La Contre Democratie Su Rosanvallon

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LA CONTRE-DÉMOCRATIE LA POLITIQUE À L'ÂGE DE LA DÉFIANCE DE PIERRE ROSANVALLON Frédéric Dupin Vrin | Le Philosophoire 2006/2 - n° 27 pages 257 à 263 ISSN 1283-7091 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2006-2-page-257.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Dupin Frédéric,« La contre-démocratie La politique à l'âge de la défiance de Pierre Rosanvallon », Le Philosophoire, 2006/2 n° 27, p. 257-263. DOI : 10.3917/phoir.027.0257 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Vrin. © Vrin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.163.236.151 - 24/03/2015 15h26. © Vrin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.163.236.151 - 24/03/2015 15h26. © Vrin

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  • LA CONTRE-DMOCRATIE LA POLITIQUE L'GE DE LADFIANCE DE PIERRE ROSANVALLON

    Frdric Dupin

    Vrin | Le Philosophoire

    2006/2 - n 27pages 257 263

    ISSN 1283-7091

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Dupin Frdric, La contre-dmocratie La politique l'ge de la dfiance de Pierre Rosanvallon , Le Philosophoire, 2006/2 n 27, p. 257-263. DOI : 10.3917/phoir.027.0257--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Le Philosophoire, n27, 2006, p. 257-263

    La contre-dmocratie La politique lge de la dfiance

    de Pierre Rosanvallon

    Frdric Dupin

    Pierre ROSANVALLON, La contre-dmocratie, la politique lge de la dfiance. Paris, Seuil, 2006, 345 p.

    parler rigoureusement, il ny a probablement rien que lon puisse saisir sous les expressions de question du meilleur rgime ou de

    question dmocratique . Marque dun dfaut ou dun manque, une question appelle, en effet, une rponse qui en puise linquitude, en mme temps quelle en rend obsolte la ritration. Il en va tout autrement dun problme et de sa solution, lesquels supposent toujours du ct de lesprit comme un surplus ou une abondance contradictoire dfinissant en propre la difficult. On pose une question ; un problme se pose, et na de sens que pour le sujet qui fait ainsi leffort de le comprendre.

    La dmocratie ne saurait donc se prsenter sous la forme dune question, cest--dire comme un simple objet historique et politique dont nous naurions qu nous informer et, ds lors, nous tenir quitte. Il nous faut, linverse, saisir par son moyen un tissu de contradictions et dimpossibilits qui, peut-tre, dfinissent en propre moins la seule histoire contemporaine dune portion de lOccident que lensemble du problme politique lui-mme, ramen alors lhypothse et au projet dune socit dhommes libres se gouvernant eux-mmes. Pour Pierre Rosanvallon, les donnes gnrales de ce problme peuvent ainsi se comprendre, suivant la belle formulation quil en donne dans sa leon inaugurale au Collge de France, comme la tension constitutive entre le rve du Bien et la ralit du flou 1. Entendons par l le rve dune communaut dgaux affranchis de loppression collective par un commun

    1 Pour une histoire conceptuelle du politique, Leon inaugurale au Collge de France,

    donne le 28 mars 2002, Paris, Seuil, 2003 p. 15.

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    effort dintelligence et de dialogue, et le flou dune histoire trouble, souvent violente, qui semble chapper de toutes parts aux catgorisations disciplinaires. En ce sens, la dmocratie apparat moins comme un fait social isolable ou assignable, que comme une exigence travaillant le social lui-mme, par del les diversits culturelles ou historiques, et sy rflchissant, tantt sous la forme dinstitutions et de pratiques, tantt sous celle didologies, denthousiasmes ou de rejets. Ds lors, saisir lhistoire de la dmocratie impose une mthode spcifique, que Rosanvallon appelle par ailleurs histoire conceptuelle du politique : mthode ncessairement cohrente avec lessence du politique, qui consiste en un enchevtrement du philosophique dans lvnementiel, en un travail du social dans le conceptuel et en une tentative permanente dinventer lavenir en dissociant le vieux du neuf 2. Ni prophte de lavenir, ni lecteur dsabus du pass, lhistorien politique participe ainsi immanquablement du mouvement quil dcrit, parce que, introduisant une certaine visibilit dans lordre politique, il sintgre une constante construction du prsent, ainsi que le rappellent les dernires pages de ce nouvel ouvrage3.

    Il convenait de rappeler ces quelques lments, comme ce parti pris mthodologique dune histoire politique conue comme exprience intellectuelle, avant daborder le dernier ouvrage de Pierre Rosanvallon, si lon souhaite en saisir vritablement la spcificit et lambition. La contre-dmocratie peut apparatre en effet comme un ouvrage de circonstance, voire, sous un autre rapport, comme un ouvrage charnire dans luvre prolifique et exigeante de son auteur ; cest l, quoiquil en soit, un ouvrage important.

    Ouvrage de circonstance, tout dabord, dans la mesure o il semble solder dfinitivement lchec relatif dun effort dintgration concerte des forces civiles dans lconomie politique de la dmocratie moderne. Hier au travers de la fondation Saint-Simon, avant-hier avec la CFDT, Rosanvallon stait ainsi fait le promoteur dune participation des lites civiles, des citoyens capacitaires , luvre commune. Une certaine ide du dialogue social, de la reprsentation politique comme explicitation et rvlation des tendances collectives4, devait asseoir un socialisme de troisime voie, entre la crispation tatique et la rsignation une adaptation aveugle. Lhistoire rcente de la sociale-dmocratie na, semble-t-il, pas emprunt ce chemin. Les voies du dialogue social, de la concertation claire, ou plus simplement encore de lautorit dmocratique, nont cess dtre progressivement occultes par les forces sourdes ou diffuses de la contestation sociale. Bien plus, lhypothse dune dmocratisation sereine et confiante delle-mme parat de moins en moins crdible. Do le paradoxe suivant : la forme dmocratique na jamais

    2 Le sacre du citoyen, histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992,

    2001, p. 24. Nous soulignons. 3 Le savant et le politique in La contre-dmocratie, p. 321-322. Lauteur cherche

    ainsi un moyen terme raliste , en analyse politique, entre Aron et Sartre, la lucidit impuissante et lengagement aveugle. 4 Le travail pionnier sur le libralisme franais de 1830 en constitue, cet gard, une

    matrice passionnante. Voir, Le moment Guizot, Paris, Gallimard 1985.

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    t aussi prsente parmi les communauts humaines, elle a toutefois rarement t autant conteste de lintrieur. Cette tension serait ainsi incomprhensible si lon nen venait pas considrer comment, paralllement lextension des formes lectorales et reprsentatives de la dmocratie, sest form tout un enchevtrement de pratiques, de mises lpreuve, de contre-pouvoirs sociaux informels, mais galement dinstitutions, destins compenser lrosion de la confiance par une organisation de la dfiance 5. Labandon de la voie syndicale et technocratique pour celle de la nouvelle critique sociale apparat alors, certes comme un revirement circonstanci, mais en aucun cas comme un recyclage opportuniste. Lmergence dune nbuleuse organisant la dfiance, suivant les trois modalits contre-dmocratiques (la surveillance des pouvoirs, les formes dobstruction et de censure exerce leur endroit, et enfin lexercice globale de mise en jugement du politique) modifie ainsi la donne et contraint lhistorien saisir la ralit dmocratique depuis un angle nouveau, la fois plus global, et plus diffrenci. Cest bien l le but du travail initi par la Rpublique des ides , collection dirige par Rosanvallon au Seuil, et dont La contre-dmocratie constitue en quelque sorte le livre programme, en fixant son cadre thorique et en explicitant ses propres prsupposs.

    Sous ce rapport, le livre apparat donc bien comme un ouvrage dactualit. Il fait, par ailleurs, largement droit aux modifications de lespace public engendres par la forme nouvelle de visibilit et de surveillance citoyenne quincarne le rseau internet, et nignore rien des formes neuves de militantismes et de contestation (ONG, associations, mais aussi populisme latent, vote sanction etc.) qui structurent dsormais le quotidien de notre vie dmocratique. Toutefois, la force de cet essai rside dans sa capacit tirer profit dune vaste rudition, comme dune intense rflexion mthodologique, de manire ne pas se laisser dborder par cette empiricit nouvelle. Cette matire doit en effet tre comprise non comme une mutation globale, un palier suprieur, dans la linarit dun devenir dmocratique donn davance, mais plutt comme lexpression dune instance plus large, prsente ds labord dans la vie collective, et simplement rendue plus explicite par les derniers dveloppement de lhistoire. Lmergence dune politique de la dfiance nest ainsi en ralit quune systmatisation de tendances structurelles, inhrentes au social lui-mme, par lequel la socit, en tant que socit civile, surveille et restreint lexercice du pouvoir politique, sans jamais sy intgrer juridiquement parlant. La contre-dmocratie nest ni un symptme ni une condition dmocratique nouvelle ; elle constitue un envers permanent du problme institutionnel pos par lexigence dune souverainet populaire. Cela implique donc une inflexion dcisive et double du travail entrepris jusqu prsent par Rosanvallon.

    Dune part, lhistoire conceptuelle du politique souvre plus largement lhistoire des murs et lhistoire sociale. En effet, il sagit prcisment dvaluer linfluence politique de dispositifs non explicitement politiques ou juridiques, denquter aux marges des formes lectorales ou reprsentatives,

    5 La contre-dmocratie p. 12

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    partir de la distance quouvre la dfiance. Rosanvallon opre ainsi un important travail de classement, partir des diffrences fonctionnelles quexpriment les formes de la surveillance (vigilance, dnonciation, notation), de la censure (veto, dissidence, rbellion) ou du jugement (jury populaire, recall, politique des juges etc.). Mais il sagit constamment de voir comment, et au travers de qui, sexerce cette souverainet non politique du social, ce pouvoir diffus, momentanment agglomr par des instances diverses, pour faire pice au pouvoir politique institu. Sous ce rapport, la dmarche nest pas sans rappeler celle du Foucault de Surveiller et punir ou de lHistoire de la sexualit. Toutefois, en sintressant non pas aux disciplines mais la puissance de rgulation porte par la contre-dmocratie elle-mme, Rosanvallon met laccent sur la surveillance du pouvoir par la socit. La contre-dmocratie mobilise en effet, mais au profit de la socit, des mcanismes de contrle analogues ceux dcrits par Foucault 6. La surveillance nest alors pas une simple raction des stratgies de pouvoirs prexistantes ; elle constitue une face, un attribut, de laction politique en elle-mme, en somme, un aspect certes distinct mais fonctionnellement quivalent la dmocratie institutionnelle. Au tragique foucaldien dune lutte constante contre les pouvoirs, dans leffort pour tre moins gouvern , Rosanvallon prfre alors un ralisme actif, qui souligne les convergences, sans omettre les invitables antagonismes, par exemple celui des prtentions rivales de la presse et des lus7. Ainsi les procdures de notations ou de vigilances trouvent souvent saccorder, sans se confondre, avec les mcanismes institutionnels, contribuant par l au progrs dmocratique. Le radicalisme dAlain, les procdures daudit en conomie ou les divers observatoires indpendants en sont quelques exemples.

    Cet effort pour relire lhistoire de la dmocratie en souvrant davantage la rflexion du social sur lui-mme permet dautre part duniversaliser la forme de la critique sociale, comme de lui ter sa contingence ractive, en lui assignant un site, entre le jeu des institutions dmocratiques (suffrages, parlements etc.) et le travail politique proprement dit (action gouvernementale, dlibration et dcision). Le bnfice est vident : il permet de rompre avec une certaine lgende dore dune institutionnalisation progressive de la socit civile. Lhistoire dmocratique nest en effet ni linaire ni homogne. Elle est faite de rebroussements et dchecs, comme, par exemple, limpossibilit, constante de Thucydide Fichte, de donner forme juridique un phorat vritable, cest--dire une expression rgulire de la dfiance sociale. Toutefois cette nouvelle approche menace alors constamment, et cest le dfaut de sa qualit, de dissoudre le concept mme de dmocratie, sous les tensions dune trop large extension. La finesse des typologies transhistoriques nvite pas toujours certaines confusions. La catgorie du jugement, par exemple, est-elle suffisamment consistante pour subsumer dun mme mouvement le procs politique Athnes, la procdure dimpeachment anglaise ou les jurys

    6 Id. p. 38.

    7 Id. pp. 107-114, la Plume et la Tribune .

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    populaires ? Au jeu des analogies, on se perd parfois et lesprit cherche lobjet. Or cette difficult obit galement aux corrlations entre mthode et sujet dtude mentionne en introduction ; elle est moins une faute quune ncessit. Disons plus, le risque de dissolution mthodologique est sans doute inhrent ltude du phnomne contre-dmocratique. Il reprsente mme la forme rflexive de la menace sociale porte par la contre-dmocratie et que Rosanvallon nomme, dans la sphre historique, limpolitique . En ce sens, le vrai objet de cette tude serait la tendance structurelle labstraction, ou au vide de la perte de sens, que porte en elle lide dun autogouvernement.

    Considrer la dfiance comme une forme de la souverainet risque en effet constamment de dissoudre la lgitimit populaire dans un nihilisme du mcontentement, ou une dmocratie faible et ngative8. La surveillance se perd alors dans la paranoa dmagogique (de Marat au tous pourris ), lempchement se fait machine de sanction strile (ainsi du 21 avril et du 29 mai9) et le "peuple-juge" se dgrade en masse procdurire et irresponsable. Lapproche transversale de la contre-dmocratie, ltude de la critique sociale comme fonction sociale, opre donc comme une forme de rvlateur de lenvers, du ngatif, de la dmocratisation. Il convient ainsi de dpasser, face aux pathologies de la dmocratie, le mythe du citoyen passif ou individualiste, car ce sujet quon voudrait indiffrent ne cesse en ralit de sexasprer, de vouloir, de critiquer, dattendre quelque chose de la promesse dmocratique, et ainsi lagite de toute lnergie de ses frustrations de citoyen. Le vritable danger dmocratique rside ainsi, moins dans une hypothtique passivit, que dans une drliction de la sphre contre-dmocratique qui, secrtement vide larbre des institutions, le ronge de lintrieur. Lactivit sociale qui lirrigue tend ainsi structurellement se muer en un acide attaquant sa substance vitale. Louvrage de Rosanvallon rpond en ce sens lurgence politique contemporaine. Urgence dune dmocratie sans dmos, prive dsormais des secours organiques de la symbolique nationale ; urgence dun ge de consumrisme politique 10 et de scepticisme civique. Le problme dmocratique rvle par la contre-dmocratie se formule ds lors ainsi : donner un contenu un systme de procdures reprsentatives, structurer les expressions dsordonnes et particularises de la conscience sociale. Se faisant, ce travail constitue une contribution originale la question librale, classique, de la limitation des pouvoirs tatiques en imposant lide dune limitation ncessairement rciproque de la dmocratie (lectorale et reprsentative) par la dmocratie (de surveillance et de jugement) afin de conjurer limpolitique et sa manifestation contemporaine, le populisme.

    Ajoutons encore cette recension quelques mots. Les difficults souleves peuvent en effet apparatre, la lecture dun tel ouvrage, comme

    8 Id. p. 175 et suivantes. La politique ngative .

    9 Nous renvoyons ce sujet la vive, quoique trs pessimiste, analyse de

    limpolitique franaise de notre dernier quinquennat dans larticle de Michel Winock : la chute. Chronique du quinquennat Le dbat numro 141, Paris, Gallimard, septembre-octobre 2006. 10

    La contre-dmocratie p. 258.

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    marques par un certain formalisme, du reste invitable compte tenu de lorientation mthodologique choisie. Deux problmes semblent par suite merger. Dune part, tendre lhistoire dmocratique au-del de la question des institutions, permet certes de rompre avec une histoire cumulative et progressive de la dmocratisation , mais on laisse ds lors ouverte la difficult concrte du devenir social historique. En quel sens lanalyse purement politique, formelle, de larticulation des procdures de dfiance ou de reprsentations, ne constitue-t-elle pas une abstraction de la ralit sociale vivante, ceci que les hommes rels agissent et ragissent en vertu dintrts et de dsirs socialement et moralement intelligibles ? Peut-on sen tenir qualifier des modes de dissidences sans rflchir dabord ce qui est combattu (limpit, la misre ou lalination), et chercher intgrer ses formes lvolution dune forme de substance historique ? Identifier les fonctionnalits dmocratiques de la dfiance ne rend pas raison des luttes relles, do du reste la dimension programmatique de louvrage. Il reviendra la Rpublique des ides de fournir les cls de chaque conflit historique, en restituant la critique sociale contenu et contexte. Mais devant cette contrainte de multiplicit et de dissmination, on peut craindre une rduplication de la forme intellectuelle, et prcisment universitaire, de limpolitique, sous lespce dune expertise spcialise et dlibrante, au final incapable dassumer une relle fonction dintelligibilit. Se pose alors le problme que Gramsci dsignait comme celui de lintellectuel organique , cest--dire celui de linscription politique de la thorie dans le social suivant une certaine communaut dintrts concrets. Devant ce vide ouvert devant nous, vide des comptitions dexpertises, il nest pas sr que nous ne nous trouvions alors ramens la problmatique rvolutionnaire initiale, manifestation incroyablement puissante, chaotique, concentre, et substantielle, des deux formes, des deux faces, de la dmocratie (organiser la dfiance, construire la confiance). Il est peut-tre ncessaire de trouver un terrain solide, en de des logiques procdurales. Quen est-il alors des solutions prcisment labores au XIXe sicle en rponse cet vnement majeur ? Lavenir de la dmocratie napparat-il pas circulaire ? On relira alors autrement peut-tre les philosophies de lhistoire de Hegel ou de Comte.

    Dautre part, il semble que la logique du libralisme, de la politique conue comme autolimitation des pouvoirs, conduit ainsi une extension et une multiplication progressives des contre-pouvoirs, une forme de prolifration endmique de la dfiance, au point de rendre impossible toute imputation relle (le pouvoir est subi et exerc par tous, sans autre intelligibilit que partielle, momentane). Or la rduction du problme politique laccord entre deux exigences dessences procdurales, la confiance et la dfiance, ne rend-elle pas illusoire toute formulation dun Bien commun, et par suite ne sinscrit-on pas dans un procs de dralisation des fins politiques ? Peut-on ainsi parler rellement de politique lorsque aucun sujet, aucune responsabilit relle, nest instituable ou explicitable, au del de la recherche de consensus fragiles ? Le pouvoir politique peut-il se dispenser de

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    lexpression catgorique dune autorit, et se prserver dune dlibration dirimante, sans pour autant tomber dans le dcisionisme le plus extrme11 ? Le souci de ralisme , dempiricit, ne nous masque-t-il pas finalement le vide dans lequel sengouffre la direction collective de la socit, faute de pouvoir dpasser une multiplicit de jugements que nul ne peut comprendre dans leur totalit, faute de possder la cl dune impossible synthse critique ? On retrouverait ici le rejet positiviste de la politique mtaphysique que rsume une formule lapidaire du Catchisme positiviste : toutes les complications sociales inspires par la dfiance naboutissent rellement qu lirresponsabilit 12. Lautorit demeurant une force morale, on ne peut occulter la part de respect, au sens fort, quimplique toute combinaison politique. La vertu la plus cache de La contre-dmocratie serait alors de nous rappeler que la dmocratie na rien dune vidence morale, ni mme dune notion transparente, mais constitue un dangereux et noble risque politique quil convient avant tout de comprendre et de peser.

    11 Id. p. 317.

    12 Comte, Catchisme positiviste, Paris, Garnier-Flammarion, 1966 p. 244.

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