La construction en terre crue en Presqu’île guérandaise ... · 5 Remerciements Je remercie...

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Alison Hilton Tuteur de mémoire : Yvon-Marie Masson D.U. BATIR Session 2014-2016 Soutenance le 7 juillet 2016 IUT Rennes, Université de Rennes 1 La construction en terre crue en Presqu’île guérandaise : histoires et perspectives

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Alison Hilton

Tuteur de mémoire : Yvon-Marie Masson

D.U. BATIR Session 2014-2016Soutenance le 7 juillet 2016

IUT Rennes, Université de Rennes 1

La construction en terre crue en Presqu’île guérandaise :

histoires et perspectives

SommaireIntroduction 3 Démarche 6

Chapitre 1 La terre crue dans son contexte local 81.1 Lexique 81.2 La terre crue, actualité et perspectives en France 91.3 La Presqu’île guérandaise 12 a) Localisation et paysage 12 b) Une histoire ancienne : géologie et pédologie 13 c) Localisation des sous-sols argileux 141.4 Ecrits sur la construction en terre sur la Presqu’île guérandaise 14 a) La maison briéronne 14 b) Un lien entre la maison briéronne et la bourinne vendéenne ? 16 c) Le torchis, les enduits 17 d) Construction en terre dans les marais salants 17

Chapitre 2 Les savoir-faire locaux 192.1 Technique de la bauge 202.2 Technique du torchis 382.3 Les faîtages en terre 462.4 Les enduits en terre 472.5 Les mortiers de terre 48

Chapitre 3 Identification de terres locales 493.1 Les ressentis d’artisans 493.2 Echantillonnage 513.3 Tests de terrain 523.4 Tests en laboratoire 54 a) Test au bleu de méthylène 54 b) Analyse granulométrique au laser 55 c) Diffraction par rayons X 56 d) Observations suite aux tests 573.5 Localisation de la terre crue sur la Presqu’île 59 a) La terre crue sur la Presqu’île guérandaise 59 b) La terre crue et les sols superficiels 60 c) Lecture croisée 61

Chapitre 4 Bilan et perspectives 624.1 Mises en œuvre traditionnelles de la terre en Presqu’île 62 a) La bauge 62 b) Le torchis 634.2 Atouts et limites de la terre crue 634.3 Les qualités de la terre de la Presqu’île 644.4 Perspectives 65 a) Restauration de l’existant 65 b) Construire en bauge aujourd’hui 66 c) Nouvelles mises en œuvre 66 d) Terres locales : usages possibles 67 e) Identification de la terre 68 f) Extraction et préparation 68 g) Mise en oeuvre 694.5 Appel aux acteurs pour une meilleure utilisation de la terre de la Presqu’île 71

Conclusion 73

Notes 74

Bibliographie 77

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IntroductionLa terre crue, matière ancestrale, utilisée partout où elle existe dans le monde, a inspiré de nombreuses techniques de construction vernaculaires en France.

Je travaille la terre crue depuis 5 ans sur la Presqu’île guérandaise, région à laquelle on n’associe pas spécialement la construction en terre. Pourtant, elle y est présente : dans les mortiers, en remplissage des colombages, dans les plafonds en “quenouilles” et, ici ou là, remarquée dans la paroi massive d’une petite maison ou d’une dépendance. Ces aperçus attestent de son histoire ainsi que du savoir-faire associé, mais la piste n’est pas fraîche. Il y a peu de signes récents de mise en œuvre de la terre crue, à part dans le cadre des chantiers d’éco-construction qui apparaissent sur le territoire. Dans ce cas, il n’est pas sûr que la terre employée soit de la terre locale. Je n’ai rencontré que très peu de personnes dans le cadre de mon travail ayant l’expérience du travail de la terre. Le savoir-faire associé à la terre crue semble avoir disparu localement.

Je travaille la terre crue sur la Presqu’île guérandaise depuis 5 ans.Cette simple phrase contient les trois éléments conducteurs qui interagissent entre eux, points de départ pour ce mémoire :• La terre crue, matière noble, connue localement sous le nom de terre glaise, qui a

laissé ses traces mais qui aujourd’hui est négligée. Or, ce matériau humble semble répondre, de multiples façons, à nos besoins techniques et écologiques actuels dans la réhabilitation du bâti ancien, et dans la construction neuve.

• La Presqu’île guérandaise, territoire particulier, à la géologie particulière, a donné naissance à des activités et des modes de vie divers. Elle est chargée d’histoire et cherche à se renouveler pour être à la hauteur des défis du XXIème siècle, notamment le développement durable.

• Mon activité professionnelle. Je suis habitante adoptive, étrangère qui cherche ma place, et qui, prise par le besoin et l’envie, me suis mise à employer la terre à portée de main dans la construction de ma maison à Guérande. Cette passion ne m’a pas lâchée depuis et m’a poussée progressivement à en faire mon métier.

En entreprenant ce mémoire, je cherchais à répondre à plusieurs questions insistantes résultant de mes expériences professionnelles :

Quelle était la place de la terre crue dans le bâti ancien sur la Presqu’île ?Quelles techniques de construction en terre ont été employées ici ?Pourquoi la terre crue est-elle si peu visible et connue dans cette région ? Existent-il toujours des personnes ayant du savoir-faire traditionnel du travail de la terre crue ?Quelles terres ont été employées dans le passé, et comment ont-elles été choisies  ?Sont-elles de qualité discutable ? Quelle est la place de la terre crue aujourd’hui dans ce territoire ? Quelle est ma place vis-à-vis de ce matériau et de ce lieu ?

Dans le cadre de la formation D.U. BATIR (Bâti Ancien et Techniques Innovantes de Restauration) à l’Université de Rennes, ce mémoire me donne l’opportunité d’étudier les questions ci-dessus avec méthode, forte de deux années d’engagement grâce au contenu des modules divers et pour la plupart passionnants. Des premiers questionnements aux premières recherches… Mes premières tentatives de trouver de la documentation sur le sujet ont échoué. Pendant une conversation téléphonique, Gildas Buron, historien et conférencier ainsi que conservateur du musée des Marais salants de Batz-sur-Mer, m’a averti qu’il craignait

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qu’il soit aujourd’hui trop tard pour effectuer ce travail, que les vestiges ainsi que leurs témoins soient trop loin dans le temps. Les signes indiquaient un matériau délaissé, un patrimoine vétuste et un savoir-faire éteint. Bilan catastrophique ! Une enquête de terrain s’imposait impérativement, et mes recherches portaient progressivement leurs fruits. Conversations, entretiens, visites, “vadrouilles”, essais et lectures se sont entre-croisées pour faire émerger une première image de la culture historique du travail de la terre crue dans ce pays.

L’objectif de ce mémoire est de faire le lien, entre hier et aujourd’hui. Au fur et à mesure de l’avancée de mes recherches, une problématique globale a émergé :Comment peut-on s’inspirer des techniques et des pratiques du travail de la terre sur la Presqu’île, pour se les approprier et/ou les adapter à nos besoins actuels ?

L’étude tente de répondre à cette question et s’articule ainsi :Après une brève explication de la démarche entreprise pour cette étude, un premier chapitre plantera le décor, en présentant la Presqu’île de Guérande ainsi que le matériau terre aux échelles nationale et locale. Ensuite, la majeure partie de l’étude exposera en deuxième chapitre un nombre de bâtiments témoins en terre ou éléments de bâtiments en terre, sous forme de fiches exemples. Un troisième chapitre présentera le processus d’essais pour expérimenter plusieurs échantillons de terres locales. Enfin, viendra le bilan des découvertes et des perspectives de l’utilisation cohérentes de la terre en Presqu’île.

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Remerciements

Je remercie particulièrement tous mes interlocuteurs qui ont pris le temps de répondre à mes questions, de me faire découvrir des batiments et de partager leur savoir: Francis Sebilo, Cyril Rebuffé, Loïc de Chateaubriant, Nanou Languillat, Mme Meire, Virginie Benoît, Denis Landais, Stéphan Ammour, M. et Mme Raguet, M. Noury, Jacques Peneau, Joseph Gervot, Gildas Buron, Jean-Claude Chelet, Roland Chelet, Mme Guichet, Fred Miché et Laurent Blanchard.

Merci à Erwan Hamard, ingénieur à IFSTTAR, Christian Prioul, professeur (e.r.) à l’IGARUN et Damien Gendry, géologue à l’Université de Rennes 1, pour le temps qu’ils ont consacré à m’aider à comprendre mes données.

Merci à Annabelle Phelipot-Mardele de l’IUT de Rennes pour son aide et son soutien avec les analyses. Merci à Yvon-Marie Masson pour ses conseils.

Merci aux paludiers, collègues “terreux”, qui m’ont cherché des informations précieuses sur les terres des marais salants: Armel Jorion-Delbos, Nicolas Arnoud et Sylvain Raitière.

Je remercie Nicole Bernard, Fabien Bernard, Stéphanie Josso, Cécile David et Aymone Nicolas pour leur regard bienveillant sur mon texte, et pour leurs conseils précieux.

A special thank you to Léonie, Elvira, Uma and Fabien for all their support.

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Démarche Mes questions de départ, détaillées dans l’introduction, sont en majorité liées aux époques révolues. Toutefois, le travail de recherche de ce mémoire trouve des réponses tournées vers l’avenir : l’avenir de ce matériau terre et l’avenir de son patrimoine dans ce lieu. Quelle pertinence peut avoir ce matériau terre aujourd’hui ? Comment peut-il répondre aux réalités contemporaines ? Quelle place a-t-il dans la rénovation actuelle du patrimoine ? Pour répondre à ces questions, il est d’abord nécessaire de tenter de recenser le patrimoine local en terre. Mon travail de recherche s’appuie sur une collecte de documentation et un recueil de témoignages.

DocumentationMes lectures ont commencé par un recueil d’informations sur le contexte national de la filière terre pour mieux comprendre les enjeux majeurs à l’échelle nationale et leur éventuelle incidence sur le plan local. En cela, l’étude de E. Leylavergne, La filière terre crue en France, Enjeux, freins et perspectives, 2012, a été très éclairante.

Pour pouvoir comprendre les particularités géographiques, géologiques et paysagères de la Presqu’île de Guérande, plusieurs livres, articles et fascicules ont été utiles : sites internet institutionnels, cartes géologiques et leurs notices, rapports d’opérations archéologiques, thèses en géochimie, etc. Plusieurs personnes ressources m’ont été précieuses dans le déchiffrage des données techniques en dehors de mon domaine de compétences.

Il est difficile de trouver des écrits sur le sujet de la construction en terre en presqu’île guérandaise. En effet, il n’existe pas d’ouvrages ni d’articles dédiés à ce sujet. Mes recherches se sont donc orientées vers des articles sur la terre dans des régions voisines ainsi que vers des paragraphes d’ouvrages concernant d’autres thèmes. Toutes partielle-ment instructives, ces sources ont soulevé beaucoup de questions.

Recherche de témoignagesLe manque d’écrits détaillés sur le sujet, ainsi que les questions et ambiguïtés soulevées par le peu de textes trouvés, m’ont rapidement orientée vers une recherche de témoignages.

Les personnes rencontrées ont été trouvées par des réseaux de contacts (clients, collègues, famille et associations). Une approche uniforme (comme un questionnaire standard) n’était pas adaptée, car je ne savais pas dans quelle direction mes recherches allaient s’orienter ni sur quelle problématique de la construction en terre locale ce mémoire allait se tourner. J’ai donc préparé plusieurs listes de questions pour les différents groupes de personnes susceptibles de pouvoir m’informer : des maçons, des artisans, des construc-teurs en terre, des historiens locaux, des chargés de missions patrimoine, des particuliers (propriétaires, locataires). J’ai pioché dans ces listes de questions, disponibles en annexe, comme dans une boîte à outils selon mon interlocuteur.

Deux axes principaux d’enquête, liés à deux techniques de travail de la terre, se sont présentés assez rapidement au bout de mes premières rencontres :• les éléments en torchis dans les bâtis anciens : mises en œuvre et restauration

(souvent du point de vue des propriétaires)• les maisons en bauge dans la Brière, identification et lecture (avec diverses personnes)Plusieurs thèmes secondaires se sont aussi présentés : les faîtages en terre, les enduits terre, les mortiers de terre et la construction en terre dans les marais salants.

Pour les premières rencontres j’ai employé la technique de l’interview enregistrée (avec dictaphone). J’ai interviewé Francis Sebilo, maçon et agriculteur à la retraite à Kerlo

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(deux interviews), Cyril Rebuffé, artisan spécialiste des techniques de la chaux et de la terre basé à St Nazaire, Loïc de Chateaubriant, propriétaire d’un ensemble de bâtiments anciens à Piriac-sur-Mer et Nanou Languillat, propriétaire d’une maison ancienne à Guérande. Les interviews ont fourni des quantités de détails précieux, mais j’ai été obligée d’abandonner cette technique au bout de cinq rencontres, car le travail de retran-scription s’est avéré trop lourd.

Mes recherches se sont poursuivies avec une technique de collecte simplifiée : la technique de conversation libre, équipée d’un bloc-notes. Cette démarche est beaucoup plus facile à gérer dans un champ ou sur un terrain, et s’est avérée adaptable à toutes sortes d’échanges, planifiés ou spontanés, brefs ou prolongés. J’ai conduit des conversa-tions libres avec une quinzaine d’interlocuteurs locaux, parmi eux les chaumiers Denis Landais (Kerlibérin) et Stéphan Ammour (Landieul), des propriétaires tels que M. et Mme Raguet (Kerhébé), des historiens tels que Joseph Gervot et Gildas Buron et des chargés d’affaires patrimoine/urbanisme tels que Virginie Benoît (Parc Naturel Régional de la Brière) et Laurent Blanchard (ville de Guérande). Les parties pertinentes de con-versations libres sont citées tout au long du mémoire.

La construction en bauge dans la Brière promettait être l’élément majeur de cette étude. Pourtant, l’identification de bâtiments allait se transformer en un jeu de piste complexe et passionnant. Pendant longtemps, leur simple existence semblait douteuse ! Les exemples, une fois trouvés, soulevaient chacun des questions sur leur mises en œuvre auxquelles les personnes sur place (propriétaire, artisan) étaient rarement en position de répondre. Virginie Benoît, chargée de mission Urbanisme et Paysage au Parc naturel régional de la Brière, m’a mise en contact avec Erwan Hamard, ingénieur à IFSTTAR (l’Institut Français de Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux), qui travaille actuellement sur une thèse de doctorat sur la bauge. Il m’a aidée à comprendre mes découvertes et m’a donné les clés pour la “lecture” de la bauge. Grâce à sa contribution, j’ai pu compiler une première grille de lecture pour ces bâtiments. Ceci reste grossier et représente un premier pas dans la compréhension des techniques de la bauge employées dans la région. Les bâtiments en bauge témoignent ainsi en bonne partie pour eux-mêmes.

Terres locales : expériences et essaisTout au long des recherches, des questions ont surgi concernant la terre locale, son appro-visionnement et sa qualité. Dans un premier temps, échanges avec artisans et anciens ont fourni divers avis concernant la terre locale. En comparant ces avis, plusieurs similitudes ont été identifiées, donnant lieu à deux hypothèses concernant ces terres. Puis dans un second temps, j’ai réalisé une série de tests sur le terrain et en laboratoire pour vérifier ces hypothèses, avec pour objectifs de valider certaines terres, et de commencer à établir des lignes directrices pour l’identification et la sélection des terres locales.

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Chapitre 1 La terre crue dans son contexte local1.1 LexiqueIl est nécessaire de définir quelques concepts et termes avant d’entrer dans le vif du sujet.

Globalement, les édifices et pratiques qui font l’objet de cette étude appartiennent à ce qu’on appelle l’architecture vernaculaire.

L’architecture vernaculaire est un type d’architecture propre à un pays, un territoire et à ses habitants1. Le terme en général désigne des typologies de bâtiments dont la logique constructive est menée par les besoins de l’endroit ainsi que par les moyens et les res-sources disponibles sur place (matériaux, savoirs). Le matériau terre est très présent dans l’architecture vernaculaire, ayant été la plupart du temps mis en œuvre à une distance comptable en mètres ou quelques dizaines de mètres de son site d’extraction, car sa faible profondeur sous la couche de terre végétale facilite son prélèvement et même, d’après Mikaël Delagrée, “justifie son utilisation dans la construction” 2.

La construction en terre est également un concept qui mérite une définition. Pour l’objet de ce mémoire, elle désigne toute technique de construction qui emploie un composant important de terre minérale, ou de terre crue, prélevée sous la couche de terre arable. “Un matériau de construction probablement aussi ancien que l’humanité,” 3 la terre crue est l’un des matériaux le plus utilisé mondialement dans la construction depuis les premières habitations humaines.

Les techniques traditionnelles de construction en terre d’une région se sont développées en fonction des qualités des terres disponibles. Toujours avec un minimum d’argile, c’est la granulométrie, la plasticité et la teneur en eau d’une terre qui dictent sa mise en œuvre. Cela donne lieu à des techniques diverses de construction. Dans le patrimoine bâti en France, nous rencontrons quatre grandes familles de construction de murs en terre :• Le pisé : technique de terre comprimée dans des coffrages pour réaliser des murs

monolithiques, employant une terre peu humide, assez riche en graviers et cailloux. Caractéristique du Sud-Est, notamment en région Rhône-Alpes.

• La bauge : technique de terre plastique mélangée aux fibres végétales (parfois animales), empilée, battue et puis façonnée, pour réaliser des murs monolithiques. Présente dans plusieurs régions de France, avec une concentration de constructions en Bretagne, longeant la côte atlantique jusqu’en Vendée.

• Le torchis : technique de remplissage d’une ossature bois/tiges, comprenant une terre sans graviers mais avec une proportion faible de sable, amendé avec une grande quantité de fibres (plus que dans la bauge). Se rencontre beaucoup dans le Nord mais également en poches parsemées dans toute la France.

• Les briques d’adobe : fabriquées de terre parfois amendée (fibres, fumier, etc.), moulée et séchée. Elles permettent de monter murs porteurs, voûtes et coupoles. Traditionnellement cette technique se trouve dans le Sud-Ouest de la France.

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La terre crue se rencontre également :• Comme mortier d’assemblage de maçonneries en pierres. Technique très répandue

en France pour la construction de tous types de murs.• Dans les sols en terre battue, comprenant diverses techniques de terre coulée ou

damée, répandue en France4.• Dans les enduits : technique de protection/finition de murs en terre, en pierre, ou en

pierre/terre. Selon la granulométrie et la plasticité de la terre, elle est parfois amendée (fibres végétales ou animales, bouse/crottin), et parfois stabilisée avec de la chaux.

A ces techniques traditionnelles, il faut ajouter plusieurs innovations et importations récentes – la terre-paille, les BTC (Briques de Terre Comprimées), enduits sur bottes de paille – qui seront abordées plus loin.

Ambiguïtés localesLes termes employés pour dénommer les techniques et matériaux de construction locaux en terre varient d’une source à une autre : torchis, pisé, blocs d’argile, bauge, terre, terre franche, terre glaise…

L’appellation locale la plus courante qui désigne la terre pour la construction est terre glaise.

Le terme terre crue n’est guère compris dans ce milieu rural pour dénommer la terre de construction. Le terme le plus souvent employé par les anciens du territoire pour parler de toutes sortes d’œuvres en terre glaise est torchis. Il est donc indispensable d’employer les termes terre glaise et torchis dans toute demande d’information sur le terrain.

1.2 La terre crue : actualité et perspectives en FranceOn a tendance à oublier ce matériau aujourd’hui dans les pays occidentaux. Or, un quotidien vécu entre des murs en terre reste une réalité pour bon nombre de personnes sur tous les continents (exception faite pour l’Antarctique !). Les estimations varient, mais il semble qu’au moins 30% de la population mondiale soit logée dans des construc-tions en terre actuellement5. On estime que 15% du patrimoine bâti en France est en terre crue6.

Il est aujourd’hui important de se ré-intéresser à la terre crue. Les raisons sont nom-breuses car ses atouts techniques sont nombreux. D’abord, la terre est un matériau à forte inertie thermique, capable de réguler les changements de température dans un bâtiment. Deuxièmement, la terre crue possède des capacités de régulation hygromét-rique qui dépassent largement la moyenne, contribuant ainsi au confort intérieur là où elle est présente. Ensuite, sa production entraine une très faible énergie grise, car elle n’est pas cuite, seulement tamisée. La liste continue : elle est infiniment recyclable, locale et abondante, elle ne coûte rien dans son état brut, elle résiste au feu, elle est agréable à tra-vailler. La terre crue est un matériau à la fois noble et banal qui nous offre des armes dans la lutte actuelle pour réduire notre empreinte carbone… Un tout somptueux ! Toutefois, son emploi doit toujours prendre en compte ses limites : elle est sensible à l’eau coulante, elle est mécaniquement moins résistante que la chaux et le ciment, elle est lourde à trans-porter, son temps de séchage est long.

Dans les pays occidentaux, depuis la seconde guerre mondiale, le matériau terre est en général tombé dans l’oubli, victime de l’industrialisation. Les facteurs qui ont conspirés contre le matériau terre sont nombreux7 : Cha

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• La reconstruction à grande échelle après 1945 a favorisé des matériaux dont la mise en œuvre était rapide et les résultats immédiats, critères qui excluent la terre crue, avec son temps de séchage et son aspect saisonnier,

• Le mouvement démographique vers les villes,• La croissance des emplois salariés, qui a eu comme résultat l’effondrement progressif

des systèmes d’entraide locale, socles traditionnels de la mise en œuvre de la terre.Il n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui une majorité de personnes en France ignore l’existence du matériau terre, surtout en milieu urbain et même en campagne.

Dans les pays en voie de développement, les maisons en terre ont tendance à être rem-placées par des constructions en parpaing, béton, tôle et d’autres produits issus de processus industriels, matériaux modernes qui “promettent” durabilité et progrès. La terre crue est souvent déconsidérée, parfois méprisée, symbole de pauvreté et de sous-développement. L’entretien des bâtiments en terre (reprise annuelle des enduits par exemple), traditionnellement effectué en groupe dans de nombreuses sociétés, devient problématique lorsque les systèmes d’échanges et d’entraides disparaissent8. Il en résulte des bâtiments non-entretenus, et l’image pauvre de la terre est corroborée.

De nos jours, un regain d’intérêt pour la terre crue est en cours dans le monde entier. Les années 1970 ont vu deux chocs pétroliers et une politique qui tourne ses réflex-ions vers le développement durable (le terme apparaît pour la première fois dans un rapport de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) publié en 1980). Architectes et scientifiques reconnaissent la terre crue pour ses propriétés hygro-thermiques, sa modelabilité et son bilan écologique sans pareil. De nombreux projets innovants voient le jour, comme par exemple le Domaine de la Terre à Villefontaine en France, comprenant 63 logements sociaux et expérimentant un éventail de modes de construction en terre traditionnels et novateurs. En Australie, la technique du pisé jouit d’un nouvel essor et va influencer les courants architecturaux en Europe et en Asie. En France en 1979, un laboratoire de recherche consacré à la terre crue ouvre à l’ENSA de Grenoble. En 1981, une exposition au Centre Pompidou, Des architectes de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire, a propulsé la terre crue dans la conscience publique. De nos jours, L’Inde, la Corée du sud et l’Allemagne font partie des pays les plus innova-teurs et progressistes concernant le matériau terre.Remarque :Si la terre crue connait un nouvel essor mondial depuis plusieurs années, cela ne veut pas dire que la terre de sous nos pieds est prête à être réanimée : au contraire, une nouvelle mode d’enduits et de briques de terre crue dans nos maisons pourrait aisément être alimentée par des produits provenant d’autres régions de la France, voire d’Europe. Or, mon étude s’intéresse spécifiquement à l’aspect local, en Presqu’île guérandaise, et sa transformation sur place.

Si j’ai commencé ce travail avec une tête pleine de questions sur les utilisations de la terre crue dans la région où j’opère, j’en avais autant sur le développement de la filière au niveau national. Un renouveau est en cours mondialement, et la France possède un patrimoine important en terre crue, certes. Mais de ma place, je ne voyais pas beaucoup de développement. Je me demandais si ailleurs en France, dans les régions citées comme abritant une concentration de constructions en terre, il y a une demande croissante pour les techniques artisanales de la terre crue ? Est-ce que les populations dans ces régions y sont plus sensibilisées ? Existent-ils des réseaux d’artisans ? Est-ce que les offres de formation se développent ? C’est en cherchant des réponses à ces questions que je suis tombée sur un document éclairant, un mémoire de diplôme de l’ENSA de Grenoble, intitulé La filière terre crue en France : Enjeux, freins et perspectives, d’Elvire Leylavergne (2012).

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C’est un document pertinent et complet, qui dépeint l’image d’un secteur plein de dynamisme et d’engagement, mais divisé. J’y ai trouvé des réponses à la plupart de mes questions. Le secteur se développe, oui, mais peu. Le potentiel est là : la filière “se dote pro-gressivement des outils qui lui sont nécessaires pour retrouver une place parmi les cultures constructives contemporaines” 9. Des réseaux d’artisans existent à l’échelle nationale (Asterre, Ecobâtir, Réseau Français de la Construction en Paille, l’association de con-struction et biosourcés) mais il existe peu d’organisations formelles aux échelles région-ales et locales : les retours de l’enquête suggèrent que beaucoup d’artisans “s’activent à leur échelle, sur leur territoire, mènent des recherches isolées alors que d’autres partagent parfois les mêmes questionnements” 10. L’auteur signale en même temps l’acte positif et engageant incarné par “la prise de responsabilité des différents acteurs qui décident de mettre en œuvre la terre crue, alors que le contexte règlementaire est défavorable” 11. Elle identifie également une tendance qui a l’air de porter ses fruits, qui se “base sur la mise en place de politiques spécifiques sur le sujet [la terre crue], coordonnées et régulièrement réactualisées par des acteurs clés comme les Parcs Naturels Régionaux” 12. Elle donne l’exemple de la “Filière réhabilitation énergétique et savoir-faire” dans le PNR Livradois-Forez, où un tiers du patrimoine bâti est en pisé. Il s’agit d’une stratégie sur 3 axes : une stimulation de la demande par une forte sensibilisation du public, l’inclusion des modules de formation sur la terre crue proposés au GRETA d’Ambert dans le cadre du CAP Eco-construction et une offre d’accompagnement technique et financier à la création d’entreprise13. Cet exemple montre précisément le type de coordination et de coopération inter-profession-nelles nécessaires pour le développement de la filière.

Si le secteur a du mal à canaliser ses efforts pour avancer de concert, les raisons sont nombreuses et diverses, d’après Leylavergne : une insuffisance de praticiens et de com-pétences, une absence de projets communs/interprofessionnels, une prédominance de structures associatives (plutôt que professionnelles) dont l’accès est difficile, un manque de règlementation qui pose le problème de l’assurance, une règlementation thermique (RT2012) qui ne prend pas en compte les atouts techniques de la terre (inertie, régula-tion hygrothermique), un manque de référentiels de certification, des savoir-faires non-reconnus, une méconnaissance de la matière et de son patrimoine par le grand public, une faible volonté politique de soutenir la filière et une forte influence des lobbyings en soutien d’autres produits plus en vue14. Cette liste n’est pas exhaustive, mais on comprend bien que le secteur doive faire face aux multiples défis venant de plusieurs horizons, allant de ses propres faiblesses aux obstacles politiques à tous niveaux.

L’enquête de Leylavergne démontre que les populations dans les régions ayant un pa-trimoine important en terre crue ne sont pas forcément plus sensibilisées que le public que je rencontre autour de Guérande. Il y a effectivement très peu de culture générale sur la construction en terre crue traditionnelle et contemporaine, en France à ce jour. La filière avance plus dans les zones où il y a une reconnaissance des enjeux au niveau politique, avec une réponse stratégique et structurée qui comprend la sensibilisation du grand public, comme en PNR Livradois-Forez, cité ci-dessus.

Depuis la publication de l’étude de Leylavergne, plusieurs signes encourageants du dé-veloppement de la filière terre en France sont apparus, y compris une volonté politique à l’échelle nationale :• Le lancement d’un groupe de travail au niveau national pour lever les obstacles au

développement de la terre crue comme matériau à faible impact écologique, par la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages, qui dépend du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie),

• L’appel aux collectifs régionaux réunissant les acteurs de la construction en terre (en-treprises, centres de formation, etc.) pour effectuer des collectes de bonnes pratiques

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pour les différentes techniques constructives, comme la création en 2014 du “Collectif des terreux armoricains” dans ma région (Pays de la Loire, Bretagne et Cotentin), qui travaille actuellement sur les bonnes pratiques pour la technique de la bauge15.

Cette politique de développement semble vouloir maintenir les particularités régionales de la construction en terre ainsi que la responsabilité du maçon de choisir ses terres (locales) à bâtir.• La ville de Lyon s’annonce Capitale de la terre 2016, et organise ateliers, animations,

expositions, conférences, évènements, spectacles : une grande tentative de prise de conscience sur le matériau terre et son potentiel.

• La ville de Lyon accueille également le congrès mondial Terra en 2016, regroupant 800 professionnels, experts, universitaires et étudiants venus du monde entier. Cette édition traitera spécifiquement les questions du patrimoine et de sa conservation et celle du développement durable.

• Les offres de formations semblent diversifiées et multipliées, et la terre prend sa place dans les cursus divers. Parmi eux, la première formation diplômante en France sur les enduits et peintures naturelles (équivalent CAP) démarrera en février 2017 et comportera un module terre (Artemisia Formation, Paris).

Les signes de développement de la filière en France sont aujourd’hui encourageants sur plusieurs plans : développement des réseaux d’artisans, développement des offres de for-mations, sensibilisation du grand public, volonté politique plus ferme.

1.3 La Presqu’île guérandaise1.3.a Localisation et paysageLa presqu’île de Guérande est caractérisée par une diversité de paysages, délimitée à l’ouest par l’océan Atlantique, au sud par l’océan Atlantique et l’estuaire de la Loire, au nord par l’embouchure de la Vilaine, et à l’est par les marais de la Brière. Le Parc Naturel Régional de Brière, créé en 1970, recouvre une bonne partie de l’arrière-pays de la presqu’île (490km²). La région se trouve dans l’étendue sud du massif armoricain.

C’est un paysage doux et très varié, où terre et mer se sont mélangées 16. L’eau y est omniprésente. Elle délimite le ter-ritoire, le découpe et le structure : sur la côte ouest, on trouve deux zones “mosaïques” d’eau : les marais salants, de Guérande et du Mes, exploités depuis des siècles pour la production du sel. Au milieu de la presqu’île, les marais de la grande Brière occupent une zone importante, et sont entourés par des terres basses inondables. Le plateau granitique de Guérande s’élève vers l’ouest, vers le nord-est le coteau bocager du sillon de Bretagne s’élève doucement. Dans le sud, on trouve la côte urbanisée du Croisic-La Baule-Porni-chet, dont l’expansion urbaine la relie à la ville et au port de St Nazaire.

Ce paysage varié a produit un paysage bâti également divers. Une architecture balnéaire sur la côte : maisons bourgeoises et immeubles collectifs en front de mer dans les stations balnéaires comme La Baule et Le Pouliguen, ainsi que des lotissements de maisons indi-viduelles. Dans le cas de St Nazaire, la majorité des constructions datent d’après-guerre, suite aux bombardements. Dans les terres, malgré l’explosion récente de la construction de pavillons dans les villages et en lotissements, beaucoup de constructions anciennes en pierre perdurent et contribuent fortement à l’identité de la presqu’île. Les affleurements

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de granite et de schiste sont faciles d’accès et abondants. Ces constructions en pierre vont des simples habitations des paludiers et des fermes, aux manoirs et châteaux, en passant par les maisons bourgeoises mentionnées ci-dessus. Dans les villes médiévales telles que Guérande, Piriac-Sur-Mer et Le Croisic, quelques maisons à pans de bois sub-sistent. Dans la Brière, on trouve des maisons type “briéronnes”, ne comportant qu’un seul niveau mais dotées d’un grand grenier, et caractérisées par leurs toitures en chaume.

Mes recherches m’ont plutôt menée dans les terres, avec une majorité de cas étudiés dans la zone rurale du Parc Naturel Régional de la Brière ou ses bordures (voir carte page 12). Les villes de Guérande et de Piriac-sur-Mer ont également fourni des exemples, et plusieurs bâtiments ont été repérés dans la zone côtière entre St Nazaire et Pornichet.

1.3.b Une histoire ancienne : géologie et pédologieJusqu’à -600 millions d’années, la mer recouvrait la région de Guérande, entraînant le dépôt de sédiments17. Métamorphoses des sédiments, érosion et activité tectonique ont tous joué leurs rôles jusqu’à il y a 60 millions d’années, quand le relief qu’on connait aujourd’hui a vu le jour. Ceci est un relief “en marche d’escalier” qui a permis la formation des marais de la Brière et de Guérande. La coupe schématique18 l’illustre efficacement, bien que l’échelle verticale soit exagérée :

La Presqu’île guérandaise est donc structurée par un plateau granitique. Cette roche est connue sous le nom de leucogranite de Guérande, ou leucogranite à deux micas. Le préfixe leuco signifie blanc (du grec). Au nord du plateau granitique, autour des marais du Mes, s’étend un sous-sol mica-schisteux, et au sud-est, en direction de l’estuaire de la Loire, une zone de gneiss. Les trois roches, granite, gneiss et mica-schiste ont été employées largement dans la construction locale car faciles d’accès et abondantes. Ce sont également trois roches-mères qui contiennent du feldspath, et leur altération (décompo-sition) produit des argiles. Théoriquement, l’existence d’un sous-sol argileux, convenant éventuellement à la construction, est possible presque partout sur la Presqu’île19. Les cartes géologiques ne donnent pas d’indications concrètes concernant l’emplacement et l’étendue des filons des sous-sols argileux, ni la nature des argiles présentes. Une étude pédologique serait utile pour éclaircir ces points, mais je n’en ai pas trouvée.

Les grands évènements géologiques de la région se sont terminés il y a environ 280 millions d’années. Les dépôts d’alluvions argileuses dans les zones des marais sont beaucoup plus récents : -10 000 à -2 000 ans, lors de la transgression flandrienne, quand le niveau de la mer a subi des fluctuations et est monté très lentement. Ceci explique le fait que les argiles présentes dans les marais de la Brière et de Guérande ont des compositions différentes de celles des argiles présentes sur le plateau. Par exemple, les argiles des marais salants de Guérande contiennent en partie des argiles gonflantes (type smectite)20, qui ne semblent pas être présentes dans les argiles du plateau. Les sédiments argileux semblent avoir été déposés par la Loire et la Vilaine jusqu’au comblement des dépressions21 pendant la transgression flandrienne (la Loire pour les marais de la Brière, la Loire et la Vilaine pour les marais de Guérande). Les argiles des marais, en satura-

Coupe schématique de la Banche à la cuvette de Brivet. Echelle horizontale: 1/250 000, échelle verticale: 1/5 000. Tarouco, 1983

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tion régulière en eau, sont souvent de couleur bleu/gris/vert, couleur dûe à leur milieu réducteur (c’est à dire dépourvu d’oxygène)22.

1.3.c Localisation des sous-sols argileuxQuelques textes et témoignages identifient certaines zones susceptibles de fournir un bon filon d’un sous-sol argileux :• Herbignac a été un centre important de production de poterie jusqu’au milieu de

XIXème, et plusieurs zones dans la commune sont connues pour leurs argiles. La campagne à l’ouest et au sud de la ville compte 26 villages de potiers au début du XIXème, dont Kerhébé, Boyac/La Briquerie et Hoscas (lieux des bâtiments en terre étudiés pour ce mémoire). Dans l’article Un atelier de potier à Landieul, les archéologues Pirault et Bonnin at-tribuent l’installation des potiers dans la région “à la présence dans le sous-sol d’une argile d’altération d’une qualité plastique exceptionnelle dont la puissance atteint par endroits plusieurs mètres”23.

• Plusieurs tranches récentes de diagnostic ar-chéologique au lieu-dit La Maison Neuve à Guérande révèlent des traces importantes d’activité de potiers ainsi que de la construction en terre, cette fois dans la période gallo-romaine : atelier de potier à deux fours, carrières d’argiles organisées en “grappes’” fragments de céramiques et fragments de torchis ou pisé24. Un échantillon de terre testé en chapitre 3 provient de la Maison Neuve.

• Joseph Gervot, historien local à La Madeleine de Guérande, témoigne de l’existence dans son village de Sandun d’une carrière d’argile, connue localement sous le nom de la taloprie, d’environ cinq mètres de profondeur et vingt mètres de longueur. Les dates sont imprécises mais d’après M. Gervot, elle a servi pendant longtemps. Elle n’est malheureusement pas facilement repérable aujourd’hui. La dénomination est intéressante : en breton tal signifie front et pri, boue. Le mot pri ou bri apparaît ponctuellement pour signifier argile dans la région.

1.4 Ecrits sur la construction en terre sur la Presqu’île guérandaise1.4.a La maison briéronneMême s’il s’avère difficile de trouver des textes qui traitent en profondeur le sujet de la terre comme matériau de construction dans la région, de nombreux fascicules en évoquent au sujet de la Brière. L’Atlas des paysages de Loire-Atlantique fait mention sommaire de la typologie de la maison briéronne, comme présentant “des murs en pisé revêtus d’enduits blancs et un toit de chaume à forte pente”.

Un fascicule publié par le PNR de Brière en 2014 intitulé Vivre et habiter sa chaumière fournit davantage d’explications :

“En l’absence de carrières, les constructeurs étaient contraints d’utiliser en majorité le seul matériau à disposition, la terre. Les murs des chaumières en terre ou en torchis reposent cependant toujours sur un soubassement en pierre qui préserve alors le torchis des agressions de l’eau en pied du mur. Les façades sont recouvertes d’un enduit qui

Carte de répartition des villages de potiers vers 1820, L Pirault et N Bonnin

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achève leur protection des intempéries. Il subsiste encore aujourd’hui quelques-unes de ces constructions mais elles sont difficilement reconnaissables sous l’enduit badigeonné qui les recouvre.” 25

Dans L’architecture Briéronne et rurale (annexe du PLU de St Nazaire), les remarques de V. Thiollet-Monsenego vont dans le même sens : “Bien souvent, pierre et terre formaient ensemble les murs d’une même maison. Cette construction mixte ne connaissait pas de règles systématiques dans l’usage et la répartition entre la pierre et la terre. Elle reposait presque toujours sur un solin de sol en pierres dont la hauteur pouvait varier de 0,5 à 1,5 mètres. Les solins des murs pignon ouest et gouttereau sud, plus exposés, étaient fréquem-ment d’une hauteur plus importante” 26. Elle note aussi que “à l’origine, les constructions en terre ne bénéficiaient d’aucune protection spéciale. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXème qu’on les enduit à la chaux grasse. De nos jours, les constructions en terre tendent à disparaître du territoire de Saint-Nazaire”.

J’ai trouvé un article assez complet sur le sujet de la chaumière en Brière, La chaumière briéronne d’Yves Labbé (1998). L’auteur parle de l’existence de nombreux vestiges d’habitations et d’annexes construites avec de la terre, dans les îles de Camer, Camérun, Mayun et Fedrun ainsi que sur les rives ouest et sud de la Grande Brière. Il explique que “les derniers bâtiments existants montrent que la terre, nommée “terre glaise” par les anciens, était mélangée à de la paille et montée, à partir d’un soubassement de pierre de taille variable, par levées d’environ 50cm de hauteur. C’est la technique de la bauge, bien connue dans le bassin de Rennes et au-delà. Un certain nombre de constructions, dont les façades sont en pierre, présentent encore des pignons en terre.” 27 Cet article suggère qu’il n’existe plus de maisons construites avec cette technique.

Ces différentes sources sont du même avis sur plusieurs points : l’emploi d’un soubasse-ment en pierre, d’une hauteur variable, mais en général plus important sur les façades sud et pignons ouest ; l’existence d’un enduit de protection à la chaux ; la faible quantité de ce genre de maisons survivant aujourd’hui. Le fascicule du PNR soulève un problème important : ces constructions en terre peuvent être difficiles à identifier à cause de l’enduit. En revanche, les auteurs ne sont pas d’accord sur la technique employée (ou bien la dénomination de la technique.)

L’architecture Briéronne et rurale nous propose également la citation suivante, de Jacques Fréal :

“Le pays marécageux de la Brière n’offre au maçon ni granite ni schiste. Hormis de rares maisons construites en matériaux de tout-venant, congrégés tels quels par un mortier de chaux, la plupart sont faites de blocs d’argile séchés au soleil, le pisé, dans la contex-ture duquel n’entre aucun élément végétal, contrairement au torchis.” 28

L’auteur parle de blocs d’argile séchés au soleil et du pisé, lorsque le fascicule du PNR parle du torchis et Yves Labbé de la bauge. Cette confusion permet de soulever deux points clés dans la compréhension de la construction en terre crue dans la région :• Les termes employés pour dénommer ce type de construction varient d’une source

à une autre : torchis, pisé, blocs d’argile (ailleurs appelés adobes), bauge, terre, terre

Photo datant de 1935 qui montre une ferme à Bréca, archétype de la chaumière briéronne: petite, trapue, au toit de chaume, possédant trois ouvertures (porte, fenêtre, lucarne) et badigeonnée à la chaux. Photo : Ar Men

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franche, terre glaise. Mais, comme mes recherches de terrain vont le montrer, ils font tous référence à la même chose, qu’Yves Labbé identifie correctement : la technique de la bauge. Le fait que cette technique soit rarement ainsi nommée complique la piste de recherche.

• La mention de blocs d’argile est initialement déroutante, car elle soulève la possi-bilité de l’existence parallèle d’une autre technique, celle de la maçonnerie en briques d’adobes (terre crue, séchée au soleil, non-cuite). Toutefois, il existe plusieurs mises-en-œuvre pour un mur en bauge, parmi elles la technique des caillebottis : des “briques” en bauge mises en œuvre humides, sans être séchées. Il est fort probable que Fréal parle de cette technique dans les marais de la Grand Brière – voir l’exemple des pignons sur l’île de Fedrun, page 29-30.

Autre point évoqué par les textes mais qui demande un éclairage : l’absence quasi totale de pierre pour la construction concerne spécifiquement la zone marécageuse de la Grande Brière. La plupart des maisons en bauge que j’ai étudiées et auxquelles les textes font référence se trouvent sur des terrains légèrement plus élevés, dans une grande zone s’étendant autour de La Grande Brière, où, comme déjà évoqué, les affleurements de granite et de schiste étaient plus faciles d’accès et abondants.

1.4.b Un lien entre la maison briéronne et la bourinne vendéenne ?Francois Le Boeuf, chercheur au Service de l’Inventaire général des Pays de la Loire, a étudié les bourrines dans la région voisine des marais nord-vendéen. Dans son article Maison de terre et de roseau : regards sur la bourrine du marais de Monts, il suggère un lien entre les bourrines vendéennes et les constructions dans la Grande Brière, citant deux exemples de ruines sur les îles de Fedrun et de Québitre. Les deux types de construction à un seul niveau partagent des murs en terre et les toitures en roseau. Est-ce que les simi-larités vont plus loin ? Les mots de Le Boeuf au sujet des bourrines évoquent une sorte d’habitation évolutive, où les murs, d’abord édifiés en terre, étaient remplacés lorsque la possibilité se présentait, un par un, lentement, par des matériaux durs et plus durables. Ce type de maison était évidemment réservé aux paysans les plus pauvres. Le Boeuf raconte une ancienne coutume qui semble avoir permis aux plus pauvres des pauvres de s’installer : le don, par charité, d’un “délaissé de charraud” (petit terrain vague en bordure des chemins) par le pouvoir communal, à un paysan n’ayant aucune autre solution de logement. Le terrain était donné à cette curieuse condition : “dans l’espace d’une seule nuit devait être bâtie une maison d’où, aux premières lueurs de l’aube, s’échapperait, bien visible de tous, la fumée du foyer.” 29 Evidemment il est impossible d’élever “dans de telles circon-stances une bourrine en bonne et due forme” et que la seule construction possible aurait été “une grossière hutte faite de pieux de “plaingnes”, mottes de gazon prélevées à même le sol, que l’on devait couvrir à la hâte de quelques brassées de roseau” avant d’allumer un feu. L’anecdote laisse entendre des origines éphémères et précaires des bourrines visibles aujourd’hui en Vendée. Le Boeuf explique que ces bâtisseurs “n’avaient d’autre recours que celui de la bauge, terre apprêtée en “bigots” dont la matière première était disponible aux abords immédiats du chantier et dont l’exécution était le fait non pas d’un artisan spécialisé… mais de la solidarité du voisinage.” La bauge est déjà un premier pas vers la permanence pour un mur édifié à l’origine en mottes de gazon ! L’auteur suggère que les “bourrines” actuelles en maçonnerie et tuiles ont évoluées à partir de telles origines précaires. Il est difficile d’évaluer le lien entre les bourrines vendéennes et les maisons en bauge de la Brière, par manque d’éléments sur la mise en œuvre de ces dernières. Il semble que les maisons en bauge de la Brière soient également le fruit du travail d’équipes non-spécialisées, composées de paysans plutôt que d’artisans. Il est aussi possible que certaines de ces chaumières connaissent la substitution d’un ou plusieurs murs par de la pierre, comme les bourrines; l’article de Labbé fait allusion à une telle pratique quand il dit : “Un certain nombre de constructions, dont les façades sont en pierre, présentent

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encore des pignons en terre”. Un lien entre les bourrines vendéennes et les chaumières briéronnes ? Ceci est un autre sujet d’étude !

1.4.c Le torchis, les enduitsLes textes ne sont pas nombreux à parler de la (vraie) technique du torchis, dont des exemples perdurent en presqu’île aussi. L’article de Labbé mentionne un emploi par-ticulier du torchis : la confection de plafonds en quenouilles. Ce sont des barreaux de châtaignier enroulées d’un mélange de terre et de foin ou paille (appelé parfois doubier d’après Labbé) et puis disposées les unes contre les autres entre deux solives pour former le plancher. Ceci est une technique dont j’ai rencontré plusieurs exemples pendant mes recherches. Labbé note que ce genre de plafond est courant jusqu’à la fin du XIXème, avant que le plancher en sapin ne se généralise.

Labbé parle aussi de l’emploi du torchis dans la réalisation des hottes de cheminées :“La hotte… repose sur deux corbeaux en chêne et un linteau… Elle est constituée de petites pierres plates montées au mortier d’argile ou, plus rarement, de perches de châtaignier sur lesquelles on fixe de part et d’autre des lattes de châtaignier refendu. Ensuite, on remplit et on recouvre cette armature de torchis, appelé ici doubier.” 30

Cette technique très ancienne est toujours visible sur quelques bâtiments dans la région, par exemple à Kerlo et Kerrousseau (St Lyphard) : voir chapitre 2.

Finalement, au sujet des enduits en terre, les écrits sont quasi inexistants. L’article de Labbé est le seul que j’ai trouvé à en faire mention :

“Les murs, qu’ils soient en terre ou en pierre … sont enduits à l’extérieur au mortier de chaux et sable ou au mortier d’argile et bourre animale. Une fois sec, l’enduit est badigeonné au lait de chaux. … A l’intérieur, enduits ou non, les murs sont passés au lait de chaux tous les ans, au printemps.” 31

Ces phrases, ainsi qu’un exemple trouvé à Kerlo (p.47), sont les seuls indices trouvés qui montrent que les enduits en terre, intérieurs et extérieurs, étaient pratiqués dans la région.

1.4.d Construction en terre dans les marais salantsLes paludiers des marais salants maîtrisent le travail des argiles de leurs salines, qu’ils modèlent tous les ans pour ponter les œillets. C’est un travail ancestral, d’entretien et de ré-étanchéification des ponts (chemins) qui séparent les différents bassins de la saline. L’argile des marais salants – connue aussi comme le bri(e) – contient des minéraux gonflants, de type smectite32. Ces minéraux entraînent un retrait (et donc une fissura-tion) très important en séchant. Cependant, cette argile contient du sel, à cause de son milieu. Il se trouve que le sel limite le gonflement des argiles. C’est pourquoi un paludier attend une salinité de 14% (ou une densité de 1110g/l de NaCl) dans ses œillets pour terminer de ponter les ponts qui entourent les œillets. C’est la salinité optimale pour avoir le minimum de retrait (et donc de fissuration) et un temps de séchage suffisamment court pour pouvoir enchainer les travaux suivants. Ce travail de pontage des salines fait partie de l’entretien annuel des structures en terre qui sont en place depuis le Xème.

Il parait peut-être bizarre qu’une couche de terre argileuse puisse étanchéifier une surface. Mais les terres salées sont moins sensibles à l’érosion causée par l’eau de pluie. Dans leur livre Bâtir en Terre, L. Fontaine et R. Anger expliquent :

“Dans de nombreux pays, les toitures terrasses sont réalisées en terre, et la couche d’argile qui assure l’étanchéité du toit est souvent mélangée à du sel. … D’une part, le sel limite le gonflement … et d’autre part, l’argile est liée par le sel et résiste mieux à l’érosion, même lorsqu’elle est saturée d’eau.” 33

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Dans le passé, le même phénomène a été mis au service de la construction dans les marais salants en au moins deux mises en œuvre docu-mentées : la construction des mulons d’amas et des cabanes des douaniers.

Le stockage du sel, aujourd’hui effectué en salorge (grange en bois) ou sous film plastique, s’est fait pendant longtemps en tas, sur le marais, sous une épaisse couche d’argile. Dans les années de récoltes exceptionnelles, des mulons d’amas apparaissaient dans les marais. La terre de fossé (synonyme de talus dans le jargon du marais) était prélevée autour du tas de sel. La formation des mulons était tout un art, expliqué par Gildas Buron dans son livre Hommes du Sel 34. Le travail s’effectuaient en plusieurs couches, commençant par une couche granuleuse et finissant par une couche de matière fine qui se répandait dans les aspérités. La couche d’argile demandait de l’entretien régulier pour limiter les pertes de sel : après les pluies il fallait venir graisser les fissures avec de l’argile. Un mulon d’amas permettait de conserver le sel d’une année à l’autre mais n’était pas totalement étanche et une proportion important de sel était perdue pendant le stockage.

L’édification de cabanes en terre des marais – pour l’usage des paludiers et des douaniers – était répandue et existe toujours d’après certains. La photo montre une cabane de douaniers au Croisic. Je n’ai trouvé aucune documentation sur ce sujet, malheureusement.

La terre crue est façonnée sur les divers territoires de la Presqu’île depuis des siècles, tant dans la construction que dans la création d’un outil de production comme les marais salants. Dans le prochain chapitre nous découvrirons en détail les techniques locales de construction en terre au travers de témoignages et de bâtiments représentatifs.

Mulon de sel avec sa protection d’argile Photo: Les Cahiers du Pays de Guérande

Cabane de douaniers édifiée en terre (Le Croisic)Photo: Les Cahiers du Pays de Guérande

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Chapitre 2Les savoir-faire locaux

Dans ce chapitre, je présenterai les résultats de l'enquête de terrain. Cette partie prendra la forme de fiches descriptives des bâtiments – ou des éléments de bâtiments – identifiés et étudiés. L’étendue de ce mémoire ne permet pas un travail d’inventaire et l’aperçu sera obligatoirement incomplet. Il faut dire qu’il y a quelques mois, au début de mes recherches sur le sujet, j’ignorais ce que j’allais trouver, j’espérais pouvoir réunir suffisamment d’éléments pour en construire un mémoire. Aujourd’hui, je suis obligée de mettre fin à mes recherches, qui prolifèrent, chaque piste menant à d’autres, à fin de pouvoir les mettre à l’écrit. Mais il m’est évident maintenant qu’il reste de nombreux autres bâtiments à découvrir, personnes à rencontrer et secrets du travail de la terre crue locale à révéler.

Les divers entretiens, conversations et échanges que j’ai eus tout au long de mes recherches, ont tous contribués précieusement à la somme d’informations récoltée sur les différentes techniques et pratiques. Je présenterai mes interlocuteurs au fur et à mesure, leurs con-tributions sont dispersées dans les fiches exemples. Les témoignages de trois personnes clés sont présentés a part : Denis Landais (chaumier), Cyril Rebuffé (artisan) et Francis Sebilo (maçon/agriculteur en retraite).

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2.1 Technique de la baugeCette technique pour la réalisation de murs monolithiques consiste à mélanger la terre plastique (contenant argiles, limons, sables, gravier et cailloux en proportions variables) avec des fibres végétales ou parfois animales, afin de former une pâte molle. Le mélange ainsi préparé est empilé sur un soubassement en pierre, battu et façonné. C’est une technique de construction en terre traditionnellement très peu mécanisée et principale-ment rurale. Des variations de cette technique sont représentées dans plusieurs régions en France, dont la Bretagne, la Normandie et la Vendée.

Le mélange de bauge est monté sur un soubassement de pierre en levées, variants entre environ 50 et 90 cm de haut. En général, le mélange y est posé en mottes ou bigots35, dont les contours sont parfois détectables sur la surface de la paroi. Dans certaines mises en œuvre, le mélange est prédécoupé en morceaux réguliers, pour être ensuite posés sur le mur : on les appelle des caillebotis.

Je n’ai pas réussi à trouver des témoins susceptibles de parler de la mise en œuvre de la bauge dans la région. La piste est compliquée par des ambiguïtés de vocabulaire : les termes construction en terre ou en bauge n’ont pas l’air d’avoir beaucoup de significa-tion pour la population locale. On emploie facilement le terme torchis pour tout élément fait à base de terre minérale (constat fait très tardivement en enquète de terrain !) Dans le peu de documents que j’ai pu trouver sur la construction en terre dans la Brière, les termes employés varient entre pisé, torchis, bauge et terre tout court. Mais ils parlent de la même chose : la technique de la bauge.

Les bâtiments ont donc été obligés de témoigner par eux-mêmes. Le PNB de la Brière m’a mise en relation avec un ingénieur de Nantes, Erwan Hamard, qui lui aussi cherchait des informations sur la bauge dans la même zone géographique. Erwan m’a accompagnée une journée sur le terrain. Il m’a aidée à comprendre le système constructif et à “lire” les levées et le montage de la bauge.

Les pages suivantes présentent :• Des fiches exemples de bâtiments• Deux témoignages d'artisans

Les bâtiments sont ainsi répartis sur la Presqu'île :

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KerhébéDépendance : étable/stockageCe charmant petit bâtiment, plutôt bien conservé, illustre plusieurs éléments fondamentaux du système constructif local en bauge. Ses parties en terre non-enduites facilitent une lecture du bâtiment qui n’est pas toujours possible ailleurs. Pour ces raisons, cette fiche, qui servira de base de référence, sera plus complète et détaillée que les suivantes.

Situation du bâtiment Commune d’HerbignacLe village de Kerhébé donne sur les marais de Pompas, qui se situent dans les terres, entre les marais salants du Mes et les marais de la Grande Brière. Ce petit bâtiment en bauge dépend des chaumières en face. A priori il n’était pas le seul de ce type, d’après les propriétaires : au moins une des dépendances voisines, aujourd’hui en parpaing, aurait remplacé une dépendance du même type assez récemment. Cette dépendance n’existe pas sur le cadastre ancien, tandis que les chaumières en face y figurent. Les propriétaires, M. et Mme Raguet, ont connu dans le passé un ancien du village, né en 1885, qui a toujours connu ce bâtiment ; on peut supposer qu’il a été construit entre 1840 et 1885. Il avait comme usage l’hébergement de deux vaches et le stockage de végétaux dans sa partie grenier.

DescriptionLe bâtiment est en deux parties. La première partie est en pierre et terre apparentes, et la deuxième est en parpaing. Une couverture en chaume protège l’ensemble. Évidemment, c’est la première partie qui nous intéresse ! Elle mesure 4,5m x 3 m. La pierre fait office de soubassement sur une hauteur moyenne de 95cm, tout autour du bâtiment. Elle remonte à la hauteur des linteaux autour de la porte et d’une petite fenêtre sur la façade principale, et est également visible en dessous de la gerbière sur le pignon. Les murs se lèvent en terre à partir du niveau où s’arrête la pierre. On constate que la partie en terre a été reprise avec du ciment sur les angles ouest et sud, ainsi que tout au long du haut du pignon.

Technique de la baugeLes parties en terre ont été édifiées en employant la technique de la bauge (voir p.20 pour description). Cette mise en œuvre est révélée par plusieurs indicateurs. D’abord, les fibres présentes dans le mélange sont orientées vers le bas, dans le sens de la coupe, témoignant du taillage du mur, d’en haut, avec un paroir ou une houe. Ensuite, on arrive à distinguer sur la façade arrière plusieurs levées horizontales (une levée est une hauteur de mur montée en une fois et laissée sécher/rétrécir quelque temps avant qu’une prochaine levée soit montée dessus). On distingue également les contours de certaines mottes ou bigots :

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ceux-ci étant des petites quantités du mélange qui sont déposées sur le sou-bassement, en oblique, à l’aide d’une fourche.

Les murs en bauge sont épais d’environ 45cm (38cm sur le pignon). Les trois levées visibles sur la façade arrière mesurent (de bas en haut) 40cm, 40cm et 30cm en hauteur. Le rapport entre la hauteur d’une levée et l’épaisseur de la bauge s’appelle l’élancement (voir p36). Ici, on a un élancement de 0.9. L’absence d’un enduit extérieur nous permet d’inspecter le mélange, en bon état général. La terre est d’un ton clair, couleur jaune/beige. La légère érosion générale de la surface de la bauge, permet de voir que la terre semble assez riche en graviers, avec quelques cailloux, et que le mélange contient une bonne quantité de paille. En dessous de la fenêtre du pignon, l’érosion de la bauge révèle un certain nombre de pierres tout venant, intégrées dans le mélange pour le renforcer. Sur les trois murs, la surface de la bauge “se farine” au toucher : la terre semble limoneuse. La bauge a l’air de bien se tenir malgré cela. Le pignon sur rue et la façade principale sont exposés aux vents dominants, sans avoir été équipés de saillies de toiture importantes pour protéger la bauge de la pluie ; de ce fait, la bauge y est érodée de quelques centimètres. Sur le mur nord-est, mieux protégé des intempéries, la bauge reste à fleur des pierres, indiquant très peu d’érosion. Il n’y a d’évidence pas de trace d’une couche protectrice d’enduit, ni de badigeon.

M. et Mme. Raguet expliquent que les reprises des angles en ciment avaient déjà été effec-tuées quand ils sont devenus propriétaires du bâtiment. Ils ont consulté un maçon de St Lyphard, maintenant décédé, qui a déclaré le bâtiment solide et a procédé à sa réhabili-tation en une pièce polyvalente (arrière-cuisine/bureau). Il a essayé d’enduire les parties érodées de la bauge avec un mélange à base de terre locale. Il a recherché des techniques du travail de la terre glaise auprès de son père et de son grand-père, aussi maçons, sans pouvoir récolter beaucoup d’éléments. Sa recette n’a pas tenu longtemps. Mis à part le rajout d’un appui de fenêtre en pierres plates, l’extérieur du bâtiment ne présente pas de trace de son intervention. A l’intérieur du bâtiment, il a effectué un enduit ciment, peint, dont la présence aujourd’hui empêche totalement l’inspection de la bauge de l’intérieur. Un chaumier a remonté tous les dessus de murs en ciment avant de poser une nouvelle toiture en chaume sur la charpente existante. De cette simple charpente sont apparentes quatre solives et une ferme posée sur le linteau de la porte. Le faîtage a été réalisé en terre végétalisée (aujourd’hui assez fatiguée).

Une aquarelle, datée de 1972 (artiste inconnu), trouvée dans la maison en face au moment de son achat par les propriétaires actuels, montre l’état de la dépendance il y a quarante ans. La différence majeure, quand on la compare avec le bâtiment aujourd’hui, est que l’angle ouest (côté droit en regardant le pignon), maintenant repris en ciment, est visible-ment déformé.

Volonté de conservation des propriétairesUne fois rassurés par le maçon sur la solidité du bâtiment, le couple a été très motivé pour le conserver. Ils trouvent la petite chaumière jolie et considèrent que cela aurait été “dommage de la laisser aller”. Ils ont obtenu des aides au finance- Cha

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ment des travaux par le Conseil Régional, sous le programme Petit Patrimoine du Pays, qui n’existe plus aujourd’hui. Leur volonté de “garder le patrimoine” est manifestement apprécié par d’autres personnes, car ils constatent que des badauds s’y arrêtent régulièrement, en voiture ou à pied, et qu’il y a même eu des visites organisées (vraisemblablement par la Fondation du Patrimoine).

Dans le même village, à 90m : on remarque ce pignon de grange (photo à droite), difficile d’accès et donc non-exploré pour l’instant. La terre présente une couleur beaucoup plus orangée que la dépendance des Raguet. Les murs gouttereaux sont aujourd’hui en parpaings.

La Rue Jean route de la Rue JeanChaumières en rénovation/réhabilitationSituation des bâtiments Commune de St Andre-des-EauxLa Rue Jean est le nom d'un village (situé sur la route de la Rue Jean !) dans le secteur nord de St André-des-Eaux, pas loin des marais de la Grande Brière. On y trouve cet alignement de chaumières (pignon sur rue).

DescriptionDimensions :La rangée actuelle de chaumières mitoyennes mesure plus de 36 mètres de long et comporte cinq modules. Sur l’ancien cadastre (1821, St André-des-Eaux36), un seul module parmi les cinq est visible à cet endroit. Matériaux :La façade principale, exposée sud, aujourd’hui nue d’enduit, est en mœllons. Une étroite bande de bauge d’une hauteur régulière couronne le haut du mur tout au long de cette façade, à partir du niveau des appuis des lucarnes jusqu’aux sablières. Toute la façade nue est soignée, du montage des mœllons à l’intégration de la bauge. Sur la façade nord arrière, la bauge joue un rôle plus important. Sur au moins trois des modules, le mur arrière est majoritairement en bauge, sur une longueur totale de presque 20 mètres et pour une hauteur d’environ 3 mètres. On arrive à y lire deux murs distincts de deux époques différentes. Soubassement :Il y a un soubassement pierre sur toute la longueur, d’environ 60 centimètres de haut. Bauge :La bauge, assez érodée, comporte de la terre de couleur beige/orange (plus foncée que la bauge de Cha

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Façade principale Façade arrière

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Kerhébé). Le terrain est fait d’une terre de ce genre, visible partout. La bauge est assez pauvre en graviers et cailloux, mais amendée avec une bonne quantité de fibres (paille et roseau). Malgré quelques creux dans la bauge juste au-dessus du soubassement, et une érosion généralisée de sa surface, la bauge se comporte plutôt bien : elle n’a pas perdu beaucoup d’épaisseur et elle tient bien. Elle n’a qu’une ou deux petites fissures. Sa surface ne se farine pas en passant la main (cf. Kerhébé), on ne constate pas de pellicule de particules fines sur sa surface. Le mur arrière est épais d’environ 70 cm et trois levées de 60 cm sont lisibles, donnant un élancement de 0.85. Enduits/badigeons :La bauge est aujourd’hui nue. Il y a une légère croûte sur un mur, probablement les restes d’un enduit mince. On constate une zone qui a été chaulée.Reprises :Cette façade présente plusieurs modifications et reprises, la plupart ayant été réalisées en ciment. On remarque des linteaux et appuis de fenêtres remplacés et scellés au ciment, ainsi qu’un jambage de porte. Autres éléments en bauge dans les alentours :Une petite dépendance dans la cour devant ces maisons comporte également des parties en bauge (la partie haute du pignon), et dans le même village on constate d’autres murs de dépendances/murets en bauge ou en partie en bauge.

La Rue Jean route du Coin de la NoéChaumière et dépendanceSituation du bâtiment Commune de St-André-des-Eaux Chaumière située sur un carrefour dans le secteur nord de St André-des-Eaux, à deux pas des marais de la Grande Brière. Terrain dégagé, bâtiment visible de la route.

ContexteLa maison ne figure pas sur le cadastre de 1821. Il y a une date sur le linteau, 1831 que le propriétaire, M. Noury, considère correcte. Il connaît la maison depuis son enfance et sait qu’elle a été construite par un paysan.

DescriptionIl s’agit d’une longère couverte en chaume, avec un bâtiment agricole attenant (en parpaing et tôles) et une dépendance également couverte en chaume dans la cour. La façade principale (orientée sud) comporte 3 portes et une lucarne. Dimensions :La longère mesure 14,6m x 6,9m (y compris une annexe construite contre la façade arrière). Ses proportions sont équivalentes à celles d'une longère en pierre en Brière. Matériaux :Plusieurs parties de la longère et de la dépendance sont en bauge, enduites. Enduits/badigeons :La façade principale est entièrement enduite, probablement avec un enduit “bâtard” (chaux/ciment). Elle porte les traces de couches successives de badigeons blancs (avec des traces de gris au niveau du soubassement). Environ un tiers de la façade arrière était enduite (enduit très abîmé aujourd’hui à cause d’infiltrations) et le reste laissé nu, mais protégé par une annexe construite contre le mur (en bauge, enduite).

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Soubassement :Sur la façade principale, on peut deviner la présence d’un soubassement assez important en pierre, d’au moins 1,5 mètres et probablement jusqu’à la hauteur des linteaux. Comme pour les chaumières sur la route de la Rue Jean, le soubassement est beaucoup moins important façade arrière, de l’ordre de 40 cm. Bauge :La bauge de la façade n’est guère visible. Grâce à M. Noury, j’ai pu visiter l’intérieur et l’arrière du bâtiment, où la bauge est visible à cause des infiltrations qui ont fait se déliter l’enduit. La bauge est de couleur beige/gris, assez pauvre en graviers et cailloux. Les fibres présentes sont de la paille, du roseau, et une plante de Brière que M. Noury appelle la ganèche (la guinche ?). La bauge est abîmée, friable, dans la zone qui a souffert des infil-trations, mais se tient correctement sur le reste du mur. Plusieurs perches y sont incor-porées, visiblement comme crochets/supports pour étagères. Dans certains endroits on discerne des levées de 70 cm. Pour une épaisseur de mur de 60 cm cela donne un élan-cement de 1.16, la valeur le plus élevée des murs étudiés. Détail surprenant :Chose remarquable et surprenante : l’existence en façade de deux rangées régulières d'éléments en saillie, en quinconce, dans la zone entre les linteaux et la sablière, sur environ deux-tiers de cette zone.

D’après Denis Landais, le chaumier qui m’a fait découvrir cette maison, ce sont des têtes de fémurs (probablement de porc). C’est en partie ces incrustations qui trahissent la présence de la bauge, car il n’aurait pas été possible de les poser de façon aussi régulière dans la pierre. Comment les lire ? Un sondage parmi mes camarades de classe de D.U. BATIR conduit à l'hypothèses suivante : il s'agirait d'un palissage dite dans certaines régions, à la loque, car on maintenait certains fruitiers contre des murs bien exposés, à l’aide de bande de chiffons (loques) et grâce à ces os. Le mur est effectivement exposé sud et dans la région, la vigne grimpe souvent sur les façades. Le propriétaire n’y a jamais connu une vigne par contre. L’hypothèse reste intéressante mais non confirmée. Possible source de matière première :On peut supposer que la terre employée pour la construction provient d’une mare, large de 15 mètres et profonde de 1 à 3m, creusée sur le terrain à 60m de la maison. Volonté des propriétaires :M. Noury n’a pas pour le moment de projet de restauration de cette maison, mais avoue une volonté de la restaurer un jour en respectant les matériaux d’origine. Autres éléments en bauge dans les alentours :Dans la cour, la façade de la petite dépendance récemment recouverte de chaume comporte également des parties en bauge (au dessus d’un petit soubassement de 40 ou 50 cm de haut, jusqu’à la sablière). La façade a été enduite et badi-geonnée, comme la maison. La saillie épaisse de chaume les protège bien. Le faîtage à été refait en terre végétalisée (voir p.46).

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Il y a une autre petite maison à moins de 200m, direction La Ville au Gal, où la bauge apparente est protégée en partie par des tôles. (photo à droite)

La BriquerieMaison en ruineSituation du bâtiment Commune d’HerbignacDans un champ agricole, au bord de la route D774 entre Pompas et Herbignac.

ContexteD’après l’historien local Jacques Peneau, il s’agissait d’une maison d’habitation. Francis Sébilo, maçon et agriculteur retraité à Kerlo, se souvient de cette maison, qui est tombée et a été reconstruite quand il était très jeune, probablement pendant les années trente. Aujourd’hui, il ne reste pas grand chose de cet édifice. C’est d’ailleurs son état délabré qui révèle quelques détails de sa mise en œuvre.

DescriptionDimensions du bâtiment : 9m x 4m Matériaux : Le bâtiment conserve presque la totalité d’un pignon en pierre, hourdé à la terre. Il a la particularité de contenir des strates de quartzites graphitiques, connues comme "pierres bleues" localement, provenant d’un gisement local37. Les deux murs gouttereaux et l’autre pignon étaient majoritairement faits en bauge. Il ne reste qu’un quart du mur gouttereau côté route (sud-est), qui garde la trace d’une porte. De l’autre mur gouttereau et de l’autre pignon, il ne reste rien, sauf des buttes révélatrices sur le sol, faites en terre glaise, qui dessinent la forme de la maison.Soubassement pierre : Le mur gouttereau encore debout par partie, présente un soubassement en pierre qui s’élève à environ 60 centimètres, mais qui est discontinu : évident sur une longueur d’un mètre à partir de l’angle avec le pignon, il s’arrête en oblique au milieu du mur, pour réapparaître plus loin au niveau de l’encadrement de la porte. Sur une longueur de mur, la bauge semble commencer à une hauteur pas beaucoup plus élevée que le niveau du sol. S’il existait une rangée ou deux de pierres pour surélever la bauge du sol, elles sont actuellement cachées par la terre et la végétation qui s’accumulent en bas de mur.Levées : Le mur fait 65 cm de large pour une levée de 30 cm et puis deux de 50 cm. L’érosion avancée en bas de mur révèle la présence ponctuelle de grosses pierres plates dans la bauge, écartées de 30 centi-mètres, qui semblent corres-pondre à la première levée. Il y a peut-être également une levée oblique au dessus du soubassement à l’angle avec le pignon. Élancement : 0.77

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Mélange de bauge : La bauge est faite d’une terre glaise claire, de couleur beige, assez limoneuse, dont la surface se farine en passant la main. Proportion de graviers et de cailloux assez élevée, peut-être 40% de l’ensemble. Le mélange contient de la paille, probable-ment de blé, broyée et bien mélangée dans la masse, mais en quantité très réduite comparé au bâtiment de Kerhébé, par exemple. Enduits/badigeons : On constate quelques petits restes d’un enduit à la chaux sur les deux côtés du mur (probablement contenant un pourcentage de ciment, car assez résistant).

PassouerMaison en ruineSituation du bâtiment Commune de St NazaireCette maison se trouve dans un village, sur la commune de St Nazaire, dont le secteur comprend une tranche importante de marais brièron.

Contexte Le terrain est aujourd’hui délaissé, envahi par les ronces et les mauvaises herbes, ce qui empêche une bonne lecture du bâtiment. Grâce aux photographies faites il y a plusieurs années par l'historien local Joseph Gervot, certains éléments qui ne sont plus lisibles aujourd’hui sont éclaircis. Pas d’information spécifique au sujet de l’histoire du bâtiment, mais les dimensions généreuses des fenêtres laissent supposer que la maison, ou bien son remaniement, sont plus récents que les autres bâtiments étudiés.

DescriptionLe cadastre actuel ainsi que les photos de M. Gervot montrent qu'il s’agit d’un bâtiment principal, avec une partie annexe en prolongation du faîtage, et une petite extension en continuité de la toiture. Aujourd’hui il est difficile de distinguer ces trois éléments sur place. Dimensions :6,6 m sur le pignon et 10,8 m sur la façade principale.Matériaux :Tandis que l’annexe et l’extension présentent des maçonneries en pierre, la maison prin-cipale semble être faite principalement en bauge sur ses quatre murs. Enduits/badigeons :La maison est enduite avec un mortier à base de chaux et probablement de ciment, toujours assez couvrant. Soubassement pierre :Là où l’enduit est abîmé, on arrive à identifier un chaînage en pierre qui monte à 1,5m, sur les angles sud-ouest et nord-ouest. La façade arrière (exposée nord), la seule sur laquelle l’enduit est suffisamment abîmé pour permettre d'inspecter le bas de mur, ne présente pas plus de 30 cm de soubassement en pierre. Mélange de bauge :La bauge exposée est composée d’une terre plutôt orangée, avec un peu de graviers et de la paille. Détail intéressant :La façade principale se montre assez travaillée  : encadrements de fenêtres et de porte enduites en relief en imitation pierre de taille, ren-

photo : J. Gervot

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forcement du linteau de la fenêtre de gauche en briques apparentes, badigeon blanc sur encadrements de fenêtres. On aperçoit de la brique en-dessous de l’enduit à l’encadrement des fenêtres. Les deux fenêtres sont de dimensions généreuses. La maison ressemble plus à un pavillon de banlieue qu'à une chaumière briéronne. Autres éléments en bauge dans les alentours :Du côté de la route, il subsiste également la ruine d’un petit bâtiment, un d’abri, mesurant 2m x 3m, dont le soubassement, haut de 50 cm, est en pierre, et les hauts des murs gou-terreaux et les pignons en bauge, comme la maison.

ThéléacChaumière (maison d’habitation) Situation Commune de St MolfDans un village qui donne sur les marais salants du Mes.

ContexteSur le cadastre ancien (sans date précise), on distingue un groupe de trois maisons anciennes d’un côté de la rue, et une simple maison de l’autre. Tous ces bâtiments cor-respondent aux bâtiments sur le cadastre actuel. Ce sont les plus anciennes maisons sur cette partie de la rue aujourd’hui. La maison qui nous intéresse est la première, à droite en entrant dans le village. Selon le propriétaire, elle date de 1856. Elle a été rénovée il y a une dizaine d’années et ses propriétaires habitent dans la chaumière mitoyenne.

DescriptionDimensions : 14m x 7,5m (équivalentes aux maisons en pierre de la même rangée). Matériaux :La maison est entièrement enduite et badigeonnée, et donc ne porte aucun signe du matériau principal de sa construction : la terre. Mme Guichet, propriétaire, m’a montré des photos de la maison avant travaux, sur lesquelles ces secrets sont dévoilés :

façade principale avant travaux façade arrière avant travaux

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Photo: S. Guichet Photo: S. Guichet

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Enduits/badigeons :Avant travaux, seuls la façade principale et le pignon étaient enduits, avec un enduit contenant du ciment. A l’heure actuelle, les trois murs extérieurs sont enduits. L’esthé-tique ainsi produit est uni et simple, dépourvu de tout élément de décoration (encadre-ment de fenêtre, par exemple). Soigné d’un badigeon à la chaux, l’effet actuel est épuré et élégant. Mme Guichet se rappelle qu'ils avaient commencé à piquer la façade principale pour la mettre en pierre apparente, mais ils se sont rendus compte qu'elle comprenait une majorité de terre et donc ont arrêté le piquage. Ils ont décidé de faire un enduit à la chaux sur la façade partiellement repiquée, pour la redresser et la reprotéger. L’enduit en ciment en place sur la façade principale avant travaux, a l’air bien tacheté, témoignant de l’humidité piégée dans le mur, et donc du caractère inapproprié de ce matériau comme revêtement sur la bauge. Soubassement pierre :Sur les photos d’avant travaux, on remarque un soubassement en pierre, haut d’environ 70 cm sur la façade arrière (exposée nord-est), montant en oblique à 1,5 m sur les angles, sur le pignon (exposé sud-est) et autour de la fenêtre d’origine. Sur la façade principale (exposée sud-ouest), où la présence d’un enduit très couvrant empêche la lecture du soubassement, Mme Guichet se rappelle que la pierre remonte à environ 1,5 m. A part la cheminée (en pierre), le reste est en bauge. Mélange de la bauge :La bauge est d’une couleur claire et plutôt jaune/orange, comme la terre dans les fossés alentours. On n’arrive pas à inspecter la bauge aujourd’hui à cause des enduits. A l’inté-rieur de la maison, le mur de refend en bauge reste visible, un souhait esthétique des propriétaires, mais je n’ai pas réussi à y accéder. Reprises :Plusieurs modifications ont été faites, y compris la consolidation du haut du mur du pignon et le rajout de plusieurs ouvertures. A chaque fois les matériaux utilisés sont des matériaux modernes (parpaing, béton, ciment). Autres éléments en bauge dans les alentours :Un joli petit bâtiment dans le jardin derrière cette maison porte les traces de la bauge aussi : c'était d’une porcherie. Dans ce cas, seules les bandes des façades qui se trouvent entre les linteaux des portes et les sablières étaient en bauge. Aujourd’hui elles ont été remplacées par du parpaing. Un enduit mince à la chaux dissimule l’emploi de ce matériau non-traditionnel.

Dans le même village, on constate plusieurs autres signes de construction en terre. Il y a le mur en bauge, très abîmé, d’une sorte d’atelier, et aussi une dépendance, rénovée assez récemment, qui montre des caractéristiques d’un petit bâtiment annexe en bauge, tout en étant aujourd’hui revêtu d’un enduit ciment épais. On discerne bien un soubassement d’une hauteur minimale en pierre, montant en oblique en renfort des angles, accompa-gné par l’enduit couvrant sur le reste de la surface, qui est – ou qui aurait été – en bauge.

Île de FedrunPignons en bauge SituationFedrun est un des village îliens au cœur de la Grande Brière, une île basse faite de gneiss encerclée par des canaux, les marais s’étendant tout autour. Fedrun est relié par route à la ville de St Joachim. Deux pignons en bauge sont visibles sur la route circulaire qui dessert le village.

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DescriptionMatériaux :Le premier pignon fait partie d’une ruine dont les autres parties restantes encore debout sont en pierre ou en parpaing, et sont enduites. Plusieurs blocs de parpaings sont visibles en vrac au sein de la maison et autour. Le deuxième pignon fait partie d’une grange, toujours en service, dont les autres parties sont édifiées en pierre. Je me focaliserai ici sur ce deuxième pignon, plus facile d'accès. Mélange de la bauge :Dans les deux cas, le terre mise en œuvre est visiblement la terre des marais de la Brière. Elle est de couleur gris-bleu. Les mélanges semblent similaires sur les deux murs ; mes notes et photos portent sur la grange, qui est plus facile d’accès. La bauge contient des graviers ainsi que quelques cailloux. On aperçoit quelques petits trous ronds : il s’agit de tiges raides de roseau coupé de façon transversale. La bauge est remarquable-ment dense et dure, elle ne s’effrite pas et elle ne se farine pas en passant la main. Il y a une zone d’érosion dans la partie la plus exposée du mur (à l'axe, au dessus du soubassement en pierre). Sur la partie haute, elle est en très bon état et n’a pas l’air d’avoir beaucoup souffert. Il est d’ailleurs intéressant de noter au sujet de la ruine, que les parpaings sont tombés tandis que le pignon en bauge perdure ! Mise en œuvre :Il est difficile d’identifier les levées sur ce pignon. Par contre, les mottes sont très bien définies et régulières, posées en oblique. Leur régularité fait penser à une mise en œuvre de la bauge en caillebottis, où le mélange est étalé et précoupé en morceaux de dimensions très régulières, comme des briques humides, avant d'être posé – peut-être entre des banches – sur le mur. On arrive à discerner un réhaussement des murs avec un mélange similaire mais d’un ton plus clair. Quand Jacques Fréal, déjà cité (p.15), parle de “blocs d'argile séchés au soleil … dans la contex-ture duquel n'entre aucun élément végétal” on peut supposer qu'il fait allusion à cette technique. Il est intéressant de noter aussi que ce processus fait écho à l'activité de l'extraction de la tourbe, aussi découpée en blocs, en Brière.

KerbiquetPignon en bauge Situation Commune de St Molf (dans un village du côté sud de St Molf)

Ce pignon, qui a été sans toiture pendant longtemps, est considérablement érodé aujourd’hui. Il s’agit probablement du pignon d’une habitation. On remarque le renfon-cement d’une cheminée, avec percements transversaux pour accueillir deux corbeaux. Un bâtiment est visible sur ce site sur le cadastre ancien (sans date précise).

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Mélange de la bauge :Terre de couleur beige clair, contenant graviers et cailloux ainsi qu’une petite quantité de paille (céréale). Le mur est très érodé et ne présente pas de trace claire de levées ni de mottes. L'intérêt de ce mur repose en sa situation, autour de St Molf, commune déjà représentée parmi ces fiches par le village de Théléac. De plus, j'ai choisi d’inclure parmi les échantillons que j’ai testé pour l’objet de ce mémoire, une terre prélevée à environ 20 mètres de ce mur en bauge. C'est une terre que j'ai trouvée difficile à travailler et que je soupçonne être trop pauvre en argiles et/ou trop riche en limons. Elle ressemble à la terre employée sur le pignon en bauge, bien que plus claire, et elle rappelle aussi, dans une certaine mesure, les terres de Kerlo et de Pontprin (voir p.51). Les résultats et conclusions des essais seront traités en chapitre 3.

La Grande NoëMaison en ruineSituation : sur la D774 entre Guérande et Herbignac

Il ne reste rien de la partie en bauge de cette maison aujourd’hui. On ne remarque que les parties édifiées en pierre : le pignon sud-est, la moitié du pignon nord-ouest, les deux murs gouttereaux jusqu’à environ la hauteur des linteaux. Toutefois, le bâtiment mérite une mention à cause d'une particularité de sa mise en œuvre. D’après le témoignage de Jacques Peneau, écrivain local, les parties manquantes étaient en bauge, et sont tombées assez récemment. Il a connu le bâtiment pendant son déclin et a remarqué il y a trente ans l’existence de queues de choux, renforçant les angles de la bauge, en faisant office d’un chaînage. Ce sont des tiges assez longues et fibreuses du “chou à vache”, très cultivé par les paysans du coin. Il n’en a pas pris de photos et il regrette maintenant !

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Témoignage : Denis Landais, chaumier Ce n’est que vers la fin de mes recherches que j’ai contacté Denis Landais, chaumier, qui s’avère être un vrai puits de connaissance sur la terre locale. Les futures recherches sur le sujet de la construction en terre dans la Brière feraient bien de commencer en inter-viewant les chaumiers traditionnels sur ce sujet ! Ils interviennent sur les bâtiments les plus anciens, et donc ont l’expérience de tous types de murs. Grâce à M. Landais, j’ai pu recenser plusieurs bâtiments intéressants dont l’élément bauge n’est pas clairement visible (par exemple La Rue Jean II et Théléac).

A plusieurs reprises M. Landais a été confronté à un mur en bauge ayant besoin de répa-ration. Il a cherché à le faire en respect des matériaux d'origine, avec de la terre locale. L’absence de maçons compétents dans la Brière a mené M. Landais à aller se former aux techniques de la bauge en Bretagne, avec Tiez Breiz, et à ramener ses nouvelles com-pétences sur la Presqu’île. Il est l'un des artisans que j’ai rencontré dans le cadre de ce mémoire, qui cherche à jeter un pont vers les savoir-faire anciens. Il constate parmi les propriétaires qu’il rencontre une volonté de conserver les éléments de leurs maisons qui sont en terre. Il peut s’agir d’un mur de refend en bauge qu’ils souhaitent mettre en valeur, ou bien d'un plafond en quenouilles à restaurer. A plusieurs reprises, M. Landais a montré à ses clients comment travailler la terre, par exemple pour faire des quenouilles, et après “ils se débrouillent !” Son activité de couvreur lui laisse peu de temps pour effectuer ces travaux “terreux” lui-même.

M. Landais remarque que c’est souvent sur la façade arrière d’une maison qu’on voit de la bauge apparente. Il avoue avoir trouvé parfois des choses insolites dans la bauge : un fémur humain, par exemple, sur l’île de Fedrun !

M. Landais possède un savoir-faire vivant et appliqué, fruit à la fois de formations et d’expérimentations. Il a mis au point une technique et un mélange pour la réalisation des faîtages en terre, basée sur une technique ancienne couramment pratiquée avant l'adoption généralisée du ciment à cette fin : voir page 46.

Témoignage : Cyril RebufféAtelier Ocre Rouge, St Nazaire

L'autre artisan qui m'a consacré du temps pour parler de ses expériences avec la terre de la Presqu'île est Cyril Rebuffé. Ses propos étaient très variés et corres-pondent à plusieurs thèmes traités dans ce mémoire, ils sont donc éparpillés dans différents chapitres.

M. Rebuffé m'a parlé d'une restauration d'un bâtiment en pierre et en bauge qu'il a réalisé sur Assérac (photo ci-dessus) :

“J'ai restructuré tout le batiment qui était en terre. Des enduits à la chaux étaient encore présents par endroits. On les voyait bien sous les toitures, il y avait encore des restes, très très abimés. Soubassement en pierre, limousinerie à la terre. J'ai fait les reprises de maçonnerie à la terre … Je n'ai pas fait de la bauge, parce qu'il aurait fallu que je

Photo: C. Rebuffé

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banche … je les ai refait tout en terre-paille mais avec une terre très grossière, avec des gros éléments dedans.”

Les murs ont été finis avec un enduit à la chaux. La photo montre l'aspect extérieur du bâtiment aujourd'hui.

Quant aux approvisionnements, M. Rebuffé n'avait pas à chercher loin : “La terre était sur place. Il y avait un tas, quand ils ont fait les différents tranchées pour les réseaux, j'ai tout mis de côté. J'avais de la paille sur place, parce que anciennement il y avait des moutons sur le terrain, donc l'ancien proprietaire avait reservé des bottes de paille toutes sèches … donc j'avais tout sur place, vraiment une super configuration !”

M. Rebuffé me parle aussi d'un mur capteur qu'il a éffectué en BTC (blocs de terre com-primées) dans une construction neuve :

“J'ai fait un mur chauffant en briques … un mur de briques derrière une baie vitrée, principe du mur trombe … avec un enduit et un badigeon noir à la chaux derrière, pour qu'il accumule. Dans une construction neuve. C'est super efficace. J'étais en train de monter le mur que déjà ça commençait à capter !”

Le mur mesure 4 mètres de long sur 1 mètre de haut. Il s'agit d'une utilisation très cohérente de la terre crue : un mur à forte inertie dont la fonction est de capter l'énergie solaire, de l'emmagasiner et de l'accumuler, pour la restituer lentement à l'intérieur de la pièce.

En ce qui concerne son apprentissage, M. Rebuffé a appris “sur le tas” avec des artisans rennais. Il a aussi beaucoup lu sur le sujet. Il a suivi le D.U. BATIR il y a une dizaine d'années, pendant lequel il a fait des stages sur la terre. Aujourd'hui il n'a pas beaucoup de demande pour les techniques de la terre, il travaille plutôt de la chaux. Comme M. Landais, M. Rebuffé a un savoir-faire acquis par la formation autour de Rennes, et par sa propre expérimentation.

Un tableau synthétique des différents éléments des bâtiments étudiés est présenté sur les deux pages suivantes.

Ce tableau est suivi d'observations plus générales sur les techniques de bauge en Presqu'île.

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Kerhébé

La Rue Jean I

La Rue Jean II

La Briquerie (ruine)

Passouer (ruine)

Théléac

Elancement des levées

(hauteur des levées : épaisseur

du mur (en cm))

40 : 45

= 0.9

60 : 70

= 0.85

70 : 60

= 1.16

50 : 65

= 0.77

Pas lisible

Pas lisible (enduite)

Ratio partie en pierre : partie

en bauge (des façades)

Façade principale:

95 : 105 (cm)

= 47.5% : 52.5%

Façade principale:

80% : 20% (estimé)

Façade arrière:

60 : 240 (estimé)

= 20 % : 80%

Façade principale:

66% : 34% (estimé)

Façade arrière:

40 : 260

= 13% : 87%

Façade principale :

25 : 225 ( moyenne)

= 10% : 90%

Pas lisible

Façade principale :

50% : 50% (estimé par

propriétaire)

Façade arrière :

30% : 70% (estimé à

partir d'une photo)

Murs en bauge ou avec parties

en bauge

Pignon (nord-ouest)

Façade principale (sud-

ouest)

Façade arrière (nord-est)

Mur de refend

Pignon ?

Façade principale (sud)

Façade arrière (nord)

Mur de refend

Pignon ?

Façade principale (sud)

Façade arrière (nord)

Mur de refend ?

Pignon (sud ouest)

Façade principale

(sud est)

Façade arrière (nord-

ouest)

Pignon (nord-est)

Pignon (ouest)

Façade principale (sud)

Façade arrière (nord)

Pignon/mur de refend

(est)

Pignon (sud-est)

Façade principale (sud-

ouest)

Façade arrière (nord-est)

Mur de refend (est)

Mise-en-oeuvre

Mottes déposées en

oblique

Mottes déposées en

oblique

Mottes difficiles à

distinguer

Mottes difficiles à

distinguer. Grosses

pierres plates vers

l'intérieur du mur

correspondants à deux

des levées distingables

Pas lisible

Pas lisible (enduite)

Nature de la terre

(composition granulaire)

Assez riche en graviers

avec quelques cailloux,

limoneuse

Assez pauvre en graviers

et cailloux, moins

limoneuse qu'à Kerhébé

Moins limoneuse et

moins de graviers qu'à

Kerhébé.

Assez riche en graviers et

cailloux. Limoneuse

?Pas lisible (enduite)

Couleur de la terre

Jaune/beige

très claire

Beige/orangé assez

foncée

Beige/gris assez foncée

Beige claire

Orangé

Beige/orangé assez claire

(sur photo).

Indices suggérant la

provenance de la terre

Non

Beaucoup de terre qui

ressemble à la terre de la

bauge sur le terrain

Mare creusé sur le terrain

à 60m de la maison,

profond de 1 à 3m

Non

Non

Dans les fossés à côté la

terre ressemble à celle de

la bauge vue en photo

Nature des fibres

Paille (céréale) en

quantité assez importantePaille (céréale) et roseau,

quantité assez faible

comparé à Kerhébé.

Paille (céréale), peut-être

foin aussi. 'ganèche'

-plante de la Brière –

d'après le propriétaire.

Roseau dans bauge de la

dépendance

Paille (céréale), quantité

assez faible comparé à

Kerhébé.

Paille (céréale)

Pas lisible (enduite)

Tabl

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synt

hétiq

ue :

tech

niqu

e de

la b

auge

(sui

te)

35

Kerhébé

La Rue Jean I

La Rue Jean II

La Briquerie (ruine)

Passouer (ruine)

Théléac

Observations sur la bauge

Bonne tenue malgré

effritemenst sur sa

surface

Résistante, bonne tenue

Détails architecturaux

notables

Linteaux en bois, aucun

autre encadrement des

ouvertures.

Faible saillie en chaume

sur pignon

Linteaux en bois, aucun

autre encadrement des

ouvertures.

Têtes de fémurs

ressortants de la partie en

bauge sur la façade

principale.

Un linteau en pierre

partiellement noyé dans

l'enduit. Aucun autre

linteau ni encadrement d'

ouverture visible.

Perches et supports

d'étagère intégrés dans la

bauge façade sud

Pas lisible

Façade principale assez

travaillée : encadrements

de portes et fenêtres

enduites en relief en

imitation pierre de taille ;

briques apparentes en

renforcement du linteau

fenêtre gauche. Fenêtres

de dimensions

généreuses, ambiance

« pavillon »

Enduite, aucun

encadrement de fenêtre

visible.

Présence d'un enduit /

badigeon

Aucun

Façade arrière

majoritairement en

bauge est nue

aujourd’hui ; elle porte

peut-être les traces d'un

enduit mince.

Traces d'un chaulage sur

une partie de la façade

arrière.

Enduit bâtard (chaux-

ciment) façade principale

en état correct;

Enduit très abîmé sur

une partie de la façade

arrière ; une autre partie,

2/3 du mur, non-enduite.

Quelques restes d'un

enduit à la chaux sur les

deux côtés du mur.

Enduit à base de chaux

(éventuellement un

pourcentage de ciment

aussi) sur les 3 murs

extérieurs, qui reste assez

couvrant.

Badigeon blanc sur

encadrements des

fenêtres.

Enduit à la chaux sur

l'enduit existant

(partiellement piqué) en

bon état aujourd’hui

Reprises en ciment ?

Oui

inconnu

Oui

Non

inconnu

Oui

Evidence d'autres éléments en

bauge dans les alentours ?

Pignon de grange dans le

même village.

Petit abri sur le même

terrain ; murets de

séparation en bauge dans

le village

Dépendance sur le même

terrain ; petite maison un

peu plus loin sur la route

(Ville au Gal)

Non

Petit abri sur le même

terrain

Dans le village: porcherie

(sur le même terrain);

mur d'atelier en bauge;

bâtiment de stockage

Estimation de date de

construction

1840 – 1885

Premier module avant

1821 et rajouts depuis

1831 ou 1851

En partie reconstruite

première moitié du

XXème.

inconnu

1856

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Observations sur la bauge

Les bâtiments étudiés démontrent autant de points communs que de différences. Le tableau synthètique, visible sur les deux pages précédentes, permet de comparer les six bâtiments sur plusieurs aspects de leur construction. Les critères sur lesquels je les compare viennent d’une part de mes propres recherches, et d'autre part des conseils de lecture de la bauge d’Erwan Hamard, ingénieur à IFSTTAR.

L’échantillon de bâtiments étudiés est petit. Toutefois, on peut tirer quelques conclusions générales sur la typologie des maisons en bauge dans la région :

• Un indicateur pertinent dans la lecture de la bauge est celui de l’élancement38, soit le rapport entre la hauteur des levées et l’épaisseur du mur, qui peut indiquer à quel point la terre employée convient à la technique. Plus l’élancement est haut, plus la terre convient. Tous les murs étudiés démontrent un élancement médian (entre 0.7 et 1.3), indiquant la mise en œuvre de terres correctes par rapport à la technique. En dessous de 0.7 le mélange employé manque de solidité ; au-dessus de 1.3 le mélange est résistant et porte aisement une charge importante de terre à chaque levée. Points de comparaison : dans le bassin de Rennes, l’élancement peut monter vers 1.5, donc bauge très performante ; en Vendée, l’élancement peut descendre vers 0.5, la limite inférieure pour un mur structurellement efficace.

• Dans la plupart des cas, on constate un ratio plus élevé de pierre par rapport à la bauge sur les façades principales que sur les façades arrières.

• Les bâtiments les plus pauvres en pierre ne présentent qu'un renforcement des angles en pierre, formant un soubassement minimal qui s’incline en oblique, peut-être des-cendant presqu’au niveau du sol, pour remonter en oblique en renfort des ouver-tures.

• L’orientation d’un mur semble déterminer le choix du matériau prédominant (pierre ou bauge) : les murs principalement édifiés en bauge, souvent les façades arrières, sont orientés nord dans la plupart des cas étudiés, le matériau pierre ayant été choisi pour les murs orientés sud ou sud-ouest et donc exposés aux vents dominants.

• Tous les bâtiments observés comportent un seul niveau plus éventuellement un grenier.

• Les façades principales et les pignons sont plus susceptibles d’être enduits (à la chaux ou chaux-ciment) que les façades arrières.

• L'enduit ne donne pas seulement l'opportunité de dissimuler la terre, matériau considéré banal, mais permet aussi de travailler l'aspect esthétique d'une façade : la création des encadrements de fenêtres en imitation pierre de taille, par exemple (Passouer).

• Il est également possible que des enduits aient été employés pour consolider des surfaces friables/poudreuses (comme présentées par plusieurs des surfaces inspec-tées).

• Les terres employées sont variées. Plusieurs semblent visuellement ressembler à la terre de Kerlo/Pontprin que j’ai testée (voir p.51), type de terre claire et assez

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limoneuse connue localement dans toutes ses variations sous le nom terre glaise. Elle contient plus ou moins de graviers et de cailloux.

• Les fibres ajoutées sont le plus souvent d’origine céréalière, dont paille de blé ou de seigle. Plus on s'approche de la Grande Brière, plus le roseau est commun. D’autres plantes des marais (jonc, genet, “ganèche”) y ont également été employées. Dans tous les cas étudiés, les fibres sont mélangées dans la masse.

• La mise en œuvre d’un mélange de bauge fibré dans la masse, divisé en mottes qui sont posés en oblique sur le mur, est le plus fréquent dans les exemples étudiés.

• La technique de la bauge a permis l’intégration des éléments dont des fémurs en quinconce ou des perches, probablement comme points d'accroche.

• La plupart des bâtiments étudiés semblent dater de la première moitié du XIXe.

• On constate souvent les traces de plusieurs constructions en bauge dans un même lieu.

• La plupart des bâtiments étudiés sont situés en proximité de la Grande Brière (St André-des-Eaux, Hoscas, Mayun, etc), mais les exemples s'étendent bien plus loin, vers le littoral (St Molf, Pornichet/St Nazaire).

Le temps disponible pour mes recherches de terrain ne m’a pas permis de pousser l'in-vestigation à tous les bâtiments en bauge sur ma liste. La liste est en annexe en attendant une recherche future.

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38

2.2 Technique du torchisLe torchis n’est pas un système de construction de mur monolithique ou porteur, comme la bauge ou le pisé. Le torchis est une technique de remplissage d’une ossature bois avec un mélange de terre argileuse, dépourvu de graviers mais contenant une propor-tion faible de sable, et amendé avec une grande quantité de fibres (bien supérieure à la bauge). La technique se rencontre beaucoup dans le nord de la France, ainsi qu’en poches parsemées sur tout l’hexagone.

Il était beaucoup plus facile de trouver des exemples de torchis sur la Presqu’île gué-randaise que des exemples de bauge. J’en ignore la raison. J’ai trouvé des exemples de torchis en ville (Guérande, Piriac-sur-Mer), donc peut-être plus en vue que les exemples de bauge, trouvés systématiquement en zones rurales. Les exemples de torchis que j’ai trouvé ne constituent pas des parties principales de construction : ce ne sont que des éléments – plafonds/planchers, rampants, hottes de cheminées et cloisonnements – dans des bâtiments majoritairement édifiés en pierre.

En ce qui concerne des témoignages sur le torchis, j’ai eu la chance de trouver Francis Sebilo, un agriculteur/maçon à la retraite, en capacité de me parler de la mise en œuvre de la terre. J’ai pu parler aussi avec les propriétaires de bâtiments contenant des éléments en torchis.

La mise en œuvre la plus fréquemment rencontrée est le plafond/plancher en quenouilles de torchis. Tandis que la pose d’un mélange plastique de terre et de paille sur un lattis vertical en bois se fait assez aisément, on ne peut pas dire la même chose pour la pose d’un tel mélange sur une surface plane telle qu’un plafond ! La technique de préfabrication des bâtons en bois enroulés de torchis a bien répondu à cette difficulté et était répandue dans le bâti ancien localement, ainsi qu’ailleurs en France. Des barreaux de chataigner sont enroulés d’un “millefeuille” de fibres longues et de terre très molle, souvent étalé sur une surface plane de niveau. Ces quenouilles sont posées sur le solivage. Elles sont enduites à la main à partir du dessus avec un mélange de terre plus ferme. On arrive parfois à voir les traces des doigts d’en dessous. L'ensemble est badigeonné à la chaux. Les fiches exemples sur le torchis portent moins sur la technique et la mise en œuvre que sur les expériences et avis des propriétaires sur ces éléments, car j’ai rencontré plusieurs personnes très volontaires pour parler du fait de vivre dans ces maisons et de restaurer ces plafonds. Cependant, la première fiche, qui concerne ma rencontre avec Francis Sebilo à Kerlo, est plus complète que les autres car elle inclut quelques détails de mise en œuvre. Le témoignage de M. Sebilo, venant de sa propre expérience, est rare et précieux.

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39

Francis SebiloUne rencontre cléA Kerlo, j’ai rencontré M. Francis Sebilo, 83 ans. Un de mes clients m’avait parlé de lui, comme quelqu’un de l’ancienne génération qui a travaillé la terre crue dans le passé, et qui aurait certainement des choses à me raconter sur ce sujet. Je nourrissais de grands espoirs dans cette rencontre : M. Sebilo représentait une des seules “pistes” vraiment pertinentes que je possédais à ce moment là, malgré le fait que je parlais beaucoup autour de moi de cette recherche.

C’était au mois de novembre. En arrivant chez lui, j’ai trouvé toutes les portes et les fenêtres de sa maison et de la chaumière attenante grandes ouvertes. Francis Sebilo était dans son champ en face, à bêcher une rangée de choux. J'y suis allée à l'improviste mais son accueil fut ouvert et chaleureux, et il a eu tout de suite beaucoup de choses à me raconter. L'“interview” avec M. Sebilo s'est passée dans son champ, dans ses dépendances et devant sa maison, mais jamais autour d’une table avec mon bloc notes et enregistreur posés en bonnes conditions pour bien recueillir son témoignage. Par conséquent, il est possible que je sois passée à côté de quelques détails. Je retiens deux idées clés :• Le sujet de la terre crue n’occupait qu’un quart du temps de mes conversations avec

M. Sebilo. Chaque fois que j’ai recadré notre discussion sur mes préoccupations terreuses, il prenait au bout de quelques minutes une bifurcation vers autres préoc-cupations de sa vie quotidienne dans les années post-guerre. Le travail de la terre pour la construction faisait partie des tâches variées qui constituaient la vie dans le milieu agricole, entièrement interconnecté aux autres aspects de l’existence. M. Sebilo repète plusieurs fois l’importance d’être “polyvalent”.

• Même si je le savais déjà, j’ai vu et compris très simplement que le savoir-faire associé à la terre crue était transmis par le faire, le toucher. Le manque de document sur le sujet démontre clairement qu’il ne s’agissait pas d’une tradition écrite, certes, et dans ce cas on serait plutôt amené à parler d’une tradtion orale. Mais cela n’exprime pas assez précisement les choses : doit-on parler d’un tradition tactile à la place ?

M. Sebilo m’a montré un plafond en torchis dans la chaumière mitoyenne à sa maison (elle-même étant beaucoup plus récente). Le plafond est en état très satisfaisant en général, malgré quelques fissures. Il est recouvert d’un badigeon à la chaux ayant besoin d’être renouvelé, mais en dessous, la partie à base de terre tient bien. M. Sebilo m’explique qu’un mélange de terre et de foin est enroulé sur des barreaux de châtaigner qui sont après posés entre les solives, collés les uns aux autres. C’est un système que j’ai rencontré seulement en formation, appelé souvent des quenouilles. Ceci n’est pas un terme que connait M. Sebilo, il l’appelle simplement torchis. D’après lui, ce plafond a “au moins 200 ans”. Sans être sollicité il énumère les avantages d’un tel plafond :

“Si ça [ne] mouille pas c’est increvable ! Et le pire... c’est que c’est chaud. Ces chaumières, en hiver il fait très chaud et en été très frais.”

La terre crue est effectivement un matériau à forte inertie thermique, capable de stocker et de destocker de l'énergie (de la chaleur), et contribue ainsi à réguler les changements de températures d'un bâtiment.

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M. Sebilo m’explique qu’il faut employer de la terre glaise pour faire du torchis. Ce terme est évidemment l’appellation locale et juste qui désigne la terre pour la construction, et je suis ravie de la rajouter à mon vocabulaire technique. En plus, je me rends compte que le terme que j’ai employé jusqu’à ce moment – terre, tout court – porte également le sens de la terre végétale, la terre agricole, et pour cette raison est ambigu. Cette ambiguité est la source d’au moins un malentendu avec M. Sebilo et donc surement d’autres dans mes recherches précédentes.

M. Sebilo me parle de la façon de prélever et de préparer la terre glaise, que j’élargirai dans la partie sur les mortiers en terre (p.48). Pour faire du torchis, il évoque, la “pâtée” de glaise doit être un peu plus sèche que pour en faire un mortier, pour pouvoir l’enrouler avec les fibres au tour d’un morceau de châtaigner ; trop humide, ça va décoller et prendre trop de temps à sécher. Ensuite, M. Sebilo explique le processus pour préparer et rajouter les fibres :

“… le foin, vous le secouez bien, pour qu’il n’aie pas trop de poussière, car plus il a de poussière, plus il va absorber l’eau. Et après, quand votre pâte est faite, vous le rebrassez avec … car si vous ne l’aviez pas brassé au départ, vous n’arriveriez plus à le brasser … le brasser pour que ça se colle avec le torchis [le foin]. La quantité c’est difficile... selon ce que vous mettez… Là vous n’allez pas mettre moitié moitié, [ce serait trop de foin].”

Il dit aussi qu’il peut y avoir de la bouse de vache dans le mélange. Les fibres sont du foin et non pas de la paille. Il est intéressant de noter que, pour Francis, elles sont intégrées directement dans le mélange, plutôt qu’allongées et tartinées de terre en deux couches (mise en œuvre répandue décrit p38). Cette mise en œuve est plus grossière, et doit être possible avec le foin, étant plus fin et moins raide que la paille. Cela fait des années que M. Sebilo n'a pas préparé un mélange de torchis, mais ses propos sont clairs et pleins de détails. Il cherche ses mots pour vraiment préciser les choses. Il prévoit les problèmes potentiels. Quand il parle des quantités (de l’eau, de foin) dans un tel mélange, on sent bien qu’il est en train d’accèder à un savoir-faire qui passe par le “feeling”, le toucher, soit directement de la main, soit à travers un outil.

Lorsque je demande à M. Sebilo quel sera l’avenir du plafond en torchis dans son bâtiment, il n’hesite pas à me répondre qu’il a l’intention de le restaurer un jour, avec son petit-fils : “on laissera le solivage comme ça et on refera le torchis”. Son petit-fils a suivi une formation de charpentier et maintenant se forme à la couverture. A l’origine, l’idée de garder et de restaurer le plafond était la sienne. M. Sebilo en a l’air ravi.

M. Sebilo me montre également une partie de la dépendance qui a été amenagée “en maison d’habitation” (voir photo ci-dessous), très rustique comparée au exigences d'aujourd'hui. Ici on voit, dissimulée derrière des morceaux de tissus et de papier, la hotte d’une cheminée en torchis. Il y a une description de ce genre de construction dans le livre recent Guérande, ville close, territoire ouvert, qui fait l’inventaire du patrimoine du pays de Guérande :

“Au nord de la commune, le linteau du faux-manteau et les deux corbeaux … sont en bois. La hotte est construite en pan-de-bois : entre deux cadres constitués par le faux-manteau et la base de la souche sont fixées plusieurs perches formant l’armature. Sur ces dernières sont insérées des lattes entourées d’un mélange de tiges végétales et de l’argile. Ce type de cheminée semble avoir perduré jusqu’au milieu du XIXe.” 39

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C’est effectivement ce qu’on voit chez Francis, peut-être un des derniers exemples de hottes de ce type.

J’ai demandé à M. Sebilo s’il connaissait des sites à glaise autour de Kerlo. Il m’a indiqué un tas de terre jeté sur une friche dans le coin d’un de ses champs, l’identifiant comme “de la bonne terre”. J’en ai pris un échantillon pour le tester (voir p.51).

KerrousseauHabitation/dépendanceJ’ai visté ce bâtiment avec M. Gervot, historien local basé à Sandun. Le bâtiment appartient à M. Chelet, menuisier retraité. Bien que l’extérieur ait été remanié, cette chaumière est “dans son jus” à l’intérieur. Il s’agit d’une maison à cohabitation (hommes et animaux sous le même toit40), avec écurie et logis séparés par une cloison en bois. Elle date de 1819 d’après son propriétaire.

Le bâtiment comporte deux éléments en torchis : un plafond en quenouilles et une hotte de cheminée, comme chez Francis Sebilo à Kerlo. Les deux éléments sont aujourdhui assez abimés. On arrive à voir à travers des quenouilles (épais-seurs environ 15cm) dans plusieurs endroits. C’est le torchis qui est fissuré et cassé, et non pas les bâtons de châtaigner. Le torchis, les solives, les poteaux et les poutres sont chaulés. Au-dessus, dans le grenier, le foin qui y est stocké en épaisseur, déborde par la tremie où passe l’échelle et illustre merveilleusement la façon dans laquelle un plafond en quenouilles était sur-isolé, en hiver, à l’origine.

M. Chelet n’a pas l’intention de garder et de restaurer les éléments d’origine du bâtiment : “Quel boulot !” Il ne garderait que les solives, si leur état le permet. Mais il n’a pas de projet de vente ni de rénovation pour le moment.

Piriac-sur-merMaisons de ville Un exemple “deux-en-un”, qui illustre parfaitement l’enjeu de l’emploi et de la restau-ration du torchis de nos jours. Il s’agit d’un ensemble de trois maisons, groupées sur un îlot avec un jardin au milieu, près du port à Piriac-sur-Mer. J’ai pu les visiter avec Loïc de Chateaubriant, propriétaire. Ces maisons appartiennent à sa famille depuis des générations. Les parties les plus anciennes datent du XIVe, avec d’autres parties et re-maniements datant du XVIIe et XVIIIe. Loïc a fait restaurer deux de ses bâtiments, avec l’intention de les louer, et il habite dans le troisième, qu’il appelle “la vieille maison”. Il n’a pas le projet de la restaurer mais elle demande regulièrement des interventions de répa-ration. Cette maison est une des deux dernières dans la ville à être “dans leur jus”, selon M. de Chateaubriant (citant l’ancien responsable d’urbanisme de Piriac). J’ai pris le soin de transcrire plusieurs des explications de M. de Chateaubriant, en ses propres mots, car ils illustrent bien son engagament avec ces bâtiments historiques dont il est responsable.

“La vieille maison” comporte des plafonds en quenouilles, sur ses deux étages. Le plafond est chaulé dans l’ensemble, y compris les solives, sauf sur une zone nue que M. de Cha-

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teaubriant m’indique comme étant la partie qui s’effondrait il y a quelques années. Il a demandé au maçon qui travaillait déjà sur ses maisons s’il pouvait réparer le plafond. Le maçon en question, Philippe Rahard, n’avait jamais fait de quenouilles mais il a accepté le défi et développé une recette et une méthode. Sur une longueur, il a pu réparer les quenouilles existantes en refaisant les deux rails sur lesquels elles reposaient, et en réenduisant le dessous de l’ensemble. Mais la solive voisine était cassée, M. de Chateau-briant raconte :

“C’était irrécupérable, les quenouilles étaient véritablement inutilisables … il fallait qu’ils refassent une série de quenouilles et qu’ils les remontent intégralement [une zone entre solives ne mesurant pas plus que 2,5m linéaires]. Cela a été fait en 2012. La terre a sechée, quelques craquelures sont apparues. … Ca a mis beaucoup de temps à sécher.”

Le séchage long a certainement entraîné la décoloration visible sur la photo (en haut à droite). M. de Chateaubriant évoque le prix élevé par mètre carré pour la réfection des quenouilles, comme facteur rebutant. Mais il communique son désir de garder cet élément en torchis, et tout ce que cela implique :

“[Il n’y a] pas besoin d’y toucher … tant que ça tient. Bon, il faut surveiller, maintenant j’ai appris à comprendre le problème. Le problème ce sont les petits tasseaux, les petits rails qui sont le long, parce que ceux là sont attaqués par les vers, et quand les extrémités des quenouilles sont vermoulues et qu’elles cassent, il peut se passer ce qui menace de se passer ici : là ça y est, il est en train de s’effondrer …”

C’est un engagement de sa part, de son attention et de ses fonds. Il est prêt à le faire et il m’explique que les travaux de réparation ne seront pas obligatoirement couteux :

“Si ce n’est les rails, c’est rien du tout. Mais s’il faut refaire les quenouilles...”Je me demande combien de propriétaires connaissent leurs bâtiments aussi minutieuse-ment ? Je suggère que les zones atteintes peuvent éventuellement être réparées d’une autre façon, avec des “rustines” de torchis peut-être. Il me répond, “Mais tant qu’à faire, j’aime bien faire les trucs proprement.”

Dans la maison mitoyenne, M. de Chateaubriant envisageait une autre façon de faire un plafond en torchis, vu qu’il n’y avait pas de plafond existant, simplement le dessous du parquet de l’étage posé sur le solivage. Il souhaitait apporter de l’isolation phonique à ce plafond/plancher et ne voulait pas poser un faux plafond, d’où l’idée de le réaliser en terre. Ce n’était pas financièrement envisageable de le créer en quenouilles, et le même maçon a proposé de le faire en torchis posé sur un lattis. M. de Chateaubriant explique la pose :

“[Rahard] a d’abord posé deux rails, de part et d’autre contre les solives, et puis il a mis tout un jeu de petits lattis perpendiculaires séparés les uns des autres d’à peu près 5cm, et qu’il a déployé sur toute la longueur de chaque compartiment entre les deux solives. Et ensuite une fois que ça a été fait, il a créé l’accroche, permettant de bourrer avec son torchis… Ensuite, après que toute la partie tenue dans les coffrages a été posée, il a fait la couche de finition.”

Encore une fois, le maçon a trouvé la mise en œuvre et la recette pour le torchis par un processus d’expérimentation, n’ayant jamais jusque-là effectué ce genre de travaux. M. de Chateaubriant a été impressionné par le poids du torchis, qui a fait s'incurver les solives (de 40x40), ainsi que par la quantité d’eau qu’il contenait. Il craignait que l’humidité ne fasse gondoler le parquet dessus, contre lequel le torchis était posé, mais il ne s’est rien passé. Le séchage a été long, comme pour la version en quenouilles, mais la mise en œuvre assez rapide et par conséquent beaucoup plus abordable financièrement.

43

M. de Chateaubriant est soucieux de communiquer précisément le sentiment de bien-être que l’installation de ce plafond lui a apporté :

“Dans la pièce en bas, et même ici [à l'étage] … [il y a] une espèce de stabilité dans la maison, qui n’existait pas avant. Et je retrouve cette espèce de sensation, qui est très difficile à décrire … dans la vieille maison. Je ne l’ai pas dans le théâtre [un des autres bâtiments, rénové, mais sans terre]. Je suis persuadé que c’est lié à la terre. C’est un ressenti de stabilité et je pense d’humidité, c’est lié. C’est le système nerveux qui réagit : une combinaison de quelque chose de stable, avec une espèce de respiration humide … Je sens qu’il y a une continuité. Je compare d’autres vieilles maisons que j’ai connues qui n’étaient pas en terre, et qui étaient très humides … dans ces autres maisons je sens une humidité, mais une humidité instable, qui n’est pas en continuité avec moi, qui m’échappe, qui me dépasse … qui est trop agressive.”

En mots peu spécialisés et peu techniques, mais pourtant vivement évocateurs, M. de Chateaubriant décrit une des qualités majeures de la terre crue dans l’habitat : cette régu-lation hygro-thermique, déjà évoquée dans l’introduction. On peut effectivement dire que la terre possède une “respiration humide”, inspirant et expirant l’humidité ambiante pour en garder un taux régulier.

M. de Chateaubriant ne connait pas d’autres maisons dans le bourg de Piriac-sur-Mer comportant des éléments en terre, sauf éventuellement la maison mentionnée au début de ce chapitre :

“Malheureusement, le problème c’est que tout à été détruit … Les derniers planchers de torchis, etc, je les ai vus partir dans les bennes… il y a 15-20 ans.”

Sa motivation de garder de tels éléments est simple : “Je veux conserver ce qui m’a été transmis.”

L’origine de la terre employée chez M. de Chateaubriant n’est pas mystérieuse :

“Ici à Piriac il y a de l’argile. C’est pas très profond, à [10cm] tu trouves de la glaise ici, dans le jardin t’as des couches de glaise immé-diatement.”

La vieille maison contient également un cloisonnement de la cage d’escalier en torchis dans une structure en bois (photo à droite).

Guérande intra-muros Maisons de villeSituation : Salon de thé, 30 rue de Saillé, Magasin de bijoux, 15 rue de Saillé

Le rez-de-chaussée du numéro 30, une maison de ville en pierre, a été transformé en salon de thé il y a une dizaine d’années. Ses propriétaires ayant pris leur retraite ne tiennent plus le commerce mais habitent toujours les appartements au-dessus. La maison appartient à la famille de Nanou Languillat depuis 1950. Le bâtiment date du fin du XVIIe., d’après la date portée sur la lucarne ; date corroborée par le style d’arc en plein ceintre de l’encadrement de la porte principale. Le père de Mme Languillat a découvert que les deux sols/plafonds du bâtiment étaient en terre crue, pendant leurs travaux (années 80)  :

“Le torchis à ce moment la, il était chaulé, passé a la chaux, blanc. [Mon père l’a] nettoyé à la brosse.”

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Mme Languillat explique que ce plafond n’était pas le seul élément en terre crue que sa famille ait trouvé dans la maison :

“Il y avait [du torchis] en haut, en fait il y en avait quasiment partout. Dans les rampants ... et dans les sols … dans le grenier, c’était de la terre battue. Il y en avait dans les chambres. Quasiment tous les étages. En sol, et bien sûr : le sol était le plafond de dessus.”

Elle croit que tous ces éléments en torchis étaient d’origine, c’est à dire datant de plus de 300 ans. Ce n’est par contre que le plafond en que-nouilles du rez-de-chaussée qui a survécu aux travaux des années 1980. Mais c’est au moins ça : Mme Languillat parle d’autre commerçants dans la même rue, qui ont “tout foutu par la fenêtre … C’est triste, c’est des trésors, il y a 40 ans les gens n’avaient pas la même sensibilité...”. L’intervention de son père a laissé ce plafond dans l’état où il est aujourdhui : terre brute, sans enduit de finition ni de chaulage, avec des traces de doigts visibles. Ces derniers sont le témoin de la mise en œuvre : la pose se fait d’au-dessus, et l’ouvrier qui pose les que-nouilles va ponctuellement passer un coup d’enduit sur la face inférieure des dernières quenouilles posées, c’est-à-dire côté plafond. Il va repartir cet enduit et le redresser à la main, à l’aveugle, laissant une surface texturée de façon irrégulière, qui sert d’accroche pour une couche mince d’enduit de finition. La famille a apprécié le torchis comme trace d’autrefois, ainsi que pour son aspect brut. La pièce en rez-de-chaussée est devenue dans un premier temps la pièce à vivre, et le torchis a compliqué la vie de la famille pendant un certain temps :

“On trouvait que le torchis était sympa, mais que ça tombait un peu dans la soupe quand même ! On s’est posé beaucoup de questions, qu’est-ce qu’on pouvait faire, c’était assez désagréable, on sentait qu’il y avait des petites suspensions, il y avait de la poussière sur les meubles et du coup on a projeté avec un pulverisateur un produit – un peu comme une laque – et on a jamais rien fait depuis. Ce n’était pas brillant, pas nuisible, et ça fixait… C’était très efficace, il n'y avait aucun désagrement après.”

En cherchant et en prenant le temps de comprendre la nature du matériau et du problème, elle a réussi à trouver une solution convenable : un fixatif (dont elle ignore la composi-tion mais elle croit qu'il laisse respirer le support). Le chaulage aurait été la solution traditionnelle. Il y avait un autre souci : le torchis du plafond était abimé sur une petite zone près de la cheminée, et Mme Languillat a trouvé facilement un artisan apte à le réparer : sensible aux matériaux traditionnels et respectueux du bâti ancien, elle avait déjà quelqu’un chez elle en train de réaliser des enduits chaux/chanvre dans les apparte-ments du 1er étage et du grenier. L’artisan, Cyril Rebuffé (interviewé pour ce mémoire), n’était jamais intervenu auparavant sur un plafond à quenouilles, mais, comme le maçon Philippe Rahard, il a appliqué son savoir-faire sur le matériau terre pour effectuer une rustine (photo à droite).

Mme Languillat me parle d’un autre plafond en torchis dans la même rue, que je visite à la suite. Il y a un magasin de bijoux installé au rez-de-chaussée de ce bâtiment depuis un an, et j’échange quelques mots avec la locataire, Mme Meire, d’origine brésilienne, au sujet du plafond. Elle s’avère être très sensible à cet élément, qui a fait partie des raisons de son choix pour ces locaux, pour son côté “original”. Elle l’apprécie également pour ses capacités techniques :

“[Le plafond] conserve la chaleur. Même si on met très peu de chauffage, c’est suffisant. Même en plein hiver. Je n’ai qu’un petit chauffage, vous voyez, et ça suffit pour chauffer une pièce qui fait 50 m2, et avec une bonne hauteur [les murs sont en pierres apparentes].”

Elle a appris des propriétaires que le plafond était fait de terre, paille et crottin de cheval. Il est, comme le plafond du no 30, “nu”, dépourvu d’enduit et de chaulage. Mme

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Meire trouve qu’il a un inconvénient, “des microparticules qui tombent” (problème sur lequel je suis capable de la conseiller !). Elle me parle aussi de ses origines et de l’affinité qu’elle a avec ces matériaux :

“Là où je suis née on utilisait beaucoup ce système, on fabri-quait des maisons en argile, avec de la paille. C’est des choses que j’ai vues dans ma jeune enfance. Je ne suis pas choquée de trouver des choses qu’on faisait avant. Ces matériaux là, c’est plus intelligent, c’est le futur. Celui là il date du XVeme siècle et il est toujours là … Le bâtiment est du XVe et on dit que [le plafond est] d’origine.”

Je n’ai pas pu explorer le reste de la maison, mais j’aurais probablement trouvé d’autres éléments en terre. Quelques incursions dans d’autres magasins de la même rue ont révelé le possibilité de plusieurs autres plafonds potentiels en torchis, badigeonnés, par exemple le magasin d'antiquités, en photo à droite.

Depuis ces visites, j’ai entendu parler d’autres exemples de plafonds en quenouilles, en ville à Guérande ainsi que dans la zone du PNB de la Brière.

Observations sur le torchis

Toutes les réalisations de torchis étudiées représentent des éléments dans des maisons dont le matériau de construction principal est la pierre. Dans son mémoire sur les sols en terre, Anne le Marquis remarque que l’emploi de la terre dans une maison autrement édifiée en pierre permettait de réutiliser la terre décaissée pour les fondations ; en ville il devait être plus simple de stocker les déblais sur place dans les planchers et cloisons que de sortir la terre hors de la ville. Un bel exemple d'un circuit court !

Il est evident qu’un désir généralisé de bâtir avec des matériaux neufs/modernes pendant la deuxième moitié du XXe. a provoqué la destruction massive des éléments en torchis dans les villes et dans la campagne de la même manière. Les exemples restants sont donc plus rares dans la région aujourd'hui qu’il y a 50 ans. Toutefois, ces indices suggèrent qu’il en reste un certain nombre quand même. Les quelques exemples de plafonds en torchis recueillis pour ce mémoire démontrent une évolution des attitudes actuelles envers ces éléments, enumérées ci-dessous : • En général, les plafonds en quenouilles sont interpellants et ne laissent pas leur pro-

priétaires indifférents. Denis Landais, chaumier, remarque le même phénomène (voir p.32)

• Plusieurs propriétaires se sont montrés sensibles à la valeur patrimoniale de ces éléments. Ils peuvent être considérés en quelque sorte comme des “gardiens” auto-proclamés d’un patrimoine humble, non-couvert par les systèmes de protections existants de l’état.

• Plusieurs propriétaires/locataires sont sensibles et conscients de la performance technique (regulation hygro-thermique) d’un élément tel qu’un plafond en que-nouilles.

• Une mode actuelle pour montrer des aspects bruts, auquel ces plafonds en terre répondent, est tangible. Les deux magasins à Guérande se sont installés dans les dix dernières années et sont soucieux de leur image. Cette mode a l’avantage de mettre

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en valeur la matière terre dans un lieu qui accueille le public, et pourrait aider à sen-sibiliser le grand public à son existence et sa valeur.

• Les plafonds en torchis sont réparables, toutefois le coût s'avère élevé si les que-nouilles sont à refaire. On peut alors envisager d'autres solutions, comme le torchis sur lattis ou bien les rustines.

2.3 Les faîtages en terreLes chaumiers dans la Brière ont une raison particulière de s’intéresser à la terre. Ils sont plusieurs aujourd’hui à proposer de nouveau des techniques traditionnelles devenues démodées, comme les faîtages en terre. Depuis les années 1970s, les faîtages ont commencé à être réalisés en ciment, considéré comme un matériau plus étanche que l’argile, qui avait fait l’affaire jusque-là. Avec le recul de nos jours, le ciment se révèle bien moins performant qu’imaginé : trop raide, il a tendance à se fissurer et à se casser, manquant de souplesse nécessaire pour s’adapter aux mouvements de la toiture. Stéphan Ammour, chaumier, m’a parlé du processus de réalisation d'un faîtage en terre végétalisée, mis au point par son collègue Denis Landais. Il s'agit d'une variante de la technique traditionnelle pour la confection des faîtages, qui a été transmis à M. Landais par Moses Jubé, son maître. Les deux ingrédients principaux sont de la terre très argileuse et du fumier de vache très collant. Les proportions varient selon la terre, mais pour un volume d’argile, il y a au moins un demi volume de fumier, et puis on y rajoute des quetiers. Les quetiers sont des déchets de roseau, provenant du chaume. Le tout est mouillé, assez abondamment, et mélangé, “comme un millefeuille”, par terre, en piétinant. M. Ammour rajoute que c’est très fatiguant, et que l’idée de le faire faire par les bêtes comme dans le passé était très astucieuse ! Le mélange ne doit pas être trop liquide, mais plutôt “comme des rillettes” : jeté contre un mur, il ne doit pas couler.

Le faîtage, qui peut mesurer jusqu'à 1.2 m de large, est préparé avec une toile étanche sur laquelle est posé un grillage à poules. Des cordons en roseaux roulés sont installés de chaque côté du grillage, et le mélange, appelé torchis, est étalé sur le grillage entre les cordons. Le torchis est ensuite façonné. Au plus fort, il atteint 15cm d'épaisseur. Une barbotine très liquide de terre végétale est passée sur le torchis, et ensuite des petits trous sont fait dans le torchis en appuyant avec un doigt. Des plantes dont les systèmes racinères servent à fixer le torchis, sont plantés dans les trous : des iris, de la joubarde, des sédums de tous genres. Les cuvettes laissées par les traces des doigts servent à nourrir les plantes en eau.

La difficulté principale qu’un chaumier peut rencontrer en réalisant un tel faîtage est liée à l’approvisionnement d’une bonne terre argileuse et du fumier suffisament collant. Le fumier liquide provenant d'une vache nourrie à l'ensilage de maïs n'a rien à voir avec un bonne vieille bouse collante ! M. Ammour raconte un récit édifiant au sujet de l'importance d'employer de la terre très argileuse, page 50.

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2.4 Les enduits en terreLa plupart des réalisations que j'ai faite dans le cadre professionnel avec la terre locale sont des enduits, et j'étais très curieuse de savoir si – et comment – les enduits ont été employés traditionnellement sur la Presqu'île. J'étais particulièrement intéressée de voir si des fibres végétales ont été employées. Les fibres arment l'enduit et permettent de charger en épaisseur de plusieurs centimetres sans fissuration. Cependant, dans le cadre professionnel dans ce territoire, je constate que la pose d'un enduit terre fibré en fibres végétales (paille ou chanvre) sur des murs en pierre est complexe et risquée : la présence de salpêtre ainsi que des phénomènes de migration d'eau par capillarité peuvent rapi-dement endommager l'enduit41. Si les enduits ont été pratiqués traditionnellement, des fibres végétales ont-elles été employées ?

Le seul endroit où j’ai trouvé des enduits en terre est à l'intérieur de la dépendance de Francis Sebilo à Kerlo (photo à droite). Il s’agit d’un enduit épais d’environ 2cm, plutôt riche en gros sables, et sans fibres. L’enduit, aujourdhui bien abimé, est badigeonné à la chaux. M. Sebilo confirme que les mélanges pour les enduits qu’il préparait ne contenaient pas de fibres. D’après M. Sebilo, la présence de l’enduit dans sa dépendance indique que cette partie a été transformée en “maison d’habitation”.

M. Sebilo rappelle le plaisir de travailler la terre en enduit : “Quand vous enduisez [avec du ciment], il y a un certain délais de temps … vous sentez que l’enduit que vous avez jeté est “chaud”, et il ne faut pas rester derrière car il faut talocher. Et la terre, elle ne fait pas ce machin là, la terre, elle donne le temps de travail-ler. C’est pour ça qu’on s’en passera pas, ça donne le temps de travailler, mais ça donne le temps de vivre aussi après ! C’est ça le mieux de tout.”

Il observe que la glaise doit être humidifiée un peu plus pour en faire un enduit que pour faire le torchis : “il faut qu’elle soit un peu plus mouillée, sans être trop mouillée”.

La seule référence écrite que j’ai trouvée sur les enduits (voir page 17) parle des enduits fibrés avec des poils/crins d'animaux.

Le peu de preuves que j'ai pu recolter sur le sujet indique que :• les enduits traditionnels n'était pas amendés en fibres végétales, mais plutôt en poils

d'animaux • une terre riche en gros sables/graviers peut compenser la manque de fibres

Pour information, voici ma démarche habituelle de fabrication des enduits : Je prépare les corps d'enduits avec de la terre locale, souvent assez foncée en couleur, mélangée avec du sable et de la paille broyée ou de la chenevotte, en proportions variées selon la qualité de l'argile présente. Je prépare les enduits de finition à base de terres locales de couleurs claires, que j'amende avec des charges variées, en proportions variées, selon la qualité de l'argile et l'aspect recherché : sable/sablon/poudre de marbre, et chanvre ou lin broyé. Souvent, un apport en colle de farine est nécessaire pour “booster” les mélanges de finition en liant et pour éviter le “farinage” de la surface. Il arrive que je fabrique des enduits de finition à base de kaolin commercialisé si les terres disponibles localement ne sont pas suffisamment performantes.

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2.5 Les mortiers de terreLes mortiers terre sont tellement omniprésents en maçonnerie dans le bâti ancien du territoire, qu'il serait possible de consacrer tout un mémoire à leur sujet. Ici je vais simplement noter le témoignage de M. Sebilo sur la prépara-tion de la terre et sa mise en œuvre en mortier :

“La glaise, ça se brasse comme le ciment, même mieux. Vous avez des gros baquets qui faisaient 3m de long par 2m de large, on brasse la-dedans … mouillé … à la bêche … allez dans le mur. C’est pour ça qu’on peut pas monter très haut, faut attendre que la glaise sèche. Donc on montait les murs tout au long, et puis on commençait un autre, ça s’arrêtait pas de travailler quand même mais on changeait l’itinéraire. Vous savez, quand vous montez en terre [glaise] comme ça vous pouviez que monter un mètre, un mètre 50, il faut laisser sécher trois-semaines, un mois.”

D’après M. Sebilo, la terre se prépare de la même façon si elle est destinée à être mise en œuvre comme mortier, comme torchis ou en enduit. Ce n’est que la quantité d’eau qui varie, et évidemment le rajout de foin dans le cas du torchis. Je demande si la terre est tamisée dans certaines situations, et il me répond que non, que tamiser la terre n’est pas facile car la terre est humide et lourde.

M. Sebilo continue à travailler la glaise aujourd’hui, mais simplement comme mortier pour monter des murets en pierre :

“Les murs, ça se fait facilement. Vous faites un mortier, c’est de la joie ! T’es pas obligé de la mettre à tous les rangs, t’en mets tous les 4 ou 5 rangs, et puis dessus tu fais [un solin], que l’eau ne rentre pas dans le mur, ne le fait pas gonfler. Ce qui n’est pas bon, c’est de mettre trop de terre, [sinon] le mur il va prendre l’eau, il va gonfler, la terre va geler… ”

Ce type de murets est monté partiellement en pierres sèches42, avec une petite quantité de terre pour caler les pierres, ainsi qu’un solin en terre pour l’imperméabiliser. C’est une technique qu’il a employée avec son jeune voisin, Mikaël, qui était ravi d’apprendre des astuces de son ainé. Il a reçu le savoir-faire directement de la dernière génération pour qui la terre était un matériau de construction comme un autre, à disposition gratuite-ment si on savait la repérer.

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Chapitre 3 Identification de terres localesLes divers bâtiments visités et étudiés dans le chapitre précédent montrent la gamme d'utilisations de la terre qui a été employée dans la région. Nous avons déjà évoqué le fait que, traditionnellement, la mise en œuvre d'une terre s'adapte à sa granulométrie et à sa teneur optimale en eau, et non l'inverse (une terre qui serait adaptée à une mise en œuvre choisie). Donc en observant les cultures constructives traditionnelles de la région, on peut déjà tirer la conclusion que les terres disponibles sur la Presqu'île de Guérande se prêtaient aux techniques de la bauge et du torchis. Ces deux techniques impliquent des mises en œuvre où la terre est travaillée à la consistance d'une pâte, modelable.

3.1 Les ressentis d’artisans Reconnaître une bonne terreUne question qui a surgi, et qui reviendra régulièrement pendant mes recherches, est celle de la qualité de la terre dans la région. Ou plus précisément, des qualités des terres de la région. Dans le cadre professionnel du travail de la terre locale, j'ai eu des expériences mitigées. Avant de faire des recherches pour ce mémoire, je n'ai jamais réussi à accéder à un savoir-faire local. J'avais quand même mon propre catalogue d'expériences avec la terre locale, et le constat que j’ai fait avant de commencer cette recherche est que cette terre est variable en qualité. J'avais testé – de façon empirique – de nombreux échantil-lons de terre minérale pour mes clients pour en faire des enduits. J’en ai rejeté beaucoup, en général à cause d'un manque de résistance (ce terme sera défini p.52) ainsi que d’un effritement de surface. Je me demandais si un taux de limon trop élevé par rapport aux argiles pouvait être responsable de ce problème. Mon expérience m'a suggéré aussi un lien entre la couleur d'une terre et sa resistance : plus une terre est foncée (marron), plus elle est convenante ; les terres de tons clairs (beige, jaune, blanc, orange clair) sont moins prévisibles et semblent parfois très pauvres en argiles. Je me suis appliquée à trouver des artisans locaux qui avaient travaillé la terre, et leur demandais leurs avis sur cette matière locale. Où et comment s'approvisionnaient-ils ? Comment choisissaient ils la terre pour différents emplois ? Quelles étaient leurs expériences ? J'imaginais que mes mise en œuvre (enduits, torchis, terre-paille) n'étaient pas exactement les mêmes que les leurs (maçonnerie, faîtages, bauge…) mais je voulais parler avec toutes sortes de personnes ayant des connaissances sur les terres locales, pour mieux les comprendre. J'ai trouvé quatre artisans avec qui j'ai discuté sur ces sujets. Malgré les différences dans les mises en oeuvre employées, certaines similitudes sont ressorties de nos conversations.

“La terre glaise est toujours plus ou moins mauvaise !”Ce sont les mots de Jean-Claude Chelet, maçon de Sandun, retraité, qui était spécialiste de la réparation des fours à pain dans la région. La voûte d'un four est recouverte d'un dôme en terre glaise, le but étant de rendre l'ensemble “à peu près étanche” 43. Pour M. Chelet, une mauvaise glaise pouvait être amendée avec un apport en chaux et en graviers pour mieux répondre aux besoins. Le besoin de faire appel à la chaux indique un manque de liant (donc d’argiles) dans une terre. Le chaumier Stéphan Ammour m'a parlé de la difficulté à trouver de la bonne terre argileuse pour la réalisation des faîtages traditionnels sur les chaumières. Il a eu une mauvaise expérience au début de sa carrière de chaumier, lorsqu’il a employé une terre

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glaise d’une couleur très claire, presque blanche, qui lui avait été recommandée. Une journée humide peu de temps après l’installation du nouveau faîtage : il s’est mis à pleuvoir “du lait” devant la baie vitrée, à la grande stupeur des propriétaires qui déjeu-naient dans la chaumière en question ! La terre du faîtage se dissolvait. Grâce à cette expérience, M. Ammour comprend qu’il faut vraiment faire attention au choix de la terre locale employée. Il constate que la Presqu’île de Guérande est “géologiquement torturée” comparée au bassin de Rennes qu’il connaît bien, où la terre lui semble plus homogène. Maintenant il cherche directement de “l’argile à pots” pour faire les faitages, le même qu’emploient les potiers, avec un taux d'argile élevé qu'il amendera après. Comme Jean-Claude Chelet, Stéphan Ammour évoque un souci lié à un taux d'argile parfois trop bas pour être efficace en faîtage.

Son collègue Denis Landais retrouve le même genre de souci. Il cherche plutôt de la terre jaune ou ocrée, et évite toutes terres qui sont “trop claires”. Il se méfie de la terre blanche car pour lui “ça se délave”. Une terre qui se délave manque de liant (terre limoneuse plutôt qu'argileuse).

L'artisan Cyril Rebuffé, spécialiste des techniques de la chaux et de la terre, a employé de la terre locale en restauration ainsi qu'en construction neuve. Il a réparé des murs en bauge (en terre-paille) et des plafonds en quenouilles, il a réalisé des enduits et a maçonné avec des BTC (blocs de terre comprimés). Il considère que sur la Presqu'île le terrain “n’est pas favorable à l'argile”, comparé au bassin de Rennes, où il a appris les techniques de la construction en terre. Il identifie quand même quelques zones qu'il considère plus riches en argiles : autour d'Herbignac, d'Assérac et de St Molf. Les terres qu'il trouve sont de couleur ocre, tendance un peu orange par endroit, et très plastiques. Il remarque qu'il peut y avoir des différences en qualité, mais en général, il arrive à iden-tifier la bonne terre de façon tactile (“à partir du moment où je sens qu'elle colle bien…”). Il lui est arrivé de faire des essais avec une terre “et de voir que non, ça va pas, elle n'a pas de résistance, vraiment elle part en poudre”. Il parle aussi d'une terre qu’il a rejeté, car “elle était … très sableuse ... alors qu'effectivement de visu, elle pouvait sembler convenir.” Les remarques de Cyril Rebuffé viennent soutenir mon constat de départ :Certaines des terres locales manquent de résistance et se farinent une fois sèches. Ce comportement peut indiquer un manque de liant, d'argile.

Les échanges avec d’autres artisans indiquent que, peu importe l’usage (faîtage, dôme d’un four, enduits, terre-paille … ), nous cherchons tous des terres qui ont une fraction d’argile suffisante et tous ont appris à les identifier, dans le but d’éviter des terres trop pauvres en argiles qui pourraient ressembler de visu aux terres convenables.

Le fil rouge entre ces diverses expériences : la bonne terre argileuse existe sur la Presqu'île, mais certaines terres locales sont trompeuses, elles ressemblent visuellement à une bonne terre glaise (argileuse), sans l'être vraiment.

Ce constat soulève deux hypothèses  :• La terre locale dite “glaise” comporte des variations importantes en taux d'argile

et de limon• L'aspect visuel d'une terre peut être indicatif de son taux d'argile J'ai décidé de mettre à l'épreuve ces hypothèses, en menant plusieurs tests de terrain et de laboratoire.

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3.2 EchantillonnageAu tout début de mes recherches, j'ai fait le choix de prélever et d’étudier six échantillons de terre. Ainsi, je progressais sur les tests en parallèle de mon enquête de terrain. Idéale-ment, j'aurais dû valider mon choix d'échantillons après mes enquêtes sur le terrain, en fonction de mes découvertes. Dans ce cas mon choix d'échantillons aurait été un peu différent. J’ai malheureusement découvert trop tardivement le site où j’aurais pu prendre un échantillon directement en lien avec la terre du bâtiment (La Rue Jean I). Cependant, les échantillons choisis s'avèrent être plutôt représentatifs, provenant, dans l'ensemble, des sites où la terre a été employée en construction, et représentant plusieurs centres géographiques importants (St André-des-Eaux, St Lyphard, St Molf). Parmi les échan-tillons, cinq sont d'origine locale, le sixième provient de l'ouest de Rennes. L'idée de ce dernier échantillon est de comparer les terres de la Presqu'île avec une terre venant d'une région bien connue pour la bauge.

Les terres testées, appelées comme les lieux-dit de leur prélèvement, sont les suivantes :1. Kerlo. Echantillon prélevé sur un tas, jeté sur une friche au bord d'un des champs de Francis Sebilo à Kerlo. M. Sebilo m'a indiqué cette terre comme de la terre glaise, propice à faire des mortiers et du torchis. Un plafond en torchis perdure à proximité. Profondeur : inconnue. Commune : St Lyphard2. Kerbiquet. Echantillon prélevé sur un chantier de réhabilitation. Un pignon en bauge, qui semble être composée d’une terre similaire, survit dans une dépendance à environ 20m du site de prélèvement. Le propriétaire (mon client) m'a demandé de tester cette terre. Profondeur : 30cm à 60cm. Commune : St Molf3. La Maison Neuve. Echantillon prélevé dans les champs autour de ma maison au moment des fouilles archéologiques pour la future ZAC. Cette terre ressemble à d'autres terres provenant des mêmes terrains que j'ai travaillées avec des résultats très satisfaisants en corps d’enduits, en torchis et en terre-paille. Profondeur : 40cm à 80 cm. Commune : Guérande4. Pontprin. Echantillon prélevé dans un fossé chez une cliente, sélectionné pour sa couleur claire (parmi d'autres strates de couleurs anthracite et orange) et pour son com-portement lourd et collant (signes de la présence d'argile). Cette terre a fait ses preuves en enduit (bonne résistance, aucun farinage de surface). Profondeur : environ 10cm à 50cm. Commune : St André-des-Eaux5. Quimiac. Echantillon présenté par un client, interpellé par sa couleur et son aspect, pour éventuellement en faire un enduit. Profondeur : inconnue. Commune : Mesquer6. Clayes. Echantillon prélevé dans les fouilles d'une extension d'une maison en bauge à Clayes (à l'ouest de Rennes). Le terrain ainsi que le hameau présentent une concen-tration de bâtiments en bauge, au contraire de la Presqu'île de Guérande. Profondeur : 30cm à 40cm

Les objectifs de ces tests étaient donc multiples :• Trouver la teneur en argile et la teneur en silt (limons)• Identifier les types d'argiles présents• Voir si la couleur d'une terre peut être indicative de son potentiel / ses mise en œuvre

potentielles• Voir s'il est possible d'identifier une bonne terre / une mauvaise terre par l'aspect

visuel et le toucher.

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3.3 Tests de terrainJ'ai commencé par des tests de terrain. Ce sont des tests empiriques d'observation et de toucher  :• couleur et aspect visuel• granulométrie à l'œil et au toucher• résistance d’une pastille sèche (difficulté de la casser et de la réduire en poudre avec

pilon & mortier) • dissolution de la terre dans de l'eau et transformation en une pâte très molle• présence/quantité d'argile estiméeJ'ai décidé de ne pas tester le retrait de ces terres (un test de base) car l'identification de ce phénomène ne fait pas partie des objectifs identifiés. Un tableau montrant les résultats de ces tests est visible sur la page suivante. Voici une synthèse des résultats clés :• Un échantillon de terre locale a une couleur plus foncée que les autres : Maison

Neuve• Les terres de Kerlo, Kerbiquet et Pontprin se ressemblent en termes de ton – clair –

avec des différences de couleur (plus ou moins beige/orangé)• Les terres de Kerlo, Kerbiquet, Pontprin et Quimiac contiennent des graviers et des

cailloux (graviers seul dans le cas de Quimiac)• Les terres de Clayes et Maison Neuve ne contiennent ni graviers ni cailloux• La terre de la Maison Neuve est très difficile à dissoudre et à casser une fois sèche• Les terres de Clayes, Kerlo et Pontprin sont difficiles à casser une fois sèches• Les terres de Kerbiquet et Quimiac sont faciles à casser une fois sèches. • Ces tests préliminaires permettent d'estimer la présence d'argile dans les échantil-

lons (en ordre décroissant) : • taux assez élevé : La Maison Neuve et Clayes• taux moyen : Kerlo et Pontprin• taux très bas : Kerbiquet et Quimiac

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Test

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terr

ain

: rés

ulta

ts

Provenance de

l'échantillon

Couleur et aspect

(avant être

humidifiée)

Odeur (avant

être

humidifiée)

Granulométrie au

toucher (avant d'être

humidifiée)

Observations pendant/après

l'humidification

Résistance d'une pastille

sèche (difficulté de la

réduire en poudre avec

pilon et mortier)

Présence

d'argile

estimée

Notes sur la terre (origine, raisons pour

le retenir...)

1. Kerlo

Nacré, orange clair

avec quelques

grumeaux rouges et

blancs

Très peu

Assez fin avec graviers et

cailloux

Assez facile à dissoudre.

Mélange humide assez raide

Difficile

++

Terre glaise identifiée par F Sebilo

(interviewé) comme propice à la

construction. Origine: alentours de Kerlo.

Jetée en tas sur une friche sur ses terrains.

Profondeur inconnue

2. Kerbiquet

Beige clair, nacré

aucune

Très fin avec quelques

cailloux et sables fins.

Grumeaux qui cassent en

flocons.

Facile à dissoudre. On a

l'impression d'un sable fin

mouillé faiblement lié . Très

très légèrement collant

Facile

Très peu

Prélevée sur le chantier de réhabilitation,

à Kerbiquet, où un pignon ancien en terre

survit dans une dépendance. Le client a

demandé si cette terre était propice à la

construction. Elle ressemble à la terre du

pignon. Profondeur: 30 à 60cm

3. La Maison NeuveOrange et marron,

assez foncé

Très légère

odeur de

matière

organique

Fin avec un peu de

sables. Pas de graviers.

Très difficile à dissoudre.

Mélange humide très raide

Très difficile

+++

Terre prélevée (profondeur 40 à 80 cm)

dans les champs autour de ma maison au

moment des fouilles archéologiques pour

la future ZAC. Terre qui ressemble à

d'autres terres du coin qui ont fait leur

preuves en enduit (couche de corps)

4. Pontprin

Beige clair / crème,

légèrement nacré

Légère odeur de

soufre?

Très fin, avec sables,

graviers et cailloux

Assez facile à dissoudre.

Mélange humide assez raide

Difficile (comme Clayes)

++Terre prélevée dans la fossé chez une

cliente, sélectionnée pour sa couleur

claire (parmi d'autres strates des couleurs

anthracite et orange.) Dans la fossé elle

avait l'air lourde et collante. Profondeur

10 à 50cm

5. Quimiac

Gris nacré / métallisé. aucun

Très fin avec sable,

quelques graviers

Facile à dissoudre. Texture très

légère, mousseuse

Facile

Très peu

Echantillon présenté par un client,

enchanté par sa couleur et son aspect,

pour éventuellement en faire un enduit.

Origine: son terrain à Quimiac, trouvée

en creusant pour installer une citerne.

Profondeur inconnue

6. Clayes

Rouge et marron avec

quelques poches de

beige clair

Très légère

odeur de

matière

organique

Très fin avec un taux bas

de sables fins. Très peu

de graviers, pas de

cailloux

Difficile à dissoudre. Mélange

humide très raide

Difficile (un peu plus facile

que 1 et 3, beaucoup plus

difficile que 2 et 5)

+++

Prélevée dans les fouilles de l'extension de

sa maison (ancienne) en terre à Clayes.

Profondeur: 30 à 40cm

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3.4 Tests en laboratoireJ'ai ensuite procédé aux essais en laboratoire à l'IUT (Rennes).

3.4.a Essais au bleu de méthylèneAnnabelle Phelipot-Mardele et Florence Collet, toutes les deux tuteurs sur le programme du D.U., m'ont conseillée d'effectuer des essais au bleu de méthylène44, qui mesure la capacité de la fraction argileuse d'un sol à adsorber cette substance sur toutes ses surfaces externes et internes (NF P 94-068). L'essai consiste à faire des injections succes-sives de solution de bleu de méthylène dans une suspension qui contient la terre étudiée, maintenue en agitation. On contrôle l'adsorption du bleu une minute après chaque injection, en prélevant une goutte de la suspension que l'on dépose sur un papier filtre. L'apparition d'une auréole bleue claire autour d'une goutte indique que l'adsorption du bleu est terminée (c'est l'excès de bleu qui apparaît dans l'auréole). A partir de ce moment, on arrête les injections de bleu, tout en continuant à effectuer des gouttes toutes les minutes. Si l'auréole disparait à la cinquième goutte ou avant, on reprend les injec-tions, en volume réduit, jusqu'à l'obtention d'une auréole qui tient jusqu'à la cinquième goutte. L'essai est alors positif et on peut procéder au calcul de la valeur de bleu du sol (VBS). On détermine VBS sur la fraction 0/5 mm.

Etant donné que ce sont des particules d'argile dans un échantillon de terre qui adsorbe la solution de bleu de méthylène, on considère que VBS exprime globalement la quantité et qualité (activité) de la fraction argileuse dans ce sol.

On arrive à classer les six échantillons en ordre de leurs VBS, donc en ordre de la quantité/activité de leur fraction argileuse (voir tableau). Aller plus loin dans l'analyse avec ce test est difficile. Les classifications courantes des valeurs bleues sont destinées aux usages en génie civil (construction des routes, terrassement, etc) et ne sont pas forcément très parlants lorsqu'elles sont appliquées dans le but de l'identification de terres destinées à la construction. Le tableau ci-dessous permet de comparer les VBS avec les tests de terrain :

Ce classement est globalement en accord avec les tests de terrain :• La Maison Neuve contient la fraction argileuse la plus importante/active de mes

échantillons,• Kerlo et Pontprin se ressemblent étroitement,• Kerbiquet et Quimiac contiennent les fractions argileuses les plus faibles,• VBS pour Clayes est plus bas que j’avais imaginé, mais en accord avec le test de la pastille.

Annabelle Phelipot-Mardele à l’IUT a proposé d’effectuer deux autres essais : • L’analyse granulométrique au laser, pour établir les taux d’argile et de limons des

échantillons• La diffraction par rayons X, pour identifier les minéraux présents dans les échantillons.

Echantillon VBS (ordre décroissant)

Présence d'argile estimée

Résistance (difficulté de casser une pastille sèche et de la reduire en poudre)

Maison neuve 2,82 +++ Très difficile

Kerlo 1,62 ++ Difficile

Pontprin 1,6 ++ Difficile (comme Clayes)

Clayes 1,13 +++ Difficile mais moins difficile que Maison Neuve et Kerlo

Quimiac 0,91 Très peu Facile

Kerbiquet 0,62 Très peu Facile

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Le laboratoire Génie Civil et Génie Mécanique présent à l’IUT possède en commun avec le département de Chimie et le département Génie Civil de l’INSA le matériel adéquat pour ces mesures. J’ai donc préparé deux séries d’échantillons qui leur ont été envoyées pour analyse.

3.4.b Résultats : analyse granulométrique

Définition : une analyse granulométrique est la répartion pondérale en fonction du diamètre des grains constituant la terre.

• La définition granulométrique d’une argile est : toute particule inférieure à 2µm (2 microns ou 0,002 mm),

• Les limons sont également des particules fines, entre 2µm et 63µm, • Les sables : de 63µm (ou 0,063mm) à 2mm, • Les gravillons : de 2mm à 63mm.

Le tableau ci-dessous montre les pourcentages de fractions fines (en dessous de 0.2mm) présents dans les différents terres obtenu par la technique au laser :

Distribution granulométrique en fréquence :

0

1

2

3

4

5

0.01 0.1 1 10 100 1000

Tamisats en %

Taille en µm

Clayes Maison Neuve

Kerbiquet Pontron

Berlo QuimiacKerlo

Pontprin

Limon total

fin moyen grossier fin moyen grossier

< 2µm 2-6,3µm 6,3-20µm 20-63µm 0,063-0,2mm 0,2-0,63mm 0,63-2mm

Berlo 6.15 69.77 10.68 20.75 38.34 23.88

Clayes 17.35 82.65 31.65 38.32 12.68 0

Kerbiquet 2.79 75.2 6.51 19.85 48.84 22.01

Maison

Neuve9.92 90.08 15.68 50.86 23.54 0

Pontron 5.2 68.22 9.47 18.93 39.82 26.39

Quimiac 1.3 52.79 2.49 9.55 40.75 45.53

ArgileLimon Sable

Kerlo

Pontprin

% p

assa

nt p

artie

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Diagramme : Annabelle Phelipot-Mardele

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D’après ce test, on peut classer les échantillons en fonction de leurs taux d’argiles ainsi :Ce classement est en accord avec mes tests de terrain, ainsi que majoritairement avec les VBS, sur les points suivants : • Clayes et la Maison Neuve contiennent les taux les plus élevés d’argile,• Clayes et la Maison Neuve contiennent les taux les plus élevés de limon, et ne con-

tiennent ni sables ni graviers,• Kerlo et Pontprin contiennent des taux moyens d’argile, • Kerbiquet et Quimiac contiennent très peu d’argile,• Kerlo et Pontprin se ressemblent au niveau des taux d’argiles, de limons et de sables fins,• Kerbiquet ressemble à Kerlo et Pontprin au niveaux des taux de limon et de sable fin,

mais est beaucoup plus pauvre en argile, • La courbe granulométrique obtenue souligne l’idée d’une ressemblance “familiale”

entre les échantillons de Kerlo, Pontprin et Kerbiquet, • Les résultats des analyses granulométriques par laser soutiennent mon ressenti sur

la quantité d’argile présent dans les différents échantillons,• Les résultats de l’essai VBS sont proches des résultats du test de la pastille.

Observation : ce test montre que Clayes contient la quantité la plus élevée d’argile, un résultat qui suggère que la Maison Neuve (VBS plus élevé mais taux d’argile inférieur) contient peut-être les argiles les plus actives.

Deux autres essais auraient éventuellement été plus précis pour établir les granulomé-tries des fractions fines :• Tamisage par une série de tamis calibrés (jusqu’à 80µm),• Test de sédimentométrie pour la fraction inférieure à 80µm (NF P 64-057).Il serait intéressant de conduire ces essais dans une prochaine étude.

3.4.c Résultats : DRX (diffraction par rayons X)La DRX est une technique d’analyse fondée sur la diffraction des rayons X sur la matière. Les diagrammes obtenus par ces essais sont visibles en annexe (p81). Les pics sur les diagrammes correspondent aux éléments présentes dans l’échantillon, par exemple 8.74 : il s’agit de l’illite, 12.36 de kaolinite.

Résultats clés :• Tous les échantillons sauf celui de la Maison Neuve contiennent des argiles de type

kaolinite et illite, • L’échantillon provenant de la Maison Neuve ne contient que des argiles de type illite,• Ce test ne nous permet pas d’évaluer le taux de chaque argile. Les kaolinites et les illites sont des argiles qui conviennent le mieux pour la construc-tion. Les kaolinites sont les plus simples des molécules d’argiles et ont un pouvoir liant moins élevé que les illites. La présence d’illites à côté des kaolinites dans toutes

% argile % limon VBS Présence d'argile estimée

Clayes 17,35 82,65 1.13 +++Maison neuve 9,92 90,08 2.82 +++Kerlo 6,15 69,77 1.62 ++Pontprin 5,2 68,22 1.6 ++Kerbiquet 2,79 75,2 0.62 Très peuQuimiac 1,3 52,79 0.91 Très peu

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ces terres est donc rassurante. La présence d’illite seule dans l’échantillon de la Maison Neuve explique probablement sa dureté (tests de terrain) et son activité élevée (VBS). Il existe un troisième groupe d’argiles, les smectites. Elles sont très actives, ont un excellent pouvoir liant et de résistance. En revanche, ce sont des argiles dites “gonflantes”, qui sont capable d’adsorber de grandes quantités d’eau en phase plastique, et qui donc se ré-tractent beaucoup en séchant. Ce phénomène provoque des fissures et du décollement dans n’importe quel type de mélange de terre (enduit, mortier, bauge, torchis…). Les smectites sont très difficiles à gérer (voir 1.4.d, Construction en terre dans les marais salants). Aucune des terres testées ne contient des smectites.

3.4.d Observations suite aux tests

Les tests effectués ont dans l’ensemble satisfait les objectifs du départ. Ils ont également restitué suffisamment d’éléments pour pouvoir répondre aux deux hypothèses :

Hypothèse 1 :La terre locale comporte des variations importantes en taux de limon et d’argile.

Les résultats des essais de terrain et de laboratoire soutiennent cette hypothèse. Entre la Maison Neuve, Kerlo et Kerbiquet, par exemple, les taux d’argile et de limons fluctuent considérablement. Les essais permettent également de comprendre que ces terres ne con-tiennent pas exactement les mêmes argiles (ou combinaison d’argiles) et que certaines argiles sont plus actives que d’autres. Tous ces facteurs contribuent à créer un champ de variations assez large.

Cela dit, trois échantillons de terre semblent appartenir à une même famille : Kerlo, Pontprin et Kerbiquet. Elles ont plusieurs points en commun (granulométrie, types d’argiles présentes, VBS, couleur). Cependant, l’échantillon provenant de Kerbiquet contient nettement moins d’argile que Kerlo et Pontprin. Les échantillons de Kerlo et de Pontprin sont représentatifs de ce qui est le plus souvent dénommé “la terre glaise” dans la région, qui a été employée en construction : contenant du kaolinite et de l’illite, de couleur claire (beige/jaune/ocré), avec un taux d’argile assez bas mais valable quand même, et un taux de sables et de graviers assez important.

L’ensemble des tests vient soutenir l’idée évoquée ci-dessus, que certaines terres locales sont “trompeuses” : elles ressemblent visuellement à la terre glaise (argileuse), sans l’être en réalité car nettement plus pauvres en argile. On peut dire que Kerlo et Pontprin sont des vraies terres glaises, et que Kerbiquet est une terre “trompeuse”.

L’échantillon de Maison Neuve est celui qui contient la fraction argileuse la plus élevée et la plus active de toutes les terres locales testées. Elle ne ressemble pas à la famille Kerlo-Pontprin, ni en couleur (elle est nettement plus foncée) ni en granulométrie (elle est plus riche en argiles et limons, et plus pauvre en sables et graviers).

Hypothèse 2 :L’aspect visuel d’une terre peut être indicatif de son taux d’argile

Les résultats des essais ne nous permettent pas de valider cette hypothèse. Certaines terres ont l’air de suivre le constat du début (plus une terre est foncée, plus elle est argileuse, plus elle est claire, moins elle l’est). Maison Neuve est la plus foncée et aussi la plus forte en argiles (quantité/activité), Quimiac et Kerbiquet sont parmies les plus claires et ont aussi les taux d’argile les plus bas. Toutefois, la terre de Pontprin brise

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l’hypothèse : elle a un taux d’argile très acceptable pour une “terre glaise” locale, mais elle est de couleur très claire (blanc cassé). Il existe peut-être un lien entre la couleur d’une terre et son argilosité dans certains cas, que des essais plus approfondis sur un plus grand nombre d’échantillons pourraient tester.

Les trois terres de Kerlo, Pontprin et Kerbiquet, comme je l’ai déjà évoqué, forment une sorte de “famille” et de visu peuvent toutes prétendre à convenir à la construction. Mais des tests sont nécessaires pour établir la présence – ou pas – de suffisamment d’argile dans ces sols. Le test de terrain qui consiste à sécher et puis mettre en poudre une pastille de terre convient parfaitement pour estimer si ce seuil minimum est satisfait. Cependant, c’est au toucher que la terre de Kerbiquet commence à révéler ses différences avec les terres de Kerlo et Pontprin (elle est moins collante, moins glissante, plus légère). Le toucher est donc un outil clé dans l’identification d’une terre argileuse de cette famille, qui aurait été préalablement identifiée par son aspect visuel. On ne peut pas se fier à une identification visuelle de terre glaise.

L’inclusion de l’échantillon provenant de Clayes m’a permis d’avoir comme point de référence une terre de construction qui a fait ses preuves. La terre de Clayes a un taux d’argile supérieur à ceux de toutes les terres locales, ainsi qu’un taux de limon supérieur. Ses argiles sont moins actives que celles de la Maison Neuve (car proportion plus élevée de kaolinites), mais plus abondantes. En termes de granulométrie, il y a une ressem-blance entre la terre de la Maison Neuve et celle de Clayes, qui sont toutes les deux plus riches en argiles et limons, et plus pauvres en sables et graviers, comparées aux autres échantillons. Toutefois, au toucher, une différence est tangible : la terre de Clayes semble plus fine que celle de la Maison Neuve.

Dans l’ensemble, les résultats des tests de terrain sont très éclairants sur plusieurs aspects des terres sélectionnées. Les tests de laboratoire ont globalement soutenu ces résultats obtenus de façon empirique, ce qui renforce ma confiance dans les tests de terrain pour de futurs tests en tant qu’artisan. Les tests de laboratoire m’ont permis d’avancer ma com-préhension de l’activité des argiles, ainsi que ma compréhension des fractions fines des sols (argiles et limons). Ce ne sont pas des tests nécessaires avant l’utilisation de toute nouvelle terre locale.

L’identification de la famille de terres Kerlo/Pontprin/Kerbiquet soulève la question de leurs origines. A ce stade, une lecture des cartes topographiques et géologiques en tandem avec les sites des échantillons et des bâtiments étudiés est incontournable. Les découvertes sont présentées sur les pages suivantes.

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3.5 Localisation

3.5.a La terre crue sur la Presqu’île guérandaise

Latitude :

2° 23' 56.7" WLongitude :

© IGN 2016 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales

47° 21' 28.0" N

IGN terre

Latitude :

2° 23' 56.7" WLongitude :

© IGN 2016 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales

47° 21' 28.0" N

IGN terre

Bâtiments en bauge recensés

Eléments en torchis recensés

Site de prélevement d'échantillon

Anciennes sources/carrières de la terre

Sites de bâtiments et prélèvements placés sur la carte IGN de la Presqu'île :

Sur la carte IGN, les bâtiments, les éléments de bâtiments, les sites d'échantillons et les anciens sites d'extraction de terre semblent être dispérsés de façon aléatoire sur le terri-toire entre la Grande Brière et la côte.

Une visualisation de ces mêmes points sur deux cartes superposées (la carte IGN et la carte géologique) suggère que la façon dont laquelle sont dispersés ces sites n'a rien d'aléatoire. Elle révèle un lien entre les sols superficiels et la construction en terre. Voir les pages suivantes.

(graphique créé sur Geoportail, www.geoportail.gouv.fr)

Maison Neuve

Pontprin

Kerlo

Quimiac

Kerbiquet

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3.5.b La terre crue et les sols superficiels :

Sites de bâtiments et prélèvements placés sur la carte géologique de la Presqu’île :

Bâtiments en bauge recensés

Eléments en torchis recensés

Site de prélèvement d'échantillon

Ancien sources/carrières de la terre

Zones d’alluvions

(graphique créé avec Geoportail, www.geoportail.gouv.fr)

Maison Neuve

Pontprin

Kerlo

Quimiac

Kerbiquet

LEUCOGRANITE

GNEISS

MICASCHISTES

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3.5.c Lecture croisée :

• les sites associés à la construction en terre• la carte IGN• la carte géologique

La carte géologique montre des zones d'alluvions anciennes et modernes45 s'étendant autour des réseaux d'étangs et de ruisseaux, affluents de la Grande Brière, des marais du Mes et de l'estuaire de la Loire. Sur le terrain, ces cours d'eau sont difficiles à repérer car ils sont multi-formes : fossés, plaines inondables ainsi que des “micro”-cours d'eau saisonniers.

La plupart des bâtiments en bauge, ainsi que des sites de terres glaises recensés, sont situés en bordure de ce réseau de cours d'eau qui alimente les marais.

En chapitre 1, l'effet de la transgression flandrienne a déjà été évoqué : des fluctuations fortes du niveau de la mer (-10 000 ans à -2 000 ans). En chapitre 1, j'ai également noté que les effets de la trangression flandrienne expliquent le fait que les argiles d'apport présents dans les marais de la Brière et de Guérande ont des compositions différentes de celles des argiles présents sur le plateau granitique, formées sur place. Je parlais des argiles souvent de couleur gris/bleu qui se trouvent en plein marais, dans les zones inondées en permanence. Les essais de terre effectués, qui soulèvent le lien de famille Kerlo/Pontprin/Kerbiquet, ainsi que la lecture croisée des localisations et des cartes IGN et géologiques, permettent maintenant de voir que les terres de teints clairs allant de beige à l'orange, dite glaise, ont aussi une composition différente de la terre argileuse trouvée sur le pla-teau (par exemple, terre type Maison Neuve). Les glaises sont d’origine alluvionnaire.

Les zones d'alluvions sur la carte géologique correspondent aux argiles de teintes claires – la terre glaise – dont la formation est liée aux variations anciennes des marais de la Presqu'île.

Ce type de terre est bien représenté parmi les exemples de bâtiments en Chapitre 2. Il était certainement le type de terre prédominant dans la construction sur la Presqu'île. Cette terre d'apport se trouvait, et se trouve toujours, proche de la surface. Cette pro-ximité à la surface, associée au fait que ces argiles peuvent atteindre des épaisseurs im-portantes, expliquent le choix de la terre glaise pour la construction autrefois.

La carte géologique montre également plusieurs zones46 de sables et de cailloux colorés en proximité des zones d'alluvions traitées ci-dessus. Il s'agit d'une nappe plus vieille que les alluvions, donc déjà en place au moment de leur formation. Il est possible que ces sables et cailloux s'emmêlaient dans les alluvions à certains endroits, entraînant les différences en fractions grossières visibles dans les mélanges de bauge étudiés. L'origine alluvionnaire de la terre glaise peut aussi avoir une incidence sur ses qualités variables. Questions à creuser dans une autre recherche !

La terre du type Maison Neuve est elle-même le produit de l’altération de la roche mère granitique. Cette terre est formée sur place. La carte de la page précédente ne montre pas de construction en bauge sur le plateau granitique, seulement des éléments en torchis.

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Chapitre 4 Bilan et perspectivesDans le chapitre 2, j’ai présenté des fiches d’exemples concrets de réalisations tradition-nelles en terre, sur la Presqu’île de Guérande. J’ai également détaillé dans le chapitre 3 les essais effectués sur cinq échantillons de terre locale. Un bilan s’impose maintenant pour pouvoir commenter l’état des lieux et pour évaluer le potentiel des terres locales aujourd’hui. Le bilan tournera donc autour des trois thèmes suivants :

• Mises en œuvre traditionnelles de la terre en Presqu’île• Atouts et limites de la terre crue• Qualités des terres de la Presqu’île

4.1 Mises en œuvre traditionnelles de la terre en Presqu’île Les fiches exemples montrent plusieurs techniques traditionnelles de construction en terre qui ont leur place parmi le patrimoine local, notamment la bauge et le torchis. Le manque de visibilité de ces éléments est sans doute dû au fait que les techniques de cons-truction en terre ont été dédaignées depuis le milieu du XXème, quand le ciment et ses dérivés ont connu un formidable essor. Cette dévalorisation et ce manque de visibilité menacent toujours les constructions qui ont survécues jusqu’à aujourd’hui.

4.1.a La baugeLa Presqu’île abrite aujourd’hui un nombre inconnu de maisons et de dépendances construites en bauge. Ces édifices se trouvent parsemés sur le territoire, en bordure du réseau de cours d’eau qui alimente les différents marais ainsi que l’estuaire de la Loire : en proximité de la Grande Brière (St André-des-Eaux, Hoscas, Mayun, etc) mais aussi plus loin vers le littoral (St Molf, Pornichet/St Nazaire). Certains de ces bâtiments laissent supposer une mise en œuvre assez rudimentaire, née de la nécessité. Leur longévité relative semble presque être une chance. Cependant la plupart des maisons d’habitation examinées – les deux chaumières de la Rue Jean, par exemple – démontrent un soin dans la mise en œuvre, ainsi que des similarités dans les systèmes constructifs. Cela indique l’existence dans le passé d’un véritable savoir-faire local. L’élancement (ratio entre la hauteur des levées et l’épaisseur du mur) est contenu dans une fourchette commune pour tous les bâtiments étudiés, signe de l’emploi de terres et de techniques appropriées. Le pignon sur l’île de Fedrun démontre une maîtrise de la terre des marais laissant imaginer une mise en œuvre en blocs prédécoupés, voire demi-séchés. Cette technique est dével-oppée et adaptée en fonction des exigences de cette terre, qui peut avoir beaucoup de retrait.

La plupart des bâtiments examinés présentent des reprises et modifications, anciennes et récentes, effectuées avec des produits à base de ciment. Ce liant non-traditionnel est trop rigide pour une construction en terre et risque d’entraîner des désordres à long terme.

Il existe toujours un nombre réduit mais non-négligeable de ces bâtiments en bauge, certainement plus que les textes ne le suggèrent, et la Presqu’île guérandaise peut être fière d’abriter un tel patrimoine.

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4.1.b Le torchisLa région abrite également une quantité de réalisations faites avec la technique du torchis. Ce sont des planchers (en quenouilles de torchis), des cloisons et des hottes de cheminées. Des exemples sont éparpillés sur le territoire, tant en ville qu’en campagne, et même sur la côte (Piriac-sur-Mer). L’emploi de la terre en torchis dans une maison autrement édifiée tout en pierre permet de stocker la terre dégagée pour réaliser les fondations : un bel exemple d’un circuit de production court ! La dévalorisation de la terre comme matériau a entraîné la destruction à grande échelle des éléments divers en torchis dans les années d’après-guerre. Elle semble, dans une certaine mesure, être ralentie aujourd’hui. Une prise de conscience parmi les propriétaires est palpable, avec un nombre croissant d’entre eux choisissant de conserver et de restaurer les éléments existants de leurs maisons en torchis.

4.2 Atouts et limites de la terre crueArtisans et propriétaires parlent souvent des atouts de la terre crue comme matériau, et parfois de ses limites. Ci-dessous un résumé des avantages et inconvénients de la terre crue relevés par mes recherches.

Apport au climat intérieur :Inertie thermique :“Ces chaumières, en hiver il y fait très chaud et en été très frais,” a dit Francis Sebilo. Effectivement, la terre crue est un matériau à forte inertie thermique, capable de stocker et de déstocker de l’énergie (de la chaleur). Elle régule donc les changements de températures d’un bâtiment.47

Régulation hygrométrique (absorption de la vapeur d’eau) :Quand Loïc de Chateaubriant parle d’une “respiration humide” dans ses pièces, il évoque cette qualité précieuse de la terre crue, de réguler l’humidité ambiante en absorbant la vapeur d’eau pour la restituer plus tard, gardant ainsi une teneur en eau stable. Le matériau terre est capable d’absorber une très grande quantité de vapeur d’eau grâce à sa fraction argileuse. L’inertie thermique et la capacité de régulation hygrométrique de la terre contribuent aux ressentis de confort/bien-être souvent constatés là où elle est présente.

Bilan écologique :Les réalisations traditionnelles visibles sur les fiches exemples ont en commun un bilan écologique inégalé. La terre, matériau sain, non-transformé, était employée telle quelle. Sa mise en œuvre était adaptée à ses propriétés. L’enlèvement de cailloux ou le rajout de fibres étaient les seules modifications effectuées. La terre n’était que très peu transportée, car toujours trouvée à proximité. Les éléments en torchis attestent d’un circuit court : déchets de la construction (terre des fondations) réem-ployés directement, au profit du bâtiment même, en plafonds et en cloisons, et on évite donc un travail lourd pour dégager les déblais. Quant au recyclage, les ruines visitées l’attestent : le matériau terre peut retourner directement dans la nature sans la polluer. Il peut également être réemployé à l’infini. A l’heure de la prise en compte de l’énergie grise48 issue de la fabrication des bâtiments, la terre a toute sa place dans le secteur de la construction.

Le plaisir de travailler la terre : Plusieurs artisans parlent du plaisir de travailler la terre :Cyril Rebuffé : “C’est un régal de travailler la terre.”

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Francis Sebilo : “La terre … elle donne le temps de travailler. C’est pour ça qu’on ne s’en passera pas, ça donne le temps de travailler, mais ça donne le temps de vivre aussi après ! C’est ça le mieux de tout.”

Quantité de travail induit :“Quel boulot !” a dit Roland Chelet à Kerroussaud quand je lui ai demandé s’il comptait conserver/restaurer le plafond et la hotte en torchis de sa dépendance. J’ai compris qu’une telle démarche était impensable. C’est le problème principal de la mise en œuvre de la terre aujourd’hui. C’est un travail qui demande beaucoup d’heures et d’énergie humaine s’il n’est pas mécanisé. Comme dit Cyril Rebuffé, “ça demande de l’investissement de travailler la terre, je trouve, physiquement aussi.” Francis Sebilo décortique le problème ainsi :

“Le main d’œuvre est trop chère. On n’a pas le personnel. Dans le temps il y avait des gars, plein. Il y avait trois maçons et trois ou quatre manœuvres - les gars qui n’avaient pas de métier mais qui travaillaient - qui approvisionnaient, qui tenaient çi et tenaient ça. Pour une bouchée de pain ils travaillaient ! Ils n’étaient pas déclarés, il n’y avait pas de sécurité sociale. Vous voyez, aujourd’hui on a cette impasse.”

Cyril Rebuffé évoque le même thème quand il remarque qu’il n’y a plus de tâcherons.Plusieurs personnes déplorent donc le manque de personnel pour travailler la terre. Cependant, des solutions existent. En voici quelques unes qui ont déjà fait leurs preuves : • la mécanisation de certains procédés, tels que l’extraction et la préparation de la

terre,• la mise en place d’équipes de travail dans le cadre de projets d’insertion,• l’entraide sous forme de chantier participatif.Ces démarches seront présentées à la fin de ce chapitre.

Temps de séchageEvoqué comme un inconvénient de la mise en œuvre de la terre par Francis Sebilo Loïc de Chateaubriant et Cyril Rebuffé. Les maçons d’autrefois contournaient le temps de séchage en montant les murs (en pierre, hourdés à la terre) de plusieurs maisons à la fois, en “levées” comme la bauge, comme Francis Sebilo l’a expliqué. Chez Loïc de Chateaubriant, les maçons ont développé une mise en œuvre alterna-tive pour le contourner : torchis sur lattis plutôt qu’en quenouilles. Cyril Rebuffé déclare clairement que des “contraintes de temps, de météo, climat, selon ce qu’on a à faire … peuvent être décisives … dans une contrainte d’entreprise. Il y a des fois où tu te dis “je mettrais bien de la terre”, mais non … il faut que je réponde à ce chantier là avant cette période là, si je fais ça en terre je vais me planter.” ” C’est un souci clé du travail de la terre dans le contexte économique actuel.

4.3 Les qualités de la terre de la Presqu’îleLes diverses expériences et essais mènent aux observations suivantes :• Beaucoup de terres disponibles localement conviennent pour la construction,• Certaines terres locales sont “trompeuses”. Elles ressemblent à la terre glaise

(argileuse) mais sont nettement plus pauvres en argile.C’est pourquoi :• Toute terre destinée à la construction doit impérativement être identifiée par un

processus d’essais. Bien que les essais aient souligné des variations en qualité entre les terres locales, ils nous permettent également de mieux identifier et comprendre les terres convenant pour

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la construction. La terre de la Maison Neuve, par exemple, doit vraisemblablement sa dureté au fait que sa fraction argileuse ne comprend que des illites (aucun kaolinites). Ce profil est très pertinent en torchis et en corps d’enduit, par exemple. Il serait intéressant d’identifier d’autres terres de ce type.

Les données recueillies grâce aux essais, indiquent que la terre locale comporte des vari-ations importantes en taux d’argiles et en limons. C’est la fluctuation du taux d’argile qui a l’effet le plus net quant au comportement de ces terres. L’argile, accompagnée par l’eau, est le liant dans une terre (ou un mélange). Le taux d’argile dans les échantillons locaux testés n’est jamais très élevé, mais semble, dans le cas des échantillons de Kerlo et de Pontprin, être bien suffisant pour lier les agrégats contenus dans la terre. Dans le cas de l’échantillon de Kerbiquet, le taux d’argile est très bas, ce qui représente un risque pour la bonne prise d’un mélange, selon l’emploi souhaité. Par exemple, une terre destinée à être employée en torchis, amendée d’une bonne quantité de paille ou de foin, aura besoin d’un taux d’argile plus important qu’une terre destinée à faire un mortier ou de la bauge, afin de bien lier toutes les fibres.

Concernant la bauge, d’autres tests seront nécessaires pour identifier plus précisément les particularités des terres locales employées.

Les tests indiquent qu’une terre convenant à un emploi en construction – contenant donc un minimum d’argile – ne peut pas être identifiée de visu. Au minimum, des tests de toucher sont essentiels. Les lignes directrices pour l’identification et la sélection des terres locales seront traitées ci-dessous.

4.4 PerspectivesDans cette partie, je vais exposer et commenter des propositions pour l’emploi de la terre locale, aujourd’hui en construction locale.

Le torchis, la bauge : deux techniques ancestrales de la terre crue dont témoignent toujours un certain nombre de bâtiments dans cette région. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un retour de grande envergure vers la bauge ou le torchis, même si les deux techniques vivent un renouveau depuis plusieurs années dans certaines régions de France. Cependant, les bâtiments anciens existants méritent notre attention et notre compréhension, pour deux raisons :• en partie pour assurer leur propre avenir, en termes d’entretien et de restauration,• mais aussi pour tout ce qu’ils peuvent nous apporter en terme de connaissances sur

le matériau terre et son travail, d’un point de vue technique et écologique.Leur existence continue et leur entretien correct peuvent sensibiliser une nouvelle géné-ration aux nombreuses qualités du matériau terre et ses applications en construction et restauration durable, aujourd’hui.

4.4.a Restauration de l’existantL’enjeu majeur pour ces constructions en terre est donc leur restauration intelligente, en harmonie avec leurs matériaux d’origine et leurs systèmes constructifs. La plupart des bâtiments en bauge examinés, présentent des reprises avec des produits à base de ciment dont on a déjà évoqué les impacts néfastes. Ce liant non-traditionnel est trop rigide pour une construction en terre et risque d’entraîner des désordres à long terme. Cyril Rebuffé, un des seuls artisans actifs présents dans la région ayant l’expérience de la maçonnerie en bauge, exprime sa frustration en découvrant ce genre de reprise :

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“Sur le long-terme – bing ! – ça va péter ! … On a des rapports de résistances mécan-iques totalement déséquilibrés, entre la partie maçonnée à la terre et [la partie] montée au ciment.”

La situation aujourd’hui montre que peu d’artisans sur le territoire sont capables de diag-nostiquer des désordres de la bauge, de les réparer convenablement, ou encore d’effectuer des modifications appropriées dans un mur en bauge (le rajout d’une ouverture, par exemple). En outre, le niveau de sensibilisation envers ces techniques parmi la popula-tion locale demande à être élevé. Un travail est nécessaire au niveau communal ou au niveau du PNR de la Brière pour améliorer l’image des bâtiments en bauge et valoriser la terre pour tous ses atouts comme matériau. La démarche de Denis Landais (chaumier) est intéressante : il donne aux particuliers les clés pour le travail de la terre (identification, mélanges, technique). Ainsi ces propriétaires pourront ensuite les exploiter eux-mêmes pour la restauration de leur maison (plafond en quenouilles, par exemple). Je propose le même type de formule de “démarrage” pour la réalisation d’enduits. Vue la pénurie de professionnels de la terre actuellement, il paraît essentiel que les particuliers jouent un rôle dans la préservation du patrimoine local, et les savoir-faire associés. Il faut d’abord les trouver et les sensibiliser. Les personnes interviewées au sujet des plafonds en que-nouilles ont fait preuve d’un niveau de sensibilisation élevé concernant ces éléments : de bonne augure pour l’avenir de la terre dans la région.

4.4.b Construire en bauge aujourd’huiUn renouveau est en cours concernant cette technique ailleurs en France : voir le travail de l’architecte Amélie Le Paih et de l’entreprise de maçonnerie Terre Crue en Ille et Vilaine, par exemple49. Dans cette région, la bauge a été employée traditionnellement en association avec de la pierre, sur certaines parties des édifices. Une démarche cohérente actuelle pourrait suivre cet exemple, tout en l’adaptant vers une exploitation intelligente de l’inertie thermique de la bauge, par exemple :• mur capteur en bauge sur la façade sud d’une construction neuve : un mur à

forte inertie dont la fonction est de capter l’énergie solaire, de l’emmagasiner et de l’accumuler, afin de la restituer à l’intérieur de la pièce avec un déphasage thermique (temps de restitution).

• Un mur trombe, qui allie la même technologie avec une paroi vitrée posée devant qui augmente sa capacité de captage. Voir témoignage de C. Rebuffé, p.33.

• mur capteur derrière un point de chauffage (poêle, chauffage intégré au mur) ou, dans une maison ancienne, le positionnement d’un chauffage devant un mur de refend existant.

Autrefois, les murs nord en bauge étaient placés pour être moins exposés aux intempé-ries que les façades sud en pierre. Cette configuration s’avèrent incompatible aux exige-ances en isolation et aux notions de confort thermique actuelles.

4.4.c Nouvelles mises en œuvreLa simple existence d’un patrimoine en terre sur un territoire indique la présence de terres adaptées au(x) technique(s) présente(s). En étudiant ces bâtiments, nous pouvons récolter des astuces de mise en œuvre, soit pour les réparer, soit pour les reproduire. Nous pouvons également appliquer les connaissances ainsi acquises, et développer de nouvelles mises en œuvre pour les terres locales, dans le contexte local actuel.

Plusieurs techniques de la terre ont été développées assez récemment, et viennent compléter la gamme de techniques traditionnelles que l’on trouve en France (bauge, torchis, pisé, briques d’adobes (voir p.8 pour définitions)). Parmi ces techniques, les trois suivantes semblent particulièrement pertinentes :• La terre-paille : technique de “terre allégée”, dérivée du torchis, qui consiste à tasser

un mélange de paille et de terre en barbotine très liquide dans un coffrage. La pro-

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portion de paille est très élevée comparée à la technique de torchis. Technique développée en Allemagne, employée en remplissage isolant des ossatures bois pour former des murs extérieurs et de cloisonnement 50.

• Les BTC (blocs de terre comprimées) : technologie mise au point depuis une cinquantaine d’années, qui consiste à compacter de la terre peu humide dans une presse (manuelle ou mécanique/hydraulique). Technique à bon rendement, qui permet d’empiler et de stocker les briques très rapidement (contrairement aux briques d’adobes qui prennent de la place pendant un séchage plus long). Cette technique a connu un bel essor durant les années 1980 et 1990, avec l’emploi des BTC dans des programmes d’habitations économiques en Afrique, Amérique du Sud et Inde, et continue à inspirer des architectes aujourd’hui.

• Construction en bottes de paille + enduit terre : technique de construction née aux Etats-Unis au début du XIXème qui offre un nouvel essor aux enduits en terre, enduits souples et respirants convenant parfaitement aux surfaces intérieures (et parfois extérieures) des bottes de paille51.

L’adoption de ces techniques est déjà en cours dans la région guérandaise, en éco- construction neuve et en réhabilitation. Déjà, la construction en paille augmente ac-tuellement sur le territoire, et la demande est là pour des terres convenant aux enduits. Quant à la terre-paille, elle représente une évolution du torchis (plus isolante, et moins forte en inertie) très adaptée à la réalisation de cloisons intérieures, entre autres. Les BTC permettent de réaliser des murs d’inertie : derrière un poêle ou dans une maison en bois où les matériaux principaux ne comportent qu’un faible taux d’inertie par exemple. Voilà quelques exemples ou demandes que je rencontre régulièrement en construction et rénovation de maisons individuelles dans le contexte local. Dans le contexte national, un changement d’échelle est d’actualité : des projets exemplaires de logements sociaux en bois/paille à plusieurs étages (R+7 dans le Jura, inédit en Europe, photo à droite) ont vu le jour ces dernières années et ce système constructif a le vent en poupe… La terre y a sa place, profitons-en !

Depuis de nombreuses années, les techniques mentionnées ci-dessus ont été bien ac-cueillies dans les mouvements d’éco-construction en France, où leur mise en œuvre, parfois lourde, est assez souvent assurée à travers des systèmes d’entraide, de coopération et de bénévolat. A l’inverse de la tendance remarquée dans l’introduction, concernant la disparition lente de systèmes d’entraide de notre société.

4.4.d Terres locales : usages possiblesQue les leçons du passé informent les façons de travailler la terre locale aujourd’hui me semble d’une importance capitale. Les possibilités qui ressortent des recherches entre-prises jusqu’à présent sont exposées ci-dessous.

Tous les indicateurs (indices des bâtiments existants, essais) suggèrent que la terre dis-ponible en Presqu’île est mieux adaptée aux mises en œuvre en pâte, ou à l’état plastique, plutôt qu’à l’état plus sec. Ceci veut dire que les techniques comme la bauge, le torchis, les enduits et les adobes auront probablement plus de succès que les techniques du pisé et des BTC (terre peu humide, sensation sèche au toucher). Cela dit, la terre de la Maison Neuve a fait ses preuves en BTC, et un emploi en pisé de la terre de type Pontprin/Kerlo est interpellant en raison de ses jolies couleurs : à tester !

Les BTC faits avec la terre de la Maison Neuve

Photo : Le Monde

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Les possibilités sont très variées :• Une terre type Maison Neuve convient aux corps d’enduits, aux BTC, aux torchis et

terre-paille… et semble adaptée à la bauge et aux briques d’adobe, à tester.• Une terre type Pontprin/Kerlo convient aux enduits de finition grâce à ses couleurs

claires, aux torchis et terre-paille, aux faitages, probablement à la bauge, et demande d’être testée pour un emploi en pisé et en BTC

Le tableau page 70 montre les usages appropriés (expérimentés et à tester) des différents types de terre locale.

Remarque : les terres très claires, voire blanches, de type Pontprin/Kerlo sont des perles rares, car ce sont les tons très recherchés – en enduit par exemple – pour “éclaircir” l’intérieur des maisons anciennes. Elles existent, mais attention aux terres trompeuses : voir ci-après.

4.4.e Identification de la terreBeaucoup de terres disponibles localement conviennent pour la construction mais certaines sont “trompeuses”. Chaque terre destinée à la construction doit impérative-ment être identifiée par un processus d’essais.• Le toucher est un outil clé dans l’identification d’une terre glaise argileuse, qui aurait

été préalablement identifiée par son aspect visuel (couleur assez claire, beige-jaune-ocre-blanc)

• Ensuite, le test de terrain qui consiste à sécher et puis mettre en poudre une pastille de terre convient pour estimer si un seuil minimum d’argile est atteint (la pastille doit être assez difficile à casser).

• Enfin, il faut procéder aux essais de la mise en œuvre choisie : échantillons d’enduit si la terre est destinée à être un enduit, de torchis si elle est destinée au torchis, etc,

• Si la possibilité existe, l’établissement d’une courbe granulométrique peut être utile pour déterminer le taux d’argile.

Les découvertes présentées à la fin du chapitre 3 signalent clairement les zones suscep-tibles de fournir de la terre glaise sur la Presqu’île : elles se situent en bordure du réseau de cours d’eau qui alimente les différents marais. On explorera plus particulièrement les lieux abritant des constructions en bauge ou en torchis, ainsi que les lieux anciennement associés à l’extraction de la terre argileuse.

4.4.f Extraction et préparationDans le cas de figure idéal, la terre des fondations d’un bâtiment est employée pour réaliser des éléments en terre de sa construction (enduits, cloisons, planchers, sols, murs, etc.), à la façon ancienne. Ceci n’est pas possible si la terre présente ne convient pas, ou pour une rénovation. Dans ce cas, il est possible d’en prélever sur le terrain ou sur un terrain voisin. Par contre, l’extraction de la terre à l’échelle individuelle nécessite le dé-placement d’un engin, souvent à un coût élevé, pour prospecter. Si l’opération est réussie, cela laisse un trou non désiré.

Il paraît de bon sens aujourd’hui d’imaginer l’extraction de la terre crue à plus grande échelle, en lien avec les travaux publics sur un territoire. La création des routes et des lotissements présente des opportunités où les engins sont déjà sur place et le terrasse-ment déjà prévu. Avec un minimum d’anticipation (identification de terres convenables), et d’instructions (tri pour mettre de côté la couche argileuse), il n’est pas compliqué d’envisager le prélèvement d’un stock de terre pour divers usages. Des solutions existent

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pour tamiser et conditionner la terre ainsi prélevée afin de faciliter son stockage et sa mise en œuvre – la photo (à droite) montre une cribleuse, engin qui sert à tamiser et à conditionner la terre. Il faudrait évidemment la volonté et l’engagement d’une commune, d’une communauté de communes, ou bien d’un développeur, pour qu’une telle opération se réalise. Un lieu de stockage ainsi qu’un projet de transformation/emploi de la terre sont évidem-ment prérequis.

4.4.g Mise en œuvre Le problème principal de la mise en œuvre de la terre aujourd’hui a déjà été évoqué : c’est un travail qui demande beaucoup d’heures-personnes et d’énergie humaine s’il n’est pas mécanisé. Les suggestions contenues dans le paragraphe précédent répondent à cette problématique en proposant des solutions de mécanisation pour les étapes d’extraction et de préparation de la terre. Concernant la mise en oeuvre, des solutions mécaniques existent aussi : projection pneumatique des enduits, ou fabrication de BTC avec presse hydraulique, par exemple. J’évoque ici une autre voie que je connais bien : le chantier par-ticipatif. C’est un chantier organisé par un propriétaire/auto-constructeur, pour effectuer des travaux nécessitant beaucoup d’heures-personnes grâce à des bénévoles. Souvent ac-compagné par un professionnel dont le travail est de former l’équipe amateur, le proprié-taire arrive ainsi à effectuer ses travaux plus rapidement. En échange il propose, dans la convivialité, une expérience formative à ces bénévoles. C’est une formule qui fonctionne bien pour réaliser des enduits terre, des éléments en torchis, de la bauge, des BTC, etc. Alexia Hublier, architecte locale, explique son choix de travailler en chantier participatif pour mettre en œuvre des enduits dans la réhabilitation de sa propre maison :

“C’est un retour vers des fondamentaux en terme de matériaux bien sûr, mais pas seulement  … la mise en œuvre est une très belle manière d’échanger parce qu’elle interroge pleins de choses, des chantiers collectifs, le travailler ensemble, oser mettre les mains dedans…”

Dans son mémoire La filière terre crue en France, Elvire Leylavergne52 parle de la “forte intensité sociale” du travail de la terre, comme un des atouts clés du matériau. La démarche actuelle et populaire du chantier participatif est l’héritière de l’esprit d’entraide évident dans la construction vernaculaire d’autrefois. Cette démarche plutôt individuelle pourrait être adaptée à l’échelle d’un projet public. Les organismes de réinsertion ont ici un rôle important à jouer. Dans une période de mal-logement, cette démarche est par-ticulièrement cohérente.

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Terres locales: Usages possibles

Type de terre Argiles

Aspect; position

Usages appropriés (testés ou expérimentés)Usages à tester

Observations

Maison Neuve

- Illites

- taux d'argile

assez élevé

Couleur assez

foncée, marron-

orange; profondeur

-40cm

- enduit couches de corps (amendé en sable

et fibres)

- enduit de finition selon les possibilités de

coloration (amendée en sable, fibres et

pigments)

- torchis

- terre-paille (en barbotine très diluée)

- BTC (amendée en sable, teneur en eau un

peu plus élevée que d'habitude pour les

BTC)

- briques d'adobes (amendé

convenablement en fibres doit fonctionner)

- bauge

Terre

polyvalente

Plus facile à

tamiser humide

Kerlo/ Pontprin- Kaolinites/

illites

- taux d'argile

moyen

Couleurs claires

variant entre beige-

orange-gris;

proximité de la

surface

- enduit de finition grâce à ses couleurs

claires

- enduit couche de corps si une meilleure

terre type Maison Neuve (faisant preuve

d'une résistance plus élevée) n'est pas

disponible.

- Torchis (si le taux de gros gravier/cailloux

est faible, ou, le cas échéant, la possibilité

de tamisage existe)

- bauge (les indices historiques laissent

entendre qu'un emploi en bauge est

approprié)

- pisé

- terre-paille

- BTC (éventuellement stabilisé à la chaux)

Terre de

couleurs claires

très recherchées

localement

Quimiac/

Kerbiquet

Kaolinites/

illites

taux d'argile

faible

Couleurs claires

variant entre beige-

orange-gris;

proximité à la

surface

Pas utilisable telle quelle pour la

construction car trop faible en argile

- comme charge en peinture naturelle (à

base de caséine ou argile), vu ses jolies

couleurs (gris nacré, beiges très clairs...)

Couleurs claires

très recherchées

localement

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4.5 Appel aux acteurs pour une meilleure utilisation de la terre de la Presqu’îleLa Presqu’île de Guérande possède un patrimoine intéressant en terre crue, notamment en bauge et en torchis. Elle peut être fière de disposer d’un tel patrimoine “sur son pas de porte”, un patrimoine qui nous montre l’exemple d’une construction durable à faible énergie grise et donc à faible impact environnemental.

Pourrions-nous nous engager aujourd’hui à conserver et à revaloriser ce patrimoine tant négligé dernièrement ?

Et, nous inspirer des techniques traditionnelles pour avancer vers la construction dura-ble de l’avenir ?

“La filière terre se développe dans les zones où il y a une reconnaissance des enjeux au niveau politique, et une réponse stratégique et structurée qui comprend la sensibilisation du grand public” E. Leylavergne (2012)

J’aimerais faire appel à ma ville de Guérande et au Parc Naturel Régional de la Brière pour qu’ils s’engagent à exploiter le potentiel de la terre sur leur territoire.

PNR de la BrièreDes publications et communications récentes démontrent une volonté de revaloriser la terre crue. Il s’agit d’un premier pas positif. L’existence de la bauge dans la Brière est signalée dans le guide Vivre et habiter sa chaumière de 2014, mais les explications et les conseils manquent sur le système constructif, les matériaux compatibles et les artisans compétents. Mon mémoire peut permettre de constituer le début d’un inventaire des constructions en bauge sur le territoire. La suite d’un tel travail éclairerait la culture traditionnelle de la bauge dans la région, et serait un pas franc vers la conservation des bâtiments existants. Il reste de nombreux autres bâtiments à découvrir, des personnes (voire personnages !) à rencontrer et des secrets du travail de la terre crue locale à révéler. Un recensement des artisans locaux compétents pour travailler le matériau terre est aussi à envisager sérieusement.

Des actions de sensibilisation envers le grand public feraient avancer l’idée de la terre comme choix pertinent de matériau pour une rénovation performante.

Guérande, dans le Plan Global de Développement publié en 2011 vous déclarez avoir comme objectifs pour 2020 :• devenir une ville moyenne leader de la lutte contre le dérèglement climatique et dans

la transition post-carbone, • être à la fois un pôle des patrimoines et de l’innovation,• retrouver et renouveler l’identité guérandaise, • être un “modèle de ville qui a de l’avenir”, et parmi les pistes de travail à cette fin,

favoriser les innovations sociales et l’éco-construction.53 Ce document s’engage à offrir aux guérandais des initiatives économiques dans les do-maines porteurs de la production (parmi eux, éco-construction), des solidarités (envers les personnes modestes, entre les générations), et le respect de l’environnement. Les projets de valorisation de la terre crue répondent à tous les critères ci-dessus.

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L’éco-quartier de la Maison Neuve, en phase de démarrage, offre de belles possibilités pour valoriser la terre crue. Ce projet phare de développement durable entremêle une diversité de logements, équipements et commerces, avec des espaces verts et des voies vertes. Au total, 675 logements mixtes sont prévus sur huit années de travaux. Le projet se dit conforme aux trois piliers du développement durable (activité économique, équité sociale et préservation de l’environnement)54. Les prescriptions architecturales55 préco-nisent l’emploi des matériaux naturels. Le Plan Global de Développement de Guérande, quant à lui, promet “le choix de matériaux valorisant la ressource locale” 56.

Le prélèvement de la terre minérale, pour des usages dans la construction des bâti-ments, contient un belle circularité, à la fois digne des habitudes d’antan et à la pointe de la construction durable actuelle.

Cette terre pourrait être prélevée dès maintenant, pendant les travaux de terrassement et de viabilisation. Comme décrit précédemment, la terre pourrait être triée, tamisée de fa-çon mécanique puis, stockée sur place pour une variété d’utilisations au fur et à mesure que le quartier prend forme. De nombreux emplois en construction et en aménagement intérieur sont envisageables : enduits, briques, terre-paille, murs capteurs en bauge, etc.Les essais exposés dans ce mémoire valident la terre provenant d’au moins un champ sur l’emprise de l’éco-quartier.

La ville de Guérande a ici l’opportunité de créer des bâtiments exemplaires, liant des matériaux locaux bio-sourcés (bois, paille, chanvre) et géo-sourcés (terres). Les impacts positifs seront multiples : offrir une vitrine aux entreprises et artisans locaux, permettre le développement des solidarités au travers de chantiers de ré-insertion professionnelle ou de chantiers participatifs. On peut facilement y voir aussi un projet inter-génération-nel qui lie ville et campagne, où le savoir-faire d’un ancien tel Francis Sebilo façonne le travail d’une nouvelle génération.

Ces convergences ne deviennent réalité que grâce à un engagement politique, associatif et individuel, soutenu par le tissu économique.

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ConclusionEn commençant ce travail de recherche, j’ignorais la nature et l’étendue de la construc-tion vernaculaire en terre sur la Presqu’île guérandaise. Aujourd’hui, à l’issue de mes investigations, le début d’un inventaire est posé : des constructions sont repérées, des techniques identifiées, des terres localisées. Ce n’est qu’un commencement : il reste de nombreux bâtiments à découvrir, ainsi que des personnes témoins à trouver et à écouter.

D’un point de vue personnel et professionnel, le travail de ce mémoire a été très en-richissant. La découverte successive de personnes, de bâtiments, de lieux et de liens, m’a passionnée et m’a amenée à une compréhension approfondie de la situation locale concernant le matériau terre. C’est un travail qui “m’enracine” sur ce territoire, person-nellement et professionnellement ; c’est un travail qui va m’aider dorénavant à mieux défendre l’usage de la terre locale et à trouver des mises en œuvre cohérentes. Face à l’impératif actuel de créer et de restaurer des bâtiments afin de vivre confortablement tout en réduisant radicalement nos empreintes carbone, construire avec de la terre locale n’est que du bon sens.

Mes premières recherches indiquaient un savoir-faire quasi éteint. Gildas Buron, cité en introduction, n’a pas tort en constatant qu’il serait très difficile de trouver des témoins de ce patrimoine. Effectivement, il en reste peu. J’ai eu la chance de rencontrer un homme appartenant à la dernière génération qui a travaillé la terre selon les traditions locales. Francis Sebilo m’a impressionnée par son énergie, et m’a transmis des détails très intéres-sants sur le sujet. Il m’a communiqué une passion sincère pour la glaise, dont il conserve des souvenirs heureux. J’ai vu des signes positifs de transmission de savoir-faire ancien puisqu’il a le projet de restaurer son plafond en quenouilles avec son petit-fils. Il a récem-ment montré à son jeune voisin comment monter un muret en pierre avec un mortier terre. Denis Landais, chaumier, a hérité d’un savoir-faire traditionnel local, qu’il a com-plété avec des formations hors région. Les quelques liens existants avec les pratiques lo-cales d’autrefois sont précieux pour les artisans d’aujourd’hui : ils sont à trouver, à soign-er, et à s’en inspirer. Le savoir-faire peut s’éteindre, mais… il peut aussi se “rallumer” !

La filière terre se développe en France. Lentement, certes, mais les signes sont palpables. Tout laisse à penser qu’un contexte réglementaire plus favorable émergera dans les an-nées à venir. On n’a jamais vu tant de recherches conduites en France sur le matériau terre et son potentiel. Je remarque aussi une volonté politique au niveau national pour lever les obstacles au développement de la terre crue. Le travail régional sur les bonnes pratiques est un plébiscite pour le savoir-faire artisanal et la ressource locale. La mise en valeur de ce matériau terre, tant oublié, est à l’ordre du jour. 

C’est pourquoi j’ai fait appel aux acteurs locaux pour qu’ils s’engagent à renouer des liens avec leur terre. L’émergence d’une filière terre locale nécessite de l’engagement inter-professionnel pour réussir, car les obstacles perdurent. C’est aujourd’hui qu’il faut réa-gir, nombreux, en synergie, pour créer des projets pionniers et exemplaires. Aména-geurs, associations, communes, collectivités et artisans : nous y avons tous notre place. Je m’engage à présenter les découvertes de ce mémoire et les perspectives en vue aux chargés de missions à la mairie de Guérande et au Parc Naturel Régional de la Brière, ainsi qu’à la SELA, l’aménageur de l’éco-quartier de la Maison Neuve à Guérande. C’est le début d’une autre histoire !

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Notes sur tous les chapitres

1 Definition : https://fr.wikipedia.org/wiki/Architecture_vernaculaire

2 p26, M Délagrée, Le bâti de terre, dans la revue Maisons Paysannes de France, no 164, 2007

3 p9, B Pignal dans le livre Terre Crue, Techniques de construction et de restauration, Eyrolles, 2005

4 Voir étude sur les Sols intérieurs en terre crue, Anne Lemarquis, soutenance Juin 2008, Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble, DSA Terre

5 Dans leur livre Bâtir en Terre, Romain Anger et Laetitia Fontaine affirment que 50% de la population mondiale aujourd’hui vit dans une construction en terre crue (selon le département de l’énergie Americ-ain, cité p14, Bâtir en Terre, L Fontaine et R Anger, Editions Belin/Cité des sciences et de l’industrie, 2009); La majorité des autres sources, y compris Bruno Pignal, ibid, propose une estimation plus prudente de 30%.

6 p37, Bâtir en Terre, L Fontaine et R Anger, Editions Belin/Cité des sciences et de l’industrie, 2009

7 Voir l’analyse de B Pignal dans le livre Terre Crue, Techniques de construction et de restauration, Eyrolles, 2005, p10

8 Voir Solène Delahousse, mémoire de DU BATIR session 2009, L’architecture de terre crue en mouvement en France et au Mali, chapitre II

9 p45, La Filière Terre Crue en France, memoire de DSA, E Leylavergne, 2012

10 ibid, p65

11 ibid, p46

12 ibid, p45

13 ibid, p45

14 ibid, voir cartes heuristiques sur les forces, freins, menaces et opportunités, de p48 à p55.

15 http ://terreuxarmoricains.org

16 Le site suivant est une mine d’informations sur la géographie de la région: http ://www.paysages.loire-atlantique.gouv.fr/

17 Le site suivant résume l’histoire géologique de la Presqu’île de manière accessible : http ://espace-svt.ac-rennes.fr/travaux/sel/sel11.htm

18 p15, Géochimie des eaux libres et interstitielles d’un marais salant au cours des diverses phases du cycle an-nuel, thèse de doctorat, J.E. Freitas Tarouco, Université de Nantes, 1983

19 Voir la carte géologique 479 St Nazaire et sa notice, 1973, BRGM ainsi que la carte géologique 449 La Roche Bernard et sa notice, 1975, BRGM

20 p18, Géochimie des eaux libres et interstitielles d’un marais salant au cours des diverses phases du cycle annuel, thèse de doctorat, J.E. Freitas Tarouco, Université de Nantes, 1983

21 ibid

22 p258 à 260, Géographie physique et télédétection des marais charentais, Raymond Regrain, 1980

23 p173, Un atelier de potier à Landieul, L. Pirault et N. Bonin, Rev. Archéol. Ouest, 11, 1994

24 La Maison Neuve (tranches 1 et 2), Rapport d’opération diagnostique archéologique, J.Pascal et N. Bon-nin, INRAP Grand-Ouest 2015.

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25 p24, Vivre et habiter sa chaumière, PNR de Brière, 2014

26 p.14, L’architecture Briéronne et rurale (annexe du PLU de St Nazaire), V. Thiollet-Monsénégo, 2007

27 p28, La Chaumière Briéronne, Yves Labbé, ArMen no.96, Août 1998

28 p.14, Thiollet-Monsénégo, 2007

29 Les citations dans ce paragraphe sont issues de cet article : Maison de terre et de roseau : regards sur la bourrine du marais de Monts, F. LeBoeuf, In Situ, 7 / 2006 http ://insitu.revues.org/2828

30 p29, Labbé, 1998

31 p31, Labbé, 1998

32 Voir p18, Géochimie des eaux libres et interstitielles d’un marais salant au cours des diverses phases du cycle annuel, thèse de doctorat, J.E. Freitas Tarouco, Université de Nantes, 1983

33 Voir p179, Bâtir en Terre, L Fontaine et R Anger, Editions Belin/Cité des sciences et de l’industrie, 2009

34 p100-102, Hommes du Sel, Bretagne des marais salants, Gildas Buron, Skol Vreizh, 2000

35 bigot est le mot en Bretagne

36 St André des Eaux, cadastre ancien, section TA , 1821 (http ://archives.loire-atlantique.fr/jcms/chercher/archives-numerisees/cartographie/plans-cadastraux/plans-cadastraux-fr-t1_6173 ?portal=c_5110)

37 Voir la carte géologique de La Roche Bernard, 1976, BRGM. Dans la notice de la carte, les auteurs notent : “Sur près de 15km les affleurements dessinent une bande continue jalonnée de villages dont la majorité des édifices est constituée de cette pierre bleu très sombre (villages de Melon, Keroua, Saint-Molf, Pont-d’Arm, Barzin, Landieul).” Pompas / La Briquerie ne font pas partie d’une bande d’affleurements, plutôt d’une lentille plus isolée.

38 Critère illustré dans le rapport  : Cob, a vernacular earth construction process in the context of modern sustainable building, Hamard E., Cazacliu B., Razakamanantsoa A., Morel J-C, Building and Environment, under publication.

39 p264, Guérande, ville close, territoire ouvert, Cahiers du patrimoine 111, R Durandière et al, Editions 303, 2015

40 La cohabitation des hommes et des animaux à l’air d’avoir perduré dans la commune de Guérande au moins jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, avec cloisonnement en planches ou en dur pour séparer l’étable du logis. Voir p 249 à 254, Guérande Ville Close, Territoire Ouvert, Cahiers du Patrimoine, 2014, Editions 303

41 Je ne peux pas aborder la question complexe des enduits terre sur murs en pierre ici, mais dans beau-coup de cas, en rez-de-chaussée, je pense que le choix d’un enduit chaux-chanvre serait plus prudente.

42 Dans La chaumière briéronne, Yves Labbé explique que les murs en pierre des chaumières étaient mon-tés “à la manière des murs en pierre sèche, en ajustant judicieusement les pierres de tailles diverses … bien calées à l’aide d’autres pierres plus petites. Au fur et à mesure on remplit les espaces vides par de la “terre franche” [la terre glaise]”. p29, La Chaumière Brieronne, ArMen no. 96, Août 1998.

43 p29, Restauration du four à pain de Pélamer au Croisic, Claude Cistac, 1990

44 Ce test est bien résumé sur ce site : http ://arvor-geo.fr/cariboost_files/valeur_20de_20bleu_20du_2026_01.pdf (NF P 94-068)

45 Les alluvions anciennes datent d’environ -10 000 années et les alluvions récentes d’environ -4 000 années. Voir notice de la carte géologique La Roche Bernard, p14 et 15, Quaternaire continental, Fy et Fz

46 Notice carte géologique La Roche Bernard p. 14, Plio-Quaternaire, Rp-Fx

47 Les capacités techniques de la terre crue sont largement documentées dans les ouvrages généraux sur le sujet, voir bibliographie.

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48 L’énergie grise ou énergie intrinsèque est la quantité d’énergie nécessaire lors du cycle de vie d’un maté-riau ou d’un produit : la production, l’extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l’entretien puis pour finir le recyclage, à l’exception notable de l’utilisation.(https ://fr.wikipedia.org/wiki/Énergie_grise)

49 Atelier ALP : http ://www.atelier-alp.bzh et maçonnerie Terre Crue  : http ://terrecrue.fr

50 Voir l’ouvrage Construire en terre allégée, Franz Volhard, 2016, CRAterre, ENSAG

51 Voir l’ouvrage La Construction en paille, Luc Floissac, 2012, Terre Vivante

52 Leylavergne, 2012

53 p13 et 14, Plan Global de Développement, document de travail, Juin 2011, Ville de Guérande / Act Con-sultants

54 http ://www.sela-immo.fr/wp-content/uploads/2016/02/plaquette_maison_neuve_guerande.pdf

55 http ://www.sela-immo.fr/wp-content/uploads/2016/04/CCAUEP-Livre3-Partie2Prescriptions.pdf

56 p49, Plan Global de Développement, document de travail, Juin 2011, Ville de Guérande / Act Consult-ants

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Bibl

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e

BibliographieOuvrages généraux :

Bâtir en terre, Laetitia Fontaine et Romain Anger, Editions Belin/Cité des sciences et de l’industrie, 2009

Terre crue, techniques de construction et restauration, Bruno Pignal, Eyrolles, 2005

 Le torchis, mode d’emploi, Michel Dewulf, Eyrolles, 2007 

Building with Cob, a step-by-step guide, Adam Weismann et Katy Bryce, Green Books, 2006 (sur la technique de la bauge)

Construire en terre allégée, Franz Volhard, CRAterre, ENSAG, 2016

La Construction en paille, Luc Floissac, Terre Vivante, 2012

Building with straw bales, Barbara Jones, Green Books, 2009 (sur la construction en bottes de paille)

Entre Paille et Terre, Tom Rijven, Editions Goutte de Sable, 2007

Marais et estuaires du littoral français, F. Verger, Belin, 2005

Ouvrages régionaux :

Guérande Ville Close, Territoire Ouvert, Cahiers du Patrimoine 111, R Durandière et al, 2014, Editions 303

Le Pays guérandais au temps des cartes postales anciennes, Les cahiers du Pays de Gué-rande, No. 57 numéro spécial, 2013,

Restauration du four à pain de Pélamer au Croisic, Claude Cistac, La société des amis du Croisic, 1990

Hommes du Sel, Bretagne des marais salants, Gildas Buron, Skol Vreizh, 2000

Remarque : J’aurais aimé consulter un autre livre, cité en référence dans plusieurs ouvrages, mais des raisons indépendantes de ma volonté m’en ont empêchées : The Vernacular Architecture of Brittany de Gwyn I. Meirion-Jones, 1982.

Articles généraux et locaux sur la construction en terre :

Le bâti de terre, M. Delagrée, dans la revue Maisons Paysannes de France, no. 164, 2007, 26-28

Les maisons de terre, Techniques de construction en Ille-et-Vilaine, M. Petitjean, Con-struction en terre en Ille-et-Vilaine, Apogée, Rennes, 1995.

La Chaumière Briéronne, Yves Labbé, ArMen no. 96, Août 1998.

Vivre et habiter sa chaumière, Parc Naturel Régional de Brière, 2014

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Bibi

logr

aphi

e

L’architecture Briéronne et rurale, V. Thiollet-Monsénégo, 2007

Cob, a vernacular earth construction process in the context of modern sustainable build-ing, Hamard E., Cazacliu B., Razakamanantsoa A., Morel J-C, Building and Environ-ment, under publication.

Maison de terre et de roseau : regards sur la bourrine du marais de Monts, F. LeBoeuf, In Situ, 7 / 2006 http ://insitu.revues.org/2828

Les Bourrines du marais breton vendéen, J. Fouin, dans la revue Maisons Paysannes de France, no. 147, 1 T. 2003

La Filière Terre Crue en France, mémoire de DSA, E Leylavergne, 2012

Etude sur les sols intérieurs en terre crue, mémoire de DSA, Anne Lemarquis, sou-tenance Juin 2008, Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble,

L’architecture de terre crue en mouvement en France et au Mali, Solène Delahousse, sou-tenance 30 septembre 2011, Université de Nantes, mémoire de DU BATIR session 2009

Articles généraux :

Un atelier de potier à Landieul, L. Pirault et N. Bonin, Rev. Archéol. Ouest, 11, 1994, p173-195

La Maison Neuve (tranches 1 et 2), Rapport d’opération diagnostique archéologique, J.Pascal et N. Bonnin, INRAP Grand-Ouest 2015.

Plan Global de Développement de Guérande, 2011

Géochimie des eaux libres et interstitielles d’un marais salant au cours des diverses phases du cycle annuel, thèse de doctorat, J.E. Freitas Tarouco, Université de Nantes, 1983

Géographie physique et télédétection des marais charentais, Raymond Regrain, 1980, p258 à 260

Cartes géologiques :

Carte géologique 449, La Roche Bernard et sa notice, 1975, BRGM

Carte géologique 479, St Nazaire et sa notice, 1973, BRGM

Sites internet consultés :

www.cadastre.gouv.fr

www.archives.loire-atlantique.fr

www.geoportail.fr

www.paysages.loire-atlantique.gouv.fr

www.espace-svt.ac-rennes.fr/travaux/sel/sel11.htm

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Annexes1. Listes de questions pour démarrer mes premières recherches :

Questions pour maçons / constructeurs en terre :• Vous avez déjà travaillé la terre. Pour en faire quoi ? (construction d’une maison, une dépendance,

maçonnerie, reprises de maçonnerie, rampants, planchers...)

• Où  ?

• D’ou avez-vous prélevé la terre pour le chantier ?

• Comment avez-vous choisi la terre ? Comment l’avez-vous identifiée ?

• Comment avez-vous mis cette terre en oeuvre ? Avez-vous rajouté d’autres matériaux ? Quels maté-riaux, en quelles quantités, et pourquoi ?

• Avez-vous déjà fait des enduits en terre ? Dans quelle situation et dans quel but ?

• De qui avez-vous appris ces techniques de construction en terre / à travailler la terre ? Avez-vous montrer à d’autres personnes comment faire ?

• Qu’est ce que vous avez aimé dans le travail de la terre ? Qu’est ce que vous avez moins apprécié ?

• A votre avis, pourquoi ne construit-on plus avec de la terre sur la presqu’île ?

• Connaissez-vous des femmes qui ont travaillé la terre ?

Questions pour historiens locaux, chargés d’affaires patrimoine, etc• A votre connaissance, quelles techniques de construction en terre crue sont présentes sur la

presqu’île? • Connaissez-vous des artisans compétents dans la restauration de ces ouvrages en terre crue ? • Quelles mesures de conservation et de valorisation sont en place pour ce patrimoine local ?• Un particulier, par exemple, souhaite restaurer un plafond en “quenouilles” de terre dans les fau-

bourgs de Guérande. L’alternative, la moins chère et la plus répandue, serait de le remplacer par un faux plafond en placo-plâtre. Peut-il demander un soutien, soit technique, soit financier, pour poursuivre l’option de le restaurer ? Si oui, soutien de quel type, et de la part de qui ? (le commune ? Le département ? La région ?)

• Pensez-vous que la terre crue a sa place aujourd’hui dans la réhabilitation du bâti ancien dans le secteur ? Si oui, pourriez-vous définir cette place ? Si non, pourquoi ?

• Quel est d’après vous l’obstacle majeur à l’utilisation de la terre en réhabilitation / restauration  ?• Connaissez-vous d’autres personnes (peut-être retraités, agriculteurs...) qui travaillent / ont travaillé

la terre crue sur la presqu’île ? Je recherche des personnes qui sont capables de trouver de la terre crue propice à la construction, de l’identifier, de l’amender si nécessaire, donc qui ont l’expérience des dif-férents types de terres “disponibles” sur la presqu’île, et leur usage.

Questions pour un particulier souhaitant restaurer par exemple un plafond en quenouilles :

• Pourquoi avez-vous décidé de conserver et de restaurer cet ouvrage ?

• Comment avez-vous procédé ? Avez-vous cherché un artisan compétent ? Cherché des renseigne-ments techniques pour éventuellement le réaliser vous même ? Avez-vous en trouvé ?

• Avez-vous eu accès à des aides (conseils techniques, aides financières) pour la réalisation des travaux?

• Quel type de terre avez-vous employé ?

• Si le chantier s’est fait en “auto-rénovation”, poser les mêmes questions comme pour maçons/con-structeurs.

• Connaissez-vous d’autres exemples de ce genre d’ouvrages à / autour de Guérande ?

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2. Liste de bâtiments / lieu-dits repérés mais non-étudiés :

• L’Auvergnac (commune d’Herbignac) : dépendance avec un mur en bauge, récemment réparé (en bauge).

• Kerougas, façade arrière en bauge • Bilac (commune de St André des Eaux) : grange entièrement en terre, que

j’ai essayé de trouver sans succès. La bauge est apparemment parsemée de cavités, car, selon la légende locale, son constructeur y avait caché un trésor, et tout le monde s’est passé le mot !

• Le Gréno : très vieilles chaumières dont une petite en terre• Hoscas : mur de refend où M. Landais à réparé la bauge• Mayun : maison avec plusieurs éléments en terre• Mayun : maison restaurée (extension bois/bac acier) avec mur de refend en

terre• Le Petit Gavy, St Nazaire : petite maison en terre, dépendance avec parties

en terre • Les Aubinais ? (St Nazaire)• Le Reneguy, St-André-des-Eaux

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3. Diffractogrammes obtenus par diffraction par rayons X (voir 3.4.c)

Maison Neuve Quimiac

Kerlo Pontprin

Clayes Kerbiquet

Diffractogrammes : Annabelle Phelipot-Mardele