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UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l'Education Département des Sciences de l'Education Master METIERS DE LA FORMATION Parcours INGENIERIE ET CONSEIL EN FORMATION La compétence en communication interculturelle, une compétence nécessaire au développement de la coopération transfrontalière sanitaire ? Etudiante : Anne FREY (OLSOMMER) Sous la direction de : Stéphanie GASSE Année : Septembre 2010

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UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l'Education Département des Sciences de l'Education

Master METIERS DE LA FORMATION Parcours INGENIERIE ET CONSEIL EN FORMATION

La compétence en communication interculturelle,

une compétence nécessaire au développement

de la coopération transfrontalière sanitaire ?

Etudiante : Anne FREY (OLSOMMER) Sous la direction de : Stéphanie GASSE Année : Septembre 2010

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« La manière générale -et imprécise - d’observer voit partout dans la nature des

oppositions (chaud et froid) où, en réalité, il n’y a pas d’oppositions mais des

différences de degré ... Une quantité inimaginable de souffrance, d’arrogance,

de dureté, de rupture, de frigidité est entrée dans les sentiments humains,

parce que nous pensons que nous voyons des oppositions au lieu de transitions »

Friederich Nietzsche, 1880

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Sommaire

Une table des matières détaillée ainsi qu’une liste des schémas et tableaux et un glossaire des sigles sont présentés à la fin du document. Remerciements ........................................................................................................................4 Introduction ..............................................................................................................................5 1e partie : Contexte, constats et premiers questionnements ....................................................7

I. La coopération sanitaire transfrontalière .................................................................8 II. Constats complémentaires ......................................................................................12 III. L’interculturel au centre de la problématique ...........................................................19

2e partie : Compétence en communication interculturelle : cadre théorique, travaux de recherche existants, problématique et hypothèses de recherche..............................................21

I. Cadre scientifique de la recherche : l’interculturel en sciences de l’éducation ........22 II. Les concepts théoriques éclairés par les disciplines du management interculturel

et de l’enseignement des langues ..........................................................................23 III. La problématique de recherche et les hypothèses retenues ...................................44

3e partie : Evaluation de la compétence en communication interculturelle des gestionnaires de santé et médecins : méthodologie, enquête, résultats et interprétations .............................47

I. Cadre de la recherche et avertissements ................................................................48 II. Dispositif méthodologique de recherche..................................................................48 III. Analyse et interprétation des résultats.....................................................................55

4e partie : Analyse critique de la recherche et propositions .......................................................81

I. Analyse critique du travail de recherche ..................................................................82 II. Quelques propositions.............................................................................................84

Conclusion ...............................................................................................................................92 Bibliographie & sitographie .......................................................................................................96

Liste des sigles utilisés ............................................................................................................98

Liste des tableaux et schémas .................................................................................................99

Table des matières ...................................................................................................................100

Annexes ............................................................................................................. voir dossier joint

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Remerciements

J’adresse mes plus chaleureux remerciements à l’ensemble des personnes qui ont pu, d’une

manière ou d’une autre, contribuer au travail présenté dans ce mémoire.

Je tiens à remercier plus particulièrement :

Stéphanie GASSE, ma directrice de mémoire, pour ses précieux conseils et son soutien

tout au long de ce travail de recherche ;

Hervé Daguet, Responsable pédagogique du Master préparé, pour le lien qu’il a su

assurer durant cette année au cours des classes virtuelles et des regroupements ;

Toutes les personnes rencontrées au cours des travaux menés dans le cadre de cette

recherche pour leur disponibilité, leur écoute attentive et les informations qu’ils ont pu me

livrer ;

Mes collègues de promotion du Master professionnel ICF en FOAD et plus

particulièrement Annie, Rémy, Marie- Xavière, Abiguaïl, Andréa, Eve, Christine… pour

leur soutien continu dans les grands moments de doute et qui ont su trouver les mots

pour m’aider à ne pas baisser les bras ;

Enfin, mes proches, mes parents, mes amis et plus que tout mon mari et mes deux petits

anges, Swan et Max, pour leur patience, leur compréhension et leur soutien de tous les

instants.

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Introduction

Les établissements de santé frontaliers ont, par cette spécificité « frontalière », vocation à

constituer des laboratoires de la construction européenne pour offrir aux habitants des

régions frontalières la meilleure qualité de soins au plus près de chez eux.

La coopération sanitaire au-delà des frontières est une réalité mais ces pratiques

transfrontalières rencontrent des difficultés à se pérenniser. Diverses raisons expliquent ce

phénomène.

L’interrogation de départ porte sur la formation des acteurs de la santé ayant à mettre en

œuvre la coopération sanitaire transfrontalière ou susceptibles de la développer.

Ceux-ci doivent-ils posséder des compétences particulières, utiles ou nécessaires, pour

s’engager dans de telles actions ? La formation peut-elle être un levier pour développer

ces compétences et inciter ou faciliter cette pratique ?

Plus particulièrement, entre la France et l’Allemagne, un accord- cadre transfrontalier a été

signé le 22 juillet 2005 pour favoriser et simplifier la coopération sanitaire transfrontalière.

Malgré cette facilité administrative accordée par les deux pays concernés, des freins

subsistent toujours. Les instances sanitaires évoquent la langue comme première cause à la

faiblesse ou aux échecs d’actions de coopération transfrontalière. Le déficit de

communication dû à une trop faible maîtrise voire une absence de maîtrise de la langue

allemande des acteurs de terrain français de la coopération expliquerait ce phénomène.

Nous avons donc choisi d’approfondir cette notion linguistique mais aussi culturelle parce

que la langue est porteuse de culture en donnant accès à différentes visions du monde. Le

questionnement s’est alors concentré sur la problématique culturelle et notamment la

compétence en communication interculturelle (CCI) des acteurs ayant à mettre en œuvre

ces coopérations au-delà des frontières.

Ce mémoire présente en 4 parties successives :

le cadre de la coopération transfrontalière sanitaire qui a inspiré la réflexion, plus

spécifiquement entre la France et l’Allemagne, les constats complémentaires réalisés

ainsi que les premiers questionnements problématiques relatifs à la compétence

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en communication interculturelle sur laquelle porte plus précisément les travaux de

recherche réalisés;

les concepts théoriques et travaux de recherche déjà menés permettant

d’éclairer la problématique et poser les hypothèses de recherche ;

l’enquête de terrain menée portant sur l’évaluation de la CCI d’un panel de

gestionnaires de santé et de médecins : dispositif méthodologique, analyse et

interprétation des résultats obtenus;

une analyse critique et quelques propositions offertes par le travail de recherche

réalisé.

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- 1e partie -

Contexte, constats et premiers questionnements

La formation peut-elle être un levier pour faciliter le développement et la pérennisation

d’actions de coopération transfrontalières sanitaires à la frontière sarro- lorraine ?

Mais qu’entendons nous par coopération transfrontalière sanitaire ? Nous expliquerons cette

démarche dans cette 1e partie du mémoire.

Pour poursuivre la contextualisation de notre cheminement réflexif, nous présenterons

ensuite les constats complémentaires qui nous ont amené à cerner le sujet de recherche

retenu.

Enfin, nous dégagerons la problématique interculturelle retenue pour nos travaux.

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I. La coopération sanitaire transfrontalière

A. Cadre général aux frontières françaises

A l’origine, la coopération sanitaire transfrontalière ne s’est pas développée dans un contexte

institutionnel et réglementaire, mais plutôt en réponse aux flux des travailleurs frontaliers et

au déplacement facilité des personnes (y compris des professionnels de santé) au sein de

l’Union Européenne, et plus progressivement dans le cadre de l’organisation de l’offre de

soins.

La coopération sanitaire transfrontalière apporte donc une réponse à la mobilité des

personnes aussi bien en ce qui concerne les patients que les professionnels de santé et se

met au service de l’organisation des soins.

B. Etat des lieux

source : La coopération transfrontalière sanitaire, Les cahiers de la MOT, n°4, décembre 2004, p.7

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Cette carte dresse l'état des lieux de la coopération transfrontalière sanitaire entre la France

et ses pays voisins quelque soit le degré d'avancement du projet de coopération et quelque

soit la structure coopérante.

La coopération est beaucoup plus dense sur les frontières du Nord et de l'Est, entre la

France, la Belgique et l'Allemagne. La densité de cette coopération est importante à ces

endroits comme dans d’autres domaines de coopération : ces territoires de frontière- creuset

(absence d’obstacle physique, densité urbaine importante et communauté culturelle) sont

autant de bassins de vie transfrontaliers où la santé est un service parmi d’autres qu’aspirent

à utiliser sans distinction de pays des patients frontaliers de plus en plus nombreux.

Sur la carte ci-dessus, on constate le rôle majeur des acteurs de terrain, pionniers en

matière de coopération transfrontalières. Sur 66 initiatives relevées par la Mission

opérationnelle transfrontalière, 62 ont principalement pour porteur de projet des structures

hospitalières (93%). Au sein de ces établissements, ce sont plutôt les directeurs

hospitaliers qui sont initiateurs en matière de planification et de stratégie de coopération

sanitaire transfrontalière. Ces initiatives sont cependant soumises pour autorisation à

l’échelon administratif hospitalier (Agence Régionale de Santé).

C. Pourquoi coopérer ?

Toutes les expériences de coopération sont motivées au départ par la recherche de

complémentarités. Un hôpital se trouve confronté à un manque de moyens ou de

personnel, cherche à mutualiser un équipement lourd, à compléter une offre de soins sur

certaines spécialités médicales (ophtalmologie, odontologie…) ou médico-sociales (enfants

handicapés, personnes âgées…). La recherche de complémentarité est particulièrement

pertinente, notamment dans les zones frontalières. En s’associant avec un établissement

hospitalier situé de l’autre côté de la frontière qui présente lui même des carences dans

d’autres domaines, des solutions peuvent être trouvées pour une meilleure réponse aux

besoins de santé de la population et pour une optimisation de leurs moyens réciproques.

D. Les thématiques de coopération transfrontalière sanitaire : la formation de plus en

plus présente

Les thèmes de coopération sont aussi variés que les démarches éclatées sans logique

apparente tout au long des frontières : échanges d’expériences, actions de recherche,

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création d’une structure dédiée, prise en charge des frontaliers, prévention, recherche,

convention de sécurité sociale, création de structures juridiques, formation.

Cette dernière thématique est de plus en plus présente. Les actions de formation continue et

professionnelle se caractérisent par des échanges de praticiens entre établissements

partenaires et plus fréquemment par des stages communs. Ce type de coopération permet

aux acteurs de mieux connaître les enjeux et les savoir-faire des partenaires frontaliers. La

formation en langues est nettement moins répandue, alors que la dimension

linguistique demeure un obstacle important en transfrontalier.

La formation initiale dans une perspective transfrontalière reste pour sa part relativement

rare. Cela est en partie dû aux différences d’organisation des cursus médicaux et

d’administration hospitalière entre les pays.

E. Zoom sur la coopération sanitaire franco-allemande (Lorraine – Sarre) (1)

La coopération franco-allemande en matière de politique sociale est assez récente. C’est

notamment, lors du 6ème Conseil des Ministres franco- allemands du 14 mars 2006 que la

volonté commune de renforcer l’intégration et l’égalité des chances entre les deux pays a été

exprimée. Au sein des politiques sociales, la coopération franco-allemande en matière de

santé est l’une des thématiques du dialogue.

Parmi les grands thèmes actuels de la coopération franco-allemande en matière de

santé on retrouve la coopération sanitaire transfrontalière.

Un accord- cadre franco- allemand sur la coopération sanitaire transfrontalière a été

signé, le 22 juillet 2005 à Weil am Rhein, par le Ministre de la santé et des solidarités

français et la Ministre fédérale de la santé allemande en fonction à cette date, soit

respectivement Xavier Bertrand et Ulla Schmidt. Cet accord couvre tous les domaines de la

coopération transfrontalière, y compris les services d’urgence. Le 9 mars 2006, l’accord-

cadre a été complété par un arrangement administratif qui en fixe les modalités d’application.

(1) Portail franco-allemand : http://www.deutschland-frankreich.diplo.de/Cooperation-transfrontaliere-en,1148.html - Consulté le 12/02/10

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Les objectifs de l’accord- cadre sont :

• de garantir des soins d’urgence aussi rapides que possible, en permettant le recours

aux services d’urgence les plus proches sans considérer les frontières nationales ;

• d’assurer un meilleur accès des habitants des régions frontalières à des soins de

santé de qualité ;

• de garantir la continuité des soins pour les habitants des régions frontalières ;

• d’optimiser l’organisation de l’offre de soins en facilitant la répartition transfrontalière

des ressources ;

• d’encourager l’échange de connaissances et de bonnes pratiques entre les

professionnels de santé.

Afin de réaliser l’ensemble de ces objectifs, les acteurs sanitaires français et allemands des

Länder du Bade-Wurtemberg, de la Rhénanie-Palatinat et de la Sarre ainsi que des régions

d’Alsace et de Lorraine sont en mesure de conclure des conventions de coopération

régionales reflétant la situation sur place. Il se peut, par exemple, que ces conventions

prévoient l’intervention transfrontalière des professionnels de santé et de nouvelles

procédures de prise en charge (prise en charge directe par l’institution de sécurité sociale

compétente, principe du tiers payant applicable aux assurances-maladie complémentaires)

ou une tarification spécifique.

Un des obstacles accru à la frontière franco-allemande est celui de la langue. La forte

densité des coopérations franco-belges est due en partie à une frontière francophone, ce qui

illustre bien l’impact du problème linguistique. Si certains établissements commencent à

initier des mises à niveau dans ce domaine à travers des cours de langues, la publication de

glossaires traduits et des échanges de personnels (démarches au demeurant rares), la non

compréhension du partenaire (praticien, autorité sanitaire et surtout patient), pose un

problème récurrent qui freine de façon considérable les flux transfrontaliers et ampute

le potentiel de développement de la coopération.

La difficile compréhension culturelle du fonctionnement des partenaires frontaliers et

de leurs méthodes de travail, constitue également une barrière, renforcée par la faiblesse

des structures de concertation.

En résumé, une analyse des coopérations transfrontalières sanitaires aux frontières

françaises, met en évidence la problématique linguistique accrue à la frontière franco-

allemande qui serait à l’origine d’un double constat :

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• un nombre plus restreint de coopérations développées entre ces deux pays ;

• des actions de coopération existantes s’inscrivant difficilement dans la durée.

Mais l’origine de la difficulté de coopération sanitaire au-delà des frontières ne serait-elle pas

plutôt dans un choc des cultures redouté ?

A ces premiers constats du frein linguistique et culturel à la coopération sanitaire

transfrontalière existant à la frontière franco- allemande se rajoutent des constats

complémentaires confortant la problématique interculturelle dans le milieu de la santé. Ces

constats ont pu être fait dans l’analyse des solutions apportées à la démographie médicale

insuffisante, à la prise en charge des patients migrants mais aussi des constats réalisés au

sein de notre pratique professionnelle.

II. Constats complémentaires

A. Démographie médicale et problématique interculturelle

La démographie médicale française et particulièrement celle de la zone géographique sur

laquelle se concentre mon activité (Région Lorraine), accuse un déficit de certaines

professions ou disciplines médicales. Le recours à des professionnels de santé étrangers

comme solution palliative prend progressivement de l’ampleur.

Concernant par exemple les médecins, la France, pour faire face à une pénurie liée à un

numerus clausus sous-estimé, compte aujourd’hui près de 15 000 médecins étrangers sans

lesquels le système de santé hexagonal serait en faillite. Qu’ils soient originaires de l’Union

Européenne ou non, le problème crucial de la langue est constaté, rendant rien que le

premier acte de diagnostic difficile. Mais d’autres difficultés sont aussi évoquées par ces

médecins expatriés : compréhension du système de santé français, mauvaise connaissance

du matériel utilisé, organisation et fonctionnement du nouveau lieu de travail …

Derrière ces quelques énumérations semble se cacher un problème interculturel.

D’autres éléments constatés viennent confirmer cette problématique interculturelle non pas

d’un point de vue du professionnel de santé mais aussi du patient migrant.

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B. Accueil et prise en charge des patients migrants : un défi pour les hôpitaux

La migration, la diversité ethnique et culturelle, la santé et les soins de santé sont

étroitement interconnectés à bien des égards.

L'état de santé des migrants et des minorités ethniques est souvent moins bon que celui de

la moyenne de la population. Ces groupes sont plus vulnérables du fait de leur moindre

statut socio-économique, et parfois aussi en raison d'expériences migratoires traumatiques

et du manque d'une assistance sociale adéquate.

B.1. L’expérience de nos cousins québécois : un programme national de

formation à l’approche interculturelle

Dans un contexte de croissance de la pluriethnicité et de la diversification culturelle et

sociale qui en découle, le Québec, dans la mise en œuvre de sa politique d’intégration, doit

également adapter ses institutions scolaires, publiques et parapubliques, d’accès à l’emploi,

mais aussi ses établissements de santé et services sociaux.

Sur ce dernier volet, une enquête, menée par la Direction de la santé publique de l’Agence

de la santé et des services sociaux de Montréal, révèle que l’intervention auprès des

migrants demanderait 40% plus de temps de travail aux intervenants (Battaglini, 2005) (2).

Les difficultés liées au contexte interculturel sont généralement sous- estimées.

Parmi les zones de difficultés potentielles, la communication est la première nommée. La

maîtrise de la langue est ressentie comme importante sur le plan de la communication

interculturelle.

Ainsi de nombreux établissements et services sociaux ont fait des efforts pour élaborer des

plans d’accessibilité aux services pour les communautés culturelles (Hôpital du Sacré Cœur

de Montréal par exemple). Pour les aider dans ces démarches, le Ministère de la Santé et

des Services Sociaux (MSSS) a mis en place un vaste projet de formation à l’approche

clientèle dans un contexte interculturel visant à :

• Développer chez les intervenants une sensibilité à la dimension interculturelle de la

relation professionnelle en contexte de diversité ethnique ;

(2) CHIASSON N. (1998), Le soutien à l’intégration et la formation aux compétences interculturelles In Revue québécoise de psychologie, vol.19, n°3, 1998, page 251 à 269

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• Développer chez les intervenants la compétence à gérer adéquatement une relation

interculturelle ;

• Rendre les intervenants aptes à mettre à profit cette compétence au sein de leur

propre environnement de travail, à travers leurs tâches ou leurs responsabilités

quotidiennes.

Les compétences visées par certains programmes de formation aux relations

interculturelles destinées aux intervenants du réseau de la santé et des services

sociaux sont :

• Développer l’habileté à apprendre une autre culture ;

• Développer la capacité d’identifier ses zones de confort et d’inconfort et de nommer

ses limites ;

• Développer des habiletés à la recherche conjointe de solutions ;

• Développer la capacité d’identifier les éléments du contexte qui affectent

l’intervention en cours ;

• Développer la capacité de favoriser l’accommodement.

En complément, le MSSS a également diffusé un programme de gestion de la diversité à

l’intention des gestionnaires de son réseau. Le but de cette formation était d’appuyer les

gestionnaires dans leur engagement à s’adapter aux nouvelles exigences sociales et

légales en matière de pluralité. Trois niveaux ont été identifiés :

1. L’adaptation des services à des personnes d’origines ethnoculturelles

variées ;

2. Le recrutement de personnel de différentes cultures ;

3. La recherche de l’efficacité et de la synergie entre les membres de

l’organisation.

Les Québécois, parce que confrontés plus précocement à la diversité ethnique et la pluralité

culturelle de leur population, ont mise en place des réponses en terme de formation aux

besoins concrets des intervenants du secteur de la santé dans leur pratique professionnelle.

Mais en Europe, cette problématique prend également de l’ampleur.

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B.2. En Europe, des hôpitaux " convenant (mieux) aux migrants" grâce à la

Déclaration d’Amsterdam

Du fait de la migration à travers le monde, de la mondialisation et aussi de l'élargissement de

l'Europe, les communautés européennes deviennent de plus en plus diversifiées y compris à

l'échelle locale.

Pour les systèmes et les services de santé, cette diversité croissante constitue une question

essentielle qui appelle des adaptations et un développement de la qualité. Les groupes

minoritaires risquent de ne pas bénéficier du même niveau de services que la moyenne de la

population pour le diagnostic, le traitement et la prévention. Les services de santé ne

répondent pas suffisamment aux besoins spécifiques des minorités. Beaucoup de problèmes

se posent aux usagers comme aux prestataires des services, tels que les barrières

linguistiques et la diversité culturelle, mais aussi la pénurie de ressources des hôpitaux et

le faible niveau de pouvoir d'achat et de droits des minorités. Tout cela pose de nouveaux

défis pour l'assurance de la qualité et l'amélioration des services de santé - notamment aux

hôpitaux, qui jouent un rôle particulièrement important pour l'assistance à ce segment de la

population.

De nouveaux défis se posent donc aux hôpitaux et à leur personnel, un personnel qui

devient lui-même de plus en plus diversifié, ce qui représente tout à la fois une

chance, une ressource et un défi supplémentaire pour les organisations hospitalières.

Afin de relever ces défis, des hôpitaux de 12 pays européens, dont la France, se sont

constitués en un groupe d'hôpitaux pilotes pour participer au projet Migrant- Friendly Hospital

(projet MFH – 2002/ 2004) (3), soutenu financièrement par la Commission européenne et le

gouvernement autrichien.

Les partenaires du projet ont convenu de principes fondamentaux comme éléments centraux

de la déclaration de mission d'un hôpital convenant aux besoins des migrants, dite

déclaration d’Amsterdam :

• respecter la diversité en acceptant les personnes de diverses origines comme

membres par principe égaux de la société ;

• identifier les besoins des personnes d'origines diverses, et assurer un suivi et un

développement des services en fonction de ces besoins;

• et enfin, compenser les désavantages découlant d'origines diverses.

(3) Projet Migrant- Friendly Hospitals : http://www.mfh-eu.net/public/home.htm - consulté le 28/05/10

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Sur la base d'une évaluation des besoins, le projet a pu - malgré la diversité des systèmes

de santé et des situations locales des hôpitaux européens – identifier un grand nombre de

problèmes communs se posant aux immigrés/ minorités ethniques et au personnel.

Les hôpitaux pilotes se sont également efforcés d'améliorer d'une façon générale leur

gestion de la diversité en développant leurs structures organisationnelles et leurs cultures en

vue de devenir des organisations convenant aux besoins des migrants et

culturellement compétentes. Pour les partenaires, devenir une organisation " convenant

(mieux) aux migrants" s'est avéré faisable, mais pas forcément évident : il faut en effet que

de nombreux acteurs contribuent à de tels processus de changement.

Afin de garantir la durabilité de cette initiative, une "Task- Force on Migrant-Friendly

Hospitals" a été mise en place dans le cadre du réseau Health Promoting Hospitals de l'OMS

Europe. Cette task force servira de point focal pour lancer de futures initiatives, organiser

des ateliers, assurer la maintenance du site web MFH et réaliser d'autres activités.

Parmi les 26 recommandations proposées dans la déclaration d’Amsterdam pour le

développement réussi des services et des cultures d'organisation, certains points cruciaux

renvoient au développement nécessaire d’une compétence culturelle :

• Un investissement pour le développement des capacités dans le domaine des

compétences culturelles et linguistiques du personnel (sélection, formation,

évaluation) est nécessaire ;

• Les professionnels de la santé et autres personnels devront développer des

aptitudes dans le domaine des compétences interculturelles, communicatives

et de gestion de la diversité.

En bref, tous les hôpitaux européens sont invités à mettre en oeuvre la Déclaration

d'Amsterdam, à devenir des organisations convenant aux besoins des migrants et

culturellement compétentes, à développer des services individuels et personnalisés qui

profiteront à tous les patients. Les investissements pour mieux répondre aux besoins des

populations à risques constitueront un important pas en avant vers l'assurance et le

développement de la qualité d'ensemble.

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B.3. En France, l’interprétariat comme solution palliative immédiate

En France, Madame Roselyne BACHELOT, Ministre de la Santé et des Sports, a ouvert, le

18 mars dernier, les travaux du colloque relatif à l’interprétariat en milieu de soins, organisé

par l’ISM (Inter Service Migrants Interprétariat), en prononçant un important discours

reconnaissant l’importance de ce sujet. La Ministre a cité Fernand Braudel, historien français

du XXe siècle, qui écrivit « la France se nomme diversité ». Son allocution (4) complète cette

citation introductive. En voici quelques extraits :

« De cette diversité – humaine, culturelle, linguistique -, notre pays a toujours su faire

une richesse, dans le respect de tous et de chacun, au service de valeurs communes et

partagées. Cette diversité est une réalité incarnée et protéiforme. »

En effet, quelque 6 millions de personnes étrangères ou d’origine étrangère vivent

actuellement en France et plus de 70 millions de touristes étrangers visitent chaque année

ce pays. La langue française n’est pas nécessairement maîtrisée par ceux-ci.

« … dans une Europe humaine, sociale et culturelle de plus en plus intégrée, ces

mouvements de populations posent de nouvelles questions, notamment sur le plan sanitaire,

auxquelles nous devons apporter des réponses efficaces et adaptées. »

« Dans la présence d’interprètes au sein de notre système de santé, je vois un signe fort de

notre volonté commune d’offrir à chacune et à chacun, quelle que soit sa langue, un

égal accès à une prise en charge médicale de qualité, partout sur notre territoire. »

« Dans le domaine si spécifique de la santé, la mission des interprètes ne saurait se

limiter à une simple traduction.

« (…) les interprètes sont bien de véritables passeurs, non seulement sur le plan

linguistique, mais également sur le plan technique, psychologique, et bien sûr culturel. »

Au travers des quelques extraits de cette allocution, nous constatons qu’au plus haut niveau

national sont pris en compte et mesurés les enjeux de la prise en charge des patients

« étrangers » par le système de santé français.

(4) Allocution de Mme Roselyne Bachelot au colloque national « Interprétariat, santé et prévention : se comprendre » du 18 mars 2010, téléchargeable sur http://www.interpretariat-sante-ism.fr/le-discours-de-madame-la-ministre-de-la-sante/ consulté le 29/07/10

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Plutôt que de demander aux personnels de santé, en sous-effectif, de s’adapter

linguistiquement et culturellement à l’accueil de patients étrangers, comme chez nos cousins

d’Outre Atlantique (voir page 13), la France semble soutenir aujourd’hui l’utilisation de l’outil

de l’interprétariat comme solution immédiate et rapide à mettre en œuvre pour apporter une

réponse aux problématiques rencontrées.

C. Constats réalisés au sein de ma pratique professionnelle

Dans le cadre de ma pratique professionnelle récente, j’ai accompagné des structures de

formation existantes dans la mise en place de formations « innovantes » dans le domaine de

la santé. Dernièrement, mon travail a porté sur un accompagnement d’ingénierie

pédagogique d’une formation franco-allemande (dédiée à des gestionnaires français et

allemands exerçant dans le secteur de la santé comme les directeurs hospitaliers par

exemple) entre un établissement d’enseignement supérieur professionnel public de l’Etat

situé en Lorraine (français) et une université sarroise (allemande). Des difficultés de

recrutement à la fois des stagiaires et de l’équipe pédagogique sont rencontrées. La

question linguistique est la cause invoquée, malgré des mesures prises pour permettre

de limiter cet effet.

Ces structures accompagnées souhaitent concrétiser leur partenariat en créant un pôle de

formation transfrontalier (franco- allemand au démarrage).

Pour éclairer leur décision, j’ai contribué à la réalisation d’une étude d’opportunité visant à

structurer ce futur pôle de formation sur la thématique de la santé. Dans ce travail mené, qui

a fait l’objet de ma mission, différents éléments sont présentés comme favorables à la

création d’une telle entité. La coopération sanitaire transfrontalière constitue un de ces

éléments favorables.

Comme nous l’avons exposé au chapitre I de cette première partie (page 8), cette

coopération est liée pour une part à la mobilité des travailleurs et personnels de santé

au-delà des frontières de leur pays d’origine, mais aussi, à la recherche de

complémentarité inter établissement à visée économique, organisationnelle ou humaine.

Des besoins en formation « interculturelle » sont pressentis. Des investigations

complémentaires s’avéraient nécessaires pour en définir la nature exacte.

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19

Dans les prochains mois, de nouvelles perspectives professionnelles pourraient m’être

offertes en tant que chef de projet du futur pôle de formation transfrontalier en

constitution. Au-delà des motivations propres à ce projet partenarial, les défis à relever par

cette structure seront non seulement liés à des systèmes de formation et d’organisation

différents de part et d’autre de la frontière, mais aussi, pour une grande part encore, comme

nous avons déjà pu le constater dans les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre

d’une formation franco-allemande, aux différences linguistiques et culturelles.

Les travaux de recherche ici présentés s’inscrivent dans la poursuite de ces premières

démarches et permettent de cerner l’enjeu de l’interculturel dans le projet en cours.

III. L’interculturel au centre de la problématique

Les difficultés rencontrées … :

• dans les actions de coopération transfrontalière sanitaire, et particulièrement à la

frontière sarro- lorraine,

• dans l’intégration de professionnels de santé « étrangers » recrutés pour combler une

démographie médicale française en mauvaise posture,

• dans l’accueil et la prise en charge de patients migrants dans les structures de santé,

• dans la mise en place d’une formation transfrontalière dans le domaine de la santé,

… ont chacune comme point commun une problématique interculturelle qui ne fera que

croître dans le contexte de société mondialisée déjà actuel mais encore accru à l’avenir.

Les différents constats effectués montrent clairement l’importance de la prise en compte

dans le domaine de la santé de la notion d’interculturalité. Ils permettent d’orienter la suite

des travaux de recherche sur ce volet.

Située dans un contexte professionnel, la notion d’interculturalité, nous a amène à nous

interroger plus spécifiquement sur la notion de compétence interculturelle et même de

compétence en communication interculturelle (CCI) puisqu’il semble, a priori, que ce soit

le frein linguistique qui pose prioritairement problème dans les différents constats et

expériences que nous avons exposés.

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20

Notre questionnement de départ s’affine en ces termes : quel est le niveau de CCI actuel

des acteurs de la coopération sanitaire transfrontalière, notamment pour des directeurs

de structures de santé qui, comme nous l’avons constaté dans l’état des lieux de la

coopération sanitaire présenté ci- dessus, sont les principaux initiateurs de cette démarche.

Comment est- définie cette compétence ? Comment se développe-t-elle ?

Peut-on évaluer la CCI ? Existe-t-il des outils définis ? Quelles sont les expériences

menées dans ce domaine ?

Ces interrogations font l’objet de la partie suivante qui définit la notion de compétence en

communication interculturelle à la lumière de différents concepts sous- tendus (culture,

interculturel, choc culturel, compétence) et de travaux d’évaluation déjà menés sur celle-ci.

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- 2e partie -

Compétence en communication interculturelle : cadre théorique, travaux de recherche existants,

problématique et hypothèses de recherche

La littérature existante et les travaux de recherche déjà menés sur le sujet de la compétence

en communication interculturelle touchent aux disciplines du management interculturel et à

l’enseignement des langues.

Ils ont été analysés pour éclairer les différents concepts théoriques encadrant la notion de

compétence en communication interculturelle.

Nous nous sommes interrogés sur la possible duplication de ces travaux au secteur de la

santé. Cette interrogation nous a permis de définir plus précisément les contours de notre

recherche.

Cette deuxième partie expose ces différentes étapes du cheminement de notre recherche.

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I. Le cadre scientifique de la recherche : l’interculturel en sciences de l’éducation

Il convient au préalable de fixer le cadre scientifique dans lequel s’inscrit la recherche menée

à savoir celui de l’interculturel en sciences de l’éducation.

Dasen Pierre R. (5) présente les approches interculturelles dans les sciences de l’éducation

comme « un champ de recherches et de pratiques relativement récent, un peu marginal

(et marginalisé), et donc encore mal connu. Les concepts utilisés sont encore assez flous, et

les méthodes de recherches parfois peu précises. »

Les premiers travaux menés sur l’interculturel en sciences de l’éducation ont porté sur le

terrain scolaire dans les sociétés multiculturelles occidentales, par rapport à l’accueil

d’élèves migrants ou de façon plus générale au traitement des minorités. Dans la prise en

compte de cette problématique, on est passé d’une pédagogie pour les étrangers, à une

pédagogie interculturelle centrée sur les différences culturelles, puis à l’éducation

interculturelle telle qu’elle est discutée de nos jours. La formation des enseignants est donc

naturellement le domaine sur lequel porte le plus grand nombre de recherches. Mais de

nombreux exemples ont également été étudiés dans le domaine de la formation des

gestionnaires et des cadres à la négociation internationale qui représentent des champs

importants aux niveaux conceptuel et pratique.

Notre travail s’est attaché à analyser de plus prêt ces deux champs d’interventions afin d’en

extraire des a�pproches potentiellement applicables au monde de la santé.

Les gestionnaires sanitaires exerçant ou susceptibles d’exercer dans un contexte

transfrontalier, notamment de part la situation géographique de leur lieu d’activité

professionnelle, ne sont certes pas des acteurs expatriés dans un pays étranger pour y

développer une activité de soins comme le serait par exemple un cadre commercial dans le

domaine du service aux entreprises. Mais la démarche de relation interculturelle n’en

demeure pas moins la même, seul son champ d’application diffère.

De la même manière, les directeurs hospitaliers ne sont pas en situation pédagogique

quotidienne de face à face avec des publics multiculturels.

(5) DASEN P. R., Introduction- Approches interculturelles : acquis et controverses - In DASEN P.R. et PERREGAUX C. (2002), Pourquoi des approches interculturelles en sciences de l’éducation, Bruxelles, De Boeck Université « Raisons éducatives », p. 7

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Définissons les concepts clés contribuant à la compréhension de la notion de « compétence

interculturelle » : culture, interculturel, choc culturel, compétence.

II. Les concepts théoriques éclairés par les disciplines du management

interculturel et de l’enseignement des langues vivantes

Tout d’abord, la discipline du management interculturel qui s’opère au sein des entreprises

internationales multiculturelles a été étudiée pour éclairer les questionnements de départ.

Même si l’activité de soins ne peut, éthiquement parlant, être comparée à une activité

marchande ou économique « classique », le processus de coopération transfrontalière

sanitaire semble suivre la même logique, certes à un moindre niveau et souvent sur une

partie restreinte d’activité.

Les motivations initiales d’ouverture à l’international semblent proches : nécessités

économiques voire stratégiques telles que la recherche ou le maintien d’une patientèle grâce

au développement de spécialités médicales ou au maintien d’activités déficitaires en

personnels, minimisation des coûts, …

Cette ouverture au monde, ou dans notre cas, dans une moindre mesure, au pays voisin,

constituera le nouveau cadre dans lequel les organisations sont et seront de plus en plus

amenées désormais à évoluer. Mais comment assurer ce nouvel ordre mondial ?

Abordée sous l’angle de la gestion des ressources humaines, cette question se pose au

travers de la considération progressive d’une compétence spécifique liée à la différence

culturelle. Cette compétence est nommée « compétence interculturelle ».

Mais qu’entend-t-on exactement par compétence interculturelle ?

Cette notion est le résultat d’un croisement de plusieurs concepts, schématisé à la page

suivante.

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Schéma 1 : La compétence interculturelle à la croisée de plusieurs concepts

A. La notion de Culture et de culture

Communément, lorsque l’on interroge des individus sur ce qu’ils entendent par culture, ils

répondent le plus souvent en mentionnant des matières telles que l’histoire, la géographie la

littérature et l’art. Si ces disciplines sont certes des éléments très importants, ils relèvent de

la Culture avec un grand C et font référence à la civilisation.

Par opposition, la culture avec un petit c englobe des éléments moins visibles qu’il faut

néanmoins comprendre pour appréhender de façon complète la dimension culturelle.

Ce concept de culture revêt une multitude de sens. Sylvie Chevrier a analysé l’évolution de

cette notion à travers le regard des anthropologues les plus célèbres pour en conclure que

celle-ci « est loin de faire le consensus et de renvoyer à un corpus bien délimité » (6).

Tant au niveau idéologique qu’au niveau des disciplines, le terme de culture abonde de

définitions.

Sous l’angle du management interculturel, Carlos A. Rabasso et Fco. Javier Rabasso,

respectivement Docteur ès lettres – professeur associé Groupe ESC Rouen et Maître de

conférences à l’université de Rouen, reprennent dans un ouvrage commun (7), les trois

grands modèles issus de l’anthropologie sociale pour expliquer le fonctionnement d’une

culture. (6) CHEVRIER S., La notion de culture - In CHEVRIER S. (2003), Le Management interculturel, Collection Que sais-je ?, Presse Universitaire de France p. 15 (7) RABASSO C.A. et RABASSO F.J., Les théories du management interculturel - In RABASSO C.A. et RABASSO F.J. (2007), Introduction au management interculturel- Pour une gestion de la diversité, Collection Gestion, Ellipses Editions, p. 32 à 75

Culture Culture

Compétence interculturelle

Interculturel Compétence

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La théorie de l’iceberg d’Edward T. Hall s’appuie sur une série d’éléments externes

(visibles et objectifs) et internes (invisibles et inconscients). Ces derniers reposent sur

deux niveaux, un formel composé de divers éléments (rituels, coutumes …) qui

peuvent être enseignés ou appris, et un autre informel composé d’éléments qui

s’acquièrent inconsciemment (perception du temps, de l’espace, l’individualisme ou le

collectivisme …). « Hall définit la culture comme un ensemble de règles tacites de

comportements inculquées dès la naissance lors du processus de socialisation

précoce dans le cadre familial ». (8)

La théorie des couches d’oignons de Geert Hofsteede présente la culture comme

une série de couches, certaines plus visibles que d’autres, divisées en deux grandes

catégories : celle du cœur de la culture, la moins visible (valeurs), et celle des

pratiques, plus visible (symboles, héros et rituels). Hofsteede pense que « la culture

est par essence une programmation mentale des individus » (9).

Le modèle des niveaux de culture de Fons Trompenaars et Charles Hampden-

Turner distingue trois niveaux, des plus au moins explicites. Le plus explicite est

formé d’artifices et de produits (institutions, lois, …), le niveau intermédiaire de

normes et de valeurs (normes de conduite sociales), le niveau le moins explicite, des

idées préconçues, pratiquement inaccessibles de l’extérieur, acquises

inconsciemment et qui reflètent des modes de conduite élémentaires pour la suivie

du groupe dans certaines circonstances.

Ces trois modèles définissent la culture à des niveaux externes, internes visibles ou

invisibles, conscients ou inconscients afin d’établir une typologie de conduite vis-à-vis du

temps et des personnes.

Nous rajouterons la vision de Philippe d’Iribarne, un chercheur anthropologue français, qui

définit la culture comme « un système de sens par lequel l’individu perçoit et interprète une

situation ou une action concrète. Il partage ce système de sens avec les autres membres de

sa communauté qui, au cours de son histoire, élabore ce système de sens ». (10)

(8) CHEVRIER S., Edward Hall : la culture comme système de communication - In CHEVRIER S. (2003), Le Management interculturel, Collection Que sais-je ?, Presse Universitaire de France p. 41 (9) CHEVRIER S., Les travaux de Geert Hofsteede - In CHEVRIER S. (2003), Le Management interculturel, Collection Que sais-je ?, Presse Universitaire de France p. 51 (10) Les Fiches de lecture de la Chaire DSO–Cnam, http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/diribarne.html consultée le 01/04/10 - D'IRIBARNE P., HENRY A., SEGAL J-P., CHEVRIER S, GLOBOKAR T. (1998), Culture et mondialisation - Gérer par-delà les frontière, collection "La couleur des idées", Editions du Seuil

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A travers ces différentes définitions, trois idées traversent la notion de culture : celle de

système, celle de groupe et celle de dynamique.

Celles-ci ont été définies en 2005 par Rakotomena Mialy Henriette du CREGO (Centre de

REcherche en Gestion des Organisations) (11) de l’Université de Montpellier 2 et sont reprises

ci-dessous.

La culture est un système

La culture est un système composé d’un ensemble d’éléments, en interaction permanente,

qui constituent un tout cohérent. C’est un processus de construction avant d’aboutir à un

produit.

Ce processus de construction est influencé par plusieurs déterminants principalement

constitués par les institutions comme : la famille, le langage et la communication, la religion,

le gouvernement, la politique, l’éducation, la technologie, la société, le climat, la topographie,

les systèmes économiques.

En outre, des relations d’influence réciproques existent entre l’environnement et la

culture. La culture peut donc aussi influer sur ces institutions.

La notion de groupe

La culture est conditionnée par une notion de groupe et est partagée par les membres

de ce groupe. C’est la différence qui distingue un groupe par rapport à un autre et qui permet

de donner l’appellation de différence culturelle.

Ce groupe culturel peut être un pays (culture nationale), une région (culture régionale), une

entreprise ou une organisation (culture d’entreprise ou culture organisationnelle), une famille

(culture familiale), une religion (culture religieuse), un sport (culture sportive), un corps de

métier (culture de métier), une génération, et des catégories socioprofessionnelles.

C’est au long de l’histoire de groupe que des références culturelles communes se

construisent formant un code ou référentiel de communication. Ce code influe sur le

comportement et se crée et se régénère à travers l’interaction. Le groupe culturel oeuvre

pour conserver et pour transmettre les valeurs, les normes et les règles que ses membres

partagent.

Par conséquent, une personne est le résultat de croissements de cultures.

(11) RAKOTOMENA M. H. (Octobre 2005), Les ressources individuelles pour la compétence interculturelle individuelle, Revue internationale sur le travail et la société. Téléchargeable depuis le lien http://www.cregor.net/membres/rakotomena/travaux/referencearticlereview.2008-07-29.1043193644

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Un aspect dynamique

La culture est rattachée à un dynamisme s’écartant d’un concept figé. La culture évolue et

se transforme à travers l’interaction.

Trompenaars le précise ainsi : « La culture n’est pas une chose, une substance qui a en elle-

même une réalité physique. C’est plutôt l’oeuvre des individus dont les interactions

entraînent d’autres interactions qui, à leur tour, en provoquent d’autres, … ».

Hofsteede précise que cette transformation se fera lentement et seulement par des

éléments extérieurs comme par exemple des forces de la nature (changement climatique,

…) ou des actions humaines (colonisation, conquête, découverte scientifique, commerce …).

Cette transformation de la programmation mentale passe par le changement de son

comportement.

Pour résumer nous retiendrons que la culture est donc un système de signification, appris et

partagé entre les membres d’un groupe se caractérisant par une partie implicite, plus

profonde, composée de normes, de valeurs, de croyances et d’une partie explicite,

immédiatement observable où on retrouve les artéfacts. Ce système est partagé par ses

membres. La culture est susceptible d’évoluer, de se transformer à travers l’interaction lors

d’une situation interculturelle.

Un gestionnaire exerçant dans une structure de santé est donc imprégné d’un système

culturel qui lui est propre résultant d’un croisement de différentes cultures (familiale,

professionnelle, religieuse …) qui à la fois influence et est influencé par son environnement.

Selon l’angle d’observation retenu (profession, formation,…), il fait partie d’un groupe culturel

avec lequel il partage des références culturelles communes permettant d’établir un code de

communication. Mais cette appartenance n’est pas figée et se transforme lentement dans

l’interaction et qui plus est dans une situation interculturelle favorisée par la coopération

transfrontalière sanitaire.

Cette situation interculturelle se caractérise par « une mise en relation entre des groupes

issus de systèmes de signification différents » (12). Comme nous l’avons évoqué

précédemment, cette situation est actuellement, dans tous les domaines et notamment

professionnel, de plus en plus inévitable en lien avec le phénomène d’internationalisation.

(12) DEMORGON J. (2004), Complexité des cultures et de l’interculturel- Contre les pensées uniques, Editions Anthropos- Economica, Collection Exploration interculturelle et science sociale, 333 pages

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B. Le concept « Interculturel »

Ce terme défini, de façon limitée, les phénomènes relevant spécifiquement du contact entre

des personnes ou des groupes d’origines culturelles diverses.

Mais une définition plus vaste, défendue par les chercheurs du domaine (ARIC- Association

pour la Recherche InterCulturelle), peut également s’entendre selon trois niveaux et

champs à étudier.

Le tableau ci-dessous synthétise les éléments présentés par Dasen (13).

Champs étudiés Disciplines mobilisées Phénomène intérieur d’une seule culture et son influence sur celui-ci ou les interactions entre le phénomène en question et la culture

• ethnologie (ou anthropologie culturelle) • sociologie • « psychologie culturelle »

Comparaison d’un phénomène dans plusieurs cultures • méthode comparée Processus de rencontre de personnes d’origines culturelles différentes • psychologie sociale

Tableau 1 : Les trois niveaux étudiés et disciplines mobilisées dans une approche interculturelle

Nos travaux s’inscrivent dans le premier niveau évoqué à savoir l’étude d’un phénomène

intérieur à une seule culture, celle des dirigeants d’établissements de santé français

frontaliers.

L’essence de l’interculturalité repose donc sur une interaction, un échange. Elle dépasse le

stade de la rencontre et du constat de la différence et de ce fait suppose une coopération,

une construction commune.

C’est donc un processus relationnel issu de l’interaction entre deux groupes culturels

impliquant une complexité des relations dans une réciprocité des échanges.

Certains des acteurs ciblés par notre recherche s’inscrivent déjà dans ce processus

relationnel, d’autres non, mais pour quelles raisons ? La notion de « choc culturel » peut

apporter des éléments d’explication.

(13) DASEN P. R., Introduction- Approches interculturelles : acquis et controverses - In DASEN P.R. et PERREGAUX C. (2002), Pourquoi des approches interculturelles en sciences de l’éducation, Bruxelles, De Boeck Université « Raisons éducatives », p. 11

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C. Le « choc culturel »

Rakotomena Mialy Henriette apporte un éclairage simple sur cette notion à travers l’analyse

des travaux de Hofsteede (14). Ces éléments sont ici repris.

Le choc culturel est le résultat d’un constat de différence dans la partie généralement

implicite d’une culture. Le choc apparaît quand la première idée qu’on se fait sur la

culture, accentuée par les apparences, a été faussée.

De cette incidence sur le jugement vient le sentiment d’insécurité, de malaise face à

l’inconnu ayant manifestement un cadre comportemental différent du nôtre. Un effort de

compréhension mutuel est souvent nécessaire pour aboutir à une certaine phase

d’adaptation sans quoi la relation peut se solder par un échec où prédomineront des

jugements interpersonnels et des conclusions hâtives.

Hofsteede classe le « choc culturel » dans la deuxième phase du processus

d’acculturation qui est un processus d’adaptation réciproque entre les cultures.

Schéma 2 : La courbe d’acculturation (Hofsteede, 1994)

• La première phase est celle de « l’euphorie de la découverte » pendant laquelle on

découvre uniquement la partie explicite d’une culture. Cette phase ne suscite pas

encore en elle-même de processus interactif de rencontre et par conséquent, ne

provoque pas de problème en soi.

(14) RAKOTOMENA M. H. (Octobre 2005), Les ressources individuelles pour la compétence interculturelle individuelle, Revue internationale sur le travail et la société. Téléchargeable depuis le lien http://www.cregor.net/membres/rakotomena/travaux/referencearticlereview.2008-07-29.1043193644

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• Mais cette première « euphorie » ne subsiste pas longtemps et très vite, les éléments

implicites des cultures en interaction se confrontent donnant naissance à un « choc

culturel ».

• Après un effort de compréhension réciproque entre les groupes culturels en

présence, vient la phase d’adaptation ou « d’acculturation » » où chaque partie

essaie de capter le code de communication de l’autre.

• Puis en dernier lieu vient la phase de « stabilité » où on arrive à oeuvrer, à

entreprendre des actions communes compte tenu de la différence.

Dans notre étude, nous nous situons bien dans cette problématique de choc culturel, suivi de

difficulté d’acculturation et de stabilité dans la relation interculturelle sous-tendue dans une

démarche de coopération transfrontalière sanitaire.

Il existerait une compétence spécifique permettant de gérer efficacement une situation

interculturelle. Mais rappelons tout d’abord ce qu’est une compétence.

D. La compétence

Comme pour le concept de « culture », les débats sur la notion de « compétence » montrent

la difficulté pour la définir. Il existe tant de définitions proposées qu’il est difficile de la

conceptualiser et de la définir d’une manière opératoire. En voici quelques- unes.

En 1999, Philippe Zarifian (15) définit la compétence comme :

- « la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des situations professionnelles

auxquelles il est confronté » : cela suppose que l’individu est capable d’imagination,

d’invention pour adapter une réponse face à un évènement. De part son action, il a pouvoir

de modifier l’existant et d’influer sur les conséquences de l’évènement.

- « une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises

et les transforme, avec d’autant plus de force que la diversité des situations augmente » :

pour pouvoir intervenir face à un évènement, l’individu fait appel à la fois à la dimension

cognitive de son intelligence, ce qui signifie qu’il lui faut la connaissance du produit. La

seconde dimension est de forme compréhensive, il sait apprécier et comprendre une

situation. Les connaissances acquises sont dépendantes du nombre d’évènements auxquels

a été confronté l’individu et de l’expérience qu’ils lui auront apportés.

(15) ZARIFIAN P. (1999), Objectif compétence pour une nouvelle logique, Paris, Editions Liaisons

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- « la faculté à mobiliser des réseaux d’acteurs autour des mêmes situations, à partager

des enjeux, à assumer des domaines de coresponsabilités » : pour faire face à une

situation, plusieurs individus vont mobiliser leurs compétences respectives afin de mieux

répondre à celle-ci.

Quelques années plus tard, André de Peretti caractérise la compétence comme « une

capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce

qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à

bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes » (16).

Il s’agit donc maintenant, comme le suggère Guy Le Boterf (17), de dépasser la compétence

comme simple addition de savoirs mais de la percevoir comme « une certaine

combinaison de capacités ou d’aptitudes pour résoudre un problème donné ». Le

professionnel doit « savoir agir, savoir intégrer, savoir transférer ».

Le concept de compétence a donc évolué en s’adaptant aux besoins des entreprises et des

organisations comme l’expose en huit points Guy Le Boterf (18) dans son dernier ouvrage.

Les organisations et structures sanitaires n’échappent pas à cette évolution de la notion de

compétence. Concernant le type d’acteurs que nous étudions, la récente (2009) loi Hôpital

Patient Santé Territoire (HPST), portant sur la réorganisation et la modernisation de

l’ensemble du système de santé français, va mener à une évolution prévisible du métier de

dirigeant hospitalier. Selon Gérard Vincent (19), délégué général de la Fédération Hospitalière

de France, il faudra aux directeurs de demain, de nouvelles compétences techniques et

relationnelles pour conduire la contractualisation et porter une stratégie élargie dans ce

cadre.

La compétence interculturelle constitue par essence une compétence relationnelle

puisqu’elle est au cœur d’une interaction, processus défini comme relationnel.

Précisons maintenant cette notion de « compétence interculturelle » qui nous intéresse plus

particulièrement.

(16) DE PERETTI A. (janvier/ février 1992), « Ressources Humaines et Management », Revue EPS, n°223 (17) LE BOTERF G. (1994), De la compétence, Essai sur un acteur étrange, Paris, Les éditions d’organisation (18) LE BOTERF G. (2009), De quel concept de compétence avons- nous besoin ?- In LE BOTERF G. (2009), Construire les compétences individuelles et collectives – Agir et réussir avec compétences – Les réponses à 100 questions, Eyrolles, Editions d’organisation, 4e édition mise à jour et complétée, pages 45 à 111 (19) Site C.R.E.E.R. - Quelles sont les compétences attendues des dirigeants hospitaliers ? Article publié le 11/05/2009 - http://www.creer-hopitaux.fr/fr/home/les-reformes/tous-les-articles/?articles_id=541 - Consulté le 01/04/10

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E. La compétence interculturelle

E.1. Eléments de définition

La notion de compétence interculturelle est apparue il y a une quinzaine d’années. Les

études et travaux menés semblent avoir été abordé prioritairement en lien avec le concept

d’expatriation, car c’est principalement dans ce contexte que les organisations

multinationales, internationales ou transnationales forment leurs cadres pour les développer,

ou tout au moins les préparer à un contexte interculturel. L’objectif étant celui d’accroître leur

mobilité professionnelle et de leur donner des clés pour gérer la diversité au sein d’équipes

multiculturelles.

Rakotomena Mialy Henriette (20) a recensé et analysé une série de définitions de la notion de

« compétence interculturelle » issues de plusieurs auteurs (Gersten, Flye, Brittnet & Reich,

Hofsteede, Iles, Barmeyer, Bender).

Elle en propose les définitions synthétiques suivantes :

La compétence interculturelle est un ensemble de capacités requises pour une

interaction réussie avec une ou groupe de personnes de culture différente.

Elle est la capacité de comprendre, d’analyser les différences d’une autre culture, de

s’y adapter, d’y évoluer, d’atteindre ses objectifs dans cette différence.

Cette double définition montre la confusion qui peut naître de l’usage du mot

« compétence ». « Il est utilisé aussi bien pour désigner la capacité particulière d’un

individu, mais également un élément de savoir faire dans le cadre d’une pratique. » (21)

Selon Gersten, la compétence interculturelle résulte de l’interaction entre trois dimensions

schématisées page suivante.

(20) RAKOTOMENA M. H. (Octobre 2005), Les ressources individuelles pour la compétence interculturelle individuelle, Revue internationale sur le travail et la société. Téléchargeable depuis le lien : http://www.cregor.net/membres/rakotomena/travaux/referencearticlereview.2008-07-29.1043193644 - Consulté le 01/01/10 (21) TROMPENAARS F. ET HAMPDEN-TURNER C. (2008), L’entreprise multiculturelle, Editions Maxima, p. 463

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33

Schéma 3 : Les trois dimensions de la compétence interculturelle (Gersten, 1992)

• la dimension communicative désigne tout ce qui se rattache à la communication

verbale et non verbale (langue, mimiques, gestes …), et comportementale désignant

tout ce qui se rattache au savoir- faire (le respect, la flexibilité, l’écoute …) ;

• la dimension cognitive désigne tout ce qui se rattache à la connaissance (savoir) sur la

notion de culture (culture de l’autre, sa propre culture par exemple) ;

• la dimension affective désigne tout ce qui se rattache à la sensibilité et à la

compréhension par rapport à l’autre culturel (savoir- être).

Byram (22) complète ces 3 dimensions en identifiant 5 grands facteurs, qu’il appelle savoirs,

qui rendent compte du développement de la compétence en communication interculturelle,

qui se développent conjointement à l’utilisation d’une langue étrangère :

• Savoir : acquisition de nouvelles connaissances et d’informations spécifiques à une

culture ;

• Savoir- comprendre : habiletés à comprendre des documents, des événements

d’une autre culture et d’en acquérir de nouvelles connaissances ;

• Savoir- être : posture d’ouverture et de réflexion de l’individu sur les deux cultures, la

sienne et celle de l’autre ;

• Savoir- faire : agir de façon appropriée dans une situation interculturelle ;

• Savoir s’engager : aptitudes d’évaluation critique des deux cultures et d’engagement

à négocier des compromis pour construire un nouvel objet acceptable entre les

cultures, un objet interculturel.

(22) BYRAM (1997), M., Teaching and Assessing Intercultural Communicative Competence, Clevedon, Multilingual Matters

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34

Trompenaars et Hampden- Turner définissent la compétence interculturelle comme « la

propension à résoudre des dilemmes . » (23)

« Lorsque l’on a pris conscience des différences culturelles et que l’on est prêt à les

accepter, la voie est ouverte pour passer à l’étape suivante, fondée sur le concept de

réconciliation, avant de passer à la mise en œuvre d’actions. » (24)

Ces auteurs distinguent donc quatre aspects qui composent la compétence interculturelle :

• La reconnaissance des différences culturelles

• Le respect de ces différentes culturelles

• La réconciliation des différences culturelles

• La réalisation d’actions nécessaires à la mise en œuvre de la réconciliation des

différences culturelles

Pour ceux-ci, c’est réellement la capacité à résoudre des dilemmes culturels (réconciliation),

au centre de leurs derniers travaux de recherche publiés, qui permet de rendre les

organisations évoluant dans un contexte interculturel plus performantes et de réaliser des

bénéfices commerciaux. (25)

Si le domaine de la santé ne pourra jamais s’inscrire pleinement dans une culture de

compétitivité, des rapprochements pourraient être réalisés.

Pour qu’une coopération transfrontalière sanitaire soit réellement efficace voire pérenne, il ne

suffirait pas simplement de connaître et d’accepter les différences culturelles, mais aussi de

les dépasser et de les mettre au profit de la coopération voire d’une amélioration des

résultats des établissements impliqués. Aller au-delà de simples solutions de compromis

réciproques mais réellement rechercher l’intégration des différences.

La recherche que nous menons s’inscrit dans le phasage chronologique défini par

Trompenaars et Hampden- Turner, et dont les étapes se succédant constituent chacune un

préalable à une action interculturelle performante. L’action de coopération transfrontalière

sanitaire devrait également suivre cette déclinaison pour être pleinement efficace.

Mais comment se développe la compétence interculturelle ? Quels facteurs favorisent son

acquisition ?

(23) TROMPENAARS F. ET HAMPDEN-TURNER C. (2008), L’entreprise multiculturelle, Editions Maxima, p. 462 (24) TROMPENAARS F. ET HAMPDEN-TURNER C. (2008), L’entreprise multiculturelle, Editions Maxima, p. 475 (25) TROMPENAARS F. ET HAMPDEN-TURNER C. (2008), L’entreprise multiculturelle, Editions Maxima, p. 474 à 481

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35

Pour répondre à ces questions, nous nous avons ensuite étudié les travaux menés dans la

discipline de l’enseignement des langues vivantes. Ils sont présentés dans les pages

suivantes.

E.2. Le développement de la compétence interculturelle :

un modèle transformationnel

Le projet ICOPROMO (Intercultural competence for professional mobility - Compétence

interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle- 2004/ 2006), animé par

une équipe de recherche du Centre Européen pour les Langues Vivantes (CELV) du Conseil

de l’Europe, a mené à la proposition d’un modèle intégré fournissant des fondements

théoriques aux formateurs et aux apprenants dans le domaine des langues et de la culture. Il

se concentre sur la communication interculturelle ainsi que les compétences en matière

d’interaction. Ce modèle proposé a pour objectif la mobilité interculturelle définie comme la

capacité à communiquer efficacement dans des contextes professionnels

multiculturels.

Notre recherche ne s’appliquant pas à un contexte professionnel multiculturel mais à des

échanges interculturels ponctuels et thématiques dans la cadre d’actions de coopération

sanitaire transfrontalière, ce modèle ne sera pas retenu dans la suite de nos travaux.

Nous souhaitons cependant en faire une présentation car il comporte des éléments

théoriques très intéressants qui éclairent notre recherche.

Le modèle transformationnel de développement de la compétence interculturelle proposé par

l’équipe de recherche ICOPROMO se base sur une analyse exhaustive de la littérature

existante sur la compétence interculturelle, la communication interculturelle et les équipes

multiculturelles ainsi que des études qualitatives et quantitatives.

Le modèle développé est illustré à la page suivante.

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36

Schéma 4 : Le développement de la compétence interculturelle : un modèle transformationnel (26)

Transformationnel parce que ce modèle s’articule autour du « cheminement effectué par une

personne une fois qu’elle a pris conscience des défis interculturels qui se posent du fait de

sa mobilité ou de celle d’autres acteurs avec qui elle doit communiquer efficacement. Il décrit

ensuite comment apprendre tout ce qu’il faut savoir pour communiquer plus efficacement, les

incidences de cet apprentissage sur les attitudes, le comportement et la performance

communicative de chacun et l’expérience sans cesse renouvelée de la découverte de

nouveaux défis et de l’acquisition de nouvelles connaissances et techniques pour y faire

face. » (27)

A la gauche du schéma, l’environnement politique et/ou économique expose l’individu à la

différence culturelle. Ce dernier, impacté par ce nouvel ordre mondial, est confronté à de

nouveaux défis (notamment obstacles linguistiques et culturels) qu’ils surmontent

variablement suivant ses dispositions pour être capable de traiter correctement les

informations et de réagir (être à la hauteur) pour atteindre ses objectifs.

Sur le plan éducatif, ces besoins peuvent être exprimés en termes de compétences dont

certaines ont été identifiées dans le cadre du projet ICOPROMO et sont synthétisées dans la

colonne centrale du modèle. Elles vont de la bonne utilisation linguistique à la

compréhension de son propre rôle et de ses responsabilités dans ce nouvel environnement.

Une série d’aptitudes, tant d’un point de vue cognitif que comportemental, sont à développer

et peuvent être acquises par le biais de la formation.

(26) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 17 (27) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 15

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« Le développement de la compétence interculturelle exige donc l’acquisition de certaines

connaissances et valeurs et une réévaluation et un rejet des acquis existants en cas de

conflit potentiel, d’où un processus permanent, itératif, d’apprentissage et de

désapprentissage. » (28)

L’individu apprend donc à réagir différemment face à une culture étrangère en cherchant à

comprendre l’autre et ainsi change progressivement d’attitude puis de comportement lorsqu’il

atteint le stade de l’intériorisation de cette démarche d’interrogation préalable avant tout

jugement.

Ce processus est cumulatif : plus l’individu fait face à des situations mobilisant sa capacité

d’adaptation à de tels défis, plus il développe une mentalité interculturelle et devient mobile.

Ce processus est également infini et amène l’individu a constamment revoir et revisiter ses

connaissances en utilisant de nouvelles sources d’apprentissage et renforcer sa compétence

et sa mobilité interculturelle.

Conscience de soi et de l’autre

Le développement de la compétence interculturelle commence donc par la prise de

conscience de soi et de l’autre : « apprendre à se connaître soi-même, réfléchir à son

éducation et à ses points de vue limités par la culture, analyser en profondeur ses normes,

valeurs, croyances et comportements… Une telle démarche est probablement le point de

départ de l’acceptation, de la compréhension et de l’appréciation des différences. La notion

d’identité vient au premier plan à cet égard, et son exploration apparaît comme une

condition sine qua non pour la communication interculturelle. » (29)

Cinq sous- compétences seraient nécessaires à l’individu pour relever cette étape :

• Prendre acte des différences et des ressemblances ;

• Reconnaître nos ressemblances et différences (en tant que membre d’une culture

donnée et en tant qu’individus) ;

• Explorer et comprendre ces ressemblances et différences pour s’enrichir en passant

par un « inventaire personnel » (29) critique de ses propres représentations sociales;

(28) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 16 (29) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 32

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38

• Se situer dans la perspective de l’autre (altérité) pour le découvrir et aller à sa

rencontre. Intérêt, curiosité et persévérance seront les trois motivations pour

connaître, découvrir et comprendre l’autre ;

• Prendre en considération les stéréotypes et explorer le choc culturel et le choc

culturel inverse (réadaptation nécessaire de l’individu à son retour dans son ancien

environnement d’origine).

Communication entre les cultures

L’équipe de recherche ICOPROMO identifie 3 grandes sous- composantes de la

compétence en communication interculturelle :

• La communication non verbale

• La communication verbale

• La conscience de la langue

En effet, « la communication ne dépend pas exclusivement du langage » (30). La

communication non verbale (langage corporel, contact visuel, les gestes, la proxémique,

l’apparence, la tenue vestimentaire …) a une grande importance en communication

interculturelle.

Les nombreux travaux sur la communication verbale, au cœur des programmes

d’enseignement linguistique, distinguent 4 grandes compétences :

• grammaticale : termes lexicaux, syntaxe, grammaire, sémantique, phonologie ;

• sociolinguistique : règles d’usage (socioculturelle) et règles de discours ;

• discursive : production d’un texte (écrit ou oral) par la combinaison de formes

grammaticales et de significations ;

• stratégique : stratégies de communication verbale et non verbale mises en place pour

compenser des erreurs de communication.

A celles-ci se rajoutent encore les traits paralinguistiques (accentuation, rythme, intonation).

La conscience de la langue définie le fait de parler une ou plusieurs autres langues en lien

avec un statut social ou professionnel.

(30) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 33

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39

Acquisition de connaissances culturelles

Les connaissances culturelles englobent à la fois les connaissances culturelles spécifiques à

une culture donnée mais aussi des éléments de culture générale. Cette « connaissance du

monde » (31) est « une connaissance des interactions entre les êtres humains et la manière

dont ils se perçoivent mutuellement, et comprendre que cela a une incidence dur les

relations »(31).

Les connaissances culturelles spécifiques peuvent être utiles et faciliter la communication

interculturelle.

En bref, il est nécessaire de « connaître sa propre culture et celle de l’interlocuteur »(31).

Construction de sens

Pour travailler au sein d’un équipe multiculturelle, il faut « être prêt à gérer de nouvelles

informations, l’incertitude et l’ambiguïté et à traiter tous ces éléments d’une manière

cohérente au moyen des cadres conceptuels préexistants » (31).

Pour cela il faut être capable d’interpréter des documents, des faits, des évènements

nouveaux voire inattendus (savoir comprendre), leurs attribuer une signification grâce à des

capacités de découverte et d’interaction (savoir apprendre/ faire) et identifier et comprendre

les valeurs, croyances et normes sous- tendues dans la situation analysée. Cette dernière

étape est très importante et l’oublier peut être source de malentendus, un frein à la

communication interculturelle.

Pour certains auteurs, la construction de sens dépend du langage qui est « le premier

déterminant des observations et interprétations du monde » (31).

(31) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 36

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40

Mise en perspective

Une compétence également très importante en situation d’interaction culturelle est la mise

en perspective qui force « à regarder la réalité sous différents angles » (32). L’individu

interculturel doit alors posséder des qualités telles que l’empathie, la souplesse, le

décentrage, l’ouverture d’esprit et la tolérance de l’ambiguïté. Celles-ci lui permettent d’ouvrir

et d’élargir ses perspectives en revoyant ses représentations mentales.

Interlangue – Interculture

L’interlangue est un « système linguistique autonome basé sur les résultats concrets

obtenus par l’apprenant lorsqu’il tente de produire un énoncé conformément à la norme de la

langue cible » (33)

Dans ce système dynamique, l’individu en cours d’apprentissage d’une langue cible

progresse dans sa connaissance de celle-ci et améliore sa compétence communicative. Le

concept d’interlangue désigne les stades de développement progressifs de connaissance de

l’apprentissage linguistique.

La notion d’interculture désigne, par analogie à celle d’interlangue, les stades transitoires

de passage de l’apprenant entre la culture d’origine et la culture cible. « L’interculture est le

degré de compétence culturelle de l’individu » (34).

L’apprentissage interculturel est cependant plus difficile à programmer que celui de la

langue. Il n’a pas pour objectif une maîtrise des codes culturels de la langue cible

équivalente à celles des locuteurs natifs, mais une prise de distance optimale des deux

cultures, une relativisation de la culture d’origine par un enrichissement personnel tenant

compte de son identité culturelle.

Chaque individu interculturel possède une interlangue et une interculture uniques et

dynamiques qui ne sont pas nécessairement interdépendantes, mais jouant un rôle

complexe dans le développement de la compétence interculturelle.

(32) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 37 (33) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 38 (34) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 39

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Apprentissage/ désapprentissage

« L’apprentissage interculturel est un processus constant d’apprentissage et de

désapprentissage ». (35)

L’apprentissage de l’individu est à la fois théorique et pratique. La théorie lui permet de

dépasser les anecdotes, les expériences isolées, les stéréotypes.

La pratique est basée sur l’expérience de l’individu faisant face à des situations

interculturelles.

Le développement de compétences interculturelles entraîne la modification des

compétences antérieurement acquises dans le cadre de l’éducation, scolaire et non scolaire.

Ce processus de transformation des savoirs acquis oblige à réévaluer et, parfois, à rejeter ce

qui avait été appris (désapprentissage).

L’apprentissage- désapprentissage est donc un processus méthodologique et

dynamique du développement de la compétence interculturelle.

Maintenant que nous avons posé les différents concepts théoriques sous-tendus par la

notion de compétence interculturelle, présentons la notion de compétence en communication

interculturelle.

F. La compétence en communication interculturelle (CCI)

F.1. Une prise en compte récente au niveau européen

Les textes officiels applicables à l'enseignement des langues vivantes en Europe accordent

une importance croissante au développement des compétences en communication

interculturelle (CCI) dans l'esprit de la performance sociale et professionnelle des

apprenants dans les sociétés mondiales et multiculturelles du XXIe siècle.

(35) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 41

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En Europe, en 2001, l’année européenne des langues se clôture par le lancement officiel du

Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) et du Portfolio

européen des langues (PEL). Si ces documents apportent, chacun à leur niveau selon les

objectifs qu’ils visent, des éléments concrets permettant à l’Europe une avancée concrète et

commune dans l’apprentissage des langues, ils restent cependant très centrés sur le

développement d’une compétence grammaticale et lexicale.

Conscients de cette faiblesse de prise en compte de la compétence en communication

interculturelle nécessaire et complémentaire à la compétence purement communicative au

sein d’un processus d’apprentissage linguistique, le CELV inclue dans son premier

programme à moyen terme (2000- 2003) le projet « Compétence en communication

interculturelle dans la formation des enseignants », duquel découle l’ouvrage « Mirrors and

Windows – An intercultural communication textbook ». Traduit en français en 2005 dans le

cadre du projet ICCinTE (Intercultural communication training in teacher- La communication

interculturelle dans la formation des enseignants) du 2e programme à moyen terme du CELV

(2004-2007), Miroirs et fenêtres – Manuel de communication interculturelle- aide à

réfléchir sur sa propre culture, sur celle des autres et sur leurs rapports mutuels à travers de

nombreux exercices.

En 2007, les chercheurs associés au projet ICCinTE clôture ce programme par une

publication complémentaire sur le développement et l’évaluation de la compétence en

communication interculturelle à l’usage des enseignants de langues et des formateurs

d’enseignants (36).

Dans ce guide, ils perçoivent la compétence en communication interculturelle comme le

prolongement de la compétence communicative.

F.2. Définition et dimensions

Ils définissent la CCI comme « la capacité à communiquer efficacement dans des

situations interculturelles et à établir des relations appropriées dans des contextes

culturels divers » (37).

(36) I. LAZAR, M. HUBER-KRIEGLER, D. LUSSIER, G.S. MATEI et C. PECK (2007) - Développer et évaluer la compétence en communication interculturelle – Un guide à l’usage des enseignants de langues et des formateurs d’enseignants, CELV/ ECML, Conseil de l’Europe (37) I. LAZAR, M. HUBER-KRIEGLER, D. LUSSIER, G.S. MATEI et C. PECK (2007) - Développer et évaluer la compétence en communication interculturelle – Un guide à l’usage des enseignants de langues et des formateurs d’enseignants, CELV/ ECML, Conseil de l’Europe, p. 10

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L’équipe de recherche identifie trois dimensions de la CCI :

Les savoirs désignant « les éléments de connaissance liés à la mémoire collective, à

la diversité des modes de vie et au contexte socioculturel des sociétés et cultures des

communautés dans lesquelles une langue est parlée. Cela renvoie à la prise de

conscience interculturelle, qui implique la compréhension des relations

(ressemblances et différences distinctives) entre « le monde d’où l’on vient » et « le

monde de la communauté cible » » (38).

Le savoir-faire : qui se décline en trois temps :

- savoir fonctionner, linguistiquement parlant, dans la langue cible ;

- savoir interagir et s’ajuster dans différents environnements ou modes de vie

en intégrant de nouvelles expériences et en utilisant efficacement sa

compétence langagière ;

- savoir interpréter et négocier l’interaction nécessitant des habiletés sociales

(usages et conventions), des habiletés de la vie quotidienne (actes courants de

la vie quotidienne), des habiletés techniques et professionnelles (capacités

physiques et mentales nécessaires pour accomplir le travail exigé par un

emploi donné), des habiletés propres aux loisirs (arts, artisanat et bricolage,

sports, passe-temps), la capacité à utiliser des stratégies langagières variées

pour établir le contact avec des gens d’une autre culture, ainsi que la capacité

d’aller au-delà d’expressions stéréotypées.

Le savoir- être : attitudes, motivations, valeurs, croyances, styles cognitifs et types

de personnalité qui constituent l‘identité personnelle de chaque apprenant. Le savoir-

être se développe en plusieurs temps :

- savoir comprendre des autres cultures : prise de conscience culturelle ;

- savoir accepter et interpréter les autres cultures en développant une

compétence critique, demandant préalablement une appropriation de sa

propre identité ;

- savoir intégrer des valeurs autres que celles de sa propre culture par la

valorisation de l’altérité de l’individu, et l’inciter à accepter de tenir le rôle

d’intermédiaire culturel dans des situations de tension, de malentendus ou de

conflits.

(38) I. LAZAR, M. HUBER-KRIEGLER, D. LUSSIER, G.S. MATEI et C. PECK (2007) - Développer et évaluer la compétence en communication interculturelle – Un guide à l’usage des enseignants de langues et des formateurs d’enseignants, CELV/ ECML, Conseil de l’Europe, p. 27

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Nous retrouvons dans cette définition de la CCI et de ses trois grandes composantes

(savoirs, savoir- faire, savoir- être), les trois dimensions de la compétence interculturelle de

Gersten (cognitive, affective, communicative et comportementale) et les cinq grandes

catégories de savoirs identifiés par Byram (savoir, savoir- comprendre, savoir- être, savoir-

faire, savoir s’engager) présentés à la page 33.

Nous y retrouvons également les compétences proposées dans le modèle transformationnel

de développement de la compétence interculturelle (conscience de soi et de l’Autre,

acquisition de connaissances culturelles, construction de sens, …), modèle exposé des

pages 35 à 41.

III. La problématique de recherche et les hypothèses retenues

Les précédentes pages de cette 2e partie du mémoire exposent les nombreux concepts

théoriques sous-tendus dans la notion de compétence en communication interculturelle. Les

travaux de recherche préalablement réalisés sur ce sujet et que nous avons analysé

s’appliquent aux disciplines du management interculturel et de l’enseignement des langues.

Ces matières sont, par leur nature, exposées à la problématique de la communication

interculturelle.

Comme nous l’avons développé dans la 1e partie du mémoire, le monde de la santé se

retrouve aujourd’hui lui aussi confronté à l’interculturalité, que ce soit dans l’accueil de

patients migrants, dans le recrutement de médecins étrangers pour combler une

démographie médicale déficitaire, mais aussi dans le cadre d’action de coopération sanitaire

au-delà des frontières, sujet qui nous intéresse plus particulièrement.

Les gestionnaires de structures de santé frontalières, mais aussi les médecins exerçant dans

celles-ci comme bras technique de mise en pratique des décisions des gestionnaires, sont-

ils disposés à relever les défis de l’interculturalité ? Disposent-ils des compétences

nécessaires pour communiquer avec d’autres cultures ?

Plus précisément, à la frontière sarro- lorraine, ces professionnels sont-ils bien « armés »

pour initier et pérenniser des actions de coopération sanitaire avec des établissements

sanitaires allemands ?

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Le problème linguistique, à la frontière franco- allemande, est souvent avancé comme cause

d’absence ou d’échec d’action de coopération transfrontalière dans le domaine de la santé.

Mais comme nous avons tenté de l’expliciter, l’ouverture à l’international ne nécessite pas

uniquement de parler la langue de son partenaire, mais le développement d’une compétence

spécifique, dite de communication interculturelle qui comprend également des aspects

cognitifs et affectifs.

De l’analyse de l’expérience des entreprises et organisations internationales multiculturelles

confrontées à l’expatriation de leurs cadres mais aussi des enseignants de langues et

formateurs d’enseignants proposant de compléter l’apprentissage linguistique par une

dimension culturelle afin de dépasser une simple compétence communicative et développer

une réelle compétence en communication interculturelle, nous avons proposé des

rapprochements avec le monde de la santé.

Cependant, ce secteur présente des spécificités faisant qu’il ne peut être comparé de

manière linéaire à toute autre organisation.

Nous n’avons pas identifié de travaux applicatifs sur ce domaine particulier d’activité. Les

conclusions des recherches réalisées à ce jour dans d’autres types d’organisations ne

peuvent donc être dupliquées littéralement dans ce contexte ?

La contextualisation passe par une question qui sera celle retenue pour l’approfondissement

de notre réflexion :

La compétence en communication interculturelle des gestionnaires et médecins de

structures de santé frontalières est-elle l’une des conditions nécessaires au

développement et à la pérennisation d’action de coopération

transfrontalière sanitaire?

Nous retiendrons la déclinaison de la CCI en trois dimensions (cognitive, affective,

communicative/ comportementale) relevant des savoirs, du savoir- faire et du savoir- être,

proposée par Gersten et reprise dans les résultats du projet ICCinTE, travaux les plus

récents (2007) identifiés à ce sujet.

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Lequel ou lesquels de ces niveaux de compétence en communication interculturelle,

sclérose(nt) aujourd’hui le développement de la coopération sanitaire au-delà des

frontières ? Quel(s) aspect(s), insuffisamment développés, entraînent les difficultés

rencontrées dans ce domaine à la frontière sarro- lorraine ?

Ainsi, notre recherche tente de répondre aux hypothèses suivantes :

Hypothèse 1 : Les gestionnaires et médecins de structures de santé frontalières disposent

d’une dimension cognitive (conscience culturelle) insuffisamment développée pour

engager/ pérenniser des actions transfrontalières de coopération. Les savoirs relatifs à la

culture allemande restent à un niveau de connaissances trop minimal.

Hypothèse 2 : Les gestionnaires de structures et médecins de santé frontalières disposent

d’une dimension communicative et comportementale (aptitudes interculturelles)

insuffisamment développée pour engager/ pérenniser des actions transfrontalières de

coopération. La compétence linguistique et les expériences de situations interculturelles

vécues (savoirs- faire) sont minimales.

Hypothèse 3 : Les gestionnaires et médecins de structures de santé frontalières disposent

d’une dimension affective (sensibilité et compréhension de l’autre) insuffisamment

développée pour engager/ pérenniser des actions transfrontalières de coopération. Les

savoirs- être demeurent à un niveau minimal de compréhension de la culture allemande.

Afin de pouvoir répondre à ces hypothèses, il faut pouvoir évaluer le niveau de

développement de chacune des trois dimensions composant la compétence en

communication interculturelle en l’appliquant à notre cible (gestionnaires et médecins de

structures de santé frontalières).

La partie suivante présente le dispositif d’enquête de terrain mis en œuvre en termes

méthodologique et organisationnel.

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47

- 3e partie -

Evaluation de la compétence en communication interculturelle

des gestionnaires de santé et médecins :

méthodologie, enquête, résultats et interprétations

Au regard de la problématique de recherche et des hypothèses retenues et pour tenter de

répondre à celles-ci, nous avons élaborer un dispositif méthodologique basé sur des

interviews d’un panel de gestionnaires de santé et de médecins.

Les analyses longitudinale et transversale des entretiens menés apportent des résultats

intéressants permettant d’éclairer la problématique posée.

Ces différents éléments font l’objet de cette 3e partie.

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I. Cadre de la recherche et avertissements

Cette recherche s’inscrit dans une démarche exploratoire d’une situation, à un moment

particulier et dans un contexte géographique précis (frontière sarro- lorraine). Les résultats

obtenus n’auront pas la prétention d’être généralisables même si des pistes d’extrapolation

pourront être émises en conclusion sous réserve d’investigations complémentaires.

Notre travail s’inscrit dans la première phase de l’ingénierie de la formation, celle de

l’Analyse de la méthode « ACRE » (Analyser, Concevoir, Réaliser, Evaluer) proposée par

Thierry ARDOUIN. La recherche menée constitue un travail d’analyse pré- diagnostic des

différentes dimensions constituant la compétence en communication interculturelle

des gestionnaires et médecins de structures de santé frontalières françaises, préalable

nécessaire à l’identification des besoins en formation de ces publics dans le champ de

l’interculturel.

Ces travaux menés n’ont pas la prétention d’effectuer un bilan de compétence interculturelle

complet qui ferait l’objet d’un autre travail d’approfondissement.

II. Dispositif méthodologique de recherche

A. Méthode qualitative retenue et limites

Pour permettre une collecte d’éléments d’informations utile à la recherche menée et

répondre aux hypothèses posées, le choix du paradigme méthodologique s’est porté sur la

méthode qualitative qui s’avère être la plus adaptée à l’objet de recherche.

En outre, les secteurs d’application des travaux menés nécessitent également une approche

qualitative :

le secteur de la santé est une activité très institutionnalisée et réglementée qui

peut s’avérer très hermétique aux enquêtes menées en dehors de ce cadre. Une

rencontre en face-à-face, sous garantie d’anonymat et de confidentialité des

informations recueillies, semble plus appropriée ;

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le secteur géographique de la recherche limité à la frontière sarro- lorraine et le

nombre limité d’établissements de santé frontaliers y figurant exclu le recours à

des méthodes quantitatives.

Par rapport à cet objectif de recherche qualitative, nous avons utilisé l’outil de l’entretien

semi- directif permettant de recueillir les témoignages et les interprétations des personnes

interrogées et d’accéder à leurs opinions et représentations spontanées du sujet traité.

Cette technique nous a semblé appropriée puisqu’elle vise la compréhension d’une

problématique. Nous sommes cependant également conscient des limites de celle-ci en

terme de subjectivité de l’analyse des données recueillies qui doit prendre en compte le

contexte de l’entretien et des relations potentielles entre interviewer et interviewé.

Pour limiter ces biais, nous avons mis en place les mesures suivantes :

- Au cours des entretiens, présentation de l’interviewer s’inscrivant dans une démarche de

recherche à titre personnel, libre de tout intérêt professionnel ;

- Retranscription synthétique et interprétation des propos recueillis pour chaque

interview en lien avec des éléments de contexte s’y rapportant (âge, parcours de la

personne …).

B. Echantillon défini et organisation de la phase d’interview

La population auprès de laquelle s’effectue cette recherche se compose d’un échantillon

défini de gestionnaires et de médecins en exercice dans des structures de santé

françaises située à proximité immédiate de la frontière du Land sarrois allemand et ayant

ou non une expérience professionnelle passée ou actuelle en matière de coopération

transfrontalière.

En effet, si l’initiative de développement de coopération transfrontalière est souvent prise par

les gestionnaires de structures de santé d’un point de vue conventionnel, ces derniers se

reposent, d’un point de vue technique et dans la mise en pratique, sur le corps médical. Le

panel de médecins, non prévu initialement, a conduit à un élargissement de l’échantillon qui

nous a finalement semblé pertinent puisque les actions de coopération étudiées font intervenir

les niveaux à la fois administratif des gestionnaires et technique des médecins au cœur des

actions.

Chacun de ces deux niveaux régulant l’autre quant aux possibilités de prise en charge

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(notamment réglementaire), aux organisations logistiques, aux projets … à mettre en œuvre.

Ainsi dans chaque établissement de santé ciblé, un médecin a été identifié et conseillé par le

gestionnaire de la structure pour un ressenti au plus près des acteurs de la coopération

sanitaire transfrontalière.

L’échantillon de départ se composait de 10 personnes dont 5 gestionnaires et 5 médecins.

Ceux-ci ont été identifiés au sein des 5 entités hospitalières situées à la frontière sarro-

lorraine (1 gestionnaire et 1 médecin par entité).

Une entité n’a pas souhaité être rencontrée et deux médecins, pour des questions

essentiellement de disponibilité, n’ont pas pu nous recevoir.

Ainsi, au total 7 personnes ont pu être rencontrées : 4 gestionnaires et 3 médecins.

Le choix a été fait de se concentrer dans cette première étape du côté français/ lorrain. Une

analyse comparative avec un échantillon allemand/sarrois se serait révélée intéressante

Malheureusement, afin d’assurer la faisabilité des travaux compte tenu à la fois du délai

imparti et de mon niveau insuffisant de maîtrise de la langue allemande, je me suis réduite à

interroger cet échantillon français. Une phase ultérieure d’enquête auprès d’un échantillon

sarrois pourrait compléter utilement cette recherche.

Des rendez-vous ont été programmés avec chacune des personnes identifiées au sein de

l’échantillon entre les mois de juin et août 2010. Afin de mettre les interviewés en confiance

et s’adapter à leur faible disponibilité, nous les avons rencontrés au sein de leur

environnement professionnel.

Au cours des premiers contacts (prise de rendez-vous et premiers échanges de la rencontre

en face à face), l’objet précis de la recherche (évaluation niveau de compétence en

communication interculturelle) et ses hypothèses n’ont pas été présentés aux personnes

interrogées afin de ne pas les influencer dans les éléments d’informations fournis.

C. Guide d’entretien

Afin d’assurer une rigueur méthodologique, nous avons construit un guide d’entretien

(Annexe 1) qui a été testé préalablement à son utilisation auprès de deux personnes :

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l’une pratiquant au quotidien la coopération sanitaire transfrontalière en tant que

chargée des relations transfrontalières en exercice à temps partagé dans un

établissement de santé lorrain et dans un établissement de santé sarrois ;

l’autre totalement extérieure à ces démarches de coopération transfrontalière.

Le questionnement du guide d’entretien est construit selon le modèle dit « en entonnoir »

ou « en tunnel », dans lequel différentes techniques d’entretien sont utilisées les unes à la

suite des autres.

Après une présentation du cadre et des objectifs de l’entretien, il est demandé à l’interviewé

de se présenter brièvement en terme de parcours professionnel. Cette phase non-directive

permet de mettre la personne rencontrée dans une relation de confiance permise par sa

prise de parole. Ensuite, la parole lui est encore largement donnée mais de façon semi-

directive en ouvrant la discussion sur le sujet de recherche, la coopération sanitaire

transfrontalière et ses freins (1.). Dans un second temps, un zoom est effectué sur la culture

allemande toujours sur un mode semi- directif (2.). Dans un troisième temps, l’entretien

propose une liste de questions précises permettant notamment de cerner le profil « culturel »

de l’interviewé (3.). Enfin, deux questions finalisent l’entretien :

- La 1e redonne la parole libre à l’interviewé qui souhaiterait faire part d’autres

expériences interculturelles vécues dans d’autres contextes et qui n’auraient pas

été encore présentées ;

- La 2e pose clairement la question sur la nécessité de développer des compétences

spécifiques nécessaires au développement de coopération sanitaire. Cette question

clôt l’entretien.

Chacune des questions posées se rapporte à une hypothèse de recherche (H1 pour

hypothèse 1, H2 pour hypothèse 2, H3 pour hypothèse 3).

Le guide d’entretien n’a pas été fourni ni préalablement ni en cours d’interview à la personne

enquêtée afin de garantir la spontanéité des informations livrées.

D. Fiche d’analyse des entretiens, critères et indicateurs retenus

Pour structurer l’analyse des informations recueillies au cours des rencontres, nous avons

construit, parallèlement à l’élaboration du guide d’entretien, une fiche d’analyse d’entretien

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(Annexe 2) permettant une retranscription synthétique des propos livrés et une première

analyse individuelle aboutissant à l’évaluation du profil de CCI de l’interviewé.

Cette fiche se divise en plusieurs parties :

• Présentation de l’interviewé (données sociologiques, parcours de formation et

professionnel)

• Son expérience en matière de coopération transfrontalière sanitaire

• Les freins de la coopération sanitaire transfrontalière cités

• Autres informations intéressantes livrées

• Les compétences spécifiques nécessaires pour réussir des actions de coopération

transfrontalière sanitaire ?

Ces éléments permettent d’approfondir encore la problématique liée aux freins à la

coopération sanitaire au-delà des frontières et de fournir des éléments permettant la

contextualisation des propos livrés.

• Une grille d’analyse permettant d’évaluer le profil interculturel de l’individu interrogé.

Cette grille s’inspire des travaux menés par l’équipe de recherche du projet ICCinTE (CELV

– Conseil de l’Europe - 2007) (39). qui ont abouti à la proposition de lignes directrices pour

l’évaluation de la compétence en communication interculturelle des enseignants de langues.

Cette grille de dépouillement est construite selon les trois dimensions des savoirs à combiner

pour être compétent sur le plan interculturel. Chaque dimension renvoie à l’une des trois

hypothèses de recherche posées :

Les savoirs renvoyant à la dimension cognitive (hypothèse 1 – H1)

Le savoir- faire renvoyant à la dimension communicative et comportementale

(hypothèse 2 – H2)

Le savoir- être renvoyant à la dimension affective (hypothèse 3 – H3)

En outre, chacune des dimensions est elle-même décomposée en trois niveaux – minimum,

médium, élevé – révélant le profil de l’individu et son positionnement en tant qu’être

interculturel.

(39) I. LAZAR, M. HUBER-KRIEGLER, D. LUSSIER, G.S. MATEI et C. PECK (2007) - Développer et évaluer la compétence en communication interculturelle – Un guide à l’usage des enseignants de langues et des formateurs d’enseignants, CELV/ ECML, Conseil de l’Europe

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Les critères et indicateurs retenus pour chacune des 9 catégories identifiées reprennent les

éléments présentés dans l’analyse des concepts théoriques.

En terme de savoirs relatif à la culture allemande se rapportant à la dimension cognitive,

l’individu peut :

simplement faire preuve de reconnaissance de celle-ci en ayant des connaissances

limitées : images stéréotypées, faits ou éléments spécifiques relatés (histoire,

géographie, éléments de civilisation) ;

savoir comparer et respecter la culture allemande en disposant de connaissances

élargies de faits ou d’évènements en lien avec la société, la culture et

l’identité (produits, modes de vie, traditions, valeurs, attitudes, relations

interpersonnelles …) de celle- ci ;

être dans un niveau d’analyse plus approfondi de la culture allemande et atteindre

le stade dit de « réconciliation » évoquée par Trompenaars et Hampden- Turner

(voir page 34), permettant de résoudre des dilemmes culturels et rendre les

organisations évoluant dans un contexte interculturel plus performantes. L’individu

dispose connaissances précises des caractéristiques diversifiées et spécifiques de la

culture allemande (faits de la vie courante, habitudes et coutumes, institutions et

normes …).

En terme de savoir-faire relatif à la dimension communicative et comportementale, l’individu

peut se positionner dans sa maîtrise de la langue allemande :

A un niveau minimal de fonctionnement et démontrer une expérience minimale

dans des situations interculturelles non– ambiguës ;

A un niveau intermédiaire permettant l’interaction en démontrant une appropriation

juste pour agir et réagir dans des situations interculturelles ambiguës ;

A un niveau maximal permettant la négociation en démontrant une habileté à

négocier des situations conflictuelles.

En terme de savoir- être relatif à la dimension affective, l’individu peut se positionner :

A un niveau minimal de compréhension en faisant preuve de tolérance, de

conscientisation culturelle, de sensitivité aux autres cultures, notamment allemande,

mais pouvant également avoir des perceptions ethnocentriques et vivrent

difficilement des situations interculturelles ;

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A un niveau intermédiaire d’acceptation et d’interprétation en faisant preuve de

sympathie, d’appropriation critique, d’ouverture à d’autres cultures, notamment

allemande, en ayant des réactions positives à d’autres croyances, attitudes et

valeurs ;

A un niveau maximal d’intégration et d’internalisation en faisant preuve

d’empathie, de sens de l’altérité, de respect et d’ouverture aux autres cultures et en

acceptant d’être médiateur culturel dans des situations interculturelles difficiles voire

conflictuelles.

Plus l’individu exprime d’éléments catégorisés dans les niveaux élevés, plus nous

considérerons qu’il dispose d’un profil disposé à la communication interculturelle.

Inversement, plus il relate d’éléments figurant dans les catégories minimales, moins il serait

disposé à l’interaction culturelle d’un point de vue communicatif. Un code couleur s’inspirant

du feu tricolore a été utilisé pour faciliter la visualisation du profil interculturel de l’individu.

L’objectif est d’identifier le ou les niveaux de savoir qui reste(nt) insuffisamment développé(s)

pour disposer d’une compétence à la communication interculturelle facilitant le

développement et la pérennisation d’action de coopération transfrontalière dans le domaine

de la santé avec la Sarre.

Chaque interview a été auditionnée et les éléments clés retranscrits dans les rubriques et

cases de la fiche d’entretien s’y rapportant. Ainsi 7 fiches d’entretien ont été renseignées

(Annexes 3.1 à 3.7).

E. Entretiens complémentaires

Cinq rencontres complémentaires ont également été réalisées en amont et en aval des

interviews des personnes constituant l’échantillon prédéfini. Elles se sont inscrites à la fois

dans un objectif exploratoire (amont) de la question de recherche et d’approfondissement

(aval) pour une meilleure compréhension et interprétation des propos recueillis au cours des

interviews.

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III. Analyse et interprétation des résultats

Nous rappelons ici que nous ne prétendons pas réaliser une évaluation exhaustive de la

compétence en communication interculturelle des gestionnaires de santé et médecins

rencontrés, mais de tenter de réaliser un pré- diagnostic de leur niveau dans ce domaine,

notamment en terme de prédispositions à l’interaction et à la communication interculturelle,

avec des Allemands en particulier. Nous mesurons cependant la limite de notre

méthodologie dans cette phase d’interprétation des propos recueillis qui ne pourra être

exempte de subjectivité, une traduction des informations exprimées étant réalisée.

Nous avons mené notre analyse en deux temps : une analyse verticale de chaque entretien,

puis une analyse horizontale ou transversale des entretiens.

A. Analyse longitudinale

La première analyse des entretiens s’est faite de façon verticale. Elle a été menée au cours

de la phase de retranscription synthétique de l’entretien sur la fiche d’analyse d’entretien

Chaque entretien a été auditionné et retranscrit dans une fiche d’analyse d’entretien. Cette

première lecture nous a permis de nous imprégner des éléments recueillis, d’établir une

synthèse individuelle de profil de compétence à la communication interculturelle. Ces

synthèses sont fournies à la fin de chacune des 7 fiches d’entretien (Annexes 3.1 à 3.7).

Dans le cadre de la recherche que nous menons, ces données doivent être prise

collectivement pour tenter de répondre à notre question problématique et à nos hypothèses.

Ainsi, nous en ressortons le tableau de synthèse suivant mettant en corrélation profil de CCI

et expérience de coopération transfrontalière :

Interviewé Age Sexe Gestionnaire/

Médecin (G/ M)

Niveau des savoirs

cognitifs

Niveau du savoir- faire

Niveau du savoir être Profil de CCI

Expérience transfrontalière

avec l’Allemagne

I4 44 M G Minimum Minimum Elevé Minimum + 1 expérience ancienne +

prémices actuels

I6 51 M M Minimum Minimum Minimum Minimum Non

I7 52 M G Minimum Minimum Elevé Minimum + quelques prémices

I5 36 F M Intermédiaire Elevé Intermédiaire Intermédiaire + Non

I1 57 M G Elevé Elevé Elevé Elevé Oui, + de 20 ans

I2 53 M G Elevé Elevé Elevé Elevé Oui, depuis 1,5 an

I3 45 M M Elevé Intermédiaire Elevé Elevé - Oui, depuis 10- 12 ans

Tableau 2: Synthèse des résultats d’évaluation du profil de CCI des 7 interviewés

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La définition du niveau du profil de CCI (dernière colonne) retient le niveau le plus cité dans

les trois dimensions mesurées et peut se voir rajouter un « + » ou « - » pondérant celui-ci en

fonction d’une dimension qui se révèle plus ou moins élevée en niveau.

L’âge moyen de l’échantillon enquêté est de 48 ans et se compose d’une majorité

d’hommes, une seule femme ayant été interviewée (14%).

Les trois niveaux de profil de CCI sont représentés dans l’échantillon enquêté :

• 3 interviewés disposeraient d’un niveau de CCI élevé leur permettant de ne pas être

contraints, individuellement, par un frein culturel vis-à-vis de la culture allemande ;

• à l’inverse, 3 interviewés ne semblent pas disposer de dimension cognitives,

communicatives/ comportementales et affectives suffisamment développées vis-à-vis

de la culture allemande pour communiquer avec celle-ci ;

• enfin, 1 interviewé se situerait dans le niveau intermédiaire.

La fonction des individus interrogés (gestionnaire ou médecin) ne semble pas être un

élément d’influence puisque ceux-ci se répartissent indifféremment entre les différents

niveaux de CCI :

• Niveau élevé : 2 gestionnaires et 1 médecin

• Niveau intermédiaire : 1 médecin

• Niveau minimal : 2 gestionnaires et 1 médecin

Nous n’avons cependant pas de gestionnaire s’inscrivant à mi- chemin dans le niveau

intermédiaire.

L’observation du tableau 2 de la page précédente met en exergue un lien évident entre

actions de coopération transfrontalières sanitaires développées et niveau élevé de CCI, et

inversement.

Mais cette première analyse synthétique et quantitative, ne peut suffire à conclure ainsi la

recherche. Nous avons donc effectué une analyse transversale des différentes interviews

afin de justifier cette première impression.

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B. Analyse transversale

B.1. Le frein culturel ne semble pas prioritaire

Avant d’évoquer les freins à la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé,

nous sous- entendons qu’il y a un réel besoin, une opportunité de coopération, qu’elle se

situe au niveau de la prise en charge d’un patient (urgence ou spécialité médicale), d’une

mutualisation à des fins économiques ou autres. Nous sous- entendons également que les

individus potentiellement concernés par des coopérations transfrontalières ont la volonté de

travailler ensemble.

Ce jalon étant posé, le frein linguistique et culturel n’est pas celui cité en priorité par les

interviewés lorsque la question est posée de manière ouverte sur les obstacles à la

coopération.

Pour les gestionnaires de santé, les premiers freins se situent plutôt au niveau politique

d’abord (tutelles) puis au niveau administratif et du système français de prise en charge des

patients (Assurance maladie). En troisième position interviendrait seulement le frein culturel

qui se résume pour chacun à la non maîtrise de la linguistique allemande. « Le constat est que le nombre de germanophones baisse en France et ça va devenir de plus en plus difficile

pour développer des coopérations transfrontalières » (I1).

Cependant certains « on la chance d’avoir des acteurs allemands qui parlent le français et des acteurs

français qui parlent l’allemand » (I2), car « partager la même langue, pouvoir s’exprimer en français ou en

allemand, c’est extrêmement facilitant pour communiquer l’un avec l’autre » (I2).

Certains dépassent cette problématique en trouvant des solutions :

« J’ai trouvé des palliatifs en m’entourant de bilingues et ça se passe bien mais je pense que ça faciliterait

encore les démarches si je pouvais échanger directement en allemand. » (I4)

« … des freins culturels relatifs à une non maîtrise de langue mais qui peuvent être facilement dépassés en

utilisant des systèmes de traduction simultanée voire l’anglais » (I7)

Parmi les trois médecins interviewés, deux d’entre eux font le même constat. Les difficultés

liées aux volets politique et administratif sont prioritaires et semblent scléroser pour une

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bonne part les coopérations transfrontalières en santé. Le versant culturel n’est évoqué

qu’ensuite.

Pour le troisième médecin, qui « n’éprouve actuellement aucun besoin de coopération sanitaire dans sa

pratique cardiologique » (I6), le frein linguistique arrive très rapidement : « des choses pratiques ça va

être pour moi la langue tout simplement. » (I6). N’ayant pas eu de pratique de coopération

transfrontalière, il n’a pas pu constater les freins politique et administratif repérés par tous les

autres interviewés.

Deux médecins interviewés estiment même qu’il n’y a pas d’obstacles culturels majeurs au

développement de coopération sanitaire transfrontalière au niveau des acteurs de terrain.

« L’argument culturel n’est pas valable à mon sens. Il n’y a pas de frein culturel ni au niveau des patients, ni au

niveau des médecins. Il ne faut pas oublier que le bassin houiller et la Sarre c’est la même culture. Il y a plus de

points communs entre un Lorrain et un Sarrois, qu’un Lorrain et un Parisien. » (I3)

« Il n’y a pas réellement de freins culturels. Les Lorrains sont bilingues et ont une culture partagée avec les

Sarrois. Ils ont toujours pris ça comme une chance qu’on leur offrait. » (I5)

I5 précise cependant son propos : « un frein culturel éventuellement au niveau des administrations qui se

situe au niveau des connaissances linguistiques, sur le fonctionnement des systèmes de santé … ».

Elle rajoute également « En face (en Sarre), les structures en place privées n’ont pas les mêmes moyens et

sont dans un objectif capitaliste de bénéfice. J’ai l’impression que ça remettait tellement en cause les habitudes

des uns et des autres que c’est ça le principal frein. »

Au travers de ces propos, nous ressentons bien le concept de choc culturel entre une

culture publique française et une culture privée allemande. Ce choc culturel aurait une

répercussion au-delà du terrain au niveau politique, économique et des administrations.

Nous devons donc retenir que la coopération transfrontalière dans le secteur de la santé est

également conditionnée par des aspects tant politiques, qu’économiques ou administratifs

qui eux même font partie intégrante de la culture d’un individu, d’un pays.

B.2. Est-il nécessaire de développer des compétences spécifiques pour initier

et mener à bien des coopérations transfrontalières sanitaires ?

A cette dernière question de l’entretien, les enquêtés apportent des réponses différentes.

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Pour les interviewés du groupe à profil de CCI minimum, les compétences nécessaires sont

relatives à des connaissances (savoirs) relatives à l’économie, au social, … de l’autre pays

partenaire mais aussi des outils juridiques et de la réglementation encadrant les

coopérations sanitaires.

L’apprentissage plus approfondi de la langue allemande est cité en premier par I6 et fait

référence au savoir- faire communicatif.

La constitution d’un réseau de personnes (de confiance) et d’équipes- projet

pluridisciplinaires est aussi évoquée. Elle met en évidence la nécessaire aptitude

relationnelle (savoir être).

I7 rajoute que ces compétences nécessaires sont « des aptitudes propres que chaque directeur ou

gestionnaire possède pour faire vivre un réseau et des coopérations. »

Pour l’interviewé du groupe à profil de CCI intermédiaire, les compétences existent, il suffirait

de les identifier au sein de chaque structure hospitalière. Ce référent devrait disposer de

connaissances relatives à l’organisation, aux acteurs, aux prestations… présents de l’autre

côté de la frontière. Ensuite, des équipes pluridisciplinaires seraient à constituer pour monter

des projets répondant aux besoins de santé locaux.

Cette réponse traduit l’incompréhension du terme « compétence » qui se résume ici à la

détention de savoirs relatifs à la culture du partenaire transfrontalier, savoirs qui se limitent

même aux aspects purement professionnels (qui, quoi, comment ?).

Enfin, pour les interviewés du groupe à profil de CCI élevé, trois niveaux de réponse sont

apportés à cette question :

- Pour I1, des cours de langue (savoir-faire) et des connaissances (savoirs) sur les

institutions de l’autre pays sont à développer, à la fois pour les cadres soignants et

administratifs et les tutelles et administrations sanitaires.

- Pour I2, « des choses intéressantes sont à développer ou à poursuivre au sein des IFSI-

IFAS comme l’intégration de stages pratiques en Allemagne par exemple ». Ces actions

permettent d’inclure dès la formation initiale des professionnels de santé une

sensibilisation à l’Autre et aux partenaires transfrontaliers potentiels à l’avenir.

- Pour I3, tout se joue au niveau politique, et la coopération transfrontalière sanitaire

ne nécessite pas de « spécialistes formés » spécifiquement à cette démarche.

En résumé, les avis convergent et se complètent en faisant quasiment tous (sauf I3)

référence à des dimensions de savoir composant la CCI : savoirs, savoir-faire, savoir-

être.

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B.3. Interprétation des résultats d’évaluation de la CCI

Nous avons choisi de mesurer le concept de compétence communicative interculturelle à

travers les trois dimensions essentielles qui la constitue : cognitive (savoirs), communicative/

comportementale (savoir-faire) et affective (savoir-être).

Dans cette seconde étape d’analyse horizontale des données, nous avons repris chacune de

ces trois dimensions en effectuant trois groupes relatifs à ceux identifiés dans la précédente

analyse verticale, soit :

• le groupe des individus à profil de CCI élevé composé de I1, I2 et I3 ;

• le groupe des individus à profil de CCI minimum composé de I4, I6 et I7 ,

• le groupe de l’individu à profil de CCI intermédiaire (I5).

Ce dernier groupe est jugé peu significatif puisqu’il n’est fondé que sur le témoignage d’un

seul individu. Il sera cependant exploité à titre informatif.

Afin de faciliter l’interprétation des résultats qui sont fournis ci- dessous, présentons

préalablement chacun des trois groupes constitués notamment en terme de composition,

d’âge moyen, d’origine et cadre de vie, d’expérience de coopération transfrontalière

sanitaire, de cursus de formation et professionnel, d’héritage familial et d’éducation

biculturelle. Nous pourrons alors effectuer une corrélation entre compétence et actions de

coopération mises en œuvres ou non et dégager quelles sont les dimensions de savoir trop

faiblement développées qui pourraient scléroser la coopération transfrontalière sanitaire ou à

l’inverse, celles qui pourraient servir de levier pour les favoriser.

B.3.1. Présentation des trois groupes d’analyse constitués Groupe à profil de CCI minimum

Caractéristique Eléments relatifs au groupe

Composition I4, I6 et I7 soit deux gestionnaires de santé et un médecin Age moyen 52,3 ans

Origine et cadre de vie

I4 : originaire de Lorraine I6 : originaire de Lorraine I7 : originaire de Lorraine

Expérience de coopération

transfrontalière sanitaire

I4 : 1 expérience antérieure dans la participation à la mise en place d’un Centre des grands brûlés et actuellement recherche de collaborations en cours I6 : Pas d’expérience car pas de besoin actuellement dans son activité médicale I7 : Des expériences antérieures de type conventionnelles mais pas concrètes. Actuellement réflexion pour coopérer avec des luxembourgeois et des allemands.

Cursus de formation I4 : AS puis IDE + Licence de management + formation de gestionnaire d’établissement de santé en cours

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I6 : Cardiologue (études à Lyon) I7 : IDE, cadre infirmier, Maîtrise lettres modernes et sciences de l’éducation, Formation DH à l’ENSP (27 mois)

Cursus professionnel

I4 : exercice hospitalier I6 : médecin contractuel puis hospitalier, activité libérale à mi-temps depuis 20 ans, associé depuis 12 ans I7 : DRH puis conjointement Directeur de site hospitalier puis Directeur Affaires Générales et actuellement DG (+ expérience de cadre pédagogique dans un IFSI)

Héritage familial et éducation scolaire

biculturelle

I4 : pas d’héritage familial ni d’éducation scolaire bi ou multi- culturels mais a grandi en Lorraine et appris le patois local I6 : pas d’héritage familial biculturel mais élevé dans la crainte de l’allemand I7 : origine italo- grecque, a baigné dans la culture italienne (et particulièrement sarde)

Tableau 3 : Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI minimum Au-delà des fonctions professionnelles (gestionnaire et médecin), ce groupe est relativement

homogène quant aux origines lorraines qu’ils partagent et à l’absence d’héritage familial et

d’éducation biculturels avec l’Allemagne. Sur ce point on distingue 3 niveaux différents :

• I6 a été élevé dans la crainte de l’Allemand, par écho aux souffrances vécues par ses

parents et grands-parents pendant les périodes de guerre avec l’Allemagne ;

• I4, d’origine paternelle bretonne et maternelle lorraine, a grandi en Lorraine et appris

le patois local mais sans aller plus loin dans la découverte de la culture allemande

pourtant à portée de main ;

• I7, d’origine italo-grecque, a baigné, dès son enfance, dans la culture italienne (et

particulièrement sarde) et a grandi dans une cité minière multiculturelle. Il n’a

cependant jamais été « attiré » par la culture allemande.

Au niveau de la formation, mis à part le médecin (I6) qui a suivi des études médicales

« classiques », les deux autres interviewés (I4 et I7), gestionnaires de santé, ont démarré

leur cursus par une formation professionnelle soignante (AS, IDE, Cadre Infirmier) avant de

poursuivre des formations supérieures en management et gestion de santé (I4) et lettres,

sciences de l’éducation et enfin de santé publique (I7).

Les deux gestionnaires de santé ont intégré le monde hospitalier par l’angle du soignant

avant de s’orienter ensuite vers des fonctions administratives et de gestion.

De prime abord, il y aurait un lien entre profil de CCI minimum et faiblesse voire absence

d’actions de coopération sanitaire transfrontalière développée.

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Groupe à profil de CCI intermédiaire

Caractéristique Eléments relatifs au groupe

Composition I5 - médecin Age moyen 36 ans

Origine et cadre de vie

Originaire du Midi de la France Vit en Allemagne, mariée à un médecin allemand

Expérience de coopération

transfrontalière sanitaire

Pas d’expérience personnelle mais au travers de son mari qui a exercé en France un certain temps

Cursus de formation Médecine gériatrique Cours de langue allemande

Cursus professionnel Médecin gériatre Héritage familial et éducation scolaire

biculturelle Pas d’héritage familial ni d’éducation scolaire biculturel allemand

Tableau 4: Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI intermédiaire

I5, originaire du Midi de la France, n’a eu ni héritage familial ni éducation scolaire biculturel,

avec l’Allemagne en particulier.

Elle a suivi des études médicales pour devenir Gériatre.

Elle a pris des cours de langue allemande pour communiquer plus facilement avec son mari

et sa belle-famille allemande. Elle vit actuellement en Allemagne.

A ce jour, elle n’a pas d’expérience personnelle de coopération transfrontalière sanitaire.

Il n’y a ici pas de lien entre profil de CCI intermédiaire et développement d’actions de

coopération sanitaire transfrontalière.

Groupe à profil de CCI élevé

Caractéristique Eléments relatifs au groupe

Composition I1, I2 et I3 soit deux gestionnaires de santé et un médecin Age moyen 51,6 ans

Origine et cadre de vie

I1 et I2 sont originaires de la Région frontalière avec l’Allemagne (Alsace et Lorraine) I3 de Versailles vit cependant depuis l’âge de 17 ans avec une épouse allemande et habite en Allemagne Les 3 interviewés ont des amis allemands et de la famille dans ce pays et échangent avec eux en langue allemande.

Expérience de coopération

transfrontalière sanitaire

I1 : 20 ans - recrutement de médecins allemands, prestations réciproques, certaines spécialités (dialyse, maternité, chirurgie) I2 : très investi depuis 1 an et demi I3 : 10 à 12 ans dans sa spécialité médicale (psychiatrie)

Cursus de formation I1 : Etudes de droit et sciences économiques puis formation AAH et DH I2 : DEA Sciences de gestion puis ISFATES

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I3 : Psychiatre et pédopsychiatre

Cursus professionnel I1 : AAH puis DH I2 : secteur privé puis reconversion monde hospitalier I3 : activité en libéral puis récemment mi- temps hospitalier

Héritage familial et éducation scolaire

biculturelle

I1 : parlait exclusivement l’allemand dans son enfance I2 : origine paternelle allemande, a grandi dans les 2 cultures I3 : pas d’héritage familial ni d’éducation scolaire bi ou multi- culturels (mais une épouse allemande)

Tableau 5: Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI élevé A nouveau, au-delà des fonctions professionnelles, ce groupe est homogène quant aux

origines et cadre de vie des individus qui le compose mais aussi de l’héritage familial et de

l’éducation biculturels pour deux d’entre eux, le troisième venant peut-être compléter ce

manque dans l’enfance par une situation maritale et un lieu de vie qui le met en interaction

quotidienne avec la culture allemande.

Au niveau de la formation, l’un des membre du groupe (I2) a suivi un cursus franco-

allemand à l’ISFATES - Institut Supérieur Franco- Allemand de Techniques, d’Economie et

de Sciences. Les deux autres interviewés ont suivis des cursus « classiques», médical pour

l’un, de directeur hospitalier pour l’autre. Les deux gestionnaires de santé (I1 et I2) ont fait

des études supérieures de droit/ économie et gestion puis intégrés le monde hospitalier par

le versant administratif.

Ils relatent tous les trois des expériences plus ou moins longues, anciennes et actuelles, de

coopération transfrontalière sanitaire dans lesquelles ils se sont fortement investis et

s’investissent encore.

ll semble à nouveau y avoir un rapport étroit entre le profil de CCI élevé diagnostiqué et la

capacité à développer des actions de coopération transfrontalière, même si celles-ci se

retrouvent confrontées ensuite à des freins politiques et administratifs qui dépassent ces

acteurs.

Pour confirmer ces propos, approfondissons l’analyse en détaillant chacune des dimensions

des savoirs composant la CCI pour chacun des trois groupes constitués.

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B.3.2. L’évaluation des savoirs … … du groupe à profil de CCI minimum Dimension cognitive

Niveau de reconnaissance Indicateurs : Connaissances limitées : images stéréotypées, faits ou éléments spécifiques relatés (histoire, géographie, éléments de civilisation)

I4

« Rigueur, franchise, pragmatisme en comparaison avec la culture française » « J’ai effectivement identifié des ressemblances et différences entre les cultures françaises et allemandes mais je n’ai pas été jusqu’à creuser pour en comprendre leur origine. » mais aucun élément n’est cité en exemple. ( ?)

I6

« Rigueur, travail, je connais pas assez pour …, je travaille avec des médecins allemands à la clinique en anesthésie et ça pose pas de soucis. Ils sont venus travailler en France pour différentes raisons, pour des problèmes essentiellement financiers. C’est des gens qui travaillent très bien, investis dans leur travail. » « J’ai effectivement identifié des ressemblances et différences ( ?) entre les cultures française et allemande mais je n’ai pas été rechercher leur origine. »

I7

« Même si l’Allemagne était au bout de la rue où je vivais, même si j’ai traversé de très nombreuses fois cette frontière, pour un latin comme moi, j’étais pas spontanément attiré par la culture allemande, au demeurant un pays extraordinaire riche de culture, central en Europe, un partenaire incontournable qui donne du corps à ce qu’est l’Europe. » « L’image que l’on a de l’Allemand et qui est encore véhiculée aujourd’hui cette rigueur allemande et cette capacité à produire et vendre des produits manufacturés de très bonne qualité (1e pays à l’exportation), une capacité à se mobiliser (intégration de l’ancienne Allemagne de l’Est), capacité d’adaptation, avec des villes phares (Berlin, Hannovre, Hamburg) sans passé sur l’historique. Tout ça c’est pour le volet économique mais je pense aussi à des grands personnages du romantisme allemand et je ne parle même pas de la puissance de leurs aïeux en musique, c’est extraordinaire. L’Allemagne est un pays contributeur avec une identité culturelle extrêmement forte qui est un acteur incontournable aujourd’hui encore. Pour reprendre ce qui se disait c’est « la Grande Allemagne », dans la « Mittel Europa » au coeur de l’Europe. » Voilà l’Allemagne, donc en deux mots : rigueur, efficacité, efficience, présence, engagement partenarial fort. »

Tableau 6: Synthèse de la dimension cognitive du groupe à profil de CCI minimum Constats

Les interviewés du groupe sont imprégnés des stéréotypes relatifs à la culture allemande -

rigueur, franchise, pragmatisme, travail, efficacité, efficience, présence, engagement

partenarial fort.

I4 et I6 disent avoir identifier des ressemblances et différences entre les cultures françaises

et allemandes mais ne citent aucun élément en guise d’illustration. Ils avouent ne pas avoir

été en chercher les origines pour les comprendre.

I7 dispose de connaissances spécifiques de la Culture allemande avec un grand

C (économie, histoire, grands personnages, grandes villes, musique, …) comme nous

l’avons expliqué à la page 24.

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I6 identifie cependant des rapprochements entre les « mentalités » lorraine et sarroise.

« En tant que lorrains, on a une mentalité qui se rapproche un peu, on est certainement plus proche d’eux que si

on devait travailler avec des médecins en provenance d’autres pays comme la Roumanie ou le Maghreb. »

… du groupe à profil de CCI intermédiaire Dimension cognitive

Niveau de comparaison/ de respect Indicateurs : Connaissances élargies des faits/évènements en lien avec la société, la culture et l’identité : produits, modes de vie, traditions, valeurs, attitudes, relations interpersonnelles … de la culture allemande

I5

« L’Allemagne est un pays bien féminisé au niveau politique et pour ça je suis fière de dire que j’y habite» « Un pays qui vieillit très vite et c’est un de ses enjeux majeurs » « les Français et les Allemands sont différents, ils n’ont pas la même façon de réfléchir, ce n’est pas la même logique et je le constate tous les jours (prise de rendez-vous, entretiens/ réunions, signalisation autoroutières). Mais je n’ai pas interprété ces différences. »

Niveau d’analyse/ de réconciliation Indicateurs : Connaissances approfondies/ précises : caractéristiques diversifiées et spécifiques de la culture allemande (faits de la vie courante, habitudes et coutumes, institutions et normes…)

I5 « Les systèmes de prise en charge sont différents (privé/publique, CPAM/ complémentaire santé) et ça entraîne des difficultés pour la libre circulation des patients pourtant prévue réglementairement par l’Union Européenne. »

Tableau 7 : Synthèse de la dimension cognitive du groupe à profil de CCI intermédiaire Constats

I5 dispose de connaissances élargies sur la culture allemande, mais n’a pas été

forcément jusqu’à les interpréter pour les comprendre. I5 a identifié des ressemblances et

différences entre les cultures françaises et allemandes, à la fois dans le cadre professionnel

(dans ce domaine les savoirs sont plus approfondis) mais aussi, de la vie courante,

puisqu’elle vit avec un Allemand en Allemagne.

Par l’expérience de son mari, elle a approfondi certaines connaissances liées directement à

des aspects systémique et administratif du monde de la santé.

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… du groupe à profil de CCI élevé Dimension cognitive

Niveau d’analyse/ de réconciliation Indicateurs : Connaissances approfondies/ précises : caractéristiques diversifiées et spécifiques de la culture allemande (faits de la vie courante, habitudes et coutumes, institutions et normes…)

I1

« Les Allemands sont beaucoup plus divers que les Français, c’est vraiment des individus à part entière, ils sont moins hiérarchiques » « Ils parlent beaucoup plus de langues étrangères que les Français » « Je connais bien les interlocuteurs allemands et le système » « les systèmes de santé français et allemand sont très différents (autonomie établissements allemands/ centralisation- tutelle française) » « il faut comprendre que les institutions françaises par exemple ne peuvent pas être plaquées sur le modèle allemand. » « une autre différence majeure, c’est l’éducation religieuse qui existe encore en Allemagne (obligation au moins 3/ semaine + inscription dans une Eglise) » « Les Allemands citent très souvent des versets bibliques pour expliquer une situation »

I2

« la vision classique de l’Allemand, même si aujourd’hui elle n’est plus réellement celle-ci, c’est rigueur, discipline et respect de la parole donnée. » (référence à son père) « la France est un pays très centralisé réduisant l’autonomie des actions sur le terrain. Pour les Allemands, cette philosophie est quasiment incompréhensible puisque l’Allemagne est un pays fédéral décentralisé où l’acteur et l’initiative est individuel même si la structuration est orchestrée depuis les Ministères. » « Depuis 2008, je me suis très investi dans la coopération sanitaire transfrontalière. J’ai rencontré tous les acteurs sarrois hospitaliers » « L’assurance maladie fonctionne différemment (très centralisé/ autonomie et indépendance) : les modalités et règles de fonctionnement diffèrent. » « En France, dans le domaine sanitaire, le mode d’expression est très administratif (de la santé publique à l’organisationnel). En Allemagne, on est dans une logique d’établissement, le raisonnement est différent (faisabilité et urgence opérationnelle). » « La médecine allemande et française sont très proches mais pas similaires (ex. : langage médical latin/ grec ; protocoles de prise en charge ; concepts) » « Les sarrois ne sont forcément des Allemands et les lorrains pas forcément des Français puisque les deux régions étaient des zones de conflits et de guerre et n’ont ni la richesse de Paris, ni de Francfort. »

I3

« Les Allemands ont une vision plus pragmatique et efficiente des choses. » « Dans le domaine sanitaire, les Allemands sont beaucoup plus contrôlés au niveau des protocoles par exemple, ils ont aussi une approche beaucoup plus commerciale (caisses privées/ publiques), plus agressive. » « J’habite en Allemagne donc je connais bien ce qui s’y passe. Je suis marié à une Allemande, donc au-delà du volet professionnel sanitaire, je connais bien l’Allemagne aussi » « Il ne faut pas oublier que le bassin houiller et la Sarre c’est la même culture. Il y a plus de points communs entre un Lorrain et un Sarrois, qu’un Lorrain et un Parisien. » « La Sarre ce n’est pas vraiment l’Allemagne. Elle a des règles et des lois un peu différente, un peu comme l’Alsace et la Lorraine du côté français : famille, fiesta, café … » « La Sarre est une petite entité où tout le monde se connaît, la mobilisation est très rapide comme les blocages également. » « L’approche scolaire est différente (mes enfants sont au lycée franco-allemand) : au niveau de ce que doit être l’éducation, des apprentissages scolaires. Dans ce domaine, les Allemands sont plus dilettantes, les Français sont plus théoriques » « D’un point de vue professionnel on cadre dans une approche germanique des choses où on se donne les moyens de réfléchir aux objectifs, aux moyens que l’on va mettre en œuvre, à l’évaluation de ces moyens et aux suites données aux évolutions jusqu’au résultat obtenu. En France, on a le savoir faire mais on a pas la mentalité pour réellement travailler dans la durée (la durée c’est la durée d’un Ministre) … et à la fin rien n’aboutit ou presque. Une plus forte séparation entre le régalien et le politique en Allemagne explique cela. »

Tableau 8 : Synthèse de la dimension cognitive des interviewés à profil de CCI élevé

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Constats

Si les interviewés sont imprégnés des stéréotypes relatifs à la culture allemande, ils

comprennent bien qu’il s’agit de représentations culturelles et ils approfondissent ensuite leur

analyse de cette culture d’un point de vue professionnel et personnel.

Professionnellement, ils ont comparés des éléments relatifs à la médecine, au système de

santé, à l’assurance maladie, … et ils apportent des explications à chacun de ces constats

comparatifs.

L’analyse culturelle dépasse le contexte professionnel en citant des éléments relatifs à

l’éducation religieuse, l’éducation et les apprentissages scolaires, aux individus allemands.

On ressentirait presque dans certains propos, tenus par I1 notamment, une sorte

d’idéalisation de la culture allemande.

Grâce à leurs expériences de coopérations transfrontalières respectives, les interviewés ont

tous une connaissance des partenaires allemands de coopération et du réseau des acteurs.

Enfin, les interviewés, dans leur démarche d’analyse comparative des cultures françaises et

allemandes, lorraines et sarroises, y voient des points communs et des rapprochements, une

réconciliation culturelle.

« Les sarrois ne sont forcément des Allemands et les lorrains pas forcément des Français puisque les deux

régions étaient des zones de conflits et de guerre et n’ont ni la richesse de Paris, ni de Francfort. »

« Il ne faut pas oublier que le bassin houiller et la Sarre c’est la même culture. Il y a plus de points communs

entre un Lorrain et un Sarrois, qu’un Lorrain et un Parisien. »

« La Sarre ce n’est pas vraiment l’Allemagne. Elle a des règles et des lois un peu différente, un peu comme

l’Alsace et la Lorraine du côté français : famille, fiesta, café … »

Interprétations des constats relatifs au savoirs

Il semble qu’il y ait un lien entre le niveau de connaissance de la culture allemande et la

propension à développer des coopérations transfrontalières en santé.

Le groupe à profil de CCI élevé, disposant de connaissances approfondies sur la culture

allemande, et pas uniquement d’un point de vue professionnel, est actif dans les

coopérations transfrontalières.

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L’inverse semble aussi vrai. Le groupe à profil de CCI minimum, peu actif voire inactif dans

les coopérations transfrontalières, se limite à un niveau de connaissances limitées et

spécifiques sur la culture allemande, y compris professionnelle.

Mais est-ce le niveau élevé/ minimal de développement de ces savoirs qui permettent ou

non à ces acteurs d’initier des partenariats transfrontaliers ?

En partie certainement, mais si les connaissances culturelles spécifiques à l’Allemagne

peuvent être utiles et faciliter la communication interculturelle, nous ne pouvons nous arrêter

à une explication aussi simpliste.

Nous pourrions également nous demander si ce ne sont pas les expériences de coopération

transfrontalières antérieures et actuelles qui nourrissent l’acquisition de nouveaux savoirs

cognitifs ? A l’inverse, l’absence ou la faiblesse des rencontres de l’Autre allemand ne

permet pas l’apprentissage expérientiel et le développement de la dimension cognitive de la

CCI.

Nous retrouvons ici illustrés les propos théoriques exposés dans l’explication du concept de

culture et du modèle transformationnel de développement de la compétence interculturelle.

La culture d’un individu (dont les savoirs font partie intégrante) est susceptible d’évoluer, de

se transformer à travers l’interaction lors d’une situation interculturelle.

Par ailleurs, nous confirmons également que le développement de la compétence

interculturelle est un processus cumulatif : plus l’individu est en situation interculturelle

mobilisant sa capacité d’adaptation, plus il s’enrichit de nouvelles connaissances et

développe une mobilité interculturelle.

I5 nous donne un parfait exemple de développement de la dimension cognitive de la CCI au

contact de l’autre culture. Se situant dans une position intermédiaire, elle a acquis des

connaissances élargies sur la culture allemande dans un cadre personnel quotidien (mari et

lieu de vie). Sa pratique professionnelle ne lui a pas donné l’occasion à ce jour de

développer de coopération transfrontalière et c’est peut-être parce qu’elle n’a pas eu de

pratique professionnelle dans ce domaine qu’elle n’a pas développé un niveau élevé de CCI

en terme de savoirs.

En résumé, des savoirs cognitifs bien développés sur la culture de l’Autre permettrait ou

faciliterait le développement de coopération transfrontalière. De la même manière, la

faiblesse des connaissances culturelles de l’Autre scléroserait peut-être le développement

de ces coopérations. Il semble que l’apprentissage expérientiel par la mise en situation

interculturelle de l’individu soit important.

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Nous ne pouvons trancher pour l’instant sur ces avancées analytiques qui doivent être mises

en relation avec les deux autres dimensions communicative et comportementale et affective

liée au savoir- faire et savoir- être des individus.

B.3.3. L’évaluation du savoir-faire … … du groupe à profil de CCI minimum Dimension communicative/ comportementale

Fonctionnement Indicateurs : Démontre une expérience minimale dans des situations interculturelles non– ambiguës

I4

« J’ai un père breton et une mère lorraine et bien qu’ayant grandi en Lorraine, je n’ai jamais appris l’allemand, ce qui m’a quelque fois pénalisé dans mon parcours professionnel. Je me débrouille avec notre patois local pour échanger. J’ai trouvé des palliatifs en m’entourant de bilingues et ça se passe bien mais je pense que ça faciliterait encore les démarches si je pouvais échanger directement en allemand. » « Je n’ai pas suivi de cours de langue et de communication allemande parceque cela ne s’inscrivait pas dans mes objectifs professionnels mais aujourd’hui je suis dans cette perspective » « Je me situerai dans le niveau intermédiaire de maîtrise de la langue allemande » ( ?)

I6 « Je pense avoir un niveau linguistique pour gérer une situation simple.» « Je balbutie en allemand mais probablement pas suffisamment et je pense que les médecins allemands parlent souvent mieux le français que moi l’allemand »

I7

« Je parle et écrit l’italien et le sarde. Je parle également l’anglais. Mais je parle très mal l’allemand, je ne l’ai pas appris à l’école (italien et anglais). Cependant cela ne m’empêche pas d’aller en Allemagne et de baragouiner pour me faire comprendre » « J’adore énormément la langue française. Je ne suis pas dans cette capacité d’analyse pour apprécier la langue allemande »

Tableau 9 : Synthèse de la dimension communicative/ comportementale du groupe à profil de CCI minimum

Constats

Les trois interviewés ne parlent pas l’allemand ou pas suffisamment et trouvent des palliatifs

éventuels pour s’exprimer dans cette langue lorsque cela est nécessaire : assistant bilingue,

traduction simultanée, anglais.

Ils n’ont pas eu d’héritage familial ou d’éducation biculturelle qui les auraient amenés à

pratiquer l’allemand dès l’enfance.

Si I6 et I7 se classent dans un niveau minimal de maîtrise de cette langue, I4 pense se situer

dans le niveau intermédiaire en utilisant le patois local pour s’exprimer. Ce dernier pense

que ce manque de compétence linguistique allemande l’a quelque peu pénalisé dans sa

carrière mais aujourd’hui ses objectifs professionnels s’inscrivent dans cette perspective et le

suivi d’une formation en langue et communication allemande pourrait s’avérer utile.

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Les enquêtés ne côtoient pas non plus d’Allemands dans un cercle amical qui pourrait les

amener à faire l’effort de parler cette langue.

… du groupe à profil de CCI intermédiaire Dimension communicative/ comportementale

Négociation Indicateurs : Démontre une habileté à négocier des situations conflictuelles

I5

« Je suis parfaitement bilingue, je suis capable d’argumenter et négocier à l’oral mais pas à l’écrit » « J’ai pris des cours de langue allemande » « Mon mari est allemand et travaille actuellement en Sarre »

Tableau 10 : Synthèse de la dimension communicative/ comportementale du groupe à profil de CCI intermédiaire

Constats

I5, originaire du Midi de la France, n’a pas appris l’allemand dans son enfance. Mariée à un

Allemand, elle a pris des cours de langue allemande pour communiquer plus facilement avec

lui (et sa belle-famille certainement). Vivant en Allemagne, elle pratique cette langue dans le

cadre familial quotidien.

Son apprentissage s’est concentré sur la dimension orale et lui a permis d’atteindre un

niveau bilingue. Son expression écrite de l’allemand n’est cependant pas au même niveau.

I5 se place dans le niveau élevé de la dimension communicative avec la culture allemande.

Elle pense être capable d’argumenter et négocier à l’oral mais pas à l’écrit.

… du groupe à profil de CCI élevé Dimension communicative/ comportementale

Négociation Indicateurs : Démontre une habileté à négocier des situations conflictuelles

I1

« Je parle assez bien l’allemand et suis capable de négocier des situations complexes dans cette langue » « J’ai grandi en Alsace, mes grands- parents ne parlaient que l’allemand, j’ai donc naturellement appris cette langue » « Dans mon enfance, le cinéma était en allemand » « J’ai des amis allemands avec lesquels je parle essentiellement l’allemand »

I2

« J’ai des origines allemandes par mon père allemand donc d’un point de vue culturel et linguistique, j’ai été baigné dans les deux langues depuis toujours » « J’ai grandi entre la Lorraine et la Région de Francfort » « J’ai suivi le cursus de l’ISFATES » « Une grande par de ma famille réside en Allemagne et j’échange en allemand avec eux » « J’ai effectué mon service militaire en Allemagne, à Bonn, où j’étais traducteur interprète

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à la mission la liaison du commandement en chef des forces françaises en Allemagne auprès du gouvernement fédéral ».

Interaction Indicateurs : Démontre une appropriation juste pour agir et réagir dans des situations interculturelles ambiguës

I3

« Je suis de Versailles mais j’ai connu mon épouse allemande à l’âge de 17 ans donc depuis je me suis mis à l’allemand. Je n’ai pas eu d’éducation bilingue/ biculturelle. Je n’ai pris aucun cours de langue allemande mais je me débrouille. Je ne parle pas l’allemand académique, je ne l’écris pas, je ne saurai théoriser dans cette langue. Je me situerai donc plutôt dans le niveau intermédiaire mais avec une approche culturelle de la Sarre qui fait que ça passe sans problème et me permet de négocier dans cette langue »

Tableau 11 : Synthèse de la dimension communicative/ comportementale du groupe à profil de CCI élevé Constats

Du point de vue du savoir- faire, deux des interviewés (I1 et I2) du groupe maîtrisent la

langue allemande, héritage de leur origine biculturelle (I2), de leur enfance dans un

environnement familial et géographique où cette langue était parlée par les grands-

parents (Alsace- Lorraine), aujourd’hui entretenue aussi dans le cadre amical.

I3 est lui originaire de Versailles mais vit depuis l’âge de 17 ans avec une épouse

allemande et habite en Allemagne. Il se situerait plutôt, selon lui, dans le niveau

intermédiaire de maîtrise de la langue allemande bien qu’il pense pouvoir négocier sans

problème dans cette langue grâce à sa connaissance, de l’intérieur, de l’Allemagne et de sa

culture.

Les 3 interviewés ont des amis allemands et de la famille dans ce pays et échangent avec

eux en langue allemande.

Interprétations des constats relatifs au savoir-faire

La maîtrise d’une langue, et de la langue allemande qui nous intéresse plus particulièrement,

est issue de son apprentissage mais surtout de sa pratique. Apprise dans le cadre familial et

dès l’enfance puis pratiquée quotidiennement (famille, amis, lieu de vie), la langue permet le

développement de la dimension du savoir-faire relatif au comportement et à la

communication.

A l’inverse, l’absence de connaissance et de pratique bloque le développement de cette

dimension de la CCI.

Nous retrouvons, comme dans l’analyse des savoirs, le lien possible entre le niveau élevé

(/minimum) de la dimension communicative et comportementale et le développement

(/l’absence et la faiblesse) d’action de coopération transfrontalière. Ce lien est évident,

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mais, pour les individus du groupe à CCI minimum maîtrisant pas ou peu l’allemand, il

pourrait s’en dédouaner en trouvant des palliatifs. Malheureusement, comme nous le

constatons cela n’est, pour l’instant, pas payant puisque ceux-ci n’ont pas d’action concrète

de coopération à ce jour.

Un apprentissage linguistique à l’âge adulte pourrait combler ce manque de compétence.

C’est le témoignage d’I5 qui nous en apporte la preuve, à condition cependant

d’accompagner et de poursuivre cet apprentissage par une pratique quotidienne de la langue

dans un cadre personnel (famille, amis, lieu de vie) et/ ou professionnel.

B.3.4. L’évaluation du savoir être … … du groupe à profil de CCI minimum

Dimension affective

Compréhension Indicateurs : Tolérance, conscientisation culturelle, sensitivité aux autres cultures, notamment allemande Identification de nouvelles croyances, attitudes et valeurs Vit les situations interculturelles avec difficultés et a tendance à adopter une attitude défensive Perceptions ethnocentriques, attends que les autres s’adaptent

I6

« Mon sentiment est que le grand centre de cardiologie sarrois recherche surtout à faire son marché en France. » « C’est sûr qu’ils n’ont probablement pas les mêmes habitudes de prise en charge que nous mais après ça c’est de la discussion. » « En France, c’est très facile pour nous, on a travaillé avec ces centres, si j’ai un problème je sais exactement qui contacter pour une prise en charge optimale du patient. Si je dois envoyer quelqu’un à Völklingen, je connais pas les praticiens particulièrement, je ne connais pas exactement leur valeur, même si je ne la remets pas en doute, mais c’est une relation de confiance » « Beaucoup de gens ici vont en Allemagne facilement pour des achats, moi j’en trouve aucun besoin ni réflexe. Peut-être parce que je ne suis pas de la Moselle- Est mais messin. » « Ben, disons que (petit ricanement gêné), vis-à-vis de l’Allemagne moi j’avais des parents et des grands parents, ils aimaient pas trop, donc on était pas tellement élevé dans une coopération franco- allemande et ça de façon nette. Mes parents et mes grands-parents ont quand même soufferts (guerre, déportation …). Même plus tard, quand j’ai eu mes premiers correspondants allemands, c’était pas encore facile pour eux. Donc tout ça ça joue un peu mais pour moi tout ça c’est du passé, c’est une autre génération, c’est pas le problème. Je pense que l’Europe c’est une bonne chose. »

Intégration et internalisation Indicateurs : Empathie, transfert entre cultures, sens de l’altérité Respect et ouverture aux autres cultures (croyances, attitudes et valeurs) Observe, analyse et interprète des évènements et situations interculturelles et défend son point de vue Accepte d’être médiateur culturel dans des situations interculturelles difficiles/ conflictuelles

I4

« Je me situerai dans la dernière proposition (médiateur culturel) car c’est au cœur de mon travail actuel : je mettrai en adéquation les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, ouvrir l’établissement à l’Europe, le faire connaître. » « J’ai eu des retours des équipes allemandes qui étaient frustrées au plus haut point parce que, pour des enjeux politiques lorrains, tout le projet à capoter alors que nous étions dans le concret, prêt à démarrer. »

I7

« Moi qui suis d’origine italo- grecque, j’ai vécu dans ce que l’on appelle l’entre deux, un espace un peu particulier dans lequel vous êtes nourri de votre culture d’origine et de votre culture d’appartenance dans lequel le pays dans lequel vous vivez. Cet entre deux on peut l’imaginer comme un espace non de transition mais d’inclusion et vous tirez richesse à la fois de ce passé, de vos origines et de ce que vous vivez au quotidien dans

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votre pays d’accueil. Donc forcément ça vous nourri et vous enrichi et vous êtes dans une position très idéale de médiateur et forcément vous êtes à l’aise » « Par ailleurs, de par ma profession de soignant, par nature, quelque soit son appartenance culturelle et ses conditions, est un médiateur. J’ai gardé ça comme principe majoritaire pour toute ma dispensation des soins mais aussi des cours que j’ai délivré. Je suis très très attaché à ces particularités culturelles, à ce qui fait que l’homme est une composante multiple dans sa construction identitaire permanente résultat d’un entre las de son identité professionnelle, culturelle … » « Aujourd’hui je ne suis pas comme je serai demain parce que j’aurai intégré d’autres notions ou plutôt je les aurai habitées donc forcément on est très à l’aise et j’adore ça. Je suis positionné dans cet entre deux là dans lequel j’y trouve beaucoup de plaisir »

Tableau 12 : Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI minimum Constats

Dans l’analyse de la dimension affective du groupe à profil de CCI minimum, nous

constatons l’appartenance à deux niveaux de profil, chacun à un bout de l’échelle.

I6 reste homogène dans son profil de CCI minimal et le complète par un niveau de savoir-

�être demeurant au stade de la compréhension de la culture allemande. Bien qu’il annonce

d’emblée qu’il n’a « aucun problème avec la culture allemande » et qu’il ne se « sens ni stressé ni mal à l’aise

avec des Allemands », nombre de ses propos laissent transparaître, certes une certaine

conscientisation culturelle, mais aussi des attitudes défensives et quelques

perceptions ethnocentriques, en lien avec son éducation familiale qui ne voyait pas d’un

très bon œil la culture allemande.

Il affirme que pour lui « tout ça c’est du passé, c’est une autre génération, c’est pas le problème », mais

nous ressentons bien en lui l’écho des souffrances vécues par ses parents et grands-parents

pendant les périodes de guerre avec l’Allemagne et il en a conscience : « Donc tout ça ça joue un

peu … ».

I6 illustre consciemment le concept de culture définit par Hall comme un ensemble de règles

tacites de comportements inculquées dès la naissance lors du parcours de socialisation

précoce dans le cadre familial .

I4 et I7, eux, ne restent pas homogènes dans la continuité de leur profil minimal de savoirs et

savoir- faire. Ils se positionnent tous deux dans le niveau maximal de médiateur culturel.

I4 semble en effet être ouvert aux autres cultures (pas que allemande) grâce à son

expérience professionnelle mais aussi personnelle (organisation de voyage).

I7 semble également être ouvert aux autres cultures du fait de sa double origine culturelle

italo- grecque, son enfance « d’étranger en terre étrangère » au sein d’une cité minière

multiculturelle et sa profession de soignant, par nature, inscrite dans un devoir de médiation

au- delà de toutes cultures ou croyances.

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Il n’a cependant jamais été « attiré » par la culture allemande pourtant « au bout de la rue où il

vivait » dans son enfance.

En dehors de sa non maîtrise linguistique et son manque de connaissances approfondies

sur la culture allemande, il se sent dans « une position très idéale de médiateur », où il se sent « très

à l’aise et y prend beaucoup de plaisir ». … du groupe à profil de CCI intermédiaire Dimension affective

Intégration et internalisation Indicateurs : Empathie, transfert entre cultures, sens de l’altérité Respect et ouverture aux autres cultures (croyances, attitudes et valeurs) Observe, analyse et interprète des évènements et situations interculturelles et défend son point de vue Accepte d’être médiateur culturel dans des situations interculturelles difficiles/ conflictuelles

I5 « Je dirais que je me situe dans la troisième position (médiateur culturel) » ( ?)

Tableau 13 : Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI intermédiaire I5 semble être ouvert aux autres cultures (mari et amis allemands) et éprouve une réelle

sympathie pour la culture allemande (niveau medium) mais sans internaliser forcément les

éléments nouveaux rencontrés. Aucun élément justifiant du niveau de savoir- être maximum

n’a pu être identifié au cours de l’interview justifiant une réelle position d’altérité.

Elle pense cependant pouvoir endosser le rôle de médiateur culturel ( ?)

… du groupe à profil de CCI élevé Dimension affective

Intégration et internalisation Indicateurs : Empathie, transfert entre cultures, sens de l’altérité Respect et ouverture aux autres cultures (croyances, attitudes et valeurs) Observe, analyse et interprète des évènements et situations interculturelles et défend son point de vue Accepte d’être médiateur culturel dans des situations interculturelles difficiles/ conflictuelles

I1

« Les Allemands sont plus émotifs que les Français » « Les Allemands ont du mal quelques fois à comprendre et accepter ce manque d’autonomie français » « Il y a des conceptions et des représentations différentes qu’il faut intégrer»

I2

« … les Allemands ont alors parfois l’impression qu’on se moque d’eux, qu’on est pas réellement motivé. » « … Pour les Allemands, cette philosophie est quasiment incompréhensible » « L’Allemagne fait peur du fait historique (3 guerres et occupation de la région), c’est le syndrome de l’envahisseur. Aujourd’hui, comme grande puissance économique, la peur française est que les Allemands vont nous envahir notamment d’un point de vue sanitaire soit en nous annexant, soit pour nous piquer nos patients. Nous avons cherché d’autres modes de coopération en s’associant avec des médecins allemands pour une prise en charge au sein de l’établissement »

I3 « Au niveau du couple également, je n’ai pas la même approche que mon épouse pour l’éducation des enfants par exemple, mais on parvient tout de même à s’accorder » « Je me sens effectivement dans le 3e niveau du médiateur culturel »

Niveau d’acceptation et d’interprétation Indicateurs : Sympathie, appropriation critique, ouverture à d’autres cultures, notamment allemande Réactions positives à d’autres croyances, attitudes et valeurs

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I1

« Au cours des échanges avec des partenaires allemands je me sens plutôt à l’aise et détendu mais cependant pas l’âme d’un médiateur culturel, des situations difficiles ou conflictuelles n’ayant pas pu être atteintes en raison d’un manque d’aboutissement des actions entamées. »

I2 « Dans une situation interculturelle, je ne sais pas si je peux être un médiateur culturel alors je dirais plutôt que je me sens à l’aise/ détendu et ouvert »

Tableau 14 : Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI élevé Constats

Comme dans l’analyse des profils de savoir- être du groupe de CCI minimum, l’analyse de

ce groupe d’individus révèle une indépendance de la dimension affective d’un individu par

rapport aux deux autres dimensions mesurées, cognitives et communicatives/

comportementales.

I3 confirme son profil de CCI élevé et se catégorise dans le niveau maximal de savoir-être en

parvenant « tout de même à s’accorder » (en référence à son épouse allemande au sujet de

l’éducation des enfants). Il semble être capable d’intégrer et d’internaliser la culture

allemande en observant, analysant et interprétant des évènements et situations

interculturelles, vécus dans un cadre professionnel (expérience dans la coopération

transfrontalière) et personnel (familial, amical).

Il n’en est pas de même pour I1 et I2 qui se « rangent » dans la catégorie intermédiaire du

profil de savoir- être. Ils se sentent tous deux à l’aise et détendu dans des situations

interculturelles, mais ne se sentent pas capables, par manque d’aboutissement des actions

de coopérations transfrontalières qu’ils ont vécus, l’âme de médiateur culturel. Cependant,

des propos recueillis, révélant un sens de l’altérité et une empathie pour l’Autre allemand,

laissent à penser qu’ils pourraient parfaitement assurer ce rôle.

« Les Allemands ont du mal quelques fois à comprendre et accepter ce manque d’autonomie français »

« Il y a des conceptions et des représentations différentes qu’il faut intégrer»

« Nous avons cherché d’autres modes de coopération… »

« … les Allemands ont alors parfois l’impression qu’on se moque d’eux, … »

« … Pour les Allemands, cette philosophie est quasiment incompréhensible »

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�Interprétations des constats relatifs à la dimension affective

Nous retenons des constats effectués sur l’analyse de la dimension affective de la CCI des

individus interrogés que le savoir – être est un élément indépendant des deux autres

dimensions, savoirs et savoir- faire, dans le sens où les attitudes de l’individu sont

intimement liées à son caractère et à sin identité donc très variable d’une personne à l’autre.

Elément indépendant qui peut évoluer différemment des deux autres dimensions mais qui

n’en reste pas moins complémentaire pour être efficace en situation interculturelle.

L’analyse de cette dimension révèle un élément majeur : il ne suffit pas de disposer de

connaissances approfondies sur une culture spécifique et maîtriser parfaitement la langue de

celle-ci pour être, ou se sentir, l’âme d’un médiateur culturel. Inversement, ne pas connaître

la culture allemande, y compris linguistiquement, n’empêche pas d’être une personne ayant

un sens de l’altérité et de l’empathie pour l’Autre développé.

Cependant il nous faut pondérer ces propos car l’apprentissage et la pratique de l’allemand

et le développement des savoirs de la culture allemande, par la dimension affective que l’on

y met (amour des origines familiales, amitié, attirance pour la culture ou effort nécessaire

dans un cadre professionnel par exemple), ne peut qu’entraîner dans son sillage le

développement de la 3e dimension ce la CCI, celle du savoir- être.

Autre constat important : il n’y aurait pas de corrélation entre le niveau de développement de

coopération transfrontalière sanitaire et le niveau de savoir- être. Par exemple, I4 et I7

seraient prédisposés pourtant ils n’ont que faiblement démarrer des actions de coopérations

sanitaires avec l’Allemagne. Leur niveau minimal de savoirs et savoir-faire bloquerait ces

démarches.

Ces différentes analyses et interprétations réalisées, confrontons celles-ci à notre

problématique et aux hypothèses de recherche retenues.

C. Vérification des hypothèses posées Nous aimerions tout d’abord apporter une précision sur la formulation des hypothèses afin

de ne pas porter à confusion.

Nous nous situons dans une approche qualitative d’un phénomène problématique que nous

tentons d’expliquer. Les hypothèses formulées n’ont pas pour but de mesurer

quantitativement le degré de compétence en communication interculturelle des personnes

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interrogées. L’échantillon retenu et sondé ne s’inscrit pas dans cette démarche.

C.1. Vérification de l’hypothèse 1 relative aux savoirs

Hypothèse 1 : Les gestionnaires et médecins de structures de santé frontalières disposent

d’une dimension cognitive (conscience culturelle) insuffisamment développée pour

engager/ pérenniser des actions transfrontalières de coopération. Les savoirs relatifs à la

culture allemande restent à un niveau de connaissances trop minimal.

L’analyse de la dimension cognitive de chacun des groupes constitués révèle un lien

évident entre le développement d’action de coopération transfrontalière sanitaire et le

fait de disposer de connaissances culturelles approfondies sur l’Allemagne et les

individus qui la constituent.

Si le tableau 2 page 55 éclaire ce constat, l’analyse transversale réalisée sur cette dimension

également (page 64 à 68).

Les savoirs cognitifs bien développés sur la culture de l’Autre facilitent l’initiative de

développement de coopération transfrontalière. A l’inverse, la faiblesse des connaissances

culturelles de l’Autre sclérose le développement de ces coopérations.

En outre, cet apprentissage cognitif tient en grande partie à l’expérience en matière de

coopération transfrontalière de l’individu lors de sa mise en situation interculturelle.

Nous pouvons donc confirmer l’hypothèse 1 en précisant les termes de celle-ci.

S’il paraît nécessaire de disposer d’un niveau de connaissances approfondies sur la culture

allemande pour engager des coopérations avec des partenaires sanitaires allemands, ces

connaissances ne suffisent pas pour pérenniser ces actions qui se retrouvent souvent freiner

par d’autres éléments politiques, économiques et administratifs qui dépassent nos

interviewés.

C.2. Vérification de l’hypothèse 2 relative au savoir-faire

Hypothèse 2 : Les gestionnaires de structures et médecins de santé frontalières disposent

d’une dimension communicative et comportementale (aptitudes interculturelles)

insuffisamment développée pour engager/ pérenniser des actions transfrontalières de

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coopération. La compétence linguistique et les expériences de situations interculturelles

vécues (savoirs- faire) sont minimales.

L’analyse de la dimension communicative et comportementale de chacun des groupes

constitués révèle également un rapport étroit entre développement d’action de

coopération transfrontalière sanitaire avec l’Allemagne et le fait de maîtriser le

langage allemand.

Si le tableau 2 page 55 met clairement en évidence ce constats, l’analyse transversale

réalisée sur cette dimension apporte des éléments complémentaires (page 69 à 72).

La maîtrise d’une langue, et de la langue allemande qui nous intéresse plus particulièrement,

est issue de son apprentissage mais surtout de sa pratique. Apprise dans le cadre familial et

dès l’enfance puis pratiquée quotidiennement (famille, amis, lieu de vie), la langue permet le

développement de la dimension communicative de l’individu.

Un apprentissage linguistique ultérieur, à l’âge adulte, peut limiter ce manque de

compétence, à condition qu’il soit poursuivi dans une pratique quotidienne de la langue dans

un cadre personnel et/ ou professionnel.

A l’inverse, l’absence de connaissance et de pratique linguistique bloque le développement

du savoir faire interculturel de l’individu.

Nous pouvons donc confirmer l’hypothèse 2 en apportant les mêmes précisions que celles

apportées à l’hypothèse 1.

S’il paraît nécessaire de maîtriser la langue allemande pour engager des coopérations avec

des partenaires sanitaires allemands, cette maîtrise ne suffit pas pour pérenniser ces actions

puisque d’autres freins peuvent entrer en ligne de compte (politique, économie,

administration) qui dépassent les compétences des individus enquêtés.

C.3. Vérification de l’hypothèse 3 relative au savoir- être

Hypothèse 3 : Les gestionnaires et médecins de structures de santé frontalières disposent

d’une dimension affective (sensibilité et compréhension de l’autre) insuffisamment

développée pour engager/ pérenniser des actions transfrontalières de coopération. Les

savoirs- être demeurent à un niveau minimal de compréhension de la culture allemande.

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A l’inverse des deux précédentes hypothèses, l’analyse de la dimension affective de chacun

des groupes constitués ne révèle pas de corrélation entre le développement d’action de

coopération transfrontalière sanitaire avec l’Allemagne et le fait d’être ouvert à l’Autre.

Le tableau 2 page 55 illustre, de façon colorée (non juxtaposition des codes couleurs entre la

colonne relative au niveau de savoir- être et celle relative à l’expérience de coopération

transfrontalière), ce constat.

L’analyse transversale réalisée sur la dimension du savoir- être (page 72 à 76) conforte que

ce savoir est indépendant des deux autres dimensions de la CCI parce qu’il est intimement

lié au caractère et à l’identité propre de la personne. Il n’en reste pas moins complémentaire

pour être efficace en situation interculturelle, comme nous l’avons constaté dans le groupe à

profil de CCI élevé.

L’hypothèse 3 n’est donc pas vérifiée. Ce ne sont pas les attitudes, les motivations, les

valeurs, les croyances, les styles cognitifs et type de personnalité des gestionnaires et

médecins de structures sanitaires lorraines qui bloquent le développement de partenariats

transfrontaliers avec l’Allemagne.

D. Retour à la problématique de recherche

Problématique

La compétence en communication interculturelle des gestionnaires et médecins de

structures de santé frontalières est-elle l’une des conditions nécessaires au

développement et à la pérennisation d’action de coopération

transfrontalière sanitaire?

A notre question problématique nous répondrons positivement.

Mis à part les freins liés aux politiques et décisions des tutelles administratives, il est

nécessaire que les acteurs de terrain (gestionnaires de santé et médecins) de la

coopération transfrontalière sanitaire disposent d’une compétence en communication

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interculturelle, telle que nous l’avons définie en trois dimensions dans notre travail, pour

engager et développer des partenariats avec des établissements de santé allemands.

Par contre, comme nous l’avons précisé dans la vérification des hypothèses 1 et 2, nous ne

pouvons affirmer que cette compétence soit le seul élément favorisant la pérennisation dans

le temps des actions initiées. En effet, comme nous l’avons expliqué dans la synthèse des

freins à la coopération sanitaire transfrontalière (page 57), les niveaux politiques,

économiques et administratifs jouent un rôle prédominant à ce stade de développement des

actions. A y voir là- dessous un frein culturel caché, peut-être, mais nous devrions

approfondir notre recherche dans ce sens pour y répondre en ciblant, cette fois, les

décideurs institutionnels et administratifs.

De façon plus analytique, nous avons mis en évidence un lien étroit entre, d’une part, les

connaissances culturelles spécifiques à l’Allemagne et la maîtrise de la linguistique

de ce pays et, d’autre part, le développement de coopérations transfrontalières avec

l’Allemagne. Mais si des dimensions cognitives et communicatives bien développées

semblent indispensables pour être efficace dans des situations interculturelles, la dimension

affective s’individualise.

Dans notre enquête, cette dernière paraît comme indépendante des deux autres mais

cependant utilement complémentaire.

Cette acceptation d’une nouvelle vision du monde (savoir- être), et en l’occurrence celle du

partenaire allemand, ne peut cependant suffire dans une situation interculturelle et c’est ce

que nous avons constaté dans le groupe à profil de CCI minimal. Il s’avère aussi nécessaire

de connaître la culture allemande et de savoir s’exprimer dans la langue de son partenaire

pour coopérer avec lui.

La confrontation de nos hypothèses de recherche à l’analyse des résultats de notre enquête

révèle que deux des trois dimensions de la CCI - savoirs et savoir-faire - insuffisamment

développées empêchent le développement de coopération sanitaire au-delà des

frontières.

La troisième dimension relative au savoir- être, étroitement liée à l’identité du gestionnaire

de santé ou du médecin, n’influence pas forcément l’initiative de partenariats

transfrontaliers demeurant des vœux pieux pour les acteurs de terrain ne disposant pas de

dimensions cognitive, communicative et comportementale suffisamment développées.

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- 4e partie -

Analyse critique de la recherche et propositions

Dans cette quatrième et dernière partie, nous aimerions apporter un regard distancié sur

notre travail de recherche à travers une analyse critique de celui-ci en terme d’objectifs, de

méthodologie et d’apports personnels, mais aussi de propositions et de prolongements

possibles en terme de réflexion.

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I. Analyse critique du travail de recherche Cette analyse critique porte à la fois sur les objectifs et la méthodologie et les apports

personnels de la recherche menée en terme d’évolution de la pratique professionnelle.

A. Les objectifs, la méthodologie et les outils de recherche

A.1. Des objectifs redimensionnés mais atteints et une méthodologie

qualitative adaptée

Notre question initiale portait sur le lien entre la coopération sanitaire transfrontalière et la

formation des acteurs ayant à la mettre en œuvre. Ce thème s’est précisé au fur et à mesure

de nos analyses bibliographiques et théoriques pour comprendre que nous parlions de la

compétence en communication interculturelle des gestionnaires et des médecins exerçant

dans des structures de santé frontalières.

Si notre objectif premier ambitionnait d’effectuer le travail d’investigation de part et d’autre de

la frontière sarro- lorraine afin d’effectuer un comparatif des données recueillies sur

l’évaluation du profil de CCI, nous nous sommes ravisés au moment de la constitution de

l’échantillon, face à notre trop faible maîtrise de la langue allemande pour prétendre tenir un

entretien de recherche avec des interlocuteurs de ce pays.

Cette prise de conscience effectuée, nous avons maintenu notre objectif en terme de

contenu (évaluation du niveau de CCI) mais adapté notre cible aux gestionnaires et

médecins français (lorrains) uniquement.

Nous pouvons donc dire que notre objectif de recherche redimensionné a été atteint

puisque nous sommes parvenus à évaluer le niveau de profil de compétence en

communication interculturelle d’un panel de gestionnaires et médecins exerçant dans un

établissement de santé ayant une position frontalière avec la Sarre allemande. Le choix

d’une méthode et de techniques qualitatives a été judicieux puisqu’il nous a permis de

faire surgir le sens à travers le point de vue des personnes interrogées. La méthode

d’évaluation utilisée rencontre cependant une limite temporelle puisqu’elle est le reflet d’un

niveau mesuré à un instant « t ». Evolutive à l’infini, la CCI des individus interviewés est une

photographie réalisée entre les mois de juin et août 2010.

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A.2. Des outils à perfectionner

Nous pensons cependant que les outils d’évaluation construits (guide et grille d’entretien)

seraient à perfectionner. En effet, au cours de la phase d’analyse des données, il nous a

été, quelques fois, délicat de catégoriser de manière franche les personnes auditionnées

dans un niveau de compétence précis apportant des « + » et « - » de pondération. Comme

nous en avions averti le lecteur, nous nous prétendons avoir réalisé un premier diagnostic du

niveau de CCI des interviewés. Chacune des dimensions devrait être mesurée à l’aide

d’outils plus sophistiqués à construire, notamment pour évaluer le savoir- être des acteurs

interrogés, dimension qui s’est révélée être la plus complexe à mesurer.

B. Evolution de notre pratique professionnelle

Le travail de recherche ici présenté nous a permis d’approfondir une problématique de

terrain rencontrée dans la pratique professionnelle pour en comprendre les causes et définir

ainsi des leviers potentiels sur lesquels il serait possible d’agir.

En l’occurrence, nous avons étudié le phénomène de coopération transfrontalière sanitaire et

approfondi les freins rencontrés dans cette pratique pour en comprendre les origines sous le

prisme de l’interculturel.

Nous ressortons enrichi de cette démarche intellectuelle sur différents points.

Nous en retirons tout d’abord un enseignement riche d’un point de vue méthodologique. Il

nous a permis d’apprivoiser et de mettre en pratique la démarche de recherche et sciences

sociales en sept étapes à l’image d’un programme de recherche pétrolière proposée par

Quivy et Van Campenhoudt. « Le succès d’un programme de recherche (…) dépend de la

démarche suivie » (40).et de la capacité du responsable de projet à « concevoir l’ensemble du

projet et de coordonner les opérations avec un maximum de cohérence et d’efficacité » (40)..

Nous nous sommes également enrichi au contact des différentes personnes rencontrées

avec lesquelles nous avons pu échanger autour du sujet de recherche. Notre casquette de

chercheur a permis de « délier certaines langues » modifiant notre regard sur le thème traité.

(40) R. QUIVY, L. VAN CAMPENHOUDT (2006) - Manuel de recherche en sciences sociales , 3e édition, DUNOD, page 7

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Enfin, l’approfondissement théorique des différents concepts lié à l’interculturel, l’analyse

bibliographique et des travaux de recherche existants sur le sujet de la compétence en

communication interculturelle nous a permis de mener un travail réflexif porteur de sens

sur une problème rencontré dans la pratique professionnelle. Si ce travail est prenant en

terme d’énergie et de temps consacré, il ne peut se révéler que bénéfique pour la définition

d’une offre de formation interculturelle dans le domaine de la santé, mission qui sera

probablement mienne dans les prochaines semaines.

II. Quelques propositions

Nous pouvons également émettre des propositions pour soulever certaines limites exposées

ci-dessus et compléter les enseignements tirés de la recherche effectuée.

A. Un approfondissement de la recherche passant par …

A.1. … un élargissement de l’échantillon enquêté selon trois niveaux

Il serait intéressant de compléter notre travail par des interviews de gestionnaires de

santé et médecins allemands frontaliers, pratiquant ou susceptibles de pratiquer la

coopération transfrontalière dans leur domaine professionnel, afin d’effectuer une analyse

comparative, indispensable notamment dans le cadre du projet de constitution d’un pôle de

formation transfrontalier franco- allemand dans le domaine de la santé. Nous ne pouvons

faire l’impasse de comprendre les acteurs allemands.

Ensuite, comme nous l’avons entendus dans les propos recueillis au cours de la phase

d’enquête, des freins politique et administratif influenceraient négativement le

développement de la coopération transfrontalière sanitaire. Nous pourrions interroger les

responsables des tutelles et des administrations de santé afin d’évaluer également leur

profil de CCI. Une problématique interculturelle se cache peut-être là derrière.

Enfin, pour approfondir encore nous pourrions également effectuer des interviews de part

et d’autre des autres frontières françaises afin d’effectuer aussi des comparaisons

régionales, identifier des points communs et des différences. Notre échantillon limité

volontairement pour assurer la faisabilité de nos travaux au regard du délai imparti ne nous

l’a pas permis.

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A.2. … un autre concept à approfondir

Comme nous l’avons exposé à la page 37, le développement de la compétence

interculturelle commence par la prise de conscience de soi et de l’autre : « apprendre à se

connaître soi-même, réfléchir à son éducation et à ses points de vue limités par la culture,

analyser en profondeur ses normes, valeurs, croyances et comportements… Une telle

démarche est probablement le point de départ de l’acceptation, de la compréhension et de

l’appréciation des différences. La notion d’identité vient au premier plan à cet égard, et son

exploration apparaît comme une condition sine qua non pour la communication

interculturelle. »

L’analyse théorique a soulevé cet autre concept intimement lié à l’interculturel, celui de

l’identité. Notre recherche a contribué à définir en partie l’identité des acteurs de la

coopération sanitaire transfrontalière, mais un travail d’approfondissement s’avèrerait

nécessaire.

En effet, définissant un ensemble de caractéristiques qui permet de définir un objet ou un

sujet, l’identité est multiple : personnelle, objective, subjective, affirmée, présentée, sociale,

culturelle, différentielle …

Or, dans l’approche de l’autre, l’identité d’une personne, dans son sens pluriel, est un

concept essentiel.

La construction de l’identité se fait dans « l’interrelation entre sujet et environnement, entre

culture et personnalité. » (41)

Un prochain travail de recherche, qui viendrait compléter nos travaux, pourrait porter sur les

questions suivantes :

Quelle est et quelle doit être l’identité des gestionnaires de santé et médecins frontaliers ?

Mais cette question peut dépasser les acteurs des zones frontalières et se poser à chacun

des professionnels de santé confrontés, comme nous l’avons constatés page 13, à l’accueil

de patients étrangers migrants ou touristes.

(41) BARNIES J. (1999), Universalité, diversité, sujet dans l’espace pédagogique, Collection Défi- Formation, L’Harmattan, p. 18

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A.3. … une définition plus large de la CCI à retenir

Dans l’analyse que nous avons pu faire de la compétence interculturelle, nous avons choisi

de retenir sa définition en trois dimensions (cognitive, communicative, affective) proposée

par Gersten et l’équipe du projet ICCinTE.

Nous pourrions approfondir l’étude de cette compétence en se calquant sur le modèle

transformationnel issu du projet ICOPROMO. Ce concept décline une série de sous-

compétences, parmi lesquels nous retrouvons les dimensions étudiées, mais aussi d’autres,

complémentaires à la fois en amont et en aval de celles-ci, peut-être sous- tendues dans

notre travail, mais non clairement identifiées.

Nous aurions par exemple pu approfondir, en amont, la sous- compétence relative à la

conscience de soi (voir page 37), préalable marquant le « point de départ de l’acceptation,

de la compréhension et de l’appréciation des différences ». (42)

En effet, il faut « apprendre à se connaître soi-même, réfléchir à son éducation et à ses

points de vue limités par la culture, analyser en profondeur ses normes, valeurs, croyances

et comportements… » (42) avant de pouvoir comprendre l’autre.

Le modèle transformationnel identifie cinq aptitudes nécessaires à l’individu (voir page 37)

pour relever cette étape d’exploration, « condition sine qua non pour la communication

interculturelle. » (42) . Nous aurions pu les explorer de façon plus fine.

Nous aurions également pu analyser les sous- compétences relatives à la construction de

sens (les savoir comprendre et savoir apprendre/ faire de Byram- voir page 33) et à la mise

en perspective passant par la mesure de qualités nécessaires comme l’empathie, la

souplesse, le décentrage, l’ouverture d’esprit et la tolérance de l’ambiguïté.

Enfin, en aval, nous aurions pu creuser la sous- compétence relative à la prise de

responsabilités sociales, autrement nommée le « savoir s’engager » par Byram (page 33).

Mais ce travail d’approfondissement aurait-il modifié les résultats obtenus ? Cette exploration

fouillée aurait-elle été nécessaire pour répondre aux hypothèses posées ?

Nous pensons que la cible limitée de notre enquête (gestionnaires sanitaires et médecins à

la frontière sarro- lorraine) ne nécessiterait pas pour l’heure une analyse aussi poussée.

(42) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 32

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87

Ces recherches approfondies prendraient toute leur valeur appliquées à des équipes

multiculturelles où il faut « être prêt à gérer de nouvelles informations, l’incertitude et

l’ambiguïté et à traiter tous ces éléments d’une manière cohérente au moyen des cadres

conceptuels préexistants » (43).

L’hôpital transfrontalier de Cerdagne et Capcir (Puigcerda- Catalogne), Premier Hôpital

Transfrontalier Européen, dont la convention constitutive des statuts du Groupement

Européen de Coopération Territoriale (GECT-HC) a été signée le 26 avril 2010, pourrait être

le lieu de mise en œuvre de ces travaux de recherche plus poussés.

Des outils plus affinés seraient à développer pour mesurer chacune de ces sous-

compétences, rejoignant nos propos tenus à la page 83.

Ce travail d’approfondissement permettrait de concevoir progressivement une offre de

services « interculturelle ».

B. Une offre de formation à la communication interculturelle

Bien que nous ayons constaté que la CCI, au travers des différentes dimensions qui la

composent, soit le fruit d’un vécu individuel, nous pensons qu’il est possible de proposer une

offre de formation et de services annexes dans le domaine de l’interculturel. Cette

proposition est valable pour le secteur de la santé, que nous avons étudié de plus prêt, mais

aussi pour tout autre secteur confronté, et il ne doit pas en rester beaucoup qui ne le soit

pas, à la mondialisation des activités mettant inévitablement les individus en interaction

culturelle.

B.1. La réponse à un besoin

Comme nous l’avons exposé page 17, le recours à l’interprétariat ne peut être qu’une

solution transitoire, rapide à mettre en œuvre, mais qui se révèle être un pansement sur une

jambe cassée. Nous pensons que les services de santé français et allemands, pour le cadre

géographique que nous avons étudié, mais aussi d’autres services confrontés

quotidiennement à la diversité culturelle, doivent être sensibilisés à l’Autre et outillés au

mieux pour gérer des situations interculturelles avec sérénité.

(43) E. GLASER , M. GUILHERME, M. DEL CARMEN MENDEZ GARCIA, T. MUGHAN, ICOPROMO - Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle, Conseil de l’Europe, CELV/ ECML, juillet 2007, page 36

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L’expérience de nos cousins d’Outre Atlantique dans ce domaine peut s’avérer riche en

enseignements (voir page 13).

L’application concrète des recommandations de la Déclaration d’Amsterdam relative aux

hôpitaux convenant mieux aux migrants (voir page 14) va également dans ce sens. Elle

donnerait une légitimité accrue au développement d’une offre de formation à la

communication interculturelle dans le domaine de la santé, qui pourrait s’opérer à deux

niveaux.

B.2. Une offre à deux niveaux

B.2.1. En formation continue

La mission effectuée en cours de formation a porté sur la réalisation d’une étude de

faisabilité pour la mise en place d’un pôle de formation transfrontalier dans le domaine de la

santé (Lettre de stage en Annexe 4).

Le travail de recherche ici présenté vient compléter utilement cette première étape dans la

perspective d’une concrétisation de ce projet de pôle de formation transfrontalier. La réponse

aux différentes hypothèses posées permet de proposer des actions de formation sur les 3

niveaux de savoir de la CCI :

• Des apprentissages culturels spécifiques à une culture visée qui sont à combiner

avec …

• … des apprentissages linguistiques très axés sur la pratique ;

• Des cours de sensibilisation visant à ouvrir l’individu à l’Autre.

L’apprentissage de ces derniers enseignements se développe de manière concomitante

chez l’individu actif dans les deux premiers, mais peut cependant avoir un intérêt pour en

prendre réellement conscience.

Les fiches- outils proposés par le CELV en synthèse du projet ICOPROMO pourraient servir

de base. Elles déclinent les thèmes du modèle transformationnel :

• Conscience de soi et de l’autre

• Communication entre les cultures

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• Acquisition de connaissances culturelles

• Construction du sens

• Mise en perspective

• Création de liens

• Prise de responsabilités sociales

Des services annexes complémentaires pourraient également être proposés notamment en

terme de diagnostic/ audit, conseil et accompagnement.

B.2.2. En formation initiale

Des propositions peuvent également être émises au niveau de la formation initiale des

médecins et autres professionnels de santé :

L’intégration d’une dimension européenne et internationale dans les premières

années des études médicales et d’autres professions de santé afin de sensibiliser et

ouvrir la dimension affective des élèves;

ensuite une spécialisation choisie sur une culture spécifique (allemande, turque,

espagnole …) proposée par l’école de formation en lien avec des besoins rencontrés

sur le terrain. Cette spécialisation intégrerait l’enseignement de connaissances

culturelles et de communication (linguistique) complétée par des stages de pratique

dans le pays de la culture choisie.

Cette proposition pourrait mener à une évolution des référentiels de compétences des

gestionnaires de santé. D’autant que ces référentiels sont amenés, de toute manière, à

être remaniés avec l’avènement de la loi HPST élargissant la politique des établissements

de santé aux dimensions territoriales (Communautés Hospitalières de Territoire).

Les établissements frontaliers notamment devront proposer une offre de soins adaptée aux

espaces transfrontaliers qu’ils couvrent. Cette ouverture à l’international des structures

sanitaires nécessite d’y être préparé ou tout au moins y être sensible et conscient, et la

formation peut être l’un des moyens pour développer cette conscience.

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En 2007, un rapport de l’Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction

Publique Hospitalière (ONEMFPH), portant sur une analyse prospective d’évolution du

paysage hospitalier français qui se reconfigure au niveau des territoires, réalise les constats

suivants :

« la dimension européenne est très peu incidente sur la structuration de l’offre, à l'exception

des zones frontalières. » (44).

« Les territoires de décisions se modifient avec la régionalisation et la construction

européenne. Les liens transfrontaliers restent certes marginaux aujourd’hui mais ont malgré

tout un impact à la fois dans les liens qui peuvent se nouer entre structures proches

géographiquement de part et d’autres d’une frontière (Belgique, Suisse, Espagne), avec par

exemple des conventions de prises en charges pour les patients habitant ces zones, mais

aussi dans l’attraction exercée par certains pays (Suisse, Luxembourg) sur certaines

catégories de professionnels de santé (infirmier par exemple) en raison de différentiels de

salaires notamment. » (45).

En terme d’impact sur les ressources humaines, métiers et compétences, le rapport de

l’ONEMFPH précise que le facteur « Europe » est à prendre en compte :

« Le système français d’entrée dans les écoles professionnelles (IFSI notamment) est

souvent dérogatoire par rapport à ce qui se fait en Europe (quotas, etc.). On aura sûrement à

l’avenir à se rapprocher de ces normes européennes » (46).

« La convergence européenne est incontournable (harmonisation des pratiques, des

diplômes, mobilité des professionnels…) » (47).

« Par ailleurs le nouveau paysage qui se dessine à un fort impact sur les modes de

managements et les profils des managers. » (47).

(44) Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière (Mars 2007) - Facteurs d’évolution probables à moyen et long terme dans les champs sanitaire, social et médico-social publics impactant les ressources humaines et les organisations, DHOS, Ministère de la santé et des solidarités, page 40 (45) Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière (Mars 2007) - Facteurs d’évolution probables à moyen et long terme dans les champs sanitaire, social et médico-social publics impactant les ressources humaines et les organisations, DHOS, Ministère de la santé et des solidarités, page 43 (46) Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière (Mars 2007) - Facteurs d’évolution probables à moyen et long terme dans les champs sanitaire, social et médico-social publics impactant les ressources humaines et les organisations, DHOS, Ministère de la santé et des solidarités, page 47 (47) Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière (Mars 2007) - Facteurs d’évolution probables à moyen et long terme dans les champs sanitaire, social et médico-social publics impactant les ressources humaines et les organisations, DHOS, Ministère de la santé et des solidarités, page 48

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91

Si nous voyons plus loin et à l’instar de grandes écoles de commerces, de finances,

d’ingénieurs, … qui toutes ont déjà opéré cette mutation nécessaire à l’ère de la

mondialisation des activités, l’EHESP et autres cursus parallèles menant à des fonctions de

gestionnaires hospitaliers, mais aussi, pourquoi pas, les facultés de médecine et autres

formations professionnelles en santé, nécessiteraient de se mettre à l’heure internationale en

intégrant des enseignements biculturels/ bilingues obligatoires et des périodes de stages en

immersion à l’étranger.

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- Conclusion -

La santé, un secteur aussi touché par la mondialisation

En conclusion du travail de recherche ici présenté nous retenons que l’activité sanitaire,

même si elle reste avant tout une activité de proximité, une offre de soins au service des

patients d’un territoire défini, elle n’en reste pas moins touchée par le phénomène

d’internationalisation. Que celui-ci se joue au niveau de la prise en charge de patients

étrangers (migrants, touristes) ou du recrutement de professionnels médicaux pour combler

un déficit de personnels nationaux, il s’accroît aux zones frontalières de l’Hexagone qui

doivent disposer de personnels de santé « armés » pour accueillir des patients étrangers ou

exercer au côté de confrères et collègues non originaires de France.

Des compétences de communication interculturelle nécessaires pour coopérer au-delà de la

frontière

Parmi ces professionnels, les gestionnaires hospitaliers se révèlent moteurs dans la

coopération transfrontalière lorsqu’ils disposent à la fois de connaissances

culturelles, d’aptitudes communicatives et comportementales et de qualités

d’ouverture à l’autre, héritage de leur enfance et de leur éducation familiale

biculturelle et bilingue. Seuls les individus révélant des niveaux de développement élevés

des trois dimensions (cognitive, communicative, affective) étudiées constituant la

compétence en communication interculturelle semblent efficaces dans ce domaine, si nous

mettons à part les freins politico- administratifs qui peuvent être rencontrés.

Savoirs, savoir- faire et savoir- être sont complémentaires et indispensables au

développement d’une compétence en communication interculturelle, elle- même utile voire

nécessaire au développement de la coopération sanitaire transfrontalière.

Si l’une de ces dimensions accuse un trop faible niveau de développement, la

communication interculturelle s’en trouve entamée et les partenariats transfrontaliers

potentiels également sclérosés.

C’est ce que nous a révélé notre travail d’enquête qualitative auprès de gestionnaires et

médecins exerçant dans des structures de santé situées à la frontière sarro- lorraine.

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Interculturalité et spécificité sanitaire ?

Si la médiation est naturellement l’une des composantes des métiers de gestionnaires et

des professions de santé, située dans un contexte d’interaction avec une culture étrangère,

elle devient moi évidente.

En outre, si la santé est un secteur très spécifique, il n’en reste pas moins une activité

économique de services de soins sur laquelle nous pouvons appliquer les modèles et outils

d’évaluation de la compétence interculturelle déjà pensés pour d’autres disciplines

(enseignement des langues, management interculturel) en y apportant éventuellement des

spécificités en terme de contenu ou de terminologie utilisée.

Une place pour une offre de formation à la communication interculturelle

Si l’être interculturel se construit lentement, il n’en est pas moins que cette construction est

infinie laissant place à des outils de formation et autres services connexes utiles au

perpétuel « apprentissage- désapprentissage » nécessaire en situation d’interaction

culturelle.

La nécessité d’une GPEC intégrant la dimension internationale

Le sujet que nous avons traité dans cette recherche (évaluation de compétence

interculturelle) s’intègre dans la discipline plus large de la gestion des ressources humaines.

Dans une optique prospective ou anticipatrice dans laquelle devrait s’inscrire toute démarche

de formation, nous parlerons plus particulièrement de gestion prévisionnelle des emplois et

compétences (GPEC).

Connue depuis une vingtaine d’année dans les établissements de santé, « cette démarche

peine à se mettre en place (…) laissant craindre des réorganisations et sous-entend pour

beaucoup des réductions d'effectifs ». (48)

(48) HOSPIMEDIA (19.03.2010) – GPEC, la difficile connaissance de ses ressources humaines http://abonnes.hospimedia.fr/articles/la_difficile_connaissance_de_ses_ressources_humaines consulté le 23/08/10

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La priorité de démarche avant- gardiste telle que la démarche Métiers- Compétences 2012

entreprise par l’ARH d’Ile-de-France se concentre sur les grandes réformes hospitalières en

cours (SROS 3, certification V2, nouvelle gouvernance, T2A-EPRD…) qui induisent des

changements très profonds des règles de fonctionnement et de l’organisation des

établissements de santé.

Mais ces changements profonds se feront également à la lumière européenne voire

mondiale. La dimension interculturelle présente notamment en situation transfrontalière

comme nous l’avons mis en avant tout au long de notre travail, mais aussi dans les d’autres

situations exposées, ne peut être mise à l’écart. Peut-être non prioritaire aujourd’hui au

regard des grands chantiers de réorganisation et modernisation de l’ensemble du système

de santé français, il serait cependant dommage de mettre de côté la compétence en

communication interculturelle qui permettra aux organisations et structures sanitaires de

s’ouvrir et de s’enrichir des autres. Des propositions ont été émises en terme à la fois de

formation continue et initiale.

Comme le disait Gérard Vincent (49), délégué général de la Fédération Hospitalière de

France, il faudra aux directeurs hospitaliers de demain, de nouvelles compétences

techniques et relationnelles pour conduire la contractualisation et porter une stratégie

élargie dans ce cadre. Une évolution prévisible du métier de dirigeant hospitalier mais se

fera-t-elle aussi vers l’interculturalité ?

L’avènement de la loi HPST laisse présager cette prise en compte. Demandant la

constitution de Communautés hospitalières de territoire, elle rendra nécessaire aux acteurs

de santé du terrain de coopérer que cela se fasse au niveau d’un département, entre deux

ou plusieurs régions ou de façon transfrontalière entre deux pays.

Le défi interculturel en Lorraine, en France, en Europe…

La Lorraine, caractérisée par des frontières avec trois pays (Allemagne, Luxembourg,

Belgique) est naturellement une Région interculturelle.

(49) Site C.R.E.E.R. - Quelles sont les compétences attendues des dirigeants hospitaliers ? Article publié le 11/05/2009 - http://www.creer-hopitaux.fr/fr/home/les-reformes/tous-les-articles/?articles_id=541 - Consulté le 01/04/10

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De la même manière, à une échelle nationale, la France métropolitaine est un pays au

contact de cultures diverses. Il possède des frontières terrestres avec huit pays voisins,

totalisant environ 3000 kilomètres, sans compter plus d’une quarantaine de frontières

terrestres et maritimes des DOM et TOM français avec des pays ou territoires voisins

comme la Guyane française avec le Brésil, Saint- Pierre et Miquelon avec le Canada ou

encore l’Ile de la Réunion avec Madagascar.

2008, année européenne du dialogue interculturel, a vu l’adoption du livre blanc sur le

dialogue interculturel « Vivre ensemble dans l’égale dignité » et l’intégration progressive de

ses principes dans les activités de l’Organisation européenne. La gestion démocratique

d’une diversité culturelle grandissante en Europe – ancrée dans l’histoire de notre continent

et amplifiée par la mondialisation – est devenue une priorité depuis quelques années. Ce

livre blanc défend l’idée que la démarche interculturelle offre un modèle de gestion de la

diversité culturelle ouvert sur l’avenir.

A une époque où la diversité culturelle ne cesse de croître face à l’augmentation des

migrations et à l’ampleur toujours grandissante des échanges des technologies et de

l’informations, les citoyens du « village– planète » qu’ils se revendiquent lorrains, français ou

européens, doivent dès aujourd’hui mais encore plus demain détenir une compétence en

communication interculturelle qui pourra être mise à profit dans tous secteurs d’activité dont

celui de la santé.

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96

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ZARIFIAN P. (1999), Objectif compétence pour une nouvelle logique, Paris, Editions Liaisons, 229 pages

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Projet Migrant- Friendly Hospitals : http://www.mfh-eu.net/public/home.htm - Consulté le 28/05/10

Allocution de Mme Roselyne Bachelot au colloque national « Interprétariat, santé et prévention : se comprendre » du 18 mars 2010, téléchargeable sur http://www.interpretariat-sante-ism.fr/le-discours-de-madame-la-ministre-de-la-sante/ -Consulté le 29/07/10

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Liste des sigles utilisés

AAH Adjoint d’administration hospitalière ACRE Analyser, Concevoir, Réaliser, Evaluer (méthode développée par T. Ardouin) ARH Agence Régionale d’Hospitalisation ARIC Association pour la Recherche InterCulturelle CCI Compétence en communication interculturelle CECRL Cadre européen commun de référence pour les langues CELV Centre Européen pour les Langues Vivantes CHT Communautés Hospitalières de Territoire CREGO Centre de REcherche en Gestion des Organisations (Université de Montpellier 2) DH Directeur hospitalier EHESP Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique FHF Fédération de l’hospitalisation française GECT Groupement Européen de Coopération Territoriale HPST Hôpital Patient Santé Territoire (Loi) ICCinTE Intercultural communication training in teacher ICOPROMO Intercultural competence for professional mobility IFAS Institut de formation d’aide- soignants IFSI Institut de formation en soins infirmiers ISM Inter Service Migrants Interprétariat MFH Migrant-Friendly Hospitals MSSS Ministère de la Santé et des Services Sociaux (Québec- Canada) ONEMFPH Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique

Hospitalière PEL Portfolio européen des langues

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Liste des schémas et tableaux

page

Schémas Schéma 1 La compétence interculturelle à la croisée de plusieurs concepts ........................24 Schéma 2 La courbe d’acculturation (Hofsteede, 1994) ........................................................29 Schéma 3 Les trois dimensions de la compétence interculturelle (Gersten, 1992) ................33 Schéma 4 Le développement de la compétence interculturelle : un modèle transformationnel................................................................................36 Tableaux Tableau 1 Les trois niveaux étudiés et disciplines mobilisées dans une approche interculturelle .......................................................................................................28 Tableau 2 Synthèse des résultats d’évaluation du profil de CCI des 7 interviewés ..............55 Tableau 3 Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI minimum .............................60 Tableau 4 Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI intermédiaire.......................62 Tableau 5 Synthèse de présentation du groupe à profil de CCI élevé...................................62 Tableau 6 Synthèse de la dimension cognitive du groupe à profil de CCI minimum..............64 Tableau 7 Synthèse de la dimension cognitive du groupe à profil de CCI intermédiaire .......65 Tableau 8 Synthèse de la dimension cognitive du groupe à profil de CCI élevé ...................66 Tableau 9 Synthèse de la dimension communicative du groupe à profil de CCI minimum ....69 Tableau 10 Synthèse de la dimension communicative du groupe à profil de CCI intermédiaire ........................................................................................................70 Tableau 11 Synthèse de la dimension communicative du groupe à profil de CCI élevé ..........70 Tableau 12 Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI minimum ..............72 Tableau 13 Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI intermédiaire ........74 Tableau 14 Synthèse de la dimension affective du groupe à profil de CCI élevé ....................74

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Table des matières

Sommaire.................................................................................................................................3 Remerciements ........................................................................................................................4 Introduction ..............................................................................................................................5 1e partie : Contexte, constats et premiers questionnements ..............................................7

I. La coopération sanitaire transfrontalière ................................................................8

A. Cadre général aux frontières françaises .................................................................8 B. Etat des lieux .........................................................................................................8 C. Pourquoi coopérer ? ...............................................................................................9 D. Les thématiques de coopération transfrontalière sanitaire : la formation de plus

en plus présente.....................................................................................................9 E. Zoom sur la coopération sanitaire franco-allemande (Lorraine- Sarre) ...................10

II. Constats complémentaires .....................................................................................12

A. Démographie médicale et problématique interculturelle .........................................12 B. Accueil et prise en charge des patients migrants : un défi pour les hôpitaux .........13

B.1. L’expérience de nos cousins québécois : un programme national de formation à l’approche interculturelle ......................................................13

B.2. En Europe, des hôpitaux « convenant (mieux) aux migrants » grâce à la Déclaration d’Amsterdam....................................................................15

B.3. En France, l’interprétariat comme solution palliative immédiate .............17 C. Constats réalisés au sein de ma pratique professionnelle ......................................18

III. L’interculturel au centre de la problématique ..........................................................19

2e partie : Compétence en communication interculturelle : cadre théorique, travaux de recherche existants, problématique et hypothèses de recherche .................21

I. Cadre scientifique de la recherche : l’interculturel en sciences de l’éducation ........22

II. Les concepts théoriques éclairés par les disciplines du management interculturel et de l’enseignement des langues ..........................................................................23

A. La notion de Culture et culture................................................................................24 B. Le concept « interculturel » ....................................................................................28 C. Le « choc culturel » ................................................................................................29 D. La compétence.......................................................................................................30 E. La compétence interculturelle.................................................................................32

E.1. Eléments de définition ............................................................................32

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E.2. Le développement de la compétence interculturelle : un modèle transformationnel ...................................................................................35

F. La compétence en communication interculturelle ...................................................41 F.1. Une prise en compte récente au niveau européen .................................41 F.2. Définition et dimensions ........................................................................42

III. La problématique de recherche et les hypothèses retenues ...................................44

3e partie : Evaluation de la compétence en communication interculturelle des gestionnaires

de santé et médecins : méthodologie, enquête, résultats et interprétations ....47

I. Cadre de la recherche et avertissements ................................................................48

II. Dispositif méthodologique de recherche..................................................................48

A. Méthode qualitative retenue et limites ....................................................................48 B. Echantillon défini et organisation de la phase d’interview .......................................49 C. Guide d’entretien ....................................................................................................50 D. Fiche d’analyse des entretiens, critères et indicateurs retenus ...............................51 E. Entretiens complémentaires ...................................................................................54

III. Analyse et interprétation des résultats.....................................................................55

A. Analyse longitudinale .............................................................................................55 B. Analyse transversale ..............................................................................................57

B.1. Le frein culturel ne semble pas prioritaire ...............................................57 B.2. Est-il nécessaire de développer des compétences spécifiques pour

initier et mener à bien des coopérations transfrontalières sanitaires ?....58 B.3. Interprétation des résultats d’évaluation de la CCI..................................60

B.3.1. Présentation des trois groupes d’analyse constitués .............................60 B.3.2. L’évaluation des savoirs …....................................................................64 B.3.3. L’évaluation du savoir- faire … ..............................................................69 B.3.4. L’évaluation du savoir- être … ..............................................................72

C. Vérification des hypothèses posées .......................................................................76 C.1. Vérification de l’hypothèse 1 relative aux savoirs....................................77 C.2. Vérification de l’hypothèse 2 relative au savoir- faire ..............................77 C.3. Vérification de l’hypothèse 3 relative au savoir- être ...............................78

D. Retour sur la problématique de recherche..............................................................79 4e partie : Analyse critique de la recherche et propositions ................................................81

I. Analyse critique du travail de recherche ..................................................................82

A. Les objectifs, la méthodologie et les outils de recherche ........................................82 A.1. Des objectifs redimensionnés mais atteints et une méthodologie

qualitative adaptée .................................................................................82 A.2. Des outils à perfectionner .......................................................................83

B. Evolution de notre pratique professionnelle ............................................................83

II. Quelques propositions ...........................................................................................84

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A. Un approfondissement de la recherche passant par … .........................................84

A.1. … un élargissement de l’échantillon enquêté selon trois niveaux ...........84 A.2. … un autre concept à approfondir ..........................................................85 A.3. … une définition plus large de la CCI à retenir........................................86

B. Une offre de formation à la communication interculturelle ......................................87 B.1. La réponse à un besoin ..........................................................................87 B.2. Une offre à deux niveaux........................................................................88 B.2.1. En formation continue ..................................................................88 B.2.2. En formation initiale......................................................................89

Conclusion ...............................................................................................................................92 Bibliographie & sitographie .......................................................................................................96

Liste des sigles utilisés ............................................................................................................98

Liste des tableaux et schémas .................................................................................................99

Table des matières ...................................................................................................................100

Annexes .............................................................................................................. voir dossier joint