La Diaphanie de la Réalité - Teilhard · Benjamín GONZÁLEZ BUELTA, s.j. Père provincial de St...

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p. 1 p. 7 La Diaphanie de la Réalité Benjamín GONZÁLEZ BUELTA, s.j. Père provincial de St Domingue Publié par la revue Sal Terrae, mars 2000 Traduit de l’espagnol par Nùria Boveda 1. « L’Étreinte … et le Baiser universel » Pour tout le monde, c’est la même réalité qui se déplace en face de nous, mais nous ne percevons pas tous la même chose. Face au même paysage un peintre capte les différentes nuances de couleurs, un investisseur projette rapidement les lignes d’une urbanisation et calcule les gains, et un contemplatif peut expérimenter la présence splendide de Dieu comme la dimension la plus profonde de la réalité. Teilhard de Chardin dans « Le Milieu Divin » exprime cette expérience contemplative avec une grande beauté : « … Vous me touchez, Seigneur. Que pourrai-je faire pour recueillir cette étreinte enveloppante ? pour répondre à cet universel baiser ? » L’affirmation de Teilhard n’est pas si évidente. Nous ne pouvons pas oublier que nous vivons dans une culture qui nous assaille dans tous les sens, par des techniques soigneusement étudiées, pour nous envahir durant les vingt-quatre heures de la journée et s’installer dans les parties les plus profondes de notre affection, pour que nous voyions la réalité en fonction de ses propres amours et intérêts, et donc, soyons « accros » à ses produits, adeptes inconditionnels de ses idées et fanatiques de ses spectacles. Avec la créativité vertigineuse des nouvelles technologies, ces manipulateurs essayent de surprendre, d’éblouir et de saisir nos rêves, nos comptes, nos pas. Nous serons donc, raisonnables, sensés, réalistes. Et sans aucun doute étrangers à nous-mêmes. Les amours et les intérêts installés dans nos cœurs tout au long d’une vie, donnent des ordres aux sens pour ouvrir, fermer ou filtrer les données qui viennent de l’extérieur. La lutte est entre le bien-être drogué, qui asservit et « l’étreinte… et le baiser » qui nous fait nous sentir aimés et libres. Quelle est la pédagogie de cette expérience ? Dieu envoie sans cesse des prophètes et des sages pour aider le peuple « d’aveugles et de sourds » (Is. 43,8), pour qu’ils voient et entendent ce qu’il fait à nouveau au milieu d’eux. Leurs yeux éblouis par l’éblouissement du superficiel, passager et exclusif, sont comme les yeux entrouverts de ceux qui regardent à moitié, ou les yeux déprimés de ceux qui sont enterrés dans l’obscurité des exclusions, qui ont besoin d’être guéris et amenés vers la diaphanie de la réalité. En Dieu nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes17,28). Parce que Dieu est présent dans toute la réalité, soutenant la création dans ses différentes formes de vie et d’évolution. Dans son Fils Jésus, Dieu non seulement s’est incarné en une personne, mais

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La Diaphanie de la Réalité

Benjamín GONZÁLEZ BUELTA, s.j. Père provincial de St Domingue

Publié par la revue Sal Terrae, mars 2000

Traduit de l’espagnol par Nùria Boveda

1. « L’Étreinte … et le Baiser universel »

Pour tout le monde, c’est la même réalité qui se déplace en face de nous, mais nous ne percevons pas tous la même chose. Face au même paysage un peintre capte les différentes nuances de couleurs, un investisseur projette rapidement les lignes d’une urbanisation et calcule les gains, et un contemplatif peut expérimenter la présence splendide de Dieu comme la dimension la plus profonde de la réalité.

Teilhard de Chardin dans « Le Milieu Divin » exprime cette expérience contemplative avec une grande beauté : « … Vous me touchez, Seigneur. … Que pourrai-je faire pour recueillir cette étreinte enveloppante ? pour répondre à cet universel baiser ? »

L’affirmation de Teilhard n’est pas si évidente. Nous ne pouvons pas oublier que nous vivons dans une culture qui nous assaille dans tous les sens, par des techniques soigneusement étudiées, pour nous envahir durant les vingt-quatre heures de la journée et s’installer dans les parties les plus profondes de notre affection, pour que nous voyions la réalité en fonction de ses propres amours et intérêts, et donc, soyons « accros » à ses produits, adeptes inconditionnels de ses idées et fanatiques de ses spectacles. Avec la créativité vertigineuse des nouvelles technologies, ces manipulateurs essayent de surprendre, d’éblouir et de saisir nos rêves, nos comptes, nos pas. Nous serons donc, raisonnables, sensés, réalistes. Et sans aucun doute étrangers à nous-mêmes.

Les amours et les intérêts installés dans nos cœurs tout au long d’une vie, donnent des ordres aux sens pour ouvrir, fermer ou filtrer les données qui viennent de l’extérieur.

La lutte est entre le bien-être drogué, qui asservit et « l’étreinte… et le baiser » qui nous fait nous sentir aimés et libres. Quelle est la pédagogie de cette expérience ?

Dieu envoie sans cesse des prophètes et des sages pour aider le peuple « d’aveugles et de sourds » (Is. 43,8), pour qu’ils voient et entendent ce qu’il fait à nouveau au milieu d’eux. Leurs yeux éblouis par l’éblouissement du superficiel, passager et exclusif, sont comme les yeux entr’ouverts de ceux qui regardent à moitié, ou les yeux déprimés de ceux qui sont enterrés dans l’obscurité des exclusions, qui ont besoin d’être guéris et amenés vers la diaphanie de la réalité.

En Dieu nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes17,28). Parce que Dieu est présent dans toute la réalité, soutenant la création dans ses différentes formes de vie et d’évolution. Dans son Fils Jésus, Dieu non seulement s’est incarné en une personne, mais

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aussi dans le temps, l’espace et la matière, mais encore dans un métier et dans une culture. Il descendit aux enfers les plus sombres de la condition humaine, de telle manière que toute réalité est atteinte par sa grâce. En Jésus, Dieu se révèle à nous dans l’histoire comme notre serviteur « ceint de son tablier, » au milieu de la nuit (Lc. 12,37)

Il nous est possible de le trouver dans toute réalité, comme celui qui re-crée la libération de ce monde gémissant dans les douleurs de l’enfantement (Rom. 8,22), annonçant la nouvelle création incessante.

C’est pourquoi nous demandons et nous cherchons avec Teilhard « la Transparence de Dieu dans l’Univers. … Pas votre Épiphanie, Jésus, mais votre diaphanie. » Que toute réalité devienne diaphane pour nos sens, transparente comme un cristal, afin que nous puissions contempler Dieu lorsqu’Il crée, échange, communique avec nous, dans un échange sans piège et sans frontières (cl . EE 234-237)1.

2. Jésus annonce la nouveauté surprenante qui atteint ses sens

a) Quand Jésus commença à annoncer le Royaume, sa parole était absolument originale : « Les gens étaient étonnés de son enseignement parce qu’il leur parlait avec autorité, non comme leurs scribes » (Mt.7,28-29). La nouveauté du Royaume qui arrivait, était perçue seulement par ses sens à Lui. Leurs scribes parlaient de la doctrine apprise par cœur ; Jésus disait la vérité la plus profonde qui lui sautait aux yeux.

Par sa créativité illimitée, tout en utilisant les paroles de la vie quotidienne, il élabora des paraboles d’une beauté unique pour aider à voir ce qu’il voyait. Tous ceux qui sont entrés dans le véhicule de la parabole ont pu voyager jusqu’au centre de la réalité, jusqu’au lieu où ils pouvaient expérimenter la venue du Royaume dans l’étonnement de leurs vies.

Jésus avait été élevé dans l’esprit de la synagogue. Mais sa nourriture fondamentale était son union sans fissure avec le Père, de telle sorte que depuis son enfance, il regardait toute personne, tout objet ou toute situation, avec le regard du Père. C’est par cette expérience unique qu’il pouvait dire : « on vous a dit… mais je vous dis ». Ainsi naquit la personnalité la plus originale qui puisse exister, qui a surpris les Juifs et qui fera toujours frémir notre sensibilité, qui tend à glisser à la surface de la réalité au lieu d’atteindre sa profondeur. Jésus percevait la réalité comme Dieu la perçoit et s’approchait d’elle comme Dieu lui-même s’en approche : avec des paroles et des gestes qui mettaient en lumière, la nouvelle vie parmi les décombres de « l’ancien » qui l’emprisonnait.

Quand les habitants du rivage s’approchaient d’un jeune homme malade avec des bâtons et des chaînes parce qu’ils le percevaient comme une menace, augmentant ainsi la mauvaise image qu’il avait de lui-même, Jésus s’approchait de lui, désarmé, marchant sur le sable du lac, en lui inspirant une confiance qu’il n’avait jamais ressentie, jusqu’à arriver à avoir avec lui une rencontre si profondément humaine qu’il put le libérer de la « multitude » qui le déchirait de l’intérieur. (Mc. 5, 1-20).

Les habitants de Jéricho ont vu en Zachée l’extorqueur du peuple, qui collaborait avec l’Empire, mais Jésus a vu en lui un fils d’Abraham qui avait cherché à le voir sur les branches fragiles d’un figuier (Lc. 19, 1-10). Tandis que les Juifs regardaient le Temple, fascinés par sa beauté, Jésus percevait la ruine qui était en gestation dans ce faux système religieux, qui finirait avec toute cette splendeur et dont il ne resterait pas pierre sur pierre (Mc. 13,1-2).

1 On suppose que EE = Ejercicios Espirituales de St Ignace.

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Sur l’union de Jésus avec le Père, qui aime jusqu’à la plus petite créature, se fonde cette capacité contemplative de pouvoir voir d’une manière aussi vivante et différente tout être créé, de percevoir ce que le Père faisait, et de se pencher sur cette réalité, pour la recréer de nouveau et la libérer, en union avec Lui.

b) Dans l’Évangile de Jean, le contemplatif (Jn 5, 1-47) nous avons un exemple très

explicite de la façon dont la réalité arrivait aux sens de Jésus, et de la manière dont il agissait en conséquence : Jésus lui-même explique son expérience dans une confrontation avec les dirigeants juifs.

Alors que Jérusalem jouit de la fête, Jésus descend vers un monde d’exclus, vers des malades chroniques. Ils ont attendu une guérison possible à côté de la piscine de Bethesda, qui était dédiée à Esculape, dieu de la santé. C’était un lieu païen, plein de croyants ambigus qui accordaient foi à une rumeur populaire disant que de temps en temps un ange descendait pour remuer les eaux, et que celui qui les touchait en premier, guérissait.

Jésus perçoit quelque chose de différent de ce que les autres perçoivent dans cet espace marginalisé, il se sent choqué par un patient qui n’a personne et est paralysé depuis 38 ans dans sa solitude. Dans cet espace païen il n’y a pas de référence religieuse de la part de Jésus, aucun examen de la foi de ce paralytique comme condition de sa guérison. Le paralytique ne sait rien de Jésus, qui ne lui demande que s’il veut être guéri parce que quelquefois nous nous installons dans nos paralysies, nous en profitons et nous ne voulons pas assumer les engagements de celui qui est en bonne santé. Cette rencontre est si profondément humaine qu’uniquement un Dieu incarné pouvait la faire. Un accueil sans mesure et sans conditions, de telle façon que le paralytique retrouve l’espace chaud où il ose répéter son geste de vie, et il sort par les rues de Jérusalem portant sa civière comme un signe du Royaume qui ne descend pas du ciel, mais monte de l’abîme.

c) Les dirigeants juifs réprimandent Jésus pour la guérison, faite un samedi. La réponse

de Jésus est profondément instructive : un fils ne peut rien faire par lui-même, il faut qu’il l’ait vu faire au Père (Jn. 5, 19). Cette façon d’appréhender la réalité permet à Jésus de voir comment le Père agit, afin qu’il puisse rejoindre son travail créatif. « Mon Père travaille encore, et je travaille aussi. » Lorsque Jésus regarde le paralytique et toute la société représentée dans ce pauvre homme, il n’est pas seulement secoué par la souffrance, mais dans la profondeur de cette situation inhumaine, il voit le Père qui crée une vie nouvelle et inespérée, en libérant tous les obstacles qui précisément pour des raisons religieuses, à cause d’une mauvaise interprétation du Sabbat et de Dieu, paralysent et gardent leurs enfants en esclavage.

Jésus ne fait pas non plus des raisonnements compliqués pour agir et justifier sa performance, mais il exprime que par ses sens contemplatifs, la façon d’agir du Père entre en jeu.

Cette possibilité de « voir » est un don du Père et non le produit final de techniques psychologiques et spirituelles raffinées, « le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait » (Jn. 5,20)

d) Depuis quand Jésus contemplait-il ? Lorsque Jésus s’est incarné, il choisit Marie et

Joseph comme des gens qui pouvaient l’accueillir dans sa faiblesse absolue de petit enfant. Mais, en arrière-plan, il choisit également des situations pleines de risques, comme la pauvreté, la naissance à la grotte, la compagnie des bergers. Il eut besoin d’une vie de

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travail, dans un métier sans importance sociale significative, pour aller chercher à partir de là la réalité et pour pouvoir l’intégrer dans sa personne, au rythme humain, selon le lent développement de sa personnalité.

Pendant sa vie publique, à cause de son identification avec le Père, il a vraiment cherché à toucher tout le monde, surtout les plus petits, les derniers, les pauvres, les pécheurs. En une rencontre intime, il offrit sa personne vulnérable à l’accueil ou au rejet. Il agit totalement à contre-courant de toutes les prescriptions des maîtres de la loi : lorsque tout le monde levait les yeux dans l’attente des signes du Royaume, Jésus leur montrait à tous les prémices d’en bas.

e) Jésus n’a pas idéalisé la réalité. Contempler n’est pas idéaliser, parce que ce serait un

manque de respect pour le réel. Contempler c’est faire fondre par un regard contemplatif la dure carapace des apparences, découvrir dans les profondeurs de chaque personne et chaque situation, l’agir du Père qui continue à créer la vie nouvelle en abondance, d’une façon privilégiée, même dans les situations les plus déshumanisées et détruites, celles qui sont tellement répugnantes que nous détournons notre regard (Is. 53,3) et sur lesquelles nous fermons toutes les portes de nos sens. Il faut les regarder. Dieu ne nous dit pas « Cherchez moi dans le chaos » (Is.45,19), Il est le Dieu caché dans la réalité (Is. 45,13).

3. Processus de création d’une nouvelle sensibilité contemplative

a) Souvent, nous suivons le pauvre et humble Jésus de l’Evangile dans la prière contemplative, dans des exercices spirituels. La contemplation de Jésus culmine dans « l’application des sens », où nous approchons du mystère contemplé de la vie de Jésus, avec tous nos sens ouverts, purifiés et réceptifs à tout ce qui nous est manifesté de son mystère. Cette contemplation est la transformation progressive de notre sensibilité pour approcher la réalité, comme il le faisait. Ainsi il arrive que nos sens perçoivent avec plus de clarté la présence active de Dieu dans l’univers, dans chaque personne et dans toute l’histoire.

Dans nos allées et venues par nos bureaux, ruelles, aéroports, « ranchos » ou autoroutes, parmi les cultures, les groupes, les archives ou la solitude. Un paysage, une personne, une situation humaine deviennent transparents à nous yeux. Nous sommes surpris, non par nos raisonnements, mais par ce qui vient à nos sens. Un morceau de la réalité est devenu transparent, diaphane, jusqu’à ce que nous puissions percevoir le Père qui « travaille toujours » et une rencontre inattendue avec Lui, se produit. Ce peut être un simple contact ou bien une rencontre qui change notre cœur et notre regard pour toute la vie.

b) Cette expérience ponctuelle de diaphanéité, nous ne pouvons pas la laisser se perdre

entre l’aller-retour des activités et des situations nouvelles qui atteignent nos sens, se bousculant sans cesse les unes les autres. Il faut y revenir, réaliser ce que nous avons reçu, lui donner un nom et regarder plus profondément à travers cet espace de transparence où Dieu se communique à nous d’une manière spéciale. Nous devons demander et chercher l’intelligence intérieure (EE 233) de ce bien que nous avons reçu, pour l’accueillir dans toute sa profondeur. Parfois cet espace de diaphanéité sera déjà un point de rencontre inépuisable, une relation toujours plus approfondie avec le Dieu qui s’est révélé à nous, et à partir de cet événement, nous allons devoir y retourner encore et encore, tout au long de nos vies.

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Dans l’examen de chaque jour, dans les moments de discernement, il est nécessaire de sauver les expériences de diaphanéité, de les sortir du flot des événements banals et de les approfondir comme une rencontre qui nous est offerte à travers tous nos sens, faisant frissonner de vie divine la fragilité de notre chair mortelle.

c) Il ne suffit pas de savoir, il est nécessaire de revenir à cette expérience, « afin que je la

reconnaisse entièrement et en la connaissant, que je puisse aimer et servir en tout » (EE 233). En d’autres termes, il faut passer du don à la Personne qui est à l’origine de ce don inaccessible et inattendu. Reconnaître implique de remercier expressément pour cette gratuité qui est venue à nos cœurs, par nos sens bien ouverts à la réalité.

Aimer et servir en tout est possible parce que tout est « don et grâce » (EE 322), parce que toute réalité qui se montre à mes sens, pour opaque et impénétrable qu’elle soit, est aimée par Dieu avec la même intensité et la même proximité que celles dans lesquelles Il s’est rendu transparent d’une façon gratuite et fascinante.

d) Un sacrement du cheminement est né ; « mon unique sacrement » (ou « notre

sacrement », s’il s’agit d’une communauté entière qui a fait l’expérience). Bien que nous ne plantions pas une pierre dans le sol pour ne jamais oublier ce lieu de rencontre et d’Alliance, (Gn. 28,18), cette réalité transfigurée doit être d’une façon ou d’une autre bien ancrée dans notre itinéraire intérieur ou communautaire.

Aller et venir permettra de nous éclairer sur ces espaces transparents. Le calendrier nous apportera fidèlement chaque année les dates de nos alliances secrètes, nous rappellera des moments uniques où notre vie personnelle s’est emballée par la main de Dieu vers un chemin imprévisible et nouveau. Ou bien ce seront des lumières discrètes qui éclaireront la grisaille du travail quotidien, pour l’orienter et le remplir de joie.

L’expérience du profane qui devient transparent, nous apporte non seulement de nouvelles sensations mais aussi une nouvelle façon de nous sentir toujours accompagnés dans un monde plein d’innombrables injustices et absences.

e) Nous pouvons « chercher et trouver Dieu en toutes choses », puisque toute créature a

cette vocation fondamentale de nous référer à Lui d’un mot unique et irrépétible. Bien que parfois « il nous suffit de nous arrêter aux créatures », en nous cachant leur sens le plus profond pendant un certain temps, sur le long terme nous voyons que nous ne pouvons pas nous arrêter sur elles « elles ne savent pas me dire ce que je veux » (St. Jean de la Croix).

f) Cette expérience de Diaphanie est indispensable pour pouvoir annoncer la vie de Dieu

parmi nous aujourd’hui. « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont palpé ... Nous vous l’annonçons maintenant » (1 Jn. 1,1-3)

Les disciples d’Emmaüs en voyage vers le désenchantement, ont d’abord ouvert les yeux (Lc. 24-31) et ils ont reconnu Jésus dans le compagnon de route. Ce n’est que plus tard que Jésus « ouvrit leur intelligence » (Lc.24,45) afin qu’ils comprennent ce qui s’était passé.

Ce que les gens voient, entendent et ressentent de la vie de Dieu dans la fragilité de notre propre chair mortelle, c’est aussi la première étape pour pouvoir s’ouvrir à la compréhension de nos compagnons de route.

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g) Aujourd’hui plus qu’à tout moment de l’histoire, nous avons besoin d’une ascèse qui purifie nos sens de tant de stimuli envahissant notre intimité, qui nous intoxiquent, nous oppriment et endommagent notre sensibilité en la rendant incapable de voir comment Dieu fait « toutes choses nouvelles ». (Ap. 21,5).

Non seulement nous avons besoin du jeûne de l’eau et du pain, il nous faut aussi le « jeûne » des images et des sons qui nous envahissent dans notre désir de satisfaire immédiatement un vertige électronique, de sorte que dans l’attente de cet humble vide de l’âme et du corps, la diaphanie dont nous ne sommes pas maîtres nous soit offerte.

Dans ce processus, une nouvelle sensibilité peut naître en nous pour « chercher et trouver » avec plus de clarté, la proximité de Dieu, tant dans sa beauté que dans la dureté du monde.

4. Nos cloîtres au milieu du monde de tous les jours

Les moines sculptaient dans la dureté de la pierre de leurs cloîtres des feuilles, des fleurs, des anges aux visages enfantins, des crânes nus. IIs plaçaient dans les niches des murs des images du Christ, de Marie, des Saints, et lorsqu’ils passaient devant ce paysage religieux, ce paysage pénétrait en eux par tous leurs sens. Ils n’avaient pas à penser. Ces signes religieux parcouraient une route bien connue vers le fond de leur cœur, même si le moine ne s’en rendait pas compte.

Notre regard contemplatif peut également sculpter dans la dureté de la réalité les signes où la vie est devenue diaphane pour nous. En passant une fois ou une autre par les mêmes chemins, en visitant les mêmes bureaux et en rencontrant les mêmes personnes, la réalité devient de plus en plus transparente chaque jour. Nous avons également construit nos cloîtres au milieu d’espaces agréables ou agressifs. Ces signes reconnus du Royaume savent déjà comment parcourir nos chemins intérieurs pour se loger en nous. Parfois nous ne les regardons même pas, mais ils nous regardent toujours, et ils nous permettent de vivre avec le sentiment d’une présence discrète qui éloigne de nous toute trace d’abandon et d’exil.

La dimension ultime de la réalité est habitée par Dieu. Mais il n’est pas possible de l’atteindre par des raisonnements scrutateurs et possessifs. Il faut attendre avec les sens ouverts et vigilants jusqu’à ce que cette présence que nous cherchons et qui nous cherche, nous soit révélée. Seul Dieu sait comment enflammer de l’intérieur les espaces et le temps de cette rencontre sans fin, construite avec ses occultations et ses transparences. Pour que son infinitude ne nous effraie pas Il se révèle dans le don dans lequel il se cache.

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The Diaphany of Reality

Benjamín GONZÁLEZ BUELTA, s.j. Provincial Father of Santo Domingo, West Indies

Sal Terrae ed., march 2000

1. “The Embrace … and the universal Kiss”

For everyone, it is the same reality that is moving in front of us, but we do not all see the

same thing. Faced with the same landscape a painter captures the different shades of

colours, an investor quickly projects the lines of an urbanization and calculates the gains, and

a contemplative can experience the splendid presence of God as the deepest dimension of

reality.

In The Divine Milieu, Teilhard de Chardin describes this experiment of contemplation with

great beauty: “… You touch me, Lord. … What can I do to gather up and answer that

universal and enveloping embrace?”

Teilhard's assertion is not so obvious. We cannot forget that we are living in a culture that

assails us in every way, through carefully studied techniques, designed to invade us twenty-

four hours a day and to settle in the deepest parts of our affect, so that we see reality

according to the consumerist’s own loves and interests, and therefore, are "addicted" to its

products, unconditional followers of its ideas and fanatics of its shows. With the dizzying

creativity of new technologies, these manipulators try to surprise, dazzle and seize our

dreams, our accounts, our steps. We will be reasonable, sensible, realistic. And without a

doubt foreign to ourselves.

The loves and interests installed in our hearts throughout a lifetime command our senses to

open, close or filter the data coming from outside.

The fight is between a drugged well-being, which makes one a slave and "the embrace ... and

the kiss" which makes us feel loved and free. What is the pedagogy of this experience?

God continually sends prophets and sages to help the people that are "blind and deaf" (Is

43,8), so that they may see and hear what He is doing again in the midst of them. Their eyes

dazzled by the glare of the superficial, the fleeting and the exclusive, are like the half-opened

eyes of those who half-face things, or the depressed eyes of those who are buried in the

darkness of exclusions, as they need to be healed and brought to the diaphany of reality.

In God we have life, movement and being (Acts 17,28). Because God is present in all reality,

supporting creation in its different forms of life and evolution. In his Son Jesus, God is not

only incarnated in one person, but also in time, space and matter, as well as in a profession

and a culture. He descended to the darkest hell of human condition, so that all reality is

attained by his grace. In Jesus, God reveals himself to us in history as our servant "girded

with his apron," in the middle of the night (Lk 12,37).

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It is possible for us to find Him in all realities, as the one who once more creates the

liberation of this world that is moaning in the pains of birth-giving (Rom 8,22), as He

announces the never-ending creation.

This is why we are asking and, with Teilhard, are looking for “God’s transparency in the

Universe. … Not your Epiphany, Jesus, but your diaphany.” Let all reality become diaphanous

for our senses, transparent as a crystal, so that we can contemplate God when He creates,

exchanges, communicates with us in an exchange without any trap or border (cl. EE 234-

237)2.

2. Jesus announces the surprising novelty that reaches his senses

a) When Jesus began the proclamation of the Kingdom, his word was absolutely

original: "The people were amazed at his teaching because he spoke to them with authority,

not as their scribes" (Mt 7,28-29). The novelty of the coming Kingdom was only perceived by

His own senses. Their scribes spoke of a doctrine learned by heart; Jesus spoke the deepest

truth “that was obvious to him”.

Through his unlimited creativity, while using the words of everyday life, he developed

parables of a unique beauty to help others see what he saw. All those who entered the

vehicle of the parable were able to travel to the centre of reality, to the place where they

could experience the coming of the Kingdom in their surprised lives.

Jesus had been raised in the spirit of the synagogue. But his basic nourishment was his

unbroken union with the Father, so that ever since he was a child he looked at every person,

every object, every situation, with the Father's gaze. It was through this unique experience

that he could say: "You were told... but I tell you". Thus, the most original personality that

could exist was born, a surprise for the Jews; it will always cause our sensitivity to quiver as

we tend to slide on the surface of reality instead of reaching its depth. Jesus perceived

reality as God perceives it and approached it as God himself approaches it: with words and

gestures that brought the new life to light among the rubble of "the ancient" that kept it

incarcerated.

When the inhabitants of the shore were approaching a sick young man with sticks and chains

because they perceived him as a threat, thus increasing the bad image he had of himself,

Jesus approached him disarmed, walking on the sand of the lake, inspiring him with a

confidence he had never felt, until he came to so profoundly human an encounter that He

could free him from the "multitude" which tore him inside. (Mark 5, 1-20).

The inhabitants of Jericho saw in Zacchaeus the extortionist of the people, who collaborated

with the Empire, but in him Jesus saw a son of Abraham who had tried to see him from the

fragile branches of a fig tree (Lk 19 , 1-10). While the Jews looked at the Temple, fascinated

by its beauty, Jesus perceived the ruin that was in the making in this false religious system,

all the splendour of which would end and there would not remain one stone upon another

(Mk 13: 1-2).

It is on the union of Jesus with the Father, who loves even the smallest creature, that this

contemplative capacity was founded, a capacity to see every created being in such a lively

2 EE is supposed to correspond to Ejercicios Espirituales by St Ignatius

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and different way, to perceive what the Father was doing, and to look at this reality in order

to create it anew and to free it, in union with Him.

b) In the Gospel of John, John the contemplative (Jn 5: 1-47) we have a very explicit

example of how reality came to the senses of Jesus, and how He acted accordingly: Jesus

Himself even explains his experience in a confrontation with Jewish leaders.

While Jerusalem was enjoying the feast, Jesus descended to the world of the excluded, to

the chronically ill. They waited for a possible healing next to the pool of Bethesda, which was

dedicated to Aesculapius, the god of health. It was a pagan place, full of ambiguous believers

who put faith in a popular rumour saying that an angel would come down from time to time

to stir the waters, and that the one who touched them first would heal.

Jesus perceives something different from what others perceive in this marginalized space, he

feels shocked by a patient who has no one and has been paralyzed for 38 years in his

solitude. In this pagan space there is no religious reference from Jesus, no examination of

the faith of this paralytic as a condition for healing. The paralytic knows nothing about Jesus,

who only asks him if he wants to be healed. We sometimes settle in our paralysis, we take

advantage of it and we do not want to assume the commitments of the one who is in good

health. The meeting is so deeply human that only an incarnate God could have it. A welcome

without any limit or conditions, so that the paralytic finds the warm space where he dares

repeat his gesture of life, and he goes out through the streets of Jerusalem carrying his

stretcher as a sign of the Kingdom that does not descend from the sky but rises from the

abyss.

c) Jewish leaders reprimand Jesus for healing on a Saturday. The answer of Jesus is

profoundly instructive: a son cannot do anything by himself, he must have seen it done by

the Father (Jn 5, 19). This way of apprehending reality allows Jesus to see how the Father

works, so that he can join his creative work. "My Father is still working, and I'm working

too”. When Jesus looks at the paralytic and the whole society represented in this poor man,

he is not only shaken by pain, but in the depth of this inhuman situation, he sees the Father

creating a new and unexpected life, releasing one from all the obstacles which, precisely for

religious reasons, because of a misinterpretation of the Sabbath and of God, paralyze and

keep their children in slavery.

Neither does Jesus build a complicated reasoning to act and justify his performance, but

through his contemplative senses he means that the Father's way of acting comes into play.

This possibility of "seeing" is a gift from the Father and not the end product of refined

psychological and spiritual techniques, "the Father loves the Son, and shows him all that he

does" (Jn 5,20).

d) From where did Jesus contemplate? When Jesus became incarnate, he chose Mary

and Joseph as people who could welcome him in his absolute weakness as a little child. But

in the background, he also chooses situations full of risks, such as poverty, birth in a

cowshed, the company of shepherds. He needed a life of work, in a profession without any

significant social importance, in order to find reality from there and to be able to make it his

own, according to a human rhythm, to the slow development of his personality.

During his public life, because of his identification with the Father, he really sought to reach

everyone, especially the youngest, the ones at the bottom, the poor, the sinners. In an

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intimate encounter, he offered his vulnerable person to be welcome or rejected. He acts

totally against the current of all the prescriptions of the masters of the law: when everyone

looked up expecting the signs of the Kingdom, Jesus showed them these signs sprouting

from below.

e) Jesus did not idealize reality. Contemplating is not idealizing, because it would

show a lack of respect for the real. Contemplating is melting, by a contemplative gaze, the

hard carapace of appearances, discovering in the depths of each person and each situation,

the action of the Father who goes on creating new life in abundance, in a privileged way,

even in the most dehumanized and destroyed situations, the ones that are so disgusting that

we look away (Is 53,3) and on which we close all the doors of our senses. One has to look at

them. God does not tell us, "Seek me in chaos" (Is.45,19), He is the God hidden in reality (Is

45,13).

3. The process for creating a new contemplative sensibility

a) We often follow the poor and humble Jesus of the Gospel in contemplative prayer,

in spiritual exercises. The contemplation of Jesus culminates in "the application of the

senses", where we approach the contemplated mystery of the life of Jesus, with all our

senses open, purified and receptive to all that is manifested to us of its mystery. This

contemplation is the gradual transformation of our sensitivity to approach reality, as He did.

So, our senses may perceive the active presence of God in the universe, in every person and

in all history with more clarity.

In our comings and goings by our offices, alleys, airports, "ranchos" or highways, among

cultures, groups, archives or loneliness. A landscape, a person, a human situation become

transparent to us. We are surprised, not by our reasoning, but by what comes to our senses.

A piece of reality has become transparent, diaphanous, until we can perceive the Father who

"always works" and there occurs an unexpected encounter with Him. It can be a simple

contact or an encounter that changes our heart and our eyes for a lifetime.

b) We cannot let this punctual experience of diaphanousness be lost between the

come and go of activities and the new situations that reach our senses, constantly jostling

with each other. We must go back to it, realize what we have received, give it a name and

look deeper through this space of transparency where God communicates with us in a

special way. We must ask and seek the inner intelligence (EE 233) of this gift we have

received, in order to welcome it in all its depth. Sometimes this space of diaphanousness will

already be an inexhaustible meeting point, an ever deeper relationship with the God who

has revealed himself to us, and further to this event, we will have to go back to it again and

again, throughout our lives.

In the examination of every day, in the moments of discernment, it is necessary to save the

experiences of diaphanousness, to take them out of the flow of banal events and to ponder

about them as an encounter that is offered to us through all our senses, making the fragility

of our mortal flesh quiver with divine life.

c) Knowing is not enough, it is necessary to go back to this experience, "that I may

fully recognize and know it, that I may love and serve in everything" (EE 233). In other words,

it is necessary to pass from the gift to the Person who is at the origin of this inaccessible and

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unexpected gift. Recognizing it means expressly giving thanks for the free gift that has come

to our hearts, through our senses open to reality.

Loving and serving in everything is possible because everything is "gift and grace" (EE 322),

because all the reality that comes to my senses, opaque and impenetrable as it is, is loved by

God with the same intensity and the same closeness as those in which He made himself

transparent in a gratuitous and fascinating way.

d) A sacrament of the progress is born; "My only sacrament" (or "our sacrament", if it

is an entire community that has experienced it). Although we do not plant a stone in the

ground never to forget this place of encounter and of Alliance (Gn 28,18), this transfigured

reality must somehow be anchored in our inner or community route.

Coming and going will enlighten us on these transparent spaces. The calendar will faithfully

bring us every year the dates of our secret covenants, will remind us of unique moments

when our personal life has been wrapped by the hand of God towards an unpredictable and

new way. Or there will be discreet lights that will illuminate the dullness of everyday work,

to guide it and fill it with joy.

The experience of the layman becoming transparent does not only bring new sensations but

it also brings a new way of always feeling accompanied in a world full of innumerable

injustices and absences.

e) We can "seek and find God in all things", since every creature has this fundamental

vocation to refer to Him with a unique word that cannot be repeated. Although sometimes

"we just have to stop at the creatures," for a while hiding the deepest meaning it has for us,

in the long run we see that we cannot stop on them “they do not know how to tell me what I

want "(St. John of the Cross).

f) This experience of Diaphany is essential to be able to announce God’s life among us

today. "What we have heard, what we have seen with our eyes, what we have contemplated

and our hands have palpated ... We now announce it to you" (1 Jn 1,1-3)

The disciples of Emmaus, on their journey to disenchantment, first opened their eyes (Lk 24-

31) and recognized Jesus in the traveling companion. Only later did Jesus "open their minds"

(Lk.24,45) for them to understand what had happened.

What people see, hear and feel from God's life in the fragility of our own mortal flesh is also

the first step to opening ourselves to the understanding of our fellow travellers.

g) Today more than at any time in history, we need an asceticism that purifies our

senses from so many stimuli invading our intimacy, as they poison us, oppress us and

damage our sensitivity by rendering it incapable of seeing how God makes "all things new".

(Rev 21,5).

Not only do we need fasting from water and bread, we also need "fasting" from the images

and sounds that invade us in our desire to immediately satisfy an electronic vertigo, so that

while waiting for this humble emptiness of the soul and the body, we are given the

diaphanousness of which we are not the masters.

In this process, a new sensitivity can arise in us to "seek and find" the closeness of God with

greater clarity, both in its beauty and in the harshness of the world.

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4. Our cloisters in the middle of our world of everyday

In the hardness of the stone of their cloisters the monks carved leaves, flowers, angels with

childish faces, bare skulls. They placed images of Christ, of Mary, of the Saints in the niches

of the walls, and when they passed in front of this religious landscape, it got into them

through all their senses. They did not have to think. These religious signs roamed a well-

known road to the bottom of their hearts, even if the monk did not realize it.

Our contemplative gaze can also sculpt the signs where life has become diaphanous for us in

the harshness of reality. By walking the same paths once or several times, visiting the same

offices and meeting the same people, reality becomes more and more transparent every

day. We also built our cloisters in the middle of pleasant or aggressive spaces. These

recognized signs of the Kingdom already know how to travel our inner paths in order to

settle in us. Sometimes we do not even look at them, but they always look at us, and they

allow us to live with the feeling of a discreet presence that removes from us all traces of

neglect and exile.

The ultimate dimension of reality is inhabited by God. But it is not possible to reach it by

searching and possessory reasoning. We must wait with our open and vigilant senses until

the presence we seek and who seeks us, is revealed to us. Only God knows how to ignite

from the inside the spaces and the time of this endless meeting, built with its occultations

and transparencies. So that his infinitude does not frighten us He reveals himself in the gift

in which he hides.

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