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La FABULISTE SOIREE du LIVRE VII De Jean De La Fontaine Dossier Pédagogique Lycées

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La FABULISTE SOIREEdu LIVRE VII

De Jean De La Fontaine

Dossier PédagogiqueLycées

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La fabuliste soirée du livre VII LYCEES

Le livre VII est le premier du second recueil de La Fontaine et le fabuliste a présenté en 1671 des fables destinées au second recueil qui ne paraitra qu’en 1678. Nous avons saisi l’opportunité de cette situation pour imaginer une soirée organisée par Mme de Grignan qui était, à l’instar de sa mère Mme de Sévigné, une grande admiratrice de l’auteur des « Animaux malades de la Peste ».

Le livre VII contient des textes qui s’insèrent idéalement dans l’objet d’étude concernant l’argumentation : les personnages ne cessent pendant toute la pièce de se convaincre, se persuader et délibérer. A propos des textes et des problématiques qu’ils offrent mais aussi plus généralement sur des débats qui ont traversé le classicisme et demeurent prégnants des siècles plus tard.

Le premier de ces questionnements concerne l’écrivain lui-même : une vraie problématique ! Celle que pose la personnalité du fabuliste « homme des Lumières avant l’heure » pour les uns et » courtisan aux serviles courbettes » pour les autres, présenté parfois comme un « poète génial » parfois comme un « pilleur d’idées sans scrupule ». La pièce montre toutes les facettes du personnage.

Les autres sujets abordés sont très riches et offrent aux professeurs des pistes que d’ailleurs un dossier pédagogique avec choix de textes et propositions de commentaires complète judicieusement. Ainsi sont évoqués le statut de la femme au XVII, la querelle des anciens et des modernes, le statut de l’écrivain, la censure, le rôle des salons etc…

Les contemporains de La Fontaine ne sont pas oubliés : on évoque ou on cite des personnages comme Mme de Sévigné, Molière, La Rochefoucault Louis XIV, Racine etc …ou des modes de vie comme la mouche. Bon nombre de spectateurs ont relevé l’érudition d’un texte que le jeu des comédiens qui vont jusqu’à copier l’allure des aristocrates de l’époque parvient à faire comprendre du plus grand nombre.

Plus que toutes ces remarques, la bonne humeur que procurent les fables est présent : « Une fête ! Le rire est toujours présent mais aussi le bonheur dans ce qui appartient souvent au spectacle interactif. »

En conclusion, ce spectacle rend plus aisée l’exploitation des textes mais leur donne une vie qui les fait aimer par les élèves.

Les fables du livre VII retenues sont Deux coqs/ le héron / Perrette et le Pot au lait/ Les Animaux malades de la Peste / La Fille / la cour du Lion / Curé et le Mort/ Le chat, la belette et le petit lapin./ Le coche et la mouche.

Vous trouverez dans ce dossier des notes, un questionnaire sur le spectacle lui-même et des pistes sur des commentaires des fables. Nous souhaitons que cet ensemble de données puisse vous être utile. Sachez que nous sommes désireux de connaître vos avis qui nous aiderons à mieux répondre aux désirs de tous.

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Notes de complément au texte …

que voudront bien pardonner les érudits qui n’en avaient nul besoin

Jacquotte, comme sa maitresse, admire La Fontaine mais elle a été déçue par quelques fables sur les femmes et en particulier par « La Fille » où elle se reconnaît : c’est là la raison de sa réticence à le rencontrer.

Mme de Grignan est la fille de l’écrivaine Mme de Sévigné dont les lettres sont passées à la postérité.

« La Princesse de Clèves » est l’héroïne d’un roman célèbre du 17 ème de Mme de la Fayette qui raconte les amours de ce personnage avec le duc de Nemours.

Les maximes de La Rochefoucault sont très connues à l’époque : La Fontaine se livre à un jeu de mots entre le nom de la ville de La Rochefoucault et l’écrivain.

La pièce « Tartuffe » de Molière fut interdite malgré les changements que celui-ci apporta au texte : la censure pourrait toucher le fabuliste.

Arnolphe est le malheureux héros de « L’école des femmes » : il veut épouser une jeune fille, sa pupille, qu’il vient de sortir du couvent.

Le serment d’Hippocrate, qui date de l’antiquité, est l’engagement que prend tout jeune médecin.

A cette époque, la querelle entre les anciens et les modernes est vivace. La Fontaine attaque les modernes que comprend mieux Mme de Grignan.

Dans la liste des invités, il y a l’auteure d’un traité sur les mouches : petit point noir qui ornait le visage en témoignant de l’état de la personne ainsi maquillée.

Donner la primeur d’un texte, c’est faire de vous le premier lecteur et une primeure est une vierge.

Le débat qui suit « le Chat, la Belette et le petit lapin » n’est pas anodin : il concerne tous les pays qui ont été annexés au nom du premier occupant, justifiant ainsi le colonialisme ou le condamnant.

La musique qui sert pour la danse de la fin est de Jean-Baptiste Lully, musicien officiel de Louis XIV, et se nomme « Marche pour la cérémonie des turcs »

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Les animaux malades de la peste

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Les animaux malades de la peste

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LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE

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La première fable du livre VII, plutôt situé dans la deuxième période, celle où l’auteur a trouvé son style propre, appartient au genre des fables satiriques politiques comme Les obsèques de la lionne (VIII),la cour du Lion,le Chat la belette et le petit lapin et la tête et la queue du serpent (VII). Cette fable est une attaque frontale contre la parodie de justice du pouvoir royal quand elle s’applique à des classes différentes. Les deux vers qui closent le texte sont devenus aussi célèbres et référents que le « j’accuse » de Zola.S’il est question d’une déni de justice, on parle avant tout d’une tragédie : celle des innocents.

Le registre est mis en place sans équivoque dés la première rime « fureur et terreur », dès le premier mot « mal ». Quatorze lignes vont l’installer grâce à divers procédés : la répétition du mot mal (v 1 et 2), la mention du Ciel(2), la majuscule de Peste (‘), le champ lexical de la destruction (« mal, fureur, terreur, guerre, punir) évoquent la tragédie. Les cinq étapes du récit (1 à 14,le tableau terrifiant/ 15 à 33, la parole du Lion/ 34 à 48, celle du Renard/ 49 à 60, celle de l’âne et l’épilogue moral rappellent les cinq actes de la tragédie. Drame qui n’est pas sans modèle celui d’Œdipe Roi de Sophocle par exemple où Thébes est ravagée par la Peste ce qui conduit à rechercher un coupable.L’épidémie, si elle ne sème plus la terreur comme au M A a toujours cette charge de punition du Ciel. La maladie d’humeur peccante est définie par deux appositions avant d’être nommée. La référence à Achéron confirme cette idée de l’Enfer. Le monde est à l’envers mais l’endroit est justement la mise à mort de « la douce et innocente proie ( 12). La victime de la tragédie est sans fard : quand il intervient, il le fait simplement (« j’ai souvenance ». On va sacrifier un innocent.

Le Roi réunit le parlement des animaux. Il impose une procédure « je pense, je crois ». Il emploie des tournures familières, voire affectives : « mes chers amis ». La fausse offre de sacrifice en fait un personnage peu glorieux. La culpabilité passe très vite du « je » au nous puis de cette accusation commune au « il » : il faut trouver un bouc émissaire. Le monarque manie le langage avec aisance : il maîtrise la rhétorique « force moutons » il utilise à propos de ses mauvaises actions l’ironie passant sur un ton amusé des moutons au berger. Il dissimule la faute sous une longue phrase et termine par un rappel de la loi générale qu’il vient lui-même d’édicter et le vers 30 ne laisse aucun doute sur sa mauvaise foi.L’intervention du Renard est conforme au personnage. Il est flatteur et ses flatteries lui permettent de se faire oublier. La suite qui concerne la Cour est de plus en plus réaliste. L F parle des « autres puissances » et « des gens querelleurs ». L’ironie est toujours là :« les petits saints »est un trait d’humour mais les « moins impardonnables offenses désignent les péchés. Le vers 59 montre sans fard l’iniquité de la justice royale contre laquelle personne ne s’élève car elle est une justice de classe. La chute est barbare : seule la mort fait de l’âne, innocent un peu sot, le bouc émissaire idéal. Les exemples ne manquent pas de pouvoirs criant haro sur le baudet.

L F utilise en faveur d’une cause politique tous ses talents de conteur. Il dénonce une fausse justice, une cour corrompue, un système politique basé sur l’iniquité. Il n’y a aucune équivoque, les cibles sont à peine voilées et la présence d’animaux ne transcendent guère la dénonciation. La loi du plus fort constatée sans critique dans Le Loup et l’Agneau (livre I) régit l’univers. La portée de la fable franchit l’espace et le temps pour devenir universelle. Sans se départir de ce ton plaisant qui accompagne ici la tragédie le fabuliste s’attache aux malheurs de l’humanité.

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Les Animaux malades de la peste1. Situation :

C'est une fable du 7ème recueil, donc plutôt située dans la deuxième période, alors que le poète trouve son style propre en évoluant vers " La fable égayée " , en s'abandonnant à la description des circonstances, des personnages, de la richesse du dialogue, en donnant plus d'importance au récit qu'à la morale.

" Le lecteur avait-il besoin d'une morale explicite ? " A travers ce récit, nous assistons à la démonstration de la loi naturelle et sociale, " La raison du plus fort " . Il est évident aussi que ce texte amène une réflexion sur l'injustice. Cette démonstration s'opère par une mise en action, une " dramatisation " , mise en scène théâtralisée.

Nous trouvons tous les éléments du théâtre :

- L'intrigue, ou alibi tragique : la peste, la crise ; /- Les personnages ; /- Le dialogue ; /- La référence au théâtre grec, avec l'effet de chœur des courtisans.

L'intrigue elle-même peut évoquer la tragédie d' " Œdipe roi ", de Sophocle : Thèbes est ravagée par une épidémie de peste, et l'on recherche le coupable de ce châtiment divin. Nous aborderons ce texte par à un commentaire mixte : il est thématique, mais dans le fil du texte, en distinguant comme thème les cinq actes de la tragédie.

1. Vers 1 à 14, un tableau terrifiant ; /2. Vers 15 à 33, la parole du lion ; /3. Vers 34 à 48, la parole du renard ; /4. Vers 49 à 60, l'innocence de l'âne ; /5. L'épilogue moral.

La problématique peut-être " Combien le talent du conteur se met au service de la volonté de la morale ?

4. Commentaire :

Axe 1 : Le tableau terrifiant :

1. La Fontaine utilise un contexte culturel éloquent :

Déjà dans le mythe antique et dans l'histoire de Thèbes, au moyen âge aussi. L'épidémie est un mal fréquent, redouté, qui reçoit des remèdes irrationnels. Au XVIIème siècle encore, les médecins parlent encore d'humeur " pécante " pour la fièvre, c'est-à-dire pécheresse. Par ailleurs, les épidémies constituent une excellente crise pour l'observation des relations humaines.

Cf. Les romans modernes de " La peste ", de Camus et " Le hussard sur le toit " de Giono.

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Comportement étonnant de l'homme en situation de crise. La Fontaine dramatise considérablement ce contexte. Les références commencent.

2. Grande volonté de dramatisation :

- allitération en " r " : " répand ", " terreur ", " guerre ",...

- hyperbole dans le vocabulaire violent ;

- rimes masculines (fureur, terreur), donc dureté ;

- syntaxe très étudiée : la peste est définie par 2 appositions avant d'être nommée. Il établit ainsi une attente progressive, pressante en gradation ;

- Enfin, opposition forte en le ciel, valorisation par la majuscule ;

Les éléments cités (Achéron) connotent l'enfer, damnation : il y a ici l'expression d'un regard janséniste.

La Fontaine ironise malgrè tout.

Évocation nostalgique à l'imparfait, d'un temps normal, sans la peste, mais dans lequel naturellement, le loup mange la douce et innocente proie. Le mal est ici dénoncé. Ce souvenir préfigure, et annonce à la suite. On sacrifiera encore l'innocent.

Axe 2 : Le discours du lion : Comme au théâtre, de ce discours pourra naître un portrait. On pourra déceler 2 facettes. 1. Ambiguïté du personnage :

" Le Lion tint conseil, et dit : " Mes chers amis " . "

On décèlera une rupture à l'intérieur de l'Alexandrin, entrain enregistre initial soutenu, " tenir conseille " , des formes rythmiques valorisant, puis aussi diérèse. À la fin du ver, registre familier, affectif, en décalage avec la noblesse du personnage.

2. De là, on peut suspecter le personnage d'hypocrisie.

On peut reconnaître pour le lion une grande aisance à la parole. Il maîtrise de nombreuses formes de rhétorique : il manie l'ironie et une exagération amusée. (" appétit de glouton " , " force moutons " ).

Le dialogue interne à son discours (" Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense. " ).

Il s'est aussi utiliser la dissimulation, par maîtrise de la longueur des vers. (" le berger " ).

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Après cet aveu, il dissimule son audace par rappel de la loi générale.

Axe 3 : L'intervention du renard :

Elle est conforme à la tradition du personnage. Il dit un langage flatteur pour le roi. (" trop bon " , " scrupule " , " trop de délicatesse " ).

Les sonorités grinçantes entre assonances de " i " et allitérations de " s " et " r " (sifflantes et vibrantes), confèrent au propos plus d'habileté encore.

Les arguments sont simplistes. Il ne dit rien sur lui-même. Flatter lui permet de se faire oublier. Son habileté réside dans le " non-dit ".

Axe 4 : L'intervention de l'âne :

Les deux premières paroles se déroulent dans un climat apparemment serein, ouvert. L'âne, rassuré, parle franchement. C'est un personnage honnête : " L'âne vint à son tour, et dit : " J'ai souvenance ". On remarque qui il y a la même structure de présentation que pour le lion.

Cependant, le registre du vocabulaire nous introduit à la modestie : " venir à son tour " , et sur tout, on relèvera que le poète ici n'a pas recherché la rupture, mais au contraire, l'harmonie entre le personnage et sa parole. C'est un personnage : il parle comme il est, sans masque. Conclusion En conclusion, on peut dire que La Fontaine, en faveur d'une morale explicite, utilise ici tous ses talents de conteur.

Les interventions successives des différents animaux, le lion, le renard puis l'âne, en relation avec les différentes figures rendant un côté dramatique au texte, constituent pour beaucoup à servir la morale.

La Fontaine, en conclusion, utilise ses talents de moraliste en vue de servir la morale de cette fable.

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Les deux coqs

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LES DEUX COQSPlan* * *

I / Une parodie des récits épiques.

A / Une réécriture parodique de l’épopée de la guerre de Troie.L’Iliade / V 3 / 9/6/ 5. Ridicule car dispute de basse cour

B / Emploi d’un registre épique. 1 discours narratif avec des tps /amplification

C : Registre noble et langue classiqueVers 3 4 7 12 12 24 30 plus 9 et 20

II / La morale du récit

A / Les discours de l’auteurV2,4 3 6

B / critiques dans le récitImage péjorative de la Femme. Les « spectateurs » L’orgueil

C / la morale de la finPrésent gnomique/ le hasard V.12 22 / leçon de prudence

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Le coche et la mouche

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Le Coche et la Mouche

Au seul examen du titre, Le Coche et la Mouche, cette fable met en scène deux protagonistes disparates : la mouche, insecte minuscule, et régulièrement présenté comme vantard (voir Le Lion et le Moucheron), et un moyen de transport vaste et lourd, qui, par métonymie, réfère aussi aux voyageurs qu’il transporte ; du point de vue référentiel, ces deux protagonistes relèvent d’univers de discours différents. Ainsi, la conjonction et prend-elle une valeur adversative car l’association qu’elle instaure accentue le contraste entre les deux substantifs qu’elle conjoint syntaxiquement.

Cet aspect disparate fondera notre examen de cette fable : quant à la disjonction comme procédé de la variété, comme l’un des fondements de l’humour, de la " gaieté " de cette fable dont l’apologue, sous la forme d’une maxime, portrait un comportement social critiquable. La vivacité de la fable provient de sa variété.

Cette vivacité se fonde en premier lieu sur le contraste entre la situation initiale (vers 1 à 5) et le vers 6. Les deux premiers alexandrins procèdent en effet à une accumulation emphatique, ne mentionnent qu’un circonstant de lieu, et provoquent ainsi un effet d’attente : Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,Et de Tous les côtés au soleil exposé,

Le premier hémistiche, avec l’allitération en m et les trois nasales qui se succèdent (in, on, an), et l’emploi de la préposition dans, semble illustrer la difficulté du trajet. Le terme de " chemin " diffère de celui de route : il réfère à la matérialité d’une voie de circulation, mais non à son aménagement ; et la préposition dans semble en faire un " chemin creux ", voire un chemin se creusant… L’énumération montant, sablonneux, malaisé caractérise de façon progressive le chemin : montant, avec la valeur progressive de l’adjectif verbal, réfère à la pente du " chemin ", du point de vue de l’effort du groupe qui le parcourt ; sablonneux réfère assez concrètement au matériau qui constitue le chemin, mais le point de vue précédent informe cet adjectif, et en sélectionne les sèmes afférents qui réfèrent à la difficulté de circuler sur un sol qui s’enfonce, malaisé semble conclusif, tout en insistant sur la notion de difficulté à circuler sur ce chemin, qu’il explicite. Métrique et rythme illustrent cette difficulté à circuler : la césure à l’hémistiche est certes respectée, après montant, mais la syntaxe l’atténue en associant les trois épithètes, constituant ainsi, pour une " lecture à l’œil " soit un alexandrin continu qui par sa longueur même transcrit le point de vue du Coche, soit au contraire, si l’on prend en compte l’ensemble des coupes, un vers en 4 - 2 - 3 - 3, aussi saccadé que le piétinement de l’effort des chevaux. Cet alexandrin est " prolongé " par le suivant, qui lui est coordonné, et qui adopte aussi le point de vue du Coche, comme l’indique le double déterminant de tous les côtés. A la totalisation à laquelle réfère tous s’ajoute, en une perspective qui la démultiplie, l’actualisation par l’article défini (à comparer, pour ce vers, avec : de tous côtés). Le rejet au second hémistiche du syntagme prépositionnel au soleil exposé, lui-même régressif en sa " construction ", clôt l’énumération et place à la rime le participe employé comme adjectif qualificatif, en épithète détachée. L’énumération progressive (même du point de vue syllabique) qui se déploie dans le premier hémistiche du vers 4 est reprise par l’anaphorique tout juste après la césure : le point de vue change et devient celui d’un témoin omniscient pour lequel le coche, malgré l’énumération analytique d’une partie de ses " constituants ", devient un ensemble, objet du regard. Le vers 5 présente en effet l’autre constituant du coche : l’attelage selon une perspective globalisante (la métonymie appartient ici à la langue), en contraste avec les trois verbes à l’imparfait. Le contraste est d’ailleurs remarquable entre la valeur sécante de l’imparfait, et l’énumération, qui relève plutôt de la diégèse narrative. Mais ces imparfaits à valeur à la fois descriptive et durative, s’enchaînent en une énumération ici descriptive, et cumulative ; l’emphase propre au ternaire est aussi initiée par la diérèse de " su-ait " : l’effort est illustré par un procédé identique à celui du vers 1, quant aux coupes et césures, circularité qui prolonge l’effet d’attente, par elle-même, en revenant à la structure rythmique initiale, mais qui, également, marque la fin de la situation initiale, dès que l’on a lu le vers suivant.

Dès le premier hémistiche du vers 6, en effet, commence le récit proprement dit : Une mouche survient. La rupture est marquée par le présent de narration, certes, mais aussi par l’ellipse de tout circonstant, la " phrase " étant ici minimale : sujet - verbe. Ellipse du sujet syntaxique ensuite, pour les cinq verbes suivants. L’effet de rapidité résulte aussi de l’accumulation de six propositions indépendantes et juxtaposées en trois vers, il contribue à l’animation du récit, comme successivité de

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procès référants à une séquence d’actions (cf. infra). Les verbes eux-mêmes contribuent, par leur sémantisme, à cet effet d’accumulation : survient et s’approche (des Chevaux), l’un sous l’accent d’hémistiche, l’autre sous l’accent de rime, au vers 6, sont deux verbes de mouvement qui contrastent avec les trois verbes " d’état " du vers 5. La répétition de pique, dans le même hémistiche du vers 8, le premier hémistiche du vers 14 : Va, vient, fait l’empressée, contribuent aussi à l’accumulation apparemment successive qui confère sa vivacité au récit : en une phrase typographique de 11 vers, s’accumulent 11 " propositions " au présent. L’impression de rapidité, d’un récit " troussé ", résulte aussi de l’insertion du point de vue de la mouche au sein même du récit, jusqu’au vers 24.

Que ce soit au style indirect, par hypotaxe donc, aux vers 9, 18 et 19, au style direct mais sans verbe introducteur, aux vers 26, 27 et 28, voire au style indirect libre vers 21 et 22. A la variété que confère au récit l’insertion des propos rapportés, celle-là ajoute sa propre variété quant à sa forme, et transcrit le point de vue de la mouche (que le conteur ne reprend pas à son compte). La première " pensée " de la mouche, vers 9, est étonnamment introduite : et pense à tout moment / Qu’elle fait aller la machine. Le complément circonstanciel à tout moment qui traduirait plutôt la continuité du mouvement du coche, est ici régi par " penser ", et la valeur distributive de tout, si elle confirme l’impression d’activité incessante due à l’accumulation verbale, semble relever de l’impropriété dans la mesure où le verbe penser comporte un aspect continu ; qui plus est, ce complément conviendrait davantage au syntagme verbal suivant : elle fait aller la machine. L’auxiliaire factitif, " faire ", a une valeur sylleptique : il transcrit ce que la mouche peut concevoir : elle agit de telle sorte qu’aille la machine, mais l’infinitif " aller " garde son autonomie sémantique, d’autant plus qu’il figure en construction absolue : " la machine va ". Les propos de la mouche transcrits au discours direct favorisent la vivacité, l’incise y est préférée à l’introduction : Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt (v. 26). L’incise, l’absence de signes typographiques habituels (guillemets), placent au premier plan, et dans le premier hémistiche, le discours attribué à la mouche. Au même plan que le récit, effectué pour grande partie du point de vue de la mouche : remarquable continuité apparente. Le discours direct prend même un aspect familier, imite l’oralité, vers 28 : Çà, messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine. Tout d’abord par l’adverbe conclusif " çà ", qui rappelle sous une forme elliptique le " or çà " concluant un échange oral au moyen-âge ; ensuite par l’apostrophe " messieurs les Chevaux ", dans laquelle le titre " messieurs " témoigne de l’impatience du créditeur. Plus intéressante encore est l’irruption de propos en ce que l’on peut nommer style indirect libre : Il prenait bien son temps ! (vers 21), C’était bien de chansons qu’il s’agissait ! (vers 22). L’emploi de l’imparfait est en effet conforme au temps implicite du récit (bien que celui-ci soit au présent de narration), alors que la modalité exclamative de ces deux énoncés transcrit l’état affectif de l’énonciateur (avec la répétition de l’adverbe " bien " dans cette même valeur affective : l’indignation). Il s’agit bien de discours indirect libre, respectant l’emploi des temps du discours indirect (la mouche trouva qu’il prenait bien son temps) et la modalité énonciative du discours direct (il prend bien son temps !), or la tradition grammaticale attribue aux romanciers du XIXe siècle l’usage du discours indirect libre…

La variété quant à la façon de rapporter les propos de la mouche (pensés ou " bourdonnés ") correspond à celle de l’utilisation des procédés d’accumulation, pour alentir le récit de la situation initiale, ou au contraire rendre vif celui de l’action de la mouche.

Cette variété au plan énonciatif comprend aussi l’apologue et le commentaire, vers 24. Mais elle se réalise aussi par le choix du mètre : cette fable fait alterner alexandrins et octosyllabes, les seconds en moindre proportion.

Mais l’emploi des octosyllabes répond aussi à un autre " impératif " : ils marquent les articulations. Le vers 3 énonce le prédicat de la première phrase, et condense la situation initiale : Six forts chevaux tiraient un Coche. Le vers 9, relié au précédent par un enjambement, énonce le point de vue de la mouche d’une façon burlesque (cf. infra) : Qu’elle fait aller la machine. Le vers 17 contraste, par le fait qu’il soit un octosyllabe, donc bref par rapport à l’alexandrin, avec l’importance du propos : La Mouche en ce commun besoin, il distingue aussi une nouvelle séquence : celle du discours de la mouche (vers 17 à 22). Le vers 20 transcrit un récit à deux niveaux d’énonciation : celui du conteur, narrateur omniscient, et celui de ce que la mouche peut constater, qui nourrit sa pensée. La " reprise en main " par le conteur est plus nette encore au vers 24, où les actions de la mouche sont évaluées et nommées simultanément : " cent sottises ". Différemment, dans l’apologue, les deux octosyllabes, situés entre deux alexandrins, illustrent le défaut social critiqué, de façon concrète :

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S’introduisent partout dans les affaires / Ils font partout les nécessaires et constituent un petit récit, de tonalité plus générale cependant que celui de la fable, dont ils sont le contrepoint. La variété qui caractérise l’énonciation, les points de vue, le choix du mètre, concourt aussi à la structure explicite de la fable, mais sans la lourdeur des " connecteurs " : elle rend la structure " sensible " à la lecture, à une lecture non dénuée de finesse, d’intelligence du texte, comme en témoigne l’humour qui l’irrigue.

Le comique relève de la " disjonction burlesque ".L’aspect comique de cette fable se fonde avant tout sur l’emploi du lexique, notamment en disjonction par rapport au référent (ou à la situation). Ainsi la mention même de la mouche, minuscule insecte, par rapport aux six forts chevaux, au coche, voire aux voyageurs Femmes, Moine, Vieillards instaure-t-elle un contraste actantiel cocasse tant au niveau des proportions que du nombre. La comparaison avec un " sergent ", vers 15, se fonde sur cette disjonction, qu’elle démultiplie habilement : il semble que ce soit / Un Sergent de bataille allant en chaque endroit / Faire avancer ses gens, et hâter la victoire. La comparaison avec le " sergent de bataille ", dont la fonction équivaudrait actuellement à celle d’un lieutenant, joue aussi de la disjonction entre l’infime taille et le manque d’importance de la mouche, et la " carrure " ainsi que le rôle crucial que l’on prête au sergent. Qui plus est, le référent de ses gens, dans le contexte antérieur, est fort peu martial : ni les femmes, ni le moine, ni les vieillards n’évoquent la vigueur virile du combattant engagé sur le terrain des armes. Le vers 11 présentait aussi un exemple burlesque de cette disjonction : le char chemine. D’une part le " char " est un véhicule guerrier de l’antiquité ou celui du soleil, léger et rapide - et donc bien loin du lourd coche - d’autre part " cheminer ", qui réfère à une progression indolente semble impropre avec " char " : la grandiloquence burlesque est de surcroît soulignée par l’allitération du " ch " initial.Victoire aussi détone par rapport au contexte narratif, il ne s’agit que d’un transport civil, sans prestige, dans l’ascension d’une côte. La grandiloquence héroï-comique de ce lexique est soulignée par la rime entre victoire et gloire : la gloire des armes ne s’acquiert pas à la conduite d’un coche ! Disjonction comique encore, pour la rime entre besoin et soin. Cette " rime pour l’œil " paraît suffisante, mais phonétiquement elle est pauvre : ce qui semble illustrer le fossé qui sépare ce que la mouche croit faire de ce qu’elle fait réellement (sans prendre en compte la trivialité de cette rime en -oin…). Ces deux termes sont également comiques : le " soin " a ici un sens fort, proche du latin " cura " : il s’agit du souci, du sens de la responsabilité, et de l’attention portée à une personne ou à un problème, notion peu compatibles avec l’action virevoltante de la mouche ; quant au " besoin ", il semble qu’il y ait, par une discrète syllepse, allusion à la forme ancienne de ce terme : besoing > besongner. Ainsi " besoin " référerait-il à la " nécessité " de l’action, tout autant qu’au fait d’agir avec vigueur. Même si l’on n’admet pas la syllepse, " besoin " reste un terme en partie impropre par rapport à son référent en situation : que le coche grimpe la côte. Disjonction comique encore au vers 7, entre le verbe et le complément de moyen : les animer par son bourdonnement, le bourdonnement référant à un bruit monotone et de faible amplitude, en quoi peut-il contribuer à de l’animation, ou pis encore à ce " supplément d’âme " qu’évoque l’étymon d’animer ? Procédé similaire au vers 10, où la juxtaposition des deux compléments de lieu associe le timon et le nez du cocher, comme sièges ! Disjonction encore, entre bourdonnement terme " objectif " et chanter (vers 23), métaphore burlesque, aussitôt dépréciée par son complément : à leurs oreilles. Tout aussi nettement, mais moins fréquemment, la disjonction comique constitue un élément même de l’organisation séquentielle du récit, dont elle feint de briser la cohésion. Le vers 11, Aussitôt que le char chemine semble contredire elle fait aller la machine (9), et s’assied (10) : c’est au moment où le conteur montre la mouche immobile que le coche se met en mouvement. Car, et ici le récit est apologétique, la fable toute entière joue de la distinction entre le faire et le paraître. Ainsi la mouche prétend animer, pense qu’elle fait …, s’attribue, fait l’empressée : par ces verbes, le conteur distingue nettement la perception de son action par la mouche, du plan événementiel. Les procès dont la mouche est l’agent et qui sont actualisés à un mode personnel (indicatif, présent de narration), sont révélateurs : survient, s’approche, prétend, pique, pense, s’assied, voit, s’attribue ; va, vient, fait l’empressée ; se plaint ; va chanter.

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Pour les quatre verbes qui réfèrent à un mouvement, ils ne concernent que celui de la mouche elle même, non celui du coche, et la juxtaposition de va, vient sans locatif, associe deux mouvements contradictoires, quant à survient et s’approche, que réunit le même vers, il ne s’agit que de la saisie à deux instants différents d’un même mouvement (du point de vue référentiel) : soit il n’y a qu’un mouvement de mentionné en réalité, en deux de ses aspects, soit deux mouvements qui s’annulent du point de vue référentiel. " Faire " qui réfère habituellement à l’action, est ici employé attributivement : fait l’empressée, ainsi la mouche n’est-elle pas " empressée ", mais se contente-t-elle de " faire comme si elle l’était ". Le seul réel verbe de mouvement, va chanter est dans une position ambiguë, proche de son emploi d’auxiliaire. Les seules occurrences verbales référant à un procès actif dont la mouche serait l’agent sont celles de " piquer ", au vers 7, qui réfèrent à l’action véritable du taon, et fait cent sottises pareilles, lorsque le conteur semble abréger le récit en imposant son point de vue dans sa façon de nommer les actions de la mouche déjà mentionnées, et à venir, en une formule elliptique. C’est en arrière-plan que se " déroule " l’action, condensée par le vers 25 :

Après bien du travail le Coche arrive au haut.Travail, mis en valeur par sa position sous l’accent d’hémistiche, est à lire en sons sens plein, " peine ", " souffrance ", et " effort " ; l’hiatus final " au haut " illustre à la fois le mouvement même du coche, la secousse qui l’ébranle en atteignant un " replat ", mais aussi, phonétiquement, les ordres du cocher. Ainsi, loin de suivre les préceptes des doctes qui proscrivent l’hiatus, le fabuliste en utilise les ressources pour illustrer son propos. C’est la même liberté de ton qui caractérise l’apologue, certes introduit par l’adverbe " ainsi ". Cet apologue reste très proche du récit, qu’il semble rédupliquer. Le syntagme " faire + le + empressé " crée un écho entre les vers 29 et 14, ce qui place sur le même plan certaines gens et une mouche (v. 6), également déterminés par un " indéfini ", selon une terminologie scolaire. L’accumulation est aussi un procédé commun au récit et à l’apologue, ainsi que l’alternance entre alexandrins et octosyllabes : l’apologue acquiert ainsi l’apparence d’un récit second (proche de ceux de La Bruyère) mais l’humour y fait défaut. Les répétitions : faisant les empressés / font les nécessaires, partout / partout ont plutôt une valeur d’insistance, en même temps qu’elles illustrent l’inanité de l’action " importune " qu’elles évoquent ou caractérisent. Le dernier alexandrins révélerait même l’agacement du conteur, devenu " moraliste " :

Et, partout importuns, devraient être chassés.L’allitération présente dans le premier hémistiche, partout importuns met en jeu des

consonnes peu euphoniques et sourdes : la bilabiale explosive [p], le groupe [rt], qui s’achève sur une dentale explosive. Le dernier terme, qui clôt la fable en tant que texte, est " chassés ", participe passé passif qui réfère à un acte violent, mais par sa distribution, rappelle le thème de la mouche ! Conclusion

Cette fable présente d’abord une grande liberté. Sa variété contrevient aux préceptes d’unité qu’imposent les doctes à d’autres formes. Cette liberté par rapport aux préceptes que la tradition considère comme " classiques " va jusqu’à enfreindre, par l’hiatus notamment, par de fausses impropriétés, les codes de " bon usage " de la poésie (quant à faire des alexandrins à propos d’une mouche !). La Fontaine illustre une toute autre conception de l’art poétique, adaptant les procédés au propos, se fondant sur le plaisir procuré au lecteur par la variété, par le comique, pour séduire l’intelligence du récit (qui peut rester clair en étant elliptique ou inégalement développé, voire abrégé). Cette liberté par rapport aux usages et le comique burlesque de cette fable feraient presque du fabuliste un auteur préclassique, à l’instar d’un Saint-Amant qui pouvait consacrer un sonnet au plaisir de paresser en son lit. Mais l’orientation apologétique du récit reste présente, et, en cette fable, l’apologue évoque Les Caractères, monument classique, par sa brièveté, son sens de la " pointe " au dernier vers, son aspect de portrait animé d’un défaut humain observable en société.

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La laitière et le pot au lait

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LA LAITIERE ET LE POT AU LAIT* * *

Moins de trente vers de récit où l’humour domine, suivi d’une douzaine de lignes qui visent à commenter le texte dans un raisonnement inductif.L’histoire elle-même est celle de la rêverie du personnage et d’une catastrophe plus ou moins annoncée qui lui sert de chute ; mais il s’agit avant tout d’une scène de vie et d’une morale sur la comédie humaine.

Au début de la scène, Perrette est en chemin pour la ville : l’imparfait l.3 et v.4 montre que l’action est déjà engagée. Le narrateur qui va se révéler omniscient nous invité à la suivre et à lire dans ses pensées. Il le réalise par un rythme particulier.Une phrase de six vers introduit la fable. Perrette est vue de loin mais au fur et à mesure, on va tout apprendre d’elle. C’est une paysanne : son nom, sa tenue (v. 6), sa destination fournissent les éléments indispensables à une scène d’exposition.Le rythme des vers (7 à 10) qui alternent montrent la marche : les césures sont très marquées dans les alexandrins comme dans les octosyllabes. On sent une précipitation au vers 11 : Perrette allonge le pas vers la réussite ; elle va dire elle-même son enthousiasme pendant dix vers de soliloque.Peu à peu, l’héroïne va oublier le présent. Sa rêverie la conduit à anticiper sur la vente de son lait. Elle quitte l’imparfait pour des futurs de plus en plus glorieux. Cette vision idyllique la transporte dans un nirvana bien loin de ce pot au lait sur sa tête qu’elle a totalement oublié et qu’elle renverse en sautant.La catastrophe était annoncée. Le verbe « prétendre » au vers 3 la légèreté de son vêtement décrivait un personnage à la fois réaliste –une jeune paysanne coquette et heureuse de sa sortie- et symbolique –une créature naïve et enfantine.Sa déconvenue la montre mineure (elle va être battue) marri et sujet de farce. La Fontaine prend alors la parole nous montrant qu’il a toujours été là.

Il vient justifier l’ironie omniprésente du texte. La catastrophe en cascades (le vers devenu proverbe « Adieu veau vache, cochon, couvée ») nous était perceptible depuis longtemps malgré les fausses pistes car on aurait pu croire à un rendez-vous galant ou à une fortune facilement acquise. Les jeux sur les mots, marri et mari , fortune pour le lait, prouve que l’ironie du narrateur n’a jamais laissé de place à la compassion.Pourtant, ce n’est pas la pauvre Perrette seule qui est le dindon de la farce. L’universalité de la leçon est soulignée par l’emploi de formules répétées : la première personne du pluriel ( V. 35 36) Chacun, les je etc…Le rêve est dangereux : il est l’ambition (39, 40) il est le refus du réel (42). La morale véhiculée par le texte est tout à fait classique : on retrouve le refus des excés voire des changements. Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées.

La fable présente le travail d’orfèvre du fabuliste. On est bien loin de la farce ; le souci du détail est constant. La symbiose entre la scène qui se déroule et les sentiments qu’elle impose est patente. Faisant une fois de plus de nous lecteurs ses complices, La Fontaine nous amène à partager son goût pour une esthétique et une morale classiques.

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Le chat, la belette et le petit lapin

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EXTRAIT DE LA PIECE

Madame : Revenons à cette querelle animale qui illustre avant tout un débat humain.

La Fontaine : Je suis homme, rien de ce qui est humain ne m’est étranger

Madame : Surtout quand il s’agit de droit.

La Fontaine : En effet.

Madame : « La loi du premier occupant » : qui peut se dire le « premier » occupant ?

La Fontaine : Celui qui s’avise de dire : cette terre est à moi !

Madame : Mais ils le disent tous deux ! Jeannot lapin n’est-il pas exproprié comme l’indien d’Amérique ou le nègre d’Afrique ?

La Fontaine : Après le mouton noir, le lapin noir.

Madame : Mon désir n’est que de comprendre.

La Fontaine : Vous comprenez trop.

Madame : Trop ? Que voulez-vous dire ?

La Fontaine : Plus que moi en tout cas.

Madame : Ce débat-ci n’est-il pas universel ?

La Fontaine : Il nourrit, à coup sûr, la vie juridique des villes et villages de France.

Madame : En fait, tous deux se disent premier occupant. Il faut bien dire le droit, s’en remettre à la loi, qu’une autorité…tranche…

La Fontaine : C’est ce qu’elle fait.

Madame : Et de façon définitive. C’est la loi du plus fort qui est, dites-vous, …

La Fontaine : Toujours la meilleure

Madame : Comme le chat de vos fables, vous retombez toujours sur vos pieds.

La Fontaine : Je m’y efforce.

Nous sommes à votre disposition pour vous transmettre tout extrait du texte que vous désireriez.

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RESUME DES FABLES DU LIVRE VII* * *

1 La Peste tue et il faut un responsable. Le Lion, le Tigre, l’Ours qui tuent et dévorent sont innocentés et c ‘est l’Ane qui, à cause de l’herbe qu’il a mangée, sera le bouc émissaire et perdra la vie. C’est la loi du plus fort qui régit la justice.2 Un mari envoie sa femme acariâtre à la campagne. Elle y est détestée de tous. Il la renverra au village. La Fontaine était assez misogyne.3 Un rat se retire à l’écart et devient riche. On vient demander un secours à l’ermite qui refuse. Vivre comme un dévot ne veut pas dire qu’on en est un.. Le rat est un tartufe.4 et 5 Le Héron et la Fille, trop prétentieux pour prendre ce qui se présente se contenteront l’un d’un limaçon l’autre d’un malotru. Il faut se contenter de ce que vous offre la vie.6 Un lutin propose trois souhaits à la famille qu’il doit quitter. Ils choisissent la fortune qui leur amène le malheur puis la repoussent pour demander la sagesse qui, seule, peut conduire au bonheur.

7 Un Lion a invité ses vassaux dans sa demeure où règne une odeur de charogne. L’Ours, le Singe perdent la vie en parlant du logis royal. Le Renard s’en tire en éludant la question. Il vaut mieux souvent se garder d’émettre un avis.8 Les Vautours se battent entre eux et les Pigeons, choisis comme médiateurs, ramènent la paix entre eux. Les Rapaces, dés la paix revenue massacrent les volatiles. Mieux vaut laisser les querelleurs se battre entre eux.9 Un attelage peine à passer une côte. Une mouche gêne tout le monde et s’attribue le mérite comme si elle avait poussé le coche elle seule. La « mouche du coche » désigne depuis un importun prétentieux.10 Une jeune laitière qui va vendre son lait rêve qu’elle devient riche, oublie son pot et renverse le précieux liquide. Vivre sa vie en procuration mène à la catastrophe.11 Un curé se voit déjà riche de ce que va lui rapporter un enterrement mais le cercueil glisse et le tue. Le rêve finit en catastrophe comme dans « La Laitière et la pot au lait ». 12 Deux amis espéraient un meilleur sort. L’un s’en va ailleurs, se fatigue dans les voyages et

rentre plus pauvre qu’avant revoir son compagnon qui a découvert la fortune en dormant. Les espoirs de rencontrer la fortune en parcourant le monde sont vains.

13 Deux coqs se battent pour une poule. Le vainqueur clame partout sa victoire et un vautour s’en saisit et le vaincu prend sa place. Rien n’est jamais acquis et la chance peut tourner.

14 Un marchand chanceux attribuait sa réussite à son mérite ; la chance tourne et il attribue cette mauvaise fortune au destin. Nous nous arrangeons toujours avec le sort qu’il soit mauvais ou à notre avantage mais nous sommes bien impuissant dans les deux cas.

15 Une devineresse fort appréciée malgré son ignorance vend son logis, s’installe ailleurs et perd tout crédit alors que celle qui lui reprend son habitation doit dire l’avenir malgré ses dénégations. Tout est faux et l’illusion fait tout.

16 La Belette vole le logis de Jeannot Lapin. Tous deux s’en remettent à Raminagrobis, le Chat qui croquent les deux plaideurs. Les petits seigneurs doivent se méfier des grands qui ne voient en fait que leurs envies.

17 La queue d’un serpent prend la place de la tête et conduit le serpent tout entier à la mort. On ne doit pas toujours envier le sort d’autrui en méprisant le nôtre.

18 On ne peut se fier à nos sens. Il y a de nombreux exemples comme celui de cette souris anglaise coincée dans le verre d’un télescope que l’on prit comme un monstre sur la lune. L’auteur en profite pour vanter les mérites de la paix que connaissent alors les anglais.

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La cigale et la fourmi

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La cigale et la fourmi

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QUESTIONNAIRE SUR LA FONTAINE

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1 / Pourquoi Mme de Grignan et sa servante sont-elles si proches ?

2/ Où sommes- nous ?

3/ De quelle œuvre censurée parle Mme de Grignan ?

4/ Quelle est la fable qui a provoqué le ressentiment de Jacquotte ?

5 / Quel personnage machiste est évoqué par La Fontaine ?

6 / Quelle langue savante utilise La Fontaine pour ne pas répondre ?

7/ Que sont les mouches ?

8/ Quelle fable La Fontaine refuse de dure avant de se raviser ?

9 / Qu’a écrit Mme de Sévigné ?

10/ Quelle est la phrase anachronique ?

11 / Quel débat est amené par la fable de la Belette et du lapin ?

12 / Pour Mme de Grignan que représente La Fontaine ?

13 / Que craint le fabuliste ?

14 / A quoi se livre Jacquotte sur le texte du « Coche et la Mouche » ?

15 / Expliquer la phrase de La Fontaine à Madame : « Vous comprenez mieux que moi. »

16 / Comment est défini le classicisme ?

17/ Quelle querelle historique est évoquée à ce propos ?

18 / Comment expliquée la déception, voire la colère de Madame ?

19 / Quel procédé choisi par l’auteur montre la postérité des fables ?

20 / Ecrire un texte qui ferait de La Fontaine un vil courtisan ou, au contraire, un précurseur des lumières ?

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