leur proprepays, une série de trente recommandations en matièrede protection.

Quelques gouvernements ont intégré certains deces principes dans leur législation et ont même com-mencé à réfléchir à la question de la souveraineté et del’intervention internationale. Comme l’explique Wal-ter Kälin, le spécialiste suisse du droit des réfugiés, quia succédé à Francis Deng en 2004 avec le titre légère-ment remanié de Représentant spécial du Secrétairegénéral pour les droits de l’homme des personnes dé-placées dans leur propre pays, “il n’y a pas si longtemps,il était hors de question d’évoquer les droits fonda-

“Il n’y a pas si longtemps,il était HORS DE

QUESTION D’ÉVOQUER lesdroits fondamentaux des déplacés

avec les gouvernements. Aujourd’hui,au moins, la plupart des pays

ne contestent pas CES DROITS.”

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mentaux des déplacés avec les gouvernements. Au-jourd’hui, au moins, la plupart des pays ne contestentpas ces droits”.

Suite à l’appel à la mobilisation du Secrétaire généralKofi Annan à la fin du siècle dernier, l’ONU et les insti-tutions spécialisées ont commencé à adopter une approcheplus concertée, autrement dit à travailler en collaborationresserrée en faveur des déplacés, et une petite unité a étécréée à cet effet au Bureau de la coordination des affaires hu-manitaires (OCHA) à Genève.

Aujourd’hui, le coordonnateur des secours d’urgence,Jan Egeland, rend compte deux fois par an au Conseilde sécurité des mesures adoptées pour protéger les po-pulations civiles prises en otage dans les conflits. Ce de-voir de protection figure désormais expressément dansle mandat des opérations de maintien de la paix au Li-béria et au Soudan, qui fait obligation aux casques bleusd’intervenir si des civils sont en danger.

Lors du Sommet de l’Assemblée générale de sep-tembre 2005, les Etats membres adoptent une déclara-

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IL Y AURAIT ACTUELLEMENTDANS LE MONDE 25 MILLIONSde personnes déplacées àl’ intérieur de leur patrie par lesguerres et les persécutions,drame qui préoccupe etmobilise de plus en plus lacommunauté internationale.Mais il y a également un nombretout aussi impressionnant decivils chassés de chez eux nonpas par un conflit mais par unecatastrophe telle qu’un séismeou une famine.Le HCR n’a de mandatspécifique ni pour les uns nipour les autres. Toutefois, aucours des trois dernières

décennies, l’agence a pris part àune trentaine d’opérationsd’urgence en faveur depersonnes déplacées par laguerre, et vient actuellement enaide à 5,6 millions d’entre elles.Par ailleurs, lors de circonstancesexceptionnelles suite à unecatastrophe naturelle majeure —comme le tsunami de 2004 enAsie et le tremblement de terrequi a frappé le Pakistan et l’Indefin 2005— l’agence met àdisposition ses équipes sur leterrain ainsi que des articles desecours.La mise en place de nouvellesstratégies visant à optimiser

l’aide aux personnes déplacéesne couvre, en ce qui concerne leHCR, que l’assistance en faveurdes victimes d’un conflit.D’autres organismes, dont lessociétés de la Croix-Rouge,devraient prendre la tête desopérations de secours lors decatastrophes naturelles.Selon l’Université des NationsUnies, le nombre de déplacéspour cause de catastrophenaturelle pourrait bien atteindreles 50 millions d’ ici quelquesannées, non seulement suite à uncataclysme tel qu’un tsunami ouun tremblement de terre, maisaussi à cause de la sécheresse, de

situations de crise liées à ladéforestation et à ladésertification. “La communauté internationaledoit déterminer d’un communaccord, de manière claire etprécise, qui est victime de quoiet quelles organisations doiventêtre chargées d’aider tel ou telgroupe”, explique le recteur HansVan Ginkel, en concluant :“Nous devons définir ce quenous entendons par réfugiéspolitiques, économiques etenvironnementaux. Si nouscernons mieux le problème, nouspourrons nous préparer à agir enconséquence.” �

tion énonçant leur «devoir de protection » vis-à-vis deleurs populations contre les génocides, les crimes deguerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’hu-manité, et autorisent la communauté internationale àprendre des mesures à l’encontre des pays ne respec-tant pas leur engagement.

Mais cette démarche, timide car dénuée de tout ca-ractère contraignant, comporte des failles béantes, quela crise soudanaise ne va pas tarder à mettre en évidence.

COMBLER LES LACUNESEn 2004, Jan Egeland a demandé de touteurgence une évaluation indépendante de l’ensembledu dispositif de l’aide humanitaire dans le monde etune division interinstitutions des déplacements in-ternes a été créée à Genève. Le problème va enfin êtresaisi à bras le corps.

Fin 2005, une nouvelle stratégie a été annoncée. Ellea pour but de renforcer et d’approfondir l’approcheconcertée déjà mise en œuvre pour venir en aide auxdéplacés. Les principales faiblesses et lacunes du sys-tème ont été identifiées, notamment ce que Jan Ege-land appelle “l’absence de responsabilités opération-nelles clairement attribuées ainsi que le manque deleadership précis dans les secteurs clés”. Des organismeschefs de file sont désignés; ils devront coordonner lesopérations dans des secteurs définis afin de combler leslacunes décelées.

Le HCR sera chargé de tous les aspects de la pro-tection des déplacés, de la construction d’abris, de lamise en place et de la gestion des camps lorsque celas’avèrera nécessaire.

Divers organismes des Nations Unies se répartirontles autres tâches. L’UNICEF s’occupera notamment dela distribution de l’eau, de l’assainissement et de la nu-trition, le PAM de la logistique, l’OMS de la santé,

l’UNICEF et OCHA des télécommunications et lePNUD de la reconstruction et du relèvement à longterme. Chaque agence chef de file participera directe-ment aux opérations tout en coordonnant et en super-visant les activités des autres organismes dans son do-maine de responsabilité et rendra compte des résultatsobtenus par le biais d’une structure échelonnée abou-tissant à Jan Egeland.

L’ONU prévoit de créer un fonds de réserve de 500millions de dollars pour pouvoir lancer des opérationsd’urgence à tout moment, et les agences spécialiséesréuniront de leur côté des fonds supplémentaires au-près des donateurs pour financer les activités corres-pondantes.

L’efficacité de la nouvelle approche sera testée en2006 par une série de projets pilotes dont les premiersseront sans doute lancés dans trois des pays où les déplacés sont les plus nombreux, à savoir le Libéria,l’Ouganda et la République démocratique du Congo.

“L’essentiel, c’est que chacun sache qui est respon-sable de quoi et qu’au bout du compte l’organisme chefde file désigné rende compte de l’exécution des tâchesqui lui ont été confiées. Tel n’était pas le cas aupara-vant —les responsabilités étaient trop diluées”, analysele directeur de la division interinstitutions à Genève,Dennis McNamara.

“Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouercomme au Darfour en 2004, précise Jan Egeland. Lanouvelle approche doit être plus concrète, plus prévi-sible et d’un meilleur rapport coût-efficacité”, autantde mots nouveaux dans le contexte de l’aide aux popu-lations déplacées.

LE HCR ET LES DÉPLACÉSLe mandat du HCR est très spécifique. Il ne couvre pas les déplacés. Toutefois, au cours des trente der-

Des millions et desmillions de vies en suspens…

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nières années, le Haut Commissariat a été appelé, danscertaines circonstances, à leur fournir une assistance.

Ironie de l’histoire: la nouvelle approche est direc-tement liée à la situation actuelle au Soudan, là où leHCR avait pour la première fois secouru des popula-tions déplacées.

C’était en 1972. La paix était revenue dans le sud,après des années de guerre sporadique. Par milliers, lesréfugiés ont commencé à revenir des pays voisins. Maisils n’ont pas été les seuls. Des milliers d’autres Souda-nais, qui s’étaient provisoirement exilés à l’intérieurde leur pays, mais que l’on n’appelait pas à l’époque desdéplacés internes, ont également pris le chemin du re-tour. Le HCR a fourni une même assistance aux deuxcatégories de déracinés. Aujourd’hui, l’agence pour lesréfugiés se trouve confrontée à un défi similaire, dansla même région.

Depuis cette première opération, le HCR a participéà une trentaine d’interventions d’urgence de ce genre,à la demande de l’Assemblée générale des NationsUnies, du Conseil de sécurité ou du Secrétaire généralde l’ONU. Il vient actuellement en aide à 5,6 des quelque25 millions de déplacés que compte notre planète.

Les raisons de ce double rôle sont évidentes: les ré-fugiés et les déplacés sont souvent victimes d’un même

conflit et sont parfois originaires du même village. Laseule différence, c’est que les uns ont franchi une fron-tière internationale et les autres non. Dans de nom-breux cas, les compétences et l’expertise du HCR peu-vent s’appliquer aux deux groupes de déracinés.

Mais le Haut Commissariat veille depuis toujours àne pas s’engager trop en avant. Porter secours à des mil-lions de personnes en plus risquerait en effet de greverses finances, déjà limitées. L’agence fait également trèsattention à ne pas empiéter sur le territoire de chacundans un secteur de plus en plus congestionné où se cô-toient agences humanitaires, gouvernements et mêmedes militaires. Le HCR songe aussi aux difficultés quedoit affronter son personnel, notamment en matièrede sécurité, et surtout ne veut ni diluer ni compro-mettre sa mission première, celle de venir en aide auxréfugiés.

Une autre question délicate continue de préoccuperle HCR, les gouvernements et diverses organisations:n’est-il pas contradictoire de vouloir s’occuper à la foisdes réfugiés et des déplacés? Autrement dit, en aidantles personnes déracinées à l’intérieur de leur proprepays, le HCR ne risque-t-il pas de compliquer une autrede ses tâches fondamentales, celle d’aider les réfugiés àtrouver un pays d’asile?

LE MANDAT DU HCR est très spécifique. Il NE COUVRE PAS les déplacés. Toutefois,

cela fait plus de 30 ans que le Haut Commissariat est appelé, dans certaines circonstances, à leur venir en aide.

Même après leurretour, les civilsdoivent faire face àtoutes sortes deproblèmes —conflit qui perdure,maisons détruites,écoles etdispensaires enruines. Au Sri Lanka,ce sont lesinnombrables minesplantées par lesmilitaires et lesrebelles tamoulsqui représententune menaceomniprésente.

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Qui sont les déplacés internes ?Il s’agit d’ individus ou de groupesde personnes contraints de fuirleur foyer pour échapper à unconflit armé, à la violence et à desabus des droits de l’homme. Des millions d’autres individusayant survécu à une catastrophenaturelle majeure, tremblementde terre, inondation ou autre, sontégalement inclus dans la catégoriedes personnes déplacées sans tou-tefois relever de la compétencedu HCR, sauf lors de circonstancesexceptionnelles.

Combien y a-t-il de personnesdéplacées en raison depersécutions ?Selon les Nations Unies, il y enaurait près de 25 millions dans 50nations, dont la moitié en Afrique.En plus des 9,2 millions deréfugiés, le HCR vient en aide à 5,6millions de déplacés.

Quelle est la différence entre unréfugié et un déplacé ?Tous deux sont déracinés parcequ’ils ont été contraintsd’abandonner leur lieu de vie —région ou pays d’origine — pourdes raisons souvent similaires. Ladifférence réside dans le fait que

le réfugié franchit une frontièreinternationale en quête desécurité dans un autre pays tandisque le déplacé reste dans sapatrie.

Les réfugiés et les personnesdéplacées bénéficient-ils dumême régime d’assistance et deprotection ?A son arrivée, le réfugié bénéficied’une aide alimentaire, d’un toitet d’une relative sécuritédispensés par le pays d’accueil. Ilest en outre protégé par uncorpus bien défini de lois et deconventions internationales. LeHCR et d’autres organisationshumanitaires œuvrent dans cecadre juridique pour aider leréfugié à reconstruire sa vie dansun autre Etat ou à retourner chezlui quand la situation le permet.

Et le déplacé ?Sa situation est bien plus précaire.Un déplacé peut être pris au pièged’un conflit interne qui s’éternise.Il arrive qu’ il soit perçu comme un ennemi par son propre gouver-nement qui peut décider de sonsort en toute impunité. Il n’existepas d’ instrument juridique inter-national spécifique aux déplacés

et les accords existants, dont lesConventions de Genève, sont difficiles à appliquer. De plus, lesdonateurs hésitent parfois à inter-venir dans des conflits internes ou à fournir un soutien continu.

Le dossier des personnesdéplacées est l’objet d’un débatde plus en plus vaste. Pourquoi ?A l’issue de la Seconde Guerremondiale, la communauté interna-tionale s’est avant tout attelée àsecourir les victimes les plus vi-sibles du conflit —les réfugiés.C’est dans ce contexte que le HCRa été créé dans les années del’après-guerre et qu’un cadre juri-dique international a vu le jour.Avec la fin de la guerre froide, lanature des conflits a changé et lesaffrontements entre grandes puis-sances ont progressivement cédéla place à des luttes intestines lo-cales, plus circonscrites. Cesguerres ont considérablement aug-menté le nombre de personnesdéplacées à l’intérieur de leur pays.

Quelle a été la réaction de lacommunauté internationale ?Ces civils déracinés recevaientauparavant une assistance limitée.En tant que garant des

Conventions de Genève, leComité international de la Croix-Rouge a été actif dans cedomaine pendant plusieursdécennies. Ces dernières années,d’autres organisations et desgouvernements ont entamé unvaste débat et, en 2005,constatant leur échec à répondrede manière satisfaisante au dramedes personnes déplacées, ontopté pour une approche plusglobale, axée sur une plus grandecoordination et davantage deprévention.

Principes directeursUn manuel intitulé Principes directeurs relatifs au déplacementde personnes à l’intérieur de leurpropre pays, a également été élaboré. Ce document n’a pas force de loi mais ses 30 recom-mandations — donnant une défini-tion des déplacés et soulignantl’existence d’un vaste corpus juridique déjà en place pour pro-téger les droits fondamentaux dela personne et les responsabilitésdes gouvernements — ont pourbut d’aider les gouvernements et les organisations humanitairesdans leur travail en faveur des personnes déplacées.

12 R É F U G I É S

Plusieurs centaines demilliers de personnes, enmajorité des Kurdes, ont regagné leur foyerdans le nord de l’Iraq et remettent leurscommunautés sur pied.Mais un million de civilssont toujours déracinéspar le conflit qui continuede faire rage dans d’autresrégions du pays.

Qui sommes nous, au juste?

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Quelques questions clés concernant les déplacés

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Grâce à cette mobilisation sansprécédent, peut-on espérer unediminution du nombre dedéplacés dans le monde ?Les personnes déplacées sontenviron 25 millions et leurnombre n’a pratiquement paschangé depuis le début dunouveau millénaire. Actuellement,le HCR vient en aide à environ 5,6millions d’entre elles, soit 21 pourcent de plus qu’en 2003. Cetteforte augmentation s’expliquenotamment par les dernièresstatistiques officielles de laColombie, où le nombre depersonnes déracinées à l’ intérieurdu territoire a augmenté de760 000 personnes, passant àdeux millions de civils, ainsi quepar les quelque 660 000 déplacésà qui le HCR fournit actuellementune assistance dans la région duDarfour, au Soudan.

Quelle est la position du HCR vis-à-vis des personnes déplacées ?La principale mission du HCR estde s’occuper des réfugiés, maisces 30 dernières années l’agence apris part à une trentained’opérations humanitairesimpliquant aussi des déplacés,notamment en Colombie, enAfrique et en Afghanistan. Unaccord global, conclu en 2005,renforcera et énoncera plusclairement les différents rôles dela communauté internationale etdes agences spécialisées en faveurdes personnes déplacées.

Quelle est la réponseopérationnelle du HCR?Le drame des réfugiés et celui desdéplacés étant souventétroitement liés, une seule etmême opération coordonnée estalors la plus rationnelle,notamment lorsqu’ il y a desdéplacés dans les zonesgéographiques de rapatriementdes réfugiés. La nouvelle stratégiemise en place attribuera un rôlechef de file au HCR là où sonexpertise s’avèrera un atoutprécieux : la protection, laconstruction d’abris et la gestiondes camps. D’autres organisationsassumeront des responsabilitésanalogues dans les domaines de

l’approvisionnementen eau, de l’hygiène,des soins médicaux,de l’alimentation etde la logistique. Parailleurs, il a étédécidé de créer unfonds central deplusieurs millions dedollars etd’augmenter lescontributions desdonateurs en faveurdu HCR tandis quedes projets pilotesseront initiés en2006 afin deconcrétiser lanouvelle stratégie decoopération.

Le rôle du HCR enfaveur des réfugiés entre-t-il enconflit avec son assistance auxdéplacés ?Grâce à une interprétationflexible de son Statut, le HCR aété en mesure de venir en aideaux déplacés. Cet atout serarenforcé par la concrétisation dela collaboration récemmentdécidée. Mais il y a eu quelquescontraintes dans le passé,notamment en raison del’ insécurité et de l’ impossibilitéd’avoir accès aux populations dedéplacés à cause desgouvernements et des factionsbelligérantes. Il y a également eucertaines difficultés à aidersimultanément réfugiés et

déplacés. Les programmes conçuspour assister les civils déracinésqui n’ont pas quitté leur pays —les déplacés — peuvent, en raisonde leur nature même, compliquerles procédures d’asile. Pendant laguerre du Kosovo, par exemple,l’ex-République yougoslave deMacédoine n’a pas jugé utiled’autoriser les déplacés àtraverser la frontière pourdemander asile parce qu’ ilsrecevaient déjà de l’aide dans leurpropre pays.

Y a-t-il eu d’autres situationsdélicates dans le passé ?En ex-Yougoslavie et au Timor, leHCR avait décidé d’aider et deprotéger l’ensemble despopulations déracinées enfonction de leurs besoinshumanitaires plutôt que de leurstatut de réfugié. Il arrive en effetque les réfugiés ne constituentqu’une mineure partie despersonnes déracinées lors d’undéplacement massif depopulations, comme enColombie, où le HCR participe àune opération de grande ampleur.En outre, pour garantir le succèsde la réintégration des réfugiésdans leur pays d’origine, il s’avèreparfois indispensable de venirégalement en aide aux personnesdéplacées vivant dans la mêmerégion. Tel a été le cas,notamment, au Mozambique, enSierra Leone, en Afghanistan et auGuatemala. �

Si les civils reçoivent une aide dans leur patrie, lespays d’asile potentiels ne vont-ils pas se sentir exonérésde l’obligation de les accueillir en tant que réfugiés,comme ce fut le cas de l’ex-République yougoslave deMacédoine lors de la crise du Kosovo ?

Certains experts pensent au contraire que les Etatsseront mieux disposés à recevoir des demandeurs d’asiles’ ils ont la certitude que tout a été tenté dans le pays

même avant que les gens ne soient contraints, en déses-poir de cause, de demander la protection d’une nationétrangère.

Le HCR a fait savoir, par la voix de son Comité exé-cutif, que ses interventions dans les pays ne devaienten aucun cas porter atteinte aux principes des droits del’homme et au droit humanitaire international ainsiqu’à l’ institution de l’asile.

13R É F U G I É S

C’est seulement au cours des dernières années du XXe siècleque la GRAVITÉ DU PROBLÈME

DES PERSONNES DÉPLACÉES est apparuedans toute son AMPLEUR.

UNE ÉCOLE DU SUD-SOUDAN.

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Le débat se poursuit. Dans Forced Migration Review,une publication de l’ Université d’Oxford, Roberta Co-hen a qualifié l’absence de protection des déplacés de“plus grave lacune” de l’action humanitaire. Elle estimeque le HCR doit à la fois redéfinir et élargir son rôle deprotection.

“S’agissant des réfugiés, il [le HCR] garantit essen-tiellement le droit d’asile et le droit au non-refoule-

ment [ne pas être renvoyé de force dans un pays où l’onrisque d’être persécuté]. Les déplacés devraient avoirles mêmes droits que les autres citoyens même s’ ilssont restés dans leur pays, mais il n’existe pas d’accordsjuridiques internationaux pour les protéger, c’est-à-dire pour défendre leur intégrité physique et l’ensemblede leurs droits.”

En l’absence d’organisations spécifiquement char-

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gées de protéger les déplacés, de nombreux observa-teurs préconisent depuis une dizaine d’années que cesoit le HCR qui assume ce rôle.

Dans les années 90, Sadako Ogata, alors Haut Com-missaire, avait fait savoir qu’aider des millions de per-sonnes en plus créerait des difficultés telles —besoin deressources financières et matérielles supplémentaires,mandat plus complexe, méfiance des autres organisa-

tions — qu’il serait plus sage de ne pas s’engager danscette voie.

Toutefois, Joel Charny, vice-président chargé des po-litiques auprès de Refugees International, reste convaincuque la désignation d’un seul chef de file est la meilleuresolution. “La démarche concertée demeure foncière-ment inadaptée”, écrit-il dans Forced Migration Review.Les hauts responsables de l’ONU devraient “décider

Au cœur del’Afrique, enOuganda (àgauche) etdans laRépubliquedémocratiquedu Congo,quelque 4 millionsd’hommes, defemmes etd’enfants,chassés dechez eux parla violence,vivent dansdes abrisprécaires etsont exposés à desagressionspermanentes.

Suite page 18

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16 R É F U G I É S

ColombieLe HCR vient en aide à environ 2millions des 3,4 millions de civilsdéracinés, souvent contraints devivre dans des bidonvilles à lalisière des grandes villes. Desdécennies de conflit interne ontfait de cette crise humanitaire laplus grave de tout l’hémisphèreoccidental.

AngolaAu début du nouveau millénaire,l’Angola a été officiellementreconnu comme le pire endroit aumonde pour élever un enfant. Desmillions de personnes ont étécontraintes de fuir et des milliersd’autres ont péri au cours de plusd’un quart de siècle de guerrecivile. Mais durant les troisdernières années, un accord de paixentre le gouvernement et lesforces rebelles, a permis à plusieursmillions de personnes de regagnerleur foyer, dont 900 000 en 2004— preuve que même les conflits lesplus sanglants peuvent avoir unheureux dénouement.

R.D. CongoPlus de 2,3 millions de civils ontété exilés à l’ intérieur du pays,constituant le troisième plusgrand groupe de personnesdéplacées au monde. Mais,surprenante mosaïque demouvement, environ un million depersonnes regagnaient leur lieud’origine dans des régions plussûres du pays alors même que denouveaux groupes de populationsétaient déracinés au cœur del’Afrique.

OugandaLa situation de quelque 1,4 millionde personnes déracinées dans lenord du pays est si précaire quedes villages entiers sont désertésdurant la nuit, leurs habitantscherchant à s’abriter dans des lieuxplus sûrs, comme des écoles et desusines pour échapper aux milicesde l’Armée de résistance duSeigneur qui détruisent tout surleur passage, enlevant, tuant etviolant des civils sans défense.

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Les PERSONNES DÉPLAC

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SoudanLe Soudan compte le plus grandnombre de personnes déplacéesau monde, soit quelque 6 millions.Beaucoup vivent dans desconditions dramatiques, enparticulier dans la région duDarfour, et sont victimesd’agressions, de viol etd’enlèvement. Ils sont souventprivés d’eau, de nourriture etd’abri, les convois humanitairesétant eux-mêmes pris pour ciblespar des bandes armées.

Les BalkansLes armes se sont enfin tues dansles Balkans et plus de 2,5 millionsde personnes ont pu retournerchez elles. Mais des centaines demilliers d’autres attendent encorede pouvoir revenir au Kosovo,notamment les civils d’origineserbe ou appartenant à desminorités ethniques comme cesRoms.

IraqSuite à la chute de SaddamHussein en 2003, des centaines demilliers de personnes ont regagnéleur foyer, essentiellement desKurdes du nord de l’Iraq où le HCRgère actuellement plusieursprogrammes. Toutefois, près d’unmillion de personnes sontdéplacées à l’ intérieur du territoire,victimes de la violence quicontinue de déchirer leur pays.

MyanmarDes millions d’ individus sontencore en situation de dangerpermanent dans une vingtaine depays, en raison d’affrontementsarmés à proximité de leur villageet de leur foyer. Au Myanmar,entre autres, beaucoup nereçoivent aucune assistance de lapart de leur gouvernement. Ignorésdu reste du monde, ils endurentleur souffrance dans l’oubli.

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CÉES dans le monde

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de confier au HCR la coordination internationale des ac-tivités concernant les déplacés internes afin de donnerune certaine cohérence à un système éclaté”.

Le Haut Commissaire Guterres a pour sa part faitconnaître sa position en août dernier. Il a promis quele HCR s’occuperait davantage des déplacés sans pourautant compromettre sa mission première, la protec-tion des réfugiés.

Des fonds supplémentaires seront nécessaires, a-t-ilajouté, en insistant sur les objectifs mis en avant parJan Egeland — prévisibilité, coordination et coopéra-tion. “Nous faisons partie d’une équipe”, a t-il soulignésur ce point qu’ il qualifie de sensible. “Nous sommes

prêts à assumer un rôle pilotedans certains domaines, maisau sein d’une équipe et dansle respect du mandat respectifde chacun. Nous ne feronsrien tous seuls.”

POINTSD’INTERROGATION

Mais l’horizon est en-c o r e f l o u . Le HCR et lesautres organisations humani-taires auront beau répondreavec efficacité aux besoins ju-ridiques et matériels des po-pulations déracinées, la solu-tion ne pourra au bout ducompte être que politique.

“Nous avons négligé cespersonnes trop longtemps”, arécemment réitéré Jan Ege-land. “Nous avons trop sou-vent été l’emplâtre couvrantune blessure que seule une so-lution politique permettra deguérir.”

Le cas de l’Angola corrobore parfaitement cette ana-lyse. Ce pays, où ont été perpétrés des exactions et descrimes innommables contre des civils sans défense,prouve aussi que les crises les plus inextricables peu-vent trouver une issue pour peu que les belligérants ymettent un peu de bonne volonté. Il y a trois ans, l’An-gola était en effet le cauchemar des humanitaires. Mal-gré ses abondantes ressources naturelles — pétrole,pierres précieuses, minerais et terres agricoles — ce payspotentiellement très riche s’était enlisé dans une guerrecivile commencée plus d’un quart de siècle auparavant,au lendemain de son indépendance du Portugal.

L’Angola était officiellement considéré comme lepire pays au monde pour y élever un enfant et où lesjeunes, s’ ils survivaient jusqu’à l’âge adulte, n’auraientpour tout héritage qu’un «vaste paysage de désolation»pour reprendre l’expression d’un fonctionnaire del’ONU à l’époque. “La guerre civile saigne le pays depuissi longtemps que l’on pourrait presque s’y habituer etfinir par penser que les milliers de morts, les 100 000mutilés et les millions de déplacés font partie du quo-tidien”, rapportait-on alors au PAM.

En 2002, le gouvernement et les rebelles signentenfin un accord de paix et les Angolais commencent àrentrer chez eux, certains parcourant à pied des cen-taines, voire des milliers de kilomètres, sans aucune as-sistance, pour reconstruire leurs villages dévastés. Lenombre des retours atteint 900 000 dans la seule an-née 2004, et si le pays est certes encore fragile, la find’un des conflits les plus longs et meurtriers des der-nières décennies incite à un certain optimisme, quoiquemesuré.

L’accord de partage du pouvoir conclu l’année sui-vante en République démocratique du Congo a lui aussientraîné une vague de retours. Le même phénomène esten train de se produire en Somalie, malgré l’absencede gouvernement. A pied, en camion, à bicyclette, enavion ou par bateau, les Libériens rentrent chez eux,tout comme les habitants d’une partie du Soudan et del’Afghanistan. Et surtout, il n’y a pas eu de nouveauconflit majeur en 2004.

Mais ces événements encourageants sont tempéréspar d’autres sources de préoccupation. En effet, les ré-cents déplacements forcés de populations ont été aussinombreux que les retours et quelques pays ont intégréles Principes directeurs dans leur législation nationale.Mais si certains ont accepté, ne serait-ce que théori-quement, l’ idée d’honorer leurs obligations en matièrede droits de l’homme, beaucoup d’autres, nonobstantles pressions internationales, ont défendu le caractèresacro-saint de la souveraineté nationale.

Dans 13 pays au moins, les gouvernements, pour-tant tenus de protéger les citoyens, ont participé acti-vement à des offensives militaires contre ces mêmescitoyens, selon le Global IDP Project du Conseil norvé-gien d’aide aux réfugiés. Dans une vingtaine de pays,quelque 20 millions de civils ont été contraints de vivredans des zones de combat où leur vie était constam-ment menacée. Et que dire des 19 pays en proie à desguerres dont on ignore à peu près tout, et notammentle sort de millions d’ innocents pris en otage ?

Ces situations d’extrême précarité —guerres sansfin, manque d’ information, gouvernements se battantcontre leur propre peuple — ont souligné l’ampleur desdéfis auxquels est confrontée la communauté interna-tionale, en particulier pour le HCR dans sa mission deprotection, même si les principales agences humani-taires sont prêtes à accroître leur aide.

Des gouvernements, qualifiés par le Global IDP Pro-ject de récalcitrants, comme le Myanmar, la Républiquecentrafricaine ou le Népal, accepteront-ils de coopé-rer ? Comment le personnel sur le terrain pourra-t-ilfournir une protection dans des régions où les affron-tements ne cessent de faire rage ? Et comment ce mêmepersonnel pourra-t-il se protéger dans un environne-ment aussi hostile ?

RATTRAPER LE RETARDDennis McNamara, directeur de la divisioninterinstitutions à Genève, pense que, malgré les in-terrogations et les incertitudes, la nouvelle approchede l’aide aux déplacés représente un virage assez ra-dical dans le monde onusien. “Reste maintenant à tra-

PRINCIPALESPOPULATIONS DÉPLACÉES

ASSISTÉES PAR LE HCR

PAY S D É P L A C É S

1. Colombie 2 000000

2. Soudan 662 300

3. Azerbaïdjan 578 500

4. Libéria 531 700

5. Sri Lanka 386 100

6. Fédération de Russie 353 800

7. Bosnie-Herzégovine 327 100

8. Serbie-Monténégro 257700

9. Géorgie 237 500

10. Afghanistan 186 900

11. Côte d’Ivoire 38 000

12. Croatie 12 500

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duire les engagementsen actes concrets sur leterrain.” Il faut évi-demment persuaderles gouvernementsconcernés de coopérer,mais aussi obtenir laparticipation des do-nateurs habituels.Beaucoup disent déjàque les populations dé-placées ont été négli-gées trop longtemps etqu’ il faudra dépenserdes sommes énormespour rattraper ce re-tard — un milliard dedollars par an au basmot.

Les donateurs, quidoivent répondre à dessollicitations de plusen plus nombreusestout en jonglant avecun budget resserré,prouesse désormaistout aussi incontour-nable pour les huma-nitaires, ont parfois été accusés de sélectionner les si-tuations d’urgence à soutenir en priorité. Ainsi, letsunami en Asie, catastrophe hautement médiatisée,a suscité un immense élan de solidarité internatio-nale et un afflux de dons phénoménal tandis que lesvictimes d’autres crises moins télégéniques ont reçupeu d’attention et ont été aidées au compte-gouttes.Certains humanitaires craignent que les activités enfaveur des déplacés ne soient financées par des pré-lèvements sur les opérations déjà en cours au lieu d’unapport de nouveaux fonds.

Walter Kälin, Représentant spécial pour les droitsde l’homme des personnes déplacées, pense que lesdonateurs vont répondre présent à l’appel… à certainesconditions. “J’ai l’ impression qu’ ils sont près à mon-

ter à bord”, confiait-il récemment à l’ issue d’unelongue série de consultations, “mais seulement s’ ilsconstatent que les organisations sont efficaces sur leterrain. Je sais que c’est un peu la quadrature du cercle,car les organisations ne peuvent travailler efficace-

ment que si elles disposent de ressources supplé-mentaires.”

L’ancien Haut Commissaire adjoint Kamel Morjanea fort bien résumé le fond du problème : “Il n’est niéthique ni pratique de distinguer entre les êtres hu-mains selon qu’ ils ont ou non franchi une frontière.Toutes les vies humaines devraient avoir la même va-leur, et celle d’un déplacé est aussi précieuse que celled’un réfugié.”

Après l’appel à la mobilisation lancé par le Secré-taire général de l’ONU à la veille du nouveau millé-naire, le Canberra Times écrivait dans son éditorial :«L’histoire verra-t-elle cette initiative comme un vœupieux ou comme un premier pas courageux vers unnouvel ordre mondial ? De la réponse à cette ques-

tion dépendent la prospérité, le bonheur et peut-êtrela vie de millions d’êtres humains au cours du siècleprochain.»

Plus de cinq ans après, cette interrogation n’a rienperdu de son actualité. �

Au Libéria, ledésarmement desjeunes combattantsacceptant dedéposer leurs armesa été l’un desfacteurs clés duretour à une vienormale pourl’ensemble de lapopulation.

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“Il n’est ni éthique ni pratique de distinguer entreles êtres humains selon qu’ ils ont ou non franchi une frontière.

Toutes les vies humaines devraient avoir LA MÊME VALEUR,et celle d’un DÉPLACÉ est aussi précieuse

que celle d’un RÉFUGIÉ.”

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P A R M A R I J A N A I L I C

es spectateurs applaudissent,le rideau tombe et nous nousengouffrons dans les coulisses. Unjournaliste accompagné d’uncaméraman m’aborde, micro à lamain.

“Bonsoir. C’était formidable.Parlez-nous un peu de vous. Quelâge avez-vous ? Quand et commentavez-vous commencé à faire du

théâtre ? Quels sont vos projets ?”Je le regarde, je regarde le micro, et je pense d’abord à

tout ce que je ne peux lui dire.

Un jour je suis devenu un réfugié. Je croyais pourtantque j’étais un petit garçon comme les autres, et que le jardinde mon enfance serait là aussi longtemps que le soleil selèverait. J’ai vite compris que je m’étais trompé.

Ma vie est une histoire de routes. Celle que j’ai déjàparcourue et celle qui s’ouvre devant moi. La première estencore très présente dans ma mémoire. La seconde seconfond avec mes rêves d’adolescent.

Je me revois sur cette première route, accroché à la mainde ma mère. Il y a beaucoup de gens. Des familles entières, àpied, en voiture, en tracteur, des grands-mères et des bébés.Mais maman et moi nous sommes seuls et nous n’avonsrien. J’avance sur cette route inconnue que ma mère n’acertainement pas choisie, serrant sa main de plus en plusfort tellement j’ai peur. J’ai cinq ans. Maman en a 29, maisj’ai l’ impression que nous sommes tous les deux des enfants.

Derrière nous, il y a des flammes et de la fumée au-dessus de notre village. Je me demande ce qui est arrivé aupingouin en peluche qui dormait toujours avec moi. Le cœur

gros, je pense aux jouets que j’ai dû abandonner. Je suis sifatigué. Où est mon lit ? Combien de temps encore faut-ilmarcher ? Et qu’est ce qui nous attend au bout de cetteroute ?

Quelques jours plus tard, mon oncle a parlé tout bas àma mère. Ce n’était pas très clair pour moi, mais j’aicompris que mon père était mort. C’était comme si le cielm’était tombé sur la tête. Je ne reverrais plus jamais monpapa !

Ma mère écoutait, sans bouger, les yeux baissés. Sa maina failli me lâcher, alors je l’ai serrée encore plus fort. Elle ahoché la tête en silence. Puis mon oncle s’est tu. Il n’avaitplus rien à dire. J’ai levé les yeux vers lui et j’ai compris quec’était aussi un adieu à mon père et la fin d’un rêve. Degrosses larmes ont commencé à couler sur les joues de mamère.

Elle a pleuré pendant des kilomètres et des kilomètres.Au bout de la route il n’y avait personne, on ne savait pas oùaller. On traversait beaucoup de villages, mais aucun n’étaitle nôtre. Et papa ne nous attendait nulle part.

Un jour, alors que nous nous sommes arrêtés pourmanger, j’ai dit à ma mère : “S’il te plaît, maman, ne pleureplus.” Elle m’a caressé doucement la tête. “Je t’aime, monpetit ange”, a t-elle murmuré en m’embrassant. J’ai passémes bras derrière sa nuque, enfoui mon visage dans son cou,et tout est redevenu presque normal. J’avais besoin de si peu !Comme tous les enfants, un rien me rendait heureux.

Qui suis-je?C’est à la fin de cette longue errance que j’ai entendu

pour la première fois le mot «réfugié». Comme c’étaitbizarre d’être défini par un nom que l’on n’avait jamaisentendu auparavant ! Quand est-ce que je suis devenuquelqu’un d’autre ? Lorsque j’ai quitté mon village ?Pendant que je marchais ? A notre arrivée dans le centre

“Le mot résonnait à mes

oreilles comme une malédiction

ou une maladie mortelle”

APPRENDREÀ N’ÊTRE PLUS QU’UN RÉFUGIÉ

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21R É F U G I É S

d’accueil ? Je ne sais pas pourquoi, mais je crois que celas’est passé le jour où mon père est mort.

Nous nous sommes finalement arrêtés quelque part. Mamère trouvait parfois de petits boulots et j’allais à l’écolematernelle. Notre centre recevait beaucoup de visiteurs.Des inconnus venaient nous voir à bord de véhiculesrecouverts de sigles de toutes les couleurs. On les appelaitdes «travailleurs humanitaires».

C’était donc ça, nos nouveaux amis, des gens payés pournous rendre visite ? Des amis professionnels, en quelquesorte. Je me demandais s’ils viendraient aussi à ma fêted’anniversaire avec des cadeaux, et pourquoi pas avec leursenfants, qui pourraient jouer avec moi. Je découvrais uneautre sorte d’amitié, où on n’avait même pas besoin deconnaître nos prénoms.

On nous a donné un poêle pour chauffer notre pièce. Il yavait dessus un sigle avec quelques lettres : HCR. J’ai essayéde les détacher, mais c’était impossible. Alors je les aicopiées dans mon cahier d’écolier.

J’ai demandé à ma mère :“ Pourquoi il y a ça sur le poêle, maman ?— Pour rien, mon fils. Pour nous rappeler que nous

sommes des réfugiés.” Du coup, je n’ai plus voulu de ça dansmon cahier.

A l’école, chaque fois que les autres enfants me traitaientde réfugié, le mot résonnait à mes oreilles comme unemalédiction ou le nom d’une maladie mortelle. D’ailleurs,j’avais souvent l’ impression d’être gravement malade. J’étaishanté par mes souvenirs — les moments passés avec monpère, le jardin de mon enfance — à l’heure où je m’efforçaisde surmonter ma situation de réfugié pour devenir unadolescent comme les autres.

Le pacteUn beau matin, un de nos nouveaux «amis» vint nous

parler d’un programme de prêts à l’ intention des gens quivoulaient se lancer dans une nouvelle activité.

J’ interrogeai ma mère : “Ça t’intéresse ?—Non.—Mais enfin, maman, tu peux essayer !—Non, ce n’est pas pour nous. Tu crois qu’on va me

prêter de l’argent ? Je suis moins que rien, moi ! Uneréfugiée de plus, c’est tout !”

Le dimanche suivant, ma mère m’annonça que le HCRmontait une petite troupe de théâtre et que tous les enfantsâgés de 7 à 16 ans pouvaient s’inscrire. Je continuai deregarder la télé.

“Eh bien, qu’est-ce que tu en penses ? me lança-t-elle.—De quoi ?—De cette troupe, voyons ! Tu pourrais en faire partie.

Cela te ferait du bien.—Non, ce n’est pas mon truc.—Mais tu dois avoir des activités en dehors de l’école. Ce

serait très sain de faire du théâtre.—Peut-être. Mais ce n’est pas pour moi. Je n’ai pas besoin

de ça.”Nos regards se sont croisés. J’ai éteins la télé et je lui ai

dit : “Pourquoi tu n’as pas demandé ce prêt, alors ?—Ce n’est pas la même chose.—Vraiment ? D’accord. Mais ça aussi c’est différent.—Ecoute, tu es jeune. Tu dois te bouger…”Je l’ interrompis. “Ecoute, maman, faisons un pacte. Tu

demandes ce prêt, et je m’inscris.”Elle caressa doucement mes cheveux. Elle souriait si

rarement que j’avais oublié qu’elle en était capable. J’avaispresque oublié que j’avais une aussi jolie maman, avec desyeux aussi tendres, aussi clairs.

Puis elle hocha la tête et dit simplement : “D’accord pourle pacte.” Je me jetai dans ses bras en riant. Comme quandj’avais cinq ans, j’enfouis mon visage dans son cou et je mesentis bien. Comme alors, j’avais besoin de si peu pour êtreheureux ! Je murmurai à son oreille :

“Tu avais peur d’échouer ?”Elle acquiesça en silence. C’était la première fois, depuis

notre arrivée, que je la voyais pleurer.Le soir, avant d’aller au lit, je sortis d’un tiroir une photo

sur laquelle mon père me tenait, maladroitement juché surma première bicyclette. Au dos, ces quelques mots, écrits desa main : “Si tu n’essaies pas, tu ne sauras jamais rouler.”

J’appuyai l’ image contre ma joue et j’appelai ma mère,qui était déjà couchée.

“Maman ?—Oui ?—Rien. Je voulais juste entendre ta voix.”Et te dire que papa avait raison, ajoutai-je pour moi tout

seul.

Dans les coulisses, le journaliste me prend par le bras.“Asseyons-nous là-bas”, dit-il en désignant deux chaisesau fond du couloir. Le caméraman nous emboîte le pas.Une fois installé, je regarde autour de moi. La lampetémoin de la caméra s’allume, et je commence :

“Je suis entré dans la troupe il y a plusieurs années.J’avais alors 10 ans…”

“C’est à la fin de notre longue errance

que j’ai entendu pour la première fois le mot de réfugié.

Comme c’était bizarre d’être défini

par un nom que l’on n’avait jamais entendu auparavant!”

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22 R É F U G I É S

P L A C E A U X I M A G E S

e télescopage des images est à la foisbouleversant et rassurant. Des corps en état dedécomposition échoués sur les plages imma-culées du Yémen, dans le golfe d’Aden, lesmains ligotées derrière le dos. Encore une fois,les pirates et les passeurs n’ont pas fait de quar-tier. Les victimes ? Des personnes désespéréestentant d’échapper au chaos qui règne dans unepartie de la corne de l’Afrique. Elles ne réali-

seront jamais leur rêve de liberté. Mais ailleurs danscette même région si éprouvée, au Sud-Soudan, descentaines de milliers d’hommes et de femmes rega-gnent enfin leurs villages, après des années de guerre.Ils reconstruisent leurs petites maisons et les écoles,aux murs criblés de balles, accueillent de nouveau lerire des enfants.

En Colombie, des adolescents sont assassinés desang-froid par des bandes armées et le conflit interne quiravage le pays depuis des décennies ne montre guèrede signes d’apaisement. Mais, plus au nord, à des milliersde kilomètres de là, dans la ville américaine d’ Utica,deux jeunes filles parlent de leurs projets d’avenir de-vant leur écran d’ordinateur. Pour des millions de dé-racinés, en effet, la vie est une loterie, et elles ont eu lachance de tirer le «bon numéro» : elles ont été admisesà la réinstallation définitive dans un pays tiers. Cettenouvelle vie aux Etats-Unis leur permettra d’oublierles persécutions dont elles ont été victimes dans leurpays en Asie du Sud-Est, le Myanmar. (voir RÉFUGIÉS

n° 138).Dans la région du Darfour, au Soudan, sanglant

théâtre de la plus grande crise humanitaire actuelle, leviol des femmes est devenu monnaie courante, deshommes sont tués sans pitié, certains traînés derrièreun cheval jusqu’à ce que mort s’ensuive. Même lesconvois humanitaires sont attaqués et pillés, car il nereste plus rien d’autre à voler. Deux millions de per-sonnes ont été chassées de chez elles. Mais en Afgha-nistan, où la violence a été tout aussi dévastatrice, plusde 4 millions de civils sont rentrés chez eux depuis fin2001, dont plus de 700 000 en 2005. Ce retour massifconstitue à ce jour l’une des opérations de rapatriementles plus importantes et les plus réussies de l’histoirehumanitaire.

UNE ANNÉE CONTRASTÉECes quelques exemples donnent une idée dece qu’Erika Feller, directrice de la protection interna-tionale au HCR, appelle «une année contrastée». Les

images parlent d’elles mêmes : d’un côté, paroxysmede la violence, abus systématiques des droits del’homme, érosion de la générosité des donateurs tradi-tionnels, et de l’autre, retour massif de populations danscertaines régions et baisse du nombre de demandeursd’asile.

Début 2005, par exemple, le nombre de réfugiés dansle monde était tombé à 9,2 millions, son niveau le plusbas depuis près d’un quart de siècle. Il y avait 839 000 de-mandeurs d’asile dans les grands pays industrialisés, làencore, le chiffre le plus bas en 16 ans. Cette tendance àla baisse a persisté tout au long de l’année.

Outre le retour massif d’Afghans et de Soudanaisdu Sud, d’ importants mouvements de populations ontégalement été observés dans le centre de l’Afrique, enAngola, dans l’ouest du continent et dans certaines ré-gions d’Iraq et du Sri Lanka. Quant aux Balkans, quiont commémoré le 10e anniversaire des Accords depaix de Dayton, plus de 2,5 millions de personnes ontpu regagner leur foyer.

Le Plan d’action de Mexico, signé par vingt pays,constitue sans doute à ce jour l’ instrument opération-nel le plus sophistiqué pour protéger les réfugiés. Sonimpact positif commence à se faire sentir dans les paysd’Amérique latine.

Mais ces événements encourageants sont hélas tem-pérés par des situations de crises qui s’enlisent, à com-mencer par la stagnation du nombre de déplacés, vic-times de conflits à l’ intérieur de leur pays, à 25 millionsde personnes. Pour prendre ce problème à bras le corps,les organisations humanitaires, dont le HCR, ont ré-cemment conclu à la nécessité d’une approche «revueet corrigée» de l’aide internationale, concertée et coor-donnée, à la hauteur de sa gravité (voir page 2).

Qui plus est, les dernières statistiques font état de11 millions d’apatrides — des gens qui n’ont pas de payset sont souvent privés de leurs droits les plus élémen-taires, comme l’éducation et le logement, et qui sontenterrés dans l’anonymat le plus complet.

Quant au chapitre de l’ insécurité, il est loin d’êtreclos. Chaque jour, des millions de réfugiés et de dépla-cés en font les frais — populations déracinées du Sou-dan et de Colombie, boat people en route pour le Yé-men, Africains qui risquent leur vie pour gagnerl’Europe en traversant la Méditerranée ou en bravantdes barbelés pour pénétrer dans les enclaves espagnolesdu continent africain. Même les humanitaires ne sontpas épargnés. Plusieurs nous ont quittés à jamais, no-tamment en Afghanistan et au Soudan.

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“La protection n’est pas un choix mais un devoir hu-manitaire”, avait rappelé Erika Feller aux Etats parti-cipant à la dernière session annuelle du Comité exécu-tif du HCR. Le Haut Commissaire António Guterresavait souligné, lors de la même session, que cette pro-tection était menacée par les discours démagogiquesd’une partie de la classe politique et par des campagnesde presse alarmistes entretenant la psychose et favori-sant la montée de la xénophobie et de l’ intolérance danscertaines régions du globe.

UNE ANNÉE DE SÉISMESDans cet environnement particulièrementcomplexe et volatile, même la terre a tremblé. Par deuxfois. De manière terrifiante. Fin 2004, le long des plagesourlées de cocotiers de l’océan Indien, et fin 2005, dansles montagnes et les hautes vallées himalayennes quiséparent l’Inde du Pakistan. En quelques minutes, cesdeux catastrophes naturelles ont rayé de la carte desmilliers de localités et de villages et bouleversé à jamaisl’existence de millions d’ individus.

La poussée des plaques tectoniques de l’Inde et de laBirmanie qui s’est produite le 26 décembre 2004 dansles abysses de l’océan Indien a déclenché un tsunamide 30 mètres de haut qui a balayé les côtes d’au moins13 pays, faisant quelque 200000 victimes — l’un des plusmeurtriers jamais enregistrés. La terre a tremblé prèsde 10 minutes, alors qu’une secousse normale ne dureque quelques secondes.

Se déplaçant de quelques centimètres, la terre en-tière a vibré et les stations de surveillance l’ont enre-gistré jusqu’en Alaska. L’Indonésie et le Sri Lanka ontété les pays les plus touchés, mais il y a eu des mortsjusqu’à Port Elizabeth, en Afrique du Sud, à quelque8000 km de l’épicentre.

La catastrophe de l’Himalaya a fait quelque 80 000victimes. Des semaines plus tard, avec l’arrivée im-minente de l’hiver et de la neige, les humanitairesétaient encore engagés dans une course contre lamontre pour venir en aide à des rescapés privés d’abriet de nourriture.

Ces deux cataclysmes ont confronté les gouverne-ments et les organisations humanitaires à des défisd’une nouvelle dimension et bien des leçons à tirer.

Ainsi, face à l’ampleur du désastre, le HCR qui d’or-dinaire n’ intervient pas dans les situations de catas-trophes naturelles, a — parallèlement à sa mission enfaveur des réfugiés — répondu à l’urgence en mobili-sant ses équipes sur le terrain et en envoyant dans les

zones sinistrées des articles de secours stockés dans sesentrepôts régionaux.

Pour optimiser et accélérer l’acheminement de l’aideavant les premières chutes de neige dans l’Himalaya,le HCR a organisé un pont aérien en utilisant des avionscargos de l’OTAN prêtés par divers pays, son plus am-bitieux projet de ce type depuis l’opération ayant permisde ravitailler pendant trois ans et demi la capitale bos-niaque de Sarajevo lors des guerres des Balkans au dé-but des années 90.

Paradoxalement, la générosité débordante de la ré-ponse internationale suite au tsunami a eu des effetsnon désirés. Ainsi, quelque 500 ONG se sont précipitéesau Sri Lanka dans un climat de surenchère frénétiquehélas déjà constasté lors de précédentes crises huma-nitaires. La Croix-Rouge a par la suite reproché auxautres organisations de n’avoir pas su coordonner leursopérations.

Les deux séismes ont mis en lumière le caractèrealéatoire et précaire du financement des secours hu-manitaires.

Le tsunami a suscité un extraordinaire élan de soli-darité pour plusieurs raisons : il a été enregistré en di-rect par une kyrielle de photographes et de vidéastesprofessionnels et amateurs, certaines victimes étaientdes touristes de pays riches, et les zones touchées étaientrelativement accessibles. Des milliards de dollars ontafflué dans la région, à telle enseigne que certainesagences ont restitué aux donateurs les fonds non dé-pensés. Oxfam affirme qu’une grande partie de l’aideest allée à de grands propriétaires terriens et non auxvictimes les plus touchées.

Par contraste et malgré des appels de plus en pluspressants et l’approche menaçante de l’hiver, l’aide auxvictimes du tremblement de terre du Pakistan a étéplus restreinte et tardive, et cela pour des raisons in-verses : le monde extérieur n’a guère été exposé auximages de la catastrophe, il n’y avait pas de touristesétrangers dans les parages et les zones les plus sinis-trées étaient très difficiles d’accès.

Conclusion presque unanime : la communauté in-ternationale devrait mieux faire pour aider l’ensembledes déracinés — réfugiés et populations déplacées dansleur propre pays par un conflit interne ou une catas-trophe naturelle. Des stratégies ont été adoptées. Desprojets sont sur la table. L’année à venir nous dira si,au-delà du vœu pieux, les organisations parviendront àconcrétiser leurs paroles en action.

en revue

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LE DÉBUT DE 2005 A ÉTÉ FRAPPÉ DE PLEIN FOUET par les retombées dutsunami qui a balayé les côtes de l’océan Indien. Au Pakistan, un séismetout aussi dévastateur est venu compléter cette année placée sous lesigne des calamités naturelles. Près de 300 000 personnes ont péri aucours de ces deux catastrophes naturelles et des milliers d’autres viesont été réduites à néant. Tout en continuant à aider plus de 19 millionsde personnes déracinées, le HCR a puisé dans ses stocks d’urgence,organisé des vols humanitaires, notamment un pont aérien àdestination du Pakistan en collaboration avec l’OTAN, déployé deséquipes sur le terrain. Un engagement sans précédent pour répondre àla détresse des innombrables victimes de ces cataclysmes.

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FUIR À TOUT PRIX POUR ÉCHAPPER AUX GUERRESOU AUX PERSÉCUTIONS et se mettre en sécuritépeut-être tout aussi dangereux que la violence donton essaye de se protéger. Et le nombre des victimesde ce voyage au bout du désespoir en témoigne,comme ces Somaliens et ces Ethiopiens échoués surles côtes yéménites qui n’arriveront jamais àdestination. Certains parcourent des milliers dekilomètres à travers des régions hostiles, dont cetAfricain à bout de forces au beau milieu du désert.D’autres, quant à eux, risquent leur vie en traversantla mer pour gagner l’Europe.

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L’ANNÉE A ÉTÉ MARQUÉE PAR UN IMPRESSIONNANT CHASSÉ-CROISÉ DE MILLIONS DE RÉFUGIÉS ET DE DÉPLACÉScherchant un havre de sécurité ou regagnant leur foyer à lafaveur d’une paix enfin retrouvée. En Angola, au Libéria, auSoudan, en Iraq et en Afghanistan, beaucoup ont pris le chemindu retour après un long exil. Un grand nombre d’autrespersonnes ont, quant à elles, dû quitter leur pays qui,paradoxalement, accueillait en même temps des compatriotesde retour après avoir fui des conflits précédents, dont leSoudan, la République démocratique du Congo et l’Iraq.

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EN CES TEMPS DEXÉNOPHOBIECROISSANTE,D’INTIMIDATIONPHYSIQUE ET JURIDIQUEet d’abus des droitsfondamentaux despersonnes déracinéesdans plusieurs régions dumonde, le HCR a une foisde plus rappelé que laprotection est un devoiret non un choix. Mais desbarrières continuentd’être érigées : frontièrede l’enclave espagnole deCeuta ; détention dedemandeurs d’asiled’Inde et du Bangladeshen Slovaquie ; campagnecontre les demandeursd’asile dans les grandstitres de la presse àsensation britannique.

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