La description de l'egypte

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Quando Napoleão Bonaparte invadiu o Egito em 1798, ele trouxe consigo uma comitiva de mais de 160 estudiosos e cientistas. Conhecidos como a Comissão Francesa das Ciências e das Artes do Egito, estes peritos realizaram uma extensa pesquisa sobre a arqueologia, topografia e história natural do país. Um soldado que fazia parte da expedição encontrou a famosa Pedra de Roseta, a qual foi usada mais tarde pelo linguista e estudioso francês Jean-François Chanpollion (1790-1832) para desvendar muitos dos mistérios que há tempos cercavam a língua do antigo Egito. Em 1802, Napoleão autorizou a publicação das conclusões da comissão em uma obra monumental, em vários volumes, que incluía gravuras, mapas, textos acadêmicos e um índice detalhado. A publicação da edição imperial original começou em 1809. Esta mostrou-se tão popular que uma segunda edição foi publicada sob a Restauração Bourbon pós-napoleônica. A "Edição Real" (1821-1829), das coleções da Biblioteca de Alexandria, é apresentada aqui.

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  • DESCRIPTION

    DE L'EGYPTE,OU

    RECUEILDES OBSERVATIONS ET DES RECHERCHES

    QUI ONT T FAITES EN EGYPTE

    PENDANT L'EXPDITION DE L'ARME FRANAISE,

    PUBLI

    PAR LES ORDRES DE SA MAJEST L'EMPEREURNAPOLON LE GRAND.

    ANTIQUITS, DESCRIPTIONS.

    TOME PREMIER.

    A PARIS,DE L'IMPRIMERIE IMPRIALE.

    M. DCCC. IX.

  • M^ f^t^o^

    at,

  • IPREMIERE LIVRAISON.

    ANTIQUITS.

    DESCRIPTIONS.

    Description de l'le de Phil,par feu Michel-Ange Lancret. . . . chap. I,

    Description de Syne et des cataractes,par E. Jomard. . . . II.

    Description de l'le d'Elphantine,par E. Jomard . . III.

    Description d'Ombos et des environs. IV.

    Section I. rt,par MM. Chabrol et E. Jomard.

    Section II, par M. Roziere , ingnieur des mines.

    Description des antiquits d'Edfo f par E. Jomard V.

    Description des mines d'el-Kb ou Elethyia, par M. Saint -Genis,ingnieur en chef des ponts et chausses VI.'

    Description d'Esn et de ses environs,par MM. Jollois et Devilliers,

    ingnieurs des ponts et chausses VII.

    Description d'Erment ou Hermonthis,par E. Jomard VIII.

    Note sur les restes de l'ancienne ville de Tuphium,faisant suite au

    Chapitre VIII, par M. Costaz. *

    Nota. Cette table des chapitres des Descriptions n'est que provisoire ; elle sera remplace par une

    table dfinitive , lorsque le volume des Descriptions sera complet.

  • DESCRIPTIONDE

    L'LE DE PHIL^E,

    Par feu Michel-Ange LANCRET.

    CHAPITRE 1/

    $. I.er

    De la Route qui conduit de Syne a l'le de Phil,

    JLes tmoignages de l'antiquit, d'accord avec les inductions de l'histoire natu-relle et avec les faits rcemment observs , ne peuvent gure laisser douter que leterrain de la haute Egypte n'ait t form bien antrieurement celui du Delta :des deux villes qui ont t successivement les capitales de l'Egypte, Thbes, laplus ancienne, n'est loigne des cataractes que de vingt myriamtres environ (i) ;Memphis, qui lui a succd, est, au contraire , une distance -peu-prs pareilledes bords de la mer : ainsi la position et l'ge de ces deux capitales confirment

    encore que le Delta est moins anciennement peupl que le Sa'yd.Il est donc vraisemblable que

    ,parmi les nombreux monumens dont l'Egypte

    est, pour ainsi dire, couverte, il doit s'en trouver de plus anciens dans la Th-bade que dans l'Egypte infrieure; et peut-tre est-ce un motif suffisant pourque l'on doive commencer l'tude des antiquits gyptiennes

    ,par celles qui

    subsistent encore au voisinage de la cataracte.

    Les voyageurs qui se proposent de les observer, doivent quitter le Kaire aux

    approches de l'quinoxe d'automne : cette poque, les eaux du Nil ont recouverttoutes les petites les sablonneuses qui, peu auparavant, gnoient la navigation;

    et le vent du nord souffle durant tout le jour avec assez de force pour que lesbarques du Nil puissent remonter ce fleuve avec une grande vitesse, malgr la rapi-dit de son cours. En moins de quinze jours, ces voyageurs peuvent avoir fait prsde cent myriamtres (2) , et arriver la ville de Syne, situe sur la rive droite duNil, six mille mtres (3) au-dessous de la cataracte. Durant ce court espace de

    temps, ils ont pu visiter rapidement, chaque jour, les antiques constructions,qu'ils observeront, leur retour, dans de plus grands dtails : distribues de chaque

    (1) Quarante lieues. (3) Cinq quarts de iieue environ.(2) Deux cents lieues.

    A. D. A

  • 2 DESCRIPTION

    ct et peu de distance des rives du fleuve, elles s'offrent, pour ainsi dire, d'elles-mmes

    ,aux regards de ceux qui y naviguent. Ils arriveront ainsi aux dernires

    limites de l'Egypte, ayant satisfait cette premire curiosit qui veut tout voir -la-fois et ne permet pas d'observer. Us auront dj acquis quelques ides gnralessur cette architecture , sur ces arts qu'ils vont tudier ; et ils pourront mme , en-commenant, comparer l'tendue, la disposition et les formes principales des

    difices.

    La ville de Syne, situe sur la rive orientale du Nil, est la dernire habitationde l'Egypte. Des roches de granit, sortant du milieu du- fleuve , annoncent lesapproches de la cataracte, et marquent le terme de la navigation. Cependant,au-del des cataractes, de cette limite naturelle de l'Egypte, l'le de Phiise estcouverte de monumens Egyptiens. Les Grecs et les Romains l'ont possde; etl'arme Franaise, conduite en Egypte par le gnral en chef Bonaparte

    ,en a

    pris aussi possession.

    Cette le est un myriamtre (i) au-del de Syne. Lorsque l'on a quitt Synemoderne, et qu'on a travers la ville, antique, situe un peu plus au midi, dansune position leve, on descend dans une petite plaine d'environ douze centsmtres (2) d'tendue, qui se termine au Nil vers le couchant. Le chemin qui latraverse est fort ingal, moins par la forme mme du terrain, que par les dbris degranit provenant des carrires, et par les autres dcombres qui y sont rpandus.-A gauche sont, en grand nombre, des tombeaux Arabes, dont la date remontejusqu'au temps du khalyfe O'mar ; droite on aperoit quelques minarets

    ,

    quelques dmes qui ont t levs pour servir aussi de tombeaux dans des tempsplus modernes.

    Aprs avoir travers cette petite plaine, la route s'lve assez rapidement. Elleest borde, du ct du Nil, par des rochers qui la sparent entirement du fleuve ;de l'autre ct, on voit d'abord de vastes fondrires qui paroissent des excava-

    tions faites de main d'homme : au-del sont des carrires de granit. Bientt , enavanant, on voit le chemin redescendre, et l'on se trouve entre des sommitsde rochers dont les uns sortent du milieu du sable , et les autres sont d'normesblocs arrondis poss sur ce sable ou jets les uns sur les autres , et accumuls unegrande hauteur (3). Cependant, au milieu de ces roches parses , on trouve une

    espce de valle que l'on suit pendant une heure et demie, et qui conduit sur la

    rive voisine de l'le. Le fond de cette valle est uni, solide et recouvert d'un sable

    fin. Les rochers qui l'environnent, sont presque tous de ce mme granit rouge sibrillant quand il est poli , dont nous admirons les fragmens que l'on a transports

    en Europe : ici il se prsente sous de moins belles couleurs ; il est recouvert d'une

    couche brune, ouvrage du temps, qui en a fait disparotre toutes les petites

    asprits et le rend presque lisse. Ces rochers de formes trs - irrgulires , et

    toujours arrondis, ne montrent ni pointes ni artes tranchante^, ni ces cassuresanguleuses que sembleroient cependant devoir offrir des blocs qui , dtachs du

    (1) Deux lieues. (3) II y a de ces blocs qui ont plus de douze quinze

    (2) Un quart de lieue. mtres [trente-six quarante- cinq pieds] en tout sens.

  • DE L ILE DE PHIL./. CHP. I. er 2

    corps de la montagne,

    paraissent en tre des fragmens : on diroit qu'ils ont subi

    un long frottement ; ils portent la marque d'une extrme vtust.Strabon rapporte que le chemin de Syne Philae toit uni, et qu'on y

    voyageoit en chariot. Ce chemin est encore le mme aujourd'hui; et l'on pourroitle parcourir en voiture, si les voitures toient en usage en Egypte. Rien n'a changdans cette contre solitaire, depuis le rgne d'Auguste; et l'on n'y prvoit d'autreschangemens, d'autres mouvemens futurs

    ,que ceux des sables que les vents chassent

    entre les rochers. Il est surprenant que le gographe Grec n'ait rien dit de lalongue muraille construite daiis cette valle. Sans doute elle toit ds-lors presqueentirement dtruite, recouverte de sable, et peu remarquable pour un voyageurqui passoit rapidement dans un char. Encore aujourd'hui, les vestiges de cettemuraille paroissent, au premier aspect, n'tre que des monceaux de terre placs

    de distance en distance ; mais , en les examinant de plus prs , on y reconnot lesbriques non cuites dont elle toit forme.

    En sortant de Syne , la muraille est l'est du chemin : elle le coupe vers lamoiti de la valle , le coupe encore peu de distance, et, continuant de tournerdans la direction de l'est, elle va se terminer au nord de la petite plaine quis'tend vis--vis de Phiiae. Dans les endroits o le chemin et la muraille serapprochent, on se trouve tantt au levant, tantt au couchant de cette muraille,

    que l'on traverse ainsi , sans le remarquer,par les lacunes de plusieurs centaines

    de mtres qui en sparent les vestiges.Cette construction a un peu moins de deux mtres (i) d'paisseur; sa hauteur

    est d'environ quatre mtres (2), et quelquefois davantage : mais, outre qu'elle estdgrade au sommet, il est ais de voir qu'elle est enfonce en partie dans le sable;et mme, du ct de Syne, elle est totalement ensevelie, et se devine seulementsous un amas de sable qui , dans cet endroit, partage en deux la valle, suivantsa longueur. Les briques qui la composent , sont semblables aux briques Egyp-tiennes employes aux grandes enceintes des temples, Thbes, et dans quelquesautres endroits (3).

    Cette conformit dans les matriaux, et sur-tout l'tendue de la construction,qui occupoit toute la longueur de la valle , donnent cette muraille un caractretout--fait Egyptien ; et l'on ne peut point infrer du silence de Strabon

    ,quelle

    n'existoit pas encore de son temps. La construction doit en tre rapporte unepoque extrmement ancienne, o les gyptiens eurent protger la route dePhilse contre les peuples qui habitoient au-dessus de la cataracte; car nous pensons

    que la sret de cette route toit le principal objet de ce rempart :-nous n'avonspoint appris , en effet

    ,qu'on en retrouvt des traces en s'avanant plus loin dans

    la Nubie (4) ; et , s'il se ft agi seulement de protger Syne et de dfendre

    (1) Cinq six pieds. ment deux rangs de briques poses plat, et un rang(2) Douze pieds. de briques poses de champ ; ou bien encore ce dernier

    (3) On a remarqu, en diffrens points de cette mu- rang est remplac par un autre dont les briques sontraille, des arrangemens divers dans les briques dont elle poses obliquement.est compose. Ou bien ces briques sont poses plat, (4) Il y a cependant des habitans de Philae qui ontsuivant la manire ordinaire, ou bien il y a alternative- dit l'un de nous, que ce mur se continuoit de l'autre

    . D. A a

  • 4 DESCRIPTION

    l'entre du pays, il auroit suffi de fermer la valle son origine. Mais l'le de Philsetoit, aux temps anciens, un des lieux les plus sacrs de l'Egypte. Les prtresenseignoient que le tombeau d'Osiris y toit plac; et cette le avoit du devenir,pour ce motif, un lieu saint, un but de plerinage, comme l'est aujourd'huiMdine , tombeau de Mahomet.

    Cette muraille, qui, sans doute, toit garde de distance en distance, servoit

    donc protger la route comprise entre elle et les rochers qui bordent le Nil, et prvenir les surprises de l'ennemi, ou seulement des voleurs qui pouvoient atta-quer les personnes voyageant sur cette route.

    Au surplus, ce moyen de dfense, qui nous parot aujourd'hui prodigieux, a tmis ailleurs en usage par ces mmes gyptiens

    ,pour protger d'autres parties de

    leur territoire;

    plusieurs nations anciennes ont , comme on le sait , enveloppentirement leur pays par des constructions bien plus considrables encore.Celle dont nous nous occupons est cependant remarquable, parce qu'elle a tleve dans un canton sans population , sans culture , et pour des motifs qui

    paroissent uniquement religieux.La route de Philse offre encore aujourd'hui quelques traces de l'antique dvotion

    des gyptiens, dans les inscriptions en caractres sacrs, qui sont sculptes le longde cette route sur plusieurs des rochers qui la bordent. Ces inscriptions ne sont

    pas toutes entailles dans le granit, et, pour la plupart, on a seulement enlev la

    couche brune et mis dcouvert le ton rose -poudreux du granit dpoli; c'estpar cette teinte lgre qu'elles se. font alors remarquer sur le fond rembruni de laroche. Depuis deux ou trois mille ans, et peut-tre bien plus, qu'elles ont ttraces, elles n'ont point chang de couleur; elles ne se sont point encore recou-vertes de cette couche lisse et brune que le temps seul peut leur donner. Si tant

    de sicles n'ont pas suffi, combien donc ces rochers n'en ont-ils pas vu s'couler

    Prs de Philse , les inscriptions sont en plus grand nombre que vers le commen-cement de la route : elles sont fort leves au-dessus du sol ; et les hiroglyphes

    qui les composent, ont quelquefois prs d'un mtre () de hauteur. Ce ne sontpoint des traits faits rapidement comme ceux que les voyageurs gravent souvent

    sur les monumens ou sur les rochers qu'ils visitent, pour y attacher leurs noms et la

    date de leur passage; ils ont t gravs par des sculpteurs de profession ; il a fallu

    des chafaudages, des instrumens particuliers, et un temps assez long pour les

    excuter, sur-tout ceux qui sont entaills profondment. Il n'y a donc pas de

    doute que ces inscriptions ne soient le rsultat d'une volont mdite ; et si l'on

    considre le lieu qu'elles occupent, les caractres qui les forment, et sur-tout le

    peuple minemment religieux qui les a traces, on sera port les regarder commedes symboles sacrs qui rappeloient les esprits vers les ides religieuses, ou comme

    des inscriptions votives destines obtenir quelques succs des dieux.

    cte du fleuve; ce qui est dnu de toute vraisemblance. II faut bien que l'on nous pardonne de rapporter un

    Ce sont, au surplus, les mmes hommes qui racontent des cent contes ridicules par lesquels ces bonnes gensque l'on mettoit derrire la muraille les enfans trop rpondoient nos questions,

    mchans, afin qu'ils y fussent dvors par les crocodiles. () Trois pieds.

  • DE LILE DE PHIL,. CHAP. l. er jOn n'aperoit aucun arbre dans toute letendue de la route de Syne Philae ;

    l'aridit est extrme, la chaleur insupportable. En t, vers le milieu du jour, iln'y a plus aucune ombre , aucun abri contre l'ardeur du soleil ; il darde plombses rayons ; le sable et les rochers les renvoient , et ce lieu devient une sorte defournaise, redoute mme des naturels du pays : aussi, lorsque l'on peut choisir lesheures de la marche, ce n'est qu'aprs le coucher du soleil que l'on parcourt cettevalle. C'est cette heure que je l'ai moi-mme parcourue sous un ciel d'une telletransparence et par un clair de lune si brillant

    ,que nos plus belles nuits d'Europe

    n'en peuvent point donner d'ide.Les marches nocturnes ont toujours quelque chose d'imposant et de grave

    qui dispose l'ame aux impressions profondes ; mais quel lieu pourrait en produire

    de plus fortes et rappeler plus de souvenirs \ Je songeois avec une sorte d'mo-tion, de plaisir et de doute, que j'tois sur un des points les plus remarquables

    de la terre, dans des lieux qui semblent en quelque sorte fabuleux, et dont lesnoms

    ,prononcs ds l'enfance ont pris une signification gigantesque et presque

    magique. Je touchois aux rochers des cataractes, aux portes de l'Ethiopie, aux

    bornes de l'empire Romain;

    j'allois bientt entrer dans cette le o fut le tom-beau d'Osiris, le autrefois sacre, ignore aujourd'hui, le sanctuaire d'une antiquereligion mre de tant d'autres cultes ; enfin j'approchois d'une des immuablesdivisions de notre globe, et le pas que je faisois toit peut-tre dj dans lazone torride.

    Au milieu de ces penses, le voyage s'achve avec une apparente rapidit ; onest averti de son terme par le bruit des eaux du fleuve. La valle se rapprochedu Nil, en tournant un peu droite

    , et en s'inclinant lgrement; elle se ter-mine une petite plaine sablonneuse qui est environne de rochers de trois cts

    ,

    et qui., de l'autre, se joint aux rivages du fleuve par une pente douce. En entrantdans cette plaine , on aperoit tout--coup l'le de Philae.De grands monumens, les arbres qui les entourent , les eaux du fleuve , la verdure

    de ses bords, offrent un tableau qui surprend et qui plat au sortir de l'aride valle.La couleur blanche , les formes carres des difices qui couvrent l'le de Philae

    ,

    la font bientt distinguer, malgr son peu d'tendue, au milieu de la vaste enceintede montagnes brunes et des rochers arrondis qui forment le bassin du fleuve etqui sortent de son sein. Quelques dattiers sont cultivs dans l'le; un plus grandnombre, sur l'autre rivage, croissent au pied des rochers

    ,o l'on voit aussi de

    petites portions de terres ensemences chaque anne par quelques familles deNubiens qui habitent ces solitudes. Mais , sur un sol aussi brlant

    ,parmi cette

    immensit de rocs arides et accumuls, quelques arbres, un peu de verdure,adoucissent foiblement l'extrme pret de ces lieux.

    L'austre beaut de cet aspect doit se retrouver, sans doute, au milieu d'autresgrands fleuves qui, comme celui-ci , coulent entre les rochers: mais ce que nuiautre ne peut offrir, ce sont les monumens encore subsistans d'un des plus ancienspeuples du monde; ce sont les inscriptions qu'il a graves sur les rochers, et parlesquelles il semble avoir parl la postrit. Ces objets, en reportant la pense

  • 6 DESCRIPTIONvers les sicles reculs

    ,ajoutent au tableau des beauts d'un ordre suprieur tout

    ce que la nature seule peut prsenter dans les sites les plus imposans.Tandis que la barque sur laquelle on doit passer le fleuve se fait attendre,

    on parcourt le rivage pour apercevoir l'le sous plusieurs aspects ; et bientton y remarque un difice isol, perc jour, et soutenu par des colonnes, puisune masse considrable de btimens , une longue colonnade

    ,un oblisque. Quant

    ce mme rivage que l'on est impatient de quitter, il n'offre que de pauvrescabanes de Barbras (i), et les vestiges de quelques tombeaux Arabes.En traversant le fleuve , on passe assez prs d'un rocher qui , du milieu de

    plusieurs autres,lve son sommet plus de seize mtres (2) au-dessus des eaux.

    II est, dans sa partie suprieure, divis en deux, et reprsente assez Lien uneespce de fauteuil sans dossier

    , d'une gigantesque proportion. Les habitans deSyne qui servent de conducteurs aux trangers, racontent, en effet, au sujet dece sige

    ,des histoires de gans

    , mais qui ne peuvent mettre sur la voie d'aucunetradition historique. D'ailleurs la forme de ce rocher est videmment naturelle

    ;

    on voit seulement qu'elle a t remarque ds les temps anciens , et que l'on ataill par derrire des marches pour s'lever jusqu'au sige. Cette roche porte aussides sculptures faites avec soin et profondment entailles; ce sont des figureshumaines avec des ttes d'animaux, et plusieurs inscriptions hiroglyphiques.

    Enfin l'on aborde dans le nord de l'le quelque distance des temples, quisont tous dans la partie mridionale.

    . IL

    Aperu gnral des Monumens.

    Si je visitois de nouveau l'le de Philse, et si j'avois un compagnon de voyage qui je voulusse la faire connotre

    ,j'irois d'abord avec lui me placer sur le rocher

    qui forme un petit promontoire la pointe mridionale de l'le : de l l'il em-brasse facilement la petite tendue de Philse; les monumens en occupent unegrande partie; et du point de vue o nous sommes placs, nous les apercevonspresque tous. L'difice isol est maintenant notre droite, de l'autre ct sontl'oblisque et la longue colonnade ; le grand temple et les principaux monumenssont en face de nous; leur pied, quelques huttes de terre qui ont peine lahauteur d'un homme, forment la demeure des habitans, et l'on peut dire des pro-pritaires actuels de l'le.

    Environns de rochers granitiques , les monumens de Philse sont tous construitsen grs : la couleur de cette pierre n'ayant pas t altre par le temps , ils sontencore, l'extrieur, d'une blancheur surprenante.

    Lorsqu'on a saisi l'ensemble de ces difices, ce qui frappe sur-tout, si l'on s'arrtequelques instans les considrer , ce sont leurs grands murs en talus comme les murs

    (1) On donne en Egypte le nom de Barbras aux Nu- (2) Cinquante pieds environ,biens qui habitent depuis les cataractes jusqu' Ibrim.

  • DE LILE DE PHIL^. CHAP. I. er Jde nos fortifications, sans aucune autre ouverture que les portes; les terrasses des

    temples formant de larges plateaux, et sur l'une d'elles un petit village; les sculp-

    tures peu saillantes dont tous les murs sont entirement couverts ; c'est enfin lecaractre grave et mystrieux de ces monumens , leur solidit

    ,leur tonnante

    conservation.

    Mais approchons de ces difices,pntrons dans l'intrieur des temples , et

    commenons par le monument le plus mridional qui est aussi le plus voisin denous.

    C'est une petite enceinte de colonnes dont plusieurs sont renverses : au-

    devant toient deux petits oblisques en grs ; un seul est rest debout, et l'on ne

    voit plus de l'autre que la place qu'il occupoit.

    Parmi plusieurs noms Grecs et Latins crits diffrentes poques sur l'oblisqueet sur un reste de muraille qui l'avoisine , on distingue ceux des rois Ptolmeset de quelques autres personnages de l'histoire. Les noms de plusieurs voyageurs

    Europens de ces derniers sicles et ceux de quelques Franais de la grande exp-dition s'y trouvent galement inscrits. Ainsi, dans tous les ges, les hommes ontvoulu attacher leurs noms quelque chose qui leur survct, et qui parlt d'eux

    en leur absence.

    On compte trente-deux colonnes dans cette longue galerie qui borde le quai etqui se dirige au nord vers les temples. Les chapiteaux, orns des fleurs du lotus,des feuilles du palmier, sont tous diffrens les uns des autres : ces diffrences, quine se voient que de prs, ne dtruisent pas l'uniformit gnrale, et jettent de lavarit. Plusieurs colonnes sont renverses ; les pierres du plafond, les dcombres,interrompent le passage : mais au milieu' de ces pierres qui ont conserv leur blan-

    cheur, au milieu de ces colonnes dont plusieurs chapiteaux sont rests bauchs,

    on se croit moins parmi des ruines que dans un difice en construction.Une autre colonnade moins tendue est en face de celle-ci; et quoiqu'elles

    ne soient pas tout--fait parallles, elles forment cependant une belle avenue

    l'entre des temples dont nous approchons. On conoit que, lorsque toutes lescolonnes toient debout, qu'elles n'toient pas enterres dans les dcombres, etqu'au lieu de ces ingalits, de ces dmolitions, de ces restes de huttes, un

    terrain uni permettoit de tout embrasser d'un coup-d'ceil , l'entre des temples

    devoit s'annoncer d'une manire magnifique et imposante.

    La premire entre est compose d'une grande porte et de deux massifs sem-blables, larges leur base, plus troits vers le sommet, et de peu d'paisseur,

    qui s'lvent l'un ct de l'autre , bien au-dessus de la porte qui se trouve

    comprise entre eux : cette sorte de construction, tout--fait particulire l'Egypte,

    et qui n'a t imite dans aucune autre architecture , se voit galement au-devant

    des temples et des palais; nous l'appellerons^/^ (i).

    (i) Ce mot est form de celui de -mh.w, qu'a employ par ce mot, l'ensemble de la porte et des deux massifs quiDiodore de Sicile dans la description du tombeau d'Osy- l'accompagnent. Voyez la Description d'Edfo, chap. Vmandias, et que les traducteurs ont mal--propos rendu de ce volume

    , J, II. E. J.

    par celui d'atrium. II est vident qu'il faut entendre,

  • g DESCRIPTION

    La position Je ces massifs porte croire qu'ils sont l'imitation de deux tourscarres, places originairement pour la dfense des portes d'entre : leur hauteur,et les escaliers intrieurs qui conduisent jusqu'au sommet, peuvent les faire regardercomme des observatoires, difices ncessaires chez un peuple dont la religion toiten grande partie fonde sur l'astronomie.

    Le premier pylne a trente-neuf mtres (i) de largeur et dix-huit mtres (2)de hauteur. C'est le plus lev de tous les difices de l'le; mais il en existe ailleursde bien plus grands : car les monumens de Philse ne paraissent si considrablesque parce qu'ils occupent une grande partie de la surface de l'le; ils sont petitspar rapport d'autres monumens de l'Egypte. C'est ici comme un modle en granddes constructions Egyptiennes.

    On peut remarquer sur le pylne quelques-uns des caractres particuliers ces constructions : les corniches, qui par-tout ont la mme forme; la moulureinfrieure de ces corniches, qui descend en forme de rouleau sur les angles desdifices; enfin, la distribution des sculptures. A Ja partie suprieure du pylne,elles reprsentent des divinits assises , et devant elles des prtres debout qui leurfont des offrandes. Chaque scne forme une sorte de tableau sculpt, spar deceux qui le suivent ou le prcdent par des lgendes verticales d'hiroglyphes.

    Dans le rang infrieur , toutes les figures sont debout et d'une norme propor-tion (3). On y voit des divinits qui reoivent un sacrifice. Le soubassement dupylne est dcor par les tiges et les fleurs de la plante sacre du lotus; les mon-tans et la corniche de la porte sont galement orns de tableaux et de dcora-tions symboliques. Ainsi ce pylne est sculpt dans toutes ses parties ; et quoique

    nous ne voyions encore qu'un monument , et mme qu'une seule face de ce mo-nument, elle nous offre dj, plus de six cents mtres carrs (4) de surface sculpte.

    Cette profusion de sculptures est extrme, et cependant il n'en rsulte aucune

    fatigue pour l'il; les lignes de l'architecture n'en sont point interrompues; et ce

    systme de dcoration,quelque nouveau qu'il paroisse, plat et flatte la vue ds le

    premier abord. Cela tient l'heureuse disposition de cette dcoration, la sim-

    plicit de la pose des figures, la manire uniforme dont la sculpture est en quelquesorte rpandue sur toutes les surfaces des monumens, et, enfin, sur-tout sonpeu de relief, qui ne produit nulle part ni de grandes ombres ni de vives lumires.

    Au-devant du pylne, des oblisques et des lions de granit rouge sont renverss,

    briss, et presque entirement enfouis : c'est l'imagination les tirer de la pous-sire, les replacer de chaque ct de la porte du pylne, et rendre ainsi cettepremire entre des temples une des plus simples et des plus admirables composi-tions d'architecture que les hommes aient imagines.

    Mais l'admiration succde bientt un autre sentiment : dans ces lieux antiqueso tant de peuples divers ont laiss quelques traces de leur passage, les impres-sions se suivent et varient chaque pas. En approchant du pylne et de quelquesrestes de constructions qui l'environnent . droite, on aperoit plusieurs noms,

    (1) Cent dix-huit pieds. (3) Elles ont sept mtres [vingt-un pieds] de hauteur.

    (2) Cinquante-quatre pieds. (4) Cinq mille quatre cents pieds carrs.

    plusieurs

  • de l'le de phil/. chap. i. er 9plusieurs petites inscriptions Latines crites la hauteur de la main. Voici le sens

    de deux d'entre elles :

    Moi L. TREBONIUS ORICULA, j'ai habit ici.

    Moi NUMONIUS VALA, j'ai demeur ici sous l'Empereur Csar;CONSUL POUR LA TREIZIEME FOIS (l).

    Ces sortes d'inscriptions cursives n'ont rien de solennel ni de monumental ;on n'y cherche point la date d'un vnement , la ddicace d'un temple : mais uneautre sorte de curiosit, un autre intrt, vous attire et vous touche; c'est un

    homme qui n'existe plus depuis bien des sicles, et qui semble encore vous parler.Il est venu dans ces mmes lieux comme vous; comme vous, il y toit tranger;il a crit son nom comme vous crivez le vtre, et peut-tre toit-il agit des

    mmes penses : on se plat chercher celles qui l'occupoient ; on vient d'apprendreson nom , on devine sa profession , on croit le voir avec son costume et jusquedans la position o il toit en crivant. Je me reprsente ici un soldat de la gar-nison Romaine, depuis long-temps loign de son pays par des guerres conti-nuelles : occup du souvenir de sa patrie, il distrait l'ennui de son exil, esprantpouvoir raconter un jour, au milieu des siens, qu'il a grav son nom sur les temples

    les plus reculs de la mystrieuse Egypte.

    Prs de ces inscriptions, sous la grande porte du pylne, on en voit une qui per-ptuera dans les sicles un des vnemens les plus remarquables de notre ge; elleconsacre la conqute de l'Egypte par le gnral en chef Bonaparte, la dfaitedes Mamlouks poursuivis par son lieutenant le gnral Desaix jusqu'au-del descataractes , et l'entre des Franais victorieux dans l'le de Philse.

    Plus loin, dans l'intrieur du temple, une autre inscription, grave dans lemme temps et presque par les mmes mains , fixe avec prcision la position go-graphique de l'le (2). Ainsi ces monumens prsenteront -la-fois le tmoignage

    glorieux de la valeur des Franais , et celui non moins honorable de leurs con-noissances ; et cette association des sciences et des armes , cette belle ide dont

    l'histoire ne fournit point d'exemple , ne sera pas le fait le moins remarquable dela vie d'un grand capitaine, qui n'avoit entrepris la conqute d'un pays devenubarbare, que pour y porter la civilisation.

    Lorsqu'on a pass sous la porte du premier pylne , on en trouve un secondplus petit et plus dgrad. La cour qui les spare est une sorte de pristyle,

    form par des galeries de colonnes , l'une droite , l'autre gauche. Cette der-nire appartient un petit temple distinct du temple principal. Ici, comme dans

    la premire avenue , les galeries ne sont pas parallles ; et ce dfaut de symtrie

    indique que les divers monumens de l'le n'ont point t construits la mmepoque, ni sur le mme plan: les sicles les ont vus s'ajouter les uns aux autres.

    (1) Voyti le Mmoire sur les inscriptions recueillies a tracs sur la muraille. Cette erreur est rectifie dansen Egypte par M. Jomard. le tableau qui termine le Mmoire de M. Nouet qui a(2) II s'est gliss une erreur dans les nombres qu'on pour titre, Observations astronomiques faites en Egypte.

    A. D.' B

  • IO DESCRIPTION

    Le second pylne fait partie du grand temple, o nous allons enfin pntrer.Nous voici sous le portique, compos de dix colonnes; il est ferm de tous lescts, et il reoit du jour par la porte et par la terrasse. Tout ce que nousapercevons autour de nous, colonnes, murs et plafonds, tout est couvert desculptures, et toutes ces sculptures sont peintes de diverses couleurs. Cettepeinture

    ,il est vrai , ne se remarque pas au premier abord ; elle est cache par la

    poussire: mais les chapiteaux, qui par leur forme en ont t prservs, offrentdes couleurs, verte, rouge, jaune, bleue, de la plus grande vivacit. Dans lesparties peu claires, les couleurs paroissent fondues; elles sont cependantappliques sans dgradation : cette illusion est produite par les ombres des reliefs ;et elle est d'ailleurs favorise ici par le jour qui vient d'en haut, et par la maniredont il se distribue et s'adoucit en passant successivement entre les colonnes pourarriver jusqu'au fond du portique.

    N'est-il point surprenant de retrouver encore des peintures d'une si haute anti-quit! et si les monumens de l'Egypte ont travers tant de sicles, ne le doit-onpas autant la nature du climat qu' la solidit des constructions! Toutefois rienne sauroit lasser le temps : malgr cette solidit, malgr l'uniformit du climat,ce temple est dgrad dans plusieurs parties. Voyez cette colonne

    ; que de pierresen sont dtaches! on diroit qu'elle va crouler. Mais l'intrieur de cette colonne,mais les faces des pierres caches dans la construction, montrent, sous le cimentqui les enveloppe, des fragmens de sculptures, des hiroglyphes tronqus ou ren-verss

    ,dont plusieurs ont encore conserv les couleurs dont ils toient peints.

    Ainsi ce temple, que nous jugeons dj si ancien, est lui-mme construit desdbris d'un plus ancien difice; ainsi ces mmes pierres, ces hiroglyphes, cescouleurs, pourroient avoir deux fois l'ge du temple: et de combien de siclesencore ne faudra-t-il pas remonter dans le pass pour arriver l'origine de ces arts

    et de la civilisation qu'ils supposent!

    Les salles intrieures sont tout--fait obscures , ou ne reoivent un peu declart que par de trs-petites ouvertures : il faut se munir de flambeaux pour ypntrer. On traverse successivement trois grandes salles qui communiquent diverses chambres latrales , avant d'arriver au sanctuaire plac au fond du temple ;

    .

    l'odeur forte et piquante que l'on y respire, est celle des chauve-souris, les seuls

    tres vivans qui habitent actuellement cette enceinte. Ces trois salles, le" sanc-

    tuaire, et toutes les autres salles du temple, sont sculpts comme le portique.Les sculptures, d'un relief extrmement bas , distribues par tableaux entours deleurs lgendes hiroglyphiques, reprsentent presque toutes des scnes religieuses,

    des offrandes, des sacrifices, des initiations, dont on devine au moins le sensapparent; mais plusieurs autres ne semblent que bizarres, et font dsesprer

    qu'on puisse jamais en comprendre la signification. Les plafonds sont autantsculpts que les murs, et il est impossible de dcouvrir une seule surface sans

    dcorations. II n'est aucune pierre du temple qui ne soit orne de sculptures

    religieuses, couverte de l'criture sacre, et peinte de diverses couleurs. La

    moindre partie de l'difice toit en quelque sorte sainte, et il suffisoit d'y jeter

  • de l'le de phil^e. chap. i. cr i i

    le regard pour en recevoir une impression religieuse. II est difficile de concevoir

    jusqu' quel point un peuple naturellement port aux sentimens de pit , et chezlequel toutes les institutions et jusqu'aux arts d'agrment concouraient ainsi versun mme but, devoit ressentir l'effet de tant de moyens runis.Au fond du sanctuaire, on voit un bloc de granit tout couvert de sculptures,

    et dans lequel est taille une niche carre,propre former une sorte de cage :

    c'toit celle de l'pervier sacr. On sait qu'il y avoit dans l'le de Philse un templeo Osiris toit particulirement ador sous la forme de cet oiseau. Combiend'hommes ont sans doute , autrefois , fait des vux ardens pour arriver jusqu' cetabernacle mystrieux , et ne s'en fussent approchs qu'avec une sainte terreur !

    Voyez aujourd'hui quel abandon,

    quelle solitude ; comme ces murs sont noirs

    et couverts de poussire ! On ne marche qu'au milieu des pierres et des d-combres ; ils obstruent les passages ; ils empchent de pntrer dans celui quiexcite le plus la curiosit , dans ce corridor si troit pratiqu dans l'paisseur du

    mur. C'toit par-l, sans doute, que s'introduisoit le prtre qui parloit pour le

    dieu et rendoit les oracles.

    Dans une des salles on trouve un escalier qui mne sur la terrasse du temple.Ici mme, sur ce temple, encore des dcombres et des amoncellemens de terre!Cette terrasse a t un petit village que les Barbras ont construit , habit et

    abandonn. C'toit, sans doute, pour se dfendre contre quelques ennemis, queles Nubiens de l'le de Philse avoient ainsi choisi leur demeure sur ce monument,et non dans la vue d'viter les inondations, puisque jamais les plus hautes ne sub-mergent le terrain de l'le.

    On trouve galement des maisons de terre au- dehors et au pied des murs dutemple : elles seules dforment l'extrieur des difices et dguisent leur vritablehauteur; car ils ne sont point enterrs sous le sol de l'le, qui* depuis long-temps,

    parot n'avoir prouv aucun exhaussement. Cet extrieur des difices offre ici

    ,

    vers le milieu du jour, un aspect remarquable , et qui est d au voisinage du tro-pique : ds que le soleil est un peu lev, les corniches projettent de longuesombres qui descendent de plus en plus sur les murs des monumens ; et vers midi

    ,

    le soleil tant plomb , toutes les faces des difices sont presque entirementdans l'ombre. A cette heure

    ,quel calme rgne dans ces climats ardens ! L'air

    n'y est agit par aucun souffle, et les eaux dans leur cours produisent seules

    quelque mouvement. Au milieu de ce repos gnral , il n'y a que l'active curiositdes Europens qui puisse encore trouver assez d'nergie pour braver les ardeursdu midi

    ,

    quand les naturels mme cherchent par-tout les abris et le repos.Le petit temple que nous avons laiss notre gauche, en allant du premier au

    second pylne , diffre beaucoup du temple d'Osiris. Une galerie de colonnes l'en-toure de trois cts; au-devant est un portique de quatre colonnes, qui offre en

    petit la disposition de presque tous les autres portiques Egyptiens. Ce qui distingueces portiques de ceux que nous avons imits des Grecs et des Romains, c'est qu'ilssont ferms latralement , et que tous les entre-colonnemens de la faade ( l'ex-

    ception de celui du milieu, qui est ouvert jusqu'en bas, et forme l'unique porteA. D. B 2

  • I 2 DESCRIPTION

    d'entre) sont ferms par un mur jusqu'au tiers et quelquefois jusqu' la moiti deleur hauteur. Ces entre-colonnemens extrieurs sont par-l transforms, pour ainsidire, en fentres. Il rsulte de cette disposition, qui, sans doute, avoit son motifdans les rites Egyptiens, un effet trs-mystrieux dans l'intrieur des portiques. Maisce mo tif nous est actuellement si tranger, que le premier dsir que nous prouvons

    ,

    c'est de voir ces murs d'entre -colonnement supprims, afin de jouir de toute lahauteur des colonnes, dont la proportion est d'ailleurs peu lance.Au reste

    ,on s'accoutume hientt ne point chercher l'lgance Grecque

    dans l'architecture Egyptienne : son caractre est plus grave; la solidit, la dure,en toient le but principal. On y trouve la simplicit dans l'ensemble, la varitdans les dtails, et de l'unit dans toutes les parties. C'est manifestement surcette architecture que les Grecs ont form la leur; et comme ils avoient prisleur religion en Egypte, ils y avoient pris aussi la distribution des temples. Celui

    qui nous occupe est du genre de ceux qu'ils avoient particulirement imits. Onne peut mconnotre, mme dans les dtails de l'architecture des Grecs, l'imita-tion de celle des bords du Nil, en comparant le chapiteau dcor de feuilles depalmier et le chapiteau Corinthien entour de feuilles d'acanthe. L'ide toute en-tire de ce beau chapiteau Grec est dans celui des Egyptiens; et, quelqu'ingnieuseque soit la fable de Callimaque, l'emprunt est manifeste.

    Le petit temple n'est pas moins riche de sculpture que le temple d'Osiris : lesfigures qu'on y a le plus frquemment reprsentes , sont celles d'Isis et de sonfils Horus. La tte d'Isis est aussi sculpte en relief sur les quatre faces des ds quisurmontent les chapiteaux ; et l'on ne sauroit douter que ce temple n'ait tconsacr Isis ou Horus, et peut-tre tous les deux -la-fois.Ce petit difice n'a prouv aucune dgradation, et semble tout neuf. Il est

    certainement construit postrieurement au grand temple : mais il est difficile d'as-signer avec quelque prcision la diffrence des ges d'aprs la seule diffrence de

    conservation. Mille ans d'antriorit sont peu sensibles entre des difices qui ont

    certainement plusieurs milliers d'annes,

    et qui cependant sont encore si bien

    conservs.

    La destruction successive des maisons de terre qui ont t construites sous

    le portique du temple d'Isis, en a tellement lev le sol,que les colonnes y sont

    enfonces jusqu'au quart de leur hauteur. On voit aussi en dehors , entre lescolonnes de la galerie , des restes de murs qui l'interrompent , et forment des

    chambres spares de diffrentes grandeurs : ils sont construits les uns en briques,

    les autres en pierres lies avec de la chaux , et ils dvoient avoir quelque solidit ;nanmoins ils sont presque tous crouls, et leurs dbris empchent de voir lepied des colonnes. Ces constructions, qui ne ressemblent point aux huttes en

    terre des Nubiens , seroient-elles les maisons bties par la garnison Romaine ! ouseroient-elles l'ouvrage des Chrtiens qui, pendant long -temps, habitrent en

    Egypte les grottes spulcrales et les temples abandonns lNous avons parcouru les principaux difices qui ont entre eux une dpendance

    mutuelle; il en existe quelques autres sur la surface de l'le.

  • DE L ILE DE PHILAE. CHAP. I. er I 5

    A quelque distance des temples, sur le bord du quai, subsiste encore une salleisole, reste d'un difice plus considrable. Les sculptures qui la dcorent, sontrelatives la mort d'Osiris ; et il est curieux de retrouver ici la reprsentation

    de cette fable sacre , sachant que la mythologie Egyptienne plaoit le tombeaud'Osiris dans l'le de Philae. Cette salle renferme aussi plusieurs noms

    ,plusieurs

    inscriptions cursives, parmi lesquelles il y en a de fort anciennes. On en remarquesur-tout une , au plafond , trace avec de l'encre rouge, en plusieurs lignes, en ca-

    ractres inconnus. Nous avons vu, sur d'autres monumens de l'le, des inscriptionscursives, Grecques et Latines; d'autres crites dans nos caractres Europens. Ontrouve encore ici des noms et des sentences crites en arabe. L'le de Philae runitdans ses inscriptions bien des ges et bien des peuples diffrens; et, sous ce seul

    rapport, elle seroit dj un des points les plus curieux de l'Egypte.Il reste peu de constructions dans le nord de l'le, form des dpts limoneux

    du fleuve; il est cultiv dans quelques endroits, les seuls qui ne soient pas occupspar des dcombres. Au milieu de cette partie de l'le, un pan de muraille estrest seul debout : il est de construction Grecque ou Romaine, dcor destriglyphes de l'ordre Dorique, et bti des dbris de quelque monument gyptien.Un autre difice Romain, voisin de celui-ci, n'a point t achev; mais il est aisd'y reconnotre un petit arc de triomphe. L'espace qui s'tend entre cet arc et lestemples j a t occup par plusieurs constructions, mais qui ne paroissent pas avoirform de grands monumens: les unes, dmolies jusqu' rase terre, semblent desplans tracs sur le sol ; d'autres ne se devinent plus que sous des monceaux depierre et de poussire : mais au-del, en continuant de revenir vers le midi, onse trouve au pied de cet difice perc jour, qui frappe le premier la vue quandon dcouvre l'le.

    C'est par sa blancheur, et sur-tout par son lgance, que cet difice serait ainsiremarquer. Les colonnes qui le composent, engages dans des murs jusqu'au tiersde leur hauteur, forment une enceinte carre, sans plafond, o l'on entre pardeux portes opposes. Ces colonnes ne sont pas plus lances que celles desautres temples , mais elles sont surmontes d'un d gal au quart de leur hauteur

    ;

    ce qui donne l'ensemble de l'difice un air de lgret qui contraste avec laproportion ordinaire des monumens.

    Celui-ci n'est sculpt que dans quelques-unes d ses parties : il est manifestequ'il n'a point t achev , et l'on saisit avec une sorte d'empressement cette occa-sion d'tudier les procds des gyptiens dans la taille des pierres et dans la pr-paration des sculptures.

    Cet difice est, comme tous ceux de l'le, environn de quelques maisons deBarbras, construites en briques non cuites, ou seulement en terre. Nanmoinsce beau monument n'est point enfoui dans les masures : les colonnes sont dcou-vertes jusqu' la base; circonstance rare en Egypte, o l'lvation annuelle dusol et la destruction rapide des habitations modernes enterrent de plus en plusles anciens difices et les enfouissent tout entiers sans les dtruire.

    Aprs avoir parcouru tout l'intrieur de l'le, il reste encore visiter au dehors

  • 4 DESCRIPTION

    une petite construction Egyptienne place sur la rive gauche du fleuve , dans uneanse entre les rochers. On y voit les dbris d'un quai , plus loin les restes d'uneporte et quelques colonnes. Des pierres et des dcombres entourent ces vestiges,qui doivent tre ceux d'un petit temple. Le terrain environnant est form desdpts limoneux du fleuve : ces dpts

    ,quoique placs entre des rocs dpouills

    ,

    ont la mme fertilit que le sol de l'Egypte. Les Barbras du voisinage les cultivent;et les palmiers, qui sont leur plus grande richesse, y deviennent trs-beaux et trs-productifs.

    Le Nil nous offre ici un spectacle qui, au rcit des voyageurs et des naturelsdu pays, est le mme dans un espace de plus de cinquante lieues en s'avanantdans la Nubie : des rochers arides, entre lesquels roulent les eaux du fleuve; etparmi ces rochers

    , dans toutes les anses un peu profondes , une famille de Nu-

    biens, ou quelquefois un petit village, selon que les terres du voisinage ont uneplus petite ou une plus grande tendue. Ces pauvres Nubiens, honntes et sobres,possdent peu de bestiaux, et vivent du produit de leur pche, des petites rcoltesde grains qu'ils font chaque anne , et des dattes de leurs palmiers ; mais ils neconsomment que la plus petite partie de ce fruit, et envoient le surplus dans lariche valle de l'Egypte. C'est-l tout leur commerce, tout ce qui leur donne lemoyen d'avoir quelques vtemens et de renouveler les instrument ncessaires laculture.

    Plus on rflchit sur la pauvret de ce pays,plus on examine la nudit des

    rochers, le peu de culture qui les entoure et la petite population de cette contre,qui a toujours t ce qu'elle est aujourd'hui , et plus on doit s'tonner de trouverdans l'le de Philse des constructions qui attestent tant de puissance dans le peuplequi les a leves, et supposent l'emploi de tant de bras. Cette petite le seralong-temps remarquable sur la terre ; long-temps elle excitera une juste curiosit l'gard du peuple gyptien, qui est venu placer des temples aussi grands au-del descataractes, au milieu des rochers, et qui, dans une contre presque dserte, aconstruit des difices aussi beaux , aussi riches et d'une aussi parfaite excutionque s'il les et levs au milieu de sa capitale.

    Mais l'on n'auroit pris de ces tonnantes constructions qu'une ide bien impar-faite, si l'on s'en tenoit l'aperu qui rsulte d'un premier coup-d'il. C'est en les

    considrant dans leurs dtails , en faisant de frquens rapprochemens et des com-

    paraisons multiplies,que l'on peut obtenir quelques rgles gnrales sur l'ordon-

    nance des difices, et que l'on peut rencontrer quelques-unes des ides du peuplequi les a construits. C'est sur-tout dans les sculptures qu'il est possible d'tudier

    sa religion, et de saisir quelques traits de ses usages et de ses murs. Il faut doncactuellement examiner, observer avec dtail dans chaque temple, dans chaque

    difice, cette architecture, ces bas-reliefs et tous ces ouvrages que nous n'avons fait

    qu'apercevoir.

    Cet examen va faire le sujet des paragraphes suivans.

  • de l'le de philse. chap. i. er 15

    S. III.

    De l'Ile , et de sa position au milieu du fleuve (1).

    Avant d'arriver la dernire cataracte, et d'entrer en Egypte, le Nil, durantplus 'd'une lieue de son cours, est divis par un grand nombre de rochers quiforment une suite d'les de diverses grandeurs. L'une d'elles, appele Ge^iret el-

    Begeh, a plus d'une demi-lieue de large, et partage le fleuve en deux bras prin-

    cipaux, l'un l'est, et l'autre l'ouest. Dans cet endroit, le Nil a presque un.demi-

    myriamtre (2) de largeur entre ses deux rives les plus distantes. Le bras oriental

    ,

    qui a environ deux cent cinquante mtres (3) de largeur, et qui coule d'abord dusud au nord , se dtourne subitement pour aller rejoindre l'autre bras l'ouest :c'est dans ce coude du fleuve , au milieu d'un bassin de forme arrondie

    ,que se

    trouve situe l'le de Philse.

    Cette le a trois cent quatre-vingt-quatre mtres (4) de longueur, cent trente-

    cinq (5) dans sa plus grande largeur, et neuf cents (6) de circonfrence. Ces dimen-

    sions varient un peu, suivant que les eaux du Nil sont leves ou abaisses : maisl'tendue comprise entre les murs de quai, et qui n'est jamais inonde, n'est pasfort diffrente de celle que nous venons de donner; elle a trois cent soixante

    mtres de longueur et cent trente de largeur; en sorte qu'il ne faudroit gure plus

    d'un demi-quart d'heure pour en faire le tour. Sa forme est assez rgulire, et sa

    plus grande dimension est du sud au nord.La longitude de l'le de Philse est de 30 34' r

  • %6 DESCRIPTIONdes anciens. Le grand nombre de noms et d'inscriptions mis, en diverses langues,sur les difices de l'le, prouve assez qu'elle toit un lieu remarquable, o tousles voyageurs s'efforoient de pntrer, et de laisser des marques crites de leurvoyage. Or nul autre point plus important que l'le de Philse n'est indiqu parles auteurs, au-dessus de la cataracte.

    Au reste , le nom de Phil est tout--fait ignor dans le pays ; cette le y estappele Ge^iret el-Birb [l'Ile du Temple]. Cette mme le a t aussi dsigne auvoyageur Norden sous le nom de Ge/ret el-Heif.

    Avant d'entrer dans de plus grands dtails sur l'le de Philse, et pour donneraine ide complte de sa position , il convient de faire la description des rivesdu fleuve, telles qu'on les voit de l'le mme.

    Si l'on regarde le nord , la vue ne peut se porter au loin,parce que le Nil

    forme un coude l'ouest, et que les rochers de la rive gauche se projettentsur ceux de la rive droite. Au contraire, si l'on regarde vers le midi, le lit duNil tant assez direct , on aperoit jusqu' plus d'une demi-lieue le cours de cefleuve descendant de la Nubie, et serpentant au pied de rochers levs de soixante

    quatre-vingts mtres, qui le bordent immdiatement ; ce qui forme une grandeet imposante perspective.

    La rive orientale du fleuve , celle sur laquelle on arrive en venant de Syne

    ,

    offre , comme nous l'avons dit , une petite plaine sablonneuse entre les rochers.

    Le terrain que les eaux dcouvrent chaque anne, est cultiv; l'on y voit en outred'autres plantes , comme du sn , des mimosa ou acacias , des sensitives , -quicroissent librement et prsentent dans toutes les saisons une verdure d'autant

    plus remarquable que tout le site environnant en est absolument dnu. Cette

    petite plaine est termine au couchant par une masse considrable de rochers,

    au devant de laquelle s'lve celui dont nous avons dj parl, et qui prsentela forme d'un sige.

    Sur une hauteur qui se trouve parmi ces rochers de granit, on a trouv des

    restes de momies ; n'en ayant t instruits que le soir , lorsque nous tions djken marche pour retourner Syne , nous ne pmes faire aucune recherche ausujet de ces dbris. Nous pensmes que ce sol avoit t visit par quelques-uns

    des Franais qui nous avoient prcds. Il seroit intressant de savoir si ces

    momies sont renfermes dans des excavations naturelles, ou dans des grottestailles par la main des hommes ; mais cela est peu probable , cause de lanature du rocher. Nous croyons plutt qu'elles sont seulement ensevelies dans

    le sable (i).

    En suivant le coude du Nil et allant vers le midi , on remarque dans la petite

    plaine et prs des bords du fleuve, d'abord un hameau Nubien habit, entour

    de palmiers et de quelques mimosa; puis des restes de murailles construites en

    (i) J'ai rapport des toiles qui ont servi de langes remarquable, c'est l'extrme grossiret du tissu, coin-

    ces momies; elles ne sont pas imprgnes de bitume, pare la finesse des toiles que l'on trouve dans les

    mais de natroun , suivant la prparation qu'on sait avoir catacombes de Thbes. E, J,

    t en usage dans la classe du peuple : ce qui st plus

    chaux,

  • de l'le de fhilje. chp. i. er 17chaux, qui sont les vestiges des tombeaux de quelques Musulmans rvrs;

    ensuite deux petits hameaux abandonns , et des plantations de mimosa; aprs

    quoi les rochers se rapprochent du fleuve et terminent la plaine. Mais, si l'on

    continue de suivre de l'il cette mme rive orientale, on aperoit, un quartde lieue au-dessus de Philse, un village qui parot plus considrable que les pr-

    cdens, et qui se fait sur-tout remarquer par un minaret assez lev, enduit de

    pltre, et dont la blancheur parot trs-clatante au milieu des rochers de granit.

    Si de mme on parcourt de l'il la rive occidentale , en allant du nord aumidi, on remarque un petit espace entre les rochers, cultiv et plant d'arbres.

    C'est l que se trouvent quelques ruines Egyptiennes ; aprs quoi l'on ne voit plus

    que des rochers , aussi loin que la vue peut s'tendre. A mi-cte , au milieu de cesrochers , on aperoit une petite maison qui ressemble un ermitage , et doit

    avoir t la demeure de quelque anachorte. Il nous est difficile de comprendre

    aujourd'hui comment des hommes ns dans de plus doux climats, au milieu depays abondans

    ,

    pouvoient s'en exiler par leur propre volont, et, quittant pour

    toujours leurs parens, leurs amis et tout ce qui attache la vie, venoient habiterde pareilles solitudes, pour y essuyer les plus dures privations.

    A l'poque des hautes eaux,

    l'le de Philse est peu leve au-dessus de leur

    surface : mais, lorsqu'elles sont abaisses, elle les surpasse de huit mtres (1); et

    le rocher de granit qui s'avance dans le fleuve , la pointe du sud, s'lve encore

    de quatre cinq mtres (2) au-dessus du sol. L'le est forme , dans sa partiemridionale, de rochers de granit qui sont opposs au cours du fleuve, et, de

    l'autre ct, des dpts que le Nil a laisss derrire ces rochers. Les travaux des

    hommes ont ensuite contribu lui donner la forme que l'on voit aujourd'hui.L'le a t entoure d'un mur de quai dont on retrouve par-tout des vestiges

    ,

    et dont plusieurs parties sont mme encore bien conserves. Ce mur est en talus,bti en grs; les pierres en sont tailles avec soin, et, en gnral, il est d'une belle

    construction. Quant la multitude de parties saillantes et rentrantes que l'on yremarque, elle peut avoir eu deux motifs: le premier, de profiter de toutes les

    sommits de rochers que l'on pouvoit rencontrer , afin d'y asseoir la fondation ;l'autre , de mnager des esplanades d'une suffisante tendue au-devant de quelquesdifices antrieurement construits. D'ailleurs , il est probable que toutes les par-

    ties de ce mur n'ont pas t bties dans le mme temps , et qu'elles ont d, diff-rentes poques, exiger des rparations : c'en est assez pour expliquer leurs contours

    irrguliers. Mais une chose est digne de remarque dans la construction des parties

    de murailles qui s'avancent dans le fleuve; c'est que ces murs, au lieu d'offrir des

    surfaces planes, ont une courbure horizontale, dont la concavit est tourne duct de l'eau. Cette concavit est, la vrit, peu considrable ; nanmoins on nesauroit douter qu'elle n'ait eu un motif de solidit

    ,puisque les murs ainsi cons-

    truits opposent la rsistance d'une vote la pousse horizontale des terres : mais

    cela suppose que les extrmits de l'arc toient des points d'appui qui pouvoient

    (1) Vingt-cinq pieds. (2) Douze quinze pieds.

    A. D. C

  • I O DESCRIPTION

    eux-mmes rsister la pousse de la vote ; et probablement ces extrmitstoient fondes sur le roc, et construites avec un soin particulier. Il eut t curieux,sans doute, d'acqurir des notions certaines sur ces constructions hydrauliquesdes anciens Egyptiens , espces de constructions qui offrent encore en Europe degrandes difficults, malgr l'avancement de nos connoissances: mais il auroit fallupouvoir faire des fouilles profondes et d'autres travaux que les circonstances nepermettoient pas d'entreprendre. Quoi qu'il en soit , les murs courbes dont ilest ici question, ne se trouvent qu'Philae et lphantine; et je ne sache pas qu'onen ait vu de semblables, soit chez les Grecs, soit chez les Romains.

    Tout le nord de l'le a t autrefois occup par des constructions dont il n'estrest que des pierres et des dcombres. Cependant, comme il est form de terred'alluvion , on y voit quelque vgtation : autour de deux ou trois cabanes sontdes dattiers ; et sur le bord du fleuve , des espces de jardins entours de quelquespierres amonceles qui en forment l'enceinte. Mais la seule partie qui soit enti-rement consacre la culture, c'est le terrain qui s'est form au pied du quai, etqui , chaque anne , est couvert par l'inondation : ce petit coin de terre est soigneu-sement ensemenc de dora , de haricots; c'est-l le jardin de l'le.

    Le sud- ouest de Philse est occup par les temples; le sud-est, par un grandnombre de maisons de Barbras et par beaucoup de dcombres. S'il toit permisde croire, d'aprs les expressions de Strabon, qu'il y a eu une ville de Philse , ce

    seroit dans cet endroit qu'il faudroit en chercher la position. Mais, selon Diodore,les prtres seuls pouvoient pntrer dans l'le ; ce qui ne permet gure de croirequ'une ville y ft place.

    Il n'y a aujourd'hui dans l'le de Philse qu'un trs-petit nombre d'habitans, quiconsiste en huit dix familles. Ils font leur demeure dans quelques cabanesplaces entre l'difice de l'est et la galerie qui conduit du premier au secondpylne, et aussi dans quelques-unes des chambres de cette galerie.

    Lorsque les Franais se prsentrent la premire fois pour entrer dans l'le,

    les habitans firent rsistance; un grand nombre de Barbras de l'le Begeh et detous les environs s'toient runis eux ; et pendant quatre jours qui furent nces-saires pour prparer un radeau , ils se crurent vainqueurs : mais peine virent-ils

    les Franais en mouvement sur le fleuve,

    qu'ils prirent tous la fuite et regagnrent

    la grande le- Depuis, ceux de Philse revinrent dans leurs habitations, et conti-

    nurent d'y rester, malgr les frquentes visites des Franais : cependant ils ne

    voyoient pas sans inquitude la curiosit avec laquelle on parcouroit les difices de

    l'le. Quelques-uns de nous y tant retourns trois fois de suite, les habitans leurdirent que du temps des Mamlouks on les laissoit plus tranquilles, et que puisquec'toit cause des temples qu'on venoit ainsi les troubler, ils se mettroient

    les dtruire ; mais ils aroient t bien embarrasss d'effectuer une pareille

    menace.

    Les Barbras sont rputs, dans toute l'Egypte, des serviteurs fidles; on leur

    confie la garde des magasins, et on les emploie comme portiers : le propre de leur

    caractre est la bont ; leurs murs sont trs - simples. Ils sont fort basans , sans

  • de l'le de phil^. chap. i. er 19tre cependant noirs , et les traits de leur figure ne sont pas non plus ceux des

    ngres. Mais ce n'est pas ici le lieu de setendre davantage au sujet de cette

    nation (i). Je n'ajouterai plus, sur la position de Philae, qu'une circonstance digne

    de remarque : entoure, comme on l'a vu, par des chanes de montagnes leves et

    des rocs dpouills, l'le se trouve place tellement au milieu d'eux, que l'cho s'y

    rpte un grand nombre de fois; pendant la nuit, un seul cri en produit jusqu'cinq, qui se font entendre distinctement des intervalles de temps trs-sensibles.

    S. IV.

    Des Edifices qui servent d'avenue au grand Temple.

    Pour mettre dans la description particulire des monumens de Philae le mmeordre que dans leur aperu gnral, nous commencerons par les difices les plus

    mridionaux, en nous rapprochant successivement des temples (2).L'difice du midi toit compos de quatorze ou peut-tre de seize colonnes

    formant une enceinte sans plafond. Il ne reste maintenant que peu de colonnes

    debout du ct de l'ouest : elles supportent une architrave fort dlabre ; la cornichen'existe plus. Les autres colonnes sont presque totalement dtruites , et l'on nretrouve mme aucune trace des deux colonnes qui doivent avoir form le ctdu midi. Cette enceinte est un des plus petits monumens de l'Egypte ; les co-lonnes n'ont que sept dcimtres (3) de diamtre, et 4

    m-7 (4) de hauteur, tout

    compris (5).Nous ne nous arrterons point ici sur sa disposition, qui parot avoir t fort

    semblable celle de l'difice de l'est, dont nous parlerons avec dveloppement.Nous n'insisterons pas non plus sur les dtails de ses parties

    ,

    parce que nous en.

    trouverons de pareils dans de plus grands difices mieux conservs. On ne remarquede particulier dans celui-ci, qu'un chapiteau dont les feuilles lisses ne se voientpoint ailleurs: ces feuilles sont peut-tre l'imitation de celles du bananier ou dequelque roseau; peut-tre aussi ne sont-elles point acheves, et dvoient -ellestre dcoupes. Dans ce cas , ce chapiteau ne seroit pas sans analogue.

    Au-devant de l'enceinte du midi toient deux petits oblisques poss sur le murmme du quai, qui leur formoit un socle trs-lev : l'un d'eux a t renvers dansle fleuve, et l'on ne voit plus que l'entaille dans laquelle sa base toit encastre;

    (1) Voye? le Mmoire de M. Costaz sur les Barbras. raisonnables propres fixer les ides et satisfaire I'es-(2) Quoique nous employions ici le mot description, prit, tous ces objets sont du domaine de la parole ; et

    notre intention n'est pas de parler des monumens suivant c'est d'eux que se composent les paragraphes suivans. En.l'acception que l'on donne ordinairement ce mot. La les joignant aux gravures de l'atlas , on aura une cnnois-vritable description des monumens est dans les gravures sance complte des monumens de l'le de Philae.de l'atlas : la distribution d'un temple ne saurait tre Les planches cites dans ce chapitre et les suivans appar-mieux dcrite que par un plan , et ses dcorations, que par tiennent au prunier volume de l'atlas des Antiquits.des lvations, des vues et des perspectives : mais les faits (3) Deux pieds trois pouces.que les dessins ne renferment point et ne peuvent pas (4) Quatorze pieds six pouces.mme exprimer, ceux sur lesquels il est ncessaire d'ar- (5) Les mesures rapportes dans e cours de ce M~rter l'attention

    ,les remarques, les rapprochemens que moire ne sont qu'approximatives; pour plus d'exactitude,

    les voyageurs seuls pouvoient faire, enfin les conjectures il faut consulter les planches.

    A. D. C *

  • 20 DESCRIPTIONl'autre est encore debout, mais il est cass par le haut. Cependant , en lui suppo-sant la proportion commune aux autres oblisques, il devoit avoir environ septmtres (i) de hauteur. C'est le plus petit de tous les oblisques que nous ayonsvus dans la haute Egypte. Il est de grs (2) , et c'est le seul qui soit de cettematire. Il est sans hiroglyphes

    , et c'est encore le seul que nous ayons vu ainsi;

    quoi l'on peut ajouter qu'il est lev sur une trs-haute base, tandis que les

    autres sont poss presque au nweau du sol qui les environne. Toutes ces diff-rences doivent faire supposer que l'objet des deux oblisques situs l'extrmitde l'le n'toit pas le mme que celui des autres monumens semblables ; et si l'onremarque encore qu'on les a mis des distances fort ingales de l'difice du midi,afin qu'ils fussent tous les deux au-dessus du mur de quai, l'on se convaincra qu'ilsont t principalement levs pour la dcoration extrieure , laquelle il est mani-feste que la rgularit intrieure a t sacrifie. On conoit , en effet

    ,que l'le de

    Phil tant, en quelque sorte, l'entre de l'Egypte du ct de la Nubie, on apu vouloir en embellir l'aspect aux yeux de ceux qui arrivoient des parties sup-rieures du Nil. L'enceinte du midi elle-mme parot avoir t dispose dans lemme dessein ; car il est remarquer qu'elle n'a aucune liaison que l'on puisseretrouver aujourd'hui avec les difices qui l'environnent: seulement son axe prin-cipal rpond au milieu du grand pylne ; et tandis que tous les autres dificesse prsentent obliquement

    , elle seule offre ceux qui descendent le fleuve , unaspect rgulier, que les deux oblisques rendoient encore plus remarquable.

    Tout auprs de cette enceinte est l'origine d'une longue colonnade formantgalerie

    ,et qui borde la rive occidentale du fleuve ; les deux extrmits en sont

    abattues, et il est impossible de dire o devoit tre celle du nord. Quant celledu midi , il parot qu'elle arrivoit jusqu'au mur qui termine le ; mur qui estencore debout

    ,et dans lequel est une ouverture qui permettoit aux personnes

    places sous la colonnade d'apercevoir au loin les barques naviguant sur le fleuve.Trente-une colonnes de la galerie sont encore debout , et l'on en trouve une

    trente-deuxime qui n'est dtruite qu' moiti , en sorte que cette galerie prsenteencore une longueur de 93

    m.3 (3). Plusieurs de ces colonnes sont prs de s'crou-

    ler; les pierres qui les composent, sont toutes disjointes et dplaces. Ces dgra-dations doivent tre attribues la chute des pierres, toujours trs-volumineuses,qui forment les architraves et les plafonds ; lorsqu'elles viennent tre rompues parquelque cause que ce soit, elles tombent, et frappant obliquement les colonnes,en drangent les pierres, ou les renversent quelquefois.

    Vers le milieu de la longueur de la galerie , deux des colonnes sont plus espa-ces que les autres : des pieds-droits selevoient contre ces colonnes, et formoient .entre elles une porte ; ce qui fait naturellement supposer que l'on ne passoit pas

    entre toutes les autres colonnes , et qu'il y avoit cette galerie des murs d'entre-

    colonnement , comme on en voit tous les portiques , toutes les colonnadesextrieures.

    (1) Vingt-deux pieds. voyageurs que cet oblisque toit de marbre blanc.

    (2) La couleur de ce grs a fait croire quelques (3) Environ quarante-huit toises.

  • DE L ILE DE PHIL^E. CHAP. I. c>' 2 I

    Les colonnes , ainsi que le mur du fond de la galerie , sont entirement cou-vertes de sculptures, dont quelques-unes portent encore des couleurs. Ce mur, quiforme le fond de la galerie, est le mur mme du quai : sa fondation, ayant t ta-blie sur les rocher, n'a pu tre faite en ligne droite , et l'on ne s'est pas mis en

    peine de dissimuler ce dfaut d'alignement dans la partie suprieure du mur; ce quicependant et t, ce qu'il semble, assez facile. Il en rsulte que le mur de la

    galerie est sinueux, et que la galerie elle-mme n'a point, dans toute sa longueur,une largeur uniforme. Cette ngligence a quelque chose de choquant pour un

    Europen; mais cet exemple, et quelques autres de mme espce, ne sont passuffisans pour conclure que les ides de symtrie et de rgularit n'toient pas

    ,

    chez les Egyptiens, ce qu'elles sont parmi nous. Lorsque la plupart de nos grandsdifices renferment des irrgularits, devons -nous hsiter croire que celles queprsentent quelques monumens Egyptiens, aient t causes par des circonstances

    particulires qu'il a t impossible de vaincre

    Le mur est perc de plusieurs fentres, qui ne pouvoient avoir d'autre objet quede laisser apercevoir le fleuve et la rive oppose celle de l'le. Ces fentres sontpetites , disposes irrgulirement, et n'entrent pour rien dans la dcoration : cepen-dant, leur paisseur tant sculpte comme le reste de la galerie (), il faut admettrequ'elles ont t faites en mme temps que l'difice, et non pas perces aprs coup.

    La colonnade qui fait face celle dont nous venons de parler, est -peu-prsdans le mme tat : il ne reste plus que l'architrave ; la corniche manque enti-rement , et peut-tre mme n'a-t-elle jamais t pose. Dans le mur du fond sonttrois portes qui doivent avoir conduit dans quelques chambres; mais il n'en reste

    plus aucun vestige. Cette galerie se prolongeoit sans doute vers le nord ; et ilparot qu'une petite salle carre qui subsiste encore dans cette direction, y avoit

    son entre. Quant l'extrmit sud de la colonnade , elle ne s'est jamais tendueau-del du point o on la voit aujourd'hui; car elle est encore termine par unmur lev qui reoit la dernire architrave. La colonne place dans le prolonge-

    ment du mur qui forme le fond de la galerie,et quelques autres constructions qui

    l'environnent , sont insuffisantes pour donner des indices sur l'usage ou mme seu-lement sur la forme des difices auxquels elles ont appartenu.

    Il me parot galement impossible de trouver les motifs qui ont pu dterminer laposition irrgulire de cette seconde colonnade. Il se peut qu' l'poque o elle futconstruite, des btimens qui maintenant n'existent plus, mais qui alors toient de-

    bout, et peut-tre trop respects pour qu'on ost les dtruire, aient empch de luidonner une autre direction; et quoique ce manque de symtrie dans la position desdeux colonnades semble indiquer qu'elles n'ont pas t construites -la-fois, cepen-

    .

    dant toutes les autres inductions portent croire le contraire. Les deux colonnades

    sont leves sur les mmes proportions, dtruites -peu-prs au mme degr,et ont t laisses par leurs constructeurs dans le mme tat d'inachvement.

    La hauteur des colonnes est de $m-i , leur diamtre est de om.8 environ. Les

    chapiteaux ont tous la mme hauteur et -peu-prs la mme forme; mais les() Extrait du Journal de voyage de M. Villoteau.

  • 2 2 DESCRIPTIONsculptures en sont trs

    -varies. Un des plus simples et des plus agrables , estcelui qui est form de feuilles de palmier : il est impossible de concevoir riende plus lgant. Aux feuilles de palmier le sculpteur a joint les rgimes de dattes,et le haut de h colonne reprsente en mme temps l'corce du palmier : l'imagede cet arbre est donc complte dans cette colonne, et jamais imitation ne futmoins dguise et plus heureuse. D'autres chapiteaux sont orns des feuilles dulotus dans l'tat o elles sont avant d'tre entirement ouvertes ; on y voit aussila fleur de cette plante sacre.

    L'architecture gyptienne offre ce caractre qui lui est tout--fait particulier,que sa dcoration n'avoit jamais rien de capricieux, et qu'elle toit toute com-pose de symboles auxquels il y avoit un sens attach.

    Mais ce que les chapiteaux de ces colonnes offrent encore de remarquable,c'est que, n'tant pas tous termins, ils nous apprennent comment les gyptiensbauchoient leurs sculptures. Ces bauches sont polies comme si elles eussent drester sous la forme qu'elles ont , et servir elles-mmes de chapiteaux : il y aen effet de ces bauches qui pourroient former des chapiteaux d'un got originalet d'un style assez pur (i).

    Au-dessus des chapiteaux sont des ds carrs, sur lesquels porte l'architrave.C'est une chose pleine de raison d'avoir fait en sorte que des architraves, quioffrent toujours une apparence de pesanteur, ne portent pas immdiatement surdes chapiteaux composs de feuilles, de fleurs et d'ornemens dlicats. Les gyp-tiens n'ont jamais manqu cette convenance, et il est tonnant que les Grecsne les aient point imits ; car' il n'en rsulte aucun effet dsagrable : au contrairemme, les chapiteaux se trouvant par-l un peu loigns de l'architrave, lesgrandes lignes n'prouvent aucune interruption; ce qui est toujours une sourcede beauts dans l'architecture.

    Les colonnes de ces galeries , comme toutes celles d'Egypte , diminuent de labase au chapiteau d'une manire uniforme ; c'est cette sorte de diminution qu'onremarque aux colonnes Doriques leves en Grce dans le plus beau sicle del'architecture. La diminution des colonnes suivant une ligne courbe

    , et leur

    renflement au tiers de leur hauteur, sont d'une poque o le got des chosessimples commenoit se perdre.

    Au-del des deux colonnades est le grand pylne, l'un des difices les plusimportans de l'le ; nous en parlerons avec dtail. Disons d'abord quelque chosedes deux oblisques ainsi que des deux lions qui toient placs au-devant de cettepremire entre des temples , et qui sont actuellement renverss.

    Les oblisques sont d'un seul morceau de granit rouge, et portent sur chacuned leurs faces une colonne d'hiroglyphes, comme on le voit celui d'Heliopolis.Ces oblisques, plus grands de moiti que ceux de l'extrmit de l'le, sont cepen-dant encore fort petits, compars ceux de Thbes, d'Heliopolis et d'Alexandrie.

    (i) Plusieurs voyageurs s'y sont mpris. qu'employoient les artistes pour l'excution des diversVoyez pi. 8 ,fig. i et 10 > z et n , j et 8 , &c. o il est genres de chapiteaux,

    facile de reconnotre les diffrentes manires d'baucher

  • DE L'LE DE PHIL^E. CHAP. I. cr 2 2

    Les deux lions, galement en granit, paroissent avoir t placs au-devant desoblisques; ils sont assis sur leur croupe, les deux pattes de devant tant droites.

    Cette attitude, qui n'est reproduite dans aucun autre lion ou sphinx de rondebosse , se retrouve assez frquemment dans ceux qui sont en bas-relief. On enverra un exemple Philse mme.

    Le pylne a environ quarante mtres de largeur et dix-huit mtres de hauteur;

    son paisseur est d'environ six mtres : mais elle ne forme point une seule masse depierre; dans l'intrieur sont pratiqus plusieurs chambres et des escaliers. Onpntre dans le massif droit par une petite porte situe l'extrmit de la galerie

    qui conduit du premier au second pylne. L'escalier de ce massif s'lve, par unepente trs-douce, jusqu'au sommet de l'difice, en tournant autour d'un noyaucarr. Il n'y a point de marches dans les angles, qui sont tous occups par despaliers. C'est ainsi que l'on voit encore quelques escaliers dans les tours carres

    de nos anciens chteaux. On est entr dans deux chambres au bas de l'escalier,et dans trois autres vers le milieu de la hauteur de l'difice : quelques-unes de

    ces chambres sont, ainsi que l'escalier, claires par des ouvertures petites audehors, qui s'largissent dans l'intrieur, mais qui donnent nanmoins peu delumire, cause de la grande paisseur des murs.

    La distribution du massif gauche est diffrente : pour parvenir son sommet,il faut d'abord monter l'escalier du massif droit, et, traversant toutes les chambressuprieures

    ,passer sur la porte d'entre entre les deux corniches

    ,qui forment de

    ce dessus de porte un couloir dcouvert et une communication entre les deuxparties du pylne. A l'extrmit de ce couloir, on trouve, dans le massif gauche,un escalier qui monte au sommet par une seule rampe.La porte latrale pratique dans ce massif, vis--vis du temple de l'ouest, donne

    entre deux chambres obscures et encombres,qui peut-tre avoient quelque

    communication avec deux autres chambres suprieures dans lesquelles on n'estentr que par une ouverture force. Trois de nos collgues ont trouv une grandequantit de langes et d'enveloppes de momies dans ces deux chambres suprieures,que nul autre qu'eux n'a visites. Ce fait, sur lequel il a t impossible de recueillirplus d'claircissemens , mritera de fixer l'attention des voyageurs qui se rendront

    lin jour dans l'le de Philse ; nanmoins nous ne croyons pas que ces construc-tions aient d , en gnral , servir de tombeaux.Ce qui nous parot le plus raisonnable dire sur l'usage des pylnes, dont la

    hauteur domine de beaucoup les temples et les palais au-devant desquels ils sontconstruits, c'est qu'ils servoient d'observatoires. Les diverses chambres intrieurespeuvent avoir servi mettre les instrumens , et peut-tre aussi loger les gardiens

    qui le dpt en toit confi. A cette supposition, que justifie l'tude particulireque les gyptiens faisoient de l'astronomie, nous ajouterons celle-ci, qui sert expliquer la forme et la situation de ces observatoires, toujours diviss en deuxparties, au milieu desquelles se trouve une porte d'entre : c'est que long-temps

    avant qu'il y eut en Egypte une astronomie et des observatoires, on avoit certai-nement fait la guerre et construit des forteresses. Nous croyons voir dans les deux

  • 24 DESCRIPTIONparties d'un pylie deux tours carres, destines originairement flanquer lesportes d'entre ; et nous pensons que , ces difices s'tant offerts comme d'eux-mmes aux premiers astronomes

    , on continua dans la suite,soit pour des raisons

    particulires, soit seulement par respect pour l'usage tabli, d'lever des observa-toires sur un modle fort semblable celui des anciennes tours.

    Les portes des pylnes sont d'une proportion trs - lgante : leur hauteur esttoujours plus que double de leur largeur. On s'est assur par plusieurs observa-tions, qu'elles toient fermes par des portes battantes. Ces battans n'toient pointappliqus sur l'une des faces du mur : mais, comme nos portes de ville, ou toutescelles qui traversent des murs fort pais , ils s'ouvroient dans l'paisseur mme dela construction ; et des renfoncemens toient pratiqus pour les recevoir.

    Il ne nous reste plus qu'une dernire remarque faire sur la forme et la cons-truction des pylnes, et il faut, pour la saisir, prter un peu d'attention. Si l'onimagine que les deux petites faces qui sont tournes l'une vers l'autre

    , et entre

    lesquelles la porte est comprise , soient prolonges jusqu'au sol du monument

    ,

    ces faces n'arriveront pas jusqu'au dedans de la porte, et l'on a mme observque presque toujours elles viendroient prcisment aboutir aux renfoncemensqui sont sous cette porte. S'il en toit autrement, c'est--dire, si l'il, en prolon-

    geant ces deux faces , les voyoit pntrer dans l'intrieur de la porte , il seroitextrmement choqu

    ,et croirok apercevoir un porte--faux

    ,

    qui pourtant ne

    seroit pas rel. Cette recherche, ce soin, qui ne peut tre que le rsultat de l'ex-

    prience,et que l'on aperoit jusque dans les difices les plus ruins , les plus

    videmment antiques, prouve suffisamment que ces difices eux-mmes ne sontpas les premiers que les gyptiens aient construits.

    Passons maintenant l'examen des sculptures qui dcorent les faces extrieuresde ce pylne. Nous ferons d'abord remarquer que ces sculptures ne formentaucune saillie sur la face du mur. Le sculpteur , aprs avoir trac le contourd'une figure , n'a pas donn un seul coup de ciseau hors de cette limite : il y aexcut son bas-relief sans abattre la pierre qui l'environne, en sorte que ce bas-relief se trouve plac dans une espce de creux, et que ses parties les plus saillantesne sortent pas de la face du mur (i). Cette sorte de sculpture en reliefdans le creuxest tout--fait particulire aux monumens des anciens Egyptiens : elle est toujoursemploye au-dehors des difices, parce que sa nature mme la met l'abri deschocs, et de la plupart des autres accidens auxquels les bas-reliefs ordinaires sont

    exposs. Aussi ces derniers ne se voient- ils que dans les intrieurs; et quoiqu'il

    y ait quelques exceptions cette rgle sur l'emploi des deux espces de sculpture

    ,

    elle n'en doit pas moins tre regarde comme -peu-prs gnrale.

    Les sculptures de la face antrieure du pylne reprsentent , sur chaque massif,trois scnes bien distinctes; deux dans le haut, et une seule dans la partie inf-

    rieure. Les divinits y sont distingues par le bton augurai et la croix ansequ'elles tiennent dans leurs mains. On y voit Osiris, soit avec une tte d'homme,

    (i) On peut jeter les yeux sur les gravures, et principalement sur la planche jjj fgure i , pour avoir une idede l'effet de cette espce de sculpture.

    soit

  • de l'le de phil^:. CHAP. I.er 2 c

    soit avec une tte d'pervier. Isis est coiffe de la peau d'un vautour; et son btonaugurai , au lieu detre termin par une tte de lvrier

    , l'est par une rieur delotus (i).

    Dans la partie suprieure, les prtres prsentent aux dieux des vases renfer-mant sans doute quelques liqueurs prcieuses. Dans les scnes de la partie inf-rieure, un prtre, ou un sacrificateur, plac devant des divinits, tient runiespar leurs cheveux

    ,ou peut-tre par des cordes, trente victimes (2) trois fois moins

    grandes que lui ; il a le bras lev pour les frapper. Il est manifeste , soit par lenombre des victimes, soit par la manire dont elles sont tenues

    ,soit par leur

    proportion, que cette scne n'est point la reprsentation d'un vritable sacrifice,et qu'elle ne doit tre regarde que comme un symbole.

    Toutes les figures qui composent ces divers tableaux, ont, comme on peut levoir, la tte de profil , les paules en face, et le reste du corps de profil. Un grandnombre d'hiroglyphes sont rangs , dans des bandes verticales , autour de cestableaux : mais ceux que renferme le dessin n'ont pas t copis; outre qu'ils sonttrs-ievs, et qu'ils ne se distinguent pas facilement, leur multitude seule toitun motif suffisant pour qu'on n'ost pas entreprendre de les dessiner.La corniche du pylne est divise par compartimens gaux , dans chacun desquels

    sont sculptes les mmes figures, distribues de manire former un ornementtrs-riche et trs-agrable pour l'il, en mme temps qu'il toit significatif pourl'esprit. Sur la moulure infrieure de la corniche qui descend en forme de rouleaule long des angles de l'difice, le sculpteur a reprsent un ruban qui l'entoure,et qui est roul alternativement en cercle et en vis.

    Les corniches des deux portes qui traversent le pylne, et dont la dcorationest semblable celle des corniches de presque toutes les grandes portes gyp-tiennes

    ,mritent par cela mme d'tre remarques. Sur un fond cannel est un

    disque accompagn de deux serpens et de deux grandes ailes. Ces serpens, appelsUbus

    ,sont de l'espce de ceux qui, quand on les irrite, se dressent sur leur

    poitrine en largissant leur cou, qui devient en mme temps trs mince quand onle regarde de profil. Les Egyptiens, ne faisant entrer dans leur sculpture aucuneperspective , et voulant cependant reprsenter le serpent sacr dans la circonstancedont nous venons de parler, ont laiss la tte de profil et mis le cou en face , desorte qu'il parot tre plutt gonfl qu'largi.

    Quant aux deux rainures verticales qui sont de chaque ct de la porte prin-cipale

    ,elles toient destines recevoir des mts que l'on dressoit contre les

    pylnes, et que l'on ornoit de pavillons (3).La face du pylne oppose celle que nous venons de dcrire

    , et tournevers le temple, est galement dcore de sculptures : on n'a recueilli que cellesqui accompagnent , de chaque ct , la porte perce dans le pylne , en face

    (1) Nous entrons dessein dans ces dtails bien con- mais ce nombre est celui qui a t remarqu dans toutesnus de tous les antiquaires

    ,mais dont la plupart des les scnes semblables.

    autres lecteurs pourront nous savoir gr. (3) Consultez la planche des bas-reliefs du vieux

    (2) V'oyez planche 6 , fig. y. Le dessin, qui en a t temple de Karnak.fait rapidement, ne reprsente point ici trente victimes;

    A.D. b

  • l6 DESCRIPTIONdu temple de l'ouest. Elles reprsentent une barque symbolique

    , orne de latte d'Isis

    ,et qui mrite de fixer l'attention. Cette barque est porte par

    quatre hommes vtus de longues robes ; on voit l'arrire une rame dirigepar un personnage tte d'pervier

    ,qui en meut l'extrmit au moyen de la

    queue d'un serpent dont il tient le corps dans sa main. Au milieu de la barqueest un coffre ayant la forme d'un petit temple ; deux figures y sont sculptes.Ce temple semble tre sous leur sauvegarde , et elles tendent leurs ailes sur luien signe de protection. En avant des prtres qui portent la barque, marche unjeune homme tenant une cassolette dans laquelle brlent des parfums : on voitla flamme sortir du vase qui est l'extrmit, et ce jeune homme y jette adroite-ment des grains d'encens. Cette barque symbolique est rpte un grand nombrede fois dans les sculptures gyptiennes, mais avec des attributs et des emblmesaccessoires trs- varis

    ,qui diffrent suivant les circonstances. Ce que l'on peut

    remarquer, c'est qu'elle n'est jamais porte que par des personnages vtus delongues robes.

    II seroit possible de trouver quelque analogie entre cette barque et l'arched'alliance des Isralites ; et cela n'a rien qui doive surprendre , si l'on admet quele lgislateur des Hbreux ait t lev au milieu des gyptiens, et que ses idesse soient formes sur celles qu'il avoit acquises dans ce pays. On ne doit pas s'at-tendre trouver dans les objets que nous comparons, une similitude complte;mais on remarquera entre eux cette sorte de ressemblance qui tient aux rminis-cences et une imitation en quelque sorte involontaire. En comparant doncl'arche d'alliance avec la barque sacre des gyptiens, on pourra trouver que lesprtres vtus de longues robes, qui portent celle-ci, sont les Lvites vtus derobes de lin qui portoient celle-l

    ;que le petit temple est l'arche propre-

    ment dite , et que les figures ailes qui sont tournes l'une vers l'autre, les ailes

    tendues sur le petit temple, sont les deux chrubins. De plus, le bateau gyp-tien est port sur des barres, comme l'arche l'toit sur des barres de bois de sam.Quant la partie cintre qui a la forme d'une barque, il n'en est point parl dansl'Exode ; et, en effet, une barque n'auroit eu aucun rapport avec la religion desIsralites, tandis qu'elle en avoit de trs-naturels avec celle des gyptiens, danslaquelle le plus grand nombre des symboles doit tre rapport au Nil et sesinondations.

    Aprs le premier pylne est la cour qui prcde le grand, temple , et qui peut entre regarde comme le pristyle. Elle est forme , gauche

    ,

    par le temple de

    l'ouest, et droite, par une galerie dont nous allons parler.Cette galerie est compose de dix colonnes, ayant -peu-prs les mmes pro-

    portions que celles des deux colonnades qui prcdent le premier pylne. Leurschapiteaux offrent aussi les mmes varits ; mais ils sont tous entirement sculp-ts

    ,cette galerie ayant t termine dans toutes ses parties. La corniche est sur-

    monte d'un couronnement qu'on pourroit appeler une seconde corniche, et dontla forme est trs-remarquable : il est compos d'une suite de ces serpens qui ontla facult d'largir leur cou en se redressant sur leur poitrine ; ils sont tous rangs,

  • de l'le de phil^e. chap. i. er 27dans cette attitude , les uns contre les autres , sculpts en ronde-bosse , et por-

    tant un disque sur leur tte. Cet ornement est en lui-mme d'une belle compo-sition; mais il donne ici une grande paisseur l'entablement que supportentles colonnes.

    Une porte est l'extrmit de la galerie et contigu au second pylne ; elleest maintenant obstrue , et son objet ne peut tre dtermin. C'est sur un jam-bage de cette porte qu'a t recueilli le bas-relief^/, ij

    , fig. i) qui reprsenteun lion dans une attitude toute semblable celle des deux lions de granit

    ; parmiles hiroglyphes qui sont au-devant de lui , on remarque le mme instrument qu'iltient entre ses pattes, et qui parot tre une sorte de couteau.

    Sous la galerie , cinq portes communiquent de petites chambres qui formentdes espces de cellules , dont il seroit bien curieux de pouvoir deviner l'usage.Si la langue hiroglyphique toit connue, on apprendrait bientt, sans doute,quel toit l'emploi de chaque partie de ces difices ; car il est trs-probable que lessculptures toient relatives aux lieux o elles toient places. Toutes les parties decette galerie, les colonnes et l'intrieur de ces cellules sont couverts de tableaux

    sculpts, dont deux seulement ont t recueillis. L'un est plac dans une deschambres, et reprsente un Cynocphale, emblme des Lettres (i), crivant sur unvolinnen avec un stylet; devant lui est une colonne d'hiroglyphes. L'autre, placsous la colonnade (pi. 13 , fig. 4) , reprsente Isis, et Osiris tte d'pervier.Devant eux est un prtre, et, sur un traneau, une barque symbolique tout--fitsemblable

    ,pour la forme , celle que nous avons examine prcdemment. On

    y retrouve le mme petit temple ; mais les autres attributs sont fort diffrens.Les six enseignes ou tendards placs derrire le prtre sont une coiffure que

    l'on voit sur la tte des dieux et des prtres, une enveloppe qui peut tre celle

    d'une momie d'oiseau, un pervier, un ibis et deux chacals; enfin on retrouveencore ici le porteur de cassolette occup y jeter des grains d'encens.

    Cette sculpture et la prcdente sont fort curieuses, et l'on doit regretter den'avoir pu en recueillir un plus grand nombre dans ces mmes cellules ou souscette galerie

    ;peut-tre nous en fera-t-on le reproche : mais que l'on se reprsente

    la situation d'un voyageur arrivant dans l'le de Philse et n'ayant que peu de jours y demeurer; il emploie la plus grande partie de ce temps satisfaire sa proprecuriosit, prendre connoissance, et

    ,pour ainsi dire

    ,possession, de tout ce qui

    l'environne. Entour de tant d'objets, tous galement nouveaux, ils lui paroissenttous d'un gal intrt : il ne peut cependant tout dcrire, tout dessiner; il faut

    enfin qu'il se dtermine, et c'est presque un devoir pour lui de s'attacher auxparties principales , aux choses grandes et bien conserves. Il se contente de pn-

    trer dans les difices accessoires , dans les rduits obscurs ou presque entirementdtruits ; il en assigne la place et les principales dimensions , les examine lahte, et ne les quitte qu' regret.

    (1) Suivant HorapoIIon.

    A, D. D *

  • 28 DESCRIPTION

    s. v.

    Du grand Temple.

    Un temple gyptien est, en gnral, compos de deux parties principales : letemple proprement dit, qui est plus long que large, et distribu intrieurementen plusieurs salles; le portique, plus lev, plus large que le temple, soutenupar des colonnes, et ferm latralement par des murs. Ces deux parties sont sidistinctes, que l'on pourrait abattre la seconde sans que la premire en fut en-dommage, celle-ci ayant sa faade complte, qui forme un avant -corps sur lemur mme du fond du portique.

    Mais , l'exception de cette ressemblance gnrale , tous les temples de l'Egyptediffrent les uns des autres , non-seulement par leur grandeur ,