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La fibrose rétropéritonéale, une maladie inflammatoire méconnue. Observations cliniques et revue de la littérature P. Meier 1,2* , C. Gilabert 3* , M. Burnier 2 et E. Blanc 1,3 1 Division de néphrologie, Département de médecine, Hôpital de Sion ; 2 Division de néphrologie, Centre hospitalier universitaire Vaudois, Lausanne; 3 Service de médecine interne, Département de médecine, Hôpital de Sion/Suisse * P. Meier et C. Gilabert ont participé de manière égale à la récolte et à l’analyse des données ainsi qu’à la rédaction de l’article. mise au point Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003, pp. 173-180 173 Résumé • Summary La fibrose rétropéritonéale (FRP) est une maladie rare dont la présentation et l’évolution clinique sont insidieuses. Son inci- dence plus marquée chez l’homme se situe entre 40 et 60 ans. La FRP se caractérise par un manchon fibreux périaortique englo- bant fréquemment les uretères. Bien qu’elle soit habituellement considérée comme une des causes d’uropathies obstructives, la FRP doit être considérée comme une maladie inflammatoire sys- témique dont les autres manifestations peuvent être une médiastinite, une thyroïdite ou une cholangite sclérosante. Le mode habituel de présentation comporte l’association de dou- leurs abdominales diffuses, d’une insuffisance rénale, d’une ané- mie et d’une vitesse de sédimentation accélérée. Bien que l’échographie abdominale et la scintigraphie rénale présentent un intérêt dans l’évaluation diagnostique générale de la FRP, le CT-scan demeure l’examen radiologique de référence. L’imagerie par résonance magnétique multiplant permet une analyse plus fine de l’étendue de la maladie et de ses rapports anatomiques. La pathogenèse de la FRP demeure mal comprise. D’un point de vue thérapeutique, les stéroïdes sont efficaces bien que l’intro- duction récente du tamoxifène soit une alternative permettant une évolution générale souvent favorable. Mots-clés : Fibrose rétropéritonéale – Revue – Anévrisme de l’aorte – Insuffisance rénale – Corticoïdes – Immunosuppression. Retroperitoneal fibrosis (RF) is a rare disease, typically with an insidious clinical course. The peak incidence is seen in patients 40 to 60 years of age and mostly in man. The characteristic finding in this disease is a periaortic fibrous mass that often surrounds the ureters. Although usually regarded as an obstructive uropa- thy, there has been growing recognition of the condition as a generalized disease. It may have a wide variety of manifestations including mediastinitis, thyroiditis and sclerosing cholangitis. The most common mode of presentation remains abdominal or flank pain with uremia, anemia and a high sedimentation rate. Although ultrasound and renal scintigraphy may contribute to the general evaluation of patients with RF, CT-scanner is the pre- ferred imaging method. The multiplanar imaging capability of magnetic resonance may facilitate assessment of disease extent. The pathogenesis of the disease remains unknown. Steroids and, more recently tamoxifen, appear to be effective in the treatment of the RF. In most instances, RF does not lead to long-term mor- bidity or affect survival. The three cases of RF reported herein illustrate the varied mode of presentation and the response to the treatment. Key words : Retroperitoneal fibrosis – Review – Aortic aneurysm – Renal failure – Steroids – Immunosuppression. Introduction La fibrose rétropéritonéale (FRP) est une cause rare d’insuffi- sance rénale dont l’incidence sur des séries autopsiques demeure inférieure à un cas pour 10 000 patients. 1,2 Néanmoins, la FRP mérite toute l’attention du clinicien en raison de son caractère insidieux et de son évolution irréversible si le diagnostic n’est pas précocement posé, et si le traitement n’est pas aussitôt débuté. La fibrose rétropéritonéale est définie par l’existence d’un man- chon fibreux périaortique qui engaine les structures vasculaires Abréviations FRP : fibrose rétropéritonéale IRM: imagerie par résonance magnétique CT-scanner: tomographie computérisée CRP : protéine C réactive FSI: fibrose systémique multifocale idiopathique LDL : lipoprotéine de faible densité IL : interleukine TGF-β: transforming growth factor β VCAM-1 : vascular cell adhesion molecule 1

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La fibrose rétropéritonéale, une maladie inflammatoire méconnue.Observations cliniques et revue de la littérature

P. Meier1,2*, C. Gilabert3*, M. Burnier2 et E. Blanc1,3

1Division de néphrologie, Département de médecine, Hôpital de Sion;2Division de néphrologie, Centre hospitalier universitaire Vaudois, Lausanne;

3Service de médecine interne, Département de médecine, Hôpital de Sion/Suisse

* P. Meier et C. Gilabert ont participé de manière égale à la récolte et à l’analyse des données ainsi qu’à la rédaction de l’article.

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Néphrologie Vol. 24 n° 4 2003, pp. 173-180 173

Résumé • Summary

La fibrose rétropéritonéale (FRP) est une maladie rare dont laprésentation et l’évolution clinique sont insidieuses. Son inci-dence plus marquée chez l’homme se situe entre 40 et 60 ans.La FRP se caractérise par un manchon fibreux périaortique englo-bant fréquemment les uretères. Bien qu’elle soit habituellementconsidérée comme une des causes d’uropathies obstructives, laFRP doit être considérée comme une maladie inflammatoire sys-témique dont les autres manifestations peuvent être unemédiastinite, une thyroïdite ou une cholangite sclérosante. Lemode habituel de présentation comporte l’association de dou-leurs abdominales diffuses, d’une insuffisance rénale, d’une ané-mie et d’une vitesse de sédimentation accélérée. Bien quel’échographie abdominale et la scintigraphie rénale présententun intérêt dans l’évaluation diagnostique générale de la FRP, leCT-scan demeure l’examen radiologique de référence. L’imageriepar résonance magnétique multiplant permet une analyse plusfine de l’étendue de la maladie et de ses rapports anatomiques.La pathogenèse de la FRP demeure mal comprise. D’un point devue thérapeutique, les stéroïdes sont efficaces bien que l’intro-duction récente du tamoxifène soit une alternative permettantune évolution générale souvent favorable.

Mots-clés : Fibrose rétropéritonéale – Revue – Anévrisme del’aorte – Insuffisance rénale – Corticoïdes – Immunosuppression.

Retroperitoneal fibrosis (RF) is a rare disease, typically with aninsidious clinical course. The peak incidence is seen in patients 40to 60 years of age and mostly in man. The characteristic findingin this disease is a periaortic fibrous mass that often surroundsthe ureters. Although usually regarded as an obstructive uropa-thy, there has been growing recognition of the condition as ageneralized disease. It may have a wide variety of manifestationsincluding mediastinitis, thyroiditis and sclerosing cholangitis. Themost common mode of presentation remains abdominal or flankpain with uremia, anemia and a high sedimentation rate.Although ultrasound and renal scintigraphy may contribute tothe general evaluation of patients with RF, CT-scanner is the pre-ferred imaging method. The multiplanar imaging capability ofmagnetic resonance may facilitate assessment of disease extent.The pathogenesis of the disease remains unknown. Steroids and,more recently tamoxifen, appear to be effective in the treatmentof the RF. In most instances, RF does not lead to long-term mor-bidity or affect survival. The three cases of RF reported hereinillustrate the varied mode of presentation and the response tothe treatment.

Key words: Retroperitoneal fibrosis – Review – Aortic aneurysm –Renal failure – Steroids – Immunosuppression.

� Introduction

La fibrose rétropéritonéale (FRP) est une cause rare d’insuffi-sance rénale dont l’incidence sur des séries autopsiques demeureinférieure à un cas pour 10 000 patients.1,2 Néanmoins, la FRP

mérite toute l’attention du clinicien en raison de son caractèreinsidieux et de son évolution irréversible si le diagnostic n’est pasprécocement posé, et si le traitement n’est pas aussitôt débuté.

La fibrose rétropéritonéale est définie par l’existence d’un man-chon fibreux périaortique qui engaine les structures vasculaires

� Abréviations

FRP : fibrose rétropéritonéale

IRM: imagerie par résonance magnétique

CT-scanner : tomographie computérisée

CRP : protéine C réactive

FSI : fibrose systémique multifocale idiopathique

LDL : lipoprotéine de faible densité

IL : interleukine

TGF-β: transforming growth factor β

VCAM-1: vascular cell adhesion molecule 1

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(veine cave inférieure, aorte et leurs branches) et les uretères, etqui peut conduire à une obstruction des voies urinaires respon-sable de la dysfonction rénale progressive.2-4 Depuis les pre-mières descriptions de FRP par Albarran en 19055 et Ormond en1948,6 plus de 1600 cas ont été rapportés dans la littératuremédicale. Son incidence, largement sous-estimée, est de 1: 200 000si on se limite aux seules manifestations cliniques.7 Toutefois,4,5% des patients opérés pour anévrisme de l’aorte abdominale,présentent un manchon fibreux périaortique pauci-symptoma-tique.8 La prédominance masculine retrouvée (2 :1) est attribuéeà l’incidence plus importante de la maladie athéromateuse aor-tique chez l’homme dès 40 ans. Il ne semble pas y avoir de pré-disposition ethnique ni génétique significative à la survenued’une FRP. Son incidence la plus importante se rencontre dans lapopulation masculine âgée de 40 à 60 ans.1

Le but de cette revue est de présenter, sur la base de troisobservations cliniques et de l’analyse de la littérature, les diffé-rents aspects cliniques, radiologiques, pathologiques et théra-peutiques de la FRP.

� Observation 1

Une patiente de 48 ans sans antécédent médico-chirurgicalnotable, est hospitalisée en raison d’une baisse de l’état généralavec une perte pondérale de 5 kilos en trois mois, une asthénieprogressive, et l’apparition d’une dysurie et d’une pollakiurieinhabituelles en l’absence d’infection urinaire. La patiente nementionne aucune prise médicamenteuse suspecte, n’est ni dia-bétique, ni hypertendue. Elle note depuis quelques semaines unediminution de la diurèse et l’apparition d’œdèmes des membresinférieurs. L’examen clinique confirme la présence d’œdèmespérimaléolaires non inflammatoires. Le reste de l’examendemeure sans particularité. Les investigations biologiques révè-lent un taux d’hémoglobine (Hb) à 11,4 g/dL (N: 13,3-17,7 g/dL),un compte thrombocytaire (Thr) à 389 G/L (N: 250-350 G/L)en l’absence de leucocytose, une créatininémie à 258 µmol/L(70 µmol/L, un mois auparavant) et une valeur de la protéine Créactive (CRP) à 102 mg/L (N < 2 mg/L). L’examen urinaire pré-sente 1+ de protéine associée à une microhématurie quantifiéeà 3 x 104/L. L’échographie rénale met en évidence une hydroné-phrose bilatérale accompagnée d’une dilatation des deux ure-tères dans leur tiers proximal sans autre anomalie. Le niveau ainsique la cause de l’obstacle ne sont pas visualisés. Une cystoscopieet une urographie intraveineuse sont pratiquées. Cette dernièreconfirme la présence d’une dilatation pyélocalicielle bilatéraleavec obstruction haute des uretères. Un CT-scanner avec injec-tion de produit de contraste iodé révèle l’existence d’un man-chon fibreux rétropéritonéal englobant l’aorte, la veine caveinférieure et les uretères proximaux. Une ponction-biopsie à l’ai-guille de la masse sous contrôle scanographique est pratiquée.

L’analyse histologique confirme la prolifération fibreuse enl’absence de cellule maligne. Après exclusion des diverses étiolo-gies habituelles, le diagnostic de FRP idiopathique est proposé.Deux sondes de néphrostomie percutanée sont implantées etmaintenues durant quatre semaines permettant un retour enquelques jours du taux de créatininémie aux valeurs antérieures(68 µmol/L). Une corticothérapie rapidement introduite (0,5mg/kg/j) est poursuivie durant six mois permettant une régres-sion du syndrome inflammatoire biologique (Hb: 13,1 g/dL ; Thr :

289 G/L ; CRP : 5 mg/L) et de la masse fibreuse (contrôle scano-graphique). La symptomatologie générale s’est améliorée enquelques semaines avec disparition des manifestations urinairescliniques et biologiques (disparition de l’hématurie).

� Observation 2

Un patient de 53 ans, tabagique (50 paquets/an), est hospita-lisé en raison de sueurs nocturnes accompagnées d’une fatigueinhabituelle depuis plusieurs semaines en l’absence de symp-tômes respiratoires inhabituels. Il note une perte pondérale de4 kilos en deux mois. Hormis un amaigrissement (poids de58 Kg pour 168 cm) et une expiration prolongée à l’auscultationpulmonaire, le reste de l’examen clinique est sans particularité.Les analyses de laboratoire présentent une vitesse de sédimenta-tion (VS) accélérée à 103 mm la première heure, une CRP à 31mg/L, un taux d’hémoglobine à 11,1 g/dL, une créatininémie à137 µmol/L (valeurs habituelles de créatininémie: 78 µmol/L), uneélectrophorèse des protéines sériques et urinaires sans anomaliesi ce n’est la présence du syndrome inflammatoire biologique.L’examen des voies urinaires par échographie met en évidenceune dilatation modérée des cavités pyélocalicielles prédominant àdroite associée à la présence de plusieurs amas ganglionnaires. LeCT-scanner abdomino-pelvien injecté confirme la présence de cesamas ganglionnaires pathologiques périaortiques ainsi que celled’une hépato-splénomégalie. Il révèle la présence d’un manchontissulaire engainant l’aorte et la veine cave inférieure sténosée etpartiellement thrombosée jusqu’aux veines iliaques à l’exclusiondes veines rénales avec une attraction des uretères sur la lignemédiane. L’examen histologique ganglionnaire après prélève-ment chirurgical confirme le diagnostic de lymphome malin nonhodgkinien de bas degré de malignité associé à une réactionfibrosante responsable d’une FRP.

Un traitement associant une polychimiothérapie type CHOP,une irradiation locale et une anticoagulation permet une améliora-tion sensible de l’état général et des symptômes liés au lymphome.Après un mois de traitement, l’imagerie par scanner montre unerégression significative des masses ganglionnaires abdominalesavec au troisième mois, une disparition de la gaine fibreuse décriteet de la thrombose des veines iliaques. Le syndrome inflammatoirebiologique régresse conjointement avec un taux d’hémoglobinequi s’élève à 12,9 g/dL, la VS qui est de 10 mm la première heureet une valeur de CRP qui diminue à 6 mg/L. La fonction rénales’améliore progressivement en quelques semaines (créatininémie:74 µmol/L) après une décompensation aiguë d’origine fonction-nelle (déshydratation et diarrhée sur mucite).

� Observation 3

Un patient âgé de 75 ans est hospitalisé en raison de vomisse-ments post-prandiaux accompagnés de diarrhées aqueusesdepuis six semaines. Cet homme, tabagique à 70 paquets/année,ancien mineur souffrant de silicose pulmonaire et de polyarthroseest traité par diclofénac et acide méfénamique depuis de nom-breuses années. A l’examen clinique, on note une franche altéra-tion de l’état général et l’absence de pouls distaux aux membres

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inférieurs. La tension artérielle est de 115/70 mmHg. A l’ausculta-tion pulmonaire on note un expirium prolongé et des sibilancesdiffuses. Les examens de laboratoire révèlent une vitesse de sédi-mentation accélérée à 82 mm la première heure, une CRP à45 mg/L, un taux d’hémoglobine à 10,7 g/dL, une kaliémie à6,6 mmol/L, une phosphorémie à 3,26 mmol/L, une créatininé-mie à 1224 µmol/L et une urémie à 36 mmol/L. L’électrophorèsedes protéines sériques présente un profil inflammatoire sans pic.Les divers marqueurs tumoraux effectués sont négatifs ou dansles intervalles de références. L’échographie abdominale met enévidence deux reins de taille normale avec une dilatation pyélo-calicielle bilatérale. Il est noté la présence d’une masse rétropéri-tonéale lombaire de 5 cm de diamètre. L’aorte sous-rénale estfortement dilatée. Le CT-scanner abdominal confirme la dilata-tion pyélocalicielle ainsi que la présence d’un manchon tissulairepériaortique engainant la veine cave inférieure et les uretères.L’aorte sous-rénale est anévrismale (6,2 cm de diamètre).

Le diagnostic de FRP d’origine vasculaire (anévrisme aortique)est posé. Les séances d’hémodialyse sont débutées, deux sondesurétérales sont placées (maintien de six semaines) avec une évo-lution néphrologique rapidement favorable. Dans un secondtemps, une cure chirurgicale de l’anévrisme est pratiquée sanscomplication. L’examen histologique de la masse fibreuse ne pré-sente aucun signe de malignité. L’évolution clinique et biolo-gique à douze mois est bonne: Hb: 13,8 g/dL avec une fonctionrénale satisfaisante : créatininémie: 84 µmol/L ; urée: 6 mmol/L ;kaliémie : 3,8 mmol/L ; phosphore plasmatique: 1,01 mmol/L, etdisparition du syndrome inflammatoire : VS : 8 mm la premièreheure; CRP : 8 mg/L).

� Discussion

� Présentation clinique et diagnostic

Comme présentées dans ces trois observations cliniques, lesmanifestations de la FRP sont très variables.2 La présentationclassique est la survenue de vagues douleurs abdominales irra-diant parfois vers la région périombilicale. Ces douleurs sontassociées à des signes généraux et à des troubles digestifs aspé-cifiques résumés dans le tableau I. Malgré l’existence d’une com-pression extrinsèque habituelle des uretères, la survenue decolique néphrétique demeure rare, le processus fibrosant étantprogressif. L’examen clinique est rarement contributif. La palpa-tion d’une masse abdominale ou rectale (masse indolore, parfoispulsatile) n’est retrouvée que dans 5%-10% des patients, toutcomme la présence d’œdèmes des membres inférieurs ou dethrombophlébites profondes.9 En l’absence de symptôme et designe clinique sensible ou spécifique, le délai médian écouléentre les premières manifestations et le diagnostic de FRP est dequatre mois.10,11 A un stade plus avancé, les manifestations sontcelles d’une invasion par la fibrosclérose des diverses structuresrétropéritonéales, abdominales, pelviennes ou thoraciques.12

Les analyses biologiques révèlent un syndrome inflammatoire(vitesse de sédimentation accélérée et CRP augmentée) dans70% des cas.8,10 Une anémie normochrome normocytaire, uneleucocytose, une thrombocytose, une hypergammaglobulinémiepolyclonale, ainsi que la présence (faux positifs) d’auto-anti-corps(anticorps anti-nucléaires, facteur rhumatoïde, anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles) peuvent également

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* D’après 2,7,9.

Tableau I: Présentation clinique de la fibrose rétropéritonéale.*

Habituelle Occasionnelle Rare

Stade initial

• Douleurs dorsolombaires • Nausées et vomissements • Œdèmes des membres inférieurs

• Douleurs des flancs • Douleurs testiculaires • Claudications intermittentes

• Douleurs abdominales • Nycthurie • Livedo

• Troubles du transit digestif • Oligo-anurie • Phénomène de Raynaud

• Symptômes et signes généraux • Symptômes et signes généraux • Polyurie

– Baisse de l’état général – Malaise • Hématurie

– Fièvre – Perte pondérale • Diabète insipide néphrogène

– Asthénie • Syndrome néphrotique

Stade avancé

• Douleurs abdomino-pelviennes • Masse abdominale • Thrombose de la veine cave/iliocave

• Anurie • Masse pelvienne • Varices

• Hypertension artérielle • Ischémie des membres inférieurs • Masse testiculaire

• Anorexie, nausée, vomissement • Œdème des membres inférieurs • Ischémie testiculaire

• Amaigrissement • Hydrocèle

• Altération considérable de l’état général • Impuissance

• Ictère

• Hypertension portale

• Rectorragies

• Syndrome de la veine cave supérieure

• Toux irritative

• Hémoptysie

• Epanchement pleural ou péricardique

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être retrouvés. Une insuffisance rénale avancée (créatininémie >300 µmol/l) se rencontre dans plus de 50% des cas lors de ladécouverte de la FRP.10,11 Le bilan biologique hépatique est fré-quemment perturbé et certains marqueurs tumoraux peuventêtre faussement positifs (CA 125, CEA).

Les investigations radiologiques sont une aide précieuse àl’établissement du diagnostic de FRP. L’imagerie classique estfournie par l’urographie intraveineuse. Elle comporte la triadehabituelle associant une hydro-urétéronéphrose (20%-70%),une déviation médiane des uretères et une compression extrin-sèque de ces dernières.12 La cavographie précise l’extension vei-neuse iliaque et cave de la fibrose dont la fréquence respectiveest de 55% et 40%.9 L’ultrasonographie couplée à l’imageriedoppler permet dans certains cas la mise en évidence d’unemasse bien délimitée hyperéchogène avasculaire en contactétroit avec les gros vaisseaux abdominaux. L’apport de techniqueradiologique de haute résolution par CT-scanner et plus récem-ment par imagerie par résonance magnétique (IRM) ont permisl’analyse fine des caractéristiques du manchon fibreux périaor-tique et de ses rapports anatomiques (fig. 1).13-15 Le CT-scannerdemeure la méthode radiologique de référence dans l’établisse-ment du diagnostic.16,17 Les représentations sans injection deproduit de contraste sont toutefois variables. Elles peuventprendre l’aspect d’une masse de tissu fibreux de densité homo-gène, bien délimitée, enserrant les gros vaisseaux et les uretères.Dans d’autres circonstances, les images de FRP ont un aspect demasses tissulaires de densité inhomogène, aux contours plusirréguliers ouvrant le diagnostic différentiel des tumeurs rétropé-ritonéales primitives et des lymphomes. Dans les formes asymé-triques, le diagnostic scanographique de FRP est rendu encoreplus difficile par son coefficient d’atténuation proche de celuides muscles voisins. Pour augmenter la sensibilité du CT-scanner,

l’injection de produit de contraste iodé permet dans certains casun rehaussement des zones inflammatoires plus richement vas-cularisées et une meilleure différenciation des rapports anato-miques. Le bénéfice du CT-scanner injecté dépend toutefois dutype histologique et du stade de la FRP.17 Par ailleurs les formesde FRP paranéoplasiques ne se différencient que difficilementdes formes non tumorales.

L’IRM bien que moins accessible apporte quelques avantagessupplémentaires puisqu’elle analyse et reproduit plus finementles différents signaux des tissus mous. Elle permet l’acquisitiond’images dans de nombreux plans, et l’injection de produit decontraste à base de gadolinium est sensiblement moins néphro-toxique que les dérivés iodés employés dans le CT-scanner. Ellepermet enfin de différencier les FRP malignes des formes nontumorales.17 La scintigraphie rénale (néphrogramme isotopique)apporte un élément fonctionnel complémentaire à l’analyse étio-logique de l’insuffisance rénale au cours de la FRP.

Bien que préconisée par certains auteurs afin de confirmerl’existence histologique de la fibrose et de justifier son traitement,la biopsie possède un rendement variable.18,19 Pour certaineséquipes chirurgicales, seules de multiples biopsies profondes per-mettent de confirmer le diagnostic de FRP et d’en exclure l’originemaligne. Dans la pratique quotidienne, toutefois, seuls 50% despatients présentant une FRP sont biopsiés. L’ensemble du tableauclinique, des résultats biologiques et l’importante contributiondes nouvelles technologies radiologiques permettent dans la plu-part des cas l’introduction d’un traitement en l’absence de biop-sie dont le geste invasif n’est pas dénué de risque. De plus, laconfirmation d’une FRP comme seule indication à la biopsiedemeure rare, mais devrait par contre être maintenue si un doutediagnostique persiste ou si une étiologie oncologique est suspec-tée. De plus, la description histologique du fragment prélevé nereflète pas toujours l’ensemble des lésions existantes et ne préditpas la réponse au traitement.20 En l’absence de consensus, l’indi-cation à la biopsie doit être individualisée. Si elle doit être prati-quée, un abord laparoscopique devrait être privilégié.

� Anatomopathologie

La transformation progressive du tissu rétropéritonéal en unmanchon fibreux et rétractile caractérise la FRP quelle que soitson origine.20-22 L’étude macroscopique présente une gainefibreuse blanc nacré ou grise, adhérente au péritoine pariétalpostérieur, dure, plus ou moins épaisse (0,5 à 8 cm) enveloppantl’aorte abdominale, la veine cave inférieure, les deux uretères etpeut s’étendre en direction des hiles rénaux. Les muscles psoassont par contre plus rarement concernés. Toutes les structuresanatomiques peuvent être touchées, qu’il s’agisse d’élémentsrétropéritonéaux, abdomino-pelviens ou médiastino-thoraciques.23-34

De plus, il existe des formes localisées touchant ponctuellementles vaisseaux iliaques communs ou plus rarement les troncs del’artère mésentérique. L’analyse microscopique (fig. 2 a, b) révèleinitialement un processus inflammatoire comprenant une proli-fération lymphoplasmocytaire associée à des monocytes et àquelques polynucléaires éosinophiles et neutrophiles. L’infiltratlymphocytaire et de nature polyclonale, composé de lympho-cytes B et T avec une prédominance de la sous-populationCD4+. A ces lésions non spécifiques s’associent des cellulestumorales lorsque la FRP est d’origine néoplasique (observation 2).On distingue parfois la présence d’histiocytes chargés ou non delipides, de cellules géantes multinucléées et de granulomes périar-

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Fig. 1: Imagerie abdominale par résonance magnétique pondéréeen T1 rehaussée par injection de sel de gadolinium d’une FRP avecune gaine fibreuse périvasculaire (flèches). A noter une hydroné-phrose bilatérale (astérisque *) avec atrophie du rein droit.A: aorte; VCI: veine cave inférieure; K : kyste rénal; R : rachis; P : muscle psoas.

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tériolaires. L’évolution se fait vers la formation d’une structureacellulaire formée de travée de collagène parfois calcifiée.34-36 Enimmunofluorescence, on observe la présence diffuse de dépôtsd’IgG (plaques aortiques athéromateuses, manchon fibreux). Dixpour cent des FRP présentent une histologie franche de vascularitedu manchon sans forme systémique associant un infiltrat lympho-cytaire à des nécroses fibrinoïdes. Cette forme localisée de vascula-rite atteint les artères de petit et moyen calibre.

� Etiologie

Dans la grande majorité des cas, la FRP est primitive (observa-tion 1).10 Les formes secondaires dont les étiologies nombreusesdoivent être recherchées (tableau IIa) ne représentent, selon lesséries, que 20% à 30% des cas. Depuis l’étude de Koep et

coll.,10 où près de 68% des FRP étaient idiopathiques, unnombre croissant de FRP isolées ou associées à des maladies desystème ont été rapportées (tableau IIb).21,22,33,37

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Fig. 2 : Aspects anatomopathologiques.a: Fibrose rétropéritonéale (vue générale). Travées fibreuses avas-culaires séparées par des plages de cellules inflammatoires non spé-cifiques. Hématoxyline-éosine (agrandissement x 150).b: Foyer d’infiltrat inflammatoire mononucléé (détail de la fig. 2 a)sans signe de malignité, non granulomateux, sans œdème ni nécrosefibrinoïde. Hématoxyline-éosine (agrandissement x 350).

A

B

Tableau IIa : Principales étiologies de la fibrose rétropéritonéale*.

Idiopathique 70% des cas

Secondaire 30% des cas

Néoplasie • Métastases rétropéritonéales

• Tumeurs rétropéritonéales(voies urinaires, lymphomes, etc.)

• Tumeur carcinoïde

Traumatisme rétropéritonéal • Hémorragie

• Entérité régionale

• Diverticulite perforée

• Appendicite

• Extravasation urinaire

• Irradiation

• Opération

• Iatrogène

Agents infectieux • Infection du tractus urogénital

• Histoplasmose

Médicaments • Méthysergide

• Ergotamine

• Méthyldopa

• Hydralazine

• Bêta-bloqueurs?

Divers • Vascularites

• Panniculite de Weber-Christian

• Panniculite mésentérique

• Fibrosclérose

Tableau IIb : Patholgies associées aux fibroses rétropéritonéales*.

* Adapté d’après 11.

Maladies fibrosantes • Pseudotumaire orbitaire

• Thyroïdite de Riedel

• Cholangite sclérosante

• Fibrose pulmonaire

• Pseudotumeur du pancréas

Maladies du collagène • Périartérite nécrosanteet vascularites • Maladie de Horton

• Artérite de Takayasu

• Sclérodermie

• Lupus érythémateux disséminé

• Syndrome de Sjörgen

• Spondylarthrite

Maladies granulomateuses • Sarcoïdose

• Cirrhose biliaire primitive

Autres • Uvéite

• Glomérulonéphrite extramembraneuse

• Syndrome d’hyperéosinophilie

• Drépanocytose

• Syndrome de Marfan

• Cryoglobulinémie

* Adapté d’après 33.

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L’origine néoplasique est devenue sensiblement moins fré-quente (10-25%) en raison des progrès réalisés dans le diagnos-tic oncologique précoce. Elle comporte essentiellement les lym-phomes malins comme décrit dans la deuxième observation,38

les sarcomes,39 les tumeurs des voies excrétrices urinaires40 et lestumeurs primitives de l’espace rétropéritonéal.41 Dans plus de lamoitié des cas, la FRP est liée à la récidive d’un cancer connu oude l’extension d’une tumeur existante.42 Les tumeurs métasta-tiques les plus fréquemment retrouvées sont les cancers du sein,de l’estomac, de la prostate, et du col utérin.

La FRP peut représenter une manifestation locale rare d’unemaladie infectieuse chronique comme la tuberculose ou l’histo-plasmose. Il a été décrit l’existence de FRP dans certaines mala-dies inflammatoires systémiques comme le lupus érythémateuxdisséminé,32 la sclérodermie,31 la panartérite noueuse,43 la spon-dylite ankylosante,44 la granulomatose de Wegener, la maladiede Crohn ou d’autres maladies du collagène.45

L’incrimination de médicaments comme le méthysergide, l’er-gotamine, la bromocriptine, les amphétamines, l’hydralazine, laméthyldopa, l’halopéridol et la phénacétine a été rapportée.46-50

Le rôle des bêta-bloqueurs dans la genèse de la FRP est sujet àcontroverses et n’a pas été confirmé.51

Près de 15% des FRP dites idiopathiques ont un caractèreplus agressif et étendu (rétropéritonéale, périaortique, mésenté-rique, médiastinale et cervicocéphalique). Ces formes particu-lières ont fait l’objet d’études approfondies permettant d’évo-quer l’existence d’une fibrose systémique multifocale idiopathique(FSI) d’allure le plus souvent sporadique33 pouvant s’associer àdes pathologies thyroïdiennes.34,35

Les FRP d’origine vasculaire (périaortique ou anévrismale)rejoignent les fibroses idiopathiques par leur mécanisme. Cinq à10% des anévrismes de l’aorte abdominale opérés sont compli-qués de FRP dont 40% se manifestent par des signes urinaires.9,52

� Pathogénie

La pathogénie des fibroses dites « idiopathiques» ou «périaor-tiques» reste très hypothétique. En particulier, la nature deslésions à l’origine de la réaction immunologique pourrait être,selon certains auteurs, la plaque d’athérome.23 En effet, comme lemontre la troisième observation clinique, le patient présentait unemaladie athéromateuse diffuse avec un anévrisme de l’aorte sous-rénale accompagné d’une réaction inflammatoire et fibreuse dontles rapports histologiques étroits avec la paroi aortique illustrecette hypothèse. Cependant, l’athérosclérose seule n’explique pasl’ensemble des cas de FRP. Les candidats impliqués dans le proces-sus inflammatoire sont les lipoprotéines de faible densité (LDL)oxydées, les céroïdes (complexes protéiques et de LDL oxydées),les immunoglobulines de type IgG rencontrées aux abords desplaques athéromateuses ulcérées, et certaines cytokines (interleu-kine (IL)-1, IL-2, IL-4, IL-6, récepteur à l’IL-2 et interféron gamma).24-30

La libération de céroïdes, lors de rupture de plaques athéroma-teuses et leur migration dans le tissu adventitiel et périaortiqueprovoquent une forte réaction inflammatoire liée à la libération decytokines et de facteurs pro-fibrosants (transforming growth fac-tor [TGF-β]). Cette réaction aboutit à une inflammation de la paroiartérielle responsable dans un second temps de la fibrose périvas-culaire (fig. 3). La responsabilité de certains traitements aux pro-priétés vasoactives comme le méthysergide, l’hydralazine et les

alcaloïdes dérivés de l’ergot de seigle, dans le développement deFRP s’est également appuyée sur une réaction pariétale aortiqued’ordre immunologique.36 Les études immunocytochimiques ontconfirmé la présence de marqueurs d’activation endothéliale (E-sélectine) et d’adhésion (vascular cell adhesion molecule [VCAM] -1) dans la paroi des anévrismes inflammatoires.37

� Traitement

Comme décrit dans la troisième observation, le traitementchirurgical est indiqué en cas de FRP associée à un anévrismeaortique.52,53 Dans certains cas la combinaison d’une chirurgievasculaire et urologique (urétérolyse, microchirurgie, endopro-thèse) peut s’avérer nécessaire.54

Le traitement médical de la FRP a longtemps été source decontroverses en raison de la rareté de l’affection, de l’absenced’étude contrôlée et de recommandations officielles. Le schémathérapeutique généralement proposé comprend une corticothé-rapie de 0,5 à 1,0 mg/kg/j de prednisone durant une à deuxsemaines (observation 1). Cette dose est ensuite réduite de50%, puis diminuée progressivement sur deux à trois mois jus-qu’à 10 mg/j (traitement d’entretien). En règle générale, le traite-ment est poursuivi six à douze mois mais peut se prolonger jus-qu’à deux ans.8,55-57 Les critères de réponse au traitementcomprennent la diminution ou la disparition des signes et dessymptômes, une diminution significative des marqueurs biolo-giques inflammatoires, la levée de l’obstacle urinaire s’il existe etl’amélioration de la fonction rénale. Une imagerie par CT-scan-ner ou IRM peut être répétée six à huit semaines après le débutdu traitement. Les résistances au traitement bien que rares exis-tent. Dans ces formes, l’association d’immunosuppresseurs telsque l’azathioprine, le méthotrexate ou le cyclophosphamide aété proposée avec un certain succès.58-60

La récidive souvent tardive (> 10 ans) impose la reprise dutraitement corticoïde ou l’accroissement de ses doses.

Récemment, certains auteurs ont mis en évidence le bénéficeapporté par le tamoxifène dans le traitement de la FRP.61,62 Sonmode d’action s’explique par une inhibition de l’oxydation des

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Réponse inflammatoire immune locale aux céroïdes

Infiltration inflammatoire chronique

Lymphocytes B et T Macrophages Plasmocytes Eosinophiles

Cytokines et Facteurs de croissance IL-1, IL-2, IL-4, IL-6, IFNγ, PDGF, GM-CSF

Prolifération fibroblastique

Fibrose

Fig. 3 : Hypothèse actuelle de la physiopathogénie de la FRP. IL : interleukine; IFN: interféron; PDGF: platelet derived growth factor;GM-CSF: granulocyte monocyte colony stimulating factor.

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lipoprotéines ainsi qu’un blocage de la synthèse du TGF-β et del’epidermal growth factor responsables de la réponse inflamma-toire et de la croissance fibroblastique. Or si la FRP est uneréponse immune aux céroïdes, l’inhibition de leur synthèse pour-rait permettre un bénéfice clinique. En raison de l’absence d’ef-fets secondaires majeurs, le tamoxifène peut représenter unealternative thérapeutique séduisante. Les doses employées sontde 10 mg deux fois par jour.

Signalons l’existence d’une observation mentionnant l’effica-cité du mycophénolate mofétil associé aux corticoïdes dans letraitement d’une FRP.63

Les patients présentant une FRP associée à un anévrisme del’aorte abdominale doivent être considérés séparément. Cetteassociation doit être prise au sérieux car la présence d’un man-chon fibreux périaortique ne diminue pas le risque de ruptureanévrismale et dans ces situations l’introduction d’une corticothé-rapie préopératoire en augmente même le risque.9 Le traitementde choix demeure la cure de l’anévrisme qui permet dans près de75% une rémission spontanée de la fibrose (observation 3). Tou-tefois ce geste chirurgical indispensable au maintien de l’intégritévasculaire peut dans 10% des situations, aggraver la FRP quirépond alors à la corticothérapie.

� Pronostic

Comme l’illustrent les trois observations cliniques, le pronos-tic des patients avec FRP est en général bon (tableau III) avec unesurvie à dix ans de plus de 70%.53,64,65 La plupart des décès sontattribués aux complications athéroscléreuses plutôt qu’à cellesde la FRP.

� Conclusion

En conclusion, la FRP est une maladie inflammatoire rare quiconduit en l’absence de traitement à son extension rétropérito-néale. La majorité des formes sont idiopathiques et représententune maladie fibrosante systémique dont la pathogénie est uneréponse immune à la plaque athéromateuse. Les signes et symp-

tômes cliniques sont peu spécifiques nécessitant l’aide diagnos-tique de l’imagerie fine. Le traitement doit être adapté à l’étiolo-gie et comporte principalement la corticothérapie et la chirurgie.L’emploi d’une immunosuppression ou plus récemment dutamoxifène peut dans certaines situations être nécessaire. Lepronostic est généralement bon avec toutefois la possibilité derécidives tardives imposant une surveillance clinique, biologiqueet radiologique prolongée.

Adresse de correspondance:

Dr Pascal MeierDivision de néphrologieCentre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)CH-1011 LausanneE-mail : [email protected]

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Tableau III : Evolution de la fibrose rétropéritonéale en fonction desstratégies thérapeutiques*.

Prednisone seule (n = 21)

• Excellente 16

• Améliorée 4

• Aggravée 1

Chirurgie seule (n = 79)

• Excellente 17

• Améliorée 37

• Aggravée 25

Chirurgie et prednisone (n = 50)

• Excellente 25

• Améliorée 15

• Aggravée 10

n

* D’après65. Article de revue d’études rétrospectives de 430 cas de fibroserétropéritonéale.

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Date de soumission : mars 2002 Date d’acceptation : février 2003

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