La correction prismatique

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La correction prismatique Prism correction 4, rue des Tribunaux, 14500 Vire, France INTRODUCTION La décision de faire porter une correction pris- matique est conditionnée par l'anamnèse mais aussi une étude très précise de l'oculomotricité, et surtout des relations sensorielles primordia- les avant toute décision thérapeutique complé- tée par l'analyse fonctionnelle. La prismation est un outil très utilisé qui permet au patient de retrouver une situation visuelle plus fonctionnelle. Les indications sont multi- ples et peuvent aussi bien concerner : des diplopies post-paralysies transitoires ou persistantes ; des traitements, éventuellement pré-opéra- toires, de strabisme ayant des possibilités binoculaires ; des déséquilibres oculomoteurs anciens s'étant modiés ou récents avec des rela- tions sensorielles normales mais qui peu- vent avoir leur particularité ; des strabismes dont l'angle de déviation est variable, voire intermittent ou s'étant modié dans le temps sans que l'adaptation senso- rielle ne se fasse ; ou encore des attitudes de tête en rapport avec des perturbations du champ visuel, un nystagmus, des syndromes. . . une recherche de neutralisation. Muriel Amortila (Orthoptiste) Mots clés Bilan orthoptique Correspondance rétinienne Diplopie Oculomotricité Prisme Relations binoculaires Keywords Orthoptic control Retinal correspondence Diplopia Ocular motricity Prism Binocular relationships Adresse e-mail : [email protected] RÉSUMÉ La correction prismatique est un outil aussi bien de traitement que de compensation ou d'adaptation. En effet, les indications d'une correction prismatique sont nombreuses et variées mais surtout elles nécessitent une compréhension de la situation visuelle très ne tant sur le plan moteur que sensoriel et, bien entendu, fonctionnel. Il peut aussi bien s'agir de permettre au patient l'utilisation d'une fonction binoculaire (vision binoculaire ou union binoculaire) par la compensation d'une déviation ou l'utilisation d'une direction du regard elle existe naturellement, que de l'aider à utiliser une direction du regard plus facilement en réduisant, de ce fait, une attitude de tête dont les causes sont diverses ou encore d'éliminer une diplopie en facilitant la neutralisation de l'image. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. SUMMARY Prism correction is a tool not only for treatment but also for compensation or adaptation. The indications for prism correction are indeed numerous and varied but, above all, they require the extensive comprehension of the visual situation not only on motor but also sensory and of course functional level. Prism correction may also allow the patient to use a binocular function (binocular or uniocular sight) by compensating a deviation, or to use a sight direction when it exists naturally, or to help the patient use a sight direction more easily by, in fact, reducing a turn of the head, the causes of which are varied; or again eliminate a diplopia by facilitating the neutralisation of the image. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Revue francophone d'orthoptie 2014;7:213218 Dossier / Formation http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.09.013 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 213

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Revue francophone d'orthoptie 2014;7:213–218 Dossier / Formation

La correction prismat

ique

Prism correction

Muriel Amortila

4, rue des Tribunaux, 14500 Vire, France (Orthoptiste)

Mots clésBilan orthoptiqueCorrespondancerétinienneDiplopieOculomotricitéPrismeRelations binoculaires

KeywordsOrthoptic controlRetinal correspondenceDiplopiaOcular motricityPrismBinocular relationships

RÉSUMÉLa correction prismatique est un outil aussi bien de traitement que de compensation oud'adaptation.En effet, les indications d'une correction prismatique sont nombreuses et variées mais surtoutelles nécessitent une compréhension de la situation visuelle très fine tant sur le plan moteur quesensoriel et, bien entendu, fonctionnel. Il peut aussi bien s'agir de permettre au patient l'utilisationd'une fonction binoculaire (vision binoculaire ou union binoculaire) par la compensation d'unedéviation ou l'utilisation d'une direction du regard où elle existe naturellement, que de l'aiderà utiliser une direction du regard plus facilement en réduisant, de ce fait, une attitude de tête dontles causes sont diverses ou encore d'éliminer une diplopie en facilitant la neutralisation del'image.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARYPrism correction is a tool not only for treatment but also for compensation or adaptation. Theindications for prism correction are indeed numerous and varied but, above all, they require theextensive comprehension of the visual situation not only on motor but also sensory and of coursefunctional level. Prism correction may also allow the patient to use a binocular function (binocularor uniocular sight) by compensating a deviation, or to use a sight direction when it exists naturally,or to help the patient use a sight direction more easily by, in fact, reducing a turn of the head, thecauses of which are varied; or again eliminate a diplopia by facilitating the neutralisation of theimage.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

INTRODUCTION� des traitements, éventuellement pré-opéra-

Adresse e-mail :[email protected]

La décision de faire porter une correction pris-matique est conditionnée par l'anamnèse maisaussi une étude très précise de l'oculomotricité,et surtout des relations sensorielles primordia-les avant toute décision thérapeutique complé-tée par l'analyse fonctionnelle.La prismation est un outil très utilisé qui permetau patient de retrouver une situation visuelleplus fonctionnelle. Les indications sont multi-ples et peuvent aussi bien concerner :� des diplopies post-paralysies transitoires oupersistantes ;

http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.09.013© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

toires, de strabisme ayant des possibilitésbinoculaires ;

� des déséquilibres oculomoteurs ancienss'étant modifiés ou récents avec des rela-tions sensorielles normales mais qui peu-vent avoir leur particularité ;

� des strabismes dont l'angle de déviation estvariable, voire intermittent ou s'étant modifiédans le temps sans que l'adaptation senso-rielle ne se fasse ;

� ou encore des attitudes de tête en rapportavec des perturbations du champ visuel, unnystagmus, des syndromes. . .

� une recherche de neutralisation.

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L'ETUDE

L'anamnèse

La connaissance de l'histoire visuelle et partiellement médi-cale du patient permet déjà :� de savoir si les relations binoculaires antérieures étaientpotentiellement normales ou déjà perturbées.

Prenons, pour exemple, un patient de 70 ans qui décrit unediplopie consécutive à un AVC récent diagnostiqué, maissignale qu'il avait eu un strabisme convergent dans l'enfancequi est devenu divergent les dernières années. . . Ce que nouspouvons espérer sur le plan sensoriel chez ce patient sera trèsdifférent d'un patient n'ayant aucun antécédent de strabisme,ou de perturbation de la vision binoculaire avant un AVC.� de connaître les traitements ophtalmologique et orthoptiquedéjà pratiqués, ce qui guidera la démarche orthoptiquecomme, par exemple, pour un strabisme divergent intermittentde l'adulte déjà rééduqué de multiples fois depuis l'enfance etdont la fréquence des rééducations augmente, ce quil'inquiète, sans avoir eu d'autre proposition de traitement.

� de noter quelle est la plainte exacte du patient : diplopie,confusion, vision floue, torticolis, vertiges, fatigue visuelle,douleurs posturales. . . Un patient peut aussi bien décrire,par exemple, une nette diplopie dans une direction duregard qu'une confusion uniquement avec une sensationde vertige associée.

� d'avoir une connaissance de ses activités et particulière-ment celles dans lesquelles la gêne visuelle est présente etmotive les consultations (gêne à la conduite, ou uniquementen vision de près...), permet une analyse de la tâche, pri-mordiale à la compréhension des causes de la gêne.

� d'observer le patient dans sa posture statique et dynamiqueen faisant la corrélation avec le type de correction optiqueportée et la distance de fixation, en particulier chez despatients âgés ayant d'autres pathologies ophtalmologiquesou générales.

L'étude oculomotrice

A - La déviation est étudiée en position primaire de loin et deprès ainsi que dans les regards spontanément utilisés à l'aidedes techniques et outils habituels (écran unilatéral et bilatéralsynoptophore).B - L'oeil directeur est noté mais parfois il ne peut plus êtreutilisé spontanément, ce qui rend l'étude délicate.C - La motilité est étudiée mais les particularités morpholo-giques du visage entachent la précision des observations etl'étude doit être approfondie par une déviométrie faite dansl'espace avec précision OD et OG fixant ou au synoptophore,ou par un coordimètre lorsque la correspondance rétinienneest normale.D - La motricité conjuguée est observée pour permettre d'éva-luer la synchronisation des deux yeux dans les mouvementsde poursuite, de saccades et de vergence en fonction de ladéviation et de ses variations.E - La fixation est étudiée en bi-oculaire et en monoculaireà différentes distances et dans différentes directions du regarden fonction du patient.

L'étude sensorielle

A - L'acuité visuelle est mesurée en monoculaire et binoculaireavec la correction portée de loin et de près et dans les

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directions du regard utilisées spontanément par le patient.Rappelons qu'une amblyopie n'empêche pas une diplopie.B - Les relations sensorielles sont, bien entendu, la clé devoûte de l'efficacité et de la tolérance d'une correction prisma-tique. En effet, l'étude de la correspondance rétinienne (cor-respondance cortico-rétinienne) explique et permet de savoirce qu'il est possible d'espérer sur le plan binoculaire.Cette étude est indispensable, car il peut être « dangereux »pour le patient de la négliger en sollicitant des zones deneutralisation qui doivent le rester.Cette étude se fait, comme toujours, dans l'espace avec unverre rouge en étudiant la diplopie en fonction de l'angleobjectif ou au synoptophore sur le même principe, ou encoreavec les post-images pour les outils les plus usuels.La correspondance rétinienne normale permettra d'espérerdes possibilités de fusion bi-fovéolaire pour autant que le restede l'examen le permette.La correspondance rétinienne anormale à grand angle amè-nera donc à la prudence afin de préserver ou de faire retrouverles zones de neutralisation.La correspondance rétinienne peut être variable, tout particu-lièrement dans les strabismes divergents intermittents qui pos-sèdent une capacité de relations sensorielles normales lorsquela déviation est compensée, mais peuvent aussi se mettre dansune situation de relations anormales lorsque la déviation estdécompensée avec une neutralisation immédiate ; certainsauteurs parlent alors de dualité de correspondance. Cette étudedoit être approfondie dans les deux situations.La correspondance rétinienne peut aussi être à petit angled'anomalie, en général installée lorsque le patient présentaitune microtropie, mais la déviation ayant pu se modifier il faut ladifférencier d'une correspondance rétinienne normale car uneneutralisation centrale devra être préservée et aucune fusionbi-fovéolaire ne pourra être obtenue, alors qu'une fusion macu-laire ou périphérique aura été ou sera présente.C - La qualité des relations binoculaires :En présence d'une CRN (correspondance rétinienne nor-male), la fusion est quantifiée dans la direction du regard oùelle existe, ou à partir de l'angle de déviation c'est-à-dire là oùelle est possible, en divergence et en convergence de loin etde près, en statique et si possible en dynamique. Le champ defusion est étudié.L'existence d'une diplopie spontanée est mise en évidence etétudiée en fonction de la distance et de la correction optique,de la direction du regard...En présence d'une correspondance rétinienne à petit angled'anomalie, la fusion fovéolaire n'est pas recherchée, carimpossible, et il convient de respecter impérativement la neu-tralisation centrale et de rechercher la fusion périphérique enpremier pour affiner ensuite.Une neutralisation est mesurée tant dans sa profondeur (règlede Bagolini) que dans son amplitude (barre de prismes deBerens).La vision stéréoscopique est quantifiée de près et de loin,éventuellement dans la direction du regard de moindre dévia-tion ou à l'angle objectif.D - L'accommodation en monoculaire et en bi-oculaire et sescorrélations avec la déviation, la correction optique, la dis-tance, la posture et les activités du patient.

L'étude fonctionnelle

A - Une corrélation entre plainte et activité est faite :

Figure 2. Essai de prismes.

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Chaque patient étant un cas particulier, il s'agit d'étudier lesliens entre la gêne décrite et le fonctionnement visuel dupatient dans les tâches qui le concernent et qui sont liéesprincipalement à son âge et à ses activités. Ainsi, les para-mètres moteurs et sensoriels pourront expliquer les phéno-mènes décrits et nous permettre de mettre en place uneremédiation, la localisation visuelle étant souvent perturbéeen présence d'une diplopie, la fixation n'est parfois plus réfé-rencée à l'axe corporel. (Fig. 1)B - L'observation en situation permet l'analyse de la tâche et lamise en évidence des éléments propres à chaque patient telsque l'attitude, la posture, les stratégies utilisées. . . ou deconforter les observations faites lors du bilan moteur ou sen-soriel au cours, par exemple, de la communication, de la saisiede l'information et de l'organisation du geste (lecture, écriture,travaux manuels, déplacements. . .).C - La compréhension des mécanismes visuels moteurs etsensoriels qui expliquent la gêne décrite par le patient et miseen évidence lors de l'étude fonctionnelle, permet de proposerdes solutions dont l'une d'entres elles, est la correctionprismatique.Des essais de prismes sont alors réalisés avant toute pres-cription soit avec des prismes autocollants, soit avec desprismes sur monture d'essai. Après un port au cabinet, plusou moins long, les paramètres moteurs, sensoriels et fonc-tionnels sont réévalués à fin d'ajustement précis. (Fig. 2)Les conclusions du bilan orthoptique, mené dans une démar-che de recherche et d'analyse aboutissent à un projet de soin.Dans certains cas, il s'agit de retrouver l'utilisation de la fonc-tion binoculaire perturbée par un strabisme intermittent, ou unevariation de déviation strabique. Le prisme posé après oupendant une rééducation permet de prolonger les effets dela rééducation et peut être une étape au traitement.

Figure 1. Travail de fixation référencée à l'axe corporel.

Dans d'autre cas, il s'agit de réduire ou de supprimer unediplopie : soit par compensation de la déviation qui peutêtre concomitante ou nonb : si la déviation est concomitanteet peu importante, le prisme qui compense la déviationpermet l'utilisation de la vision binoculaire et la suppressionde la diplopie ; si la déviation n'est pas concomitante, leprisme peut avoir pour but de faire utiliser la direction duregard où la déviation est la moins importante ou mêmecompensée.Il peut aussi viser à réduire une attitude de tête induite par unnystagmus et sa position de blocage par un syndrome derétraction tel le Stilling Duane, ou encore une perturbationdu champ visuel dans l'Hémianopsie Latérale Homonyme.

QUI BENEFICIE D'UNE CORRECTIONPRISMATIQUE ?

Le strabisme divergent intermittent

Le cas assez fréquent des strabismes divergents intermittentsest très réceptif à l'apport de la correction prismatique, en raisonde la persistance d'une vision binoculaire. La correction prisma-tique prescrite est alors une étape du traitement. En général,aucune diplopie n'est décrite car il existe une dualité de relationssensorielles en fonction de la déviation. La vision binoculaire,certes utilisée par intermittence, uniquement lorsque la dévia-tion est restituée, est associée à une nette neutralisation, voireune correspondance rétinienne anormale décrite lors de l'exa-men. L'évolution du strabisme étant, d'après tous les auteurs,une augmentation dans le temps de l'exotropie et une moindrefaculté à la compenser, le but du traitement est de maintenir aumaximum l'utilisation de la vision binoculaire en empêchant

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simultanément les perturbations sensorielles de s'installer. Lavaleur du prisme dépend de la capacité fusionnelle du patient et,dans ce cas, il est préférable de faire précéder d'une rééducationle port des prismes. La rééducation qui vise principalementà améliorer la motricité conjuguée et à augmenter l'amplitudede fusion jusqu'à l'angle objectif, en particulier sans solliciter laconvergence de façon excessive, permet aussi de faire porterune correction prismatique moindre mais qui doit maintenir enpermanence l'utilisation de la vision binoculaire, c'est-à-direavoir la valeur qui évite l'exotropie.Cette correction prismatique incorporée à la correction peutatteindre sans problème 12 dioptries au total (6 dioptries basenasale sur chaque verre) et être supportée facilement si ellepermet l'utilisation spontanée et permanente de la vision bino-culaire. Lorsque la correction dépasse cette valeur, elle doitêtre posée en press-on dont on connaît les avantages et lesinconvénients.Cette correction prismatique, en permettant à la vision bino-culaire d'être sollicitée en permanence, joue un rôle de stimu-lation qui participe à la normalisation des relations sensorielleset à l'amélioration de la qualité de la vision binoculaire, et debien d'autres éléments de la fonction visuelle qui lui sont liés,vision stéréoscopique, localisation, CPM...En fonction de la valeur de la déviation, on peut envisagerles cas pour lesquels la déviation étant trop importante, unacte chirurgical sera ensuite envisagé, la correction prisma-tique ayant alors pour grand avantage de permettre au patientde retrouver spontanément, en post-opératoire, la visionbinoculaire utilisée grâce aux prismes et à la rééducation,ce qui permet de consolider la permanence des résultatschirurgicaux.Le patient, par exemple adulte, peut aussi se sentir parfaite-ment confortable avec cette correction, en général lorsqu'ils'agit de prismes incorporés et ne souhaite pas d'autretraitement.Chez l'enfant jeune, la correction prismatique permet d'atten-dre la première intervention chirurgicale sur le strabisme diver-gent en maintenant l'existence de la vision binoculaire, et enempêchant la perturbation des relations sensorielles.

Les nystagmus

Lorsqu'un patient présentant un nystagmus a une position deblocage ou une direction du regard dans laquelle le nystag-mus diminue, ce qui est le cas des nystagmus congénitaux,l'attitude de tête permet au patient d'utiliser la direction duregard dans laquelle le nystagmus est moins important et, dece fait, l'acuité visuelle est améliorée associée parfois à unemeilleure utilisation de la vision binoculaire lorsqu'elle existe.C'est donc cette direction du regard qui va être facilitée par leport de prisme dont l'arrête est orientée du côté de cettedirection. La correction maximale incorporable aux verresest à privilégier afin de ne pas avoir l'effet ryser® des press-on®. Cette correction prismatique est bien tolérée car elleréduit la torsion ou l'inclinaison de la tête, mais l'étudemotrice et sensorielle est toujours un peu délicate en raisondu nystagmus. L'utilisation plus facile de la position deblocage, en particulier lorsqu'il existe une vision binoculaire,consolide cette vision binoculaire qui participe à la stabilitédu nystagmus pour certains auteurs et améliore l'acuitévisuelle, ce qui entraîne une stimulation sensorielle essen-tielle au développement de la vision chez le jeune enfant, enparticulier.

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Les strabismes

L'exemple de l'ésophorie-tropie décrite chez les myopes fortsavec des relations sensorielles normales et, plus souvent, unediplopie intermittente qu'une neutralisation est aussi une indi-cation de prisme minime et adapté à la correction.Les strabismes évoluent à l'âge adulte et les déviations opé-rées dans l'enfance posent parfois des problèmes chezl'adulte, car après la correction de presbytie en particulier,ou les changements divers de vision, la déviation se trouvantmodifiée les adaptations sensorielles ne sont plus en adéqua-tion et une diplopie ou une confusion peuvent être décrites.Restaurer l'utilisation d'une union binoculaire est possible,mais cela implique une étude précise des relations senso-rielles et quelques séances sont indispensables à la vérifica-tion qu'une fusion périphérique est bien potentiellementutilisable avec l'aide d'un prisme.Lorsqu'un œil habituellement fixateur a une baisse d'acuitévisuelle non améliorable, le conflit entre les deux yeux désta-bilise aussi la déviation et la correction prismatique peut êtreutilisée soit afin de retrouver la situation sensorielle binoculairemalgré la perturbation de l'acuité, soit parfois si il n'y a pasd'autre solution afin d'éloigner une image devenue tropgênante et qui ne peut être neutralisée spontanément, c'estle prisme de dissuasion (prisme de dissuasion RFO2009N81vol.2).

Les paralysies oculomotrices

La paralysie oculomotrice récente est, le plus souvent, asso-ciée à une diplopie qui en fonction de l'étiologie de la POM peutsoit disparaître, soit se réduire, soit persister. Si, parfois, il n'estpas proposé de prisme dans les premiers jours, une diplopieest suffisamment intolérable pour que rapidement une solutionsoit trouvée en fonction de la mesure de la déviation. Le prismea pour but de compenser la déviation en permettant uneutilisation de la vision binoculaire dans les regards les plusfréquemment utilisés de loin et de près, ou même dans unezone directionnelle ou la fusion est possible. Il est parfoisdifficile, voire impossible de trouver un même prisme qui per-mette de restaurer la fusion de loin et de près, en particulierchez le sujet presbyte équipé en verres progressifs. L'étude dela déviation, particulièrement dans les situations d'utilisationde la vision, aboutie à déterminer la solution optimale à larestauration de la vision binoculaire et les press-on permettentune correction transitoire qui peut être modifiée. Il faut parfoisenvisager une correction prismatique différente de loin et deprès avec deux paires de lunettes.La POM ancienne qui se décompense est un cas fréquent, etle prisme incorporé à la correction optique peut intervenir encomplément de la rééducation qui, en améliorant la qualité dela vision binoculaire, contribue à une meilleure compensationde la déviation et permet de faire porter un prisme moinsimportant si il reste nécessaire.

Les attitudes de tête

Plusieurs étiologies entraînent une attitude de tête, la recher-che de la vision binoculaire dans les déséquilibres oculomo-teurs acquis ou congénitaux, les nystagmus, les amblyopiesprofondes, les perturbations posturales qui empêchent l'utili-sation de toutes les directions du regard, les syndromes derétraction... Ces différentes situations sont des indications decorrection prismatique qui visent à réduire l'attitude en

Figure 4. Décalage de l'image perçue à travers un prisme, versl'arrête.

Figure 3. Attitude de tête.

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transposant l'image dans le regard, tout en réduisant la rotationou l'inclinaison de la tête. (Fig. 3)Une correction prismatique peut aussi participer à faire utiliserune direction du regard alors que les mouvements de la têtesont impossibles (corset), ou que la position du corps estbloquée (alité).

Figure 5. Piquage.

LES LIMITES

Toute correction prismatique (Fig. 4) induit une modification dela proprioception visuelle et particulièrement un trouble delocalisation pour lequel l'adaptation corticale va permettreaprès un temps variable, selon les patients, de restaurerune localisation et des coordinations perceptivo-motrices uti-lisables, mais si celles-ci sont d'emblée très perturbées lacorrection ne sera pas supportée ; il est donc essentiel deles observer et éventuellement de les rééduquer avant d'envi-sager le port d'une correction prismatique. (Fig. 5)Lorsque le but de la correction prismatique est de permettrel'utilisation d'une fonction binoculaire il est indispensable quecette vision ou union binoculaire soit d'assez bonne qualitépour être utilisable, et il est parfois essentiel de l'améliorer enassociation avec la motricité conjuguée avant de prescrire lacorrection prismatique. La mauvaise qualité de la fonctionbinoculaire et de la motricité conjuguée peut rendre la correc-tion prismatique inutile et même plus gênante encore.L'importance de la déviation peut être un frein, mais les pris-mes press-on permettent de porter des corrections prismati-ques importantes ; le trouble de localisation et la perte d'acuitévisuelle liés au manque de transparence du press-on peuvents'avérer très gênants pour le patient si, par exemple, l'acuitévisuelle de celui-ci est déjà basse.

L'incomitance de la déviation rend complexe le choix de lavaleur du prisme qui doit soit permettre d'utiliser une directiondu regard dans laquelle la déviation est plus facilementcompensable, soit de compenser la déviation dans la direction

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du regard la plus utilisée en fonction des paramètres liésà l'âge, aux activités et à la plainte du patient. Mais si la qualitéde la fonction binoculaire, de la motricité conjuguée et de lacoordination œil-tête n'est pas suffisante, la diplopie sera tropfréquente. Si une correction prismatique différente loin et prèss'impose, il peut être utile d'envisager une correction de loin etune correction de près en deux paires de lunettes.La variabilité d'une déviation dans certaines pathologies peutrendre la correction prismatique inutilisable dans un premiertemps, mais il est fréquent que les déviations se stabilisentà long terme.Le refus des lunettes, ou parfois la lourdeur des verres avecprismes incorporés, ou encore « l'effet ryser » des prismespress-on peut parfois entraîner le rejet du port des lunettes.

CONCLUSION

La correction prismatique est une aide précieuse, souvent trèsbénéfique au patient, mais qui nécessite une étude approfon-die des relations sensorimotrices binoculaires qu'il est parfoisnécessaire de renforcer afin que cette correction soit bientolérée et améliore la fonction visuelle du patient, elle peutêtre une étape ou une finalité.

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Déclaration d'intérêtsL'auteur déclare n'avoir aucun conflit d'intérêt avec cet article

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RFO Volume 2 N-1 mars 2009 : Prismes et orthoptieGuide le l'orthoptieMF CLENET - CHRISTIANE HERVAULT (Ed. Elsevier Masson 2013)

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