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par par LA DISTRIBUTION À L’HEURE DU DIGITAL L’émergence du digital a bouleversé notre accès à l’information, notre façon de communiquer et bien entendu notre façon de consommer. Quel est son poids aujourd’hui ? Que change-t-il dans les comportements d’achat et la façon de vendre à travers le monde ? Pourquoi on en parle ? Parce que la transformation digitale est au cœur de toutes discussions actuelles sur le futur du commerce de détail. Pour anticiper et inventer les usages de demain, il est essentiel de faire le point sur le rôle du digital aujourd’hui. Dans ce dossier vous trouverez • Un état des lieux de la digitalisation du commerce, selon les rayons, les pays et les acteurs • Une analyse des attentes des consommateurs dans le domaine de la digitalisation • Une étude des réponses données par la grande distribution au défi de la digitalisation Nos intervenants • Christophe Benavent, Professeur à l’université Paris Ouest. Ses travaux portent sur les conséquences de la digitalisation sur les pratiques et les stratégies de marketing. • Grégory Bressolles, Professeur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School. Cette chaire étudie l’impact des technologies digitales sur le comportement des entreprises et des consommateurs. • Philippe Moatti, Professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot. Après plus de 20 ans passés au Crédoc, il a participé à la création en 2011 de l’Observatoire Société et Consommation (l’ObSoCo). • Pierre Volle, professeur de Marketing & Customer Management – Université Paris Dauphine. • Jean-Marc Goachet, Administrateur de l’Adetem, la première association Française de marketing. Il accompagne également les centres de recherche des écoles des Mines dans la valorisation de leur expertise scientifique au service d’une recherche orientée vers l’entreprise. • Guillaume Roman, Responsable du développement digital E.Leclerc et propriétaire du magasin E.Leclerc de Valréas. LA DISTRIBUTION À L’HEURE DU DIGITAL

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L’émergence du digital a bouleversé notre accès à l’information, notre façon de communiquer et bien entendu notre façon de consommer. Quel est son poids aujourd’hui ? Que change-t-il dans les comportements d’achat et la façon de vendre à travers le monde ?

Pourquoi on en parle ?

Parce que la transformation digitale est au cœur de toutes discussions actuelles sur le futur du commerce de détail. Pour anticiper et inventer les usages de demain, il est essentiel de faire le point sur le rôle du digital

aujourd’hui.

Dans ce dossier vous trouverez

• Un état des lieux de la digitalisation du commerce, selon les rayons, les pays et les acteurs• Une analyse des attentes des consommateurs dans le domaine de la digitalisation• Une étude des réponses données par la grande distribution au défi de la digitalisation

Nos intervenants

• Christophe Benavent, Professeur à l’université Paris Ouest. Ses travaux portent sur les conséquences de la digitalisation sur les pratiques et les stratégies de marketing.• Grégory Bressolles, Professeur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School. Cette chaire étudie l’impact des technologies digitales sur le comportement des entreprises et des consommateurs. • Philippe Moatti, Professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot. Après plus de 20 ans passés au Crédoc, il a participé à la création en 2011 de l’Observatoire Société et Consommation (l’ObSoCo).• Pierre Volle, professeur de Marketing & Customer Management – Université Paris Dauphine.• Jean-Marc Goachet, Administrateur de l’Adetem, la première association Française de marketing. Il accompagne également les centres de recherche des écoles des Mines dans la valorisation de leur expertise scientifique au service d’une recherche orientée vers l’entreprise.• Guillaume Roman, Responsable du développement digital E.Leclerc et propriétaire du magasin E.Leclerc de Valréas.

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DOSSIER1. LA DIGITALISATION DU COMMERCE

35 ans de digitalisation

Dans les années 80, les Français peuvent faire figure de précurseurs dans le domaine grâce au Minitel. Ce terminal informatique connecté, accessible à tous les foyers, propose rapidement des services commerciaux de commande et de livraison. Néanmoins, l’e-commerce n’apparaît vraiment que dans les années 90, grâce à la démocratisation progressive des ordinateurs dans les foyers et à la généralisation des connexions internet. Les transactions entres entreprises et particuliers commencent alors à apparaître. Au tournant des années 2000, des entreprises américaines et européennes se positionnent en créant leur tout premier site vitrine. Les achats en ligne se développent avec l’arrivée des paiements électroniques sécurisés, via les cartes bancaires, et l’apparition de solutions spécifiques comme Paypal et Moneybookers. Des transactions bancaires simples et sécurisées rassurent désormais les internautes et contribue à la globalisation du e-commerce.La décennie écoulée a été marquée par 3 grands bouleversements des comportements d’achat : la démocratisation du commerce électronique, une réduction du pouvoir d’achat liée à un contexte économique tendu, et la révolution mobile qui fait tendre vers un consommateur « 100% connecté ».

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Grégory BressollesProfesseur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School

On constate depuis un certain nombre d’années la présence de plus en plus importante d’éléments liés au numérique et au digital, que ce soit des éléments physiques ou que ce soit des éléments en back office qui permettent d’améliorer les processus. Si on se met du côté du consommateur on peut penser par exemple à l’époque du minitel, où on a eu des spécialistes de la grande distribution qui se sont lancés sur ce marché comme Telemarket qui a été un des premiers à proposer la commande via minitel et la livraison de courses alimentaires à domicile. On assiste du côté du consommateur aux premières possibilités de commande en ligne via le minitel, puis on a basculé sur internet. Ensuite il y a eu des éléments technologiques en magasin, comme le self-scanning, qui ont permis d’améliorer ou d’automatiser l’expérience du consommateur en magasin. Plus récemment, on a eu le développement du drive, qui est une forme hybride de commande en ligne entre la livraison à domicile et l’achat 100% en magasin. Du coup on assiste aujourd’hui au développement de pas mal d’éléments technologiques comme les puces électroniques RFID, ou la NFC qui améliore le système de paiement, ainsi que la communication in-store ou out-store avec le consommateur via les smartphones.

POINT DE VUE : QUELLE EST L’HISTORIQUE DE LA TRANSFORMATION DIGITALE DANS LA GRANDE DISTRIBUTION ?

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Le e-commerce aujourd’hui

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La digitalisation par rayon

En 2014, le e-commerce en France aura généré 700 millions de transaction pour un chiffre d’affaire de 57 milliards d’euros. Pour autant, il représente « seulement » 6% de la consommation des ménages (9% si l’on fait abstraction de l’alimentaire). De fait, son importance varie fortement d’un rayon à un autre.

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Pierre VolleProfesseur de Marketing & Customer Management – Université Paris Dauphine

Le digital s’est installé dans le secteur du commerce et va continuer à progresser. Mais finalement, chaque secteur s’empare des technologies d’une façon spécifique. Par exemple, dans la grande distribution, le « drive » est une réponse intelligente à un sujet complexe (celui des coûts de livraison qui ne peuvent pas être compensés par la faible marge réalisée par les commerçants). Les « cybermarchés » ont assez largement échoué pendant 15 ans avant que certains inventent une forme parfaitement adaptée pour livrer de grands volumes, notamment en mobilisant les ressources des clients (leur voiture, leur temps…).On pourrait aller beaucoup plus loin dans de nombreuses directions : l’intégration des canaux électroniques et physiques (combien de sites marchands ne permettent toujours pas de consulter le stock des magasins…), la présence de technologies utiles au consommateur sur le point de vente, l’intégration des réseaux sociaux dans les parcours d’achat, etc. Cela dit, il ne faut pas négliger que ces technologies sont souvent coûteuses pour les commerçants, non seulement en termes d’investissements, mais surtout en raison des transformations qu’elles imposent aux organisations. Bien souvent, il ne suffit pas de mettre une « couche » de technologie, mais de changer en profondeur les façons de travailler. Les technologies induisent une véritable révolution des métiers et des processus internes.Je suis cependant inquiet de voir le retard de nombreuses enseignes françaises par rapport à leurs concurrents internationaux. Notre leadership dans la distribution de masse, construit à la fin des Trente Glorieuses, est en train de s’émousser. Je crois vraiment qu’il est urgent pour les enseignes d’investir massivement sur les nouvelles technologies qui permettent notamment de traiter les données client (afin de pouvoir personnaliser les services qui leur sont rendus) ou de basculer d’un modèle « 100% produit » (ou presque) vers un modèle où les services jouent un rôle plus important.

POINT DE VUE : QUE REPRÉSENTE LE DIGITAL DANS LA GRANDE DISTRIBUTION EN FRANCE ?

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Un parcours d’achat révolutionné

Des habitudes différentes selon les canaux

Web-to-store, Digital-in-Store, Store-to-Web, le digital se retrouve tout au long du parcours d’achat, dans un contexte où ¾ des acteurs de la vente en ligne disposent également de leurs propres points de vente physiques (magasin, hôtel, guichet). Les études de la FEVAD soulignent plusieurs points importants. - 88% des Français se renseignent sur le Web avant leur achat en magasin physique - 75 % des consommateurs utilisent leur mobile en magasin - 32% vont acheter un article sur internet dès qu’ils ne le trouvent pas dans les rayons

Du côté des marchands, le digital semble avoir un impact positif pour les acteurs traditionnels qui ont une présence en ligne. - 51% des propriétaires de boutiques physiques et de sites marchands ont bénéficié d’un impact positif du virtuel sur le physique. - 58% d’entre eux ont enregistré un CA en progression sur les ventes physiques

Ordinateurs, smartphones et tablettes constituent autant de moyen d’accéder au commerce digital. Néanmoins, on constate des différences dans les achats effectués en fonction des canaux utilisés.

Top 5 des produits et services et achats par écran au cours des 6 derniers mois :

Depuis un ordinateur : - Habillement, adulte et enfant : 44% - Voyage et tourisme (sans les billets de train) : 36% - Produits techniques, électroménager : 35% - Produits culturels : 32% - Beauté et santé : 25%

Depuis un smartphone : - Habillement, adulte et enfant : 11% - Produits techniques, électroménager : 9% - Produits culturels : 8% - Location ou abonnement VOD / Musique en ligne : 6% - Jeux et jouets : 6%

Depuis une tablette : - Habillement adulte et enfants : 16% - Produits culturels : 11% - Voyage / tourisme : 8% - Beauté et santé : 8% - Produits et électroménager : 8%

Source : Etude Févad/Médiamétrie – observatoire du consommateur connecté- juin 2015

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Philippe Moati Professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot

Il y a trois grands points d’entrée du digital dans la grande distribution.

- Le premier niveau, le plus est évident, c’est de devenir multicanal c’est à dire d’exploiter tous les canaux de distribution que le digital a ouvert, le e-commerce sous toutes ses formes y compris le M- commerce (commerce mobile).

- Ensuite, il y a deux autres niveaux un peu moins évident, dont la contribution du numérique au back office de la grande distribution, c’est à dire toutes les données que les grands distributeurs sont en train d’accumuler (big data) sur le comportement de leur client. L’application d’une intelligence de compétences à ces données permet d’optimiser le métier de distributeur car on apprend à maximiser la logistique et la tarification. Ainsi, on fait du commerce de précisons car on est capable de satisfaire les clients, on est plus en phase pour mettre en place les actions commerciales et les services qui seront plus pertinents, comme les bons de réduction ciblés.

- Et puis, dernière facette du numérique dans la grande distribution, c’est le point de vente, et comment on peut tenter de le ré-enchanter, de lui redonner de l’attractivité et de renouveler l’expérience d’achat dans le magasin pour les clients, en équipant le magasin de dispositifs numériques. Cela peut être extrêmement varié, il en sort tous les jours en ce moment, de la cabine d’essayage virtuelle au sommelier numérique en passant par le cintre communicant.

POINT DE VUE: QUELS SONT LES ENJEUX DU DIGITAL DANS LA GRANDE DISTRIBUTION EN FRANCE ?

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Christophe BenaventProfesseur de Marketing à l’université Paris Ouest

L’enjeu évident est celui de la digitalisation du parcours client. En effet le problème principal pour le consommateur est celui d’identifier les produits qui l’intéressent à travers l’utilisation d’internet (tels que les sites comparateurs). Comment trouver ce que l’on souhaite surtout si on ne sait pas exactement ce que l’on cherche! Disposer de méthodes de filtrage, et encore mieux d’algorithmes pertinents et agréables pour faciliter la navigation est absolument essentiel. Au moment de l’achat, l’enjeu se joue dans les smartphones et dans l’emploi des applis reliées aux points de vente, qui pour une proportion notable des consommateurs devient le complément dans la panoplie d’achat. Un point crucial est naturellement le paiement. Ensuite, après l’achat il y a naturellement la question du service après-vente et surtout celui de la résolution électronique des litiges, c’est un domaine naissant mais qui fait la force de certaines plateformes telles qu’AirBnB. Plus généralement parce que les consommateurs expriment plus largement leur sentiment, négatif ou positif, principalement sur les réseaux sociaux, la problématique de l’e-réputation est capitale.Mais ces différents aspects sont principalement opérationnels, les maîtriser est important mais pas suffisant. Il y a aussi un enjeu stratégique. Ce que l’on voit apparaître aujourd’hui, notamment avec les plateformes collaboratives, c’est un modèle économique de nature très différente de ce que l’on connait. Il ne suffira pas d’abandonner l’offre actuelle des modes d’acheminement digital comme le drive, les casiers et autres points relais mais de repenser un système d’approvisionnement (sourcing) qui fasse passer à une autre échelle l’offre actuelle, le crowdsourcing en fait partie. Ainsi l’enjeu réside dans l’exploitation des économies de diversité en gardant à l’esprit la pression des prix!

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Grégory BressollesProfesseur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School

Les positions ne sont pas figées, elles évoluent dans le temps. Après qu’est ce qui peut expliquer que nous allons retrouver plutôt des pures players dans les premières places : quand vous êtes un pure player par définition vous n’avez pas de présence physique. Le seul moyen d’attirer les clients c’est d’être bien positionné sur les moteurs de recherches, de développer sa notoriété pour essayer d’inciter les clients à aller sur votre site. En effet, s’ils ne viennent pas sur votre site vous n’avez pas de client, à la différence d’un magasin physique où un client va passer devant dans la rue et va pouvoir rentrer. Donc que depuis le développement du e-commerce, tous ces sites ont investi massivement dans l’amélioration de leur positionnement sur les moteurs de recherche ce qui fait qu’ils arrivent en première position lorsque les internautes font des recherches et du coup ils tirent logiquement peut être plus de trafic. Donc quand on voit qu’un internaute qui fait une recherche va passer par un moteur de recherche de type google,, on s’aperçoit que le premier site qui arrive est un pure player. Du coup, les internautes vont cliquer sur ces liens. Mais on s’aperçoit depuis maintenant 2-3 ans que les Clicks and Mortars prennent vraiment conscience de l’importance d’internet. Souvent le e-commerce était vu comme le concurrent interne aux enseignes qui allait cannibaliser la vente en magasin. Heureusement, aujourd’hui cette vision n’est plus d’actualité et les distributeurs qui ont une présence physique voient justement l’intérêt du e-commerce pour se développer donc améliorent leur présence en ligne et surtout les processus cross canaux avec la possibilité d’acheter en ligne et de récupérer en magasin ou de mixer toutes les possibilités envisageables.

Des habitudes différentes selon les canaux

Dans la plupart des pays occidentaux, le n°1 du e-commerce est Amazon, acteur uniquement digital. Aujourd’hui encore, 3 des 5 sites e-commerce les plus fréquentés en France sont des pure players. Pourtant, les pure players ne dominent plus le commerce en ligne. Aux Etats-Unis, si l’on retire Amazon, Vistaprint et Netflix, ils ne représentent plus que 10% du chiffre d’affaires du top 100 des sites e-commerce. Ne pas disposer d’un réseau physique pour en site marchand semble aujourd’hui aussi handicapant que de ne pas avoir de services en ligne pour un magasin traditionnel.

POINT DE VUE: COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS QUE DANS LE TOP 5 DES SITES INTERNET DE E-COMMERCE LES PLUS VISITÉS, NOUS TROUVONS AUX TROIS PREMIÈRES PLACES DES PURES PLAYERS ? CELA EST-IL AMENÉ À ÉVOLUER ?

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DOSSIER2. QUELLES SONT LES ATTENTES DES CONSOMMATEURS ?

Les comportements d’achat évoluent différemment selon les pays

Le magasin physique reste le point de vente préféré des acheteurs partout dans le monde, mais Internet suit de très près.

-72% des acheteurs considèrent le magasin physique comme étant important ou très important, contre 67% pour Internet. -14% des acheteurs indiquent que le magasin est moins important pour eux. -Néanmoins, 51% des consommateurs anticipent qu’ils dépenseront davantage en ligne que dans les magasins physiques.

(Etude « Digital Shopper relevancy », Capgemini, sept. 2014)

On note cependant des habitudes de consommation très différentes d’un pays à un autre.

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Grégory Bressolles Professeur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School

Disons que si on reste sur l’alimentaire par exemple les formats de magasins ne sont pas forcément les mêmes partout, le système de l’hypermarché à la française ne se retrouve pas notamment aux Etats-Unis où l’on va voir des enseignes très focalisées autour de l’alimentaire et d’autre spécialisés sur le non alimentaire. Dans un pays avec un fort taux d’équipement en smartphones, on voit bien entendu une tendance locale qui se développe de commerce connecté via le smartphone. Donc il y a des différences, le taux d’utilisation, le taux d’équipement qui n’est pas forcément le même en fonction des pays et de la structure de la distribution dans chacun des pays. En revanche, on est sur une tendance globale qui va vers la même logique : celle de chercher à toujours mieux satisfaire le consommateur pour mieux répondre à ses besoins. Il s’agit également d’essayer de transformer la dimension « corvée » de certaines courses en plaisir, en faisant de l’expérience en ligne ou en magasin la plus satisfaisante possible.

Christophe BenaventProfesseur de Marketing à l’université Paris Ouest

Je n’aime pas les comparaisons entre pays qui masquent les différences qu’il y a au sein même des pays. Aujourd’hui 60% des Français sont équipés de smartphone, le reste non. Le problème des entreprises c’est qu’elles doivent gérer les deux populations. Le même problème se pose en Angleterre où le taux d’équipement de smartphones est de 70%. Ça ne veut rien dire. L’achat en ligne est une solution parmi d’autres, et pas un signe de développement. La question centrale est quel est le rapport des consommateurs à l’achat tout court ? Cherchent-ils à faire des économies? Trouvent-ils dans la consommation une culture dans laquelle ils expriment leurs identités ? Cherchent-ils simplement à accéder à des consommations qui leur sont interdites car ils vivent trop loin des centres urbains? Et comment utilisent-ils les techniques pour réaliser leur but ? Il y a des pays dans lesquels de manière surprenante on peut observer une avance considérable en terme d’emploi du digital. Je pense au Kenya, avec l’extraordinaire diffusion des modes de paiement mobile offert par M-Pesa, qui n’est pas une banque. Dans un pays où les revenus sont faibles, la bancarisation marginale, mais l’usage de téléphones mobiles traditionnels (nos bon vieux Nokia) a été stimulé par la difficulté des transports routiers. Les consommateurs kenyans ont trouvé dans le paiement mobile une solution à de nombreux problèmes quotidiens, notamment transférer du cash à de la famille éloignée. Est-ce que, le Kenya est en avance sur nous?

POINT DE VUE: OBSERVE-T-ON DES DIFFÉRENCES ENTRE LES PRÉFÉRENCES ET LES HABITUDES DE CONSOMMATION DANS LES DIFFÉRENTS PAYS (ASIE, USA ET EUROPE) ?

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Les préférences des français en matière de livraison

Comme la question du paiement, celle de la livraison est essentielle dans le cadre du commerce digital. 84% des Français sont prêt à rester fidèle à un même site marchand si la qualité de la livraison a été au rendez-vous. Si la livraison à domicile reste majoritaire, de nombreuses autres solutions ont été mise en place que cette question ne devienne pas un frein. Et chaque pays semble avoir développé son exception culturelle en la matière : alors les Français plébiscitent le point relais, les Britanniques privilégient le retrait en points de vente, alors que les Allemands ont mis en place un populaire système de consignes automatiques. En revanche les trois pays partage un goût commun pour des livraisons gratuites et rapides.

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Pierre VolleProfesseur de Marketing & Customer Management – Université Paris Dauphine

Le digital impacte fortement l’ensemble des comportements, tout au long du « parcours client », avant, pendant et après l’achat. Les clients se renseignent sur Internet avant d’acheter, ils utilisent leurs téléphones en magasins, ils partagent leurs expériences de consommation avec leurs proches sur les réseaux sociaux, etc.Avec le digital, les comportements de consommation sont plus « intenses ». Le consommateur peut comparer systématiquement les prix entre les enseignes, il peut prendre en compte de nombreux critères pour choisir un produit grâce aux fiches disponibles sur Internet, il peut acheter à la dernière minute, y compris au milieu de la nuit, etc.Une question est de savoir si la technologie impacte les comportements ou si, à l’inverse, les comportements poussent les technologies. En fait, de mon point de vue c’est un peu une fausse question. Les technologies ne fonctionnent que si elles « résonnent » auprès des consommateurs, c’est-à-dire si elles sont utiles et qu’elles sont faciles d’utilisation. C’est basique… à tel point que de nombreuses technologies ne répondent pas à ces deux exigences, souvent parce qu’elles sont imaginées par des ingénieurs passionnés qui oublient l’utilisateur en route !Finalement, parmi la myriade de technologies disponibles, celles qui « prennent » sont peu nombreuses et ne réussissent que parce qu’elles permettent, ou facilitent, l’expression de comportements réels : chercher des bonnes affaires sur un comparateur de prix, trouver un acheteur pour revendre un produit d’occasion. Ces comportements existaient avant l’arrivée de l’Internet. Finalement, rares sont les technologies qui créent de véritables nouveaux comportements.

POINT DE VUE: QUELS SONT LES IMPACTS DU DIGITAL SUR LE COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS ? ET INVERSEMENT ?

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Christophe Benavent Professeur de Marketing à l’université Paris Ouest

La technologie n’a pas vocation à changer les comportements des consommateurs. Prenez la question du prix. Certains cherchent à minimiser le coût de leur panier : auparavant, ils passaient du temps à collectionner les coupons et à comparer les prospectus. Ils font de même aujourd’hui mais de manière plus efficace avec les comparateurs. Ne cherchons pas les changements de comportement, intéressons-nous plutôt à comment des attitudes et des comportements qui sont divers (tout le monde ne cherche pas le plus bas prix, il y a même des consommateurs qui font les courses car c’est une distraction) vont s’amplifier avec l’usage des technologies et en conséquence à comment les consommateurs emploient et s’approprient les techniques. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de déterminisme technologique, les consommateurs utilisent, dans un panier d’outils, ceux qui correspondent à leur manière de faire. Par exemple, concernant la question des données personnelles, tout le monde s’inquiète de la perte de confiance qui résulte du big data, mais en réalité cette inquiétude n’affecte pas les consommateurs, sauf dans un cas : celui de la publicité digitale qui encombre leurs écrans. Et ils ont trouvé la solution en adoptant les ad blockers dont plus de 250 millions de machines sont désormais équipées! Personne n’a vu venir cela. Ce n’est pas un changement de comportement, c’est simplement un nouvel usage au service d’un même but : réduire l’irritation provoquée par ce que les consommateurs pensent être un parasitage.

Philippe MoatiProfesseur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot

Beaucoup d’innovations n’aboutiront pas car c’est le consommateur qui vote et qui décide de ce qui l’intéresse et ce qui ne l’intéresse pas. On voit déjà que les gens exploitent très peu les bornes interactives, par exemple. Ça sera le client qui sera juge de ce qui doit se mettre en place, en termes d’outils digitaux dans la vente. C’est dans l’autre sens que la question est importante, c’est-à-dire en quoi le digital modifie le comportement des consommateurs. On avait des clients ignorants, isolés et silencieux, et avec le digital, on a des clients super informés, qui prennent la parole et qui sont capables d’agir collectivement. Or, nous ne sommes qu’au début, cela va certainement encore s’intensifier à l’avenir. Certains vont même jusqu’à dire que le pouvoir est entre les mains du client. Cela me paraît un peu fort, car nous sommes tous des clients à temps partiel alors que les distributeurs et les marques le sont, eux, à temps plein. Et nous avons des moyens qui se sont certes améliorés mais qui restent artisanaux, alors que les marques ont des moyens scientifiques comme le big data et toutes les connaissances qu’ils vont accumuler sur les clients, ainsi qu’une compréhension des leviers pour influencer les comportements.Il y a une forte professionnalisation des vendeurs, qui est au moins à la hauteur du gain de pouvoir des consommateurs. Le numérique rend les consommateurs plus puissants dans leur comportement d‘achat. Cela a accéléré une tendance que l’on observait déjà par ailleurs dans le secteur du commerce et plus généralement dans toute l’économie qui est la nécessité pour les distributeurs de s’orienter « client » et de mettre le client comme point de départ de leur réflexion stratégique en ciblant la satisfaction client.

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Jean-Marc Goachet Administrateur de l’Adetem

Depuis l’accès à Internet en tout lieu (ou presque), à n’importe quel moment, de n’importe quel objet connecté, le web est devenu comportemental. Il nous suit au quotidien, nous est utile au quotidien. Il n’est plus seulement objet de consultation, il est devenu objet d’action. Le consommateur est donc devenu une sorte de super héros, aux pouvoirs décuplés. Plus informé, plus mobile, plus réactif… une addition de capacités qui font de lui un client plus « redoutable » et redouté.Mieux informé, son niveau d’exigence s’est accru. Plus question de lui décrire un produit dans les grandes lignes sans s’adapter aux centres d’intérêt précis du client. Ce niveau d’exigence plus élevé se traduit aussi par une forte demande de continuité entre les promesses énoncées de la Marque sur le web et celles tenues en magasin. Le client est devenu multi-canal, sans faire la différence entre le On-line et le Off-line, le web est devenu comportemental et donc omniprésent dans sa vie de consommateur, pour peu qu’il soit connecté, évidemment.

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Si la grande distribution a sans doute regardé avec circonspection l’émergence du e-commerce à ses débuts, elle a largement embrassé le digital depuis et fait désormais partie des acteurs majeurs dans le domaine, en termes de volume de ventes bien entendu, mais également en matière d’innovations. Ainsi elle a installé des usages essentiels comme le drive et popularisé les comparateurs de prix. Et elle doit aujourd’hui encore anticiper et inventer les applications de demain.

Pour l’exposition universelle de Milan qui s’achève bientôt, Coop Italia (partenaire E.Leclerc) a par exemple imaginé un supermarché du futur, basé sur des tables interactives, une information consommateurs multi-écrans et une personnalisation maximale du service. Dans le même temps, l’Américain Walmart promet des investissements très important dans le domaine de la digitalisation des points de ventes. Mais l’acteur le plus précurseur en la matière est incontestablement le groupe anglais Tesco.

Tesco, à la pointe de l’innovation

Dès 2009, Tesco innovait dans le domaine de l’expérience client en proposant aux consommateurs une « digital shopping list »: Tesco Finder. Les utilisateurs, grâce à cette application, peuvent naviguer dans l’ensemble des produits proposés par Tesco et construire leur shopping list qu’ils peuvent partager avec leurs amis ou compléter en magasin. Une fois la « shopping list » effectuée, l’application met en place le chemin à suivre dans le magasin pour faire ses courses le plus efficacement possible.

En 2010, Tesco proposait aux usagers du métro de Séoul des rayons de supermarchés dans les emplacements publicitaires, sur lesquels les personnes pouvaient retrouver les images virtuelles de 500 références produits, accompagnés d’un QR Code. Les usagers qui attendaient le métro pouvaient en profiter pour faire leurs courses à l’aide de leurs smartphones en scannant le QR code devant le produit, pour remplir son panier virtuel. Les produits étaient ensuite livrés aux domiciles des consommateurs dans la journée.

En plus d’avoir fait le buzz dans le monde entier, Tesco Home Plus a dévoilé à l’époque les chiffres des ventes en ligne. Ils auraient grimpé de 130% en 3 mois, le nombre de clients « e-commerce » aurait augmenté de 76% et l’application mobile, indispensable pour scanner le QR Code et avoir accès à la plateforme de vente en ligne aurait été téléchargée par 600 000 personnes. Tesco a donc réussi à convaincre les usagers du métro de Séoul, profitant du goût des Coréens pour les nouvelles technologies.

Tesco a également innové ces dernières années en testant la reconnaissance faciale en magasin, leur permettant diffuser de la publicité ciblée en fonction des clients dans la queue. Néanmoins cette expérience semble avoir été jugée trop intrusive par la population britannique

Enfin, Tesco, souhaitant investir également dans la captation de données, produit et vend désormais ses propres tablettes et smartphones.

3. LA GRANDE DISTRIBUTION INNOVANTE FACE AU DÉFI DU DIGITAL

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Philippe MoatiProfesseur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot

Le digital doit être l’instrument privilégié et même le passage obligé pour les distributeurs afin de basculer progressivement vers des « modèles serviciels ». Les distributeurs poussent les produits vers le consommateur, je pense que c’est une méthode qui est en voie de dépassement. On devrait aller plutôt vers des approches où l’on accompagne les clients en proposant des solutions plutôt que des produits. Le numérique ça ne sera pas que des gadgets en magasin pour faire joli ou réenchanter le magasin. Le numérique sera véritablement l’outil d’un basculement dans un autre modèle d’économie. La portée du numérique sera encore bien plus importante que ce que l’on imagine aujourd’hui.

Grégory BressollesProfesseur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School

C’est une bonne question parce que cela dépend pas mal de l’évolution de la technologie. Là encore si on regarde la rapidité de l’apparition de certains outils et si on regarde par exemple les smartphones, ils ont conquis en moins de 10 ans, selon les pays, de 60 % à 90% de la population d’un pays. A partir du moment où l’on a en main un outil connecté à internet et qui vous permet de vous chercher des informations, d’acheter en permanence de chez vous, au bureau, dans la rue et même dans les magasins, cela modifie considérablement la manière d’acheter et de se comporter du consommateur, on va parler de showrooming, de web-to-store, ainsi la technologie peut effectivement booster la grande distribution.

On voit le développement des puces RFID et on voit l’utilisation qu’en fait Décathlon pour améliorer la logistique, la gestion du rayon et l’encaissement, la NFC avec le paiement sans contact et toutes les possibilités qui permettent d’accélérer et de fluidifier la sortie de caisse.

Facebook qui a racheté Oculus Rift, société spécialisée dans les lunettes 3D en réalité augmentée, est un exemple de ce qu’on peut envisager dans le futur. Ainsi, on n’ira plus en magasin pour acheter certains produits, et on n’ira plus simplement sur son ordinateur qui proposait jusque-là une expérience 2D assez limitée, mais on pourra naviguer dans un magasin virtuel en 3D et faire ses courses sans se déplacer de chez soi.

POINT DE VUE: QUELLES SERONT LES INNOVATIONS DIGITALES À VENIR DANS LA GRANDE DISTRIBUTION ?

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Jean-Marc GoachetAdministrateur de l’Adetem

S’il y en a une qui est attendue, c’est celle d’avoir du réseau. Et c’est encore loin d’être le cas. Une situation qui gâche bien souvent l’expérience client ou dessert le distributeur qui voit ses efforts pénalisés pour une question d’infrastructure défaillante. Il s’agit là de l’innovation minimum, si on peut parler d’innovation.Une fois résolu ce pré-requis technique, l’innovation devra avant tout être au service du client et respectueuse de ses intérêts. Avant de penser technologie, il faut penser social pour peu que l’on mette le client au cœur de sa stratégie. De toute façon, elle suivra toujours. Du vêtement imprimé à la balance connectée, la technologie regorge de promesses. A nous de la rendre utile et au service du client. La connaissance du client sera primordiale. L’innovation sera donc aussi dans l’écoute et la compréhension fine des attentes du consommateur. Au-delà des algorithmes du Big data, c’est la proximité avec le client qui devra faire l’objet d’innovation et ce, pour une relation voulant s’inscrire dans la durée.

Pierre VolleProfesseur de Marketing & Customer Management – Université Paris Dauphine

Le commerce électronique ne remplacera jamais le commerce traditionnel. Je peux être affirmatif sur ce point, pour une raison très simple : le commerce traditionnel n’existe déjà plus !

Les commerçants « traditionnels » (ceux qui disposent de magasins, s’il l’on veut en donner une définition rapide) évoluent très rapidement vers de multiples formes d’hybridation : les chaînes ouvrent des sites marchands (pendant que les sites marchands ouvrent des magasins) et les technologies entrent par la grande porte des magasins. Finalement, les enseignes combinent de plus en plus l’ensemble des canaux et des technologies qui permettent de « s’interfacer » avec le client (on parle de cross-canal, voire d’omni-canal).

Circonscrire le périmètre du commerce électronique est aujourd’hui une tâche difficile. Certains, comme l’INSEE ou la FEVAD, s’y attellent (selon le secteur, le commerce électronique représente entre 5 et 15% des ventes du commerce de détail). Mais dans 5 ou 10 ans, peut-être moins, nous regarderons la période actuelle avec amusement, car il sera impossible de distinguer le poids et le rôle de chaque canal. Chaque enseigne combinera plus ou moins l’ensemble des canaux à sa disposition, y compris des interfaces qui sont tout à fait nouvelles aujourd’hui, comme les objets connectés. Le magasin sera connecté ou ne sera pas.

POINT DE VUE: LE E-COMMERCE REMPLACERA-T-IL LE MAGASIN TRADITIONNEL ?

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Christophe BenaventProfesseur de Marketing à l’université Paris Ouest

Oui si les transports sont congestionnés et coûteux, oui pour les biens de commodités, non si acheter est l’objet d’une expérience intrinsèque. Il ne faut pas opposer e-commerce et point de vente, il faut comprendre les complémentarités et c’est une histoire de cas par cas. L’achat de billets de transport ou de réservation d’hôtel s’est quasiment substitué aux agences de voyages. En revanche on continue d’aller chercher ses médicaments à la pharmacie même si la e-pharmacie se développe. On continuera à le faire, tant que le moment où l’on acquiert ses médicaments est aussi l’occasion de mieux penser sa maladie en discutant avec le pharmacien. On continuera d’acheter ses plantes dans les jardineries, c’est l’occasion de stimuler son imagination mais on se fera livrer les sacs de terreaux. Pour penser la complémentarité ou la substitution, vous comprenez qu’il faut avoir une approche en termes d’écosystème, et une compréhension en profondeur de l’expérience de consommation.

Grégory BressollesProfesseur de Marketing et responsable de la chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Busines School

On a opposé pendant des années e-commerce et commerce traditionnel. J’avais l’habitude de dire, comme d’autres personnes, que le e-commerce est mort. Il est mort dans le sens où aujourd’hui à mon avis on ne doit pas forcément faire la différence entre e-commerce et commerce traditionnel notamment grâce au Smartphone qui permet d’avoir cette notion de commerce sans couture. En effet, cela permet de maintenir une relation avec le client et cela donne la possibilité au client de rentrer en relation avec l’enseigne quand il veut, comme il veut et où il veut. Au final cette opposition e-commerce et commerce traditionnel a de moins en moins de pertinence et de sens puisque quand on parlait d’e-commerce on parlait d’expérience derrière son ordinateur qui était généralement un ordinateur fixe chez soi. On l’opposait à l’expérience en magasin qui elle était est dans le monde physique et qui nécessitait un déplacement. Mais si on prend le postulat que le smartphone permet de maintenir une relation tout le temps avec le consommateur, cette opposition a de moins en moins de pertinence. En effet, on voit même que les pure players cherchent à développer une présence physique justement pour occuper le terrain face à la prise de conscience assez récente des distributeurs physique de l’intérêt du e-commerce. Et on voit par exemple CDiscount qui a été racheté par Casino et qui aujourd’hui exploite les deux canaux de manière complémentaire. Cela a permis à CDiscount d’avoir une multitude de points relais en magasin et ainsi de proposer une offre beaucoup plus large. Alors c’est peut-être plus facile pour des enseignes intégrée que pour des enseignes indépendantes mais si on prend l’exemple de Leclerc ou d’autres enseignes indépendantes il faut réussir à fédérer et à associer tous les indépendants pour développer ce processus.

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Jean-Marc GoachetAdministrateur de l’Adetem

Il va le ré-inventer ! Ce simple rapport permet de se faire une idée : alors que 90% des français pratiquent la recherche en ligne avant d’aller acheter en magasin, 90% des ventes se font toujours dans les points de vente physiques. Les consommateurs jouent donc la complémentarité et les Marques ont tout intérêt à en faire autant. Chaque canal doit miser sur ses propres atouts en privilégiant la multi-canalité. Les combinaisons sont multiples. Pour les clients qui ne veulent plus perdre de temps en magasin sans s’interdire une visite de temps en temps, il y a le click & collect ou le drive, pour les geeks aficionados du lèche-vitrine, il y a les miroirs numériques qui les habillent virtuellement. Pour accompagner le vendeur devant faire face à une très grande gamme de produits, il y a la tablette qui l’informe des caractéristiques du produit, au nombre d’exemplaires en stock, jusqu’à préciser au client où trouver le produit s’il n’y en a plus dans le magasin, le tout sans avoir à passer X coups de téléphone. Ca vous parle !A l’image du consommateur devenu super héros de la conso, le magasin va lui aussi devenir super store, aux pouvoirs décuplés grâce au digital. Un magasin enrichis en fonctionnalités, offrant une expérience client dans la continuité de celle offerte par son mobile. Le magasin doit devenir un lieu de découverte où l’on peut vivre une expérience unique et nouvelle. Les shows room automobile des Champs Elysées en sont un excellent exemple. Le e-commerce est un impulseur et non un répulseur. D’ailleurs, plusieurs pureplayer commencent à ouvrir des magasins physiques pour se donner une identité et entrer en contact avec le client. Le client est demandeur de sens. Un client devenu créateur, voire co-créateur. La marque doit lui donner la possibilité de s’exprimer. Phildar l’a bien compris en valorisant le DIY au sein de ses stores digitaux.

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E. LECLERC À L’HEURE DU DIGITAL

Comment concilier la culture d’indépendance et le fort ancrage local de l’enseigne E.Leclerc avec la culture globale et centralisée du digital ? Guillaume Roman, responsable du développement digital, nous explique comment E.Leclerc a abordé sa transformation digitale.

Guillaume RomanResponsable du développement digital E.Leclerc et propriétaire du magasin E.Leclerc de Valréas

Quel regard porte E.Leclerc sur l’émergence du digital dans la distribution ?L’émergence et le développement du e-commerce sont à la fois un challenge et une opportunité pour nous. Un challenge car cela nécessite une mutation interne, le digital amenant des évolutions structurelles dans nos outils ou nos organisations mais aussi dans notre culture d’indépendant. Cependant le challenge fait partie intégrante de l’ADN E.Leclerc ! Et puis cette émergence digitale est surtout une formidable opportunité de développer nos activités actuelles mais aussi d’accéder à de nouveaux marchés ou de nouveaux modes de distribution ou encore tisser une dimension supplémentaire dans notre relation client. Ce que nous avons réalisé avec le drive est un modèle de ce que nous sommes capables de faire en se mettant à l’heure du digital. Nous l’avons développé plus vite et plus fortement que tous nos concurrents.

Comment E. Leclerc s’est-il mis à l’heure du digital ? Avec quels résultats ?Nous avons avancé marche par marche. D’abord avec le portail E.Leclerc puis en travaillant sur des applications de service comme « Qui est le moins cher ? ». Enfin, nous avons pris le parti de développer de véritables unités de e-commerce dans certains domaines : le drive, le voyage, l’optique… Naturellement, le drive est notre locomotive e-commerce et il nous permet aujourd’hui d’être le 24ème acteur du e-commerce mondial en terme de chiffre d’affaire, avec plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Qu’apporte le digital aujourd’hui à E.Leclerc ?Du business évidemment ! La majorité de notre activité est en magasin mais le digital, c’est aujourd’hui près de 7% du chiffre d’affaire de l’enseigne et cette part va encore croitre dans les années à venir ! Notre approche est très pragmatique, cela nous conforte dans l’idée qu’aucune porte ne doit être fermée, que les possibilités de développement sont innombrables. L’exemple parfait est ce que nous avons fait avec l’Optique E.Leclerc. Nous touchons de nouveaux secteurs, de nouveaux clients, de nouveaux marchés et cela nous offre aussi l’opportunité de renforcer notre image de modernité.

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L’INTÉGRALITÉ DE L’INTERVIEW SUR

> WWW.ECOSOCIOCONSO.COM

CONTACT

Nicolas MOREAUpour EcoSocioConso

http://www.ecosocioconso.com/@ecosocioconso

[email protected]

Guillaume RomanResponsable du développement digital E.Leclerc et propriétaire du magasin E.Leclerc de Valréas

Comment le digital peut se mettre au service de la proximité et du local ?On touche là au fondement même de notre enseigne, notre lien avec nos clients et avec nos fournisseurs. Nous sommes locaux par essence et cela rentre dans notre développement digital. Le drive ouvre par exemple de nouveaux débouchés à nos fournisseurs locaux. Nous sommes en capacité de compléter la relation digitale par une relation client existante, forte et humaine. C’est justement ce que des pure players peinent terriblement à développer.

Quels sont les nouveaux usages digitaux qui intéressent Leclerc aujourd’hui ? Comment envisage-t-on de les adresser dans un futur proche ?Tout d’abord, il est important de mettre chaque chose à sa place. Notre réseau physique reste au cœur de notre activité et c’est à partir de ça que nous pensons notre développement digital. Les outils digitaux doivent nous permettre de répondre aux attentes des consommateurs en étant complémentaire de notre réseau physique. Ils doivent nous permettre de continuer à tisser des liens avec nos clients. Par ailleurs, les outils digitaux changent les modes de consommation et nous devons y être attentifs. C’est pourquoi nous menons des réflexions sur les usages, les supports et les techniques commerciales. Parmi ces nouveaux usages celui du M-commerce, le paiement via Smartphone retiennent évidemment toute notre attention.