LA CONTRIBUTION AMERICAINE A LA NAISSANCE DE L'ARCHITECTURE MODERNE HTA

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LA CONTRIBUTION AMERICAINE A LA NAISSANCE DE L'ARCHITECTURE MODERNE HTA FES S4 2011

INTRODUCTION

Après l'indépendance des États Unis en 1781, les rapports culturels avec les états européens deviennent paradoxalement beaucoup plus étroits.

Une spécificité de l’Amérique est celle des habitants initiaux de ce continent, du fait qu’ils représentaient le principal obstacle aux desseins de l'Occident renaissant. Un autre aspect singulier de l'Occident en Amérique c'est le protestantisme "puritain".

La division incessante du protestantisme n'est qu'une des nombreuses manifestations de ladispersion dans la multiplicité (par opposition à l'unité dans la diversité étudiée en HTA3 & 4) qui se retrouve partout dans la vie et la science modernes.

L'architecture occidentale de l'Amérique se trouve être plus dégagée de la tradition que l'architecture européenne surtout durant la décennie 1880-90. Trois types architecturaux particuliers ont véhiculé toute l'innovation architecturale en Amérique et constituent la source de l'architecture moderne aux U.S.A. :

l'architecture résidentielle : la maison américaine ; l'architecture commerciale : le building américain ;

la ville américaine et son plan en damier.

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I - L'ARCHITECTURE DOMESTIQUE EN AMERIQUE

Les premiers colons produisaient des systèmes de construction usuels de leurs pays : les murs en maçonnerie et la charpente en bois, matériaux disponibles alors que la main d'œuvre et les instruments pour les travailler font défaut. On effectue un maximum en usine par la construction en bois et un minimum sur le chantier.

Les modes de construction européens apparaissent très vite inadaptés au climat américain plus rude : très chaud en été et très froid en hiver. La formation de l'architecte américain suit le modèle européen pendant toute la première moitié du 19e siècle.

1 L'architecture coloniale

A partir de 1781, les valeurs importées de l'Europe se sont vite développées de façon autonome dans leur nouveau contexte.

Au 18e siècle, les colonialistes simplifient au maximum la préparation des matériaux : l'équarrissage des bois et la cuisson des briques : il fallait vite occuper les terrains des "Indiens".

a - Le balloon frame

Il s’agit de recouvrir toute la maison d'une nouvelle peau protectrice faite de larges planches horizontales posées en recouvrement l'une de l'autre, et aussi à l'intérieur. La maçonnerie à l'intérieur n'étant plus utile a cédé la place à un vide d'air plus efficace pour l'isolation thermique.

On en est arrivé au système de construction qui subsiste encore : le balloon frame, où l'ossature est aussi légère que l'air, homogène, simple et économique. Ce système présentait à sa naissance l'immense avantage d'être réalisé rapidement et par une main d'œuvre peu nombreuse et peu qualifiée.

Le problème des ouvertures était résolu par des petites fenêtres éloignées les unes des autres pour une meilleure isolation thermique. Des extensions extérieures pouvaient résoudre le problème de la chaleur étouffante de l'été.

b - Contexte architectural

Deux aspects formels différencient la maison américaine de celle européenne : la flexibilité-élasticité et la surface plane. Cette architecture domestique est une architecture de programme qui part de l'intérieur.

C'est dans ce contexte qu'on doit restituer l'apparition du "Shingle Style" (style Bardeau) qui s'est développé de 1870 à 1900.

2 Le classicisme et le matérialisme

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"Les règles classiques sont conçues d'un point de vue matérialiste comme des données de fait, le problème de les accorder aux nécessités fonctionnelles consiste uniquement en un choix entre les données matérielles du même ordre." Benevolo

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a - Le matérialisme

Ce terme, ne datant que du 18e siècle, fut inventé par le philosophe Berkeley qui s'en servit pour désigner toute théorie qui admet l'existence réelle de la matière.

Pour cette conception, rien n'existe autre que la matière et ce qui en procède. Ce mot représente alors un état d'esprit, indépendant de toute théorie philosophique. Etat d'esprit consistant à donner la prépondérance aux choses de l'ordre matériel et aux préoccupations qui s'y rapportent, d'apparence spéculative ou purement pratique.

Toute la science "profane" qui s'est développée au cours des derniers siècles n'est que l'étude du monde sensible, et ses méthodes ne sont applicables qu'à ce seul domaine. Certains philosophes, tel Kant, vont jusqu'à déclarer "inconcevable" ou "impensable" tout ce qui n'est pas susceptible de représentation. C'est la matière qui est principe de division et multiplicité pure même dans le domaine social.

b - Le classicisme en Amérique (T. Jefferson 1744-1826)

Le classicisme en Amérique est idéologique, véhiculé de l'Europe par Jefferson, homme d'état, architecte et ambassadeur en France de 1774 à 1779. Ses travaux serviront de modèle pendant plusieurs décennies avec une architecture monumentale permettant l'application des normes classiques.

En tant qu'homme d'état, il fait approuver en 1785 la Land Ordinance pour la colonisation des territoires de l'Ouest. En tant que secrétaire d'Etat, entre 1789 et 1794, il participe à la fondation de Washington et lance le concours pour le Capitole. En tant que vice-président, il contrôle, dès 1801, les travaux publics dans toute la confédération.

La Land Ordinance prévoit les limites du nouveau territoire selon une trame orientée pour les morcellements agricoles et les terrains constructibles appuyant la colonisation des territoires indiens. La grille a été portée à l'échelle géographique pour définir les frontières des nouveaux états. Cette disposition fondamentale a laissé une trace spécifique dans le paysage tant urbain que rural des U.S.A. par la généralisation des tracés en damiers.

c - Transformations dans la construction

Ces transformations ne sont pas comparables à celles européennes car elles s'appuient sur un développement industriel bien inférieur.

En 1850, la production sidérurgique américaine représente le un/sixième de celle anglaise et est pratiquement égale à la production française. Ce n'est qu'entre 1830 et 1840 que se propage l'utilisation des piliers en fonte et en 1855 commence la production de poutrelles et de rails en fer laminé.

3 Le Shingle Style (1870-1900)

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Ce mouvement trouve son origine dans les théories sur le pittoresque et la diversité, analogue au mouvement Art Nouveau. Deux points de vue caractérisent ce mouvement

C'est une première manifestation "américaine" ; C'est un contexte des premières œuvres de F.L. Wright.

Les maisons de ce style représentent un certain nombre de caractéristiques communes :

elles refusent toute hiérarchie évidente ; c'est une architecture "inclusive" de multitude d'intentions différentes ;

ces maisons sont caractérisées par l'ambiguïté du rapport intérieur-extérieur.

Cette fluidité intérieure est présente chez Wright qui voudra à tout prix casser la boîte.

II - LA VILLE AMERICAINE

Le potentiel des apports culturels européens, se réalisant dans un cadre "plus simple", rencontre moins de résistances et se manifeste plutôt en Amérique qu'en Europe. (Benevolo)

Le protestantisme, se reflétant dans l'espace urbain par la dispersion dans la multiplicité, se retrouve en marquant l’organisation dans "l'urbanisme colonial". Elément fondamental et "leitmotiv" de la colonisation dans l'espace, le protestantisme est dans le domaine religieux l'analogue de ce qu'allait être le "rationalisme" en philosophie.

1 Le protestantisme

En réaction aux abus du catholicisme par l'introduction du "libre examen", le résultat fut une dispersion en une multitude de sectes dont chacune ne représente que l'opinion de quelques individus. La doctrine passant au second plan, la morale prit la première place : d’où cette dégénérescence en "moralisme" du protestantisme actuel.

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La morale protestante finit par dégénérer en ce qu'on appelle la "morale laïque", incorporée au pragmatisme au nom duquel on préconise l'idée d'un Dieu limité. Cette "morale laïque" compte parmi ses partisans les représentants de toutes les variétés du protestantisme libéral, aussi bien que les adversaires déclarés de toute idée religieuse. La religion est pour beaucoup une simple affaire de "pratique", d'habitude ou de routine.

2 L'urbanisme colonial

La plupart des nouvelles villes américaines sont construites sur des plans d'une géométrie régulière : le plan en damier. Le plan baroque est typique des nouvelles villes européennes (Mannheim) ou des extensions de villes anciennes (plan de Barcelone par Cerda).

Les villes américaines sont le résultat d'un tout autre processus que celui qui aboutit au plan baroque ou haussmanien.

a - la ville baroque

Dans les villes baroques, le plan reste un élément de composition urbaine : c'est un bâtiment dominant de la ville qui définit les axes de la ville. Le critère premier reste dans l'espace et dans les relations spatiales des éléments urbains entre eux et la ville est lisible comme une totalité.

b - la ville américaine

Dans la ville américaine, la vision ne semble pas être un critère : les rues sont indifférenciées et les seuls éléments différents s'intercalent comme des exceptions ou des interruptions dans une maille homogène. Ce n'est pas une entité formelle, elle est ouverte dans toutes les directions.

Le processus administratif est dominant et non celui architectural avec un découpage rationnel du terrain où tous les objets architecturaux peuvent varier avec le temps. La façon de concevoir un cadre de référence rigide vise à laisser toute liberté aux éléments intérieurs de se distinguer entre eux et de se modifier avec le temps.

Cette isolation et ce déracinement de l'objet seront vrais aussi bien à l'échelle de l'immeuble dans la ville que du meuble dans l'architecture.

3 Le plan de New York

Entre la guerre d'indépendance et la guerre de sécession, la confédération américaine s'étend jusqu'au Pacifique. Pendant les mêmes années, s'élabore le projet d'expansion de New York avec une trame uniforme à une échelle industrielle qui va se substituer à l'échelle humaine et donner lieu à la naissance d’une agglomération moderne.

Au début du 19e siècle, New York, comptant environ 100.000 habitants, s'est développée sans suivre de plan préétabli. La rapidité de la croissance, due à l'exode européen des colons, rend nécessaire un plan d'urbanisation de toute la péninsule.

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Le projet définitif, approuvé en 1811, prévoyait un réseau uniforme de voies orthogonales : les douze qui vont du nord au sud sont appelées Avenues et celles qui vont d'est en ouest sont appelées Streets au nombre de 155.

La seule voie irrégulière, existante et qui traverse en diagonale ce tracé, est Broadway conservée à cause des intérêts déjà implantés sur son parcours. Une zone libre prévue, un rectangle entre la 4e et la 7e avenue et la 23e et 34e street, sera occupé, alors qu'en amont un autre rectangle plus étendu sera désigné, en 1858, pour la construction du Central Park. Les avenues droites filent sur environ 20 km, les streets sur 5 km.

Le plan prévoyant un espace pour 2,5 millions d'habitants, suffira à contenir l'expansion de la ville jusqu'à la fin du 19e siècle. Le plan de 1811 est une contribution américaine à l'urbanisme étatique moderne : ayant été réalisé en entier, ce plan a fait ressortir les conséquences techniques, juridiques, économiques et formelles des critères de départ qu'exige la ville industrielle. La même combinaison formelle sur certains points et de libéralité sur tous les autres, caractérise la législation de New-York en matière de construction.

Publié par Larbi BOUAYAD à l'adresse 10:36 0 commentaires Libellés : HTA 3 HTA S4 Fès - 2011

vendredi 27 mai 2011

L'ARCHITECTURE FACE A L'URBANISME ÉTATIQUE ET AU MANIFESTE DE L'INGENIERIE

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INTRODUCTION

Entre 1830 et 1850, l'urbanisme étatique fait ses premiers pas par l'expérience de la ville industrielle dans les bureaux des hygiénistes et techniciens et non dans ceux des architectes.

Ces derniers discutent du bon choix entre les styles classiques et gothique, "d'accord pour mépriser l'industrie et ses produits".

L'homme "moderne" est devenu véritablement imperméable à toute influence autre que celle de ce qui tombe sous ses sens.

Il en résulte une sorte de renforcement du point de vue matérialiste profane qui est né d'un défaut de compréhension et d'une limitation des facultés humaines.

Cette limitation en s'accentuant et en s'étendant à tous les domaines, semble justifier ensuite ce point de vue profane aux yeux de ceux qui en sont affectés.

Ils ne peuvent admettre l'existence de ce qu'ils ne peuvent plus réellement ni concevoir ni percevoir.

Le point de vue profane se fait toujours de plus en plus envahissant, jusqu'à englober l'existence humaine tout entière.

Tout ce qui dépasse une telle conception est relégué dans un domaine "extraordinaire", considéré comme exceptionnel, étrange et inaccoutumé.

La philosophie moderne, expression "systématisée" de la mentalité générale, a suivi une marche parallèle à celle-là : avec l'éloge cartésien du "bon sens", puis du rationalisme, aspect spécialement philosophique de l'"humanisme", réduction de toutes choses à un point de vue exclusivement humain.

On arrive peu à peu au matérialisme ou au positivisme :

au premier on nie expressément tout ce qui est au-delà du monde sensible ;

le second déclare ce qui est au-delà du monde sensible "inaccessible" ou "inconnaissable".

Le résultat est exactement le même dans les deux cas, ce qui conduit au pragmatisme où il y a suprématie de l'utilité.

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La révolution de 1848 interrompt deux courants de pensée et d'action :

les réformateurs qui suivent les filières administratives reconnues ; les théoriciens, opposés au pouvoir sur place et qui critiquent la ville et la société

qui l'a produite, mais dans le cadre de la forme de pensée rationaliste.

Un type nouveau de conservateurs prend le pouvoir dans les principaux pays européens : Napoléon III en France, Bismarck en Allemagne et les nouveaux Tories guidés par Disraeli en Angleterre.

Ce genre de pouvoir, "autoritaire et populaire", estime nécessaire un contrôle direct de l'Etat dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale, et réalise une série de réformes prolongeant celles des vingt années précédentes.

L'urbanisme joue un rôle important dans ce nouveau cycle de réformes et devient l'un des instruments de pouvoir les plus efficaces, spécialement en France où Paris compte un million d'habitants en 1840.

Les expériences techniques sont sollicitées par le nouveau climat politique et se développent très rapidement après 1848 formant un système inséré dans la législation et dans la pratique administrative.

C'est la naissance de l'urbanisme des administrateurs qui a réorganisé les villes européennes et celles coloniales.

Face aux ingénieurs et aux administrateurs, les architectes vont continuer à adopter des attitudes diverses :

soit se réfugier dans un académisme plus rigide et refuser de s'adapter aux nouveaux programmes et aux nouvelles techniques ;

soit accepter cette évolution et se redéfinir une nouvelle théorie adaptée au nouveau contexte.

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Viollet-le-Duc est l'un de ceux qui ont théorisé cette adaptation, Labrouste est de ceux qui l'ont pratiquée.

Après la guerre de 1870, le tournant du siècle se présente comme une période euphorique surtout sur le plan culturel et économique.

En architecture, cette période va correspondre à un phénomène caractéristique : l'art nouveau, considéré comme une articulation entre l'académisme général du 19e siècle et les avants-gardes de l'architecture moderne.

I - NAISSANCE DE L'URBANISME ETATIQUE

Le mouvement d'urbanisation spontanée implique bientôt la nécessité d'une certaine rationalisation de l'espace.

Rationalisation déjà été entamée par Napoléon et continuée par les fonctionnaires de la Restauration, de la monarchie de juillet et du second empire.

L'espace urbain est considérer comme un espace universel au sens d'un espace globalement mis à la disposition de "tous".

1 L'œuvre de Rambuteau

a - La rue

Son programme était de "donner aux parisiens de l'eau, de l'air et de l'ombre". C'était une grande nouveauté parce que jusqu'ici on s'était surtout préoccupé de l’élévation de monuments.

Cet ancien chambellan de l'empereur fait de grands percements : la rue Rambuteau, la rue Rivoli.

b - La place

L'aménagement de la place de la Concorde est une réalisation particulièrement révélatrice de sa politique et de la nouvelle conception du rôle de l'architecte.

A la place de la statue de Louis XV, l'obélisque symboliserait l'universalité de la France et l'exploit technique où l’on grave les instruments qui ont servi à son érection.

Les deux fontaines symbolisent la navigation maritime et la navigation fluviale.

Ces trois symboles de la science, du commerce et de l'industrie sont réunis sur un terre-plein autour duquel circulent des voitures.

c - Espace moderne

L'espace dominant, avec ses signes, a définitivement oublié le contenu spatial de l'architecture.

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Cet espace fluide et illimité va devenir le "modèle" de l'architecture moderne "orthodoxe", résultat d'opérations extérieures à l'architecture : celles des ingénieurs et celles des administrateurs.

Opérations de rationalisation techniques et économiques, d'hygiénisme superficiel et aussi d'expression, et de répression, politique sous le biais de cette technique, de cette économie et de cette hygiène, qui formeront les éléments neutres "progressistes et universels".

2 Les travaux d'Haussmann

Le poste de préfet de la Seine devrait établir le prestige du gouvernement par de grandes entreprises, sans se laisser impressionner ni par les intellectuels opposants, ni par les défavorisés.

a - Sens de l'espace urbain

La royauté en France avait jusqu'ici utilisé l'espace urbain comme expression explicite du pouvoir. La république n'a pas d'idéal à défendre, ni de pouvoir absolu à glorifier, elle veut assurer la stabilité de son pouvoir par le contrôle maximum des mouvements sociaux, économiques et culturels.

Outrepassant les interventions ponctuelles de places ou de monuments, Haussmann procède à une rénovation de grande envergure, dotant Paris d'un réseau d'avenues et de boulevards lui assurant son contrôle politique, économique et social.

Large et rectiligne, la première raison d'être du boulevard, c'est de se situer dans les quartiers populaires où il permet aux troupes de charger rapidement et efficacement les éventuels manifestants.

b - L'immeuble stratifié

Le boulevard a une seconde raison d'être dans le drainage des activités économiques de la ville qui sont prévues dans le modèle même de l'immeuble haussmanien : rez-de-chaussée et 1er étage pour le commerce.

La troisième raison d'être raisonne la population par strates sociales en enlevant la rue au peuple qu'on rejette dans les banlieues pour y installer la strate aisée au 2ème étage avec balcon, la strate moyenne au 3ème, la petite bourgeoisie au 4ème etc... et l'artiste sous les combles avec les serviteurs.

c - L'espace vert stratifié

A l'opposé du roi construisant fièrement les symboles de son pouvoir, le président ou l'empereur une fois devenu à son tour exploiteur :

emprunte tous les styles au passé ; emprunte la rue au peuple et en fait la rue de "tous" ;

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ne conçoit plus, mais s'approprie, désinfecte, rend "homogène", "uniforme" et "universel".

Une partie de cette désinfection se fait par l'espace vert, qui appartient à "tout le monde". A l'extérieur de la ville, l'arbre est offert en compensation au peuple qu'on y a déporté, qui perd la ville mais gagne la nature. A l'intérieur de Paris, le Bois de Boulogne devient vite le centre de la vie élégante, le Bois de Vincennes, lui, est un cadeau aux quartiers populaires.

3 Motifs de l'aménagement de Paris

Une série de circonstances propices a donné à la transformation de Paris son importance et ce caractère exemplaire :

la précocité de l'expérience ; la possibilité d'avoir recours à une loi d'urbanisme comme celle républicaine de

1850 (expropriation pour utilité publique) ;

le niveau technique des ingénieurs de l'Ecole Polytechnique ;

la résonance culturelle de la capitale française en Europe ;

le préfet de la Seine 1853-69, responsable de ce programme.

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C'est la première fois qu'un ensemble de dispositions techniques et administratives, étendu à une ville de plus d'un million d'habitants, est élaboré et mis en œuvre dans un bref délai de 17 ans.

Le souci immédiat fut la nécessité d'assurer l'ordre et d'obtenir les faveurs du peuple par des travaux importants, mais la spéculation foncière a pesé plus que prévu.

Louis Napoléon établit son pouvoir sur les craintes suscitées par la révolution de février 1848 en s'appuyant sur la force de l'armée et le prestige populaire.

Il avait intérêt direct à ce que soient exécutés de grands travaux publics à Paris en démolissant les étroites ruelles médiévales et en les remplaçant par des artères larges et rectilignes, propices aux mouvements de troupes.

L'Empereur a pu constater l'utilité de ces grands boulevards qui permettent d'attaquer la foule par salves de fusils après le coup d'état de décembre 1851, éliminant une fois pour toute possibilité que se renouvellent les barricades populaires.

4 Caractéristiques de l'espace haussmanien

Deux aspects caractérisent la production d'Haussmann : la méthode et son espace.

Sa méthode est dominée par la recherche de l'argent, car à cette époque, le pouvoir économique et le pouvoir politique sont déjà dissociés.

La préfecture de Paris devait organiser de multiples sources de financement privé incertaines et soumises à l'emprise des intérêts particuliers.

Ce qui explique que le plan directeur n'ait jamais été un plan rigide et défini à l'avance.

L'espace haussmanien résulte de sa méthode : il est orienté vers des points monumentaux et donne parfois sur le vide ou à la rencontre de ce qui est resté du tissu ancien.

A l'échelle architecturale, le boulevard n’a pas d'existence.

C'est un vide resté entre deux rangées d'immeubles, les retraits réglementaires des derniers étages marquent l'indifférence de l'immeuble à l'espace qualifié de la rue et marquent un respect de l'espace quantifié du boulevard.

La rue, en devenant boulevard, a perdu son individualité, sa caractéristique d'espace contenu, pour devenir un espace fluide dans lequel les passants, le trafic, les arbres sont les événements principaux.

5 L'influence de l'exemple de Paris

Cet urbanisme étatique devient après 1870 la pratique commune de toutes les villes européennes et coloniales.

a - En France

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La ville de Lyon réalise de 1853 à 1864 une série d'aménagements qui reproduisent, à une moindre échelle, ceux parisiens.

Marseille double presque sa population et subit une transformation totale avec l'ouverture de 1862 à 1864 de la rue Impériale. Des voies rectilignes analogues s'ouvrent en 1865 à Montpellier et en 1868 à Toulouse, coupant des vieux quartiers et démolissant ainsi de nombreux édifices de valeur.

Dans des villes plus riches en vestiges historiques, Rouen et Avignon, on procède de la même façon ruinant de manière irréparable les cadres traditionnels.

b - En Europe et en Amérique

A Bruxelles, on élimine la Senne ouvrant sur son lit une grande chaussée rectiligne, de 1867 à 1871, reliant les deux gares ferroviaires du Nord et du Sud.

A Mexico, on ouvre en 1860 le Paséo de la Réforme à l'imitation des Champs-élysées.

Rares sont les villes italiennes importantes où l'on n'ait pas ouvert une voie rectiligne entre le centre et la gare.

Capitale après 1864, une grande partie du tissu de la ville ancienne de Florence est sauvée de la mise en pièces qu'a subie Paris. Les éléments nouveaux ne s'insérant pas parmi les anciens, la ville, divisée en séquences indépendantes, reste dépourvue d'unité.

De nombreux autres projets de cette période reposent sur ce même concept d'"extension" : Barcelone en 1859 et Stockholm en 1866.

Presque tous les projets n'aboutissent qu'à moitié, défigurant de manière irrémédiable les villes anciennes, sans que surgissent à leur place des villes "modernes". Aucune administration ne réussit à maîtriser les perturbations de la spéculation foncière.

La vive spéculation à Paris absorbe une partie importante du crédit des travaux, après 1858 on ne s'y oppose plus. Dans les autres villes, la spéculation prend nettement le dessus, ce qui donne aux initiatives un caractère décousu et inconsistant favorisant les intérêts particuliers.

c - L'exemple de Vienne

La ville ancienne de Vienne était entourée d'un grand anneau de fortifications au-delà desquelles se sont développés les nouveaux quartiers.

En 1857, un concours est lancé pour l'aménagement des terrains imposant aux projeteurs des données d'ordre stratégique militaire. Le concours est jugé en 1858, approuvé en 1859 mais contesté jusqu'en 1872. Lors de l'exécution, les exigences stratégiques se réduisent et le nombre des édifices publics augmente.

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Le Ring viennois permet d'insérer la ville ancienne dans le système routier de la nouvelle ville, sans couper, ni détruire le tissu ancien, comme à Paris. Les principaux édifices publics prennent place dans un cadre dégagé et la dimension relativement restreinte du noyau ancien rend l'opération possible.

La situation se présente de façon analogue à Cologne, à Leipzig, à Lübeck et à Copenhague.

6 Dans les colonies

Dans les villes européennes, des systèmes sont employés à transformer les anciens organismes baroques et médiévaux.

Dans les territoires coloniaux, les mêmes systèmes de conception sont appliqués avec uniformité et de manière mécanique sans recherche de liaison avec les organismes urbains locaux. Ils mettent ainsi nettement en évidence les contradictions culturelles implicites.

Pendant les vingt années qu'a duré le second Empire, la pratique haussmanienne d'urbanisme est largement appliquée dans les colonies. Ce genre d'urbanisme est l'un des aspects les plus significatifs de l'expansion de l'occident du 19e siècle.

II - LE MANIFESTE DE L'INGENIERIE

Les véritables constructions industrielles ne sont apparues que vers 1850. Il y a dissociation entre l'architecte et le constructeur. En 1851, commence le cycle des expositions universelles qui vont être le lieu d'apparition des manifestes des ingénieurs.

1 La première exposition universelle

Le hall d'exposition devrait être démontable et réalisé rapidement.

Un jardinier constructeur de serres, Joseph Paxton, voit son bâtiment réalisé malgré l'institution d'un concours d'architectes, c'est le Cristal Palace. C'est une conception de climat plus qu'un espace.

L'intérieur est indéfinissable par ses limites. Après l'exposition, le palais est démonté et remonté à Sydenham jusqu'à l'incendie de 1937.

2 Les expositions universelles :

1853 : exposition à NEW-YORK ; 1854 : le Glass Palast à MUNICH ;

1855 : 1ère exposition universelle de PARIS dans le Palais de l'Industrie aux Champs-élysées et employé pour toutes les expositions suivantes jusqu'en 1900, où il est démoli pour faire place au Grand Palais ;

1867 : 2ème exposition universelle de PARIS au Champ de Mars dans un édifice de forme ovale aux sept galeries concentriques ;

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1873 : l'exposition de VIENNE dans un bâtiment dominé par une rotonde gigantesque construit par un anglais ;

après 1878, les expositions universelles se multiplient partout dans le monde occidental ;

1889 : 3ème exposition de PARIS organisée au Champ de Mars et comprenant un Palais avec un plan en U, la galerie des machines et la tour Eiffel de 300 m.

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3 L'exposition de PARIS de 1889

a - La galerie des machines

Le grand espace de la galerie est de 115 x 420 m soutenu par des arcs en fer à trois articulations.

Cet édifice suscite stupeur et incertitude : les admirateurs confondent dans la grande dimension les trouvailles techniques et les finitions décoratives ; les écrivains admirent mais émettent des réserves. La galerie des machines a été démolie en 1910.

b - La Tour Eiffel

Le projet confié à Eiffel en 1884, les travaux commencent en 1887 et la tour est terminée en avril 1889.

Un groupe d'intellectuels a protesté publiquement contre sa construction en l'associant à celle de Babel : le cri était vain. Des techniciens soutiennent qu'elle est destinée à s'écrouler. Lorsqu'elle est terminée, on note un revirement dominé par l'impression de nouveauté : le rôle joué par la tour, sur le plan urbanistique, est primordial.

A l'exposition de 1889 existe un pavillon Eiffel où il présente une exposition personnelle.

4 Avènement de l'ingénierie du 20e siècle

A cette époque, les constructions en fer semblent avoir atteint le maximum de leurs possibilités. L'ouvrage le plus important est la coupole pour l'exposition de LYON de 1894 (diamètre de 110 m).

A la fin du 19e siècle, le béton armé envahit rapidement le domaine des constructions courantes.

III - READAPTATION DE L'ARCHITECTURE DANS LA SOCIETE INDUSTRIELLE

Les architectes académistes se trouvaient désarmés pour les réalisations de nouveaux programmes dans cette période.

Il s’agissait de programmes concernant les fonctions essentielles du régime industriel.

Autour de ces constructions se polarise le conflit architecte-ingénieur, et chez les architectes le conflit entre académistes et rationalistes.

La polémique entre le néo-classique et le néo-gothique rentre dans l'impasse ; ainsi se répand l'attitude éclectique : les premières histoires universelles commencent à circuler.

1 La crise de l'éclectisme

Des philosophes tentent de théoriser l'idée de l'histoire de l'art, et recommandent l'éclectisme à leurs contemporains.

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La pratique de l'éclectisme s'accompagne d'une mauvaise conscience diffuse.

La technique de la construction favorise la naissance de l'espace architectural moderne.

Les expositions universelles témoignent de cet exclusif progrès matériel dans la construction. Le contrôle architectural devient de plus en plus difficile et préoccupant.

La polémique sur l'utilisation de nouveaux matériaux et les rapports entre l'art et la science renaît dans les revues.

2 Viollet-le-Duc (1814-79)

En 1863, il obtient de l'empereur une réforme de l'académie des Beaux-Arts qui modifie le plan d'études et atténue son orientation classique.

Il en résulte une polémique violente qui dure jusqu'en 1867, date à laquelle un nouveau décret annule la plupart des réformes. Il s'agissait d'inclure dans les programmes l'étude du Moyen-Age en plus de celle de l'Antiquité et de la Renaissance.

Viollet-le-Duc va proposer une opération de récupération en mythifiant l'architecture gothique à laquelle il va appliquer une théorie rationaliste. Cela signifie l'inspiration des méthodes de l'époque pour inventer une logique constructive moderne.

La logique, pour lui, est plus importante que les éléments du vocabulaire formel. Ce retour à la logique gothique est aussi pour lui le moyen d'intégrer la nouvelle science de l'ingénieur.

Il voit dans l'architecture gothique un mécanisme analogue aux productions de l'industrie naissante. Cette idée est l'une des bases du fonctionnalisme de l’architecture moderne.

Toute sa vie, Viollet-le-Duc a lutté contre l'académisme, il voulait rompre avec l'opposition architecte-ingénieur et architecture-science qu'engendrait l'académisme. Il rejetait toute idée de style figé et voudrait que l'architecture soit plus de son temps.

Il n'avait pas les connaissances nécessaires pour contrôler le réalisme de ses propositions.

Ce sont plus ses idées que ses solutions qui ont tenté de réadapter et d'intégrer l'architecture à la tendance industrielle.

3 Le rationalisme néo-classique : Labrouste (1801-75)

Elève de l'Académie, il va en Italie mais trouve l'architecture trop éloignée de la vie réelle. A son retour, il critique violemment l'école des Beaux-Arts, et ouvre une école privée d'architecture où il enseigne la stricte adhésion aux exigences fonctionnelles et constructives.

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Sa théorie sur la construction et la fonction ressemble à celle de Durand, mais ses affirmations se teintent d'une idéologie précise. En tant que pédagogue, il cherche à rationaliser la production architecturale par une approche méthodologique.

La révolution de 1848 porte un coup très grave à ses espoirs et à tous ceux qui voulaient réunir l'art, la science et la politique. En 1856, Labrouste ferme son école.

4 La bibliothèque Sainte-Geneviève (1843)

Labrouste projette cette bibliothèque et en 1855 celle impériale, où il utilise une structure en fer enveloppée de pierres ornées à l'antique. Ce bâtiment relève d'une conception nouvelle :

différenciation entre l'enveloppe et l'intérieur ; à l'extérieur, les noms gravés dans la pierre se trouvent de l'autre côté du mur ;

c'est un bâtiment moderne par son mode de production intellectuel, matériel et rationnel : il exprime la répétitivité qui va devenir un des problèmes-clé de l'ère industrielle.

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5 Avènement de l'art nouveau

Le néo-gothique produit un réexamen de l'héritage artistique et invite à analyser les procédés "modernes" de construction. Les maîtres de l'art nouveau sont un produit des théories de Viollet-le-Duc, de Ruskin et de Morris. Leur langage, résolument anti-traditionnel, est indépendant des modèles historiques.

C'est un mouvement analogue à celui baroque lors de la Renaissance, et ouvre les voies du "libéralisme" dans la conception moderne de l'espace architectural. Il assure l'articulation entre l'académisme général du 19e siècle et les avants-gardes de l'architecture moderne.

CONCLUSION

La culture du 19e siècle n'était pas consciente des transformations en cours dans la société industrielle.

Le mécanisme et le matérialisme n'ont pu acquérir une influence généralisée qu'en passant du domaine philosophique au domaine scientifique industriel. La "science" considérée comme essentiellement solidaire de l'industrie, doit à cet égard occuper le premier rang.

Les hypothèses sur lesquelles elle prétend se fonder, bénéficieront elles-mêmes de cette situation privilégiée aux yeux de l'homme commun occidental. Les applications pratiques ne dépendent en rien de la vérité de cette hypothèse.

Pour l'esprit instinctivement utilitariste (bientôt pragmatiste) du "public" moderne, la "réussite" ou le "succès" devient comme une sorte de "critérium" de la vérité.

Les éléments de l'avènement industriel importés Outre-Atlantique, se développent rapidement et révèlent des conséquences adaptables dans tout l’Occident. C’est une architecture coloniale dans une Amérique "pacifiée" de ses habitants nomades confrontés à un sédentarisme accentué au plus grand degré connu par l'humanité.

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Bibliographie :Ouvrages

1. BENEVOLO Bernardo, "Histoire de l’architecture moderne", éditions Dunod, Paris 1988, 4 tomes2. GARAUDY Roger, "Promesses de l'Islam"

3. GUENON René, "La crise du monde moderne", édition Gallimard 1927

4. GUENON René, "Le règne de la quantité et les signes des temps", édition Gallimard 1945

5. LEBLOIS Olivier, "L'espace architectural moderne", notes de cours, Ecole Spéciale d'Architecture de Paris 1980

6. PEVSNER Nikolaus, « Génie de l’architecture européenne », éd. Librairie Générale Française, Paris 1970, 2 tomes

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7. RAGON Michel, "Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes", éditions Casterman, Paris 1986

8. RICHARDS J-M, « L’architecture moderne », éditions Librairie Générale Française, Paris 1968

9. RUSSELL Bertrand, « Histoire de la philosophie occidentale », éditions Gallimard, Paris 1952

Mémoires ENA1. ASRAOUI Abdelilah, BELEHCEN Mohammed & JADID Khalid, “Vers un espace communautaire”,

juin 19942. HASSOUNI Omar, "Objets, concepts, méthodes, essai de synthèse, exemple de Salé", juin 1993

3. LIMANE Saïd & REDA Mohammed, "Espace musulman : réalités et modèle", juin 1994

4. YOUNSI Habiba, "L’architecture occidentale au Maroc", juin 1998

Publié par Larbi BOUAYAD à l'adresse 04:01 0 commentaires Libellés : HTA 3 HTA S4 Fès - 2011

dimanche 23 décembre 2007

L'architecture du début de l'ère industrielle

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INTRODUCTION

Les transformations survenues au cours de l'avènement industriel vont contribuer à changer les attitudes mentales. La sensibilité néo-classique et les méthodes de calcul découlent toutes de la mentalité analytique de cette époque.

L'architecture de l'ère industrielle et l'influence des mutations survenues dans les modes de construction vont contribuer à la naissance de l'espace architectural "moderne", en tant que "manifestation de la quantité" dans le domaine de la construction.

I - L'ERE INDUSTRIELLE

Les premiers bâtiments qui se servent réellement du potentiel de l'industrie ne sont construits qu'après 1850 à l'époque des ingénieurs

1 - Avènement industriel et contexte général

Cet avènement provoque des mutations caractérisées par :

- une augmentation de la population

- une augmentation de la production industrielle

- la mécanisation des systèmes de production

L'augmentation de population n'est pas due à un accroissement du taux de natalité ni à un excédent des immigrations par rapport aux émigrations, elle est due à une réduction décisive du taux de mortalité. Les causes de cette réduction sont surtout d'ordre hygiénique caractérisées par :

- une amélioration de l'alimentation et de l'hygiène

- le progrès de la médecine

- l'organisation des hôpitaux

L'augmentation de la population s'accompagne d'un développement inhabituel de la production. Cette augmentation de la production est à la fois quantitative et diversifiée.

Ces transformations sont surtout sensibles en Angleterre vers le milieu du 18e siècle et en France vers 1800 alors qu'elle y était le point de mire sur le plan culturel et politique entre 1750 et 1800.

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Les textes de cette époque sont marqués par une certaine forme de négativité, de refus, de critique. On revendique une liberté abstraite de tout contexte social réel, on combat pour la Raison en oubliant l'Histoire".

2 - Conception architecturale

En 1750 apparut le premier bâtiment en reprise de style gothique (le classicisme) et Baumgarten introduit en Allemagne le mot esthétique correspondant à un concept nouveau.

Le contexte architectural de cette époque se caractérise surtout par la négative. Le doute s'introduit dans l'esprit des architectes.

La présence "immédiate de l'architecture classique donne un coup mortel au "mythe classique" dans la mesure où elle pose une alternative :

- soit copier les modèles de l'architecture classique

- soit chercher ailleurs une architecture "moderne"

a - Le néo-classicisme

Les règles classiques sont devenues des méthodes conventionnelles pour les artistes de l'époque. Il s'est effectué un réel renversement culturel.

Le classicisme, au moment où il est précisé expérimentalement, devient une convention arbitraire et se transforme en néo-classicisme. Le même traitement va être appliqué à tous les types de forme du passé.

b - L'historicisme

Il se présente comme une ouverture vers l'avenir. Il va permettre les nouvelles expériences qui conduiront au mouvement moderne. Une conséquence immédiate de ce mouvement est la division de la tâche de l'architecte en différentes compétences.

Les styles sont devenus innombrables. Les exécutants devront se limiter au travail mécanique de réaliser des dessins déterminés sans participation personnelle au travail. Le moyen d'exécution adapté à une telle situation est justement la machine qui porte aux solutions les moins coûteuses. L'architecte se réserve le côté artistique, et laisse à l'ingénieur la partie constructive et technique.

Il y'a eu un flottement de toutes les valeurs de la société "pensante". L'esthétique est née de cette relativisation culturelle, condamnée à n'être qu'un système d'analyse, impuissant à produire.

c - L'éclectisme et l'académisme

Ce flottement de valeurs s'est maintenu en architecture jusqu'en 1850 et il dure encore aujourd'hui. Il a été caractérisé par une accélération de la fréquence des emprunts historiques qui se succèdent jusqu'à se chevaucher dans l'architecture éclectique.

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L'éclectisme, c'est le mélange dans un même bâtiment de plusieurs "styles" afin de retrouver par la recherche archéologique, les fondements d'une vérité universelle, d'une architecture universelle.

II - MUTATIONS DES TECHNIQUES DE CONSTRUCTION

Le mot "construction", à la fin du 17e siècle, englobait toutes les réalisations de grandes dimensions dans lesquelles l'aspect mécanique n'est pas prépondérant.

Ce mot sans adjectif, désigne les activités encore liées aux systèmes "traditionnels" et associées habituellement aux concepts d'"architecture". Dès que l'une de ces activités se développe pour son compte de manière considérable, elle se détache des autres et devient une spécialité indépendante.

1 - Les systèmes de construction

Au 18e siècle, le soucis principal est de construire de nouvelles voies de communication efficaces : des routes et des canaux.

En France, la monarchie accorde une grande attention à la viabilité (règlement de Colbert), beaucoup plus pour des raisons visuelles que pour répondre à des exigences de trafic. De très fréquentes réparations étaient à la charge de la population des territoires traversés. Il s'agissait de 30 à 50 journées de travail par an.

En Angleterre, le réseau routier s'améliore à partir de 1745 par les "Turnpike acts". A la fin du siècle, les ingénieurs établissent le Macadam qui réduisit le coût des routes. Ce procédé est encore utilisé de nos jours.

Entre temps, la géométrie descriptive permet de donner une formalisation aux projets définis sur place au moment de l'exécution. On commence à représenter le terrain par des courbes de niveau et en 1791 est proposée une méthode pour calculer le mouvement de terre.

La construction des routes et des canaux s'intensifie durant les premières années du 19e siècle pour des raisons commerciales et stratégiques.

2 - Transformation des systèmes de construction

Entre la fin du 18e et le début du 19e siècle, les nouvelles constructions routières requièrent de nouveaux ponts utilisant l'emploi de nouveaux matériaux : le fer et la fonte.

Les arts ou les métiers qui impliquent une activité s'exerçant sur le règne minéral appartiennent aux peuples sédentaires. Ces arts tendent directement à la "solidification" qui atteint son degré le plus accentué dans le minéral lui-même.

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Une ville apparaît comme une agglomération artificielle de minéraux. Aujourd'hui, ce phénomène de "condensation" poussé à l'extrême, aboutit à celui de la "cristallisation" des villes dans leur forme et leur contenu. La vie dans la ville correspond à un sédentarisme encore plus complet que la vie agricole, de même que le minéral est plus fixe et plus "solide" que le végétal.

A notre époque, le métal tend de plus en plus à se substituer à la pierre dans la construction, comme la pierre s'était autrefois substituée au bois. C'est une phase plus "avancée" dans la marche du monde "industrialisé" et "mécanisé".

a - le bois

Au 16e siècle, la théorie des poutres triangulées n'a que de rares applications. Ce concept est alors repris par les constructeurs suisses tels le pont sur le Rhin à Schaffhouse et le pont sur la Limmat à Wattingen (1777-78).

En 1804, aux Etats-Unis, près de Philadelphie, on jette un pont sur le Schuylkill. La même année est construit le pont de Trenton sur le Daleware. En 1809 est édifié un pont sur le Regnitz à Bamberg.

Ce sont des ponts de grande portée dont certains ont pu franchir les 100 m.

b - la pierre

La construction en pierre de taille, concentrée en France, sert d'exemple à l'Europe. C'est l'oeuvre des ingénieurs formés à l'Ecole des Ponts et Chaussées.

On construit en 1768 le pont de Neuilly, le pont de la Concorde étant terminé peu avant la Révolution, et plusieurs autres ponts sont jetés dans différentes villes de France. Des innovations sont introduites.

Cette "légèreté" des ponts est obtenue par une maîtrise des assemblages en pierre de taille, des coffrages et des fondations. A cette époque, "l'art de tailler les pierres selon une forme donnée" (stéréotomie) se fonde sur les principes de la géométrie descriptive.

c - le fer

L'industrie en permet des applications plus larges en introduisant de nouveaux concepts dans les techniques de construction.

Le fer n'est d'abord utilisé que pour des prestations complémentaires, c'est vers la fin du 18e siècle, qu'il est utilisé pour certaines couvertures légères comme celle du théâtre français de Bordeaux (1786). Mais le développement limité de l'industrie sidérurgique fixe une limite insurmontable à la diffusion de ces systèmes.

En Angleterre, la production de fer augmente, à la fin du 18e siècle, à la mesure des nouvelles demandes. Dès la première moitié du 18e siècle, le charbon de bois est remplacé par du coke. On réussit en 1740 à obtenir un matériau bien meilleur que ceux connus jusqu'alors.

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Ce n'est qu'après le milieu du siècle que ces procédés sont diffusés dans le domaine public. Le perfectionnement de la machine à vapeur fut obtenu en appliquant au cylindre de la nouvelle machine un procédé connu pour le forage des canons.

Le premier pont de fer est construit de 1777 à 1779 sur la Severn près de Coalbrookdale. En 1786, les éléments d'un pont destiné à l'Amérique sont rachetés en Angleterre et jetés en tant que pont sur le fleuve Wear au Sunderland, d'une portée de 236 pieds.

Pendant la même année, un autre pont (2ème) est construit sur la Severn, long de 130 pieds et d'un poids de 173 tonnes au lieu de 378 tonnes de celui de Coalbrookdale.

En 1801, on propose de remplacer le pont de Londres par une seule arche en fonte, d'une longueur de 600 pieds. L'entreprise est abandonnée pour des raisons de spéculation foncière.

L'utilisation de la fonte dans la construction s'élargit, des colonnes et des poutres en fonte forment l'ossature de plusieurs édifices industriels et permettent de couvrir de larges espaces avec des structures relativement légères et ininflammables (ex. de la filature de coton construite à Manchester en 1801).

La structure du pavillon royal de Brighton (1818) est en fonte. Les décorations en fonte de cette première période -fin du 18e/début 19e siècle- sont souvent exécutées de façon convenable supérieure aux exécutions commercialisées de la période suivante. Sur le continent, cette industrie était encore à ses débuts (Pont de Laasan de 19 m en 1796, certains ponts de jardins français).

Le régime napoléonien encourage l'industrie sidérurgique française, et il devient possible de construire d'importants ouvrages en fer comme le pont des Arts exécuté entre 1801 et 1803, et la coupole édifiée en 1811 de la salle circulaire de la Halle au Blé à Paris. Après la Restauration, l'emploi du fer s'étend en France à de nombreuses réalisations.

A la fin du 18e siècle, l'idée prend consistance des ponts suspendus à des chaînes de fer, mieux adaptées aux grandes portées que les ponts en fonte et offrant une moindre inertie aux sollicitations dynamiques. Le premier exemple connu est une passerelle pour piétons sur le fleuve Tees, longue de 70 pieds (1741). Au cours de la dernière décennie du 18e siècle, les Etats-Unis en fournissent plusieurs exemples.

En 1813, un officier de la marine anglaise construit un pont sur la Tweed, long de 110 m et considéré comme le prototype des ponts suspendus européens. Entre 1818 et 1826, un pont long de 176 m est élevé sur le Menai et un autre d'une moindre portée sur le Conway.

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En France, le pont des Invalides est construit en 1823 au prix de grandes difficultés. En 1825, une entreprise qui exécutera en France plus de 80 ponts suspendus, construit son premier pont à Tournon sur le Rhône. En 1834, se termine le pont sur la Sarine à Fribourg en Allemagne, détenant le record du plus long pont suspendu d'Europe avec une portée de 273 m. En 1836, est construit le pont sur l'Avon à Bristol, long de 214 m et considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de l'ingénierie du 19e siècle.

d - le verre

L'industrie du verre est également sujette à des transformations technique au cours de la deuxième moitié du 18e siècle.

De grandes verrières en fer et verre sont utilisées dans de nombreux édifices publics comme dans l'église de la Madeleine. En 1829, on couvre de verre la Galerie d'Orléans du Palais Royal, qui sera le prototype des passages publics du 19e siècle. Le verre est utilisé dans la construction de certaines grandes serres au jardin des Plantes à Paris en 1833, à Chatsworth en 1837, aux Kew Gardens en 1844.

Les premières gares ferroviaires et les nouveaux magasins habituent les architectes à projeter des parois entièrement vitrées. Le Palais Cristal construit en 1851, résume toutes ces expériences.

3 - Technique de la construction courante

Les hygiénistes et les réformateurs sociaux de la première moitié du 19e siècle constatent que la qualité des habitations a empiré, tant sont grandes la hâte et la pression de la spéculation.

L'esprit illuministe du 18e s'intéresse avec curiosité à toutes les applications techniques. L'utilisation des matériaux conventionnels de cette époque se modifie.

Au cours de cette période, on assiste au remplacement du papier huilé par le verre pour les fenêtres, ainsi que celui de la paille par l'ardoise ou la terre cuite pour les couvertures. On utilise le fer et la fonte partout où cela est possible.

Un traité en 1802 compare le fer doux au bois et affirme que le premier peut remplacer le second. En 1789, on expérimente ce système, mais la crise qui suit la révolution française interrompt ces expériences. Les métaux sont introuvables et en 1793, un mémoire de la Convention recommande l'interdiction de l'emploi du fer.

Les expériences reprennent en 1800, mais la solution est trouvée en 1836 par la production industrielle des poutrelles en fer à double T, qui remplacent peu à peu les vieilles structures en bois.

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On construit quand même des taudis inhabitables décrits par des enquêtes anglaises et françaises entre 1830 et 1850. On se plaint très fréquemment de l'habitat insalubre malgré les progrès de l'hygiène qui a profité même après la révolution à une infime partie de la population. Ce qui fait la force des enquêtes réside dans leur conviction que les misères constatées ne sont pas un destin inévitable, mais qu'elles peuvent être éliminées par les moyens disponibles.

III - L'ARCHITECTURE DE L'AVENEMENT INDUSTRIEL

De cette époque, vont se constituer les fondements d'un nouvel espace architectural où l'espace, comme matière de travail, est absent. Ces fondements vont se constituer par des architectes qui n'auront pas beaucoup construit.

De là, date le fonctionnalisme (Laugier) où la forme, originale, est un résultat, l'expressionnisme (Ledoux) où la forme parle et où le volume sont des signes autonomes, et la trame (Durand) qui va engendrer le plateau Beaubourg.

Nous allons voir trois exemples d'architectes illustrant l'époque productive de 1745-56, ainsi que les oeuvres des théoriciens utopistes et rationalistes. Concepts effectués sous le signe du rationalisme digne du "Siècle de Lumière", le premier produit du rationalisme fut le mécanisme cartésien. Le matérialisme ne devait venir que plus tard, puisque ce mot et sa chose ne datent proprement que du 18e siècle.

1 - Le postulat du rationalisme

Lié à la conception même d'une science quantitative, le rationalisme remonte à Descartes. Il se trouve ainsi dès son origine associé directement à l'idée d'une physique "mécaniste".

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Le rationalisme se définit essentiellement par la croyance à la suprématie de la raison, proclamée comme un véritable "dogme", et impliquant la négation de tout ce qui est d'ordre supra-individuel, notamment la révélation pure.

Rationalisme et individualisme sont étroitement solidaires.

Le rationalisme de l'espace de représentation est pour le modernisme un maillon essentiel du passage d'une architecture "humaniste" -de la Renaissance- à celle de la société industrielle. Il y a eu là préparation des bases d'un nouveau départ, celui d'une architecture "raisonnée".

2 - L'époque productive, exemple de Laugier

Contemporain de Diderot et de Voltaire, Laugier est un ecclésiastique. Théoricien pur, il n'a jamais construit. Il s'explique lui-même : "La théorie des arts est le propre des philosophes, l'exécution celui des artistes".

Le premier souci de Laugier c'est de trouver aux formes architecturales un système d'explication, une raison d'être distincte de la tradition. Il puise dans les deux domaines de la nature et de la théorie pure.

Les axiomes peuvent être classés en trois chapitres :

a - ceux concernant la structure

b - ceux concernant la fonction

c - ceux concernant la forme :

- nécessité d'une typologie

- l'originalité formelle

- combat contre l'ornement

Cette classification est implicite chez lui mais va être explicite chez d'autres qui combattent la tradition en défendant une logique constructive avec une approche esthétique. Laugier n'a pas produit et défend une production en apparence néo-classique.

3 - Les utopistes, exemple de Ledoux

Ces architectes "illuministes" ont peu construit et beaucoup dessiné des projets que personne ne leur demandait et qui correspondaient à des institutions qui n'existaient pas. Ce sont ces monuments abstraits dont la première et unique fonction est d'exprimer.

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Conceptions purement abstraites qui cherchent à faire de l'architecture une véritable fonction sociale dans une société idéale universellement "humaine". Aucun d'eux n'a traduit en architecture cette forme symbolique, et ceux qui ont construit ont conçu des abstractions.

Ledoux en est un cas, il s'est posé le problème de l'espace industriel au sens de l'espace de l'usine à Chaux. Mais il y a absence totale des espaces constitués et des espaces signifiants.

4 - L'invention de la trame (1800), Durand (1760-1834)

Il fallait que les ingénieurs formés dans les nouvelles écoles puissent rapidement s'initier aux principes de l'architecture pour être capables de projeter les bâtiments utilitaires de la nouvelle société.

Ce dont ces futurs ingénieurs avaient besoin, c'était d'une systématisation parce qu'il fallait des recettes qu'on ne remette pas en question à chaque projet. C'était surtout une demande de rationalisation constructive et économique. Durand a répondu à cette demande en fournissant à ses étudiants des modèles de bâtiments et des modèles de méthode du projet. Sa démarche est linéaire suivant trois étapes :

a - La connaissance des éléments constructifs :

- Soit par leur traitement géométrique

- Soit par leur traitement sémiologique ne qualifiant aucun des éléments en gardant les signes dans un code graphique épuré et abstrait.

b - La combinaison des éléments de base :

Où intervient la méthode du papier quadrillé pour faciliter le dessin des plans et rendre plus rapide les exposés. Cette méthode s'est avérée rapide et rentable pour combiner les éléments de base et éviter de se poser des problèmes métaphysiques.

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c - L'assemblage des parties :

C'est la géométrie euclidienne pure qui fournit le moyen "objectif" de cette totalité. Seule étape où intervient un choix "qualitatif" pour rejoindre l'architecture parlante des illuministes. Durand se sert de la trame comme d'une grille figée à laquelle doivent se plier les éléments de base, eux-mêmes figés depuis le départ sans objectif architectural".

5 - Le rationalisme et l'architecture

Les utopistes, précurseurs de toutes les tendances actuelles qui considèrent l'architecture comme acte de communication ont eu l'influence la plus désastreuse" sur les générations qui ont suivi :

- en renforçant l'attitude typologique

- en illustrant la disparition de l'espace comme matière de travail de l'architecte

- en croyant qu'ils pouvaient inventer un langage architectural et l'imposer

Durand a voulu faire rentrer l'architecture dans "le rond utilitaire" mais elle n'en est pas sortie vivante.

Elle augure l'architecture moderne qui va se présenter comme un moyen d'agencer des moyens et qui va se consumer dans l'agencement de ces moyens avec l'incapacité de se poser la question de sa raison d'être, de son origine et de sa finalité.

Les utopistes essayaient de se faire comprendre de l'homme universel par l'emploi du vocabulaire universel de la géométrie rationalisée et dénudée de ses symboles traditionnels. Ils ont échoué parce que tout simplement cet homme universel n'existe pas.

Dans les traités traditionnels, l'Islam commence par critiquer le scepticisme (rejet de la révélation), l'agnosticisme (diminution de l'importance de la raison et de la connaissance), le nihilisme (libertinage délaissant toute valeur éthique)... Les traités traditionnels de l'Islam indiquent explicitement que la RAISON est le pouvoir humain de connaître.

De ce fait, l'"objectivité" n'a rien à faire avec le rationalisme. D'ailleurs qu'est ce que le rationalisme sinon la limitation de l'intelligence à la seule mesure de l'homme ? Dans cette conception, l'essence logique reste toujours impersonnelle et qualitative.

Dire que cette conception découle de la science ou de la raison ne signifie nullement qu'elle soit rationaliste. Bien au contraire, car ici la raison ne paralyse pas l'inspiration, elle s'ouvre sur une beauté non individuelle. La raison n'est pas seulement formelle, l'homme peut connaître la vérité.

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CONCLUSION

Au cours de cette période commencent à se distinguer des problèmes de pratique constructive qui sont pris en main par des ingénieurs alors que les architectes perdent le contact avec les exigences concrètes de la nouvelle société.

Le mot "classicisme" recouvre une série de courants qui entretiennent des rapports différents avec le développement des techniques de construction :

- ou bien on recourt aux lois de la beauté, supposées éternelles, qui fonctionnent comme une sorte de principe de légitimité

- ou bien on invoque des raisons de contenu nostalgique en exaltant des vertus civiques

- ou bien simplement on reconnaît au répertoire classique une existence de fait, dictée par la mode et l'habitude

La première position est défendue par des théoriciens et des académiciens étroitement liés à l'imitation des anciens, tel Baltard.

Les partisans de la deuxième position ont recours à l'art comme profession de foi politique.

La troisième position est théorisée par les nouvelles écoles d'ingénieurs et mise en oeuvre par les projeteurs de la Restauration et par la foule des ingénieurs qui ne nourrissent aucune ambition artistique.

Les architectes tenants des première et deuxième positions forment une minorité cultivée. C'est le néo-classicisme idéologique.

Pour les tenants de la troisième position, la majorité des constructeurs, le néo-classicisme est une simple convention permettant de développer l'approche analytique des problèmes pratiques de distribution et de construction. C'est le néo-classicisme empirique.

Alors que les premiers attribuent aux formes antiques des significations symboliques et engagent une bataille idéologique planant au-dessus des réalités concrètes, les empiriques eux utilisent les mêmes formes en explorant les nouvelles contraintes de la ville industrielle.

Durand, élève de Boullée utilise son héritage complexe et théorique pour transmettre à la génération suivante des règles pratiques adaptées aux tâches proposées. Il critique la notion traditionnelle des ordres et réfute la théorie de Laugier et des théoriciens qui voudraient donner aux ordres une prétendue universalité.

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Les figures du traité Durand annoncent toute la production des ingénieurs du 19e siècle :

- la manière de composer par rapprochement mécanique

- l'indépendance du dispositif structurel par rapport à la finition des éléments

- la réduction du choix du projeteur par la préférence pour les côtes en chiffres ronds et pour les formes élémentaires

- l'absence de principes "irrationnels" et traditionnels ou même de l'espace signifiant

Ainsi, les ingénieurs vont préparer ainsi les moyens dont se servira le mouvement moderne. Ils font peser en même temps, sur ces moyens, une lourde hypothèque culturelle.

Le mouvement moderne va accorder une importance particulière à la recherche formelle pure au nom de la "créativité".

D'où cette différence qui sépare l'art abstrait de l'Islam de l'"art abstrait" moderne :

dans l'"abstraction", les modernes aboutissent à la dispersion dans la multiplicité ;

pour l'artiste musulman, l'art abstrait manifeste le plus directement l'Unité dans la diversité.

A partir de 1800, l'architecte n'est plus tout seul. Il faudra qu'il compte désormais avec la présence de deux rivaux qui vont intervenir dans la production de l'espace : l'ingénieur et l'administrateur devenus les nouveaux idéologues de l'espace.

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Bibliographie : Ouvrages

1. BENEVOLO Bernardo, "Histoire de l’architecture moderne", éditions Dunod, Paris 1988, 4 tomes

2. Collection "Architecture universelle", éd. Office du Livre, Fribourg : « Baroque » et « Baroque ibérique »

3. GUENON René, "Le règne de la quantité et les signes des temps", édition Gallimard 1945

4. LEBLOIS Olivier, "L'espace architectural moderne", notes de cours, Ecole Spéciale d'Architecture de Paris 1980

5. PEVSNER Nikolaus, « Génie de l’architecture européenne », éd. Librairie Générale Française, Paris 1970, 2 tomes

6. RAGON Michel, "Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes", éditions Casterman, Paris 1986

Page 34: LA CONTRIBUTION AMERICAINE A LA NAISSANCE DE L'ARCHITECTURE MODERNE HTA

7. RICHARDS J-M, « L’architecture moderne », éditions Librairie Générale Française, Paris 1968

8. RUSSELL Bertrand, « Histoire de la philosophie occidentale », éditions Gallimard, Paris 1952

Mémoires ENA 1. ASRAOUI Abdelilah, BELEHCEN Mohammed & JADID Khalid, “Vers un espace communautaire”,

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