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La disparition de l'acte administratif

unilatéral : l'abrogation et le retrait (cours)

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La disparition de l'acte administratif unilatéral : abrogation/retrait 2

Table des matières

Table des matières .................................................................................................................................. 2

Introduction ............................................................................................................................................. 3

I – L’abrogation ........................................................................................................................................ 4

La liberté d’abroger ............................................................................................................................. 4

L’obligation d’abroger ......................................................................................................................... 5

1 - L’état du droit antérieur à l’arrêt Cie. Alitalia ............................................................................ 5

2 – L’état du droit résultant de l’arrêt Cie. Alitalia .......................................................................... 6

3 - L’apport de la loi du 20 décembre 2007 .................................................................................... 6

II - Le retrait ............................................................................................................................................ 8

Une décision créatrice de droits et illégale ......................................................................................... 8

Le retrait des décisions explicites ...................................................................................................... 10

1 - La jurisprudence Cachet – Ville de Bagneux : l’assimilation des délais de retrait et de recours contentieux .................................................................................................................................... 10

2 - L’amorce du découplage des délais de retrait et de recours contentieux : l’arrêt Mme. de Laubier ........................................................................................................................................... 10

3 - La systématisation du découplage des délais de retrait et de recours contentieux : l’arrêt Ternon ........................................................................................................................................... 11

Le retrait des décisions implicites d’acceptation .............................................................................. 13

1 - L'encadrement originel du retrait des décisions implicites d'acceptation ............................... 13

2 - Le nouvel encadrement législatif du retrait des décisions implicites d'acceptation ............... 13

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Introduction

Les causes de la disparition d’un acte administratif unilatéral sont multiples. Ainsi, ce dernier peut cesser d’exister du fait d’une annulation par le juge, ou du fait de l’écoulement de la durée d’application qu’il avait lui-même prévu. Mais, un acte administratif peut cesser de produire ses effets de par la volonté de l’Administration elle-même : en pareille hypothèse, l’on distingue le retrait et l’abrogation.

A la différence du retrait, l’abrogation n’a pas d’effet rétroactif (I). Ce pouvoir d’abrogation se justifie par la nécessité de permettre à l’Administration de s’adapter constamment à l’évolution de l’intérêt général. Ainsi, le principe de mutabilité trouve à s’appliquer tant aux contrats administratifs qu’aux règlements administratifs (CE, 27/01/1961, Vannier). L’Administration est donc en droit de modifier à tout moment la règlementation qu’elle édicte. L’abrogation peut être explicite lorsque le nouveau règlement mentionne expressément la suppression de l’ancien. Mais, elle peut être aussi implicite par l’intervention d’une norme postérieure, de même niveau ou de niveau supérieur, dont le contenu est incompatible avec l’ancien règlement. Surtout, l’Administration peut tantôt disposer de la liberté d’abroger, tantôt être soumise à l’obligation d’abroger. S’agissant de ce dernier point, la jurisprudence concerne principalement les actes règlementaires : ainsi, jusqu’à l’arrêt Cie. Alitalia, l’état du droit était complexe et évolutif, mais cet arrêt a apporté toute la simplicité qui manquait ; en 2007, le législateur se saisira, aussi, de cette question pour consacrer ces principes en y apportant, cependant, quelques nouveautés.

En ce qui concerne le retrait (II), le caractère rétroactif de la disparition de l’acte peut être de nature à nuire à la sécurité juridique en portant atteinte au principe d’intangibilité des droits acquis par les administrés. Mais, il répond aussi à l’objectif de permettre à l’Administration de réparer ses erreurs et donc de faire respecter le principe de légalité. Le régime du retrait consiste donc à trouver un juste équilibre entre le respect de ce dernier principe, impliquant le droit pour l’Administration de retirer ses décisions illégales, et le respect de la sécurité juridique du fait des droits acquis par les administrés. Cet équilibre varie, alors, selon que l’acte est ou non créateur de droit. Dans la première hypothèse, le retrait ne peut être prononcé que pour illégalité et le régime varie selon que la décision retirée est explicite ou implicite. Surtout, le point d’équilibre entre sécurité juridique et respect du principe de légalité se matérialise au travers du délai pour retirer la décision : ici, les règles ont considérablement évolué depuis les années 2000.

Outre ces deux procédés, doit être notée l’hypothèse constituée par une déclaration d’inexistence. Concrètement, il s’agit ici pour le juge de sanctionner une illégalité particulièrement grave : l’acte n’est pas nul, mais inexistant, et le juge administratif ne le qualifie pas d’illégal mais de « nul et de nul effet ». Deux cas d’inexistence peuvent être distingués. Ainsi, il peut s’agir, d’abord, d’une inexistence juridique ; ici, l’acte est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’Administration : c’est, par exemple, le cas d’un empiètement par le préfet sur les pouvoirs du juge. L’inexistence peut, par ailleurs, être matérielle, c’est-à-dire que l’acte en cause n’a jamais existé : c’est ici, par exemple, l’hypothèse des mesures prises par délibération d’un conseil municipal, alors qu’il n’est pas possible de les rattacher à une délibération de ce conseil. Du point de vue du régime juridique, l’acte inexistant n’ayant jamais fait partie de l’ordre juridique est considéré comme n’ayant pas créé de droits. La conséquence est qu’en pareille hypothèse aucun délai de recours contentieux n’existe. Ainsi, l’on évite que des actes manifestement irréguliers continuent à produire leurs effets lorsque le juge n’a pas été saisi dans les délais.

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I – L’abrogation

A la différence du retrait, l’abrogation n’a pas d’effet rétroactif. Ce pouvoir d’abrogation se justifie par la nécessité de permettre à l’Administration de s’adapter constamment à l’évolution de l’intérêt général. Ainsi, le principe de mutabilité trouve à s’appliquer tant aux contrats administratifs qu’aux règlements administratifs (CE, 27/01/1961, Vannier). L’Administration est donc en droit de modifier à tout moment la règlementation qu’elle édicte. L’abrogation peut être explicite lorsque le nouveau règlement mentionne expressément la suppression de l’ancien. Mais, elle peut être aussi implicite par l’intervention d’une norme postérieure, de même niveau ou de niveau supérieur, dont le contenu est incompatible avec l’ancien règlement. Surtout, l’Administration peut tantôt disposer de la liberté d’abroger, tantôt être soumise à l’obligation d’abroger.

La liberté d’abroger

Il faut ici distinguer selon que les actes sont ou non créateurs de droit.

1 / S’agissant des actes non créateurs de droit, l’Administration est, ici, libre d’abroger ce type d’actes à tout moment. C’est particulièrement vrai pour les règlements en vertu du principe selon lequel « nul n’a de droits acquis au maintien d’un règlement ». La solution est la même pour un acte non règlementaire régulier.

2 / En ce qui concerne les actes créateurs de droit, l’abrogation d’un acte règlementaire régulier est possible (CE, 13/12/2006, « Lacroix »), mais le juge administratif peut, depuis l’arrêt KPMG de 2006, imposer à l’Administration la prise de mesures transitoires dans un souci de sécurité juridique. Pour les actes non règlementaires réguliers, l’abrogation est possible mais seulement par un acte contraire respectant le parallélisme des formes et dans les cas prévus par les lois et règlements en vigueur. Si ces derniers ne prévoient pas cette possibilité, l’abrogation de l’acte n’est possible que si le titulaire des droits en fait la demande (CE, 30/06/2006, Société Neuf Télécom SA). Enfin, si cette décision est illégale, l’abrogation n’est possible que dans un délai de quatre mois suivant l’intervention de la décision (CE, 6/03/2009, Coulibaly).

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L’obligation d’abroger

La jurisprudence sur l’obligation d’abroger concerne principalement les actes règlementaires. En la matière, jusqu’à l’arrêt Cie. Alitalia (CE, ass, 3/02/1989), l’état du droit était complexe et évolutif. Les choses changent radicalement en 1989. Et, en 2007, le législateur se saisit de la question pour consacrer ces principes en y apportant, cependant, quelques nouveautés.

1 - L’état du droit antérieur à l’arrêt Cie. Alitalia Il y lieu ici de distinguer les règlements illégaux dès l’origine, et les règlements devenus

illégaux par suite d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait.

a/ En matière de règlements illégaux dès l’origine, deux solutions se sont succédées en moins de cinq ans. Ainsi, au départ, le Conseil d’Etat prend une position identique à celle qu’il prendra en 1989. En effet, le 12 mai 1976, dans son arrêt Leboucher et Tarandon, la Haute juridiction se prononce en faveur de l’obligation pour l’Administration d’abroger, sur demande, les règlements illégaux originellement. Mais, par son arrêt de section So. Afrique France Europe transaction du 30 janvier 1981, la Haute juridiction se prononce pour une solution radicalement opposée, en l’occurrence l’absence d’obligation, sauf dans le cas ou le juge administratif est saisi dans les deux mois de la publication de l’acte.

b/ S’agissant des règlements devenus illégaux du fait d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait, si la solution était simple pour les règlements devenus illégaux par suite d’un changement dans les circonstances de fait, il en allait autrement en cas de changement dans circonstances de droit.

En premier lieu, lorsqu’est en cause un changement dans les circonstances de fait, c’est-à-dire d’un changement qui prive l’acte de sa raison d’être (CE, ass., 10/01/1964, Sieur Simonnet), le juge administratif considérait que les administrés pouvaient saisir, à toute époque, l’Administration d’une demande d’abrogation d’un règlement devenu illégal. Cette jurisprudence favorable aux administrés ne souffrait qu’une exception constituée par les règlements intervenus en matière économique. Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat n’admettait, selon le professeur Chapus, l’obligation d’abrogation que dans le cas « ou, pour des raisons indépendantes de la volonté des intéressés, le changement de circonstances a revêtu le caractère d’un bouleversement insusceptibles d’être prévu par l’auteur du règlement ». Hormis cette exception, le régime était plutôt favorable aux administrés.

En deuxième lieu, s’agissant des règlements devenus illégaux du fait d’un changement dans les circonstances de droit, deux jurisprudences se sont succédées. D’abord, dans son célèbre arrêt de section Despujol du 10 janvier 1930, le Conseil d’Etat prévoit deux hypothèses ou un administré peut obtenir l’abrogation d’un règlement devenu illégal. La première est celle ou l’administré saisit, à toute époque, l’Administration d’une demande d’abrogation et défère éventuellement au juge administratif le refus de cette dernière. La seconde est celle ou l’administré saisit le juge administratif d’une demande d’annulation du règlement lui-même dans les deux mois de l’acte juridique constituant une nouvelle circonstance de droit, une loi par exemple. Cette dernière solution présentait, cependant, l’inconvénient d’annuler rétroactivement un règlement, alors que celui-ci était lors de son édiction tout à fait conforme aux normes supérieures. C’est pour cette raison que le Conseil d’Etat, en 1964, abandonna cette possibilité et ne retint que la première solution, mais en l’adaptant : ainsi, celui-ci prévoit la possibilité de demander à l’Administration l’abrogation d’un règlement devenu illégal du fait d’une loi nouvelle par exemple, mais cette demande doit être présentée dans les deux mois de la loi qui a créée la situation juridique nouvelle (CE, ass.,

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10/01/1964, Syndicat national des cadres des bibliothèques). Le principe ainsi posé avait un inconvénient majeur résidant dans la question du délai : en effet, les administrés ne sont, la plupart du temps, au fait des nouveaux textes que lorsque l’Administration les leurs appliquent ; or, à ce moment là, le délai de deux mois est souvent dépassé.

On le voit, cette jurisprudence, en plus de manquer de lisibilité, n’était pas très protectrice des droits des administrés. C’est pour cela que le Conseil d’Etat changea ses principes directeurs en 1989.

2 – L’état du droit résultant de l’arrêt Cie. Alitalia Avant de commencer, il faut se souvenir que les principes posés en 1989 sont les mêmes que ceux posés par l’article 3 du décret du 28 Novembre 1983. Pourtant, le Conseil d’Etat préfère adopter un nouveau PGD plutôt que d’appliquer ce texte. Cette solution s’explique par la position du juge administratif et de l’Administration dans l’ordonnancement juridique. Le premier peut censurer les actes du second, en conséquence, et a contrario, les actes de l’Administration ne peuvent aller à l’encontre des normes édictées par le juge administratif. Or, l’état ancien du droit résultant de solutions jurisprudentielles, un décret ne saurait s’imposer à elles. Seules des normes de même niveau, comme un PGD, pouvaient modifier ces solutions jurisprudentielles. Ainsi, s’explique le recours aux PGD.

La position prise par le Conseil d’Etat en 1989 a le mérite de la simplicité. Dans un considérant de principe remarquable, la Haute juridiction pose que « l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ».

Reprenons point par point les principes ainsi posés. Ainsi, et s’agissant d’abord, des règlements devenus illégaux par suite d’un changement dans les circonstances, le Conseil d’Etat aligne le régime applicable aux changements dans les circonstances de droit sur celui applicable aux changements dans les circonstances de fait : en conséquence, dans les deux hypothèses, l’Administration est tenue, à toute époque et sur demande, d’abroger les règlements devenus illégaux. S’agissant des règlements illégaux dès l’origine, le Conseil d’Etat renoue avec la solution de l’arrêt Leboucher et Tarandon et la demande d’abrogation peut être présentée à toute époque.

Ces solutions seront consacrées par la loi du 20 décembre 2007.

3 - L’apport de la loi du 20 décembre 2007 L'article premier de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit reprend les principes posés par l’arrêt Cie. Alitalia en y apportant quelques nouveautés. Ainsi, elle impose au pouvoir réglementaire d'abroger soit d'office, soit à la demande d'une personne intéressée, les règlements illégaux ou devenus sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. Deux nouveautés doivent, alors, être notées. Ainsi, sont désormais concernés par l’obligation d’abrogation les règlements devenus sans objet. Selon le rapporteur de la présente loi, cette dernière expression vise des textes inutiles, redondants ou obsolètes. Cela renvoie à des caducités ou des changements dans les circonstances de fait entraînant une désuétude. Ensuite, la loi de 2007 prévoit une abrogation d’office, ce qui, pour le professeur Lachaume, « entraine pour l’Administration une charge importante de vérification constante des textes » qu’il juge peu réaliste. Notons, enfin, que la jurisprudence a étendu l’obligation d’abroger aux actes administratifs non règlementaires non créateurs de droit devenus illégaux du fait d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait (CE, sect., 30/11/1990, Ass. « Les Verts »), cette jurisprudence n’étant pas valable pour les actes irréguliers dès l’origine.

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II - Le retrait

Le retrait d’une décision administrative a pour conséquence la disparition de celle-ci de manière rétroactive : elle est donc considérée comme n’ayant jamais existé. On le comprendra aisément, ce système est de nature à nuire à la sécurité juridique en portant atteinte au principe d’intangibilité des droits acquis par les administrés. Mais, il répond aussi à l’objectif de permettre à l’Administration de réparer ses erreurs et donc de faire respecter le principe de légalité. Le régime du retrait consiste donc à trouver un juste équilibre entre le respect de ce dernier principe, impliquant le droit pour l’Administration de retirer ses décisions illégales, et le respect de la sécurité juridique du fait des droits acquis par les administrés. Cet équilibre varie, alors, selon que l’acte est ou non créateur de droit. Dans l’hypothèse, où l’acte retiré ne crée pas de droits, le retrait est possible à toute époque s’il s’agit d’un acte individuel (C.E., sect., 30/06/1950, Quéralt). Par contre s’il s’agit d’un acte réglementaire, le retrait n’est possible que tant que l’acte n’est pas devenu définitif (C.E., sect., 14/11/1958, Ponard). Quant au motif du retrait, il peut concerner, dans cette hypothèse, aussi bien l’illégalité de l’acte que son opportunité. En revanche, lorsque l’acte retiré est créateur de droits, le retrait ne peut être prononcé que pour illégalité. En la matière, le régime varie selon que la décision retirée est explicite ou implicite, cette dernière hypothèse concernant les décisions implicites ayant valeur d’acceptation. Avant de poursuivre, il importe, alors, de faire quelques remarques sur ces deux concepts que sont le caractère créateur de droit de la décision et son irrégularité.

Une décision créatrice de droits et illégale

En premier lieu, pour créer des droits, l’acte en cause doit d’abord être un acte individuel. En effet, les actes réglementaires ne sont pas créateurs de droit car « nul n’a de droits acquis au maintien d’un règlement ». Ce caractère doit s’apprécier par rapport au destinataire de l’acte, mais aussi par rapport aux tiers. Par exemple, une nomination dans la fonction publique crée des droits au profit du bénéficiaire. Mais, une décision défavorable pour son bénéficiaire peut aussi avoir des effets favorables sur les tiers et ainsi créer des droits à leur profit : ainsi, le refus de titularisation dans un corps crée des droits au profit des membres de ce corps qui pourront ainsi y prétendre. Pour autant, tous les actes individuels ne sont pas créateurs de droits. En effet, certains actes individuels sont insusceptibles de créer des droits. Il s’agit par exemple des décisions juridiquement inexistantes, des décisions obtenues par fraude, des décisions accordant des autorisations par nature précaires (par exemple, autorisation d’occuper privativement des dépendances du domaine public). Il en va de même des décisions recognitives. En effet, ces dernières ne font que reconnaître une situation déterminée ou l’existence et l’étendue de droits préexistants, sans que leur auteur ne dispose d’un quelconque pouvoir d’appréciation. Elles ne sont donc pas créatrices de droits. En revanche, lorsque l’Administration dispose d’un pouvoir d’appréciation, la décision est créatrice de droits. On parle, dans ce cas de décision attributive. Cette distinction a, cependant, été abandonnée en matière de décisions pécuniaires. Ainsi, toutes les décisions pécuniaires sont, dorénavant, créatrices de droits (CE, 6/11/2002, Soulié).

En second lieu, l’acte doit être illégal. Il est, donc, impossible de retirer une décision créatrice de droits régulière. Il s’agit ici de faire sa place au respect du principe de légalité en permettant à l’Administration de réparer ses erreurs. Il existe cependant deux cas où l’Administration peut retirer une décision légale. Le premier cas est celui où une loi prévoit un tel retrait. Le second est celui où le bénéficiaire de la décision demande son retrait en sollicitant une décision plus favorable (C.E., sect., 23/07/1974, Ministre de l’intérieur contre Gay). Dans ce cas, l’Administration peut satisfaire la

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demande si deux conditions sont remplies : le retrait ne doit pas porter atteinte à des droits acquis par des tiers et l’Administration doit prendre une décision effectivement plus favorable.

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Le retrait des décisions explicites

A l’origine, les décisions explicites créatrices de droits et illégales ne pouvaient être retirées que dans le délai de recours contentieux. Cette assimilation des délais de retrait et de recours contentieux avait pour but de protéger les administrés contre des retraits intempestifs de l’Administration. Ce parallélisme devait, cependant, vite se retourner contre la sécurité juridique des intéressés avec l’arrêt Ville de Bagneux. Un mouvement de découplage des délais de retrait et de recours contentieux, empreint du souci de rééquilibrer le régime du retrait en faveur de la sécurité juridique, fut donc amorcé en 1997, puis systématisé en 2001.

1 - La jurisprudence Cachet – Ville de Bagneux : l’assimilation des délais de retrait et de recours contentieux

a/ En plus de poser la première condition relative à l’illégalité de la décision retirée, la jurisprudence Cachet (CE, 3/11/1922) fixe le délai pour retirer la décision. Ainsi, une décision explicite créatrice de droits illégale ne peut être retirée que tant qu’elle n’est pas devenue définitive, autrement dit tant qu’elle peut être annulée par le juge. Le retrait est, ainsi, possible dans les délais de recours contentieux, c’est-à-dire dans les deux mois à compter de la publicité de l’acte, mais aussi quand le juge a été saisi, tant qu’il n’a pas statué et dans les limites de la demande en justice. Il s’agit ici, pour le juge administratif, de permettre à l’Administration de faire respecter le principe de légalité. En effet, la possibilité de retrait n’a pour objet que de permettre à l’Administration de réparer ses erreurs, sans attendre une annulation contentieuse. Le retrait ne fait donc que précéder l’intervention du juge. Dès lors, les droits acquis par les administrés ne sont pas plus atteints en cas de retrait qu’en cas d’annulation contentieuse, la durée pendant laquelle ces droits pouvant être supprimés étant, dans les deux cas, la même.

b/ L’arrêt Ville de Bagneux (CE, ass., 26/05/1966) va tirer toutes les conséquences logiques de l’arrêt Dame Cachet, même s’il faut pour cela trahir les intentions des auteurs de cette jurisprudence. Pour le comprendre, il faut partir du point de départ du délai de recours contentieux. En effet, celui-ci commence à courir à partir de la publicité de l’acte. Il s’agit de la notification pour le bénéficiaire, et de la publication pour les tiers. Ainsi, si l’acte est publié, les tiers ont deux mois pour attaquer l’acte devant le juge, et l’Administration a deux mois pour le retirer. En revanche, dans le cas où l’acte n’est pas publié, cette omission rend les délais de recours non opposables aux tiers qui peuvent donc indéfiniment saisir le juge. Puisque l’acte peut être indéfiniment annulé par le juge, le Conseil d’Etat a jugé que l’Administration pouvait, de ce fait, indéfiniment le retirer. Il s’agit là d’une application pure et simple de la règle du couplage des délais de retrait et de recours contentieux. Mais, si le Conseil d’Etat respecte ici la lettre de la jurisprudence Cachet, il en trahit l’esprit puisque l’équilibre entre légalité et sécurité juridique est ici rompu au profit de la première.

Face à une jurisprudence qui respecte les règles techniques posées par l’arrêt Dame Cachet, mais en trahit l’esprit, le Conseil d’Etat, à la fin des années 1990, amorça le remodelage des règles du retrait.

2 - L’amorce du découplage des délais de retrait et de recours contentieux : l’arrêt Mme. de Laubier Le point de départ de cette jurisprudence est le décret du 28 novembre 1983. Celui-ci pose comme principe que le délai de recours contentieux, qui commence, normalement, à courir à compter de la notification, n’est opposable au destinataire que si la notification le mentionne, de même que les voies de recours. Ainsi, en cas de notification incomplète, le bénéficiaire peut attaquer la décision au–delà des deux mois habituels. Cette mesure a pour but d’apporter des garanties à

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l’administré. Mais la combinaison de la règle posée par ce décret et des principes posés par la jurisprudence Ville de Bagneux aurait pu lui faire produire des effets contraires à ceux voulus par ses auteurs. En effet, puisque le bénéficiaire peut indéfiniment attaquer la décision, cela a pour conséquence qu’elle peut être indéfiniment annulée par le juge. Donc, l’Administration pourrait indéfiniment la retirer. Il suffirait donc à cette dernière de ne pas mentionner les délais et voies de recours pour s’offrir une possibilité indéfinie de retrait. Elle retirerait, ainsi, un avantage de ses erreurs, mêmes volontaires.

Le Conseil d’Etat ne va, donc, pas appliquer les principes de la jurisprudence Ville de Bagneux. En effet, il juge, avec l’arrêt Mme. De Laubier (CE, 24/10/1997), que même dans le cas où la notification est incomplète, le retrait n’est possible que dans les deux mois à compter de la notification. Ici, l’omission d’une formalité de publicité n’a pas pour conséquence d’offrir à l’Administration une possibilité illimitée de retrait. Par cet arrêt, le juge dissocie délai de retrait et délai de recours contentieux. On parle, alors, de découplage des délais. Ce faisant, le juge fait mieux respecter les exigences liées à la sécurité juridique des administrés. Il faut rajouter que le retrait n’est possible au-delà que si un recours administratif ou contentieux a été présenté par le bénéficiaire ou un tiers intéressé.

3 - La systématisation du découplage des délais de retrait et de recours contentieux : l’arrêt Ternon En instaurant, de façon prétorienne, avec l’arrêt Ternon (CE, 26/10/2001), un nouveau délai de retrait, le juge parachève le découplage des délais de retrait et de recours contentieux. Il renoue, ainsi, avec les intentions des auteurs de la jurisprudence Cachet.

a/ Le Conseil d’Etat pose ici le principe que l’Administration ne peut, désormais, retirer une décision explicite créatrice de droits illégale que dans un délai de quatre mois à compter de la prise de décision. Cela concerne aussi bien les hypothèses dans lesquelles une publication a eu lieu que celle où aucune publication n’a été effectuée. Autrement dit, le fait que le délai de recours n’ait pas commencé à courir à l’égard des tiers, faute de publicité, n’a pas pour conséquence d’offrir à l’Administration un délai identique pour retirer la décision. Même dans ce cas, le délai de retrait n’est que de quatre mois. Cet arrêt met, ainsi, un point final au découplage entre délai de retrait et délai de recours contentieux amorcé quelques années auparavant. Le choix d’un délai de quatre mois est une pure création prétorienne et il répond au souci de trouver un juste équilibre entre les impératifs du respect du principe de légalité et les exigences de la sécurité juridique. En effet, ce délai est suffisamment long pour permettre à l’Administration de réparer ses erreurs. Et, il est suffisamment bref pour garantir les administrés contre des retraits opérés longtemps après l’édiction de la décision. Il faut, aussi, noter que le point de départ n’est plus la publication, mais la prise de décision c’est-à-dire le jour de son adoption. Enfin, le Conseil d'Etat est, récemment, venu préciser que la date d'expiration du délai de retrait s'apprécie à la date à laquelle est prise la décision de retrait et non à celle de sa notification au bénéficiaire de l'acte retiré (CE, sect., 21/12/2007, Société Bretim).

b/ Par cet arrêt, le juge administratif renoue, d’une façon originale, avec l’esprit de la jurisprudence Cachet. En effet, c’est en trahissant les règles posés par cette jurisprudence que la sécurité juridique est mieux prise en compte. Si l’arrêt Ville de Bagneux respectait la lettre de la jurisprudence Cachet mais en trahissait l’esprit, l’arrêt Ternon suit la logique inverse : c’est en dissociant les délais de retrait et de recours contentieux qu’il en respecte les intentions. Il ne peut être dérogé à cette règle que dans trois cas. Les deux premiers sont posés par l'arrêt Ternon. Le premier concerne les exceptions prévues par la loi ou le règlement. Le second est celui où il est satisfait à une demande du bénéficiaire. Enfin, le juge administratif est venu préciser que l'arrêt Ternon ne saurait primer sur la pleine application du droit communautaire : ainsi, une décision prise

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en méconnaissance du droit communautaire peut être retirée plus de quatre mois après la prise de la décision (CE, 29/03/2006, Centre d'exportation du livre français). Il faut enfin préciser que l’introduction d’un recours contentieux ne rouvre pas, comme c’était le cas par le passé, le délai de retrait.

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Le retrait des décisions implicites d’acceptation

Ce régime a, originellement, été créé par le juge administratif. Ce n’est qu’en 2000 que le législateur s’est saisi de cette question en mettant fin pour partie aux solutions jurisprudentielles.

1 - L'encadrement originel du retrait des décisions implicites d'acceptation Pour comprendre ce régime, il faut, au préalable, définir ce qu’est une décision implicite d’acceptation. Les solutions retenues par le juge administratif pourront, ensuite, être analysées.

a/ Lorsqu'un administré fait une demande à l'Administration, cette dernière y répond la plupart du temps. Mais, il arrive qu'aucune réponse ne soit donnée. Pour ne pas laisser l'administré dans le doute et inciter par là l'Administration à répondre aux demandes qui lui sont faites, des textes prévoient que, dans certains cas, le silence gardé par l'Administration pendant un certain temps vaut décision implicite d'acceptation. Le mécanisme est simple : l'administré dépose une demande, l'Administration ne répond pas, passé un certain délai nait une décision implicite d'acceptation.

b/ On le sait, l'arrêt Cachet opérait une assimilation des délais de retrait et de recours contentieux. Par une interprétation extensive, l'arrêt Ville de Bagneux offrait une possibilité de retrait indéfinie en cas d'absence de mesures d'information des tiers. Or, le propre d'une décision implicite d'acceptation est de ne pas être publiée. Les tiers ne sont donc pas informés. En conséquence, en application de la jurisprudence Ville de Bagneux, le délai de retrait d'une décision implicite d'acceptation devrait être indéfini. Cette solution a semblé injuste au Conseil d'Etat. En effet, elle aurait pour conséquence une insécurité juridique excessive pour le bénéficiaire de la décision. Surtout, en ne décidant pas, l'Administration s'offrirait une possibilité de retrait indéfinie. Cela se retournerait donc contre le but des systèmes instaurant les décisions implicites d'acceptation. Pour ne pas tomber dans ces écueils, le Conseil d'Etat adopta une mesure radicale. Ainsi, à l'expiration du délai imparti à l'Administration pour décider explicitement, nait une décision implicite d'acceptation. Mais, dans le même temps, l'Administration est dessaisie de l'affaire, elle ne peut plus retirer la décision (CE, sect., 14/11/1969, Eve). Ici, la sécurité juridique prend le pas sur le respect du principe de légalité.

Une seule exception a été posée à cette règle. Elle concerne les décisions implicites d'acceptation dont l'existence fait l'objet d'une mesure de publicité. Dans cette hypothèse, la publicité fait courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers. En conséquence, le retrait de cette mesure est possible dans les conditions de la jurisprudence Cachet (CE, ass., 1/06/1973, Epx. Roulin).

2 - Le nouvel encadrement législatif du retrait des décisions implicites d'acceptation C’est le 12 Avril 2000 que le législateur est venu, avec la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations, modifier en profondeur le régime juridique du retrait des décisions implicites d’acceptation. Elle rappelle, d'abord, que les décisions implicites d'acceptation ne peuvent être retirées que pour illégalité. Puis, elle distingue trois types de situations.

a/ La première concerne les décisions implicites d’acceptation qui ont fait l'objet de mesures d'information des tiers. Ces mesures peuvent être retirées dans le délai du recours contentieux, le législateur consacre, ainsi, la jurisprudence Epx. Roulin.

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b/ La seconde hypothèse correspond aux décisions qui n'ont pas fait l'objet de mesures d'information des tiers. Dans ce cas, le retrait est possible pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision. Ce faisant, le législateur met fin à la jurisprudence Eve. Surtout, alors que la loi, eu égard à son intitulé, semblait privilégier la protection des citoyens, donc la stabilité des situations juridiques, c'est le respect du principe de légalité qui se trouve renforcé, puisque la loi ouvre une nouvelle possibilité de retrait. C'est donc plus les droits de l'Administration que ceux des administrés qui se trouvent renforcés par cette disposition.

c/ Puis, la loi prévoit l'hypothèse ou un recours contentieux a été engagé : dans cette hypothèse, le retrait est possible pendant la durée de l'instance. Le Conseil d'Etat est venu préciser la portée de cette disposition (CE, avis, 12/10/2006, Mme. Cavallo). Ainsi, la Haute juridiction considère qu'une décision implicite d'acceptation illégale peut être retirée pendant l'instance juridictionnelle et tant que le juge n'a pas statué. Surtout, le juge administratif suprême estime que ce retrait est possible que des mesures d'information des tiers aient ou non été mises en œuvre. Ainsi, le retrait d'une décision implicite d'acceptation n'ayant fait l'objet d'aucune mesure de publicité est possible, pendant la durée de l’instance, même si le délai de deux mois est expiré, dès lors qu'un recours contentieux a été formé. Ce faisant, le Conseil d'Etat ouvre une possibilité de retrait "à éclipses". En effet, dans le cas d'une décision ne faisant pas l'objet d'une mesure de publicité, le délai de retrait est de deux mois. Mais, les possibilités de retrait peuvent à nouveau s'ouvrir dans le cas ou un tiers intente, passé ce délai, un recours juridictionnel. A travers cette solution, l'on voit que la stabilité des situations juridiques se trouve affectée. En effet, alors que l'arrêt Ternon visait, en matière de décisions explicites, au rééquilibrage en faveur de la sécurité juridique des droits des administrés, le Conseil d'Etat, par l'interprétation qu'il retient de ladite loi, tend à favoriser les droits de l'Administration.